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OGGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 016 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 1er février 2021

[Enregistrement électronique]

(1610)

[Traduction]

    Nous allons commencer. Bienvenue à la 16e réunion du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes.
    Le Comité se réunit aujourd'hui à 15 h 8 là où je suis, ce qui correspond à 16 h 8 chez vous. Nous tenterons de respecter l'horaire prévu afin d'avancer aussi rapidement que possible pour bien entendre les témoignages et poser des questions.
    Nous accueillons aujourd'hui des témoins dans le cadre de l'étude du Comité sur la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19.
    À titre d'information, le Comité ne se réunira pas le mercredi 3 février. Nous nous attendons à ce qu'il y ait un grand nombre de votes, peut-être même cinq, à la suite de la période de questions ce jour-là, ce qui nous retiendra et empêchera le Comité de se réunir en après-midi. Nous n'avons pas réussi à trouver un autre créneau, ce qui fait que nous avons convoqué les témoins à la réunion qui suivra, soit celle du mercredi 17 février.
    Pour assurer le bon déroulement de la réunion, je vous prie de suivre les consignes qui suivent.
    L'interprétation fournie dans le cadre de la vidéoconférence fonctionne essentiellement comme celle offerte lors d'une réunion de comité habituelle. Au bas de l'écran, vous pouvez choisir le parquet, l'anglais ou le français. Avant d'intervenir, attendez que je vous appelle. Lorsque vous êtes prêts à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône pour allumer votre microphone. Lorsque vous ne parlez pas, votre microphone doit être mis en sourdine.
    Les personnes présentes dans la salle de réunion doivent porter un masque lorsqu'elles se déplacent et ne peuvent pas respecter les consignes de distanciation physique.
    Chaque témoin fera une déclaration et disposera de cinq minutes pour ce faire. Nous suivrons l'ordre d'intervention qui paraît à l'ordre du jour.
    Sur ce, je demanderais à M. Bron de faire son exposé.
    Monsieur Bron, vous avez cinq minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour. Merci de m'avoir invité à vous parler de cette question importante, à savoir la dénonciation pendant la pandémie de la COVID-19.
    Le groupe que M. Cutler, M. Holman et moi-même représentons réunit divers experts canadiens du domaine de la transparence et de la dénonciation pour chercher des solutions au problème suivant: comment déceler et corriger les actes répréhensibles commis dans les secteurs privé et public pendant l'urgence que constitue la COVID-19. Je fais également des recherches sur la dénonciation sous les gouvernements de type Westminster depuis quelques années.
    Au début de la pandémie, il y a eu de nombreux reportages sur des magouilles concernant l'EPI, non seulement au Canada, mais partout au monde. Plus tard, j'ai entendu parler d'employeurs qui ont négligé de verser la Subvention salariale d'urgence du Canada à leurs employés, ainsi que de cas d'employés qui avaient trop peur de se plaindre, par crainte de perdre leur emploi.
    En Ontario, Ashley Jenkins a été renvoyée pour avoir dénoncé les conditions qui sévissaient dans une résidence de soins de longue durée. Des infirmiers et infirmières du Québec ont signalé des représailles semblables. Vous vous souviendrez peut-être que les Forces armées canadiennes ont déployé leur personnel médical à titre de renfort dans les résidences de soins de longue durée en Ontario. Les conditions horribles découvertes par les militaires ont été divulguées aux médias, mettant au grand jour l'insuffisance grave de la surveillance provinciale.
    Ces cas ne représentent qu'une toute petite proportion des employés qui ont observé des actes répréhensibles. La recherche indique que seulement la moitié des employés signaleront des actes répréhensibles graves, et que seulement 10 % d'entre eux le feront à l'extérieur de l'organisation, et ce, normalement lorsque la procédure de dénonciation interne n'a rien donné. Moins d'un pour cent de ces employés iront aux médias. Cela laisse entendre qu'il y a des centaines d'actes répréhensibles liés à la COVID-19 au Canada dont nous ignorons tout et qui pourraient persister.
    Comme le confirmera mon collègue, M. Holman, la transparence fait partie de la solution, tout comme la protection du dénonciateur. Les études confirment que les dénonciations sont la façon la plus efficace de détecter les actes répréhensibles au sein des organisations et qu'elles sont beaucoup plus efficaces que les vérifications, les examens par la direction, le respect des lois et tout autre moyen.
    Malgré la valeur des renseignements offerts par les dénonciateurs, ceux-ci ne bénéficient pas d'une protection adéquate au Canada. Même la dénonciation à l'interne est punie, d'une part pour transmettre un message aux autres travailleurs, et d'autre part pour empêcher que la dénonciation se rende jusqu'à un organe de réglementation ou au public.
    Les employeurs ont recours aux représailles parce qu'ils peuvent le faire. Les lois les plus étoffées en matière de protection des dénonciateurs du Canada, qui visent uniquement le secteur public, ne sont pas vraiment efficaces. Je le sais, car moi-même et mes collègues les comparons aux pratiques exemplaires depuis des années. La plupart des travailleurs du secteur privé n'ont aucune protection, outre la common law, qui s'avère un recours difficile et coûteux. Quelques lois existent dans certains secteurs, mais elles sont éparses, inefficaces ou encore inutilisées.
    Ce sont les raisons pour lesquelles Tom Devine, l'un des plus grands experts du monde en matière de dénonciation, a qualifié de chimère la loi sur la protection des dénonciateurs du Canada, c'est-à-dire qu'elle est tout à fait inutile et trompeuse. En fait, comme se souviendront peut-être M. Drouin et M. McCauley, M. Devine l'avait déjà dit à votre comité il y a presque quatre ans dans le cadre de l'examen de la loi fédérale sur la protection des dénonciateurs. Cet examen a donné lieu à un rapport unanime qui recommandait des modifications. Malheureusement, aucune des modifications n'a été adoptée. Nous nous démarquons par rapport à d'autres pays et blocs, tels que l'UE, qui vient d'exiger que tous ses pays membres adoptent de nouvelles lois plus musclées pour protéger les dénonciateurs.
    Afin de relever les défis à court et à moyen terme, notre groupe a trois recommandations en matière de dénonciation: primo, la nomination d'un ombudsman de la COVID-19 qui recevrait les dénonciations et les questions, et qui aiderait à orienter les Canadiens préoccupés et à résoudre les différends; secundo, le lancement d'une campagne de sensibilisation afin de renseigner les Canadiens sur leur droit de dénoncer et les recours qui leur sont offerts; tertio, la refonte des lois existantes de protection des dénonciateurs afin qu'elles correspondent aux pratiques exemplaires et s'appliquent aux secteurs public et privé.
    Pour conclure, je vous dirais que personne n'est bien servi par l'état des choses actuel: ni les dénonciateurs, ni le public, ni les organisations, ni le gouvernement. Le fait de protéger les dénonciateurs veut dire que les actes répréhensibles ne peuvent être cachés. Comme la tragédie qui a eu lieu dans les résidences de soins de longue durée le montre bien, les problèmes incontrôlés peuvent prendre une ampleur meurtrière. Les systèmes de protection des dénonciateurs efficaces permettent de repérer les problèmes, de mener des enquêtes approfondies et de corriger plus rapidement la situation.
    C'est pour ces raisons que nous demandons au Comité de recommander des mesures immédiates afin de conseiller de protéger les dénonciateurs maintenant et à l'avenir.
    Merci.
    Merci, monsieur Bron. Message reçu.
    Monsieur Cutler, vous avez cinq minutes. Allez-y.
(1615)
    Je vais répéter certaines choses qu'a dites M. Bron, en les présentant dans une autre optique et de façon plus générale.
    Nous savons tous que nous sommes au milieu d'une pandémie sans précédent, et il va sans dire que des erreurs ont été et seront commises, mais que faisons-nous? Tout le monde a un avis sur ce qui doit être fait. Avec le recul, il est très facile de critiquer, mais les gens concernés sont coincés, surtout les gens qui refusent de reconnaître leurs erreurs.
    Comme M. Bron, je parle à de nombreux dénonciateurs, et je leur parle peut-être de façon plus régulière maintenant. J'en arrive toujours aux deux mêmes constats. Il y a la peur que ressentent ces gens de ce qu'il leur arrivera s’ils font leur dénonciation. De plus, ils ont maintenant peur de perdre leur emploi. Plein de gens se retrouvent au chômage au pays. La population active s'est rétrécie. Les gens me disent: « Si je parle, je serai le prochain à être renvoyé », et donc ils se taisent.
    Les gens sont également très inquiets par la possibilité de représailles, ce qui nous amène à la question de la confiance. En ce moment, aucun des dénonciateurs ne fait confiance aux fonctionnaires, quelle que soit la couleur politique du gouvernement. Ils ont peur. Les fonctionnaires n'ont plus la confiance du public.
    Comme l'a dit M. Bron, les lois sont inefficaces, voire même inexistantes. La loi fédérale est lacunaire. À notre connaissance, aucune des lois n'inverse le fardeau de la preuve, alors que toute bonne loi sur la protection des dénonciateurs devrait le faire. L'inversion du fardeau de la preuve veut dire que si l'employeur a effectué des représailles, c'est lui qui doit prouver le contraire, plutôt que le dénonciateur. Qui détient le pouvoir? Qui a les documents? C'est l'employeur, et non l'employé.
    Je vais vous énumérer trois grands principes éthiques fondamentaux qui ont déjà été soulevés. Ils portent sur l'approvisionnement, mais aussi... ce qui a fréquemment eu lieu ici. Les principes fondamentaux sont l'équité, l'ouverture et la transparence. L'ombudsman fédéral en a parlé aux comités déjà.
    Il existe quatre raisons pour recourir à des fournisseurs uniques. Je sais que je m'écarte un peu du sujet de la dénonciation, mais c'est lié dans la mesure où la dénonciation a eu certaines répercussions.
    Parmi les quatre raisons, il y a l'urgence. Dans le contexte de la pandémie, les provinces et le gouvernement fédéral sont tout à fait justifiés de dire qu'il y a urgence. Ils n'ont pas le temps de suivre les pratiques habituelles d'approvisionnement pour obtenir ce dont ils ont besoin. Les principes d'équité et d'ouverture existent dans le contexte de la concurrence. L'équité veut dire que chaque soumissionnaire a droit au même traitement, et la concurrence veut dire que pour ce faire, il doit y avoir de l'ouverture afin que chacun puisse soumettre sa proposition.
    Le gouvernement a tenté de respecter ces principes dans la mesure du possible, mais la transparence est toujours de mise. La transparence veut dire qu'il faut fournir des renseignements dans les délais prévus. La transparence ne change jamais et est toujours nécessaire, qu'il s'agisse d'un appel d'offres ou de négociations. Il doit toujours y avoir de la transparence aux ressources humaines et dans chaque sphère de notre vie publique ou vie privée. Nous devons pouvoir obtenir les renseignements et être protégés. En ce moment, ce n'est pas le cas.
    Quant à l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, l'AIPRP, il n'y a pas... l'AIPRP est un excellent prétexte pour conserver les renseignements et retarder toute divulgation. J'ai souvent été frustré en tentant d'obtenir des renseignements qui auraient dû être donnés librement, dont des renseignements très simples.
(1620)
    Je vais conclure en disant tout simplement que l'erreur est humaine. Nous le savons tous. Certains gouvernements l'ont reconnu. Le gouvernement provincial de l'Ontario a reconnu qu'il aurait dû continuer à administrer des vaccins pendant la période des fêtes. Il a arrêté de le faire pendant deux jours, et a reconnu son erreur. Il n'y a rien de mal à reconnaître sa faute.
    Il faut également se souvenir que les détails sont essentiels. Quand allons-nous prendre connaissance des détails? Bien des gens nous disent que ça va bien aller un jour. Voilà une défense on ne peut plus optimiste. Oui, nous savons tous qu'un jour, tout ira bien. Dans le dernier rapport que j'ai vu, rédigé par un organisme indépendant, on indique que la pandémie sera en fait terminée à l'été 2022. C'est inacceptable. Nous devrions avoir des renseignements précis.
    Les dénonciateurs acceptent de me parler, mais ont peur de parler à d'autres intervenants. Ils ne font plus confiance aux médias.
