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Nous allons commencer. Bienvenue à la 16
e réunion du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes.
Le Comité se réunit aujourd'hui à 15 h 8 là où je suis, ce qui correspond à 16 h 8 chez vous. Nous tenterons de respecter l'horaire prévu afin d'avancer aussi rapidement que possible pour bien entendre les témoignages et poser des questions.
Nous accueillons aujourd'hui des témoins dans le cadre de l'étude du Comité sur la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19.
À titre d'information, le Comité ne se réunira pas le mercredi 3 février. Nous nous attendons à ce qu'il y ait un grand nombre de votes, peut-être même cinq, à la suite de la période de questions ce jour-là, ce qui nous retiendra et empêchera le Comité de se réunir en après-midi. Nous n'avons pas réussi à trouver un autre créneau, ce qui fait que nous avons convoqué les témoins à la réunion qui suivra, soit celle du mercredi 17 février.
Pour assurer le bon déroulement de la réunion, je vous prie de suivre les consignes qui suivent.
L'interprétation fournie dans le cadre de la vidéoconférence fonctionne essentiellement comme celle offerte lors d'une réunion de comité habituelle. Au bas de l'écran, vous pouvez choisir le parquet, l'anglais ou le français. Avant d'intervenir, attendez que je vous appelle. Lorsque vous êtes prêts à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône pour allumer votre microphone. Lorsque vous ne parlez pas, votre microphone doit être mis en sourdine.
Les personnes présentes dans la salle de réunion doivent porter un masque lorsqu'elles se déplacent et ne peuvent pas respecter les consignes de distanciation physique.
Chaque témoin fera une déclaration et disposera de cinq minutes pour ce faire. Nous suivrons l'ordre d'intervention qui paraît à l'ordre du jour.
Sur ce, je demanderais à M. Bron de faire son exposé.
Monsieur Bron, vous avez cinq minutes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour. Merci de m'avoir invité à vous parler de cette question importante, à savoir la dénonciation pendant la pandémie de la COVID-19.
Le groupe que M. Cutler, M. Holman et moi-même représentons réunit divers experts canadiens du domaine de la transparence et de la dénonciation pour chercher des solutions au problème suivant: comment déceler et corriger les actes répréhensibles commis dans les secteurs privé et public pendant l'urgence que constitue la COVID-19. Je fais également des recherches sur la dénonciation sous les gouvernements de type Westminster depuis quelques années.
Au début de la pandémie, il y a eu de nombreux reportages sur des magouilles concernant l'EPI, non seulement au Canada, mais partout au monde. Plus tard, j'ai entendu parler d'employeurs qui ont négligé de verser la Subvention salariale d'urgence du Canada à leurs employés, ainsi que de cas d'employés qui avaient trop peur de se plaindre, par crainte de perdre leur emploi.
En Ontario, Ashley Jenkins a été renvoyée pour avoir dénoncé les conditions qui sévissaient dans une résidence de soins de longue durée. Des infirmiers et infirmières du Québec ont signalé des représailles semblables. Vous vous souviendrez peut-être que les Forces armées canadiennes ont déployé leur personnel médical à titre de renfort dans les résidences de soins de longue durée en Ontario. Les conditions horribles découvertes par les militaires ont été divulguées aux médias, mettant au grand jour l'insuffisance grave de la surveillance provinciale.
Ces cas ne représentent qu'une toute petite proportion des employés qui ont observé des actes répréhensibles. La recherche indique que seulement la moitié des employés signaleront des actes répréhensibles graves, et que seulement 10 % d'entre eux le feront à l'extérieur de l'organisation, et ce, normalement lorsque la procédure de dénonciation interne n'a rien donné. Moins d'un pour cent de ces employés iront aux médias. Cela laisse entendre qu'il y a des centaines d'actes répréhensibles liés à la COVID-19 au Canada dont nous ignorons tout et qui pourraient persister.
Comme le confirmera mon collègue, M. Holman, la transparence fait partie de la solution, tout comme la protection du dénonciateur. Les études confirment que les dénonciations sont la façon la plus efficace de détecter les actes répréhensibles au sein des organisations et qu'elles sont beaucoup plus efficaces que les vérifications, les examens par la direction, le respect des lois et tout autre moyen.
Malgré la valeur des renseignements offerts par les dénonciateurs, ceux-ci ne bénéficient pas d'une protection adéquate au Canada. Même la dénonciation à l'interne est punie, d'une part pour transmettre un message aux autres travailleurs, et d'autre part pour empêcher que la dénonciation se rende jusqu'à un organe de réglementation ou au public.
Les employeurs ont recours aux représailles parce qu'ils peuvent le faire. Les lois les plus étoffées en matière de protection des dénonciateurs du Canada, qui visent uniquement le secteur public, ne sont pas vraiment efficaces. Je le sais, car moi-même et mes collègues les comparons aux pratiques exemplaires depuis des années. La plupart des travailleurs du secteur privé n'ont aucune protection, outre la common law, qui s'avère un recours difficile et coûteux. Quelques lois existent dans certains secteurs, mais elles sont éparses, inefficaces ou encore inutilisées.
Ce sont les raisons pour lesquelles Tom Devine, l'un des plus grands experts du monde en matière de dénonciation, a qualifié de chimère la loi sur la protection des dénonciateurs du Canada, c'est-à-dire qu'elle est tout à fait inutile et trompeuse. En fait, comme se souviendront peut-être M. Drouin et M. McCauley, M. Devine l'avait déjà dit à votre comité il y a presque quatre ans dans le cadre de l'examen de la loi fédérale sur la protection des dénonciateurs. Cet examen a donné lieu à un rapport unanime qui recommandait des modifications. Malheureusement, aucune des modifications n'a été adoptée. Nous nous démarquons par rapport à d'autres pays et blocs, tels que l'UE, qui vient d'exiger que tous ses pays membres adoptent de nouvelles lois plus musclées pour protéger les dénonciateurs.
