Bienvenue à la 20e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Conformément aux ordres de renvoi adoptés les 11 et 20 avril 2020, le Comité se réunit pour entendre les témoignages concernant la réponse canadienne à la pandémie de COVID-19.
Afin de faciliter le travail de nos interprètes et d'assurer le bon déroulement de la réunion, je vais vous donner quelques règles à suivre.
Premièrement, l'interprétation pour cette vidéoconférence va fonctionner dans une grande mesure comme pour toutes les réunions ordinaires du Comité. Au bas de l'écran, vous avez le choix entre « parquet », « anglais » et « français ». Si vous avez l'intention de parler dans les deux langues officielles, assurez-vous de choisir à l'écran la langue que vous voulez avant de commencer à parler. Par exemple, si vous voulez parler en anglais, choisissez le canal anglais et parlez. Si vous voulez passer au français, choisissez le canal français, et ainsi de suite. Cela garantira une meilleure qualité de son pour l'interprétation.
Avant de parler, veuillez attendre que je vous nomme. Une fois que nous avons commencé les questions, les témoins peuvent parler au besoin. Quand vous êtes prêt à parler, cliquez sur l'icône du microphone afin d'activer votre microphone. Tout membre qui veut demander la parole à un moment autre que celui qui est prévu pour ses questions doit activer son microphone et dire qu'il invoque le Règlement. Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées au président.
Veuillez parler lentement et clairement. Quand vous ne parlez pas, votre microphone doit être en mode silencieux. Si vous avez des écouteurs munis d'un micro, veuillez tenir le micro près de votre bouche quand vous parlez. En cas de problèmes techniques, veuillez en informer immédiatement le président ou la greffière, et l'équipe technique travaillera à les résoudre.
Avant de commencer, je vais demander à tout le monde de cliquer dans le coin supérieur droit de l'écran afin d'afficher la galerie. Ainsi, vous devriez voir tous les participants dans une grille. Tous les participants à la vidéoconférence peuvent se voir.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons, de l'Association canadienne des individus retraités, Mme Marissa Lennox, agente principale des politiques; du Council of Senior Citizens' Organizations of British Columbia, Mme Gudrun Langolf, présidente sortante; du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, président; du Bureau pour la défense des aînés de la Colombie-Britannique, Isobel Mackenzie, avocate pour la défense des aînés; de l'Association canadienne des soins de longue durée, Jodi Hall, présidente; et à titre personnel, Pat Armstrong, professeur émérite de recherche en sociologie à l'Université York.
Nous allons commencer par l'Association canadienne des individus retraités, ou CARP, et par le Council of Senior Citizens Organizations of British Columbia. Si j'ai bien compris, les deux organismes vont partager le temps réservé à un organisme et chacun aura cinq minutes.
Nous vous écoutons, madame Lennox. Je vous ferai signe à mi-chemin.
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Je vous remercie de m'accueillir.
Madame Hall, je suis ravie de vous revoir. Nous avons parlé ensemble devant le Comité HUMA.
CARP est un organisme non partisan sans but lucratif national qui compte 320 000 membres répartis dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada. Il est important de souligner que, si la plupart de nos membres sont à la retraite et profitent d'une éducation et de revenus supérieurs à la moyenne, la très grande majorité d'entre eux se disent régulièrement d'accord pour que CARP représente les intérêts de tous les Canadiens âgés au Canada. Nous croyons que toutes les personnes âgées méritent de vivre dans la dignité et le respect, quels que soient leur niveau de revenus, le soutien qu'elles reçoivent de leur famille ou leurs problèmes de santé.
C'est en ce qui concerne les éléments suivants des soins de santé que la COVID-19 a nui aux principes fondamentaux d'un vieillissement réussi et révélé le manque de planification et de préparation qui auraient permis d'assurer la santé et le bien-être des personnes âgées pendant une pandémie.
Le premier élément, qui est aussi le plus évident, est celui des soins de longue durée. Si la COVID a révélé quelque chose, c'est bien que nous parquons des aînés fragiles et très malades dans des endroits dangereux qui sont sous-financés et qui manquent d'employés, dont des employés qui, souvent, ont peu de formation reconnue ou n'en ont pas du tout. Nous nous attendons à ce que ces personnes ou leurs familles paient une partie importante du privilège d'être installées dans de tels établissements. Nous avons fait courir aux résidents ainsi qu'aux employés un immense risque en ne fournissant pas assez tôt et en priorité de l'EPI aux établissements de soins de longue durée. Il arrive trop souvent que la planification du système de santé se limite à ce qui est couvert par les fonds gouvernementaux. Nous croyons qu'il est temps de repenser cela, en période de pandémie.
Il est inadmissible que 82 % des 5 000 personnes décédées à cause de la COVID-19 au Canada soient des membres d'une population que nous avons le devoir de protéger. Nous avons échoué. Cette responsabilité n'appartient pas uniquement au gouvernement fédéral, mais il est du devoir du gouvernement fédéral de veiller à ce que cela ne se produise plus jamais. Si nous avons appris quelque chose, c'est que nous n'avions pas de véritable plan pour les aînés en établissements de soins de longue durée, au cas où une pandémie de ce genre se produirait, et ce, malgré les avertissements que nous avons reçus d'autres pays, malgré que nous ayons eu antérieurement des crises d'une envergure semblable, comme le SRAS et le SRMO, et malgré l'expérience que nous avons de la grippe saisonnière qui se répand dans ces établissements et qui coûte la vie à des aînés chaque année. Ils sont les membres les plus vulnérables de notre société. Nous pouvons et nous devons faire mieux.
Le deuxième élément est celui des services de soins à domicile. CARP examine depuis longtemps les effets positifs constatés dans d'autres pays du monde qui ont relevé le défi des soins de longue durée en mettant en place des solutions novatrices pour optimiser les soins à domicile. Le Danemark, la Norvège et la Finlande sont quelques exemples. Au Canada, on signale qu'au moins 20 % des résidents d'établissements de soins de longue durée auraient pu profiter de solutions répondant à leurs besoins à domicile.
Cela étant dit, pour les services de soins à domicile communautaires offerts par des aides ou des fournisseurs de services de soutien personnel et autres formes d'aide à domicile, la COVID-19 a fait surgir plusieurs problèmes. Le premier était le manque d'EPI qui, avec l'utilisation croisée de personnel circulant entre les maisons de retraite et les domiciles de particuliers ayant besoin de soutien chez eux, a contribué à un fort taux de transmission communautaire dans les deux contextes. Il y a manifestement eu un manque de direction et d'orientation pour les personnes soignantes et les soutiens aux familles, ce qui a confirmé le fait que les fournisseurs de soins à domicile n'étaient pas considérés dans le cadre de la réaction à la pandémie.
Le troisième enjeu que j'aimerais soulever est celui des retards qui s'accumulent en chirurgie. La priorité a été accordée à la COVID-19 au détriment de nombreuses activités de diagnostic, de traitement et de chirurgie. Notamment, les Canadiens sont réticents à obtenir des traitements pour des symptômes qui ne sont pas associés à la COVID. Ce n'est pas qu'une possibilité; c'est une réalité. CARP s'inquiète de ce que cela pourrait signifier pour la santé de nos aînés qui souffrent de maladies chroniques ainsi que de maladies graves comme le cancer et les maladies cardiaques. Il faut accorder la priorité à ces retards et aux conditions qui requièrent de tels soins.
Si j'ai le temps, j'aimerais attirer votre attention sur deux autres choses.
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Nous faisons partie du Council of Senior Citizens' Organizations of B.C. Nous formons la plus importante fédération d'organismes d'aînés indépendants et gérés par des bénévoles en Colombie-Britannique. Nous comptons environ 100 000 membres et nous venons de tous les milieux socioéconomiques. Nous sommes très fiers de n'avoir aucun but lucratif et de n'accepter aucune commandite commerciale comme des dons de compagnies pharmaceutiques ou de fournisseurs de services à but lucratif.
