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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 30 septembre 2003




Á 1100
V         Le greffier du comité
V         M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.)
V         Le greffier
V         M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne)
V         L'honorable Art Eggleton (York-Centre, Lib.)
V         Le greffier
V         M. Charlie Penson
V         Le greffier
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))

Á 1105
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ)
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Stéphane Bergeron
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Tareq Y. Ismael (professeur de science politique, Université de Calgary)

Á 1110

Á 1115

Á 1120
V         Le président
V         M. A. Üner Turgay (directeur, «Institute of Islamic Studies», Université McGill)

Á 1125

Á 1130
V         Le président
V         L'honorable Mobina Jaffer (sénatrice de la Colombie-Britannique, Lib.)

Á 1135

Á 1140

Á 1145

Á 1150
V         Le président
V         M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne)
V         Le président
V         M. Tareq Y. Ismael

Á 1155
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         M. Tareq Y. Ismael

 1200
V         Le président
V         M. A. Üner Turgay

 1205
V         Le président
V         La sénatrice Mobina Jaffer
V         Le président
V         M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.)

 1210
V         M. A. Üner Turgay
V         M. John Harvard
V         M. A. Üner Turgay
V         M. John Harvard
V         M. A. Üner Turgay
V         M. John Harvard
V         M. A. Üner Turgay
V         M. John Harvard
V         M. A. Üner Turgay
V         M. John Harvard

 1215
V         M. A. Üner Turgay
V         M. John Harvard
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

 1220
V         La sénatrice Mobina Jaffer
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Tareq Y. Ismael
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Tareq Y. Ismael
V         Le président
V         M. Tareq Y. Ismael

 1225
V         Le président
V         Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.)
V         M. Tareq Y. Ismael
V         Mme Aileen Carroll
V         M. Tareq Y. Ismael
V         Mme Aileen Carroll
V         M. Tareq Y. Ismael

 1230
V         Le président
V         M. Stéphane Bergeron

 1235
V         Le président
V         M. A. Üner Turgay

 1240
V         Le président
V         L'honorable Diane Marleau (Sudbury, Lib.)
V         M. Tareq Y. Ismael
V         L'hon. Diane Marleau
V         M. Tareq Y. Ismael

 1245
V         L'hon. Diane Marleau
V         M. Tareq Y. Ismael
V         Le président
V         M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.)

 1250
V         M. A. Üner Turgay
V         M. Irwin Cotler
V         M. A. Üner Turgay
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

 1255
V         Le président
V         M. Stéphane Bergeron
V         Le président
V         M. Stéphane Bergeron
V         Le président
V         L'hon. Diane Marleau
V         Le président
V         M. Stéphane Bergeron

· 1300
V         Le président
V         M. Stéphane Bergeron
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Aileen Carroll
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Aileen Carroll
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 047 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 septembre 2003

[Enregistrement électronique]

Á  +(1100)  

[Français]

+

    Le greffier du comité: Messieurs et mesdames les députés, nous avons un quorum. Conformément à l'article 106 du Règlement, la première question à l'ordre du jour est l'élection du président. Je suis prêt à recevoir les propositions de mises en candidature.

    Monsieur Harvey.

+-

    M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.): Je propose M. Patry.

+-

    Le greffier: M. Harvey propose M. Patry. Y a-t-il d'autres propositions?

[Traduction]

    La motion est appuyée par M. Day.

    Y a-t-il d'autres mises en candidature?

    Comme il n'y a pas d'autres candidatures, je déclare le Dr Patry dûment élu président du comité.

[Français]

    Toujours conformément à l'article 106 du Règlement, vous avez deux postes de vice-présidents à combler. Tout ce que je peux faire, c'est m'occuper des élections des vice-présidents.

[Traduction]

+-

    M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Je propose Mme Marleau.

+-

    L'honorable Art Eggleton (York-Centre, Lib.): J'appuie la motion.

+-

    Le greffier: On propose la candidature de Mme Marleau au poste de vice-présidente représentant le gouvernement.

    Monsieur Penson.

+-

    M. Charlie Penson: J'aimerais proposer la candidature de M. Day au poste de second vice-président.

+-

    Le greffier: Très bien. Nous allons y aller un à la fois.

    Y a-t-il d'autres candidatures pour le poste de vice-président représentant le gouvernement?

    Comme je n'en vois pas d'autres, je déclare Mme Marleau dûment élue vice-présidente représentant le gouvernement.

    M. Penson a proposé la candidature de M. Day au poste de vice-président représentant l'opposition. Y a-t-il d'autres candidatures?

    Comme je n'en vois pas d'autres, je déclare M. Day dûment élu vice-président représentant l'opposition.

    J'invite maintenant le Dr Patry à présider le comité.

+-

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Je vais maintenant inviter nos témoins à s'approcher.

    Il y avait à l'ordre du jour l'élection du président et l'élection des vice-présidents, conformément au paragraphe 106(1) du Règlement. Voilà qui est fait.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, étude des relations avec les pays musulmans, nous recevons comme témoins ce matin, de l'Université de Calgary, M. Ismael qui est professeur de sciences politiques; de l'Université McGill, M. Turgay, directeur de l'Institut des études islamiques; et du Sénat, nous recevons l'honorable Mme Mobina Jaffer.

    Il y a un rappel au Règlement; madame Lalonde, s'il vous plaît.

Á  +-(1105)  

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le président, c'est une question de privilège, seulement pour que les choses soient claires entre nous. Nous avons reçu ce matin deux avis de convocation. Or, c'est vous seul qui êtes habilité à convoquer le comité. Il me semble que pour que les choses soient dans l'ordre, nous devrions recevoir ces mêmes convocations, mais de votre part. Autrement, il n'y a plus de règles, et il est important que les règles soient claires entre nous.

+-

    Le président: Parfait, merci.

[Traduction]

    Madame McDonough, vous avez la parole.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.

    Je sais qu'il nous tarde à tous d'entendre nos témoins.

    Étant donné que nous avons manqué de temps lors de la dernière séance, je me demande s'il n'y aurait pas lieu de discuter de la demande qui a été faite, à savoir que l'on convoque le solliciteur général et le ministre des Affaires étrangères le plus vite possible, et peut-on nous assurer que nous prendrons quelques minutes à la fin de la séance pour régler cette question?

+-

    Le président: Vous parlez de la fin de la séance d'aujourd'hui?

+-

    Mme Alexa McDonough: Pourrions-nous donner suite à cette demande à la fin de la séance d'aujourd'hui?

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Il s'agit de la motion dont j'ai donné avis, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: Une demande? Je ne suis pas au courant.

[Français]

    Monsieur Bergeron, allez-y.

[Traduction]

+-

    Mme Alexa McDonough: J'ai fait cette demande hier.

+-

    Le président: Nous pourrons en discuter, mais nous ne pourrons pas voter sur cette question. Lorsque M. Bergeron a donné son préavis, il s'agissait d'une procédure technique. Il n'avait pas pu proposer sa motion parce que ce n'était pas une motion exigeant un préavis de 24 heures. Étant donné que le comité vient d'être reconstitué, il doit donner un préavis pour sa motion de 24 heures.