    Je vais m'arrêter ici. Ma conclusion est essentiellement la même que celle de M. Bron. Il nous faut une loi nationale qui s'applique aux secteurs public et privé et aux organismes à but non lucratif. Il nous faut une loi nationale, solide et efficace, pour protéger l'ensemble des dénonciateurs qui signalent tous les actes répréhensibles commis dans notre pays.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Cutler.
    Au tour maintenant de M. Holman.
    Vous avez cinq minutes.
    J'aimerais remercier encore une fois les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner sur le droit du public de savoir ce qui a été compromis pendant la pandémie, et les mesures qui peuvent être prises.
    Je suis professeur de journalisme à l'Université Mount Royal à Calgary, et ma recherche porte sur les raisons pour lesquelles nous prisons l'information dans les démocraties et l'histoire des lois d'accès à l'information de notre pays. Comme l'a indiqué M. Bron, je suis également membre du Canadian COVID-19 Accountability Group, une coalition spéciale d'experts qui se sont réunis l'année dernière afin de proposer des réformes aux lois en matière de protection des dénonciateurs et d'accès à l'information dans le contexte de la pandémie.
    C'est en ma qualité d'expert que je m'inquiète du grand couvert du secret sous lequel agissent les gouvernements canadiens pendant la pandémie, phénomène qui n'a pas changé depuis la dernière fois que je suis venu témoigner devant votre comité. Ce secret veut dire que le gouvernement a négligé de fournir au public et aux fonctionnaires les données dont ils ont besoin pour surveiller et comptabiliser des milliards de dollars de dépenses liées à la COVID-19, y compris les données sur le coût des vaccins et les marchés passés.
    Cela s'est traduit par la négligence du système d'accès à l'information déjà boiteux du Canada au point où il ne sert plus. Cela veut dire également que le gouvernement a bien trop souvent refusé de répondre à des questions simples des médias et de l'opposition sur sa réponse à la pandémie, ou encore a retardé ses réponses, comme dans le cas des questions visant à savoir quand les vaccins arriveront au pays ou encore si le premier ministre avait parlé au PDG de l'une des sociétés qui fabriquent les vaccins.
    Le secret n'a pas commencé pendant la pandémie. L'histoire nous montre qu'il fait partie intégrante de notre système de gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir à Ottawa. C'est parce que notre système est fondé sur la notion que les décisions doivent être prises à huis clos. Le premier ministre y a fait allusion le mois dernier lorsqu'il a indiqué que les impératifs de la responsabilisation et de l'ouverture devaient être pesés contre « la capacité de traiter des questions très compliquées de façon approfondie ». Puisque de nombreuses questions dont est saisi le gouvernement sont compliquées, il en résulte très peu de transparence, un phénomène illustré et renforcé par le fait que tout ce qui se fait au cabinet, l'organe principal de prise de décisions du gouvernement, constitue un secret.
    Cette croyance en la nécessité de la prise de décisions à huis clos s'est infiltrée à tous les échelons du gouvernement, depuis le ministre le plus haut placé jusqu'au petit gratte-papier. Non seulement cette attitude infantilise le public canadien et nuit à notre démocratie, elle menace également la stabilité politique et sociale de notre pays.
    Les gens veulent des renseignements parce qu'ils recherchent un certain contrôle et de la certitude. Ils veulent des renseignements afin de prendre de meilleures décisions sur leur réalité, et ainsi diriger les institutions publiques et privées. Ils veulent des renseignements afin de mieux comprendre le monde, et être rassurés quant à ce qui va se passer.
    Pendant une urgence, comme celle que nous vivons maintenant, ce besoin d'information s'intensifie. Les Canadiens veulent prendre les décisions les plus éclairées possible pour se protéger, tout en s'assurant que les gouvernements et les sociétés font la même chose pour leur compte.
    Le fait de ne pas fournir cette information est lourd de conséquences en l'ère post-vérité. S'il y a des trous dans l'information, il y a un grand risque que les trous soient comblés par des renseignements erronés et de la désinformation, comme nous le voyons dans les manifestations anti-masques qui ont eu lieu à l'échelle du pays et dans les théories complotistes qui en sont à la base.
    Voilà la raison pour laquelle le gouvernement fédéral doit absolument faire preuve de davantage d'ouverture envers les Canadiens pendant cette urgence. L'époque exige moins de secrets, pas plus. La vérité est la seule chose qui puisse contrer les mensonges qui occupent maintenant une place si pernicieuse dans la sphère publique.
    C'est donc à cette fin que notre groupe a recommandé que le gouvernement soit tenu légalement de divulguer de façon proactive de grandes catégories de dossiers, sans caviardage, dans les 15 jours suivant leur rédaction, y compris les rapports sur la santé et les inspections sanitaires, ainsi que les documents sur la recherche dans le domaine de la santé publique et les marchés publics. Il n'y a aucune raison qui justifie que les Canadiens ne puissent pas lire la vérité contenue dans ces dossiers,qu'il y ait une pandémie ou non.
    Avec les réformes recommandées par mes collègues sur la protection des dénonciateurs, nous pensons que ces mesures aideront grandement à accroître la confiance des Canadiens envers le gouvernement et la prise de décisions axée sur la preuve à une époque où le secteur public est menacé d'actes répréhensibles et d'abus.
    Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de témoigner.
(1625)
    Merci beaucoup, monsieur Holman.
    Nous passons à notre première série de questions. C'est M. McCauley qui commence. Il dispose de six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, messieurs. Je suis heureux de vous revoir.
    Je tiens tout d'abord à remercier MM. Bron et Cutler de travailler autant avec nous à la question des dénonciateurs, et je tiens à remercier les autres membres du Comité qui étaient avec nous pendant la 42e législature: M. Drouin et, bien sûr, M. MacKinnon. Malgré tous leurs efforts, le gouvernement n'a pas été à la hauteur et n'a rien fait au sujet de la loi. J'espère que nous irons de l'avant un jour, car je pense que cacher de l'information ne sert l'intérêt de personne.
    Monsieur Cutler, je veux commencer par vous. À votre avis, qu'est-ce que cela révèle sur notre pays quand nous voyons que l'Amérique de Trump — et, bien entendu, elle est passée à Biden — et le Royaume-Uni ont divulgué des détails sur les contrats d'approvisionnement en vaccins contre la COVID et que le Canada refuse toujours de divulguer ces renseignements?
    Rien ne justifie que ces renseignements ne soient pas rendus publics rapidement. Comme vous le savez, je m'intéresse grandement à l'approvisionnement et j'adore lire des contrats. Je suis une personne qui aime les détails et il ne s'agit pas de dire seulement « oh, nous avons un contrat ». Je peux dire « nous avons un contrat » au sujet de n'importe quoi, mais à moins qu'on m'en donne les détails, cela peut ne servir à rien. Ils peuvent avoir conclu un contrat avec Pfizer, par exemple, et il faudra deux ans avant qu'on ne produise quoi que soit, mais à moins qu'on me donne les détails, je ne sais rien, vraiment.
    On nous dit « faites-nous confiance, s'il vous plaît » plutôt que « voici les faits ».
    Monsieur Bron, je vais vous poser la même question. À votre avis, qu'est-ce que cela révèle sur notre pays, sur notre gouvernement, quand nous voyons d'autres pays publier ouvertement leurs contrats d'approvisionnement en vaccins, alors que nous invoquons comme prétexte la nécessité de protéger des renseignements commerciaux de nature délicate ou l'idée que la concurrence est vive dans ce monde, ce que nous entendons beaucoup?
    Je voudrais revenir sur les observations de M. Holman concernant la culture du secret qui existe depuis longtemps. J'ai travaillé au gouvernement il y a de nombreuses années, et il y avait presque une tendance à penser que les gens qui demandaient des renseignements agissaient un peu de manière déplacée. Pourquoi veulent-ils obtenir ces renseignements?
    Je dirais que c'est le résultat, en partie, de notre système de Westminster, qui est fortement marqué par l'opposition, et d'une culture bureaucratique. Cela donne une mauvaise image. Comme l'a dit M. Cutler, rien ne justifie que ces contrats ne puissent pas être rendus publics, qu'une grande partie de ces renseignements ne puissent pas être diffusés. Le problème, c'est que cette capacité n'a jamais été établie auparavant, ce qui doit changer à l'avenir.
     Vous soulevez le point concernant l'équipement de protection individuelle. Je me souviens que pendant que nous tenions des réunions au cours de l'été, nous avons entendu dire qu'il y avait de l'équipement de protection individuelle contaminé, ou qu'on avait acheté un type d'équipement, mais que ce n'était pas le bon type d'équipement qui avait été envoyé. Aux dernières nouvelles... Nous voilà, sept ou huit mois plus tard, et nous n'avons toujours pas récupéré notre argent. Ils continuent à protéger le nom du fournisseur pour des raisons commerciales. En juillet, nous avons appris qu'ils allaient révéler tous les noms des fournisseurs d'équipement de protection individuelle. Ils ne l'ont toujours pas fait.
    Vous avez récemment souligné que le New York Times a révélé qu'une grande partie de l'équipement de protection individuelle provenait d'entreprises chinoises qui avaient recours au travail forcé. Cependant, en même temps, notre gouvernement refuse de fournir l'information sur les lieux d'où provient l'équipement que nous achetons en Chine.
    Dans quel monde cela a-t-il un sens? Nous dénonçons le travail forcé, mais parallèlement, nous ne disons pas franchement d'où provient l'équipement de protection individuelle que nous achetons, alors que les probabilités sont qu'il provienne en partie d'entreprises qui ont recours au travail forcé.
(1630)
     C'est un peu fort de le dire, mais à mon sens, cela semble indiquer une certaine emprise de la réglementation. Il n'y a rien de nouveau là-dedans: des gouvernements, quelle que soit leur allégeance, disent qu'ils doivent protéger des intérêts commerciaux, alors qu'en fait, le gouvernement a des pouvoirs de réglementation et il est censé demander des comptes aux entreprises lorsqu'il y a des problèmes.
    On ne devrait pas protéger une entreprise qui n'honore pas son contrat et qui agit d'une manière qui nuit à l'intérêt public. Cela n'a aucun sens, à mon avis.
    Monsieur Holman, je vous remercie de votre contribution et du travail que vous avez accompli dans le dossier de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels.
    À l'heure actuelle, quelles provinces font bien les choses à cet égard? Lesquelles font pire qu'avant? Je sais qu'au gouvernement fédéral, la situation semble se détériorer. Quel gouvernement fait mieux les choses, et quel pays du monde libre fait mieux les choses?
    À mon avis, aucune province canadienne ne fait bien les choses actuellement sur le plan de la transparence, car toutes ces mesures, qu'il s'agisse ou non de dénonciation ou d'accès à l'information, proviennent essentiellement de la même source. Ce sont relativement les mêmes partout, de sorte que nous voyons les mêmes problèmes dans toutes les provinces du Canada.
    Nous devrions examiner ce que font d'autres pays à cet égard et en quoi ils sont meilleurs que le nôtre. Prenons l'exemple de la Nouvelle-Zélande, qui a été encensée sur la scène internationale pour l'approche qu'elle a adoptée pour lutter contre la pandémie. Une chose intéressante qui n'attire pas autant l'attention qu'elle le devrait, c'est le fait qu'elle divulgue publiquement de manière proactive ses documents du cabinet 30 jours après que ce dernier prend une décision. D'autres pays sont plus ouverts que le nôtre et nous devons suivre leur exemple pour accroître l'ouverture et la responsabilisation au Canada.
    Si vous me permettez d'ajouter quelque chose... Vous avez parlé de la Chine. C'est un exemple très intéressant. Le Toronto Star a fait du très bon journalisme d'enquête et a découvert que de nombreuses entreprises au Canada importent des produits qui ont été fabriqués par des gens contraints au travail forcé. Ce qui est intéressant, c'est que cela n'a pu être révélé que parce que certains de ces documents relatifs à l'importation et à l'exportation sont accessibles aux États-Unis. Nous n'avons pas accès à ces documents d'importation au Canada...
    Je déteste devoir vous interrompre, mais le temps dont nous disposons est limité. Peut-être pouvez-vous terminer votre réponse à un autre moment.
    Monsieur MacKinnon, vous disposez de six minutes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui, que ce soit en personne ou en mode virtuel.