En tant que citoyens et citoyens âgés, nous sommes fiers des Canadiens et nous sommes extrêmement reconnaissants aux Canadiens en général d'avoir répondu à l'appel à l'action afin de réduire la transmission du virus à d'autres personnes, en particulier aux personnes vulnérables comme nous, les aînés. Nous vous remercions de tous vos efforts dans le contexte de cette crise sanitaire sans précédent qui a pris un grand nombre d'entre nous par surprise. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous faire part de nos idées et de nos recommandations au sujet des soins de longue durée en particulier et des soins de santé des aînés en général.
En passant, nous vous savons gré de votre rapport sur le programme national d'assurance-médicaments et nous sommes impatients de voir les résultats de cela.
Près de la moitié des personnes décédées à cause de la COVID-19 étaient des aînés qui vivaient dans des établissements se faisant passer pour des foyers de soins. Les conditions épouvantables qui ont été dramatiquement portées à l'attention du public existent — c'est une honte — depuis plusieurs décennies. Elles prévalaient bien avant cette pandémie. Les politiques publiques semblent en grande partie fondées sur des préjugés intrinsèques fondés sur l'âge, dans une grande mesure comme le racisme ou le sexisme. Lutter contre la discrimination fondée sur l'âge et l'éradiquer va exiger une attention systémique intense au fil du temps.
Nous ne connaissons pas d'aînés qui ont hâte d'être placés en foyer. C'est parce que les gens sont vraiment réticents à se faire placer dans un entrepôt pour y attendre une fin inévitable. Tout le monde a entendu au moins une histoire d'horreur. Dans un effort sans précédent pour consulter les aînés hébergés en établissements de soins, notre protecteur des aînés de la Colombie-Britannique a interrogé le plus grand nombre possible de résidents. Les répondants ont été très nombreux à se montrer quelque peu réticents à exprimer des plaintes précises, outre l'horaire strict, les douches insuffisantes et ce genre de choses. De plus, ce qui était très éloquent pour nous, c'est qu'une énorme proportion de répondants ont confessé ne pas vraiment vouloir être là. Vous pouvez voir les rapports en ligne, en passant. Je ne vais donc pas en analyser les données.
La maltraitance et la négligence des aînés représentent une violation du droit fondamental de quiconque à la sécurité de sa personne. Si cette discrimination existe et se répand, c'est à cause du sous-financement chronique des soins de santé destinés aux aînés et aux autres personnes vulnérables au Canada; de l'accélération de la privatisation et de la marchandisation des soins aux aînés; de l'absence ou de l'inefficacité d'une surveillance exercée par le gouvernement concernant les investissements étrangers dans les soins des aînés; de l'absence de normes de soins uniformes et obligatoires à l'échelle nationale; et de l'absence d'un vocabulaire cohérent et commun décrivant les services fournis ou offerts aux aînés.
Nous réclamons la réforme complète des dispositions visant les soins de longue durée au Canada et nous réclamons que des organismes d'aînés indépendants comme le nôtre soient consultés dans le cadre de ce processus. Nos recommandations sont les suivantes.
Premièrement, que le gouvernement fédéral entreprenne immédiatement une réforme transformationnelle des lois, règlements, pratiques et niveaux de financement liés aux soins de longue durée. Deuxièmement, que le gouvernement fédéral lance une enquête nationale sur la privatisation en cours des soins de santé pour les aînés. Troisièmement, que les soins de santé prodigués aux aînés dans les établissements de soins de longue durée ainsi que dans les établissements de soins paramédicaux soient inclus dans la Loi canadienne sur la santé. Quatrièmement, que le gouvernement interdise l'investissement étranger dans les établissements privés de soins de longue durée et qu'il élimine progressivement la propriété privée d'établissements de soins de longue durée. Cinquièmement, que les gouvernements fédéral et provinciaux interdisent la sous-traitance des services essentiels qui servent à protéger la santé et la sécurité des aînés. Sixièmement, que les principes et les normes nationaux soient ancrés dans les dispositions législatives nationales et internationales touchant les droits de la personne et élaborés spécifiquement pour protéger les droits des aînés dans les établissements de soins de longue durée au Canada. Septièmement, que des mesures de responsabilisation et d'exécution soient établies en fonction de systèmes de production de rapports nationaux en vue d'une surveillance régulière de la prestation des soins aux aînés, et qu'un défenseur des aînés canadiens soit nommé pour surveiller la mise en place de ces changements et pour en faire rapport directement au gouvernement.
Il est clair qu'aucune personne ayant le pouvoir d'apporter des changements n'a écouté les aînés jusqu'à maintenant. Si on les a écoutés, rien n'indique que les choses ont changé. Le fait que les aînés qui vivent dans un établissement représentent presque la moitié des décès attribuables à la COVID-19 au pays est un signal d'alarme pour les Canadiens.
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À partir de l'analyse des documents et informations obtenus, il appert que l'urgence de santé publique au Québec, déclarée le 13 mars 2020 par le gouvernement du Québec — c'était presque deux mois après le premier avertissement de l'Organisation mondiale de la santé, ou OMS —, n'incluait pas de mesures de dépistage ou de tests dans les CHSLD, dans les maisons de retraite et dans les résidences privées pour personnes âgées.
Pourtant, à cette date, quatre avertissements avaient déjà été émis par l'OMS, une note confidentielle avait été remise à la ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec sur les préoccupations à l'égard des personnes âgées et des dizaines de reportages médias avaient été diffusés partout au monde, dont plusieurs en France et aux États-Unis, en guise d'alerte concernant les personnes âgées et les maisons de retraite.
Ainsi, toujours selon les documents et informations obtenus, on observe qu'avant le 13 mars 2020, selon les propres dires du chef du cabinet de la ministre de la Santé, M. Valois, « on se prépar[ait] tranquillement [...], mais ce n'[était] pas le branle-bas de combat [pour le moment] ».
Pour le directeur de la Santé publique, le docteur Horacio Arruda, en vacances pendant quelques jours au Maroc à la fin de février, et même pour le premier ministre Legault, en vacances jusqu'au 8 mars, la COVID-19 n'apparaissait effectivement pas, du moins au Québec, comme une urgence nationale, c'est-à-dire exigeant d'identifier, de tester, d'isoler et de traiter les personnes âgées.
C'est du moins l'observation que l'on peut faire quant à l'absence des mesures de dépistage, d'isolement et de traitement recommandées pourtant par l'OMS depuis le début du mois de février, particulièrement auprès des personnes âgées des CHSLD et des résidences pour personnes âgées.
Ce n'est que le 7 avril 2020, soit trois mois plus tard, et après quatre avertissements de l'OMS ainsi qu'une note privée à la ministre de la Santé au sujet des centaines de reportages médias dans le monde, que le gouvernement du Québec décide enfin d'agir auprès des personnes âgées des CHSLD, et des résidences pour personnes âgées. Au Québec, 81 % des décès découlant de la COVID-19 sont liés aux gens qui sont morts dans les CHSLD et dans les résidences privées pour personnes âgées.
Dans un communiqué du 7 avril du gouvernement du Québec, le premier ministre M. François Legault, a dit que « ma priorité, c'est de protéger nos personnes âgées ». Le 10 avril 2020, l'entourage de M. Legault apprend, comme s'il arrivait d'un long voyage interstellaire, que la COVID-19 se répand comme un feu de brousse chez les personnes âgées dans les CHSLD et dans les résidences pour personnes âgées, soit presque trois mois après le premier avertissement de l'OMS, dont le dernier est en date du 1er mars.
[Traduction]
De plus, les premiers rapports laissent entendre que la gravité de la maladie est liée à l'âge et à la comorbidité. C'est ce qui est écrit dans le bulletin du 1er mars 2020.