    Nous pourrons en discuter, mais pour ce qui est de voter, c'est une question technique. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on en discute, mais il n'y aura pas de vote sur cette motion aujourd'hui. Si M. Bergeron propose sa motion de nouveau, elle pourra faire l'objet d'un vote jeudi.

    Oui, monsieur Bergeron.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, je veux simplement m'assurer auprès de vous que s'il y a consentement unanime des membres de ce comité sur la motion, nous pourrons agir en conséquence.

+-

    Le président: S'il y a consentement unanime, bien sûr. Mais le greffier me répond que pour qu'il y ait consentement unanime, il doit avoir la motion devant lui, et il ne l'a pas devant lui actuellement. Donc, si vous pouvez lui donner la motion ce matin et s'il y a consentement unanime, nous en discuterons.

[Traduction]

    Nous pourrons voter si nous avons une motion.

+-

    Mme Alexa McDonough: Avez-vous proposé votre motion la dernière fois?

    Je sais que moi je n'ai pas proposé de motions.

+-

    Le président: Nous allons entendre nos témoins de ce matin. Nous avons le grand plaisir de recevoir M. Ismael, M. Turgay et Mme Jaffer.

    Monsieur Ismael et monsieur Turgay, je dois vous remercier d'avoir communiqué une partie de votre texte à l'avance aux membres du comité, ce qui nous a permis de les faire traduire en français. Merci beaucoup. Votre geste est très apprécié.

    À la demande de Mme Jaffer, nous allons d'abord entendre M. Ismael. Elle veut parler en dernier.

    Monsieur Ismael, s'il vous plaît, si vous êtes prêt, veuillez commencer. Vous allez nous faire un exposé qui va durer une dizaine de minutes. Après quoi, nous allons entendre M. Turgay et enfin Mme Jaffer. Nous passerons aux questions après.

+-

    M. Tareq Y. Ismael (professeur de science politique, Université de Calgary): Merci, monsieur le président.

    Je ne lirai pas mon texte, vous en avez déjà copie. Je m'en tiendrai à des considérations générales et il se peut que je définisse certains concepts, mais je ne vous ferez pas la lecture comme certaines personnes aiment le faire.

    La question, mesdames et messieurs, est l'une des plus intéressantes qui soit et l'une des plus difficiles dans la mesure où il intervient ici tellement de considérations émotives et parfois même idéologiques. Cependant, en ma qualité d'universitaire, je vais commencer par vous dire que l'expression «monde musulman» a bien sûr une connotation claire en termes culturels et en termes politiques tangibles, du moins maintenant, mais c'est, au mieux, une expression vague dans la mesure où, lorsqu'on parle du monde musulman, on ne tient pas vraiment compte des aspects culturels de cette expression; on s'arrête habituellement à ses aspects politiques.

    Toute cette notion de monde musulman est intimement liée à cette notion du XVIIe siècle qu'on peut encore comprendre, et cette notion s'est maintenue jusqu'au XXe siècle mais s'est chargée de plus d'ambigüités, et au début du XXe siècle, nous avons essayé de la comprendre, mais nous n'y sommes jamais parvenus, ce qui fait que la confusion s'est accrue. Cependant, vers le milieu du XXe siècle, cette expression a commencé à prendre un sens différent, à savoir «eux et nous»—les bons et les méchants. Malheureusement, depuis les événements du 11 septembre et après, on s'est mis à associer la notion de musulman avec ce phénomène qu'on appelle le terrorisme.

    En conséquence, et il faut ajouter à cela les perceptions des médias de masse et l'émergence d'une opinion visant une certaine manipulation, l'expression «monde musulman» a fini par désigner un monde qui n'est pas civilisé, et il s'agit habituellement de terroristes, de gens qui sont habituellement contre nous. Ce qui fait que nous nous retrouvons automatiquement de l'autre côté et que nous sommes dans un conflit de civilisations, à savoir, les bons, nous autres; contre eux autres, les méchants. Tout est interprété à partir de cette perspective. Il en résulte un fossé énorme, si vous voulez, qui a été creusé davantage par des événements qui se situaient dans un contexte purement politique et auxquels on a donné un sens religieux.

    Je tenais à clarifier tout cela d'emblée étant donné que cette expression peut être très trompeuse. Elle est exacte sur le plan culturel, mais dès qu'on la place dans un contexte politique, on y associe des connotations qui sont très dangereuses et qui pourraient nous nuire et nuire à nos relations avec les musulmans. Voilà pourquoi je vous prie d'être prudents dans l'utilisation de ce terme étant donné ce que nous avons vécu avec certains groupes qui ont épousé une orientation politique, et ce, pour des raisons politiques et non pour des raisons culturelles ou religieuses.

    Je tenais à apporter cette précision, et je me suis demandé si je devais ennuyer un auditoire aussi distingué avec ces définitions. Mais plus j'y songe, plus je suis convaincu que c'est là une notion très importante qu'il faut définir d'une manière ou d'une autre, et j'espère qu'on la considérera sous un jour différent de ce à quoi nous ont habitués les médias de masse, dont le parti pris politique est bien connu.

    Je dis cela essentiellement parce que j'ai fait deux ou trois études sur cette question, sur la façon dont les médias de masse ont véhiculé cette notion, en ont donné une interprétation, et ont fini par nous emmener nous, le public, dans une certaine direction qui aurait bien pu nuire à la compréhension que nous avons de ces 1,3 milliard de personnes.

    L'image du Canada à l'étranger, particulièrement dans la zone géographique où l'on retrouve les nations et les États musulmans, est toujours très bonne dans la mesure où le Canada est considéré comme un pays qui est attaché au droit international, aux organisations internationales et à l'idée de paix—à l'idée de faire la paix et de la garder. Le Canada, qui est un petit pays quel que soit l'angle qu'on prend, jouit d'une grande considération dans cette région et nous devrions en être fiers.

Á  +-(1110)  

    Je viens de rencontrer deux ambassadeurs—il s'agissait de visites de courtoisie—et les deux étaient extrêmement heureux de savoir que votre éminent comité m'avait invité à parler de cette question. Les deux m'ont fait savoir sans ambages que l'image de notre pays contraste vivement avec son action dans le domaine des relations internationales.

    Voilà pourquoi je suis plus qu'heureux de vous dire que la présence canadienne dans ce qu'on appelle le monde musulman, au sens géographique du terme, a toujours été bien vue, mais nous devons aller un peu plus loin. Je songe essentiellement à toute la vision canadienne de la politique étrangère. Je n'ai pas besoin de vous le dire, la taille et la population de notre pays sont limitées, mais son influence sur le plan international est beaucoup plus visible dès lors qu'on rencontre des personnes de l'extérieur.

    Notre influence internationale ne correspond pas vraiment à notre taille sur le plan militaire, économique ni même social. Nous avons une expérience de la coexistence sociale, de l'harmonie sociale, qui fait l'envie du reste du monde. C'est pour cette raison que je crois que notre rôle en matière de maintien de la paix, nos initiatives de paix, pourraient être enrichies de visions nouvelles.

    J'ai une idée à laquelle je réfléchis qui pourrait être un peu différente. Notre pays est doté de l'un des meilleurs systèmes d'enseignement supérieur du monde. L'université chez nous est en interaction très étroite avec la société civile. Il y a une communication très importante entre l'institution universitaire et la population; la société civile est ainsi présente dans nos universités.