Afin de relever les défis à court et à moyen terme, notre groupe a trois recommandations en matière de dénonciation: primo, la nomination d'un ombudsman de la COVID-19 qui recevrait les dénonciations et les questions, et qui aiderait à orienter les Canadiens préoccupés et à résoudre les différends; secundo, le lancement d'une campagne de sensibilisation afin de renseigner les Canadiens sur leur droit de dénoncer et les recours qui leur sont offerts; tertio, la refonte des lois existantes de protection des dénonciateurs afin qu'elles correspondent aux pratiques exemplaires et s'appliquent aux secteurs public et privé.
Pour conclure, je vous dirais que personne n'est bien servi par l'état des choses actuel: ni les dénonciateurs, ni le public, ni les organisations, ni le gouvernement. Le fait de protéger les dénonciateurs veut dire que les actes répréhensibles ne peuvent être cachés. Comme la tragédie qui a eu lieu dans les résidences de soins de longue durée le montre bien, les problèmes incontrôlés peuvent prendre une ampleur meurtrière. Les systèmes de protection des dénonciateurs efficaces permettent de repérer les problèmes, de mener des enquêtes approfondies et de corriger plus rapidement la situation.
C'est pour ces raisons que nous demandons au Comité de recommander des mesures immédiates afin de conseiller de protéger les dénonciateurs maintenant et à l'avenir.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Je vais répéter certaines choses qu'a dites M. Bron, en les présentant dans une autre optique et de façon plus générale.
Nous savons tous que nous sommes au milieu d'une pandémie sans précédent, et il va sans dire que des erreurs ont été et seront commises, mais que faisons-nous? Tout le monde a un avis sur ce qui doit être fait. Avec le recul, il est très facile de critiquer, mais les gens concernés sont coincés, surtout les gens qui refusent de reconnaître leurs erreurs.
Comme M. Bron, je parle à de nombreux dénonciateurs, et je leur parle peut-être de façon plus régulière maintenant. J'en arrive toujours aux deux mêmes constats. Il y a la peur que ressentent ces gens de ce qu'il leur arrivera s’ils font leur dénonciation. De plus, ils ont maintenant peur de perdre leur emploi. Plein de gens se retrouvent au chômage au pays. La population active s'est rétrécie. Les gens me disent: « Si je parle, je serai le prochain à être renvoyé », et donc ils se taisent.
Les gens sont également très inquiets par la possibilité de représailles, ce qui nous amène à la question de la confiance. En ce moment, aucun des dénonciateurs ne fait confiance aux fonctionnaires, quelle que soit la couleur politique du gouvernement. Ils ont peur. Les fonctionnaires n'ont plus la confiance du public.
Comme l'a dit M. Bron, les lois sont inefficaces, voire même inexistantes. La loi fédérale est lacunaire. À notre connaissance, aucune des lois n'inverse le fardeau de la preuve, alors que toute bonne loi sur la protection des dénonciateurs devrait le faire. L'inversion du fardeau de la preuve veut dire que si l'employeur a effectué des représailles, c'est lui qui doit prouver le contraire, plutôt que le dénonciateur. Qui détient le pouvoir? Qui a les documents? C'est l'employeur, et non l'employé.
Je vais vous énumérer trois grands principes éthiques fondamentaux qui ont déjà été soulevés. Ils portent sur l'approvisionnement, mais aussi... ce qui a fréquemment eu lieu ici. Les principes fondamentaux sont l'équité, l'ouverture et la transparence. L'ombudsman fédéral en a parlé aux comités déjà.
Il existe quatre raisons pour recourir à des fournisseurs uniques. Je sais que je m'écarte un peu du sujet de la dénonciation, mais c'est lié dans la mesure où la dénonciation a eu certaines répercussions.
Parmi les quatre raisons, il y a l'urgence. Dans le contexte de la pandémie, les provinces et le gouvernement fédéral sont tout à fait justifiés de dire qu'il y a urgence. Ils n'ont pas le temps de suivre les pratiques habituelles d'approvisionnement pour obtenir ce dont ils ont besoin. Les principes d'équité et d'ouverture existent dans le contexte de la concurrence. L'équité veut dire que chaque soumissionnaire a droit au même traitement, et la concurrence veut dire que pour ce faire, il doit y avoir de l'ouverture afin que chacun puisse soumettre sa proposition.
Le gouvernement a tenté de respecter ces principes dans la mesure du possible, mais la transparence est toujours de mise. La transparence veut dire qu'il faut fournir des renseignements dans les délais prévus. La transparence ne change jamais et est toujours nécessaire, qu'il s'agisse d'un appel d'offres ou de négociations. Il doit toujours y avoir de la transparence aux ressources humaines et dans chaque sphère de notre vie publique ou vie privée. Nous devons pouvoir obtenir les renseignements et être protégés. En ce moment, ce n'est pas le cas.
Quant à l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, l'AIPRP, il n'y a pas... l'AIPRP est un excellent prétexte pour conserver les renseignements et retarder toute divulgation. J'ai souvent été frustré en tentant d'obtenir des renseignements qui auraient dû être donnés librement, dont des renseignements très simples.
Je vais conclure en disant tout simplement que l'erreur est humaine. Nous le savons tous. Certains gouvernements l'ont reconnu. Le gouvernement provincial de l'Ontario a reconnu qu'il aurait dû continuer à administrer des vaccins pendant la période des fêtes. Il a arrêté de le faire pendant deux jours, et a reconnu son erreur. Il n'y a rien de mal à reconnaître sa faute.