[Français]
Le gouvernement du Canada et les autorités responsables de la gestion et de la sécurité sanitaire des CHSLD du Québec en particulier ont, à notre avis, scandaleusement failli à leur tâche dans la préparation à des crises sanitaires comme celle de la COVID-19. Ils ont tardé à mettre en place les mesures nécessaires pour tester et traiter les personnes âgées et le personnel des CHSLD, comme le recommandait pourtant l'OMS depuis le 5 février et le 1er mars 2020.
Ils ont provoqué, à notre avis, une atteinte à des droits fondamentaux de milliers de Canadiens et de Québécois, des gens qui avaient pourtant droit à la vie, le droit de recevoir des soins vitaux, de ne pas être négligés dans les soins de plaies de lit, d'être nourris convenablement, de pouvoir boire de l'eau lorsqu'ils avaient soif, d'être hydratés. Des urgentologues du Québec nous ont dit que des patients avaient été hospitalisés dans des hôpitaux non pas à cause de la COVID-19, mais pour cause de déshydratation et de malnutrition.
Ces gens avaient droit à l'intégrité de leur personne, le droit de ne pas être hébergés avec des personnes infectées, de ne pas faire l'objet de manœuvres pour être levés ou changés, alors qu'ils étaient lourdement handicapés, par du personnel ou des bénévoles bien intentionnés, mais incompétents. Ils avaient droit à la dignité, le droit d'être traités comme des personnes, de ne pas être laissés avec une couche d'incontinence complètement souillée pendant des jours, d'être accompagnés à la toilette, de ne pas être abandonnés, de ne pas mourir seuls, sans dignité.
Les autorités des CHSLD du Québec n'étaient pas préparées à la COVID-19, malgré les recommandations de 2013 de l'Agence de la santé publique du Canada et de la Direction de la protection de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Comment les gouvernements canadiens et québécois ont-ils pu laisser des personnes âgées dans cette situation et ne pas réagir plus tôt aux avertissements de l'OMS et à l'information provenant de plusieurs pays dans le monde?
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Merci de m'avoir invitée à faire part de mes réflexions et de mes observations sur notre réponse initiale à la COVID-19 en ce qui a trait aux aînés. Je parle de « réponse initiale » étant donné que nous ne sommes pas encore passés au travers. Nous allons inévitablement découvrir d'autres problèmes qui ne sautent pas encore aux yeux. Comme vous le savez, nous ne sommes qu'au deuxième mois et demi de ce qui sera un parcours d'un an ou de 18 mois.
Je pense que la plupart d'entre nous ont vu, pendant notre réponse à la pandémie, l'apparition de failles dans beaucoup de facettes de notre société et de notre économie, mais plus particulièrement en ce qui concerne les aînés. Je crois que nous devons reconnaître que les répercussions de la COVID-19 diffèrent selon leur revenu, leur statut social et leur état de santé. Ce qu'un aîné vit ne représente pas nécessairement ce que vivent les autres.
J'ai tenté de créer des catégories pour voir en quoi consistent ces différences. Lorsque nous regardons la catégorie des aînés à faibles revenus, je pense que nous voyons des répercussions différentes par rapport aux autres sphères de la société. Comme le savent probablement la plupart d'entre vous, les aînés ont les revenus les plus bas parmi toutes les cohortes de plus de 25 ans. Ils sont très sensibles aux petites hausses de prix.
Il est vrai que les aînés n'ont pas encore subi la moindre diminution de revenus. Les pensions demeurent évidemment inchangées. Ils n'ont pas encore vraiment souffert de la diminution des revenus de placement. On ne connaît pas encore la mesure dans laquelle ils en souffriront. Je suis certaine que beaucoup de députés membres de ce comité comptent parmi leurs concitoyens des aînés à faible revenu qui sont sensibles aux augmentations de prix. Je suis certain que vous avez entendu parler de l'augmentation du coût des aliments, d'une part à cause de véritables hausses des prix, et d'autre part parce que les aînés qui allaient d'un supermarché à l'autre ou d'un magasin à l'autre pour trouver des spéciaux ne peuvent plus le faire. Une hausse de 50 ou 60 $ de la note d'épicerie d'un aîné à faible revenu peut avoir des répercussions considérables.
Les aînés sont également moins susceptibles de bien se débrouiller avec les moyens virtuels de communication à leur disposition, comme l'application Zoom, parce qu'ils ont moins tendance à avoir des appareils et beaucoup moins tendance à avoir l'Internet. À l'avenir, l'une des choses auxquelles le gouvernement fédéral peut réfléchir, c'est un moyen d'offrir Internet à faible coût. Nous avons beaucoup mis l'accent sur l'accès à Internet dans toutes les régions du Canada, y compris les régions rurales. C'est très important. Nous ne pouvons pas ignorer le fait que ce service coûte aussi très cher, surtout pour les personnes à faible revenu, et plus particulièrement pour les aînés à faible revenu qui ne peuvent pas nécessairement tout regrouper sur un téléphone intelligent.
Je pense que les répercussions sur les aînés à faible revenu n'ont pas été immédiates. Ils ne les ont pas ressenties le premier jour, mais elles se sont aggravées avec le temps. Je pense qu'elles continueront de s'aggraver puisqu'ils sont vulnérables aux petites fluctuations des prix que nous verrons selon moi au cours de la prochaine année.
Alors que nous pratiquons la distanciation sociale, que nous restons à six pieds des autres, que nous nous isolons à la maison et que nous disons aux aînés qu'il est d'autant plus important pour eux de rester loin des autres, nous devons reconnaître qu'ils sont plus susceptibles de vivre seuls. En effet, 23 % des personnes de 65 à 85 ans vivent seules. Ce chiffre passe à 41 % pour les personnes de 85 ans et plus. À titre comparatif, moins de 10 % des personnes de 35 à 65 ans vivent seules. Lorsqu'on pratique la distanciation sociale à partir de son propre domicile, c'est différent lorsqu'on a un partenaire ou des enfants avec qui parler. Je pense que nous devons tenir compte des conséquences de cette réalité, qui empireront avec le temps. On ne le verra pas tant au cours de la première ou de la deuxième semaine, mais à mesure que les semaines deviennent des mois, je pense que nous devrons reconnaître l'incidence très disproportionnée de cette réalité sur les aînés puisqu'ils sont beaucoup plus susceptibles de vivre seuls.
La réponse à la COVID-19 varie selon l'état de santé de l'aîné. La situation d'un aîné âgé de 65 ou même de 90 ans, mais qui est vigoureux et autonome, qui peut exécuter toutes les activités courantes de la vie quotidienne, qui vit avec son conjoint ou sa conjointe et qui a un revenu suffisant, ressemble à celle de beaucoup d'entre nous face à la COVID-19. Cependant, la majorité des aînés de plus de 85 ans ont besoin d'aide pour accomplir leurs activités quotidiennes et peut-être même pour être autonomes. Ils seront donc touchés. Je suis certaine que Mme Lennox et peut-être d'autres témoins parleront des soins à domicile ainsi que de la façon dont l'accès à ces soins et l'incidence de la COVID-19 sur leur prestation toucheront certains aînés.
La COVID-19 aura un effet sur la santé mentale de certains aînés à mesure qu'ils constatent à quel point ils sont vulnérables lorsqu'ils ont besoin d'aide pour accomplir leurs activités quotidiennes. Ils n'aimaient peut-être pas les soins qu'ils recevaient régulièrement à leur domicile, mais lorsqu'il est devenu évident qu'on pourrait avoir du mal à les maintenir, je pense effectivement qu'une anxiété supplémentaire sous-jacente s'est installée chez certains aînés vivant seuls qui deviennent vulnérables lorsque les autres ne peuvent pas venir les aider, même si, à ma connaissance, il n'y a pas eu de si grandes répercussions à cet égard. Chose certaine, en Colombie-Britannique, nous n'avons heureusement pas observé d'effet sur les soins à domicile offerts aux aînés.