    Chose plus importante, nos universités ont une réputation internationale qui est essentiellement semblable à celle dont jouissent les américaines, mais sans éveiller la même méfiance politique, si on veut. Nous tenons là un filon que nous n'avons jamais exploité, mais chacun y voit une contribution importante que nous pourrions apporter et qui pourrait enrichir les principes fondamentaux de notre politique étrangère.

    Voilà pourquoi il faut qu'il y ait des échanges universitaires entre notre pays, le tiers monde dans son ensemble, le monde musulman, et peut-être le monde arabe plus particulièrement. Je songe surtout à un pays en particulier, l'Irak.

    Vous le savez, j'en suis sûr, nous possédons l'un des instituts d'études islamiques les plus respectés au monde. Je suis fier d'être en compagnie de mon ami, le professeur Turgay, de McGill, l'un des plus vieux... qui a plus de 52 ans. Je me rappelle, jeune étudiant, cet institut était pour moi un modèle. Je m'intéresse aux autres aussi. Nous devrions peut-être envisager une approche visionnaire entièrement nouvelle et novatrice afin de donner à nos opérations de maintien de la paix une orientation différente, et cette approche pourrait être une université.

    Je suis très actif à titre de Canadien originaire de l'Irak, et je suis fier de pouvoir m'identifier avec les deux pays.

    Nous avons assisté à une conférence internationale à Chypre à la fin d'avril. Nous avions vu ce qui s'était passé en Irak, les atrocités culturelles, la destruction de l'une des civilisations les plus importantes du monde, qui est la base de notre civilisation. Nous, les professeurs, étions renversés et peinés par ces événements.

    Les professeurs américains se sont dit qu'il fallait faire quelque chose, nous nous sommes donc rencontrés. Chacun avait son idée sur la question. Certains d'entre nous ont dit: «Nous sommes des universitaires; nous ne pouvons faire que ce que nous savons faire, soit peut-être créer une université qui se modèlerait sur l'université canadienne» Ils ont répondu: «Vous, les Canadiens, chargez-vous-en. Votre politique étrangère a toujours été très honnête. Vous pourrez peut-être effacer notre souvenir»—c'est-à-dire, les Américains ou les Britanniques. «Les rapports que vous avez—votre orientation occidentale—avec ce peuple qui croit que nous sommes tous coupables de ce qui s'est passé en Irak...»

    C'est ainsi que nous est venue l'idée de fonder une université internationale à Bagdad, où nous ferons deux choses. Nous espérons d'abord nous inspirer de l'expérience canadienne, en accordant plus d'importance à la société civile. Certaines valeurs canadiennes, pas toutes mais sûrement les plus importantes, pourraient servir de fondement à cette université, c'est-à-dire encourager l'interaction entre la société civile et le milieu universitaire de manière à créer un nouveau modèle, mais sans attenter aux droits des universités nationales.

Á  +-(1115)  

    Nous nous sommes dit qu'étant donné que tous ces régimes militaires, dont le plus brutal était le dernier, celui de Saddam Hussein, ont amoindri ces universités au point de n'en faire que de simples établissements d'enseignement... au lieu d'être des lieux qui produisent des idées, favorisent l'interaction et le respect de ces idées, et il faut ajouter à cela la satisfaction des besoins de la société et l'interaction avec la société, la société civile surtout, afin de former de bons citoyens... Nous nous sommes dit que tout cela manquait.

    Avec un point de départ comme celui-là, avec une contribution et une orientation canadiennes, nous pourrions alors devenir un modèle, qui sera admiré, pour ne pas dire copié, et c'est en ce sens que nous agissons. Je crois que c'est là une approche nouvelle, intéressante, novatrice et visionnaire.

    Lorsque nous avons soumis cette idée à nos gens—c'est-à-dire, essentiellement à ceux qui se trouvaient à cette conférence—et que nous avons ensuite contacté des professeurs irakiens à l'extérieur, l'idée a été très bien reçue. J'ai jugé bon de soumettre cette idée à votre comité, qui pourrait en faire un supplément ou un complément d'une vision nouvelle de ce qui est déjà une politique étrangère très respectée, et peut-être une initiative qui déboucherait sur d'autres actions.

    Merci, monsieur le président.

Á  +-(1120)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Ismael.

    Nous allons maintenant entendre M. Turgay.

+-

    M. A. Üner Turgay (directeur, «Institute of Islamic Studies», Université McGill): Merci, docteur Patry.

    C'est un grand plaisir que de témoigner à nouveau devant votre comité, et c'est sûrement un grand honneur d'être des vôtres.

    Si vous le permettez, je vais vous parler un peu de la conférence que nous avons tenue à Montréal, qui a un rapport direct avec notre discussion d'aujourd'hui, après quoi je ferai peut-être une déclaration. Après cela, bien sûr, je répondrai volontiers à toutes vos questions, surtout si vous avez des questions sur les recommandations que j'ai faites il y a quelques semaines de cela au ministère des Affaires étrangères après mon voyage en Asie du Sud-Est.

    Nous avons tenu une conférence les 25 et 26 septembre, qui était organisée par l'Institut des études islamiques avec le ferme soutien financier et idéologique du ministère des Affaires étrangères ainsi que de l'ACDI. La conférence réunissait environ 130 personnes, qui nous venaient de l'Asie et de l'Asie du Sud-Est, ainsi que des Canadiens, et très peu de gens des États-Unis. Nous avions parmi nos invités l'ambassadeur de Turquie, qui a séjourné en Iran et qui a fait un long séjour aussi en Indonésie, les ambassadeurs de l'Indonésie et de la Thaïlande, les hauts-commissaires de la Malaisie et du Brunei Darussalam, et de nombreux universitaires et fonctionnaires ainsi que des fonctionnaires retraités de la région.

    La conférence avait pour objectifs de faciliter la compréhension et les rapports entre le Canada et les communautés islamiques du Sud et de l'Asie du Sud-Est; de mieux faire connaître les diverses communautés islamiques du Sud et de l'Asie du Sud-Est; d'étudier les effets qu'ont les communautés islamiques sur les tendances en matière de développement régional et la sécurité de l'Asie prise dans son sens large; de mettre en lumière l'importance de l'Islam dans le secteur privé, dans le développement du secteur privé, et de tirer des leçons pour les milieux d'affaires qui veulent améliorer les relations économiques entre le Canada et l'Asie; d'examiner le rôle de l'Islam et du Canada dans la promotion des objectifs sociaux, par exemple, l'éducation, l'égalité entre les sexes, la réduction de la pauvreté, et de permettre à nos participants de l'Asie de s'initier aux valeurs canadiennes telles qu'elles existent dans une société pluraliste; et, enfin, de produire des recommandations visant à améliorer les rapports entre le Canada et le Sud et les pays musulmans de l'Asie du Sud-Est.