Il faut également se souvenir que les détails sont essentiels. Quand allons-nous prendre connaissance des détails? Bien des gens nous disent que ça va bien aller un jour. Voilà une défense on ne peut plus optimiste. Oui, nous savons tous qu'un jour, tout ira bien. Dans le dernier rapport que j'ai vu, rédigé par un organisme indépendant, on indique que la pandémie sera en fait terminée à l'été 2022. C'est inacceptable. Nous devrions avoir des renseignements précis.
Les dénonciateurs acceptent de me parler, mais ont peur de parler à d'autres intervenants. Ils ne font plus confiance aux médias.
Je vais m'arrêter ici. Ma conclusion est essentiellement la même que celle de M. Bron. Il nous faut une loi nationale qui s'applique aux secteurs public et privé et aux organismes à but non lucratif. Il nous faut une loi nationale, solide et efficace, pour protéger l'ensemble des dénonciateurs qui signalent tous les actes répréhensibles commis dans notre pays.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais remercier encore une fois les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner sur le droit du public de savoir ce qui a été compromis pendant la pandémie, et les mesures qui peuvent être prises.
Je suis professeur de journalisme à l'Université Mount Royal à Calgary, et ma recherche porte sur les raisons pour lesquelles nous prisons l'information dans les démocraties et l'histoire des lois d'accès à l'information de notre pays. Comme l'a indiqué M. Bron, je suis également membre du Canadian COVID-19 Accountability Group, une coalition spéciale d'experts qui se sont réunis l'année dernière afin de proposer des réformes aux lois en matière de protection des dénonciateurs et d'accès à l'information dans le contexte de la pandémie.
C'est en ma qualité d'expert que je m'inquiète du grand couvert du secret sous lequel agissent les gouvernements canadiens pendant la pandémie, phénomène qui n'a pas changé depuis la dernière fois que je suis venu témoigner devant votre comité. Ce secret veut dire que le gouvernement a négligé de fournir au public et aux fonctionnaires les données dont ils ont besoin pour surveiller et comptabiliser des milliards de dollars de dépenses liées à la COVID-19, y compris les données sur le coût des vaccins et les marchés passés.
Cela s'est traduit par la négligence du système d'accès à l'information déjà boiteux du Canada au point où il ne sert plus. Cela veut dire également que le gouvernement a bien trop souvent refusé de répondre à des questions simples des médias et de l'opposition sur sa réponse à la pandémie, ou encore a retardé ses réponses, comme dans le cas des questions visant à savoir quand les vaccins arriveront au pays ou encore si le avait parlé au PDG de l'une des sociétés qui fabriquent les vaccins.
Le secret n'a pas commencé pendant la pandémie. L'histoire nous montre qu'il fait partie intégrante de notre système de gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir à Ottawa. C'est parce que notre système est fondé sur la notion que les décisions doivent être prises à huis clos. Le y a fait allusion le mois dernier lorsqu'il a indiqué que les impératifs de la responsabilisation et de l'ouverture devaient être pesés contre « la capacité de traiter des questions très compliquées de façon approfondie ». Puisque de nombreuses questions dont est saisi le gouvernement sont compliquées, il en résulte très peu de transparence, un phénomène illustré et renforcé par le fait que tout ce qui se fait au cabinet, l'organe principal de prise de décisions du gouvernement, constitue un secret.
Cette croyance en la nécessité de la prise de décisions à huis clos s'est infiltrée à tous les échelons du gouvernement, depuis le ministre le plus haut placé jusqu'au petit gratte-papier. Non seulement cette attitude infantilise le public canadien et nuit à notre démocratie, elle menace également la stabilité politique et sociale de notre pays.
Les gens veulent des renseignements parce qu'ils recherchent un certain contrôle et de la certitude. Ils veulent des renseignements afin de prendre de meilleures décisions sur leur réalité, et ainsi diriger les institutions publiques et privées. Ils veulent des renseignements afin de mieux comprendre le monde, et être rassurés quant à ce qui va se passer.
Pendant une urgence, comme celle que nous vivons maintenant, ce besoin d'information s'intensifie. Les Canadiens veulent prendre les décisions les plus éclairées possible pour se protéger, tout en s'assurant que les gouvernements et les sociétés font la même chose pour leur compte.
Le fait de ne pas fournir cette information est lourd de conséquences en l'ère post-vérité. S'il y a des trous dans l'information, il y a un grand risque que les trous soient comblés par des renseignements erronés et de la désinformation, comme nous le voyons dans les manifestations anti-masques qui ont eu lieu à l'échelle du pays et dans les théories complotistes qui en sont à la base.
Voilà la raison pour laquelle le gouvernement fédéral doit absolument faire preuve de davantage d'ouverture envers les Canadiens pendant cette urgence. L'époque exige moins de secrets, pas plus. La vérité est la seule chose qui puisse contrer les mensonges qui occupent maintenant une place si pernicieuse dans la sphère publique.
C'est donc à cette fin que notre groupe a recommandé que le gouvernement soit tenu légalement de divulguer de façon proactive de grandes catégories de dossiers, sans caviardage, dans les 15 jours suivant leur rédaction, y compris les rapports sur la santé et les inspections sanitaires, ainsi que les documents sur la recherche dans le domaine de la santé publique et les marchés publics. Il n'y a aucune raison qui justifie que les Canadiens ne puissent pas lire la vérité contenue dans ces dossiers,qu'il y ait une pandémie ou non.
Avec les réformes recommandées par mes collègues sur la protection des dénonciateurs, nous pensons que ces mesures aideront grandement à accroître la confiance des Canadiens envers le gouvernement et la prise de décisions axée sur la preuve à une époque où le secteur public est menacé d'actes répréhensibles et d'abus.
Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de témoigner.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue, messieurs. Je suis heureux de vous revoir.
Je tiens tout d'abord à remercier MM. Bron et Cutler de travailler autant avec nous à la question des dénonciateurs, et je tiens à remercier les autres membres du Comité qui étaient avec nous pendant la 42e législature: M. Drouin et, bien sûr, M. MacKinnon. Malgré tous leurs efforts, le gouvernement n'a pas été à la hauteur et n'a rien fait au sujet de la loi. J'espère que nous irons de l'avant un jour, car je pense que cacher de l'information ne sert l'intérêt de personne.
Monsieur Cutler, je veux commencer par vous. À votre avis, qu'est-ce que cela révèle sur notre pays quand nous voyons que l'Amérique de Trump — et, bien entendu, elle est passée à Biden — et le Royaume-Uni ont divulgué des détails sur les contrats d'approvisionnement en vaccins contre la COVID et que le Canada refuse toujours de divulguer ces renseignements?
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Vous soulevez le point concernant l'équipement de protection individuelle. Je me souviens que pendant que nous tenions des réunions au cours de l'été, nous avons entendu dire qu'il y avait de l'équipement de protection individuelle contaminé, ou qu'on avait acheté un type d'équipement, mais que ce n'était pas le bon type d'équipement qui avait été envoyé. Aux dernières nouvelles... Nous voilà, sept ou huit mois plus tard, et nous n'avons toujours pas récupéré notre argent. Ils continuent à protéger le nom du fournisseur pour des raisons commerciales. En juillet, nous avons appris qu'ils allaient révéler tous les noms des fournisseurs d'équipement de protection individuelle. Ils ne l'ont toujours pas fait.
Vous avez récemment souligné que le New York Times a révélé qu'une grande partie de l'équipement de protection individuelle provenait d'entreprises chinoises qui avaient recours au travail forcé. Cependant, en même temps, notre gouvernement refuse de fournir l'information sur les lieux d'où provient l'équipement que nous achetons en Chine.
Dans quel monde cela a-t-il un sens? Nous dénonçons le travail forcé, mais parallèlement, nous ne disons pas franchement d'où provient l'équipement de protection individuelle que nous achetons, alors que les probabilités sont qu'il provienne en partie d'entreprises qui ont recours au travail forcé.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui, que ce soit en personne ou en mode virtuel.
[Traduction]
Je veux parler un peu de ce que, en fait, ce gouvernement divulgue, et de ce que la population sait grâce aux nombreux renseignements qui ont été divulgués pendant la pandémie.
[Français]
Je vous parle en ma qualité de secrétaire parlementaire de la . Le Bureau de la traduction est sous notre responsabilité et il est inondé de demandes de traduction de documents destinés à être communiqués au grand public.
[Traduction]
Le travail que nous accumulons actuellement, au Bureau de la traduction, pour la divulgation publique de documents sur la COVID et de documents connexes, est considérable. C'est du jamais vu. C'est précisément parce que le gouvernement a accepté de divulguer un certain nombre de documents relatifs à la COVID et de fournir énormément de renseignements.
Je me souviens, et tous les députés ici présents s'en souviendront, de la première motion que nous avons présentée pour que la Chambre s'ajourne et que nous passions à des séances hybrides. C'était une motion dans laquelle nous demandions à la vérificatrice générale de procéder à des examens spéciaux du gouvernement sur les décisions liées à la COVID.
À la une du Globe and Mail d'aujourd'hui, on peut lire des révélations extraordinaires qui n'auraient jamais été faites si ce n'était des circonstances liées à la pandémie.
Monsieur Holman, vous avez parlé des révélations que les Forces armées canadiennes ont faites sur les conditions dans les établissements de soins de longue durée, qui, encore une fois, sont sans doute extraordinaires et n'auraient pas été faites si ce n'était des conditions liées à la pandémie.
De mon point de vue — et j'aimerais savoir ce que les témoins en pensent —, ce gouvernement a fait plus que son devoir en ce qui concerne la divulgation de renseignements pendant la pandémie.
De nombreux arguments concernent, par exemple, les acquisitions et les achats à caractère sensible. Avant de vous donner, à tous les trois, la parole et le micro, je voudrais dire encore une fois que nous faisons effectivement face à des concurrents à l'échelle internationale pour l'approvisionnement en vaccins et en équipement de protection individuelle, et divulguer bon nombre des conditions... De toute évidence, nous avons divulgué certaines des conditions de ces contrats, un nombre important d'entre elles, mais si nous en divulguions beaucoup d'autres, nous ferions face à un problème éthique où la vie de Canadiens serait mise en danger.
Je vous demande ce que vous en pensez, messieurs Cutler, Holman et Bron.
Évidemment, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. En ce qui concerne l'information donnée librement, je m'intéresse à l'accès à l'information depuis de nombreuses années maintenant, et au cours des deux ou trois dernières années, bien avant l'arrivée de la pandémie, le système s'est pratiquement arrêté.
Je conviens que la situation s'est empirée depuis, car les gens ne travaillent pas dans leurs bureaux et il y a des retards dans l'obtention de documents. C'est tout à fait compréhensible. Il faut que ce soit, du moins dans une certaine mesure, jugé acceptable. Si vous voulez, le retard est inacceptable, mais le fait qu'il y ait un retard est acceptable.