Il y a aussi ceux qui reçoivent une aide à la vie autonome ou des soins de longue durée. Pour eux, les difficultés économiques ne sont pas graves, mais d'autres difficultés le sont. Il y a d'abord la peur, mais aussi l'incapacité de recevoir la visite de membres de leur famille, ce qui est encore le cas en Colombie-Britannique et, je crois, dans les autres provinces. Espérons que nous trouverons un moyen sécuritaire d'autoriser à nouveau les visites pour leur permettre au cours de la prochaine année de renouer des liens perdus pendant les deux derniers mois. Les conséquences de cette réalité sont graves.
Il y a aussi les membres de la famille des résidants des établissements de soins de longue durée et d'aide à la vie autonome. Ils seront profondément touchés sur deux plans: dans leur incapacité à visiter leurs proches et dans ce qu'ils entendent, voient et apprennent à propos de ce qui se produit dans certaines parties de notre système de soins de longue durée. Je pense qu'il est important de reconnaître et de comprendre que de nombreux foyers de soins de longue durée n'ont pas eu d'éclosion de COVID-19, et que d'autres qui en ont eu une, comme ici, en Colombie-Britannique, il y a environ un mois, ont réussi à rapidement la contenir. Je pense qu'il est important de ne pas oublier — Mme Langolf a d'ailleurs parlé du sondage mené auprès des résidants des centres de soins de longue durée avant la COVID-19 — que même s'ils sont nombreux à ne pas vouloir être là, à ne pas se sentir chez eux et à ne pas recevoir ce qu'ils veulent, beaucoup d'autres ne sont pas du même avis.
C'était intéressant selon moi de mener un sondage dans l'ensemble de nos foyers. Je ne pense pas qu'une autre province l'ait fait à si grande échelle. Mon bureau a interrogé, indépendamment des foyers et de l'autorité sanitaire, l'ensemble des foyers financés par l'État, des résidants et des membres de leur famille, et la moitié d'entre eux ont dit que les soins étaient bons et l'autre moitié qu'ils n'étaient pas très bons. Une grande partie de ces personnes se trouvaient dans le même établissement.
Il faut comprendre que l'expérience vécue dans un établissement de soins de longue durée dépend d'un certain nombre de choses: les attentes ainsi que les expériences antérieures et l'état de santé. Il n'est pas étonnant que le niveau d'insatisfaction augmente avec le niveau de complexité. Plus on avait besoin d'aide, moins on était satisfait. Moins on avait besoin d'aide, plus on était satisfait. Je pense que cela témoigne de certaines failles rendues maintenant très publiques dans les niveaux et les modèles de dotation que nous avons dans le système de soins de longue durée partout au Canada. L'expérience vécue par ces personnes face à la COVID-19 est différente.
Quels sont nos plus grands défis? Chose certaine, je veux commencer par parler du revenu. Il ne fait aucun doute que le revenu pose problème à environ le tiers ou à peut-être 40 % des aînés canadiens. Beaucoup d'aînés ont un revenu suffisant, sans doute plus que suffisant, mais nous devons nous rappeler...
Pour mesurer la situation, je me sers entre autres du Supplément de revenu garanti. Si un aîné y a droit, il a un faible revenu. C'est lié à leur...
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Merci de cette occasion de parler devant le Comité.
L'Association canadienne des soins de longue durée est la chef de file des soins de qualité au Canada. Nos membres offrent des services financés par l'État à des aînés partout au pays.
Je vais d'abord rendre hommage aux aînés que la COVID-19 a emportés. Nous sommes de tout cœur avec leurs familles. Je suis certaine que vous vous joignez tous à moi pour leur offrir nos plus sincères condoléances.
Je profite aussi de l'occasion pour remercier nos fournisseurs de soins de santé de première ligne, qui travaillent sans relâche et avec beaucoup de compassion pour offrir les soins nécessaires.
Au moment de revenir sur la COVID-19, nous prendrons le temps de comprendre ce qui aurait pu être fait différemment, mais je crois que les répercussions de la COVID-19 sur nos foyers de soins de longue durée auraient pu être atténuées si les gouvernements s'étaient montrés proactifs en soutenant le secteur avant l'éclosion.
La COVID-19 a empiré certains des problèmes que je vais mentionner aujourd'hui, mais ce sont vraiment des problèmes systémiques dont nos membres parlent depuis de nombreuses années. Je tiens à préciser que la COVID-19 a touché tous les types de foyers, et ils ont tous vécu une expérience différente. C'est une période extrêmement difficile et douloureuse pour toutes les personnes concernées, y compris les résidants et leurs familles, le personnel de première ligne et aussi ceux qui gèrent les foyers de soins de longue durée. Nous demandons tout simplement que les efforts de la nation continuent de rallier et de soutenir les gens dans les foyers de soins de longue durée.
L'expérience vécue face au virus diffère en fonction d'un éventail de facteurs. Ces facteurs comprennent l'infrastructure, la dotation en personnel dans les foyers avant et pendant l'éclosion, et la rapidité avec laquelle les foyers peuvent se procurer de l'équipement de protection individuelle et avoir du personnel de soutien lorsqu'ils en ont vraiment besoin.
Au début de la pandémie, le dépistage, la possibilité de séparer les résidants et les mesures de prévention des infections étaient axés sur les aînés et les fournisseurs de soins qui présentaient des symptômes. Les spécialistes en prévention des infections et les scientifiques du domaine de la santé publique savent maintenant que les porteurs asymptomatiques sont hautement contagieux et que la période d'incubation de la COVID-19 est beaucoup plus longue que celle d'autres virus. Par conséquent, les foyers où le virus s'est répandu plus tôt semblent avoir été les plus durement touchés.
J'aimerais aussi rectifier quelques idées fausses. Tous les soins prodigués dans les foyers de soins de longue durée, que ce soit par un médecin, une infirmière ou un autre fournisseur de soins de santé, sont couverts par les gouvernements provinciaux. Les provinces ne réglementent pas les soins de longue durée tout à fait de la même façon, mais les foyers reçoivent généralement une enveloppe budgétaire pour assurer les soins, les programmes et la dotation en personnel.
En Ontario, par exemple, le gouvernement finance l'ensemble des foyers de soins de longue durée à l'aide de dépenses hautement normatives, lesquelles font l'objet de vérifications effectuées par des ministères, et le gouvernement est toujours informé des conclusions de ces vérifications. Chaque dollar explicitement destiné aux soins infirmiers, aux soins personnels ou aux denrées alimentaires qui n'est pas dépensé doit être retourné au gouvernement provincial; aucun profit n'est réalisé à partir de ces enveloppes budgétaires.
Dans d'autres secteurs d'activité, les niveaux de dotation sont hautement normatifs et le modèle de financement est extrêmement complexe. C'est hautement normatif, strictement réglementé et surveillé régulièrement par chaque gouvernement provincial.
Je vais maintenant parler des problèmes systémiques qui constituent selon nous un facteur aggravant de la COVID-19.
Il y a tout d'abord l'infrastructure. Beaucoup de foyers de soins de longue durée ont des salles de trois et quatre lits. Ils n'ont pas de salles privées, et il est donc difficile de mettre en œuvre des mesures de séparation et d'isolement. Ils ont généralement des couloirs plus étroits et une seule salle à manger centrale dans la plupart des cas, ce qui complique beaucoup la distanciation adéquate des résidants.
L'Agence de la santé publique du Canada a publié des lignes directrices provisoires sur le contrôle des infections pour les établissements de soins de longue durée. Certaines des directives, comme les restrictions relatives à certaines zones de travail et l'utilisation de chambres individuelles pour des types de soins, sont presque impossibles à appliquer dans l'ensemble des établissements, en particulier dans les anciennes installations. Tout plan de gestion des éclosions en vigueur dans ces vieux foyers, y compris l'isolement des résidents asymptomatiques, est sérieusement entravé par le manque d'espace et les possibilités offertes par l'aménagement. Nous pouvons constater les dégâts épouvantables que peuvent causer les chambres partagées en cas d'épidémie.