    Certaines attentes animaient cette conférence. Nous voulions recommander un échange entre les jeunes dirigeants du Canada et de l'Asie; nous voulions proposer des façons de favoriser le rayonnement du Canada dans les communautés islamiques de la région; nous souhaitions une analyse équilibrée et un échange d'idées en ce qui concerne l'Islam, le multiculturalisme et la sécurité de l'Asie et du monde; nous voulions créer un réseau de contacts entre musulmans et autres dirigeants religieux, d'une part, et les universitaires et les représentants des gouvernements et des ONG, d'autre part; nous voulions bâtir un réseau de représentants du secteur privé en vue de resserrer les relations économiques entre l'Asie et le Canada; et, bien sûr, nous voulions montrer l'image du Canada, société tolérante et multiculturelle. Permettez-moi d'ajouter que cette conférence a été une réussite totale.

    Je crois que nos participants canadiens ont vu le visage souriant de l'Islam. Nous avons saisi les grandes préoccupations des pays musulmans de la région : une éducation supérieure et des communications améliorées, non pas de personne à personne, il faut plutôt parler d'équipement et de systèmes. Nous avons vu ce qu'ils font pour se doter d'une saine gouvernance, pour assurer l'égalité entre les sexes et réduire la pauvreté, et nous avons compris que l'Islam joue dans tout cela un rôle très important.

    Il est évident pour moi que l'Islam occupe une place très importante dans les programmes de développement et les plans qu'ont les pays de cette région. On ne considère nullement que l'Islam fait obstacle au développement, bien au contraire, on sait qu'il encourage le développement. Avec son soutien à la libre entreprise, avec son encouragement aux profits et à la récompense dans l'au-delà, avec son encouragement à la réussite matérielle aussi bien que spirituelle, l'Islam occupe une place très importante dans leurs plans.

Á  +-(1125)  

    En ce qui concerne nos amis asiatiques, nous leur montrons que le Canada est un pays tolérant. Nous valorisons notre ethnicité, notre diversité. Nous considérons que la diversité est source de richesse. C'est notre programme, notre idéologie et nous en sommes très fiers. Nous ne croyons pas dans la notion de creuset, parce que le creuset ne favorise pas vraiment la fusion.

    Nous leur montrons aussi que le Canada s'intéresse effectivement à leurs préoccupations et tient à les comprendre, à comprendre l'Islam, à sensibiliser la société aux sentiments et aux convictions des musulmans de la région. D'après les observations faites par nos amis asiatiques, je constate que nous y sommes parvenus.

    Nous sommes arrivés mutuellement à la conclusion que la seule façon dont nous pouvons réellement aller de l'avant consiste à agir en tant qu'intermédiaires impartiaux et en tant que véritables amis, et en nous critiquant les uns les autres. L'enthousiasme manifesté tant par les participants canadiens que par les participants asiatiques a été très réconfortant.

    Nous avions des participants de l'Inde, du Pakistan, du Cambodge, des Philippines, de l'Indonésie, de Brunei... je dois en oublier quelques-uns. Il y avait des participants d'une douzaine de pays. Permettez-moi de répéter qu'il s'agit là d'une réalisation tout à fait remarquable et que nous sommes très heureux d'avoir pu y contribuer.

    Si vous me le permettez, monsieur Patry, j'aimerais faire quelques observations générales à propos de l'Islam, après quoi je me ferai un plaisir de répondre aux questions.

    Nous considérons l'Islam aujourd'hui comme une force dynamique dans le monde contemporain. La fin du XXe siècle et le début du XVe siècle islamique ont certainement été marqués par le renouveau islamique de même que sa visibilité et son influence de plus en plus grandes dans le monde.

    Les victoires électorales en Algérie et en Jordanie, et récemment en Turquie, la permanence politique en Asie du Sud-Est et l'essor de l'Islam en Afrique, en Amérique du Nord et en Europe sont autant d'indications de la part du monde entier de l'Islam de la popularité et de l'influence persistante du message transmis par le Coran.

    La résurgence de l'Islam fait partie d'un phénomène mondial de réveil du sentiment religieux qui a étonné de nombreux analystes au cours des années 80. Par le passé, l'un des principes établis des théories de la modernisation posait comme condition préalable à tout changement social d'importance la sécularisation du système politique. L'expérience contemporaine des sociétés musulmanes indique très clairement que l'ancienne hypothèse de l'existence d'un lien direct entre la modernisation et la sécularisation doit être au moins réexaminée, sinon rejetée.

    Je dirais que la résurgence de l'Islam qui se manifeste à l'heure actuelle n'est pas simplement le dernier râle d'une tradition religieuse à l'agonie. Cette hypothèse se fonde de façon générale sur un examen de l'expérience des communautés islamiques dans l'histoire contemporaine, qui a permis de conclure que le monde islamique, comme toute autre société du monde contemporain, est en train de subir une profonde transformation.

    Cependant, ce processus n'aboutira pas à des sociétés modernisées et sécularisées de façon identique. La forme de la société postmoderne planétaire commence seulement à se dessiner. Mais il semble clair que les identités particulières assurées par les grandes traditions religieuses du monde auront des rôles importants à jouer dans ce nouvel ordre mondial en train d'émerger.

Á  +-(1130)  

    Une question fondamentale concerne la nature de la tradition religieuse dans le monde postmoderne. Il est possible que des idées et des institutions fondamentalement nouvelles se voient conférer un aspect traditionnel par les religions établies. Si on part de ce principe, on pourrait considérer le renouveau actuel de l'Islam comme une volonté de donner un aspect familier à des idées et des institutions fondamentalement non islamiques.

    C'est ce que croient de nombreux observateurs des mouvements islamiques des années 70 et 80, pour qui l'activisme islamique se ramène essentiellement à des mouvements nationalistes, socialistes ou économiques déguisés en mouvements religieux. Ce point de vue semble fondamentalement nier l'existence d'un véritable sentiment anti-impérialiste inspiré par l'Islam ou d'un désir de transformation sociale, axé sur l'Islam. Il ne tient pas compte non plus de la persistance de la popularité de l'Islam au cours des dernières décennies du XXe siècle.

    Nous dirions plutôt que la communauté islamique entre dans une nouvelle phase et n'est pas sur le point de disparaître. Il est possible de considérer la résurgence actuelle comme la continuation de thèmes fondamentaux, même si ces thèmes peuvent être exprimés de nouvelles façons. Laisser de côté les motivations religieuses et mettre uniquement l'accent sur les motifs économiques ou les motifs politiques sécularisés, c'est se mettre des oeillères.

    Dans la perspective plus générale de l'histoire de l'Islam, la vitalité dynamique de la foi a revêtu diverses formes selon l'évolution des conditions historiques. Tout examen de l'Islam dans le monde contemporain doit tenir compte de cette expérience passée si l'on veut comprendre correctement le présent. Une partie de la résurgence musulmane consiste à donner un aspect islamique aux sentiments modernes, c'est vrai. Mais le réveil de l'Islam pour un grand nombre de musulmans comporte également la création de nouvelles formes efficaces permettant de continuer à assurer la vitalité du message islamique.

    Je vous remercie, monsieur le président.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Nous allons maintenant céder la parole à Mme Jaffer. Je tiens à informer mes collègues que Mme Jaffer a autrefois été émissaire spécial de notre premier ministre au Soudan.

    Madame Jaffer, je vous en prie.

+-

    L'honorable Mobina Jaffer (sénatrice de la Colombie-Britannique, Lib.): Merci beaucoup.