[Traduction]

    Je veux parler un peu de ce que, en fait, ce gouvernement divulgue, et de ce que la population sait grâce aux nombreux renseignements qui ont été divulgués pendant la pandémie.

[Français]

    Je vous parle en ma qualité de secrétaire parlementaire de la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement. Le Bureau de la traduction est sous notre responsabilité et il est inondé de demandes de traduction de documents destinés à être communiqués au grand public.

[Traduction]

     Le travail que nous accumulons actuellement, au Bureau de la traduction, pour la divulgation publique de documents sur la COVID et de documents connexes, est considérable. C'est du jamais vu. C'est précisément parce que le gouvernement a accepté de divulguer un certain nombre de documents relatifs à la COVID et de fournir énormément de renseignements.
    Je me souviens, et tous les députés ici présents s'en souviendront, de la première motion que nous avons présentée pour que la Chambre s'ajourne et que nous passions à des séances hybrides. C'était une motion dans laquelle nous demandions à la vérificatrice générale de procéder à des examens spéciaux du gouvernement sur les décisions liées à la COVID.
    À la une du Globe and Mail d'aujourd'hui, on peut lire des révélations extraordinaires qui n'auraient jamais été faites si ce n'était des circonstances liées à la pandémie.
     Monsieur Holman, vous avez parlé des révélations que les Forces armées canadiennes ont faites sur les conditions dans les établissements de soins de longue durée, qui, encore une fois, sont sans doute extraordinaires et n'auraient pas été faites si ce n'était des conditions liées à la pandémie.
    De mon point de vue — et j'aimerais savoir ce que les témoins en pensent —, ce gouvernement a fait plus que son devoir en ce qui concerne la divulgation de renseignements pendant la pandémie.
    De nombreux arguments concernent, par exemple, les acquisitions et les achats à caractère sensible. Avant de vous donner, à tous les trois, la parole et le micro, je voudrais dire encore une fois que nous faisons effectivement face à des concurrents à l'échelle internationale pour l'approvisionnement en vaccins et en équipement de protection individuelle, et divulguer bon nombre des conditions... De toute évidence, nous avons divulgué certaines des conditions de ces contrats, un nombre important d'entre elles, mais si nous en divulguions beaucoup d'autres, nous ferions face à un problème éthique où la vie de Canadiens serait mise en danger.
    Je vous demande ce que vous en pensez, messieurs Cutler, Holman et Bron.
(1635)
     Merci.
    Évidemment, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. En ce qui concerne l'information donnée librement, je m'intéresse à l'accès à l'information depuis de nombreuses années maintenant, et au cours des deux ou trois dernières années, bien avant l'arrivée de la pandémie, le système s'est pratiquement arrêté.
    Je conviens que la situation s'est empirée depuis, car les gens ne travaillent pas dans leurs bureaux et il y a des retards dans l'obtention de documents. C'est tout à fait compréhensible. Il faut que ce soit, du moins dans une certaine mesure, jugé acceptable. Si vous voulez, le retard est inacceptable, mais le fait qu'il y ait un retard est acceptable.
    Pour ce qui est des contrats gouvernementaux, je me penche sur de tels contrats depuis bien des années. Je sais exactement quels documents sont accessibles et lesquels ne le sont pas. Lorsqu'on demande une copie d'un contrat, certains renseignements qui sont considérés comme étant confidentiels sont censurés, ce qui inclut habituellement le coût réel, ce qui est normal. Toutefois, de nombreux renseignements ne sont pas censurés, comme les livraisons et le nom de celui qui a eu le contrat, et cela a toujours été considéré comme de l'information ouverte et facile à obtenir au moyen d'une demande.
    Merci, monsieur Cutler.
    Je pense que nous allons passer à M. Bron, si possible.
    Malheureusement, il ne nous reste qu'une minute environ et alors, si vous voulez intervenir, vous devrez être bref. Merci.
    À mon avis, il ne s'agit pas tellement de dénoncer un incident particulier. C'est une situation qui a évolué sur de nombreuses années. On n'a pas bâti les capacités au préalable, et il faut le faire maintenant.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Holman.
    Monsieur Holman, vous disposez de 30 secondes.
    Monsieur MacKinnon, vous soulignez que la dénonciation qui a été faite par l'Armée canadienne constitue un exemple de transparence. Ce n'en est pas un. Cette information sur les établissements de soins de longue durée n'a été révélée que parce que des membres des Forces armées canadiennes se sont adressées aux médias.
     Comme l'a souligné mon collègue, M. Bron, la situation exacerbe les nombreux problèmes structurels que nous avons vus s'accumuler au fil des ans tant sur le plan de l'accès à l'information que sur le plan de la dénonciation.
    Je voudrais seulement signaler que les forces armées avaient un rapport officiel.
(1640)
    Merci, monsieur Holman, merci, monsieur MacKinnon.
    C'est maintenant au tour de Mme Vignola, qui dispose de six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Bron, en temps de crise, les décisions doivent être prises rapidement, et il faut souvent se « retourner sur un dix cents. »
    Quelles conséquences le manque de transparence du gouvernement quant aux vaccins et aux autres contrats d'approvisionnement peuvent-ils avoir sur notre capacité à corriger le tir en cours de route?
    Quelles sont les conséquences possibles sur le résultat financier final quant aux coûts de la pandémie pour les contribuables?

[Traduction]

    Bien entendu, on finira par payer plus. Un manque de transparence permet de laisser passer des erreurs ou des fautes. Le meilleur moyen, c'est de faire preuve de transparence dès le départ afin que les problèmes puissent être repérés à temps. En cas d'échec, il faut s'en remettre aux dénonciateurs. Les dénonciateurs sont une sorte de fil-piège qui permet de détecter les actes répréhensibles. Cette avenue est censée fonctionner lorsque d'autres systèmes sont défaillants.
    En ce qui concerne l'accumulation des coûts, s'il y a conspiration entre entrepreneurs, par exemple, cela peut ne pas être aussi facile à découvrir si l'on ne fait pas preuve de la transparence qu'il faut et si personne ne regarde les dossiers.
    Je crois toutefois que M. Cutler est probablement mieux placé que moi pour répondre à la question sur les contrats.
    Je conviens tout à fait que des erreurs peuvent être commises, et les gros contrats assortis de prix élevés sont négociés lorsqu'on est pressé. Nous le savons tous. Cependant, quant aux erreurs concernant ce que l'on achète et auprès de qui on l'achète, il n'y a aucun moyen de savoir ce qui se passe, sauf dans le cadre d'un audit, des années plus tard. Pensez à ce qui se passera dans deux ou trois ans. On saura probablement ce qui a mal tourné, mais les personnes qui en auront déjà tiré tous les bénéfices auront disparu.
    Il n'est pas si difficile d'avoir des freins et des contrepoids, mais ce sont des processus systémiques qui ont été mis en place pour empêcher les gens de connaître la vérité à un stade précoce.
    Je ne pourrais pas être plus du même avis. On parle de transparence concernant un bon processus décisionnel gouvernemental. S'il y a plus de transparence, si le gouvernement sait qu'il est surveillé et sait que les gens sont attentifs, il y a alors de fortes chances qu'il prenne de meilleures décisions. C'est vraiment de cela qu'il s'agit ici.
    Nous parlons de démocratie, mais nous parlons aussi de bonne gouvernance.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Holman, je vais m'adresser à vous.
    Le 9 juin 2020, la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement a noté dans son allocution d'ouverture qu'en raison de la concurrence et de l'instabilité des marchés actuels, certaines informations à propos de nos approvisionnements pourraient compromettre les commandes du gouvernement fédéral et la position de négociation du Canada.
    Vous avez parlé du système du silence. Le système qui fait que les décisions sont prises en privé ou en secret a-t-il pour but d'assurer de meilleurs services à la population?
    Vise-t-il plutôt à préserver les sensibilités qui pourraient exister auprès de partenaires internationaux?
    Existe-t-il pour ouvrir certaines portes politiques?

[Traduction]

    Souvent, il s'agit de protéger le secret.
    Petit fait historique, lorsque nous parlions de rendre les documents gouvernementaux accessibles après 30 ans, dans la période de l'après-guerre, des discussions ont eu lieu au Cabinet à ce sujet. L'une des principales raisons pour lesquelles ils n'ont pas choisi 25 ans, c'est que les hommes qui occupaient des charges publiques pouvaient encore être en poste après 25 ans. On souhaitait ne pas mettre ces gens dans l'embarras.
    Nous parlons vraiment ici d'éviter de mettre des gens dans l'embarras plus que quoi que ce soit d'autre. Nous ne parlons pas de bonne gouvernance ni de démocratie. Nous parlons, dans de nombreux cas, simplement du désir de ne pas mettre des gens qui occupent des charges publiques dans l'embarras.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Il vous reste une minute.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Bron, par le passé, il m'est arrivé d'entendre des gens dire qu'il fallait être prudent en ce qui concerne les dénonciations, qu'une dénonciation pourrait en fait être un moyen utilisé par une personne pour se venger d'un employeur ou d'un haut gradé.
    Selon vous, ce type de dénonciation est-il fréquent?
    La probabilité que cela arrive doit-elle freiner le gouvernement pour ce qui est d'améliorer son système et ses lois?
(1645)

[Traduction]

    Ce n'est pas très fréquent. C'est très rare. C'est un argument spécieux qui est souvent utilisé pour s'opposer à la dénonciation.
    Le cas des licenciements qui ont eu lieu au ministère de la Santé de la Colombie-Britannique, en 2012, a montré ce qui se passe quand il n'y a pas de système efficace. On a un tribunal irrégulier et les gens en prennent pour leur grade — tout cela pour rien.
    Un système de dénonciation efficace permet d'éviter que cela ne se produise. Si une personne fait une plainte malveillante ou a tout simplement tort, le système permet de faire une enquête pour découvrir le problème et on met un terme à l'enquête.
    Merci, monsieur Bron.
    Peut-être avez-vous entendu mon alarme se déclencher pour signaler que le temps était écoulé. Ce n'est pas le téléphone de quelqu'un. C'est mon alarme.
    C'est maintenant au tour de M. Green, qui dispose de six minutes.
    Je dois dire que je regrette que les recommandations du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires n'aient pas été adoptées la première fois. Je peux seulement imaginer le genre de gaspillage et d'incidents de collusion ou de corruption qui auraient pu être évités si des systèmes et des principes avaient été établis avant l'arrivée de la COVID.
    Je veux pouvoir discuter des recommandations qui ont été présentées dans le livre blanc. Je veux comparer votre définition de « intrinsèquement ouvert » et celle du gouvernement, qui a utilisé si fièrement cette expression dans toutes les lettres de mandat.
    Peut-être voulez-vous commencer, monsieur Holman.
    « Intrinsèquement ouvert », c'est un bon slogan, n'est-ce pas? Seulement, cela signifie souvent « accessible, sauf lorsque certaines exemptions s'appliquent à un document ». Comme vous le savez, les exemptions qu'on trouve dans la Loi sur l'accès à l'information sont assez vastes. Le fait qu'elles soient si vastes est problématique depuis l'adoption de la première mouture de la Loi sur l'accès à l'information. Un journaliste avait déclaré immédiatement après l'adoption de cette loi que les échappatoires y étaient si grandes qu'on pourrait y faire flotter le dirigeable Goodyear.
    Il nous faut une loi qui exige la divulgation proactive de certaines grandes catégories de documents publics. Cela suffit de donner au gouvernement la possibilité d'exclure ceci et cela. Il a prouvé qu'on ne pouvait pas lui faire confiance pour cela. Nous avons besoin d'une loi qui impose la divulgation, qui requiert la divulgation proactive de certaines grandes catégories de renseignements.
    En tant qu'ancien conseiller municipal, je peux vous dire que c'est l'une des choses que je réclamerais dans un processus d'approvisionnement. Nous consacrions énormément de temps à cela, particulièrement en ce qui concerne les lobbyistes. Je le vois comme une séquence logique. Les contrats découlent souvent de l'engagement initial, selon une séquence logique.
    Je crois que c'est M. Bron qui a parlé de la transparence en amont et de l'idée selon laquelle ce que nous apprenons au Canada vient parfois de divulgations faites aux États-Unis. Vous parliez des exportations. Y a-t-il quelqu'un ici qui souhaiterait nous parler des registres américains des lobbyistes, qui dépassent de loin ceux du Canada? J'ai fait mention d'enjeux qui ont été mis au jour concernant SNC-Lavalin et les contrats militaires, des choses que les lobbyistes canadiens devraient divulguer aux États-Unis mais que nos systèmes semblent passer totalement sous silence.
    Je peux vous en parler.
    Vous avez tout à fait raison. Le plus drôle, c'est que nous avons adopté la Loi sur l'accès à l'information au début des années 1980 parce qu'on se rendait compte qu'aux États-Unis, bien plus d'information était rendue publique, de l'information à laquelle les Canadiens n'avaient pas accès. En fait, c'est à ce moment qu'on a pris conscience du fait que les Canadiens pouvaient obtenir de l'information, aux États-Unis, sur les rapports d'inspection de viande visant leurs propres usines de transformation, mais qu'ils ne pouvaient pas y avoir accès depuis le Canada.
    Il serait temps de comparer de nouveau l'information accessible au Canada par rapport à celle accessible aux États-Unis, parce que cela permettrait de mettre en lumière le degré d'opacité de nos gouvernements, dans ce pays, quelle que soit leur couleur politique.
    Je serais porté à être d'accord avec vous. Nous aimons bien afficher un air supérieur devant tout ce qui se passe aux États-Unis, mais nous faisons preuve de faux progressisme quant au traitement de l'information ici. Quand on regarde ce genre de contrat de plus près, par exemple — et vous ne le savez probablement pas, mais c'est une question que j'ai posée à répétition à la ministre responsable de l'approvisionnement, en lui demandant de rendre les contrats publics — ce n'est à l'avantage que du vendeur et non de l'acheteur que les contrats restent secrets, selon moi. Encore une fois, nous avons entendu M. Cutler nous parler de l'idée d'options plutôt que de données réelles sur les vaccins.
    M. Cutler peut-il nous parler un peu de l'importance d'une approche gouvernementale ouverte à l'égard des contrats et de la façon dont cela pourrait nous aider à améliorer nos processus? Je ne cherche pas, ici, à vilipender le gouvernement, mais à m'assurer que nous avons de bons mécanismes en place pour mettre en lumière tous les petits coins noirs, question de pouvoir vérifier que le gouvernement fait vraiment ce qu'il dit.
    Monsieur Cutler, pouvez-vous nous expliquer combien il est important que nous puissions connaître les menus détails de notre contrat?
(1650)
    M. Holman a mentionné le concept d'un gouvernement « intrinsèquement ouvert ». J'aurais tendance à affirmer que le gouvernement, depuis des années, rend plutôt ses documents accessibles exceptionnellement qu'intrinsèquement. Je prends le point de vue d'un utilisateur, du public, et l'accessibilité est exceptionnelle... On ne peut qu'occasionnellement obtenir le document source.
    Soit dit en passant, je parle là d'un processus normal, qui existe depuis longtemps. Je ne parle pas de quelque chose de nouveau. Je veux obtenir copie d'un contrat. Je présente une demande d'accès à l'information. J'obtiens une copie du contrat. J'ai pu ainsi voir le contrat conclu pour Phénix, par exemple. Ce sont des journalistes qui l'ont obtenu, puis qui me l'ont donné. Il n'y manquait que quelques petits éléments caviardés, mais j'avais bien assez d'informations pour comprendre bon nombre des problèmes.
    Tous les contrats conclus depuis le début de la pandémie pourraient être rendus publics. Nous saurions alors qui sont les parties, combien d'argent nous dépensons au total et quels sont les détails des contrats. Nul besoin de connaître tous les chiffres par entreprise, mais l'on pourrait avoir le total. Tous ces renseignements sont divulgués, normalement.
    J'aimerais beaucoup, moi-même, voir les chiffres de Deloitte.
    Je sais que je n'ai presque plus de temps.
    Je ne demande rien de nouveau.
    Merci, monsieur Cutler et monsieur Green.
    Nous entamerons maintenant un deuxième tour. Je donnerai cinq minutes à M. Paul-Hus, pour commencer.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie d'être avec nous. Vos témoignages sont très instructifs.
    Nous parlons de contrats depuis tantôt. J'ai ici une liste qui provient d'un site du gouvernement du Canada. Elle figure dans le « Tableau 3 : Respirateurs N95 ». Actuellement, seulement 2 entreprises sur 23 sont nommées. Les autres sont simplement désignées sous le nom Entreprise A, B, C, D, et ainsi de suite. On parle de contrats de 91 millions, 35 millions, 69 millions et 158 millions de dollars.
    Trouvez-vous normal que nous n'ayons pas au moins le nom des entreprises?
    On nous dit que c'est une question de confidentialité dans les négociations. Je veux bien comprendre cela, mais ne serait-il pas normal d'avoir le nom des entreprises?
    J'aimerais avoir vos commentaires, monsieur Cutler, à ce sujet.

