:
La séance est ouverte. Je vous souhaite à tous la bienvenue à la 21
e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Conformément aux ordres de renvoi adoptés les 11 et 20 avril 2020, le Comité se réunit pour entendre les témoignages concernant la réponse canadienne à la pandémie de COVID-19.
Afin de faciliter le travail de nos interprètes et d'assurer le bon déroulement de la réunion, je vais vous donner quelques règles à suivre.
Premièrement, l'interprétation pour cette vidéoconférence va fonctionner dans une grande mesure comme pour les réunions ordinaires du Comité. Au bas de l'écran, vous avez le choix entre « parquet », « anglais » et « français ». Veuillez parler lentement et distinctement, en gardant le microphone devant votre bouche comme on vous l'a montré pendant le test de son. Si vous alternez entre les deux langues officielles, assurez-vous de choisir la langue que vous voulez avant de commencer à parler, pour que l'interprétation se fasse correctement. Par exemple, si vous voulez parler en anglais, choisissez le canal anglais et parlez. Cela garantira une meilleure qualité de son pour l'interprétation.
Avant de parler, veuillez attendre que je vous nomme. Quand vous êtes prêt à parler, cliquez sur l'icône du microphone afin d'activer votre microphone. Tout membre qui veut demander la parole à un moment autre que celui qui est prévu pour ses questions doit activer son microphone et dire qu'il invoque le Règlement. Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées au président. En cas de problèmes techniques, veuillez en informer immédiatement le président ou la greffière, et l'équipe technique travaillera à les résoudre. Au besoin, nous suspendrons la séance le temps nécessaire.
Avant de commencer, je rappelle à tous que dans le coin supérieur droit de l'écran — si vous êtes connectés depuis un ordinateur —, vous pouvez choisir entre l'affichage par intervenant et l'affichage galerie. Si vous choisissez l'affichage galerie, vous devriez voir tous les participants dans une grille. Pour ceux qui utilisent un iPad, la petite icône apparaît dans le coin supérieur gauche.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. De l'Agence de la santé publique du Canada, nous accueillons la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique, et Mme Kim Elmslie, vice-présidente de la Direction générale de la prévention et du contrôle des maladies infectieuses. Nous recevons également la Dre Mona Nemer, conseillère scientifique en chef au Bureau du conseiller scientifique en chef. Enfin, nous accueillons le Dr Michael Strong, président des Instituts de recherche en santé du Canada, et la Dre Nathalie Grandvaux, présidente de la Société Canadienne pour la virologie.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins et les remercie d'être parmi nous. Le Comité et moi vous sommes reconnaissants de nous consacrer un peu de votre temps.
Nous entendrons d'abord les représentantes de l'Agence de la santé publique du Canada, et je crois que c'est la Dre Tam qui prendra la parole.
Vous avez 10 minutes.
Je tiens à remercier le président et les membres du Comité de me donner l’occasion de revenir vous parler aujourd’hui.
L’émergence et la propagation rapides du SRAS-CoV-2, le virus qui cause la COVD-19, ont mis au défi les capacités mondiales comme jamais auparavant.
Au Canada, on compte maintenant environ 78 500 cas confirmés de COVID-19, dont 5 857 décès, et environ 50 % des personnes touchées sont rétablies. À ce jour, les laboratoires d’un bout à l’autre du Canada ont testé plus de 1 337 000 personnes pour le nouveau coronavirus, et environ 5 % ont obtenu un résultat positif. Ensemble, les provinces et les territoires testent quotidiennement plus de 27 000 personnes en moyenne. Ces chiffres changent toutefois rapidement, et nous les mettons constamment à jour sur la page Web Canada.ca/coronavirus.
La COVID-19 demeure une grave menace à la santé publique; toutefois, les efforts collectifs que nous avons déployés pour ralentir la propagation de la maladie et contrôler l’épidémie ont aplati la courbe au Canada. Le ralentissement du taux de transmission a donné lieu à des dénombrements quotidiens plus faibles; il demeure toutefois des éclosions localisées et une transmission active dans différentes régions du pays, ce qui signifie que nous devons rester vigilants.
Au moment où nous commençons à contrôler la première vague épidémique au Canada, la détection rapide et la suppression de toute nouvelle hausse du nombre de cas demeurent nos priorités. En termes simples, nous devons maintenir les taux d’infection bas pendant que nous développons de façon accélérée des traitements et un vaccin sûrs et efficaces contre la COVID-19.
Notre voie à suivre est peuplée d’incertitudes; c’est pourquoi nous devrons agir prudemment et apprendre en cours de route. La réponse du Canada a reposé et repose toujours sur la science, sur l’évolution de nos connaissances sur le mode de propagation du virus et sur le déploiement de mesures de santé publique efficaces. En outre, nous nous rajusterons rapidement, au besoin, afin de réduire véritablement la propagation de ce virus au moment de rouvrir la vie économique et sociale du Canada.
Le Canada doit continuer de répondre à la COVID-19 d’une manière collaborative, qui soutient et inclut les particuliers, les collectivités, différents secteurs et les gouvernements.
En fait, le rôle fédéral de la santé publique en est un de leadership, qui repose sur la recherche et la science, la collaboration internationale, les données et la surveillance, et l’évaluation continue des risques. Il s’agit du leadership dont nous faisons preuve pour garder les Canadiens informés de ce que nous savons et ce que nous ignorons et leur expliquer comment nous sommes à trouver des réponses aux questions complexes qu’une nouvelle maladie infectieuse soulève. C’est aussi le leadership dont nous faisons preuve en mobilisant les capacités pour pallier rapidement les lacunes, s’il y a lieu, et pour fournir les ressources qui renforcent la réponse de santé publique, peu importe où elles sont requises.
L’excellente collaboration entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux a été l’une des pierres angulaires de la réponse du Canada jusqu’à présent.
Afin de nous guider vers l’avenir, nous continuerons de travailler étroitement dans le cadre des réunions régulières du Comité consultatif spécial fédéral-provincial-territorial sur la COVID-19, qui comprend les médecins hygiénistes en chef, ainsi que Service correctionnel Canada et Services aux Autochtones Canada. Nous tenons plusieurs réunions par semaine présentement.
Le Groupe de travail sur les communautés éloignées et les Autochtones, qui rend compte au Comité consultatif spécial, a aussi été mis sur pied afin de répondre de façon collaborative aux besoins uniques des communautés éloignées et isolées et à ceux des Premières Nations, des Métis et des Inuits.