Pour ce qui est des contrats gouvernementaux, je me penche sur de tels contrats depuis bien des années. Je sais exactement quels documents sont accessibles et lesquels ne le sont pas. Lorsqu'on demande une copie d'un contrat, certains renseignements qui sont considérés comme étant confidentiels sont censurés, ce qui inclut habituellement le coût réel, ce qui est normal. Toutefois, de nombreux renseignements ne sont pas censurés, comme les livraisons et le nom de celui qui a eu le contrat, et cela a toujours été considéré comme de l'information ouverte et facile à obtenir au moyen d'une demande.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Bron, en temps de crise, les décisions doivent être prises rapidement, et il faut souvent se « retourner sur un dix cents. »
Quelles conséquences le manque de transparence du gouvernement quant aux vaccins et aux autres contrats d'approvisionnement peuvent-ils avoir sur notre capacité à corriger le tir en cours de route?
Quelles sont les conséquences possibles sur le résultat financier final quant aux coûts de la pandémie pour les contribuables?
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Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Holman, je vais m'adresser à vous.
Le 9 juin 2020, la a noté dans son allocution d'ouverture qu'en raison de la concurrence et de l'instabilité des marchés actuels, certaines informations à propos de nos approvisionnements pourraient compromettre les commandes du gouvernement fédéral et la position de négociation du Canada.
Vous avez parlé du système du silence. Le système qui fait que les décisions sont prises en privé ou en secret a-t-il pour but d'assurer de meilleurs services à la population?
Vise-t-il plutôt à préserver les sensibilités qui pourraient exister auprès de partenaires internationaux?
Existe-t-il pour ouvrir certaines portes politiques?
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Souvent, il s'agit de protéger le secret.
Petit fait historique, lorsque nous parlions de rendre les documents gouvernementaux accessibles après 30 ans, dans la période de l'après-guerre, des discussions ont eu lieu au Cabinet à ce sujet. L'une des principales raisons pour lesquelles ils n'ont pas choisi 25 ans, c'est que les hommes qui occupaient des charges publiques pouvaient encore être en poste après 25 ans. On souhaitait ne pas mettre ces gens dans l'embarras.
Nous parlons vraiment ici d'éviter de mettre des gens dans l'embarras plus que quoi que ce soit d'autre. Nous ne parlons pas de bonne gouvernance ni de démocratie. Nous parlons, dans de nombreux cas, simplement du désir de ne pas mettre des gens qui occupent des charges publiques dans l'embarras.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Bron, par le passé, il m'est arrivé d'entendre des gens dire qu'il fallait être prudent en ce qui concerne les dénonciations, qu'une dénonciation pourrait en fait être un moyen utilisé par une personne pour se venger d'un employeur ou d'un haut gradé.
Selon vous, ce type de dénonciation est-il fréquent?
La probabilité que cela arrive doit-elle freiner le gouvernement pour ce qui est d'améliorer son système et ses lois?
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Je peux vous en parler.
Vous avez tout à fait raison. Le plus drôle, c'est que nous avons adopté la Loi sur l'accès à l'information au début des années 1980 parce qu'on se rendait compte qu'aux États-Unis, bien plus d'information était rendue publique, de l'information à laquelle les Canadiens n'avaient pas accès. En fait, c'est à ce moment qu'on a pris conscience du fait que les Canadiens pouvaient obtenir de l'information, aux États-Unis, sur les rapports d'inspection de viande visant leurs propres usines de transformation, mais qu'ils ne pouvaient pas y avoir accès depuis le Canada.
Il serait temps de comparer de nouveau l'information accessible au Canada par rapport à celle accessible aux États-Unis, parce que cela permettrait de mettre en lumière le degré d'opacité de nos gouvernements, dans ce pays, quelle que soit leur couleur politique.
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M. Holman a mentionné le concept d'un gouvernement « intrinsèquement ouvert ». J'aurais tendance à affirmer que le gouvernement, depuis des années, rend plutôt ses documents accessibles exceptionnellement qu'intrinsèquement. Je prends le point de vue d'un utilisateur, du public, et l'accessibilité est exceptionnelle... On ne peut qu'occasionnellement obtenir le document source.
Soit dit en passant, je parle là d'un processus normal, qui existe depuis longtemps. Je ne parle pas de quelque chose de nouveau. Je veux obtenir copie d'un contrat. Je présente une demande d'accès à l'information. J'obtiens une copie du contrat. J'ai pu ainsi voir le contrat conclu pour Phénix, par exemple. Ce sont des journalistes qui l'ont obtenu, puis qui me l'ont donné. Il n'y manquait que quelques petits éléments caviardés, mais j'avais bien assez d'informations pour comprendre bon nombre des problèmes.
Tous les contrats conclus depuis le début de la pandémie pourraient être rendus publics. Nous saurions alors qui sont les parties, combien d'argent nous dépensons au total et quels sont les détails des contrats. Nul besoin de connaître tous les chiffres par entreprise, mais l'on pourrait avoir le total. Tous ces renseignements sont divulgués, normalement.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie d'être avec nous. Vos témoignages sont très instructifs.
Nous parlons de contrats depuis tantôt. J'ai ici une liste qui provient d'un site du gouvernement du Canada. Elle figure dans le « Tableau 3 : Respirateurs N95 ». Actuellement, seulement 2 entreprises sur 23 sont nommées. Les autres sont simplement désignées sous le nom Entreprise A, B, C, D, et ainsi de suite. On parle de contrats de 91 millions, 35 millions, 69 millions et 158 millions de dollars.
Trouvez-vous normal que nous n'ayons pas au moins le nom des entreprises?
On nous dit que c'est une question de confidentialité dans les négociations. Je veux bien comprendre cela, mais ne serait-il pas normal d'avoir le nom des entreprises?
J'aimerais avoir vos commentaires, monsieur Cutler, à ce sujet.
Je vais maintenant m'adresser à vous, monsieur Holman.