     Bismi Allahi alrrahmani alrraheemi, Ô hommes! Nous vous avons créé d'un male et d'une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez.

    Il s'agit du chapitre 49, verset 13 du Coran.

    Le Coran affirme l'essence universelle de l'humanité d'une part et d'autre part sa diversité, sur le plan de l'individualité, des sexes, des nations et des tribus. L'objet de ce caractère distinct est de nous permettre de nous connaître les uns les autres.

    Le Coran reconnaît aussi la pluralité, et la sensibilisation à cette pluralité est encouragée afin que nous puissions constater l'essence qui unit l'humanité. Seules l'acceptation et la connaissance de la diversité permettent d'atteindre un objectif commun et de parvenir à une compréhension mutuelle. En fait, le créateur ne peut être connu que par la diversité de sa création.

    Monsieur le président, je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité permanent des affaires étrangères et du Commerce international pour vous parler des relations du Canada avec les pays musulmans. En tant que musulmane, c'est pour moi un privilège de comparaître devant vous pour traiter de cette importante question.

    Je suis une musulmane ismaélienne et mon chef spirituel est son Altesse Prince Karim Aga Khan, le 49e imam héréditaire des musulmans ismaéliens chiites. Comme vous le savez, les deux principales sectes de l'Islam sont les chiites et les sunnites. Les ismaéliens sont une des sectes chiites.

    J'ai préparé une page titre que j'espère... j'ose vous demander, lorsque vous visiterez certains pays, d'examiner la façon dont les femmes sont traitées. Ces pages sont en français et en anglais et si vous me le permettez je les distribuerai. La page titre, que j'aimerais que vous consultiez lors de vos déplacements dans les nombreux pays en question, porte sur les études offertes, les choix, l'interprétation du Coran, ainsi que les mesures favorisant l'égalité des femmes.

Á  +-(1135)  

[Français]

    Les ponts que nous avons bâtis entre les Canadiens et les pays musulmans ne cessent de se renforcer et de se multiplier. Le Canada est très respecté dans les pays musulmans pour ses politiques multiculturelles, sa considération pour les citoyens de toutes les civilisations, son désir de bâtir des partenariats durables avec eux et son engagement envers le pluralisme.

[Traduction]

    L'engagement du Canada envers le pluralisme est véritablement unique et sert de modèle au reste du monde

[Français]

    On m'a demandé de vous raconter aujourd'hui mon vécu de femme musulmane. Je commencerai en vous amenant sur la route qui fut la mienne. J'ai grandi dans l'Ouganda colonial, pays non musulman, et j'ai gardé le souvenir très net du jour où, à l'âge de quatre ans, j'ai été physiquement rejetée d'une école réservée aux enfants blancs. Je revois encore la colère sur le visage de mon père. Je l'entendis dire: «Je construirai une école encore meilleure pour les filles, pour mes filles.»

[Traduction]

    Les études. Avec l'aide de Son Altesse Aga Khan, mon père a construit la maternelle Aga Khan, une école qui existe toujours et où ma soeur, Bergees, une enseignante canadienne, a enseigné récemment. De la maternelle Aga Khan, je suis allée à l'école primaire Aga Khan, où chaque jour je voyais une photo de mon grand-père, dont le portait s'y trouve toujours et qui a apporté une contribution importante à cette école. J'ai fait mes études secondaires à l'école secondaire Aga Khan. L'Aga Khan a financé toutes les écoles Aga Khan, qui existent toujours en Afrique orientale.

    Je crois que mes professeurs, que l'Aga Khan a choisis personnellement en Grande-Bretagne, étaient parmi les meilleurs au monde. Enfant, on m'a inculqué le principe selon lequel l'éducation était la clef de la liberté et de l'indépendance. L'Aga Khan précédent, Sir Sultan Muhammad Shah, a souligné à de nombreuses reprises que si vous devez payer les frais de scolarité d'un enfant, et que vous avez un garçon et une fille, instruisez la fille car en instruisant la fille, vous instruisez toute une famille.

    Petite fille, j'admirais les femmes médecins afghanes et irakiennes, ainsi que les femmes professionnelles iraniennes, qui venaient travailler en Ouganda. Nous aspirions à fréquenter les universités libanaises et iraniennes. L'Afghanistan, l'Iran, l'Irak, le Liban et même l'Égypte étaient des endroits où on encourageait les femmes à exercer des professions libérales. Les études étaient considérées comme une garantie d'indépendance, et c'est aux études que je dois mon propre salut. Tout ce que j'ai pu apporter avec moi comme réfugiée de l'Ouganda, c'est mon éducation. En fuyant la tyrannie d'Idi Amin, j'avais perdu tous mes biens, y compris mes certificats d'études, mais j'avais mon éducation. Mon éducation était transférable.

[Français]

    C'est pourquoi je pense aujourd'hui que le domaine où notre pays va le mieux laisser sa marque est celui de l'éducation des filles dans les pays musulmans. Une vue d'ensemble figure à l'annexe A de mon mémoire.

[Traduction]

    J'ai préparé en français et en anglais un document dont j'aimerais que vous preniez connaissance en raison du temps limité, sur la situation qui existe dans les différents pays musulmans.

    Pour ce qui est des foulards, enfant, j'ai vu ma grand-mère et d'autres femmes autour de moi abandonner les robes longues et les foulards. Le monde s'ouvrait aux femmes. Nous nous trouvions intégrées dans la société.

    Ma mère a été la première musulmane en Afrique orientale à terminer ses études universitaires. Après s'être remariée, elle a étudié en Angleterre et à l'Université Kent State aux États-Unis et mon père a élevé six enfants en Ouganda. Aujourd'hui, elle est travailleuse sociale en Colombie-Britannique.

    Dans mon milieu, que ce soit en Ouganda ou lorsque j'étais aux études en Angleterre ou aux États-Unis, je n'ai vu que quelques musulmanes âgées portées des hidjabs. À cette époque-là, nous n'éprouvions pas le besoin de nous identifier en tant que musulmanes.

    La revue Paris Match a interrogé l'Aga Khan à propos du hidjab :

Que pense l'Aga Khan, un musulman européanisé, à propos du débat sur le port du foulard islamique en France?

    Il a répondu:

Comment peut-on s'attendre à ce que j'interdise à quelqu'un de s'associer ouvertement avec sa religion? La loi aujourd'hui agit sur la forme et non sur l'importance sous-jacente de cette pratique. Il ne faut pas s'imposer de manière agressive mais vivre sereinement selon sa foi. Si l'on considère répréhensible d'exercer des pressions sur une personne pour l'obliger à changer ses convictions, pourquoi une personne devrait-elle changer ses convictions simplement parce que ces convictions représentent un droit individuel exercé librement? La séparation de la religion et de l'État sous-entend avant tout le respect du multiculturalisme.

    Puis, soudainement, devenue adulte, les portes ont commencé à se fermer pour les musulmanes. Les historiens auront peut-être une version différente des choses, et bien entendu je m'en remets à leurs connaissances, mais dans mon cas, le monde des musulmanes a changé au moment de la révolution iranienne, lorsqu'il a été décrété que les femmes devaient porter le foulard et ne pouvaient pas montrer leurs cheveux. Les femmes qui ont dérogé à cette règle ont été jetées dans la notoire prison Evin. En tant qu'avocate chargée de représenter les réfugiés en Ouganda, j'ai représenté un grand nombre de ces femmes. Nous avons commencé à voir notre monde à travers le burdah et le burqa. Nous avons assisté à la montée de l'intégrisme.