Nous savons qu'il y a au moins 400 établissements de soins de longue durée au pays qui doivent être modernisés et qui nécessitent des rénovations. Il faut absolument que le gouvernement fédéral soutienne ce secteur en lui donnant accès au financement fédéral des infrastructures déjà en place, une initiative qui pourrait être gérée de bien des façons. Nous avons aussi entendu la parler récemment du soutien financier qui est offert aux projets prêts à démarrer dans le cadre des mesures visant à stimuler l'économie après la pandémie. Ces projets sont bel et bien prêts à démarrer, et nous pourrions assurément progresser rapidement avec l'aide du fédéral.
L'autre problème systémique que je voudrais soulever se rapporte à la santé et aux ressources humaines. C'est un défi qui se pose dans le secteur et qui atteint pratiquement des proportions de crise d'un bout à l'autre du pays. Il est de plus en plus difficile d'attirer et de retenir des travailleurs voulant faire carrière dans les soins aux aînés, surtout en vue du vieillissement de la population qui touche tout le pays. Nous prenons soin de personnes qui souffrent de pathologies multiples et complexes dans une mesure bien plus grande que par le passé.
Nous réclamons une stratégie en matière de santé et de ressources humaines pour le secteur des soins de longue durée. Nous avons désespérément besoin d'une telle stratégie, qui insisterait sur le nombre de fournisseurs de soins requis, leur composition et leur répartition géographique, de même que sur un cadre convenable pour la prestation des soins. La création et la mise en œuvre d'une telle stratégie pancanadienne en matière de santé et de ressources humaines doivent être initiées par le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces, les territoires et le secteur des soins de longue durée.
Pour terminer, le secteur est aux prises depuis des années avec des défis systématiques que nous avons mis en évidence. La COVID-19 a vraiment exacerbé la situation. Comme nous l'avons déjà fait, nous demandons encore au gouvernement fédéral d'aider le secteur pour garantir que les aînés ont accès aux habitations et aux soins dont ils ont besoin, non seulement en temps de crise, mais aussi tous les jours.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous, et j'ai hâte de répondre aux questions.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur cette question essentielle.
Dans les années 1980, la Commission de l'équité salariale de l'Ontario m'a demandé d'étudier le secteur de la santé pour voir qui serait absent de la législation. Voilà qui est à l'origine de mes recherches sur les soins de longue durée en établissement, communément appelés des foyers de soins.
Plus récemment, j'ai été la chercheuse principale d'un projet interdisciplinaire de 10 ans qui s'intitule « Re-imagining Long-Term Residential Care: An international study of promising practices ». Cette recherche a conduit des équipes interdisciplinaires internationales, composées principalement de chercheurs chevronnés, dans les foyers de six pays: l'Allemagne, la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada. Nous avons observé la situation, interrogé des gens et réfléchi ensemble à ce que nous avons vu et entendu pendant la semaine que nous avons passée dans chacun de ces foyers.
Ce projet et une série d'autres projets connexes nous ont permis de confirmer nos hypothèses principales, que je souhaite exposer ici.
Tout d'abord, nous avons besoin de foyers de soins maintenant et à l'avenir pour ceux qui nécessitent des soins 24 heures par jour. De tels soins ne peuvent pas être dispensés dans des domiciles privés puisque bien des gens n'ont pas de maison ou, du moins, n'en ont pas une qui soit adaptée à cette fin. Aussi, les soins requis sont spécialisés et exigeants. Votre grand-mère et la mienne n'ont jamais eu affaire à ce genre de soins puisque peu de gens vivaient aussi longtemps, et encore moins dans les conditions d'aujourd'hui, compte tenu des technologies requises. Ce sont bien sûr majoritairement des femmes non rémunérées pour leur travail qui fournissent aujourd'hui des soins à domicile, souvent au détriment de leur santé d'aujourd'hui et de demain. Nous devons prendre les dispositions nécessaires pour avoir plus de foyers de soins accessibles, où des soins sont dispensés 24 heures par jour.
En deuxième lieu, les conditions de travail reflètent l'état des soins. Parmi ces conditions, on compte assurément une dotation adéquate quant au nombre d'employés, à la composition du personnel, à la formation et à la rétention. Il y a également la rémunération et les avantages sociaux, et plus particulièrement les congés de maladie payés, de même que des conditions d'emploi raisonnables, comme les heures de travail, la durée du quart de travail et la possibilité de faire des choix à ce chapitre. Ces conditions englobent aussi le matériel, et pas seulement l'équipement de protection individuelle qui a à juste titre reçu beaucoup d'attention aujourd'hui. Il faut inclure des éléments tels que les lève-personne et les chariots si l'on pense au risque pour la santé des résidants et du personnel.
Or, l'état des soins va beaucoup plus loin. Parmi les conditions essentielles, on compte une autonomie raisonnable, assez de temps pour prodiguer les soins que les travailleurs ont appris grâce à leur formation et à leur expérience, et le soutien des équipes. Il y a également les protections syndicales, en particulier le droit de refuser les conditions sur le terrain et la violence qui est beaucoup trop courante. Dans le même ordre d'idée, la configuration du foyer, comme nous venons de l'entendre, et son emplacement façonnent les soins.
Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive des conditions nécessaires aux soins. Nous devons tenir compte de tous ces éléments dans la planification des soins pendant la pandémie et après celle-ci, sans quoi nous n'aurons plus de main-d'œuvre. C'est ce que l'Organisation de coopération et de développement économique, ou OCDE, et l'Organisation internationale du travail, ou OIT, ont récemment indiqué dans leur rapport de décembre.
En troisième lieu, ces conditions doivent tenir compte de tous ceux qui vivent dans des établissements de soins de longue durée, qui y accomplissent un travail rémunéré ou non et qui visitent ces lieux. Nos recherches démontrent clairement que ce ne sont pas seulement les soins offerts directement par le personnel infirmier qui sont essentiels. Les médias se sont récemment intéressés au nettoyage en temps de pandémie. Or, il n'a pratiquement pas été question des services de buanderie et de diététique, qui sont fort importants maintenant, mais qui sont toujours essentiels aux soins. Par ailleurs, les familles font bien plus que les étreintes qui ont retenu l'attention des médias. Elles comblent également les lacunes qui subsistent dans d'autres tâches connexes aux soins, tout comme les accompagnants payés par des particuliers que de nombreuses familles embauchent. Les bénévoles apportent également une contribution essentielle aux activités sociales et à l'environnement physique, qui sont indispensables aux soins dans les établissements de soins de longue durée.
Ces dernières années, le travail non rémunéré des familles et des bénévoles, le travail rémunéré des personnes non afférentes au personnel et le travail non payé du personnel rémunéré ont tous pris de l'expansion de façon à combler les manques en matière de soins, depuis bien avant la pandémie. Nous devons combler les lacunes du côté des soins, et veiller à ce que toute personne qui prodigue des soins ait la formation requise.
En quatrième lieu, il s'agit d'un travail qualifié et sexospécifique. Nous avons beaucoup entendu parler de l'héroïsme de ces travailleurs, qui pourrait donner lieu à une journée de reconnaissance comme la fête des Mères. La Loi sur l'équité salariale est issue de recherches démontrant qu'il existe une discrimination systémique au sein de la population active. En raison de cette discrimination, le travail des femmes est invisible, et leurs compétences, leurs efforts, leurs responsabilités et leurs conditions de travail sont sous-évalués.