La semaine passée, nous avons appris que, dans le cadre du contrat de CanSinoBio, le fameux contrat donné par le gouvernement du Canada pour la mise au point des vaccins, avait pris fin. Au mois de juin, le Conseil national de recherches Canada a dit, devant un comité de la Chambre des communes, que l'accord était en place. Au mois de juillet, le gouvernement du Canada a dit qu'il y avait encore un accord. Au mois d'août, on nous a dit qu'il n'y avait plus d'accord. Maintenant, nous apprenons que les Chinois ont mis fin à l'entente au mois de mai.
Trouvez-vous normal que le gouvernement du Canada cache cette information?
Je souhaite de nouveau la bienvenue à nos témoins.
Je m'adresserai d'abord à M. Cutler.
Vous avez indiqué, dans votre exposé de même qu'en réponse à diverses questions de mes collègues, que vous vous intéressez de près aux contrats. Vous aimez en voir les détails. Vous avez examiné de nombreux contrats gouvernementaux. Cela signifie que vous connaissez sûrement très bien le modèle standard de contrat du gouvernement. Vous avez aussi dit comprendre que certains sont rendus publics et d'autres, non.
Permettez-moi de commencer par vous poser une question fondamentale. Croyez-vous que le contrat d'approvisionnement du gouvernement du Canada forme un ensemble complet et exhaustif d'éléments qui, s'ils sont respectés, nous protégeront?
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Parlez-vous de la loi fédérale de 2007 sur les dénonciateurs?
Mme Julie Vignola: oui.
M. Ian Bron: En théorie, oui — je veux dire qu'il y a des protections prévues dans la loi —, mais en réalité, non, il y a beaucoup trop d'échappatoires dans la loi. La plus grande partie de la loi vise à orienter les dénonciateurs vers certains canaux et à faire en sorte qu'ils ne dénoncent que certaines choses: un mauvais pas et tout déraille. Comme M. Cutler le disait, ce système n'a plus vraiment la confiance des employés.
De même, il ne s'applique qu'au secteur public. Il n'y a rien pour le secteur privé. Dans ce genre de cas, quand il y a un contrat avec le secteur privé, il y aura des actes répréhensibles de part et d'autre de la transaction. La loi actuelle ne permet même pas au commissaire à l'intégrité d'enquêter dans le secteur privé pour découvrir la vérité.
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Bien sûr, il y a l'affaire Shiv Chopra, qui déplorait l'utilisation d'hormones de croissance chez les bovins et le fait que le processus décisionnel était pas mal conçu pour approuver tout ce que les entreprises voulaient.
Il y a aussi des rapports de Transports Canada qui portent à se questionner après des déraillements, par exemple, parce que certaines entreprises y sont dépeintes comme bien meilleures qu'elles ne le sont en réalité. Nous l'avons constaté, malheureusement, avec la tragédie de Lac-Mégantic.
Comme M. Holman le disait, on a facilement accès à ce genre de documents aux États-Unis. Il n'y a aucune raison à ce qu'ils ne soient pas accessibles ici, ce n'est que dans l'intérêt de l'entreprise, pas du public.
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Bonjour et merci à vous trois d'être des nôtres aujourd'hui.
J'ai été moi-même journaliste pendant 30 ans et j'ai dû composer avec de nombreuses situations liées notamment à la divulgation publique d'information et au piratage de systèmes téléphoniques. Je sais donc très bien à quel point il peut être difficile d'obtenir des renseignements auprès des gouvernements.
Et maintenant que je suis député, je ne suis pas au bout de mes peines.
Disons d'abord, encore que nous conviendrons tous qu'il est facile de se prononcer après coup, qu'il ne fait aucun doute que les gouvernements fédéral et provinciaux ont commis de graves erreurs dans le traitement de la pandémie. Il n'y a pas si longtemps, on nous disait en effet que la COVID n'était pas une menace pour le Canada, que les masques n'étaient pas vraiment efficaces et qu'il ne servait à rien d'interrompre les voyages à l'étranger. Dans ce contexte — et on parle seulement d'une période d'un an —, il y a en quelque sorte une question de principe qui se pose. Dans quelle mesure la divulgation de renseignements à la population peut-elle permettre d'éviter des dérapages importants comme ceux-là?
Qui veut répondre en premier?
Si l'on revient au contexte actuel de la pandémie, le Canada accuse un sérieux retard en matière de vaccination. Je sais que le gouvernement nous répète que nous allons recevoir des tonnes de vaccins et de médicaments, mais les statistiques nous renvoient une autre image pour l'instant. Ainsi, la base de données Our World in Data de l'Université Oxford classe maintenant le Canada au 20e rang à l'échelle planétaire, loin derrière nos alliés comme les États-Unis et le Royaume-Uni, et même à la traîne par rapport à des pays à revenu intermédiaire comme la Pologne et la Serbie.
En quoi un accès plus facile à l'information et une loi plus efficace pour la protection des dénonciateurs pourraient-ils nous aider à régler des problèmes graves de ce genre?
Qui veut répondre d'abord à cette question-ci?
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Je vous remercie beaucoup, chers collègues.
Je suis heureux que nos témoins, qui comparaissent souvent devant le Comité, soient de nouveau ici pour nous parler.
J'ai une question à poser à M. Cutler, mais j'invite également M. Bron et M. Holman à exprimer leur opinion.
Monsieur Cutler, je me demande si la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles devrait s'appliquer au secteur privé. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de faire une analyse juridique de la chose, mais le gouvernement fédéral a-t-il compétence pour légiférer dans le secteur privé en matière de normes d'emploi et d'employabilité, alors que plusieurs de ces champs de compétence relèvent des provinces? Je serais curieux d'avoir vos commentaires à ce sujet, parce que vous avez dit que nous avions besoin d'une loi nationale.