    L'Aga Khan a abordé cette question de l'intégrisme lorsqu'il a déclaré:

Si l'intégrisme signifie la déstabilisation d'une société, assurément je m'y oppose. Nous avons pris la désagréable habitude de lier chaque acte sporadique de terrorisme au monde musulman. C'est une confusion déplorable. Le monde musulman se compose d'un milliard de croyants qui vivent dans une trentaine à quarantaine de pays, qui parlent 500 langues et dialectes, des gens qui viennent de pays qui sont devenus musulmans—certains à l'époque du prophète, d'autres 300 ans plus tard—certains arabophones, d'autres pas. Il n'existe aucune entité islamique où un milliard de croyants interprètent et pratiquent leur religion de la même manière. Le fait est que les Occidentaux ont une si mauvaise perception du monde musulman qu'ils le jugent comme s'il s'agissait d'un bloc unique. Nous comprenons mieux les Occidentaux que les Occidentaux ne nous comprennent, parce que vous nous avez colonisés et gouvernés pendant un certain temps. Les activités déstabilisatrices sont une réalité mais elles sont mineures comparativement à la masse de croyants silencieux que nous sommes. C'est un peu comme si je disais : « L'IRA commet des actes de terrorisme en Angleterre; par conséquent, tous les catholiques sont de dangereux terroristes. » Vous avez tendance à confondre la religion des peuples et leurs objectifs politiques. Bien que de nombreux intégristes aient des objectifs politiques clairs et précis, il est beaucoup moins fréquent que leurs objectifs soient uniquement centrés sur le prosélytisme. Dans certains cas, l'Occident est même allé jusqu'à propager ses propres idéologies en manipulant les moudjahidines pour sortir les Soviétiques de l'Afghanistan, et on a fait appel à des extrémistes pour contrer la menace communiste. Le monde occidental libre doit établir une distinction entre les ambitions politiques et la religion de l'Islam. On ne peut nier le fait que les frustrations idéologiques des Algériens, des Jordaniens ou des Libyens ont créé des mouvements extrémistes, mais cela ne devrait pas ternir la crédibilité de la totalité du monde musulman.

Á  +-(1140)  

[Français]

    Dans les entretiens que vous aurez dans les pays musulmans, je vous encourage à poser les questions sur l'éducation que j'ai annexées, et aussi sur les choix faits au nom des femmes. Les femmes font-elles elles-mêmes ces choix ou d'autres les font-ils pour elles?

[Traduction]

    Effectivement, les musulmanes souffrent aux mains des fanatiques qui prétendent agir au nom de l'Islam mais dont la position est incompatible avec les préceptes de la foi.

    Le Coran reconnaît les diverses capacités des femmes. Prenons à titre d'exemple la conversation remplie de tendresse entre Dieu et la mère de Moïse lorsqu'on lui demande de renoncer à son fils pour protéger sa vie afin qu'il puisse libérer les opprimés. Avant que sa mère l'abandonne sur le Nil, répondant à son instinct de mère, elle le nourrit d'abord.

    On en trouve un exemple semblable dans l'échange empreint de douceur et d'intimité, qui se trouve dans le Coran, entre le Créateur et Marie, la mère de Jésus. Pendant qu'elle est seule, Marie s'écrie qu'elle préférerait être morte en raison des douleurs prolongées de l'enfantement. Le Créateur la console et lui conseille de boire et de manger les fruits mis à sa disposition et l'assure que les douleurs finiront par cesser.

    On y vante aussi les qualités diplomatiques et de leadership de la reine de Sheba, face au roi Salomon. Elle y est présentée comme une souveraine de plein droit, et toute femme dirigeante, musulmane ou non, aurait intérêt à s'inspirer de son exemple. Elle prend de nombreuses décisions par consensus et oriente ses conseillers masculins. Ses décisions de ne pas faire la guerre au roi Salomon afin de protéger son peuple, malgré la puissance évidente de ses armées, témoigne de certaines de ces caractéristiques de la femme dirigeante décrites dans le Coran.

    Pour beaucoup de non-musulmans et de musulmans, dont la majorité ne lisent pas l'arabe classique, ces parties du Coran sont révélatrices, mais elles sont passées sous silence, parce que cela leur convient, par les fanatiques musulmans qui sont souvent présentés dans les médias populaires. La question que nous devons tous nous poser est la suivante: qui interprète le Coran dans la religion musulmane?

    Enfin, il reste à se demander qui, dans la société, interprète la loi de la sharia?

Á  +-(1145)  

[Français]

    Seule une petite fraction de personnes qui se disent musulmanes peuvent lire dans leur langue maternelle, encore moins en arabe. Beaucoup de jeunes instruits lisent la langue de leurs concurrents, le russe dans les républiques d'Asie centrale du Tadjikistan, du Turkménistan et du Kurdistan, le chinois au Xinjiang et dans les autres provinces de la Chine, et la langue anglaise ou française dans certaines parties de l'Afrique et de l'Asie du Sud-Est.

[Traduction]

    C'est le legs déplorable de la colonisation. Les nombreux musulmans qui veulent suivre la loi de la sharia dépendent d'une petite classe d'hommes de l'élite pour interpréter le Coran.

    Vous ne manquerez pas de constater au cours de vos déplacements que les femmes brillent par leur absence dans le développement historique de la loi de la sharia. Cette absence est fonction d'une culture du patriarcat qui imprègne de nombreuses religions et nombreuses sociétés. La lutte pour les droits des femmes ne se limite pas à un secteur de l'humanité, mais devrait être une cause collective, indépendamment des convictions religieuses.

    La cause des droits des femmes est la cause qui appelle la participation des hommes. Les hommes devraient prendre les mesures qui s'imposent pour protéger les droits de leurs mères, de leurs épouses, de leurs filles ou de leurs soeurs. Quel père ou mère sensé compromettrait l'avenir de sa fille ou de son fils en les privant de faire les meilleures études possible? Je crois que c'est uniquement lorsque les femmes seront instruites qu'elles auront la possibilité de faire des choix qui leur permettront d'interpréter le Coran, ce qui leur donnera alors le moyen d'atteindre l'égalité.

    L'évaluation que fera le comité des pays musulmans et des relations du Canada avec eux revêtira une importance exceptionnelle. Elle permettra au Canada d'établir des partenariats avec les communautés musulmanes, de promouvoir une meilleure compréhension des cultures diverses et différentes du monde musulman et d'établir des relations solides fondées sur l'harmonie et la confiance.

    Je vous propose respectueusement de poser les mêmes questions aux femmes et aux minorités de ces pays, de façon à aider notre pays et d'autres pays à élaborer des politiques étrangères qui assureront des partenariats durables.

    J'ai peut-être été présomptueuse, mais j'ai préparé des questions en anglais et en français sur la situation des femmes dans ces pays. Je vous les distribuerai et vous voudrez peut-être les apporter avec vous lorsque vous visiterez différents pays.