J’aimerais maintenant prendre quelques minutes pour présenter une mise à jour sur certains des domaines clés dans lesquels l’Agence de la santé publique du Canada soutient le gouvernement du Canada et ses partenaires provinciaux et territoriaux dans la réponse à la pandémie de COVID-19.
Les tests sont l’un des aspects cruciaux de notre réponse à la pandémie. On continue d’adapter la stratégie ou l’approche du Canada à l’égard des tests au fur et à mesure que la science sur le virus évolue, que d’autres options d’essais deviennent disponibles et que la pandémie progresse. Elle se fonde sur les trois priorités fondamentales de santé publique, soit mener des tests pour tous les cas soupçonnés, rechercher agressivement tous leurs contacts, isoler les personnes infectées et mettre leurs contacts en quarantaine.
Les tests, avec la recherche de contacts, sont cruciaux pour isoler chaque cas et briser la chaîne de transmission. Le Laboratoire national de microbiologie, le LNM, a joué un rôle crucial dans ce domaine.
Cinq jours après que la séquence génétique du nouveau coronavirus soit rendue disponible, des scientifiques du LNM ont conçu un test diagnostique moléculaire, ce qui permet maintenant à plus de 30 laboratoires de partout au Canada de mener des tests de confirmation. En outre, au fur et à mesure que des tests commerciaux sont devenus disponibles, les programmes de validation et d’évaluation de la qualité du LNM ont augmenté leurs activités afin de garantir que ces tests donnaient des résultats exacts.
Le comité consultatif spécial sur la COVID-19 a révisé dernièrement les directives nationales en matière d’essai en laboratoire en mettant l’accent sur l’élargissement des tests auprès de toute personne ayant des symptômes, même bénins. Des réflexions quant aux tests de personnes asymptomatiques furent également proposées.
Le gouvernement du Canada a aussi annoncé récemment la mise sur pied du Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19 afin de coordonner des études sérologiques ou sur les anticorps en population générale pour déterminer l’étendue de l’infection au Canada. On contribuera ainsi à déterminer la proportion de la population qui a acquis une certaine immunité contre le virus pour orienter des réponses efficaces en matière de santé publique à l’avenir, y compris des programmes de vaccination.
Le fait d’avoir une approche robuste en matière de tests est une composante clé des phases de réouverture, et le Canada cherche à mettre en œuvre une approche à multiples facettes à l’égard des tests, qui comprend une combinaison de tests en laboratoire (tests de réaction en chaîne de la polymérase (RCP)), aux points de service et sérologiques.
Le développement d’un vaccin contre la COVID-19 est une priorité pour tous les pays. Le Laboratoire national de microbiologie est membre d’un réseau national qui utilise le séquençage du génome pour comprendre le fonctionnement du virus, son évolution et la raison pour laquelle la gravité de la maladie est si différente d’une personne à l’autre. Les travaux que mène le LNM sur le développement d’un vaccin s’appuient sur des antécédents qui comprennent le développement réussi d’un vaccin contre le virus Ebola. Nous examinons sept technologies de développement de vaccin et nous collaborons avec l’industrie et le milieu universitaire pour contribuer à la découverte d’un vaccin.
L’un des autres domaines d’intérêt importants pour le gouvernement du Canada a été d’obtenir de l’équipement de protection individuelle (EPI) crucial et des fournitures médicales pour les travailleurs de la santé de première ligne. Nous le faisons par l’intermédiaire d’un approvisionnement en gros collaboratif avec les provinces et les territoires, le renforcement de la capacité de production nationale et la recherche d’éventuelles solutions de rechange et façons de prolonger la durée de vie des produits.
L’Agence de la santé publique du Canada continue aussi de collaborer étroitement avec les provinces et les territoires à la mise à jour des lignes directrices sur la prévention et le contrôle des maladies infectieuses, selon les meilleures données probantes disponibles, pour un éventail de milieux hospitaliers, y compris les établissements de soins de longue durée.
Une autre chose importante est de tenir les Canadiens informés. À ce chapitre, l’Agence de la santé publique du Canada a donné aux Canadiens des renseignements en temps opportun sur la façon de protéger leur santé et nos systèmes de santé élargis. Cela comprend le site Web Canada.ca/coronavirus, une ligne d’information sans frais sur la COVID-19 et l’application de COVID-19 du Canada, laquelle a été téléchargée plus de 540 000 fois à ce jour.
À l’échelle nationale, nous avons vu que la collaboration entre les Canadiens, qui ont collectivement respecté les mesures de santé publique recommandées, y compris la distanciation physique et les mesures d’hygiène, a permis de ralentir la croissance de l’épidémie de COVID-19. À l’avenir, tous les ordres de gouvernement sont résolus à travailler ensemble en vue d’élaborer une approche commune et axée sur des données probantes à l’égard de l’assouplissement prudent des mesures de santé publique, dans le but principal de protéger la santé des Canadiens et en tenant compte des différences régionales.
Il faut établir un équilibre crucial entre les mesures de contrôle en matière de santé publique qui réduisent au minimum les répercussions de la COVID-19 et les conséquences sociales et économiques. Notamment les mesures frontalières prises en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine visant à renforcer et restreindre l’entrée au Canada de l’étranger, y compris des États-Unis, demeurent en place. Celles-ci seront réévaluées au fur et à mesure que de nouveaux renseignements deviennent disponibles.
Le Comité consultatif spécial sur la COVID-19 a récemment formulé des recommandations et des lignes directrices nationales en matière de santé publique, lesquelles comprennent des objectifs, des principes, des critères et des indicateurs communs, qui sont les fondements à la levée des restrictions.
Nous devons aussi continuer de renforcer les capacités en matière de santé publique en prévision de vagues futures de COVID-19, ce qui comprend la capacité d’effectuer davantage de tests pour détecter rapidement des cas, enquêter sur les éclosions et trouver et gérer les contacts. Le gouvernement du Canada collabore aussi étroitement avec les provinces et les territoires afin d’accroître la capacité de tests au-delà des laboratoires actuels et de mettre en œuvre des stratégies visant à mobiliser un plus grand nombre d’effectifs à la recherche de contacts.
La COVID-19 a eu des répercussions considérables sur la santé physique et mentale générale des Canadiens. Les répercussions directes sur la santé ont été dévastatrices et les résultats les plus graves ont touché les aînés en établissements de soins de longue durée et en résidences-services. À l’avenir, l’approche que nous adoptons doit garantir que les groupes vulnérables ou qui présentent un risque accru sont mieux protégés. En font partie les personnes vulnérables en raison de leur âge ou de problèmes de santé sous-jacents, vivant en régions éloignées, dans des espaces restreints ou des logements temporaires, ou sans domicile stable ou fixe.