[Traduction]

    Je vous dirais qu'effectivement, ce devrait être la norme. Compte tenu de l'urgence de la situation, on peut totalement comprendre que le gouvernement ait pris des décisions sur les entreprises auxquelles il allait donner des contrats. Il aurait toutefois dû prévoir un mécanisme pour que le tout soit vérifié rapidement. J'ai cru comprendre que certaines d'entre elles n'étaient peut-être même pas en activité, mais je n'ai pas de détails, donc je n'entrerai pas...
    Comme je l'ai dit, c'est bien beau de critiquer ce qui s'est passé en rétrospective, mais ce devrait être la norme qu'on connaisse les détails des contrats et l'identité des sociétés visées. Les renseignements que vous voulez devraient être connus.

[Français]

    C'est ce que je pense.
    Selon votre expérience, est-ce que le fait de ne pas connaître le nom des entreprises ouvre la porte à de la collusion? Peut-il y avoir de la collusion entre différentes entreprises? Comme nous n'y avons pas accès, nous n'avons pas la possibilité de nous faire une idée à ce sujet.

[Traduction]

    Oui, il peut y avoir des offres truquées. On ne peut pas le savoir si l'on ne sait pas qui a soumissionné. Croyez-moi, les journalistes adorent enquêter sur ce genre de choses. Il peut y avoir des offres truquées et on peut se trouver à payer plus que nécessaire. Ce n'est pas difficile à vérifier.
    Soit dit en passant, on ne le reconnaît pas toujours, mais le gouvernement a le pouvoir d'imposer des contrats dans des circonstances exceptionnelles, de même que de s'assurer que tous les prix soient vérifiés, pour ne pas se faire escroquer. Mais encore là, je ne sais pas ce qui se trouve dans le contrat ni comment le contrat a été rédigé.
(1655)

[Français]

    Je vous remercie.
    Je vais maintenant m'adresser à vous, monsieur Holman.
    La semaine passée, nous avons appris que, dans le cadre du contrat de CanSinoBio, le fameux contrat donné par le gouvernement du Canada pour la mise au point des vaccins, avait pris fin. Au mois de juin, le Conseil national de recherches Canada a dit, devant un comité de la Chambre des communes, que l'accord était en place. Au mois de juillet, le gouvernement du Canada a dit qu'il y avait encore un accord. Au mois d'août, on nous a dit qu'il n'y avait plus d'accord. Maintenant, nous apprenons que les Chinois ont mis fin à l'entente au mois de mai.
    Trouvez-vous normal que le gouvernement du Canada cache cette information?

[Traduction]

    Je pense que c'est normal, mais ce ne devrait pas être ainsi. La pandémie exacerbe tous les problèmes qui existaient déjà dans le système de transparence du Canada et les met en lumière, qu'il s'agisse de la dénonciation ou du traitement de l'information. Nous devrions avoir droit à cette information. Nous devrions pouvoir savoir.
    C'est la raison pour laquelle, je le répète, il est nécessaire de nous doter d'une loi imposant la divulgation proactive de certaines grandes catégories de documents, y compris du type de documents auxquels vous faites allusion, parce que nous pourrions alors savoir de quoi il en retourne.

[Français]

    Je vous remercie.
    Comme vous l'avez mentionné, la pandémie exacerbe toutes les situations. Pensez-vous que la pandémie sert présentement de prétexte au gouvernement, qu'elle lui permet de faire ce qu'il veut en pensant que personne ne va le surveiller et que personne ne verra rien?
    Ne trouvez-vous pas qu'il s'agit d'un prétexte qui n'aurait pas lieu d'être?

[Traduction]

    Je ne sais pas ce qu'ont en tête les gens au gouvernement, mais ce devrait être l'occasion, pour nous, de prendre des mesures pour accroître la transparence. Comme ces problèmes sont mis au jour, toutes les personnes ici présentes ont l'occasion de les porter à l'attention des électeurs et du Parlement, pour que nous puissions nous doter de meilleures lois afin d'assurer la transparence que celles que nous avons eues jusqu'ici.
    Monsieur Paul-Hus, il vous reste 30 secondes.

[Français]

    La loi que met en place le sénateur Carignan est-elle la loi qu'il vous faut?

[Traduction]

    Peut-être. Comme je l'ai déjà dit, nous avons besoin d'une vaste divulgation de documents et d'une loi qui impose cette vaste divulgation, comme il faut donner suite aux recommandations sur la dénonciation présentées par le Canadian COVID-19 Accountability Group.
    Merci, monsieur Holman.
    Merci, monsieur Paul-Hus.
    Je donnerai maintenant cinq minutes à M. Jowhari.
    Merci le président.
    Je souhaite de nouveau la bienvenue à nos témoins.
    Je m'adresserai d'abord à M. Cutler.
    Vous avez indiqué, dans votre exposé de même qu'en réponse à diverses questions de mes collègues, que vous vous intéressez de près aux contrats. Vous aimez en voir les détails. Vous avez examiné de nombreux contrats gouvernementaux. Cela signifie que vous connaissez sûrement très bien le modèle standard de contrat du gouvernement. Vous avez aussi dit comprendre que certains sont rendus publics et d'autres, non.
    Permettez-moi de commencer par vous poser une question fondamentale. Croyez-vous que le contrat d'approvisionnement du gouvernement du Canada forme un ensemble complet et exhaustif d'éléments qui, s'ils sont respectés, nous protégeront?
    Vous avez utilisé les mots « s'ils sont respectés ». Oui, les lois et les règles qui existent en ce moment sont bonnes. Elles sont probablement suffisantes. Elles permettent de répondre aux besoins dans les situations d'urgence comme les pandémies, les inondations et les incendies, de réagir rapidement, elles prévoient quoi faire et comment différentes pratiques d'approvisionnement s'appliquent le cas échéant. Ce n'est pas ce qui me dérange.
    Vous avez mentionné mon expérience en matière d'approvisionnement. En effet, j'ai travaillé pendant 30 ans dans la fonction publique fédérale. Je connais bien le processus. Je connais bien les contrats. Quand j'en lis, je les comprends très vite. Je comprends aussi quels documents devraient en faire partie, mais si je ne peux pas les voir, je ne sais pas s'ils en font partie.
(1700)
    C'est parfait. Merci. Je vous poserai une autre question dans la même foulée.
    À la lumière de toute votre expérience, quels seraient, selon vous, les risques à la publication des contrats, en tout ou en partie? Croyez-vous qu'il y a des risques, quels qu'ils soient, au fait de rendre publics les détails de ces contrats?
    Je vous donnerai une réponse très simple: non, je ne crois pas qu'il y ait des risques à rendre publique l'information de base contenue dans un contrat. C'est la norme. C'est déjà ce qui se fait...
    Je m'excuse de vous interrompre. Ce n'est pas de l'information de base que vous cherchez. Vous parliez d'information détaillée. Pouvez-vous m'aider à comprendre où est la différence entre l'information détaillée et l'information de base?
    L'information détaillée serait la façon dont une entreprise a produit un produit exclusif. Mais le simple fait qu'elle ait ce produit... Si j'en achète un million d'unités, je devrais pouvoir savoir combien le gouvernement paie pour ce produit. Le contrat de base contient une tonne de renseignements. Ce ne sont généralement que les renseignements exclusifs qui sont caviardés, et ils ne représentent qu'une infime partie de l'information, surtout quand on achète un produit.
    Monsieur Cutler, vous dites croire qu'il n'y a pas de risque. Comment expliqueriez-vous qu'après que certaines de nos stratégies d'approvisionnement aient été rendues publiques, notamment pour l'équipement de protection individuelle, certains produits aient soudainement été redirigés vers ailleurs ou que leur livraison ait été reportée? Ne considéreriez-vous pas qu'il y a un risque quand ce genre d'information est rendu public, que nous pouvons alors perdre l'assurance d'obtenir ces produits? Cela a des conséquences bien réelles sur la sécurité et la santé publique des Canadiens.
    Merci.
    Si vous parlez de ce qui se dit pendant les négociations, avant la signature d'un contrat, c'est différent de ce qui s'applique une fois le contrat signé et tous les résultats attendus bien définis. Le danger ne vient pas du fait d'avoir ou non l'information. Comme M. Holman et M. Bron l'ont tous deux souligné, c'est une question de transparence. Quand l'information est cachée, on est dans le noir. C'est dans le noir que les champignons apparaissent. Ce n'est pas dans la lumière. Si vous voulez nous protéger de malversations, vous devez faire preuve d'ouverture et de transparence.
    Je vous remercie.
    Il vous reste 15 secondes, monsieur Jowhari.
    Je laisserai ces 15 secondes à mes collègues.
    Merci, monsieur Jowhari.
    Nous entendrons maintenant Mme Vignola, qui aura deux minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je vais m'adresser à vous, Monsieur Bron.
    La Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles est entrée en vigueur en 2007. D'après vous, un divulgateur est-il mieux traité maintenant qu'en 2007?

[Traduction]

    Parlez-vous de la loi fédérale de 2007 sur les dénonciateurs?
    Mme Julie Vignola: oui.
    M. Ian Bron: En théorie, oui — je veux dire qu'il y a des protections prévues dans la loi —, mais en réalité, non, il y a beaucoup trop d'échappatoires dans la loi. La plus grande partie de la loi vise à orienter les dénonciateurs vers certains canaux et à faire en sorte qu'ils ne dénoncent que certaines choses: un mauvais pas et tout déraille. Comme M. Cutler le disait, ce système n'a plus vraiment la confiance des employés.
    De même, il ne s'applique qu'au secteur public. Il n'y a rien pour le secteur privé. Dans ce genre de cas, quand il y a un contrat avec le secteur privé, il y aura des actes répréhensibles de part et d'autre de la transaction. La loi actuelle ne permet même pas au commissaire à l'intégrité d'enquêter dans le secteur privé pour découvrir la vérité.

[Français]

    Que pourrait-on faire pour que cette loi protège réellement les dénonciateurs et que ces derniers n'aient plus peur de perdre leur emploi ou de subir des conséquences quasi funestes s'ils dénoncent un événement quelconque?
(1705)

[Traduction]

    Je renverrais le Comité à son propre rapport de 2017. Vous y avez fait d'excellentes recommandations.
    Cela dit, certains des témoins qui ont comparu devant vous recommandaient une refonte en profondeur de la loi à la lumière des pratiques exemplaires qui existent. Il y a des pays, comme l'Irlande et la Serbie, qui ont d'excellentes lois s'appliquant à la fois au secteur public et au secteur privé.
    Il y a deux angles d'approche possibles. Vous pourriez soit retourner à la planche à dessin, soit commencer à mettre en oeuvre les recommandations que votre comité lui-même a faites.

[Français]

    Je vous remercie.
    Monsieur Cutler, ni les parlementaires, ni la population, ni même le directeur parlementaire du budget n'ont pu voir de contrats, de chiffres ou d'ententes relativement aux vaccins.
    À votre connaissance, une telle situation existe-t-elle dans d'autres pays que le Canada?

[Traduction]

    De quoi parlez-vous exactement?