    En tant que musulmane, et en tant que première sénatrice musulmane dans ce pays, je tiens à vous remercier énormément pour l'étude que vous entreprenez, car j'estime que cette étude nous sera utile non seulement au Canada mais aussi à tous les peuples du monde.

    Récemment, le Parlement européen m'a demandé de préparer un document sur le libéralisme et l'intégrisme—dont j'ai apporté des exemplaires à votre intention dans les deux langues officielles.

    Enfin, je terminerai en vous disant que le travail que vous faites est très important; vous êtes en train de favoriser l'harmonie non seulement dans notre pays mais aussi dans le monde, et je vous en félicite.

    J'aimerais faire une dernière réflexion. Lorsque j'étais petite et que je pratiquais le piano, comme je n'aimais pas la musique, j'agaçais ma grand-mère et ma mère en ne jouant parfois que les notes noires et parfois que les notes blanches. C'est seulement au moment où je préparais cette présentation que j'ai vraiment compris ce que ma grand-mère essayait de me dire. Pour créer une réelle harmonie, il faut jouer à la fois les notes blanches et les notes noires; il faut comprendre à la fois le monde musulman et le monde chrétien.

    Merci beaucoup.

Á  +-(1150)  

+-

    Le président: Merci, sénatrice Jaffer.

    Nous allons maintenant passer aux questions. Chaque intervenant dispose de cinq minutes pour les questions et les réponses.

    Nous allons commencer par M. Day.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci à chacun d'entre vous pour vos exposés qui ont été très utiles, je peux vous l'assurer.

    Félicitations et bonne chance pour les développements à l'université. Il s'agit là certainement d'un élément important. J'ai par ailleurs trouvé encourageant d'entendre qu'on mettra l'accent sur la liberté économique qui, je l'espère, se poursuivra, car nous savons tous que pour réduire le niveau de pauvreté, il faut améliorer les perspectives économiques. J'espère que cela comprend l'instruction sur les droits à la liberté d'être propriétaire et à la liberté d'entreprise. Ce sont là des éléments clés, et je trouve cela encourageant.

    Quelqu'un a dit que pour être de vrais amis, il faut pouvoir se critiquer l'un l'autre. Selon un vieux dicton du Moyen-Orient, les blessures d'un ami sont fidèles et les baisers d'un ennemi sont trompeurs. J'espère que nous continuerons d'être amis alors que nous tentons d'analyser et d'examiner les défis à relever.

    À l'instar sans doute de mes collègues ici, je crois que l'Islam est une force dynamique dans le monde. Je suis par ailleurs d'accord pour dire que nous ne devrions pas ne pas tenir compte de la motivation religieuse qui est si importante. Il y a une différence sur le plan historique, naturellement. L'Occident a évolué pour en arriver au principe selon lequel il y a séparation entre l'Église et l'État. Il y a parfois mauvaise interprétation de ce principe lorsqu'on dit que l'on devrait séparer la foi de la place publique, ce que nous ne devrions pas faire.

    Madame la sénatrice, je suis très heureux que vous vous soyez sentie libre de citer le Coran à titre d'introduction et de nous parler de votre perception de la vie à la lumière du Coran. Je ne suis pas offensé du fait que vous exposiez votre foi sur la place publique; je pense que cela ne peut que nous éclairer davantage. Parfois, lorsque des gens citent la Bible ou parlent d'interprétation biblique, d'autres sont offensés. La différence, naturellement, dans la société occidentale, c'est que nous tentons de faire en sorte que le gouvernement n'impose pas de règles sectaires à la population, mais cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas exprimer notre foi.

    J'aimerais poser deux questions au sujet d'observations qui, je pense, ont été merveilleusement bien exprimées par l'Aga Khan, à l'effet que les médias et d'autres détractent en fait—peut-être pas intentionnellement—les éléments positifs de l'Islam. Cela se produit à cause de cette minuscule faction qui apporte la mort et la destruction par le terrorisme.

    Vous avez parlé de la « masse de croyants silencieux », mais le silence peut être le problème. Je pose cette question à tous les témoins, car j'ai besoin d'une réponse, mais ma première question est la suivante : Que pouvons-nous faire pour encourager dans les mosquées et partout au monde, ceux qui parlent pour l'Islam, à condamner très directement l'idée selon laquelle si on terrorise ou fait sauter des gens innocents, on ira directement au ciel et on sera accueilli par 72 vierges? C'est quelque chose de très spécifique et nous savons que c'est ce qu'on dit à un groupe de gens très susceptibles, mais nous n'avons entendu personne dire quoi que ce soit publiquement à l'effet du contraire. Nous savons que vous ne partagez pas ce point de vue, mais nous n'entendons personne le contredire. Lorsque la population dans la société occidentale n'entend personne contredire ce message, c'est à ce moment-là que commence malheureusement les campagnes de détraction. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

    Et également en ce qui a trait à ce que la sénatrice disait spécifiquement, lorsque nous nous rendons dans ces autres pays et que nous voulons parler de choses comme les droits des femmes, comment pouvons-nous nous y prendre de façon à ne pas offenser ces pays qui justement bafouent les droits des femmes? Comment pouvons-nous faire cela de façon à ne pas offenser mais plutôt en tant que critique amicale?

+-

    Le président: Qui veut répondre à la première question?

    Monsieur Ismael, allez-y.

+-

    M. Tareq Y. Ismael: Je pense vraiment que M. Day a posé une excellente question.

    Nous avons un problème: parmi ces interprétations, il y en a tellement qui sont des contre-interprétations de l'antiterrorisme, et elles sont clairement dénoncées et on dit ensuite dans presque tous les États de la région qu'elles sont anti-islamiques.

    Malheureusement, nos médias ne reprennent que ce qui est le plus anormal, inhabituel, spectaculaire, et parfois même incorrect, peut-être pour des raisons idéologiques ou autres. Je voudrais ici citer en exemple l'Égypte. Il y a de nombreuses institutions gouvernementales, principalement la plus grande institution dans le monde musulman, Al-Azhar, qui ont clairement indiqué de différentes façons qu'elles rejetaient le terrorisme et même le condamnaient. Et il y a de nombreux penseurs musulmans, interprètes musulmans du Coran, qui ont dit très clairement que cela allait à l'encontre du Coran, sinon de l'Islam, en général. D'une certaine façon, cela n'est vraiment pas accepté et c'est quelque chose que l'on rejette très distinctement.

    Cependant, il se trouve que les extrémistes sont la principale source de notre interprétation de l'Islam, pour une raison ou pour une autre. Je pense que certaines des raisons sont d'ordre idéologique, si ce n'est l'ignorance. Certaines de ces raisons sont simplement attribuables à l'ignorance; d'autres sont idéologiques.

    Dans la plupart de ces pays, le gouvernement et même les dirigeants religieux ont clairement rejeté et condamné le terrorisme. D'une certaine façon, ce message ne nous est malheureusement pas vraiment transmis, et peut-être que votre mission consistera à comprendre cela.