Nous devons aussi songer aux conséquences involontaires des restrictions en place, y compris l’augmentation de la violence familiale et de l’isolement social, le report de rendez-vous médicaux pour soigner des maladies graves et chroniques et la consommation problématique de substances.
Au fur et à mesure que les restrictions de santé publique sont levées, nous voulons être en mesure de répondre rapidement à tout nouveau cas ou groupe de cas pour continuer d’étouffer l’épidémie. Nous devons toutefois nous préparer à un éventuel rétablissement des restrictions en matière de santé publique si le nombre de cas augmente de nouveau.
Nous ignorons comment la COVID-19 évoluera au cours des prochains mois; toutefois, la santé publique doit être prête à l’éventualité d’une autre vague, qui coïnciderait avec la saison annuelle de l’influenza. C’est ce défi et d’autres qui se dressent devant nous pendant cette crise de santé publique sans précédent. Les autorités de santé publique sont informées, mobilisées et entièrement résolues à surmonter courageusement ces défis, pleinement soutenues par l’ingéniosité, la collaboration et l’innovation canadiennes.
Je vous remercie de votre attention.
Je répondrai avec plaisir à toute question que vous pourriez avoir.
:
Bonjour, monsieur le président ainsi que mesdames et messieurs les parlementaires.
Je vous remercie de me donner l'occasion d'échanger avec vous aujourd'hui. Je tiens également à remercier les autres témoins pour leurs déclarations et pour leurs efforts durant la pandémie.
Comme vous le savez, on m'a nommée au poste de conseillère scientifique en chef du Canada le 26 septembre 2017 afin que je fournisse des conseils scientifiques au premier ministre et au Cabinet. Mon bureau est notamment responsable de veiller à ce que des analyses scientifiques soient prises en compte dans le processus décisionnel du gouvernement et de coordonner les avis formulés par les experts à l'intention du Cabinet. Je fournis également des recommandations sur la manière dont le gouvernement peut mieux soutenir la recherche scientifique de qualité. Mon bureau aide à garantir que les travaux scientifiques du gouvernement sont entièrement accessibles au public. Enfin, j'ai pour mandat de favoriser la collaboration entre les scientifiques fédéraux et le milieu universitaire au Canada et à l'étranger, et de sensibiliser les Canadiens au sujet de questions scientifiques.
Depuis le début de la pandémie de la COVID-19, j'ai eu l'occasion de faire des contributions à tous ces égards. Si vous me le permettez, je vous en ferai un résumé.
À partir de février 2020, j'ai mis sur pied un certain nombre de groupes d'experts et de groupes de travail qui nous tiennent au courant des défis cliniques et scientifiques et des pratiques exemplaires de lutte contre la pandémie au Canada. Je participe également à des efforts de coordination scientifique au sein du gouvernement en ce qui concerne les contre-mesures médicales, et j'ai travaillé avec l'ensemble du milieu des sciences et de la recherche au Canada pour soutenir les efforts de coordination.
Par exemple, avec quelques autres personnes, j'ai aidé à établir le Réseau CanCOVID, une plateforme de recherche pancanadienne visant à favoriser la collaboration relativement à la COVID-19. Plus de 2 000 chercheurs sont inscrits à la plateforme, qui existe depuis à peine un mois, ce qui témoigne de la détermination et de l'engagement extraordinaire de la collectivité scientifique canadienne à l'égard de la lutte contre la pandémie.
[Traduction]
De plus, je participe aux activités scientifiques et de consultation scientifique internationales relatives à la lutte contre la COVID-19. Depuis deux mois, les conseillers scientifiques en chef ou les titulaires de postes équivalents d’une douzaine de pays tiennent une réunion hebdomadaire. Nous y discutons de la dynamique et des défis changeants de la pandémie ainsi que de l’évolution de ses caractéristiques dans divers pays à divers moments. Nous échangeons également des données et des renseignements sur les mesures sociales et médicales. Ces interactions représentent d’importantes occasions de coordination de la recherche et des conseils scientifiques.
Un exemple concret de cet effort international est l’appel aux éditeurs que le groupe a fait pour rendre accessibles toutes les publications scientifiques portant sur la COVID-19, appel que les éditeurs ont bien accueilli. Cela fait en sorte que les résultats de recherche sont rapidement communiqués et utilisés pour aider à gérer la pandémie à l’échelle du monde. Il s’agit d’une initiative sans précédent qui contribue à diffuser les données scientifiques à un rythme jamais vu.
Au cours des derniers mois, nos connaissances sur le nouveau virus SRAS-CoV2 qui cause la COVID-19 ont progressé rapidement, mais il existe toujours de nombreux facteurs inconnus qui influent sur la capacité de prévenir et de gérer la maladie. Je vous en citerai quelques-uns, si vous le permettez.
Le premier est la sensibilité à la maladie. Il semble que tous les membres de la population n’ont pas le même risque d’être infectés, mais nous ne savons pas exactement ce qui contribue à la sensibilité à diverses charges virales. Comme vous pouvez l'imaginer, la sensibilité a une incidence sur le niveau d’exposition et les mesures de prévention dans divers contextes.
Le deuxième est celui de l'infectiosité, qui reste encore nébuleuse. Les personnes infectées semblent transmettre le virus de deux à trois jours avant l’apparition des symptômes et durant environ sept jours par la suite, ou plus. Cela laisse supposer que le virus est en grande partie transmis par des personnes asymptomatiques, et cette réalité complique davantage l’isolement des cas et la lutte contre la transmission.
Il y a ensuite l'évolution de la maladie. Nous avons tous pu constater que l’âge avancé et les affections chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète et l’obésité sont liés à la possibilité accrue que la COVID-19 ait une issue défavorable, mais nous ignorons toujours pourquoi. Nos experts ont souligné la nécessité d’une collecte et d’une diffusion harmonisées de données de qualité afin qu’on puisse éliminer les variables de confusion et utiliser les données d’observation pour éclairer la gestion de la maladie dans le contexte canadien.
Pour ce qui est de la prévention et du traitement, la Dre Tam a déjà abordé l'importance d'un vaccin. En l’absence d’une immunité acquise ou d’un vaccin efficace, la meilleure mesure de prévention consiste à éviter ou à réduire au minimum l’exposition au virus. Nous savons ce que cela signifie.