[Français]

    Je parle du fait que tout soit si opaque.

[Traduction]

    Madame Vignola, je vous demanderais de clarifier la question, après quoi M. Cutler pourra peut-être vous répondre par écrit.
    Je ne crois pas qu'elle ait entendu.
    Très bien. J'y reviendrai.
    Monsieur Green, vous avez deux minutes et demie.
    Merci beaucoup.
    M. Bron nous a parlé dans son témoignage du concept de l'emprise de la réglementation. Il semble qu'il s'agisse davantage de l'emprise des intérêts commerciaux, qu'elle soit conçue pour protéger les intérêts commerciaux.
    Monsieur Bron, auriez-vous l'obligeance de nous décrire un peu comment, à votre avis, l'emprise de la réglementation mène à ce genre de situation?
    Je parlais de ce qui se passe quand l'organisme de réglementation, comme Transports Canada, où j'ai travaillé de longues années, est trop tolérant avec les entreprises et commence à ne pas respecter ses propres règles ou à n'être peut-être pas assez transparent, puis qu'il prend des décisions qui peuvent faire sourciller.
    Divers organismes gouvernementaux ont tendance à favoriser les entreprises. J'ai pu le constater de par mes propres recherches à Santé Canada, à l'Agence d'inspection des aliments...
    Auriez-vous des exemples à donner aux personnes qui nous regardent?
    Bien sûr, il y a l'affaire Shiv Chopra, qui déplorait l'utilisation d'hormones de croissance chez les bovins et le fait que le processus décisionnel était pas mal conçu pour approuver tout ce que les entreprises voulaient.
    Il y a aussi des rapports de Transports Canada qui portent à se questionner après des déraillements, par exemple, parce que certaines entreprises y sont dépeintes comme bien meilleures qu'elles ne le sont en réalité. Nous l'avons constaté, malheureusement, avec la tragédie de Lac-Mégantic.
    Comme M. Holman le disait, on a facilement accès à ce genre de documents aux États-Unis. Il n'y a aucune raison à ce qu'ils ne soient pas accessibles ici, ce n'est que dans l'intérêt de l'entreprise, pas du public.
    Cela ressemble beaucoup à de l'emprise des intérêts commerciaux, à mon avis. Auriez-vous, rapidement, une idée de solution pour régler le problème immédiatement ou à tout le moins, tenter de rectifier le tir?
    L'une des solutions serait indéniablement d'accroître la transparence. Il y a toutes sortes de données qui devraient être accessibles à la population.
    Il faudrait aussi donner aux dénonciateurs les moyens d'agir, tant au sein d'organismes comme Santé Canada qu'au sein des entreprises réglementées, parce que c'est ce sur quoi fondent ces systèmes. De nos jours, on a ce qu'on appelle des « systèmes de gestion de la sécurité ». Il incombe alors vraiment aux entreprises elles-mêmes de déclarer leurs propres erreurs, mais si elles empêchent les dénonciateurs de parler, l'information ne parviendra jamais aux bonnes personnes.
    Merci.
    Monsieur le président, comme j'en suis à 2 minutes et 37 secondes à mon chronomètre, je vais m'arrêter là pour l'instant.
    Merci beaucoup, monsieur Green. En fait, j'allais vous accorder encore du temps, car je n'ai même pas démarré mon propre chronomètre.
    Dans ce cas, je vais...
    C'est juste une blague.
    Cela dit, nous passons maintenant à M. Diotte pour les cinq prochaines minutes.
    Bonjour et merci à vous trois d'être des nôtres aujourd'hui.
    J'ai été moi-même journaliste pendant 30 ans et j'ai dû composer avec de nombreuses situations liées notamment à la divulgation publique d'information et au piratage de systèmes téléphoniques. Je sais donc très bien à quel point il peut être difficile d'obtenir des renseignements auprès des gouvernements.
    Et maintenant que je suis député, je ne suis pas au bout de mes peines.
    Disons d'abord, encore que nous conviendrons tous qu'il est facile de se prononcer après coup, qu'il ne fait aucun doute que les gouvernements fédéral et provinciaux ont commis de graves erreurs dans le traitement de la pandémie. Il n'y a pas si longtemps, on nous disait en effet que la COVID n'était pas une menace pour le Canada, que les masques n'étaient pas vraiment efficaces et qu'il ne servait à rien d'interrompre les voyages à l'étranger. Dans ce contexte — et on parle seulement d'une période d'un an —, il y a en quelque sorte une question de principe qui se pose. Dans quelle mesure la divulgation de renseignements à la population peut-elle permettre d'éviter des dérapages importants comme ceux-là?
    Qui veut répondre en premier?
(1710)
    Il y a une chose que nous avons pu constater. Les organisations qui se savent surveillées adoptent de meilleurs comportements. Autre élément intéressant, lorsque davantage d'informations sont rendues publiques, il devient possible pour les gens ne faisant pas partie de l'appareil gouvernemental d'aider le gouvernement en lui signalant qu'il devrait peut-être vérifier ceci ou cela, car il semble y avoir quelque chose qui cloche. Cela permet en outre une meilleure prise de décisions à l'extérieur du gouvernement.
    Selon moi, nous devrions aussi nous interroger quant à la quantité d'information accessible d'une manière générale. Il ne faut pas s'intéresser uniquement au secret qui entoure cette information, mais voir aussi dans quelle mesure elle est disponible en quantité. Nous savons que, dans bien des cas, le gouvernement ne collecte pas autant d'information qu'il le faudrait, une situation qui devrait nous donner matière à réflexion.
    Monsieur Bron, nous vous écoutons.
    Je suis d'accord avec M. Holman. Je n'ai pas vraiment grand-chose à ajouter. Il est très important que les gens soient capables de prendre des décisions éclairées. À mes yeux, la diffusion de l'information équivaut en quelque sorte à une externalisation de la détection des erreurs. On permet ainsi aux gens de mettre des problèmes au jour. C'est aussi ce qui se passe avec les lanceurs d'alerte. Ils font partie de l'organisation. Personne n'est mieux placé qu'eux pour détecter les actes répréhensibles, et ils peuvent en informer les gens aptes à prendre les mesures qui s'imposent.
    Monsieur Cutler.
    Je suis exactement du même avis. Plus les gens sont au courant de ce qui se passe, plus il y a de chances que des problèmes soient signalés. Il est vrai que certaines erreurs seront commises. Il sera plus facile de les corriger rapidement, mais il faut voir plus loin que ces erreurs en se réjouissant des actes de corruption et de malversation qui pourront être évités parce que les gens seront aux aguets grâce aux informations que l'on aura mises à leur disposition.
    Il ne faut donc pas porter notre attention uniquement sur les risques d'erreur. Il nous faut adopter une perspective plus large, ce qui nécessite de l'ouverture et de la transparence.
    Excellent.
    Si l'on revient au contexte actuel de la pandémie, le Canada accuse un sérieux retard en matière de vaccination. Je sais que le gouvernement nous répète que nous allons recevoir des tonnes de vaccins et de médicaments, mais les statistiques nous renvoient une autre image pour l'instant. Ainsi, la base de données Our World in Data de l'Université Oxford classe maintenant le Canada au 20e rang à l'échelle planétaire, loin derrière nos alliés comme les États-Unis et le Royaume-Uni, et même à la traîne par rapport à des pays à revenu intermédiaire comme la Pologne et la Serbie.
    En quoi un accès plus facile à l'information et une loi plus efficace pour la protection des dénonciateurs pourraient-ils nous aider à régler des problèmes graves de ce genre?
    Qui veut répondre d'abord à cette question-ci?
    J'aurais seulement un bref commentaire.
    Cela ne permettra pas de régler le problème, mais peut-être que l'on aurait pu ainsi l'éviter, car on aurait su que la situation risquait de devenir problématique et qu'il nous aurait alors fallu réagir en conséquence. Ce n'est toutefois pas une piste de solution envisageable à ce moment-ci.
    Oui, tout à fait. Cela permet d'exercer une certaine pression publique, qu'elle vienne des représentants élus, des groupes de la société civile ou de simples citoyens. La connaissance permet d'agir; elle nous donne les moyens de prendre des décisions.
    Merci, monsieur Holman.
    Merci, monsieur Diotte.
    Nous passons maintenant à M. Drouin pour une période de cinq minutes.
(1715)

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, chers collègues.
    Je suis heureux que nos témoins, qui comparaissent souvent devant le Comité, soient de nouveau ici pour nous parler.
    J'ai une question à poser à M. Cutler, mais j'invite également M. Bron et M. Holman à exprimer leur opinion.
    Monsieur Cutler, je me demande si la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles devrait s'appliquer au secteur privé. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de faire une analyse juridique de la chose, mais le gouvernement fédéral a-t-il compétence pour légiférer dans le secteur privé en matière de normes d'emploi et d'employabilité, alors que plusieurs de ces champs de compétence relèvent des provinces? Je serais curieux d'avoir vos commentaires à ce sujet, parce que vous avez dit que nous avions besoin d'une loi nationale.

[Traduction]