Dans le cas qui nous intéresse, on parle assurément d'un travail effectué par des femmes, qu'il s'agisse du personnel, des fournisseurs, des familles ou des bénévoles. Plus de quatre emplois de ce secteur sur cinq sont occupés par des femmes; aussi, une bonne partie d'entre elles sont nouvellement arrivées dans la région ou appartiennent à une minorité ethnique. On suppose à tort qu'il s'agit d'un travail que toute femme peut accomplir du seul fait qu'elle est une femme. La valeur du travail et les compétences nécessaires sont encore plus sous-estimées du fait qu'il s'agit principalement de femmes qui prennent soin d'autres femmes âgées.
Voilà qui me rappelle une entrevue que j'ai réalisée en Norvège auprès de la gestionnaire des ressources humaines d'un grand foyer. J'ai demandé à la dame ce qui l'avait surprise lorsqu'elle était arrivée en poste après avoir travaillé dans une grande entreprise médiatique. Elle m'a répondu: « Je ne pouvais pas croire à quel point ces femmes travaillent fort. » Lorsque j'ai voulu savoir ce qu'elle ferait si elle était à la tête du pays, elle m'a avoué ceci: « Je verserais à ces femmes un salaire supérieur à celui des hommes qui travaillent sur les plateformes pétrolières, étant donné qu'elles travaillent plus fort. »
Nous devons reconnaître la valeur de ce travail. Nous devons l'appuyer puisque c'est un travail qualifié et exigeant qui comporte son lot de responsabilités. Nous devons le faire maintenant, mais aussi pour l'avenir.
Cinquièmement, le contexte est important. Dans le cadre de nos recherches, nous parlons de pratiques prometteuses plutôt que de pratiques exemplaires, car il y a souvent différentes façons de prodiguer des soins de la meilleure qualité possible. Nous pouvons nous inspirer d'autres pays et d'autres régions, tout en reconnaissant que ce qui fonctionne bien à Toronto pourrait ne pas convenir aux zones rurales de la Nouvelle-Écosse. Il n'en demeure pas moins que nous pouvons définir de grands principes pour l'établissement des conditions, et ce, dans le but de protéger les travailleurs, les résidents, les familles et les bénévoles.
En sixième lieu, la recherche de profits ne rime pas toujours avec une qualité accrue des soins, un gain en efficacité ou un choix accru, ni bon nombre des pratiques issues de ce secteur. En effet, la privatisation peut avoir l'effet inverse. Nous devons veiller à ce que les deniers publics soient consacrés aux soins plutôt que de servir à gonfler les profits; aussi, les décisions doivent être prises de manière démocratique plutôt que par des actionnaires. Parallèlement, nous devons établir des normes pour tous les foyers et veiller à ce qu'elles soient respectées et mises en application.
Nous avons tiré de nombreuses autres leçons, qui me prendraient toutefois bien plus de 10 minutes à expliquer. Permettez-moi de conclure en disant qu'il faut en définitive que le gouvernement fédéral prenne les rênes, comme beaucoup l'ont dit aujourd'hui. Selon moi, cette initiative pourrait prendre la forme d'une législation similaire et parallèle à la Loi canadienne sur la santé, qui prévoit un financement conditionnel basé sur la preuve que les principes et les critères sont respectés.
Nous avons tout un éventail d'études et de commissions qui fournissent suffisamment de preuves et de conseils pour agir rapidement. Ce faisant, nous devons toutefois écouter la voix des personnes qui vivent dans les établissements de soins de longue durée, qui y travaillent avec rémunération ou non et qui visitent ces endroits. Nous devons rendre les foyers de soins sûrs et accessibles, mais aussi veiller à ce qu'ils soient organisés, financés et conçus pour que la vie en vaille la peine aux yeux de tous ceux qui vivent dans ces établissements, qui y travaillent et qui les visitent.
Merci. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
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Jusqu'ici, en Colombie-Britannique, la probabilité d'épidémie dans un établissement conventionné de soins diffère nettement de celle d'une épidémie dans un établissement sous régime public: 8 %, dans ce dernier cas, dans 37 % des établissements.
Le problème de l'équipement de protection individuelle se complique en partie par sa mauvaise utilisation, faute de savoir-faire. Dans un établissement de soins, une direction clinique faisant autorité peut contribuer à y remédier. Ce n'est pas clair. Après obtention de toutes les données, analyse et comparaison de ce qui distingue cette direction, l'un des critères qui fait foi, d'après moi, c'est entendre les responsables d'un établissement parler de masques N95 alors qu'on n'y observe aucun cas, situation pendant laquelle on n'emploie pas ces masques.
Il y a la question générale de l'approvisionnement et celle du bon usage de cet équipement, sans égard à l'approvisionnement. Sur notre impréparation... Après 20 ans dans les soins à domicile et de longue durée, je peux affirmer que nous avons absolument sous-estimé le facteur que, faute de mieux, j'appellerai d'exception.
Dans les soins de longue durée, nous avons l'habitude des flambées de maladie. Il en survient tous les ans. En Colombie-Britannique, il y en a eu 185 l'année dernière. Nous avons des protocoles à suivre et nous faisons les déclarations, mais il s'agit de grippes et de norovirus. Nous avons complètement sous-estimé que, pour la COVID-19, nous avions besoin de...
Voilà pourquoi, d'après moi, en Colombie-Britannique — où s'est déclaré le premier foyer, contre quoi l'établissement s'est révélé impuissant à réagir — les autorités sanitaires sont rapidement intervenues, après en avoir constaté la nécessité, ont pris la situation en charge et en ont conservé la maîtrise. C'est mon interprétation des faits. Une intervention immédiate des autorités sanitaires. Dans les autres régions du pays, ça n'a pas décollé aussi vite, en partie parce que le premier foyer s'est déclaré ici.
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Merci, monsieur le président.
Chers collègues, bonjour.
Avant de poser mes questions, je tiens seulement à souligner le privilège dont vous et moi jouissons d'entendre ces témoignages. Dans ma circonscription de Cape Breton—Canso, les personnes âgées sont nombreuses, et je pense à elles tous les jours. Dans les temps difficiles de la pandémie, j'ai bien vu comment leurs concitoyens se sont regroupés pour les aider. Je tiens à vous remercier, chacun de vous, de votre travail.
Madame Armstrong, au sujet d'un rapport cité dont vous êtes l'auteure, vous avez compté les problèmes de recrutement, les pénuries de personnel et les bas salaires accordés aux soignants des établissements des soins de longue durée parmi les facteurs de propagation de la COVID-19. Nous savons que, très rapidement, on y a observé la propagation des maladies, notamment de la grippe ordinaire, même avant la COVID.
D'après vos travaux, quelles solutions peuvent régler ces problèmes de recrutement et empêcher la propagation des maladies transmissibles?
De plus, et je pense que vous y avez fait allusion, pouvez-vous dire quelques mots sur les pratiques exemplaires que, d'après vous, les administrateurs des établissements de longue durée devraient connaître?
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Les rapports qui se sont succédé ont reconnu l'importance du recrutement, non seulement sur le plan quantitatif, mais aussi sur celui de la formation et de la répartition.
D'abord, si le recrutement avait été suffisant, nous n'aurions pas observé le désespoir que nous avons vu. Si les employés avaient été des temps pleins, nous n'aurions pas à instituer les pratiques introduites en Colombie-Britannique, parce qu'elles seraient déjà en place dans les établissements. Si les effectifs des établissements avaient eu une capacité d'intensification, nous aurions évité la crise.
Nous le savons depuis longtemps, et si nous n'en tirons pas les leçons, nous nous retrouverons dans de plus sales draps encore. Voilà pourquoi, notamment, il faut discuter de l'avenir comme du présent.
D'après une foule de témoignages, on disait, il y a 20 ans, qu'il fallait absolument 4,1 heures de soins infirmiers par résident et par jour, et ça, c'était avant les résidents présentant les degrés de complication d'aujourd'hui.