Des travaux sont en cours pour créer un vaccin, y compris au Canada, et un large éventail d’approches classiques et nouvelles sont utilisées à cet égard.
En ce qui concerne les traitements, plusieurs essais cliniques visant à tester l’efficacité des médicaments existants sont en cours, au Canada comme ailleurs, mais jusqu’à présent, les résultats sont décevants. Il faut dire qu'il n’existe actuellement que quelques médicaments antiviraux à large spectre d’action, d'où l'importance de poursuivre le développement de nouveaux médicaments antiviraux parallèlement aux efforts de production de vaccins.
N'oublions pas que la gestion efficace de l’hépatite C et du VIH est attribuable aux thérapies antivirales, et non aux vaccins. Je pense qu'il y a de l'espoir sur les deux fronts.
Pour ce qui est du diagnostic, la Dre Tam a déjà mentionné le qPCR, soit la norme par excellence pour détecter les personnes infectées. Cependant, ce test comporte plusieurs étapes et nécessite un équipement et un personnel spécialisés ainsi que des réactifs très recherchés. Ce n’est pas la solution idéale pour les régions éloignées ou pour les situations nécessitant un dépistage plus rapide ou répété (par exemple: aux frontières, en contexte de soins primaires ou à la maison, etc.). C'est pourquoi le développement de méthodes de détection complémentaires va bon train.
J'ai le privilège de faire partie du Groupe de travail sur l'immunité avec la Dre Tam. Ce travail continu sera important pour déterminer la prévalence de la maladie au Canada et orienter la mise au point d'un vaccin.
À mesure que les pays vont rouvrir leurs économies au cours des semaines et des mois à venir, la communauté scientifique continuera à rassembler davantage de données pour mieux comprendre à la fois le virus et la maladie qu’il provoque. Ces efforts sont essentiels pour nous préparer à vivre avec le virus et à le vaincre.
Dans le monde entier, les pays intensifient leurs efforts dans des domaines clés, ce qui comprend de déployer des dispositifs robustes et souples pour dépister le virus et rechercher les contacts, ainsi que comprendre le pourcentage de la population ayant été exposé au virus.
Cela comprend aussi de standardiser la collecte de données, ainsi que d'améliorer constamment les protocoles qui entourent le partage et l’extraction des données (notamment par l’utilisation d’outils appuyés par l’intelligence artificielle). Le Canada participe aussi à ces efforts.
Ensuite, évidemment, tous les pays du monde tentent de s’approvisionner suffisamment en équipement médical et en agents thérapeutiques, et de mettre en place des stratégies nationales pour la fabrication d’équipement de protection individuelle ainsi que d’outils de diagnostic de la COVID-19 et de contremesures médicales. De façon plus générale, les chercheurs de tous les pays multiplient les efforts de recherche et de développement et réfléchissent à des approches visant la sécurité sanitaire nationale dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement médicale.
Finalement, tout le monde a conscience de l'importance de renforcer l’état de préparation face aux situations d’urgence sanitaire, en ce qui a trait à la fonction de consultation scientifique multidisciplinaire.
En conclusion, cette pandémie met en évidence l’extrême importance de la recherche et la nécessité d’instaurer une coordination scientifique entre les disciplines et les secteurs. Elle fait également ressortir le besoin d’avoir une capacité de production nationale pour la sécurité sanitaire. Nous sommes en train de rattraper notre retard, mais il faut espérer que les investissements et les efforts actuels donneront lieu à un écosystème durable pour la recherche et le développement en matière de maladies infectieuses. La guerre contre la COVID-19 sera gagnée grâce à la science. Faisons en sorte de continuer à mobiliser l’excellence du Canada dans le domaine scientifique dans l’intérêt de tous les Canadiens.
Je vous remercie de votre attention.
Je suis impatiente de poursuivre la discussion avec vous.
:
Monsieur le président, je remercie le Comité de me recevoir à nouveau pour parler de l'importance de la recherche et du rôle que continuent de jouer les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) dans la réponse canadienne à la COVID-19.
Avant tout, j'aimerais réitérer ma grande admiration et ma sincère gratitude à l'égard des professionnels de la santé et des travailleurs de première ligne et des services essentiels qui veillent sans relâche à la santé, à la sécurité et au bien-être des Canadiens et des Canadiennes.
J'aimerais aussi présenter mes sincères condoléances aux membres des Snowbirds canadiens pour la tragédie de la fin de semaine dernière. Ma femme Wendy et moi avons eu l'occasion de voir les Snowbirds à London le jour de la fête des Mères. C'était vraiment spectaculaire. Ils sont, et seront toujours, un symbole de la fierté que nous, Canadiens et Canadiennes, avons pour notre grand pays. Nos pensées sont avec eux en ce moment.
Comme le feront sans doute nombre de mes collègues présents aujourd'hui, je tiens aussi à saluer le travail acharné et soutenu du milieu canadien de la recherche. Nos chercheurs figurent parmi les meilleurs au monde et continuent de jouer un rôle primordial dans l'effort de recherche déployé à l'échelle nationale et mondiale pour contrer la pandémie de COVID-19.
Je suis donc ravi d'être des vôtres aujourd'hui pour faire le point sur les initiatives de recherche récemment mises en œuvre par les IRSC dans le cadre des mesures prises par le Canada pour combattre la pandémie. Je tiens d'abord à souligner que les IRSC continuent de lutter contre la COVID-19 en étroite collaboration avec des partenaires fédéraux, dont mes collègues qui témoignent avec moi aujourd'hui, à Santé Canada, Innovation, Sciences et Développement économique Canada et le Conseil national de recherches du Canada, pour ne nommer que ceux-là.
Je souhaite également mentionner la récente mise sur pied du Groupe de travail sur l'immunité face à la COVID-19 dont la Dre Nemer a parlé. Je suis ravi que deux directrices scientifiques des IRSC, la Dre Charu Kaushic et la Dre Carrie Bourassa, fassent partie de ce collectif important en leur qualité d'expertes en matière de maladies immunitaires et infectieuses, et de santé autochtone, respectivement. Les IRSC continuent aussi de travailler de concert avec des partenaires internationaux comme l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et la Global Research Collaboration for Infectious Disease Preparedness (GloPID-R), pour permettre aux chercheurs canadiens de contribuer au travail de recherche qui se fait à l'échelle planétaire.
Par ailleurs, les IRSC relaient l'appel des conseillers scientifiques en chef du monde entier, comme l'a également souligné la Dre Nemer, pour l'accès public aux fruits de la recherche, comme les données et les publications, qui peuvent contribuer à l'intervention d'urgence mondiale.