    Je ne sais pas si le Canada peut adopter une loi — je n'ai pas analysé la question dans cette perspective —, mais j'ai l'impression qu'un très grand nombre des lois qui touchent les Canadiens sont des lois nationales. Même le paiement de l'impôt sur le revenu est régi par une loi nationale, que cela nous plaise ou non. C'est une question que vous devrez vous poser. Je parlais d'un besoin. Je n'ai toutefois pas les connaissances nécessaires pour vous dire comment il est possible d'y répondre par la voie législative.
    Peut-être que mes deux collègues ont fait des recherches à ce sujet.
    Il est vrai, monsieur Drouin, qu'il y a bien sûr un partage des pouvoirs entre le fédéral et les provinces. Il nous faut sans doute des lois à tous les échelons. Il serait bon d'avoir une loi nationale qui régit les approvisionnements et les entreprises sous réglementation fédérale comme les chemins de fer, car celles-ci comptent encore pour une très large portion de l'économie et du secteur privé.
    Selon moi, une fois que le gouvernement fédéral aura adopté une loi efficace, les provinces ressentiront l'obligation d'améliorer leurs lois respectives. C'est exactement ce qui est arrivé avec la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles qui a été adoptée en 2007. Chaque province a ensuite imité ce qui avait été fait à l'échelon fédéral. Malheureusement, en raison de ce qui se passe maintenant, toutes les lois deviennent inefficaces.
    J'ajouterais seulement qu'il conviendrait aussi de rechercher une plus grande divulgation de l'information par les entreprises. Le gouvernement fédéral a d'ailleurs amorcé ce processus en 1978 avec la Commission royale d'enquête sur les groupements de sociétés. Cette commission a formulé d'excellentes recommandations concernant la nécessité d'une plus large diffusion de l'information, non seulement par le gouvernement, mais aussi par toutes ces entreprises qui deviennent de plus en plus imposantes.
    Je crois donc qu'une approche à deux volets est requise. Nous devons obtenir davantage d'information du gouvernement, mais il nous en faut également plus en provenance des sociétés privées.
    Merci, messieurs.
    J'étais curieux de vous entendre à ce propos, car je sais que certains partis envisageaient la hausse du salaire minimum par le gouvernement fédéral, mesure qui se serait appliquée uniquement aux entreprises sous réglementation fédérale. Je me disais que s'il est possible de hausser le salaire minimum dans ces entreprises-là seulement, il va de soi que les autres lois pour la protection des dénonciateurs pouvant être adoptées ne s'appliqueraient pas nécessairement à tous. Je voulais juste savoir ce que vous en pensiez.
    Je me demande par ailleurs s'il vous arrive de conseiller des organisations quant aux moyens à prendre pour créer une culture d'ouverture dans l'ensemble de leur système.
    Je sais, monsieur Cutler, qu'un grand nombre de fonctionnaires continuent de s'adresser à vous. Comment faire pour instaurer une culture d'ouverture? Nous pouvons adopter toutes les lois que nous voulons, et nous savons que tôt ou tard des gens vont les enfreindre et qu'il faut malheureusement parfois s'adresser aux tribunaux pour trancher quant à savoir qui a raison. Sans aller aussi loin, pouvez-vous nous dire s'il vous arrive de conseiller des gens sur la façon de créer une culture d'ouverture de telle sorte qu'un employé qui s'aperçoit que quelque chose ne tourne pas rond puisse en discuter avec ses supérieurs — à moins bien évidemment qu'il ne s'agisse d'un acte criminel?
    Monsieur Bron et moi-même avons été très actifs dans le dossier de la protection des dénonciateurs. Je me suis efforcé — et je suis persuadé que M. Bron en a fait tout autant — d'intervenir auprès des organisations qui ont indiqué vouloir créer un régime semblable. Il y a quatre ou cinq ans, j'ai pris le temps d'écrire à chacun des sous-ministres au sein du système fédéral. Il y en a seulement deux ou trois qui m'ont répondu, et on m'indiquait dans chaque cas qu'il n'y avait pas de problème et qu'il n'était donc pas nécessaire de chercher à en faire davantage.
    Lorsque nous apportons notre aide à des dénonciateurs, nous leur conseillons en fait d'éviter — c'est en tout cas ce que je fais moi-même désormais — les canaux gouvernementaux qui ont généralement été mis en place, sauf pour les rapports qu'ils sont tenus de produire. Nous essayons de les aider à faire passer leur message en utilisant tous les moyens à leur disposition, ce qui peut même aller jusqu'aux enveloppes brunes. Dans ce contexte, nous devons aussi nous assurer que les dénonciations sont valides et ne découlent pas d'une simple malveillance. Ce n'est toutefois pas une vérification très complexe, car les cas de malveillance sont extrêmement rares.
    M. Bron pourrait sans doute vous en dire plus long.
(1720)
    Merci, monsieur Cutler.
    Monsieur Bron, c'est une excellente question, et si vous aviez quoi que ce soit à ajouter, vous pourriez nous transmettre le tout par écrit, car nous n'avons tout simplement plus de temps. Je vous en serais reconnaissant.
    Merci, monsieur Drouin.
    Nous passons maintenant au prochain tour de questions. Nous commençons avec M. McCauley pour une période de six minutes.
    Excellent.
    En fait, monsieur Bron, je vous permettrais de répondre maintenant si vous le souhaitez.
    Je crois que la culture d'une organisation est l'une des choses les plus difficiles à changer, surtout parce que les maîtres de cette culture sont ceux qui trônent au sommet de l'organisation depuis des décennies. Tout le contexte social les a habitués à faire les choses de cette manière. Il m'apparaît donc absolument nécessaire d'obtenir l'adhésion des têtes dirigeantes. Il faut non seulement que ces gens-là préconisent un changement de culture, mais aussi qu'ils passent à l'action de manière à envoyer un message fort.
    J'ai par ailleurs la ferme conviction qu'une fois les règles en place, il faut veiller à en assurer l'application. J'estime de plus en plus que c'est cet effort d'application des règles qui est à l'origine de toute transformation de la culture. C'est un peu comme les ceintures de sécurité dans nos véhicules. Il fut un temps où personne ne les portait. Lorsqu'un tel comportement est devenu illégal, les gens ont fini par s'y faire.
    Permettez-moi alors une question de suivi. Comment faire pour que nos lois sur l'accès à l'information aient plus de mordant? Je me souviens du projet de loi C-58 lors de la 42e législature... Notre comité l'a étudié. C'était vraiment un pas en arrière. Nous avons appris par exemple que le ministère de la Défense cachait certains renseignements concernant l'amiral Norman alors qu'il avait été saisi d'une demande d'accès à l'information. Nous avons entendu la commissaire à l'information blâmer sévèrement le gouvernement actuel parce que la GRC ne fournissait pas assez rapidement l'information demandée.
    Que devons-nous prévoir dans les faits pour susciter ce changement de culture qui est peut-être favorisé par la réglementation?
    Je vous dirais simplement qu'il faut qu'il y ait des conséquences. Il faut que chacun ait des comptes à rendre. Si un agent du gouvernement cache de l'information au public, il doit en subir les répercussions.
    Qui a les meilleures lois en la matière? Vous avez parlé de l'Irlande et de la Serbie. Est-ce que des conséquences sont prévues dans leurs lois pour la protection des dénonciateurs et peut-être aussi concernant l'accès à l'information? Quelles sont les meilleures lois sur l'accès à l'information dont nous pourrions nous inspirer?
    Je ne suis pas un expert des lois sur l'accès à l'information, mais je peux vous assurer que les lois sur la protection des dénonciateurs prévoient bel et bien des conséquences. À titre d'exemple, une entreprise qui prend des mesures de représailles contre un dénonciateur doit essentiellement continuer de lui verser son salaire tant et aussi longtemps que la situation perdure. Il y a donc un coût financier pour cette entreprise, et il y a également des pays dont la loi prévoit des sanctions pénales.
    Il est plus difficile d'imposer des sanctions pénales, car cela exige de fournir des éléments de preuve plus solides. Il serait peut-être bon d'envisager des sanctions administratives pécuniaires ou quelque chose de semblable.
    Ou peut-être interdire l'accès aux contrats gouvernementaux, comme on l'a fait pour SNC-Lavalin avec différentes variations sur ce thème.
    Toujours pour ce qui est des entreprises, on nous a indiqué lors de notre étude sur la protection des dénonciateurs qu'il fallait aussi protéger les entrepreneurs. Nous n'avons pas de mesures en ce sens au Canada, mais il faudrait que nous en ayons. Qui protège les travailleurs à tous les niveaux lorsqu'un contrat est accordé à une grande entreprise qui fait ensuite de la sous-traitance en cascade. Comment assurer la protection des employés de ces sous-traitants qui ne sont pas couverts par la loi en vigueur?
    Il n'y a aucun gouvernement au Canada qui offre une protection dépassant vraiment le niveau des employés d'un entrepreneur qui travaillent sur place pour une organisation gouvernementale. Tous les autres travailleurs ne sont pas protégés.
    Il s'agit essentiellement d'étendre la portée des lois en vigueur pour permettre au commissaire à l'intégrité d'intervenir aussi auprès du secteur privé lorsque le secteur public est touché par des actes répréhensibles. C'est une partie du problème. Il faut également que la loi sur la protection des dénonciateurs couvre les travailleurs du secteur privé, et c'est la raison pour laquelle nous préconisons une loi s'appliquant dans les deux cas.
(1725)
    J'estime que c'est assurément nécessaire.
    Monsieur Holman, je vais maintenant m'adresser à vous. Nous avons constaté des retards considérables dans le traitement des demandes d'accès à l'information au Canada. Dans quelle mesure peut-on invoquer la pandémie pour justifier ces retards? Voilà un an que cela dure. Concernant l'accès à l'information, je reçois des lettres m'indiquant qu'il faut prévoir un délai de quatre ans pour obtenir simplement les courriels échangés par cinq personnes pendant une période d'un mois. La pandémie est-elle vraiment une excuse valable? Dans quelle mesure le problème ne serait-il pas plutôt attribuable à une culture où l'on s'efforce d'empêcher les députés et la population d'avoir accès à l'information?
    Il est bien certain que la pandémie fait en sorte qu'il est plus difficile pour les fonctionnaires d'avoir accès aux dossiers et d'accomplir rapidement leur travail, mais nous avons pu observer des retards semblables même avant l'apparition de la COVID-19.
    Je crois que c'est un mélange des deux facteurs, mais la situation actuelle fait émerger un problème structurel qui existe depuis un long moment déjà. Le statu quo n'est pas acceptable, et il faut qu'une plus grande ouverture devienne la norme au sein du gouvernement.
    C'est un peu comme si vous nous disiez tous les trois qu'il fallait rebâtir en mieux notre régime d'accès à l'information au sortir de la pandémie. Peut-être que mes collègues d'en face devraient intégrer des objectifs d'ouverture et de transparence à cette volonté de rebâtir en mieux qu'ils claironnent sans cesse.
    J'inclurais aussi un autre élément. Vous avez demandé quelles autres mesures pourraient être prises pour encourager la dénonciation des actes répréhensibles et une plus grande ouverture. Je m'intéresserais également à la culture du secret qui règne au sein de la fonction publique. Si les employés se font dire d'emblée que tout est confidentiel, il est difficile d'en arriver à une grande transparence.
    Je regarderais aussi ce qu'il y a à faire pour contrer l'expansion de la caste des relations publiques. Il y a maintenant tout un mécanisme de communication qui empêche les citoyens, les journalistes et les députés de l'opposition d'entrer en contact avec les fonctionnaires. Je m'efforcerais de trouver le moyen de démanteler cette caste des relations publiques de telle sorte que les fonctionnaires puissent à nouveau communiquer avec les gens qui, il faut bien le dire, paient leur salaire.
    Voilà une excellente observation. Je me souviens qu'il y a eu assez récemment une série de 22 courriels échangés pour l'envoi d'un seul et unique gazouillis au ministère de l'Environnement. Vous avez tout à fait raison.
    Merci, monsieur McCauley.
    Merci, monsieur Holman.
    Nous allons maintenant passer à M. Kusmierczyk.
    Monsieur Kusmierczyk, j'aime bien votre arrière-plan. Cela risque de trahir mon âge, mais il me plaît beaucoup.
    À vous la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais m'assurer de transmettre vos gentilles paroles à qui de droit.
    C'est une question ouverte que j'adresse à nos témoins. J'ai vraiment apprécié les échanges que nous avons eus jusqu'à maintenant. Des points très importants ont été soulevés, et nous avons amplement matière à réflexion.
    L'organisme Transparency International est l'un des chefs de file mondiaux dans la lutte contre la corruption. Il a rendu public la semaine dernière son indice de perception de la corruption qui révèle dans quelle mesure les gens de quelque 180 pays ont l'impression que la corruption prévaut au sein de leur fonction publique. Le Canada se situe au 11e rang, à égalité avec le Royaume-Uni et l'Australie. Nous obtenons en fait le meilleur résultat dans toutes les Amériques. À titre de comparaison, les États-Unis viennent au 25e rang. Cependant, il demeure certes toujours possible de mieux faire.
    Voici donc ma question à laquelle vous pouvez tous répondre. Nous avons discuté aujourd'hui de certaines des failles qui ont été décelées, mais pourriez-vous nous dire ce qui explique la bonne performance du Canada à ce chapitre?
    Je peux commencer.
    Il se trouve que je suis membre de l'organisme Transparency International. Vous avez raison lorsque vous dites que nous nous situons aujourd'hui au 11e rang, mais vous avez omis de mentionner qu'il s'agit d'une régression par rapport aux années précédentes. Pendant des années, nous nous sommes classés parmi les 10 premiers pays. Or, ce n'est plus le cas.
    Ce que Transparency International ne fait pas, c'est... Il s'agit d'un indice de perception. Pour une raison ou une autre, au Canada, la criminalité en col blanc est considérée comme un simple écart de conduite. Nous ne prenons pas la corruption au sérieux. Par conséquent, nous devrions probablement être placés à un rang inférieur à celui où nous nous situons. De nombreux membres de Transparency International vous diraient la même chose, comme ils me l'ont dit à moi.
(1730)
    Nous ignorons littéralement ce que nous ignorons. Si les gens avaient une meilleure connaissance de ce qui se passe réellement au sein du gouvernement, nous ferions peut-être moins grand cas du classement de Transparency International.
    Comme M. Cutler vient de le dire, l'indice mesure la perception et non la réalité.
    Il y a des années, l'organisme Global Integrity effectuait une évaluation semblable. Cependant, il ne mesurait pas uniquement les perceptions; il tenait aussi compte de l'existence de lois visant certains actes de corruption et il évaluait l'application de ces lois. Le Canada obtenait toujours de bons résultats au chapitre de l'existence de telles lois, mais il réussissait moins par rapport à leur application.
    M. Cutler est peut-être encore le mieux placé pour répondre à ma prochaine question. Par quels autres moyens les gouvernements peuvent-ils développer la culture de dénonciation? Nous savons, par exemple, que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario offre des compensations ou des récompenses pécuniaires. Pouvez-vous nous parler d'autres façons dont les gouvernements peuvent cultiver la culture de dénonciation?
    Aux États-Unis, les dénonciateurs reçoivent des récompenses. C'est le moyen utilisé par la Securities and Exchange Commission. Un de mes collègues voudrait peut-être vous en dire plus à ce sujet, mais cette méthode s'est certainement avérée efficace.
    Au Canada, nous avons adopté une loi en vertu de laquelle quiconque dénonce un acte répréhensible à l'Agence du revenu du Canada peut recevoir une récompense allant jusqu'à 15 %. Toutefois, la loi a ensuite été modifiée par l'ajout d'une disposition qui stipule qu'une personne ayant un casier judiciaire n'a pas droit à la récompense de 15 %.
    M. Bron et moi connaissons un homme qui sait énormément de choses. Pourtant, il n'aurait pas droit à cette récompense s'il dénonçait des crimes au Canada parce qu'il a déjà été condamné aux États-Unis. En fait, selon lui, s'il traversait la frontière, on trouverait une raison de l'arrêter, ce qui est révélateur de sa perception du fonctionnement du système de justice canadien.
    J'ajouterais que le concept de récompenses est souvent lié aux crimes de nature financière, et les montants en cause sont très grands. Ils compensent le fait que dans pareille situation, il deviendra pratiquement impossible par la suite pour le dénonciateur de se trouver un emploi dans le domaine, et ce, à jamais.
    C'est un peu plus difficile dans le cas du gouvernement. Offrir une petite somme d'argent pour régler des problèmes peut fonctionner dans certaines circonstances, mais pas dans toutes. À mon avis, il faut plutôt chercher des façons d'éliminer la stigmatisation associée à la dénonciation au sein de la fonction publique.
    C'est très juste.
    Encore aujourd'hui, il existe des idées fausses sur les motifs des dénonciateurs et sur les actes qu'ils dénoncent — des doléances personnelles, par exemple. C'est vraiment un problème. Le changement doit venir d'en haut. Si les dénonciateurs étaient considérés comme des personnes qui cherchent à aider l'organisation et non à lui nuire, la culture et l'attitude à leur égard s'en trouveraient transformées.
    C’est intéressant. Je vous remercie.
    J’ai une dernière question; je ne sais pas si nous en avons déjà parlé. Les préoccupations que vous avez présentées aujourd’hui ressemblent-elles à celles qui touchent les gouvernements provinciaux? Les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral se trouvent-ils dans la même situation relativement à la culture de dénonciation ou au manque de protection?
    Je vous prie de répondre très brièvement, monsieur Bron.
    Absolument. J’ai analysé les lois à l’échelle du pays. Elles sont sensiblement identiques. Elles ont toutes les mêmes lacunes. Certaines sont meilleures que d’autres, d’autres sont pires, mais le problème est essentiellement le même d’un océan à l’autre.
    Merci, monsieur Bron.
    Merci, monsieur Kusmierczyk.
    Nous passons maintenant à Mme Vignola. Vous disposez de six minutes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Bron, vous avez parlé à quelques reprises de la peur que les dénonciateurs, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, ont de révéler une situation inacceptable. Lorsque je pense à cette peur qui freine les dénonciateurs et aux conséquences parfois importantes que subissent ceux qui sont allés de l'avant, j'ai l'impression que ces gens se sentent intimidés, voire harcelés.
    Pour protéger ces employés, faudrait-il renforcer la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles en l'appuyant sur les lois régissant le harcèlement au travail?
(1735)