Charlene Harrington, l'une des spécialistes les plus éminentes de cette question aux États-Unis, à qui j'ai parlé cette semaine — elle fait partie de notre équipe de recherche — a dit que la durée de ces soins est passée à 4,9 heures, vu l'acuité observée dans la plupart des établissements canadiens. Aucune province, aucun territoire ne s'approche même de près de cet objectif, en temps ordinaire.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier tous les témoins de leurs propos éclairants. Il faut trouver des solutions. Je vais d'abord m'adresser à M. Brunet.
Vous avez livré un témoignage fort intéressant. Vous êtes reconnu pour votre attitude dénuée de complaisance. C'est une qualité que j'apprécie.
Le 13 mars dernier, le Québec a été le premier à décréter l'état d'urgence sanitaire. Il n'y avait alors que 17 cas d'infection et aucun décès au Québec. Deux mois plus tard, la situation est la suivante: les cas de contamination vont se chiffrer la nuit prochaine à plus de 40 000 et le nombre de décès à plus de 3 220.
Or la plupart des témoins nous ont dit — et certains l'ont affirmé aujourd'hui même — qu'en amont, cette contagion virulente était exacerbée par les faiblesses, la précarité et la fragilisation du système de santé. À cet égard, on a notamment invoqué son sous-financement.
Plusieurs aimeraient uniformiser les règles d'un océan à l'autre. Cependant, la santé et les soins sont de la compétence des provinces et du Québec. Vous avez exprimé des réserves quant à l'idée de nationaliser les CHSLD. Vous vous dites plutôt favorable à l'adoption d'une loi québécoise sur les soins et les services minimums dans les CHSLD et les résidences, qu'elles soient privées ou publiques. J'aimerais que vous nous en disiez davantage là-dessus.
Pourriez-vous nous dire quels seraient les balises ou les éléments centraux d'une telle loi?
Vous avez raison. Au cours des 45 dernières années, nous avons participé à plusieurs dizaines de commissions parlementaires, de consultations publiques et, depuis 35 ans, d'enquêtes publiques. Cela incluait notamment les services de soins de longue durée. Or, en matière de résultats, nous en sommes encore au même point aujourd'hui.
Les soins de longue durée sont dispensés chaque jour. Les gens ont besoin de savoir qu'il fait bon vivre. Pour que cela soit possible, il faut vraiment que des mesures tiennent compte de ce qui se passe sur le terrain. Compte tenu de mes 25 années d'expérience en tant que défenseur de cette cause dans le réseau de la santé et de ce que j'ai pu y observer, je prétends respectueusement, malgré toutes les études scientifiques, que ce n'est pas le statut public ou privé qui fait la différence.
Tant dans le secteur public que privé, j'ai vu des miracles et des histoires d'horreur. J'ai vu que cette différence reposait sur les hommes et les femmes qui dirigent les lieux et sur leurs qualités de chefs de file qui les rendent aptes à rallier les résidants, les familles, les syndicats et les professionnels de la santé. Quand ces gens étaient réunis autour de la table, je voyais bien ce qu'il en était. Le nombre de plaintes très restreint dont ces établissements faisaient l'objet m'indiquait en effet que ce n'est pas le statut privé ou public des établissements qui fait la différence, mais bien les hommes et les femmes qui les dirigent et la façon dont ils s'allient aux gens qui y travaillent. Je prétends avoir maintenant une preuve empirique de cela, étant donné qu'en 25 ans, j'ai vu des centaines de cas.
C'est mon expérience, mon témoignage et ma prétention. Je ne prétends pas, comme d'autres, qu'ils reposent sur des études scientifiques.
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Je crois que le rapport a montré que nous n'avons ni les incitatifs financiers ni la surveillance financière nécessaires. Monsieur Davies, on pourrait dire que si les chiffres étaient les mêmes, il ne serait guère intéressant d'être fournisseur à but lucratif.
Je ne peux m'exprimer au nom de l'Ontario. Je sais que Mme Hall a parlé de la façon dont l'argent est géré là-bas. Nous ne procédons pas de la même façon ici en Colombie-Britannique. Nous versons un paiement forfaitaire à un fournisseur contractuel, et le montant est établi à partir de nos exigences, c'est-à-dire que le fournisseur doit dépenser tant sur ci, tant sur ça, et ainsi de suite. Le fournisseur doit fournir des états financiers qui indiquent ce qu'ils ont dépensé pour chaque exigence, des états que nous examinons, sans plus.
Les salaires sont un exemple classique. En Colombie-Britannique, tous les exploitants d'établissements de soins de longue durée reçoivent des fonds pour les salaires conformément à la norme du secteur, afin qu'ils puissent payer leurs préposés au taux prévu. Ils peuvent garder ce qu'ils ne dépensent pas si les salaires sont en deçà du taux prévu. Voilà le problème.
Il y a des mesures que nous pourrions prendre rapidement. Nous pourrions certainement agir sur la question de l'argent versé au titre des salaires des préposés aux bénéficiaires en Colombie-Britannique, car c'est ainsi que nous appelons les préposés aux services de soutien de la personne dans notre province. Nous leur dirions qu'ils doivent payer leurs employés à tel taux, et si le plein salaire n'est pas versé, il faut redonner ce qu'il reste. Nous leur verserions un montant pour le personnel infirmier et s'ils ne le dépensent pas intégralement en salaires, ils devront rembourser le montant restant. En enlevant l'incitatif et les recettes, nous éliminerions le but lucratif.
La tendance était claire. Comme l'a indiqué Mme Armstrong, c'est une tendance, ce qui veut dire qu'il y a des exceptions. Le secteur privé compte effectivement de bons prestataires ou acteurs, comme diraient les économistes, tout comme il y a de mauvais acteurs dans le secteur à but non lucratif.
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J'en ai déjà parlé, tout comme d'autres d'ailleurs. Je pense que si nous nous en tirons mieux à l'heure actuelle en Colombie-Britannique, c'est en raison de ce que nous avons appris lors de la première éclosion à Lynn Valley. La stratégie a été tout d'abord de diminuer le seuil à un cas pour déclarer qu'il y a une éclosion. Le seuil habituel est de deux cas, dont un confirmé en laboratoire. De plus, nous avons testé tant le personnel que les résidents. Je ne sais pas combien d'entre vous ont pratiqué, mais dans mon cas, nous ne testions jamais le personnel pour la grippe; nous testions seulement les résidents. Je pense que cela nous a aussi aidés.
Dès qu'une éclosion est déclarée, c'est-à-dire qu'un cas est confirmé, que ce soit chez le personnel ou les résidents, les responsables de la santé publique interviennent sur-le-champ et donnent des directives aux responsables de l'établissement de soins de santé sur toutes les mesures à prendre. On parle de regroupement et des autres éléments.
En Colombie-Britannique, 75 % de nos résidents sont logés dans des chambres individuelles. Je pense que ce pourcentage est plus élevé que dans les autres provinces. C'est sans doute un élément qui nous a aussi aidés à gérer les pratiques exemplaires que l'Agence de la santé publique du Canada a recommandées, et que toute personne responsable du contrôle des infections recommanderait.
Ce qui nous a aussi aidés, c'est d'avoir pris conscience que les membres du personnel étaient les vecteurs de transmission et de les avoir affectés, tôt, à un seul lieu de travail. Ce que nous avons tardé à faire — comme tout le monde, je pense, et Mme Hall en a parlé —, c'est de tester les personnes asymptomatiques lors d'une éclosion. Nous avons appris de l'expérience. Au début, nous ne testions pas ces personnes, parce que les données indiquaient alors que les tests étaient inefficaces lorsqu'une personne était asymptomatique. Nous savons maintenant qu'elles peuvent transmettre le virus et avoir un résultat positif. C'est une pratique exemplaire que nous avons mise en place également.