Comme je vous en ai parlé lors de ma comparution précédente, les IRSC ont agi rapidement en février dernier pour mobiliser efficacement la communauté scientifique autour du lancement d'une intervention de recherche rapide contre la COVID-19. En quelques semaines à peine, les IRSC ont sélectionné, au moyen d'un rigoureux processus d'évaluation par les pairs, 99 projets de recherche sur la COVID-19 qui sont axés sur l'élaboration et la mise à l'essai de contremesures médicales, sociales et stratégiques visant à résoudre cette crise de santé publique.
Étant donné l'incertitude qui entoure la mise au point d'un vaccin et les traitements possibles — sans compter les mesures préventives à ajouter —, l'intervention du Canada contre la pandémie de COVID-19 doit s'appuyer sur des investissements soutenus dans la recherche qui alimenteront la filière de l'innovation. C'est pourquoi le a annoncé le 23 avril un investissement supplémentaire de 1,1 milliard de dollars, dont 115 millions de dollars aux IRSC, pour déployer une stratégie nationale de recherche médicale sur la COVID-19.
Ce nouvel investissement, qui est venu s'ajouter au budget de l'intervention de recherche rapide lancée par les IRSC, permettra de financer des projets liés à la mise au point de vaccins, de traitements, de nouveaux outils diagnostiques et d'interventions en santé publique pour aider les chercheurs à passer à la phase critique suivante de leur travail. Ces fonds contribueront aussi à assurer la participation du Canada aux essais cliniques nationaux et internationaux qui répondent aux priorités de l'OMS et qui permettront d'améliorer les connaissances sur l'efficacité théorique et réelle des vaccins, des traitements, du soutien psychologique et des méthodes de prise en charge clinique dans le contexte de la COVID-19.
Par exemple, ce nouvel investissement nous permettra d'accorder au Dr Srinivas Murthy et à son équipe de l'Université de la Colombie-Britannique des fonds supplémentaires de l'ordre de 3,5 millions de dollars afin de soutenir l'essai canadien sur les traitements contre la COVID-19 (CATCO), volet canadien de l'essai Solidarity de l'OMS. Ainsi, le Dr Murthy et son équipe seront en mesure d'élargir l'essai pour inclure d'autres hôpitaux et plus de participants à la grandeur du pays, dans le but d'étudier l'efficacité de différents traitements médicamenteux contre la COVID-19. Nous sommes persuadés que cette recherche contribuera largement à la quête de traitements efficaces pour le bien de tous les Canadiens.
Une partie de l'investissement sera par ailleurs consacrée à l'amélioration, de concert avec Santé Canada, des structures et des processus d'évaluation de l'éthique de la recherche. Nous visons ainsi à accélérer le lancement de travaux de recherche prometteurs, menés à plusieurs endroits dans diverses régions du Canada, y compris des essais cliniques. Les fonds supplémentaires permettront aussi au gouvernement du Canada, sous la direction des IRSC, de mettre sur pied un centre pour la recherche sur la préparation en cas de pandémie et d'urgence sanitaire, qui préparera le terrain en vue d'une coordination plus flexible de la recherche canadienne et mondiale sur les pandémies.
Enfin, les Canadiens et les fournisseurs de soins nous ont dit haut et fort qu'il faut intensifier les efforts de recherche pour comprendre et atténuer les effets de la pandémie sur la santé mentale et la toxicomanie. C'est pourquoi les IRSC, en partenariat avec l'Agence de la santé publique du Canada et Santé Canada, ont mis sur pied un groupe consultatif d'experts sur les besoins en santé mentale et en toxicomanie, et appuieront la recherche facilitant un processus accéléré de synthèse et d'application des connaissances sur les modèles efficaces de prestation de services virtuels pour le bien des Canadiens.
Qui plus est, nous sommes heureux d'annoncer que la deuxième phase de l'intervention de recherche rapide des IRSC est en cours. Le concours a suscité un nombre impressionnant de demandes, preuve de la vaste mobilisation extraordinaire du milieu canadien de la recherche face à la COVID-19. Nous en sommes maintenant à évaluer les demandes pour la deuxième étape, et les fonds seront versés aux candidats retenus dans quelques semaines.
Entretemps, les IRSC continuent de coordonner auprès de tous les ordres de gouvernement la mise en commun et l'application des idées, des données et des solutions novatrices pour une résolution rapide et efficace de la crise de la COVID-19. Par exemple, depuis ma dernière comparution, les IRSC ont tenu un certain nombre de réunions virtuelles de mobilisation des connaissances en vue de resserrer les liens entre les chercheurs financés dans le cadre de l'intervention de recherche rapide et les ministères et organismes concernés du gouvernement du Canada afin d'accélérer la recherche et l'application des connaissances.
Je tiens à rappeler que ces investissements dans la recherche permettent de produire les données de haute qualité qui sont indispensables aux politiques et aux interventions cliniques et de santé publique mises en place pour limiter la propagation rapide de la COVID-19 et sauver des vies au Canada.
Les chercheuses et chercheurs canadiens accomplissent ainsi un travail extrêmement important, ce qui m'amène à mon dernier point. Comme vous le savez sans doute, les IRSC ont annulé ce printemps le concours de subventions Projet. Puisque cette nouvelle a retenu l'attention du public et des membres de ce comité, j'aimerais prendre quelques instants pour expliquer les motifs de cette décision que nous avons prise après avoir dûment consulté nos partenaires de confiance.
En raison de l'éclosion de la COVID-19 et de la réorientation des priorités du gouvernement pour s'attaquer à la pandémie, les IRSC ont instauré un moratoire sur toute possibilité de financement stratégique, en cours ou à venir. Tous les concours liés à la COVID-19 étaient toutefois exemptés de ce moratoire. Au moment de prendre leur décision, les IRSC ne pouvaient pas garantir la fiabilité de l'infrastructure informatique essentielle à l'exécution du concours de subventions Projet qui exige l'évaluation de milliers de demandes en très peu de temps, et ce, immédiatement après que les employés des IRSC ont été contraints de travailler à partir de la maison.
C'est pourquoi nous avons pris la difficile décision de réserver les fonds de ce concours pour les transférer à celui de l'automne 2020. Parallèlement à cela, nous avons commencé à étudier les façons dont nous pouvions soutenir les chercheurs et les stagiaires pénalisés à la fois par cette décision et par l'interruption généralisée des programmes de recherche en raison de la pandémie.