J'étais curieux de vous entendre à ce propos, car je sais que certains partis envisageaient la hausse du salaire minimum par le gouvernement fédéral, mesure qui se serait appliquée uniquement aux entreprises sous réglementation fédérale. Je me disais que s'il est possible de hausser le salaire minimum dans ces entreprises-là seulement, il va de soi que les autres lois pour la protection des dénonciateurs pouvant être adoptées ne s'appliqueraient pas nécessairement à tous. Je voulais juste savoir ce que vous en pensiez.
Je me demande par ailleurs s'il vous arrive de conseiller des organisations quant aux moyens à prendre pour créer une culture d'ouverture dans l'ensemble de leur système.
Je sais, monsieur Cutler, qu'un grand nombre de fonctionnaires continuent de s'adresser à vous. Comment faire pour instaurer une culture d'ouverture? Nous pouvons adopter toutes les lois que nous voulons, et nous savons que tôt ou tard des gens vont les enfreindre et qu'il faut malheureusement parfois s'adresser aux tribunaux pour trancher quant à savoir qui a raison. Sans aller aussi loin, pouvez-vous nous dire s'il vous arrive de conseiller des gens sur la façon de créer une culture d'ouverture de telle sorte qu'un employé qui s'aperçoit que quelque chose ne tourne pas rond puisse en discuter avec ses supérieurs — à moins bien évidemment qu'il ne s'agisse d'un acte criminel?
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais m'assurer de transmettre vos gentilles paroles à qui de droit.
C'est une question ouverte que j'adresse à nos témoins. J'ai vraiment apprécié les échanges que nous avons eus jusqu'à maintenant. Des points très importants ont été soulevés, et nous avons amplement matière à réflexion.
L'organisme Transparency International est l'un des chefs de file mondiaux dans la lutte contre la corruption. Il a rendu public la semaine dernière son indice de perception de la corruption qui révèle dans quelle mesure les gens de quelque 180 pays ont l'impression que la corruption prévaut au sein de leur fonction publique. Le Canada se situe au 11e rang, à égalité avec le Royaume-Uni et l'Australie. Nous obtenons en fait le meilleur résultat dans toutes les Amériques. À titre de comparaison, les États-Unis viennent au 25e rang. Cependant, il demeure certes toujours possible de mieux faire.
Voici donc ma question à laquelle vous pouvez tous répondre. Nous avons discuté aujourd'hui de certaines des failles qui ont été décelées, mais pourriez-vous nous dire ce qui explique la bonne performance du Canada à ce chapitre?
Il se trouve que je suis membre de l'organisme Transparency International. Vous avez raison lorsque vous dites que nous nous situons aujourd'hui au 11e rang, mais vous avez omis de mentionner qu'il s'agit d'une régression par rapport aux années précédentes. Pendant des années, nous nous sommes classés parmi les 10 premiers pays. Or, ce n'est plus le cas.
Ce que Transparency International ne fait pas, c'est... Il s'agit d'un indice de perception. Pour une raison ou une autre, au Canada, la criminalité en col blanc est considérée comme un simple écart de conduite. Nous ne prenons pas la corruption au sérieux. Par conséquent, nous devrions probablement être placés à un rang inférieur à celui où nous nous situons. De nombreux membres de Transparency International vous diraient la même chose, comme ils me l'ont dit à moi.
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Aux États-Unis, les dénonciateurs reçoivent des récompenses. C'est le moyen utilisé par la Securities and Exchange Commission. Un de mes collègues voudrait peut-être vous en dire plus à ce sujet, mais cette méthode s'est certainement avérée efficace.
Au Canada, nous avons adopté une loi en vertu de laquelle quiconque dénonce un acte répréhensible à l'Agence du revenu du Canada peut recevoir une récompense allant jusqu'à 15 %. Toutefois, la loi a ensuite été modifiée par l'ajout d'une disposition qui stipule qu'une personne ayant un casier judiciaire n'a pas droit à la récompense de 15 %.
M. Bron et moi connaissons un homme qui sait énormément de choses. Pourtant, il n'aurait pas droit à cette récompense s'il dénonçait des crimes au Canada parce qu'il a déjà été condamné aux États-Unis. En fait, selon lui, s'il traversait la frontière, on trouverait une raison de l'arrêter, ce qui est révélateur de sa perception du fonctionnement du système de justice canadien.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Bron, vous avez parlé à quelques reprises de la peur que les dénonciateurs, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, ont de révéler une situation inacceptable. Lorsque je pense à cette peur qui freine les dénonciateurs et aux conséquences parfois importantes que subissent ceux qui sont allés de l'avant, j'ai l'impression que ces gens se sentent intimidés, voire harcelés.
Pour protéger ces employés, faudrait-il renforcer la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles en l'appuyant sur les lois régissant le harcèlement au travail?
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C’est une question épineuse. Normalement, le harcèlement est considéré comme un problème personnel et il est traité de différents moyens. Le harcèlement est une réaction typique à la dénonciation. Il s’agit probablement de la réaction la plus pernicieuse puisque c’est très difficile de prouver qu’une personne est victime de harcèlement et que le harcèlement est lié à un acte de dénonciation.
Le harcèlement serait considéré comme une forme de représailles et il ne doit pas être traité de la même façon que... Je ne veux pas employer le terme « ordinaire », mais c’est un peu là où je veux en venir. Lorsque le harcèlement est utilisé comme mesure de représailles, les personnes qui gèrent les procédures en cas de harcèlement sont souvent impliquées dans les actes répréhensibles de harcèlement. Voyez-vous ce que je veux dire?
Le harcèlement est une méthode de représailles courante. Pour avoir droit à une audience juste dans un cas ordinaire de harcèlement, on peut avoir recours aux procédures normales. Toutefois, dans les cas où le harcèlement est une réaction à un acte de dénonciation, la direction est souvent impliquée. Comme c’est elle qui gère les procédures, elle peut les faire échouer. C’est un problème épineux.