C'est ce qui a fait la différence. L'intervention rapide des autorités de santé publique au tout début a, assurément, été un élément clé pour nous.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins aujourd’hui. Vous avez des perspectives utiles sur la façon d’aider nos aînés, en particulier ceux qui vivent dans les établissements de soins de longue durée, et il est évident que la question vous tient beaucoup à cœur.
J’aimerais aborder la question de la structure physique, en particulier dans les établissements de soins de longue durée, les foyers pour personnes âgées. Madame Hall, vous y avez fait allusion dans vos remarques, et je crois savoir que vous avez donné un certain nombre d’interviews sur ce sujet en particulier.
Ici, dans la région de York, un de nos foyers municipaux, en fait, a été rénové il y a une vingtaine d’années. Il était suffisamment spacieux pour que presque toutes les chambres soient simples et que quelques-unes soient doubles, en particulier pour accueillir les couples qui, évidemment, pourraient souhaiter être ensemble dans le même établissement. En fait, il n’y a eu aucune éclosion de COVID-19 dans nos deux établissements dans la région de York.
J’aimerais que vous parliez plus en détail de l’importance des mesures que pourrait prendre le gouvernement pour appuyer la rénovation.
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D’accord, je suis désolée.
Premièrement, je tiens à remercier tous les témoins. Vous avez couvert une très vaste gamme de sujets.
Une des choses dont nous avons parlé est le leadership fédéral. Je crois comprendre que de nombreux ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables des aînés auraient dû se pencher sur ces questions. J’ignore si la ministre actuelle l’a fait. Il est clair que c’est le bon moment, surtout en ce qui concerne les établissements de soins de longue durée et d’autres domaines de responsabilité qui relèvent principalement du provincial, mais nous devons prendre les devants.
Lorsque nous parlons des aînés isolés socialement, nous parlons de trois groupes de gens: ceux qui se trouvent dans les foyers pour personnes âgées, ceux qui vivent avec des membres de la famille, et ceux qui vivent seuls. Lorsque nous nous penchons sur leurs besoins physiques et mentaux, je pense que nous devrions avoir différentes réactions.
J’aimerais demander si un quelconque de nos témoins pourrait faire la lumière sur les différents besoins de ces trois groupes.
Peut-être que je pourrais demander à Mme Mackenzie de me parler des aînés isolés socialement dans les trois groupes différents.
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Absolument. Quand on prend l’exemple de ce qui s’est passé au centre Lynn Valley, faute d’une meilleure expression, je parle de leadership clinique. Il faut faire preuve d’un solide leadership clinique, surtout dans le contexte actuel.
Les préposés aux soins communautaires constituent 70 % du personnel de soins dans les centres de soins infirmiers au pays: les préposés aux services de soutien à la personne, comme vous les appelez dans l’Est, et les préposés aux soins, comme on les appelle dans l’Ouest. Comprendre la prévention des infections, le fonctionnement de l’équipement de protection personnelle, l’utilisation des masques N95 et les procédures d’aérosolisation a été, je pense, un élément qu’il manquait.
Cet élément fait partie intégrante de la question des préposés aux soins dans nos centres de soins de santé. C’est un endroit où le gouvernement pourrait faire preuve de leadership. Je suis frappée que nous ayons des normes nationales — pas seulement des normes, mais des examens — pour les infirmières autorisées et les infirmières auxiliaires autorisées, mais pas pour les préposés aux soins. Une des façons de faire en sorte qu’une personne se sente valorisée et d’attirer les gens vers ce qu’on appelle une profession est d’établir ces normes.
Au cours des 20 années pendant lesquelles j’ai travaillé principalement avec des préposés aux soins — j’ai aussi travaillé avec des infirmières et des infirmières auxiliaires autorisées — ils avaient soif de formation. Ils voulaient pouvoir suivre des cours. Notre système est organisé... C’est très frustrant. Je pouvais envoyer mes infirmières en formation sans avoir à les remplacer. C’était facile. Si j’envoyais mes préposés aux soins en formation, je devais leur trouver des remplaçants. C’était coûteux, si bien qu’ils ont été laissés pour compte en quelque sorte dans tout cela.
Je pense que c’est un secteur: le leadership fédéral en matière de normes, pas seulement en ce qui concerne ce qui se passe dans les centres de soins de santé et les ratios des niveaux de soins, mais en ce qui concerne le niveau de formation. Je suis fortement en faveur des examens normalisés. Ils doivent avoir un volet pratique et écrit, je comprends, et ils ne disent pas tout. Ils ne tiennent pas compte du QE, du quotient émotionnel, nécessaire pour pouvoir offrir ce type de soins.
Mme Hall a tout à fait raison. La mauvaise personne qui a reçu la bonne formation peut autant mener à la catastrophe — en fait, je dirais plus même — que la bonne personne qui n’a pas reçu la bonne formation. Nous devons faire attention.
Il est clair que l’équipement de protection individuelle est un exemple où, si on offrait une meilleure formation, une formation de niveau plus élevé et plus normalisée, nous pourrions avoir... On a suscité énormément de préoccupation et d’anxiété à cet égard. Je pense que lorsque nous prendrons du recul pour examiner la situation, nous prendrons conscience que oui, c’était important, mais qu’il y avait vraiment un autre élément. Je pense que c’est un secteur clé dans lequel le gouvernement pourrait aussi faire preuve de leadership.
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Bien sûr. Je vais tenter de le faire.
Manifestement, tous les gens ne devraient pas être logés dans des établissements de soins de longue durée. Je sais que certains de ces établissements sont meilleurs que d'autres et que les gens y sont plus ou moins logés confortablement. Toutefois, la grande majorité des personnes âgées préféreraient ne pas vivre dans ces établissements. Pour qu'ils puissent éviter ces endroits, sauf s'ils souffrent de problèmes de santé difficiles ou compliqués qui requièrent des soins 24 heures par jour, sept jours par semaine, bon nombre de leurs besoins pourraient être satisfaits dans leur demeure, si celle-ci était adaptée d'une manière qui serait pratique, en fonction de leurs besoins, quels qu'ils soient.
L'un des phénomènes que nous avons observés est une diminution des services de soins à domicile. Tout n'était pas couvert, et il semblait y avoir des distinctions entre l'entretien ménager, la préparation de repas, l'administration de médicaments ou de traitements, comme si ces services étaient distincts. Si votre résidence n'est pas hygiénique, vous serez dans une mauvaise situation. Je ne comprends pas comment on peut dissocier le nettoyage, la propreté ou les services de buanderie des conditions de santé en général.
Cela peut sembler étrange, mais je pense que les soins offerts aux personnes âgées doivent combiner certains services ou englober la gamme complète de services qui se termineront peut-être par l'étape finale, qui consiste, en général, en un séjour aux soins palliatifs ou dans un établissement de soins de longue durée. C'est là le processus inévitable du vieillissement. Tôt ou tard, nous ferons tous face à cela. Avec un peu de chance, cela se produira plus tard pour nous tous, mais c'est la façon dont cela se déroulera.
Je crois que cette pandémie nous a donné l'occasion d'examiner la situation actuelle de façon critique ou d'appliquer quelques raisonnements critiques à l'égard des types de mesures qui pourraient être prises pour améliorer les choses. Je pense que les personnes comme M. Armstrong, Isobel Mackenzie et bon nombre d'autres intervenants ont collecté une grande quantité de renseignements. Nous préférerions vraiment éviter que d'autres études détaillées soient menées. Il serait peut-être bon de réunir tous ces renseignements et de déterminer comment ils pourraient être appliqués à l'échelle nationale.
Les personnes âgées sont à court de temps. Je suis septuagénaire, et je ne souhaite pas attendre 15 années de plus avant que nous réglions ce problème. Il doit être réglé, et nous devons nous en occuper. Comme Mme Mackenzie l'a mentionné, il serait stupide de ne pas saisir cette occasion d'agir. Il y a d'énormes quantités de gens qui prennent conscience de la réalité...