À titre d'exemple, pour aider les candidats principaux dont les travaux ont été touchés par l'annulation du concours du printemps, les IRSC prolongeront le financement des subventions de recherche, d'une part, et verseront des subventions transitoires, d'autre part. En appui aux stagiaires, y compris aux étudiants et aux boursiers postdoctoraux, le gouvernement a récemment annoncé un nouvel investissement de 291 millions de dollars pour soutenir ces personnes financièrement tant que la majorité des installations permettant la conduite de leurs programmes de recherche universitaire resteront fermées.
De plus, le 15 mai 2020, le a annoncé un investissement supplémentaire de 450 millions de dollars pour aider le milieu canadien de la recherche universitaire pendant la pandémie de COVID-19. Cet investissement aidera les universités et les établissements de recherche en santé à poursuivre leurs travaux scientifiques essentiels pendant la crise pour ensuite rétablir l'ensemble de leurs activités une fois levées les restrictions relatives à l'éloignement physique. Les détails de ces investissements sont présentés dans le mémoire fourni au Comité avant la réunion d'aujourd'hui.
Pour terminer, j'aimerais insister sur le fait que les IRSC sont conscients de l'importance de soutenir non seulement les efforts déployés par le Canada en réponse à la pandémie, mais aussi l'ensemble des chercheurs qui en subissent les conséquences. Les investissements comme ceux annoncés au cours des dernières semaines sont essentiels à la pérennité de l'excellence en recherche, des compétences et du savoir.
Pour veiller à ce que les chercheurs soient bien appuyés pendant la pandémie et la reprise économique qui suivra, les IRSC continueront de travailler en étroite collaboration avec leurs partenaires fédéraux, le milieu de la recherche et les organismes de bienfaisance en santé afin de trouver d'autres méthodes de soutien.
Encore une fois, merci de m'avoir invité à faire le point sur les efforts déployés par les IRSC en appui à la recherche sur la COVID-19. Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Je salue les membres du Comité et les témoins qui comparaissent aujourd'hui avec moi.
Je tiens d'abord et avant tout à vous remercier de me donner l'occasion de prendre la parole à titre de présidente de la Société canadienne pour la virologie (SCV). Je suis très fière de diriger cette jeune société à but non lucratif que j'ai cofondée en 2016 avec le Dr Craig McCormick, professeur à l'Université Dalhousie.
La SCV a été fondée pour aider les virologues de tous les pays, parmi lesquels on retrouve des experts de renommée internationale en recherche fondamentale, clinique et épidémiologique, à se réunir pour échanger des idées et découvrir de nouvelles possibilités de collaboration afin de relever le défi que posent les infections virales existantes et émergentes, et de s'épanouir pleinement dans leur rôle de chefs de file dans ce domaine de recherche. La SCV compte aujourd'hui 220 membres qui étudient les virus infectant les humains, les animaux, les plantes et les bactéries. Nous comptons parmi nos membres des représentants d'universités, d'hôpitaux et d'instituts de recherche de tout le Canada. La société offre des occasions sans précédent de coaliser cette communauté de manière à favoriser les échanges et la collaboration en vue d'accélérer les découvertes et l'application des résultats de la recherche, tout cela dans le but de produire des résultats susceptibles d'améliorer la santé des Canadiens. Les virologues canadiens ont contribué de façon importante à la compréhension fondamentale de nombreux virus, ce qui a mené à l'élaboration de nouvelles stratégies pour la surveillance, la prévention et la résolution des problèmes de santé reliés aux infections virales à l'échelle planétaire. À titre d'exemple, je peux vous citer le vaccin contre le virus Ebola et les médicaments contre le VIH.
Comme vous pouvez vous l'imaginer, notre communauté a rapidement plongé au coeur de la pandémie mondiale actuelle et se situe à la pointe des efforts de recherche déployés pour mieux comprendre le SRAS-CoV-2, le virus responsable de la COVID-19, d'un point de vue biologique et épidémiologique, et contribuer à son diagnostic et à son traitement au moyen d'antiviraux ou de vaccins.
Dès son apparition en Chine en décembre 2019, le virus SRAS-CoV-2 est apparu sur le radar des membres de la SCV, et ce, jusqu'à ses plus hautes instances. Nous avons alors agi sans tarder en contribuant à l'organisation du soutien pour les travailleurs de la santé, les médecins microbiologistes et les virologues en Chine pour aider à contenir l'épidémie, à traiter les patients et à protéger les travailleurs de première ligne qui devaient composer avec des pénuries d'équipement et de fournitures de protection.
À l'initiative des dirigeants de la SCV, conjointement avec l'Université Dalhousie et des membres de la communauté médicale canadienne, des dons de quelque 48 000 $ ont été recueillis et utilisés pour l'achat et l'expédition à Wuhan de combinaisons en Tyvek pour les travailleurs des hôpitaux.
Des membres de notre communauté, y compris un clinicien et un microbiologiste, faisaient partie de l'équipe qui a traité le premier cas de COVID-19 à Toronto. En collaboration avec d'autres membres de la SCV, ils ont rapidement réussi à obtenir une culture du virus en laboratoire. D'autres équipes de collaboration ont emprunté des voies différentes pour obtenir une culture du virus et procéder très rapidement à des tests au moyen de modèles animaux, des étapes essentielles pour la mise au point des antiviraux et des vaccins. Ces outils sont maintenant diffusés dans l'ensemble de notre communauté qui a réagi de manière exceptionnelle en réorientant sans tarder ses efforts de recherche afin de répondre aux besoins les plus urgents: mieux comprendre le SRAS-CoV-2, améliorer les diagnostics, trouver des stratégies thérapeutiques et mettre au point des vaccins.
Nos membres ont dû déployer des efforts gigantesques, et nous tenons à reconnaître que cela a été rendu possible uniquement grâce à la réaction très rapide du gouvernement fédéral et de ses agences. Rien de cela n'aurait en effet été envisageable sans l'important investissement du gouvernement fédéral dans la recherche sur la COVID-19 par l'entremise des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), du Comité de coordination de la recherche au Canada (CCRC) grâce au Fonds Nouvelles frontières en recherche (FNFR), du Centre de recherches pour le développement international (CRDI) et de Génome Canada (GC).