Je comprends là où vous voulez en venir, mais il faudrait procéder très prudemment.
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Si toute l’information s’y trouve, je n’ai certainement pas eu le temps de l’examiner dans son ensemble. Nous savons que ce n’est pas le cas. Comme je l’ai déjà dit, il y a beaucoup d’informations que le gouvernement omet non seulement de publier, mais aussi de collecter. Ce que nous avons constaté à maintes reprises, c’est que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ne collectent tout simplement pas suffisamment d’information pour prendre de bonnes décisions, et ce, non seulement par rapport à la COVID, mais aussi dans tous les domaines réglementés par le gouvernement ou sur lesquels il a une incidence.
Nous sommes rendus au point où nous dépendons généralement d’autres organisations pour obtenir ce type d’information — je pense ici à l’information en matière de santé liée à la pandémie —, simplement parce qu’aucun employé de la fonction publique ne fait ce travail de collecte.
Ce qui est arrivé au Canada, selon moi, c’est que nous sommes devenus trop paresseux pour collecter l’information nécessaire pour prendre de bonnes décisions. Maintenant, nous devons réexaminer notre processus de collecte de données et adopter des mesures qui obligent et le gouvernement fédéral et tous les ordres de gouvernement à améliorer leur collecte de données.
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Étant donné l'urgence de la situation, puis-je suggérer, monsieur le président, qu'au moment opportun, nous proposions de présenter à nouveau l'étude dans son ensemble? Elle est pertinente, mais plus précisément, durant nos prochaines réunions, nous devrions examiner les pratiques exemplaires associées à toutes les questions qui ont été soulevées aujourd'hui.
Monsieur le président, j'aimerais utiliser le temps qu'il me reste pour demander aux témoins, par votre intermédiaire, quelle serait la façon la plus rapide et la plus efficace, selon eux, de créer un poste d'ombudsman. Peuvent-ils expliquer, pour les gens qui nous écoutent, en quoi le poste consisterait exactement et comment l'ombudsman pourrait exercer une surveillance immédiate des dépenses liées à la COVID?
Nous pouvons demander à M. Holman ou à M. Bron de répondre à la question.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Dans l'une de mes questions précédentes, je disais que le sénateur Claude Carignan déposerait demain ou cette semaine un projet de loi visant à renforcer la loi de 2007 sur les lanceurs d'alertes. J'espère que ce projet de loi sera bien reçu par le gouvernement.
Messieurs, à vous entendre depuis le début de cette rencontre, je sens qu'il y a beaucoup de problèmes de transparence, et même de corruption. Le mot « corruption » semble gros, mais ce n'est pas si compliqué de faire de la corruption.
Monsieur Cutler, vous et d'autres témoins avez parlé d'autres façons de faire dans l'attente d'une loi qui aidera les lanceurs d'alerte. Les mécanismes internes actuels du gouvernement ne sont pas efficaces. En dehors du processus normal, quels sont ces autres moyens qui pourraient aider les lanceurs d'alerte actuellement?
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C'est une question difficile. Je suis certain que M. Bron et M. Holman peuvent aussi y répondre.
Comment renforce-t-on la confiance? La confiance est au cœur de toute situation de dénonciation. Les dénonciateurs ne se confieront pas à quelqu'un à qui ils ne font pas confiance, et ils ne font pas confiance au commissaire à l'intégrité actuel. Il y a un manque de confiance, mais les dénonciateurs font confiance à quelques personnes, comme M. Bron, M. Holman et moi, parce que nous sommes discrets et nous travaillons avec eux depuis des années.
La seule solution, d'après moi, c'est de trouver une personne impartiale — une personne reconnue pour son impartialité —, de la placer au centre et d'aiguiller les gens vers elle. C'est ce que M. Bron voulait dire, je crois, lorsqu'il parlait de créer un organisme indépendant.
Il a peut-être une meilleure idée, mais je ne vois pas d'autre moyen d'encourager la dénonciation.
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Il n'y en a pas eu des dizaines; seulement quelques-unes. Il est remarquable que si peu aient parlé.
Je ne suis pas certain que, en toute justice, on puisse reprocher les problèmes à la fonction publique. Souvent, les fonctionnaires surchargés font de leur mieux. Mais, la crainte de dénoncer des actes illicites est trop grande, et, dans certains cas, les détails sur le sujet, par exemple l'aide financière à l'emploi, ou sur le lieu de travail trahiront le dénonciateur.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Messieurs Cutler, Bron et Holman, vous avez tous dit, à un moment ou à un autre, que les gens avaient peur, qu'ils ne faisaient pas confiance au commissaire et qu'ils se tournaient plus facilement vers vous.
L'une des solutions serait-elle qu'un organisme indépendant du gouvernement soit responsable de recueillir les témoignages des lanceurs d'alerte et de faire les démarches en leur nom tout en protégeant leur identité, tant dans le secteur public que dans le secteur privé?
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Merci beaucoup, monsieur Drouin.
Sur ce, je remercie les trois témoins, MM. Bron, Cutler, Holman, pour leur participation et leur indulgence pour nous à cause des votes qui nous ont un peu retardés. Nous apprécions vraiment que vous soyez restés avec nous tout ce temps.
Je remercie également pour leur indulgence, dans l'intervalle, l'interprète et les techniciens ainsi que les analystes et le greffier.
Cela dit, je vois qu'il est 17 h 7. Comme j'ai dit que la séance a débuté à 15 h 8, nous avons une minute d'avance sur l'horaire.
Merci beaucoup à tous.
La séance est levée.