[Traduction]

    C’est une question épineuse. Normalement, le harcèlement est considéré comme un problème personnel et il est traité de différents moyens. Le harcèlement est une réaction typique à la dénonciation. Il s’agit probablement de la réaction la plus pernicieuse puisque c’est très difficile de prouver qu’une personne est victime de harcèlement et que le harcèlement est lié à un acte de dénonciation.
    Le harcèlement serait considéré comme une forme de représailles et il ne doit pas être traité de la même façon que... Je ne veux pas employer le terme « ordinaire », mais c’est un peu là où je veux en venir. Lorsque le harcèlement est utilisé comme mesure de représailles, les personnes qui gèrent les procédures en cas de harcèlement sont souvent impliquées dans les actes répréhensibles de harcèlement. Voyez-vous ce que je veux dire?
    Le harcèlement est une méthode de représailles courante. Pour avoir droit à une audience juste dans un cas ordinaire de harcèlement, on peut avoir recours aux procédures normales. Toutefois, dans les cas où le harcèlement est une réaction à un acte de dénonciation, la direction est souvent impliquée. Comme c’est elle qui gère les procédures, elle peut les faire échouer. C’est un problème épineux.
    Je comprends là où vous voulez en venir, mais il faudrait procéder très prudemment.

[Français]

    J'essayais simplement de trouver des pistes de solution pour améliorer la Loi, en plus des recommandations de 2015.
    Le 4 novembre dernier, le président du Secrétariat du Conseil du Trésor a affirmé devant notre comité que l'InfoBase du gouvernement du Canada renferme toute l'information financière détaillée sur la COVID-19.
    Monsieur Holman, que pensez-vous de cette déclaration? Est-ce que toute l'information s'y trouve? Sinon, quelles informations sont manquantes et quelles sont celles qui devraient s'y trouver?

[Traduction]

    Si toute l’information s’y trouve, je n’ai certainement pas eu le temps de l’examiner dans son ensemble. Nous savons que ce n’est pas le cas. Comme je l’ai déjà dit, il y a beaucoup d’informations que le gouvernement omet non seulement de publier, mais aussi de collecter. Ce que nous avons constaté à maintes reprises, c’est que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ne collectent tout simplement pas suffisamment d’information pour prendre de bonnes décisions, et ce, non seulement par rapport à la COVID, mais aussi dans tous les domaines réglementés par le gouvernement ou sur lesquels il a une incidence.
    Nous sommes rendus au point où nous dépendons généralement d’autres organisations pour obtenir ce type d’information — je pense ici à l’information en matière de santé liée à la pandémie —, simplement parce qu’aucun employé de la fonction publique ne fait ce travail de collecte.
    Ce qui est arrivé au Canada, selon moi, c’est que nous sommes devenus trop paresseux pour collecter l’information nécessaire pour prendre de bonnes décisions. Maintenant, nous devons réexaminer notre processus de collecte de données et adopter des mesures qui obligent et le gouvernement fédéral et tous les ordres de gouvernement à améliorer leur collecte de données.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    Ma question s'adresse aux trois témoins, parce que vous êtes peut-être au courant de certains éléments d'information que nous n'avons pas.
    À votre connaissance, y a-t-il eu des dénonciateurs pendant la pandémie concernant des contrats, des mesures, et ainsi de suite? Si oui, quelles ont été les conséquences de cette dénonciation pour eux?

[Traduction]

    Je suis au courant de plusieurs cas de dénonciation. Quelques dénonciateurs n’ont pas voulu être connus publiquement, par crainte de perdre leur emploi. L’un d’eux était inquiet que toute l’entreprise pour laquelle il travaillait doive fermer ses portes.
    M. Cutler a probablement plus d’exemples.
(1740)
    C’est essentiellement la même chose. Ils ne veulent pas s’exprimer publiquement à cause des répercussions, et les répercussions qu’ils craignent sont très graves. Qu’arrivera-t-il s’ils perdent leur emploi, surtout en ce moment? Parlons franchement: nombre d’entre eux ont une famille, de jeunes enfants, un prêt hypothécaire. Il faut beaucoup de courage pour lancer l’alerte quand on risque tout. Leurs enfants ne pourront pas faire d’études à l’université s’ils se font congédier, car ils n’auront pas les moyens de payer. Les dénonciateurs ont beaucoup de facteurs à prendre en considération, surtout aujourd’hui, et la situation ne s’améliore pas.
    C’est la culture. Tout le monde se dit pour la dénonciation, jusqu’à ce qu’elle touche leur organisation, et alors la question devient: « Comment les fait-on taire? »
    Merci, monsieur Cutler, merci, madame Vignola.
    Nous passons à M. Green. Vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie.
    Aux représentants du Canadian COVID-19 Accountability Group, dans votre livre blanc... Le gouvernement a-t-il répondu à vos recommandations?
    Non.
    Je suis un nouveau député et je vois que le Comité a déjà publié un rapport intitulé: Renforcer la protection de l'intérêt public dans la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles. C'est un document exhaustif. Je me demande, monsieur le président, chers collègues, si d'après eux, il est dans l'intérêt du Comité de réexaminer son propre travail et de trouver un moyen de répéter les recommandations contenues dans son rapport. Est-ce que ce serait utile?
    Votre question s'adresse-t-elle aux témoins ou à moi?
    Elle s'adresse aux témoins. Je me demande s'ils trouvent utiles les rapports antérieurs du Comité qui ont été adoptés, puis mis de côté par le gouvernement. J'essaie de garder mon calme, car je peux vous dire, monsieur le président, que mes propres tentatives d'obtenir de l'information de la part du gouvernement depuis le début de la pandémie... Vous vous rappelez les nombreuses fois où le Comité a été soumis à de l'obstruction parlementaire.
    Bien que je respecte mes collègues du gouvernement et leur capacité de manœuvrer, étant donné que notre comité s'est déjà penché sur la question qui nous occupe, je crois qu'il nous incombe de considérer la possibilité de présenter à nouveau les conclusions de notre étude antérieure et d'exhorter le gouvernement non seulement à suivre les recommandations du livre blanc, mais aussi à tenir compte du travail déjà fait par le Comité.
    Monsieur le président, pouvons-nous demander au greffier s'il est possible pour le Comité de redéposer son rapport de 2017 concernant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles?
    Monsieur le greffier?
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Le Comité peut réadopter son rapport de 2017 et le redéposer à la Chambre. Il peut aussi demander une réponse de la part du gouvernement, s'il le souhaite. Le Comité a également la possibilité d'entreprendre une nouvelle étude, de recevoir de nouveaux témoins et d'utiliser les témoignages et le rapport de la session antérieure pour produire un nouveau rapport. Il y a...
    Étant donné l'urgence de la situation, puis-je suggérer, monsieur le président, qu'au moment opportun, nous proposions de présenter à nouveau l'étude dans son ensemble? Elle est pertinente, mais plus précisément, durant nos prochaines réunions, nous devrions examiner les pratiques exemplaires associées à toutes les questions qui ont été soulevées aujourd'hui.
    Monsieur le président, j'aimerais utiliser le temps qu'il me reste pour demander aux témoins, par votre intermédiaire, quelle serait la façon la plus rapide et la plus efficace, selon eux, de créer un poste d'ombudsman. Peuvent-ils expliquer, pour les gens qui nous écoutent, en quoi le poste consisterait exactement et comment l'ombudsman pourrait exercer une surveillance immédiate des dépenses liées à la COVID?
    Nous pouvons demander à M. Holman ou à M. Bron de répondre à la question.
    Commençons par M. Holman.
    M. Bron est probablement mieux placé pour répondre à cette question.
    D'accord.
    Monsieur Bron, d'après vous, comment pouvons-nous mettre en oeuvre votre recommandation concernant la nomination d'un ombudsman? À quoi ressemblerait le poste et quel effet positif aurait-il sur la réponse à la COVID-19?
    Nous avons considéré deux possibilités. La première consisterait à élargir le mandat d'un bureau déjà en place pour en faire un centre névralgique, et la deuxième serait de créer un nouveau bureau indépendant. La personne sélectionnée posséderait des compétences dans le domaine et c'est elle qui dirigerait le bureau. Le poste que nous avons imaginé constitue en quelque sorte une mesure intérimaire, car un des problèmes auxquels les dénonciateurs font face au Canada — non seulement à l'échelle fédérale, mais aussi dans les provinces —, c'est qu'ils ne savent pas à qui s'adresser. C'est pour cette raison que l'ombudsman de la santé de l'Ontario a été bombardé de plaintes ne relevant pas de sa compétence.
    Pour établir un tel poste, il faudrait trouver un candidat ou une candidate ayant de l'expérience dans le domaine, doter le bureau en personnel, puis en faire la promotion. Le rôle de l'ombudsman serait d'aiguiller les gens dans la bonne direction et de leur donner des conseils. De plus, il arrive souvent que les dénonciateurs ne sachent pas de quels faits ils ont besoin pour soutenir leurs affirmations. Il faudrait du personnel qui connaît les concepts et...
(1745)
    Il semble évident que cette mesure devrait être prise, bien qu'il y ait peut-être des exemples de situations dans lesquelles pareil poste a été politisé. Pensez-vous aussi qu'il faudrait des dispositions législatives en la matière pour assurer l'application des recommandations? Comme nous l'avons constaté, le gouvernement ne tient même pas compte des conclusions que notre propre comité lui fournit. Par conséquent, quelles mesures de responsabilisation pourrions-nous mettre en place pour qu'un ou une ombudsman puisse accomplir son travail? À ma connaissance, le terme « ombudsman » s'emploie tant au masculin qu'au féminin.
    Vous avez tout à fait raison, mais en anglais, l'emploi de ce terme demeure délicat.
    Je doute de la capacité du gouvernement d'adopter rapidement des lois entrant immédiatement en vigueur. C'est faisable, à mon avis, et le gouvernement y est arrivé avec la PCU et les subventions salariales. Oui, il faudrait en renforcer le pouvoir, surtout à long terme, mais rien n'empêche que le bureau soit créé immédiatement juste pour fournir des conseils.
    C'est une bonne recommandation.
    En résumé, si le gouvernement actuel était soucieux d'être transparent par défaut, quant à vous, il pourrait l'être.
    Je le crois.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Paul-Hus. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Dans l'une de mes questions précédentes, je disais que le sénateur Claude Carignan déposerait demain ou cette semaine un projet de loi visant à renforcer la loi de 2007 sur les lanceurs d'alertes. J'espère que ce projet de loi sera bien reçu par le gouvernement.
    Messieurs, à vous entendre depuis le début de cette rencontre, je sens qu'il y a beaucoup de problèmes de transparence, et même de corruption. Le mot « corruption » semble gros, mais ce n'est pas si compliqué de faire de la corruption.
    Monsieur Cutler, vous et d'autres témoins avez parlé d'autres façons de faire dans l'attente d'une loi qui aidera les lanceurs d'alerte. Les mécanismes internes actuels du gouvernement ne sont pas efficaces. En dehors du processus normal, quels sont ces autres moyens qui pourraient aider les lanceurs d'alerte actuellement?

[Traduction]

    C'est une question difficile. Je suis certain que M. Bron et M. Holman peuvent aussi y répondre.
    Comment renforce-t-on la confiance? La confiance est au cœur de toute situation de dénonciation. Les dénonciateurs ne se confieront pas à quelqu'un à qui ils ne font pas confiance, et ils ne font pas confiance au commissaire à l'intégrité actuel. Il y a un manque de confiance, mais les dénonciateurs font confiance à quelques personnes, comme M. Bron, M. Holman et moi, parce que nous sommes discrets et nous travaillons avec eux depuis des années.
    La seule solution, d'après moi, c'est de trouver une personne impartiale — une personne reconnue pour son impartialité —, de la placer au centre et d'aiguiller les gens vers elle. C'est ce que M. Bron voulait dire, je crois, lorsqu'il parlait de créer un organisme indépendant.
    Il a peut-être une meilleure idée, mais je ne vois pas d'autre moyen d'encourager la dénonciation.
(1750)

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Cutler.
    Monsieur Bron, vous avez dit que des dizaines de fonctionnaires avaient pris contact avec vous, mais qu'ils ne voulaient pas être connus publiquement.
    Pourriez-vous nous donner quelques exemples de situations qui vous ont été rapportées par des gens qui en ont été témoins?