Il convient bien évidemment de souligner cet apport, mais il ne faut pas perdre de vue les éléments qui ont contribué à notre manque de préparation à la pandémie actuelle. Ainsi, le financement insuffisant pour la recherche fondamentale menée à l'initiative de chercheurs au fil des ans a fortement restreint notre accès à une diversité de travaux qui auraient pu nous procurer un avantage sur le virus. Au cours de la dernière décennie, des scientifiques n'ont en effet pas manqué de nous mettre en garde contre la catégorie de virus à laquelle appartient le SRAS-CoV-2. Il a été clairement établi que la menace naturelle la plus probable qui pèse sur les humains est celle d'un virus respiratoire à ARN.
Par conséquent, cette catégorie de microbes aurait dû être priorisée dans nos efforts de préparation. J'ai moi-même souligné cette nécessité l'an dernier auprès de l'Institut des maladies infectieuses et immunitaires des IRSC. En outre, les épidémies ayant déjà touché le Canada, comme celle du SRAS en 2003, auraient également dû envoyer les signaux nécessaires à une meilleure préparation. Les scientifiques sont les mieux placés pour surveiller les nouveaux enjeux qui se présentent. Pour qu'ils puissent traduire leurs observations en connaissances et en outils permettant d'affronter les nouvelles maladies infectieuses, ils ont besoin d'un financement continu et soutenu pour la recherche menée à l'initiative des chercheurs.
Des investissements importants ont été consentis à l'époque de l'épidémie de SRAS, mais le financement de la recherche dans ce domaine a été plutôt limité par la suite, ce qui n'a pas permis de poursuivre dans le sens des progrès réalisés. Si l'effort de recherche planétaire avait été maintenu, nous aurions peut-être maintenant des antiviraux ou des indices pour la mise au point rapide de vaccins expérimentaux contre le SRAS-CoV-2, un virus étroitement apparenté.
L'accumulation de connaissances sur divers virus, notamment en biologie, en interaction avec l'hôte, en épidémiologie et en écologie, nous donnerait un avantage dans le combat que nous aurons assurément à livrer contre des pathogènes émergents. Il convient en conséquence de ne pas répéter les erreurs du passé en réduisant le financement dès que la pandémie actuelle prendra fin. Il faut également éviter de s'intéresser uniquement aux coronavirus en faisant plutôt porter nos recherches sur une grande variété de virus, car nous ne savons pas quelle sera la prochaine menace.
Il est important de noter que le SRAS-CoV-2 est tout comme le SRAS un virus zoonotique, c'est-à-dire qu'il est transmis à l'homme par un animal. La pandémie actuelle illustre bien la façon dont les virus peuvent se transmettre d'une espèce à une autre pour représenter une menace pour les humains, ce qui souligne encore davantage la nécessité de financer la recherche sur les virus d'origines diverses, et non seulement d'origine humaine.
Il faut des années de formation pour acquérir une expertise dans la manipulation et l'étude des virus menaçant l'homme et la mise au point d'antiviraux et de vaccins. Les membres de la SCV sont en train de former la prochaine génération de virologues, et nous nous consacrons à offrir du soutien au moyen d'ateliers sur les carrières et de possibilités de réseautage dans le cadre d'un symposium commandité, d'une remise de prix et d'un programme d'échanges en laboratoire.
Pendant que les membres de la société se concentrent sur la recherche liée à la COVID-19, leurs travaux de recherche sur d'autres virus sont en attente. Il est essentiel d'accroître la capacité de recherche afin d'élargir la portée de la recherche sur une variété de virus humains et animaux.
Il est important de noter que les virologues ne peuvent pas travailler en vase clos dans leur lutte contre les virus. Ils ont besoin de formation ou de collaboration avec des chercheurs spécialisés en immunologie, en mise au point de vaccins et de médicaments, en épidémiologie et en écologie. Le Canada devrait soutenir ce choix de carrière et renforcer les capacités dans divers domaines de la recherche liés aux virus, comme la recherche fondamentale, l'épidémiologie et la mise au point de médicaments et de vaccins, en rehaussant le profil de ces possibilités de carrière et en créant des environnements favorables offrant des possibilités de formation.
L'étude et la mise au point de produits thérapeutiques et de vaccins contre les agents pathogènes émergents qui représentent une menace pour les humains, comme le SRAS-CoV-2, exigent des expériences qui doivent être menées dans des laboratoires de confinement de niveau 3. Il est essentiel que, partout au Canada, ces infrastructures respectent en tout temps l'ensemble des lignes directrices du gouvernement en matière de biosécurité en laboratoire. C'est primordial pour que les chercheurs puissent mener les travaux expérimentaux nécessaires pour acquérir des connaissances sur les virus afin de pouvoir réagir rapidement à une situation de menace.
Plusieurs installations n'ont pas été certifiées et n'ont pas pu être mises à niveau au fil des ans en raison d'un manque de financement. Il importe donc que le gouvernement fédéral s'engage à trouver des fonds pour le renforcement des capacités et le maintien à niveau des laboratoires de confinement de niveau 3 et des installations pour animaux, qui sont essentielles à une intervention contre tout agent pathogène émergent. Le soutien pour ces laboratoires devrait se faire non seulement sous forme de financement des infrastructures, mais aussi de budget de fonctionnement.
En conclusion, je voudrais vous laisser avec le message suivant. Les impacts des maladies infectieuses émergentes ne cessent d'augmenter et la pandémie actuelle ne sera malheureusement pas la dernière. Une préparation accrue grâce au financement de la recherche menée à l'initiative des chercheurs et des infrastructures nécessaires sera beaucoup moins coûteuse que le tribut pour notre santé publique et notre économie d'un autre virus que l'on aurait pu détecter plus rapidement pour en limiter la propagation.
Il est essentiel à nos yeux que l'augmentation nécessaire du financement de la recherche fondamentale sur les virus ne se fasse pas au détriment du financement d'autres domaines, menaces ou maladies. La recherche sur les virus fait partie d'un écosystème qui, dans son ensemble, a un besoin urgent d'investissements supplémentaires pour la recherche fondamentale initiée par les chercheurs.
[Français]
Finalement, j'aimerais souligner le fait que les chercheurs membres de la Société canadienne pour la virologie se sont mobilisés de manière exceptionnelle pour combattre la pandémie actuelle associée à la COVID-19. La réorientation rapide de leur recherche n'aurait pas été possible sans les investissements majeurs du gouvernement fédéral dans la recherche sur la COVID-19, effectuée par l'entremise des Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ou CRSNG, du Conseil de recherches en sciences humaines, ou CRSH, du Comité de coordination de la recherche au Canada, ou CCRC, du Fonds Nouvelles frontières en recherche, du Centre de recherches pour le développement international, ou CRDI, et de Génome Canada.
Malheureusement, nous subissons actuellement les effets sournois d'un sous-financement de la recherche fondamentale non ciblée depuis plusieurs années. Ce type d'investissement aurait permis une meilleure préparation quant aux maladies infectieuses émergentes. Les scientifiques sont les mieux placés pour assurer une veille des domaines émergents. Il leur faut toutefois les moyens de transposer ces observations en recherches d'avant-garde.
Leur message est le suivant: les répercussions des maladies infectieuses émergentes continuent d'augmenter et la pandémie actuelle ne sera malheureusement pas la dernière. Une préparation accrue, grâce au financement de la recherche et des infrastructures, permettra de diminuer les répercussions sur la santé publique et économique d'un autre virus que nous aurions pu identifier et contenir plus tôt.
Finalement, il est essentiel que l'augmentation nécessaire du financement de la recherche fondamentale sur les virus ne se fasse pas au détriment d'autres domaines, menaces ou maladies. La recherche sur les virus fait partie d'un écosystème qui, dans l'ensemble, a un besoin urgent d'investissements supplémentaires pour la recherche fondamentale entreprise par les chercheurs.
Je vous remercie de votre attention et je serai heureuse de répondre à vos questions.
:
Docteure Tam, je sais qu'on voit toujours plus clair avec du recul, mais regardons vers l'avenir et guidons nos décisions sur les données scientifiques et probantes.
Qu'en est-il de la possibilité de rendre l'utilisation des masques obligatoire au Canada? Il existe amplement de données probantes qui indiquent que le port du masque est avantageux, surtout pour empêcher qu'une personne atteinte de la maladie — qui n'a peut-être pas de symptômes et qui ignore qu'elle en est atteinte — la transmette à d'autres personnes.
Il existe toute une série d'études. Permettez-moi de parler rapidement de certaines d'entre elles.
Dans une étude qui n'a pas encore été publiée, mais il semble qu'elle le sera dans la revue Proceedings of the National Academy of Science, Howard et coll. a examiné les données probantes et a conclu que la prépondérance des données probantes montre que le port d'un masque réduit la transmissibilité par contact en réduisant la transmission de gouttelettes infectées, tant en laboratoire que dans un contexte clinique.
Dans la revue Annals of Internal Medicine, une récente méta-analyse de 64 études a révélé que la transmission avait diminué de 50 à 80 % dans des établissements de soins de santé. Selon une étude de Leung sur d'autres formes de coronavirus, la transmission diminue lorsque les gens qui sont infectés portent un masque. Une étude du New England Journal of Medicine dont il a été abondamment question montre ce qui se passe lorsqu'on porte un masque et lorsqu'on n'en porte pas. Un certain nombre d'articles ont été rédigés sur la modélisation, sur ce qui se passe lorsqu'on ajoute le port du masque — bien qu'il ne s'agisse pas d'une solution, il comporte un avantage — à d'autres mesures de santé publique, et ils indiquent que cela peut contribuer à réduire considérablement la transmission de la maladie et la progression de la pandémie.
De nombreux pays de l'Asie du Sud-Est ont très bien réagi à la pandémie en rendant le port du masque obligatoire dans les lieux publics. Des endroits comme Taïwan, Singapour, la Thaïlande et 90 pays dans le monde ont rendu obligatoire l'utilisation de masques d'une manière ou d'une autre.
Par ailleurs, récemment, aux États-Unis, une lettre ouverte signée par 100 personnalités du monde médical a été adressée aux gouverneurs. Une grande partie des auteurs de la lettre viennent de Harvard; il y a deux lauréats du prix Nobel et des gens de Cambridge, d'Oxford, de Berkeley — toutes les grandes institutions —, et ils en sont venus à la conclusion qu'exiger l'utilisation de masques en tissu dans les lieux publics pourrait faire partie des outils les plus importants pour arrêter la propagation de la COVID-19 dans la collectivité. Eux aussi réclament l'utilisation obligatoire des masques.
Nous dépensons des milliards de dollars pour nous attaquer à ce problème. Il est vraiment important que nous ne gâchions pas tout au moment où nous sortons de notre isolement social initial. Que penseriez-vous d'une forme d'utilisation obligatoire des masques?
:
Ce que veulent le plus savoir les décideurs et les Canadiens, c'est où nous en sommes et si la situation s'améliore. De toute évidence, selon toutes nos indications, l'épidémie est au ralenti.
Nous avons notamment étudié la baisse du nombre de cas. Le nombre de cas confirmés au cours des sept derniers jours, comparativement aux sept jours précédents, a diminué d'environ 13 %. En regardant ce qu'on appelle le temps de doublement, on constate que l'épidémie a connu une croissance exponentielle à ses débuts. Ainsi, le temps de doublement était d'environ trois jours, ce qui est très rapide. Aujourd'hui, cet indicateur est presque inutile parce que le temps de doublement est de 30 à 60 jours et plus; ainsi, le taux de croissance ou le doublement ralentit de manière significative.
Il y a un indicateur qui intéresse tout le monde, et qu'on appelle le taux de reproduction réel. Il permet de déterminer si un Canadien transmet la maladie à moins d'un autre Canadien. Le cas échéant, la chaîne de transmission sera brisée.
Ce chiffre est peut-être moins important à l'échelle nationale qu'à l'échelle régionale, parce que nous avons des épidémies régionales, mais à l'heure actuelle, ce taux est inférieur à un, et cette tendance se maintient. Toutefois, le taux varie grandement d'une province à l'autre.
Bon nombre d'administrations ne comptent aucun cas de transmission communautaire ou arrivent à contrôler l'épidémie, mais nous surveillons l'Ontario et le Québec, parce que ces deux provinces comptent environ 85 % des cas et 94 % des décès. Il est très important de suivre le ralentissement du taux d'infection, d'hospitalisation et de décès dans ces provinces.
En gros, si l'on regarde la situation d'un point de vue régional, ce qui est très différent, toutes les provinces présentent une baisse dans leurs projections. Le message que je veux transmettre, c'est que nous sommes optimistes, mais que nous devons être très prudents, parce que si nous assouplissons les mesures pour la prochaine étape... La modélisation nous montre divers scénarios associés à l'assouplissement des mesures de santé publique. Nous savons donc ce que nous pouvons nous permettre de faire ou non. C'est ce qu'on a vu en Colombie-Britannique. Les modélisateurs travaillent tous très fort sur cela. Si des cas resurgissent, nous allons devoir agir très, très vite. C'est pourquoi nous misons sur le dépistage et la recherche des contacts.