[Traduction]

    Il n'y en a pas eu des dizaines; seulement quelques-unes. Il est remarquable que si peu aient parlé.
    Je ne suis pas certain que, en toute justice, on puisse reprocher les problèmes à la fonction publique. Souvent, les fonctionnaires surchargés font de leur mieux. Mais, la crainte de dénoncer des actes illicites est trop grande, et, dans certains cas, les détails sur le sujet, par exemple l'aide financière à l'emploi, ou sur le lieu de travail trahiront le dénonciateur.

[Français]

    La semaine dernière, le directeur parlementaire du budget nous a dit qu'il était difficile d'obtenir de l'information du ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique.
    Y a-t-il des ministères particuliers qui sont plus susceptibles d'avoir des problèmes à cet égard pour la gestion de la COVID-19?

[Traduction]

    Vous feriez peut-être mieux de le demander à M. Holman.
    La plupart des ministères éprouvent ce genre de problèmes, et c'est universel. Ce n'est pas nécessairement le propre de tel ou tel ministère. Les statistiques sur l'accès à l'information au Canada révèlent qu'ils affrontent tous, sans exception, des problèmes d'opacité.
    C'est simplement à cause, comme mes collègues l'ont dit, du genre de culture du secret construite dans la fonction publique, pas seulement la fédérale, mais toutes celles de notre pays.

[Français]

    Monsieur Holman, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    Je pourrais ajouter que le commissaire à la protection de la vie privée avait coutume d'attribuer des cotes de A à D, n'est-ce pas, monsieur Holman?
    Oui, et nous avons vu... Vous pouvez le vérifier dans Info Source. On y trouve aussi des statistiques sur chaque ministère. Certains s'en tirent moins bien que les autres. Par exemple, nous constatons l'existence d'importants problèmes à l'Immigration. Ce ministère reçoit un nombre considérable de demandes et il éprouve également d'énormes problèmes d'opacité, probablement reliés au volume de demandes.
    Merci, messieurs Holman et Paul-Hus.
    M. Weiler a cinq minutes de temps de parole.
    Je remercie les témoins de s'être déplacés.
    Revenons à certains éléments de la discussion actuelle sur les lanceurs d'alerte. Les employeurs qui sévissent contre les employés qui les ont dénoncés à la police commettent une infraction criminelle. Voici une question pour tous les témoins, MM. Bron et Cutler, particulièrement: faudrait-il considérer comme criminelles les mesures prises contre des employés qui ont divulgué de l'information à des tiers, comme les médias?
    Oui. La barre du critère criminel est un peu plus haute, quand on essaie de le prouver, mais, incontestablement, ce devrait être une infraction, d'après moi.
    Oui. Il y a également autre chose, que nous ne répétons pas assez souvent. C'est la nécessité, de prévoir, dans la loi, d'inverser la charge de la preuve, c'est-à-dire, essentiellement, qu'il incombe à l'employeur de prouver qu'il n'a pas usé de représailles. Il faut en protéger le lanceur d'alerte. Cette charge imposée à l'organisation fera que le lanceur d'alerte se sentira beaucoup plus libre de parler.
    Ça ne se situe pas seulement sur le plan criminel. Rappelez-vous que, pendant que nous discutons de la COVID, nous éprouvons également des inquiétudes pour l'environnement; elles sont nombreuses et pas simplement d'ordre financier. Il n'y a aucune protection.
(1755)
    De plus, la disposition du Code criminel n'a jamais servi. Elle est absolument inefficace. Ce n'est pas étonnant, parce que cette loi ne fait qu'affirmer que c'est une infraction en se taisant sur la protection ou sur une obligation de l'employeur. C'est essentiellement une coquille vide, seulement une ligne dans le Code criminel.
    Plus tôt, un collègue a fait remarquer que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario s'est dotée de mesures de protection et d'incitation pour les lanceurs d'alerte. L'Autorité des marchés financiers a fait de même. La Commission des valeurs mobilières des États-Unis, mentionnée plus tôt, a mis en place pour eux des mesures assez robustes d'incitation.
    D'après vous, est-ce que ça rend indispensable un programme efficace de protection des lanceurs d'alerte?
    Monsieur Bron, vous avez davantage creusé la question que moi.
    Non, je ne crois pas que ce soit nécessaire. C'est utile dans les circonstances où beaucoup d'argent est en jeu, par exemple. D'après certains travaux publiés de recherche, les petits encouragements découragent plutôt les lanceurs d'alerte. Ce n'est donc pas toujours approprié. L'enjeu réside davantage dans la protection des employés et leur appréciation, dans les cas où, dans le secteur financier par exemple, le montant versé ne serait pas énorme.
    Pour beaucoup de gens, un stigmate reste attaché aux lanceurs d'alerte. Personne ne veut passer pour un mouchard ou un poids mort. On forme une équipe. Nous savons tous que ça contribue à une partie des difficultés que nous observons dans la lutte contre les atteintes illégales à l'environnement, comme vous l'avez dit.
    Vous trois, avez-vous des idées sur ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour changer la perception des lanceurs d'alerte et la culture?
    Monsieur Cutler, voulez-vous vous lancer?
    D'abord, il faut faire reconnaître par la classe politique que les lanceurs d'alerte sont utiles et qu'ils ne sont pas un frein. Dès que survient un pépin, les hauts fonctionnaires le présentent sous un angle qui leur est favorable. À propos, ils y excellent. Nous pourrions en donner des exemples. Les politiciens héritent du problème, et les accusations pleuvent immédiatement ou les partis s'accusent.
    Par exemple, le gâchis entièrement bureaucratique du nom de Phénix a pu se répercuter sur les deux partis politiques qui se sont ensuite entre-déchirés.
    Comment corriger la situation? Il faut inviter et encourager les témoins à parler. Peut-être par une récompense spéciale pour le lanceur d'alerte de l'année dans l'administration fédérale, par une démonstration qui révèle vraiment l'importance du problème et l'appréciation des dénonciateurs.
    Merci, monsieur Cutler.
    Nous saurons gré aux autres témoins des renseignements complémentaires qu'ils voudraient bien faire parvenir par écrit au greffier de notre comité.
    Merci, monsieur Weiler.
    Mme Vignola a la parole, pendant deux minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Messieurs Cutler, Bron et Holman, vous avez tous dit, à un moment ou à un autre, que les gens avaient peur, qu'ils ne faisaient pas confiance au commissaire et qu'ils se tournaient plus facilement vers vous.
    L'une des solutions serait-elle qu'un organisme indépendant du gouvernement soit responsable de recueillir les témoignages des lanceurs d'alerte et de faire les démarches en leur nom tout en protégeant leur identité, tant dans le secteur public que dans le secteur privé?

[Traduction]

    J'y vais le premier. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je dirai que c'est exactement ce que le commissaire à l'intégrité est censé être. J'ai bien dit « censé être ».
    Absolument. C'est effectivement ce qu'il est censé faire: assurer la confidentialité. Bien sûr, il n'y a actuellement rien de tel dans le secteur privé. Une fonction analogue y serait extrêmement utile.
    Les gens ont besoin de constater les résultats. Il ne s'agit pas seulement d'un système qui fonctionne de manière invisible à l'arrière-plan. Ils ont besoin de savoir que ce sera efficace. Faute de le voir, ils se méfieront.
(1800)
    Tout à fait.
    Actuellement, la fonction publique est piégée de diverses manières dans une spirale du silence. Le silence engendre le silence, ce qui perpétue cette spirale. Ce secret entoure les actions illicites commises dans l'administration fédérale. Ce devrait être l'affaire de tous, y compris du public.

[Français]

    Si je résume bien, les gens ne font pas confiance au commissaire parce qu'ils ne croient pas en l'efficacité du système. Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Je n'utiliserais pas le mot « efficace », mais je serais d'accord sur ce que vous dites.
    Monsieur Bron, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je suis d'accord.
    Depuis combien d'années cette loi existe-t-elle? Depuis 14 ans maintenant, et le nombre de cas qui se sont révélés fondés et qui ont justifié les divulgations est si faible qu'un fonctionnaire aurait raison de se demander: à quoi bon?
    Merci, monsieur Bron. Je vous en sais gré.
    Monsieur Green, vous disposez de deux minutes et demie.
    Mesdames et messieurs, vous savez quoi? Je suis repu. Je suis donc prêt à lever le camp.
    Merci, monsieur Green.
    C'est la fin de la journée, n'est-ce pas?
    Oui. Ça achève. Encore deux intervenants.
    La parole est à M. Diotte d'abord, puis à M. Drouin.
    Monsieur Diotte, vous avez la parole.
    Merci beaucoup aux témoins pour leurs excellents témoignages. Ils sont vraiment utiles. Vous êtes de véritables experts en la matière.
    Je voudrais que chacun de vous formule à notre intention leur meilleure ou leurs deux meilleures recommandations. Si nous avions une baguette magique, comment pourrions-nous rendre plus transparente l'administration fédérale?
    Soyez bref, s'il vous plaît.
    En ce qui concerne les lanceurs d'alerte, il faut recommencer à zéro. Il faut élargir la portée de la loi au secteur privé et il faut adopter des pratiques exemplaires. Ça existe. Dans l'Union européenne, on a lancé un projet de responsabilisation du gouvernement. On peut copier des modèles de lois en vigueur, par exemple, en Irlande ou en Serbie, comme je le disais. Il faut recommencer à zéro.
    Entièrement d'accord. Recommencer à zéro.
    Il faut y assujettir tous les organismes fédéraux, et ils sont très nombreux. Ensuite, toujours à l'échelon fédéral, ça pourrait englober toute entreprise liée par contrat fédéral avec l'État fédéral. Cette seule mesure engloberait de nombreux joueurs.
    M'inspirant des observations de mes collègues, je préconise que la loi oblige la publication de grandes catégories de documents publics, pour les sortir du système d'accès à l'information et simplement les verser dans le domaine public.
    J'ajouterai également que beaucoup de ces transformations n'exigeraient pas beaucoup de temps. Tout ce que mes collègues et moi avons soulevé a fait l'objet de nombreuses discussions avant. En ce qui concerne ce que disait M. Green, ces réformes devraient s'accomplir assez rapidement. Nous devrions pouvoir les réaliser. Il circule amplement d'information sur ce qu'est une pratique exemplaire.
    Merci beaucoup, messieurs. Vous rendez vraiment un excellent service au public. Poursuivez le bon travail. Merci.
    Merci, monsieur Diotte.
    La parole est à M. Drouin.
    Avez-vous d'autres questions?
    Oui. Quelques-unes sur l'ombudsman, le médiateur, le protecteur dont nous avons discuté.
    Je pense que c'est vous, monsieur Bron, qui l'avez soulevée. J'ai le sentiment que vous... Des témoignages des groupes de trois m'ont fait connaître comme propagandiste de la transparence, mais le commissaire à l'intégrité n'est pas utile aux lanceurs d'alerte. Je voudrais bien savoir comment le médiateur serait différent de lui.
(1805)
    Pour le moment, son rôle serait davantage consultatif, pour aider les gens à se manifester. Le rôle classique de l'ombudsman n'est pas nécessairement d'attribuer des responsabilités; c'est d'aider à résoudre les différends, d'aller au fond des choses et de faciliter la résolution de problèmes.
    Pour disposer du genre de pouvoirs que possède le commissaire à l'intégrité, il faudrait une loi qui s'appliquerait à la fois aux secteurs public et privé.
    Monsieur Cutler, conseillez-vous vos informateurs sur la façon de consigner les faits et de recueillir des éléments de preuve pour monter le dossier de manière à débusquer les coupables dans le système?
    Toujours nous les conseillons. Mais sachez que la décision sur ce qu'ils font de nos conseils leur appartient. Nous sommes toujours explicites à ce sujet, parce que beaucoup d'entre eux n'iront pas plus loin.
    Dans des dossiers évidents qu'on nous a présentés, nous tenions littéralement la preuve d'actions illicites, mais sans pouvoir aller plus loin, de crainte d'exposer le lanceur d'alerte. Nous ne lui causerons jamais de préjudice. Nous ne prendrons pas ce risque.
    Messieurs, merci beaucoup de votre temps. Je vous en sais gré.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Drouin.
    Sur ce, je remercie les trois témoins, MM. Bron, Cutler, Holman, pour leur participation et leur indulgence pour nous à cause des votes qui nous ont un peu retardés. Nous apprécions vraiment que vous soyez restés avec nous tout ce temps.
    Je remercie également pour leur indulgence, dans l'intervalle, l'interprète et les techniciens ainsi que les analystes et le greffier.
    Cela dit, je vois qu'il est 17 h 7. Comme j'ai dit que la séance a débuté à 15 h 8, nous avons une minute d'avance sur l'horaire.
    Merci beaucoup à tous.
    La séance est levée.
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