    En ce qui concerne l'éducation des femmes, je ne pense pas que quiconque serait offensé, même les groupes intégristes religieux les plus radicaux, avec toute leur interprétation du Coran. Ils ne peuvent pas dire que Dieu ou le Coran interdisent l'éducation des femmes. En fait, je pense que ma distinguée collègue, la sénatrice Jaffer, a donné de très bons exemples. La femme du prophète Mahomet était en fait sa patronne; il travaillait pour elle, de sorte que d'une certaine façon sa femme était son gagne-pain, sinon c'est elle qui gérait directement sa vie. D'une certaine façon, le prophète lui-même ne faisait pas de discrimination. En fait, le seul descendant du prophète se trouve à être de sa fille. Il se trouve que je suis un Husseini et je suis fier de descendre de cette famille. Les Sayyids, prétendus descendants du prophète, descendent en fait d'une femme. À cet égard, je pense que nous ne devrions pas être gênés de poser la question directement, et si vous en êtes fermement convaincus, dites-leur: «Voici notre façon de faire en Occident; voici ce que nous pensons qu'est la façon de faire chez vous. Dites-nous si cela est vrai.»

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Nous allons passer à Mme Lalonde.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup à vous trois. J'ai une question pour chacun d'entre vous.

    Monsieur Ismael, presque toute votre intervention, différente de votre document, qui est très intéressant, voulait nous dire que politiquement, le titre de notre étude n'est pas bon. J'ai compris ce que vous dites. Nous semblons dire qu'il y a nous et eux, et que nous étudions eux par rapport à nous. Connaissant notre intention, quel titre nous proposeriez-vous? C'est ma question. Vous dites que c'est important politiquement, et je le crois.

    Monsieur Turgay, vous dites qu'en ce moment, dans les pays que vous étudiez, l'Islam gagne en importance et qu'on revoit la notion voulant que la modernisation doive s'accompagner de la laïcité. Pour nous, dans notre culture, il est difficile de comprendre que modernisation n'équivaille pas à laïcité. Je pense que c'est un message que vous voulez nous lancer, mais j'aimerais que vous étayiez davantage cette idée en présentant des modèles, parce qu'il faudrait voir des modèles où l'Islam entraîne la modernisation.

    Finalement, madame Jaffer, on pourrait vous entendre et discuter avec vous longtemps. Je voudrais avoir toutes les réponses à toutes les questions que vous nous avez posées. Vous avez conclu que seule l'éducation va permettre aux femmes d'interpréter le Coran et donc d'être vraiment libres. Mais selon le portrait qu'on a, les femmes sont très loin d'être dans cette situation. Alors, qu'est-ce que vous proposez à court terme?

[Traduction]

+-

    Le président: Nous allons procéder dans l'ordre. Nous allons commencer par la question qui s'adressait à M. Ismael.

+-

    M. Tareq Y. Ismael: Merci beaucoup, madame Lalonde. C'est vraiment là l'une des questions les plus importantes, et j'ai voulu la porter à votre attention pour deux raisons. Premièrement, dans nos médias et dans notre discours public, nous semblons penser que les musulmans équivalent d'une façon spéciale à certains groupes d'activistes, de terroristes et je ne sais quoi d'autre. Je dirais que si vous abordez les choses de cette façon, je pense que vous devez être beaucoup plus spécifique. Ce que je propose vraiment, c'est que nous devrions peut-être prendre des régions géographiques ou culturelles. L'Islam en tant que culture—c'est-à-dire, en tant que comportement partagé et appris—est fantastique. Cependant, en Occident nous visualisons et abordons l'Islam de cette façon, et c'est ce qui est dangereux dans toute cette affaire.

    Je dis que c'est une culture qui contrôle les agissements, la façon de penser et même les perceptions des gens. Il se trouve que l'Islam exerce une influence. L'Islam ne nous est cependant pas présenté en tant que région géographique ou culturelle, mais on dit qu'il y a eux et nous, et nous par rapport à eux; ils sont donc nos ennemis et nous sommes leurs ennemis, et il y a un véritable gouffre entre nous.

    Donc, lorsque je propose que nous examinions cela très sérieusement, ce que je tente de dire vraiment c'est que nous devrions considérer l'Islam comme une culture. Si l'on veut considérer l'Islam comme étant plus qu'une culture, très bien; mais nous ne devons pas voir cela comme une extension uniforme de notre point de vue et, si vous voulez, de la propagande et des images que les médias nous présentent. La raison pour laquelle j'insiste là-dessus, c'est que bon nombre d'entre nous ne semblent pas penser que les médias ou que le public cherchent à rétrécir le gouffre qui existe entre les deux. En fait, ils l'élargissent plutôt, et c'est ce qui m'inquiète.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Turgay, je vous en prie.

+-

    M. A. Üner Turgay: Oui, merci pour votre question, madame Lalonde.

    Pour les musulmans, l'Islam ne constitue pas un obstacle au développement ou à la modernisation, naturellement. Ça ne l'est pas. Ils aimeraient moderniser et atteindre les niveaux sociaux et économiques que nous avons en Occident. Cependant, ils aimeraient le faire dans le cadre des valeurs morales et éthiques de l'Islam. Lorsqu'ils mettent sur pied une industrie ou fournissent des communications, ils s'assurent d'abord que le tout est conforme aux valeurs islamiques. Personne n'ouvre vraiment le Coran pour vérifier si cela correspond au Coran—absolument pas. Mais il y a certaines valeurs éthiques en Islam, et le plus important, naturellement, c'est la justice sociale et économique. Est-ce un système juste? Est-ce qu'il améliore la justice au sein de la société? Est-ce qu'il assure une répartition décente du revenu? Et particulièrement en ce qui a trait aux ressources naturelles, qui, pour les musulmans, appartiennent à Dieu, sont-elles vraiment utilisées adéquatement? Ce sont là certaines des principales questions qu'ils posent.

    Si vous me le permettez, je dirais que ce que nous faisons vraiment est atteindre les musulmans dans les collectivités musulmanes au XXIe siècle. Je dirais «collectivités» car sauf dans de rares exceptions—et je ne peux penser qu'à une seule, et je vous demanderais de ne pas me demander laquelle à ce moment-ci—au Pakistan, en Algérie, en Iran, au Maroc, en Arabie saoudite, etc., les gouvernements—je le répète—ne reflètent pas les choix du peuple. Pas du tout. Par conséquent, aux yeux des musulmans, ces gouvernements sont vraiment illégitimes. L'Arabie saoudite est autant l'ennemie de Ben Laden que le sont les États-Unis. Nous devons être très prudents. Ce que les gens pensent et ce que les gouvernements disent sont deux choses différentes.

    Puisque j'y suis, monsieur le président, je dirais que l'existence de la menace islamique, que ce soit en Égypte, au Maroc, au Liban ou dans tout autre pays, fait tout à fait l'affaire des gouvernements, car ce n'est que grâce à l'existence d'un groupe politique islamique que Mubarek reçoit des millions de dollars des États-Unis. Ils veulent limiter cette menace, mais ils veulent qu'elle continue.

    Donc ce que disent les représentants officiels des gouvernements est tout à fait différent de ce que disent les dirigeants de la collectivité.

    Merci.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Madame Jaffer, je vous demanderais d'être brève.

[Français]

+-

    La sénatrice Mobina Jaffer: Madame Lalonde, merci beaucoup pour votre question. Malheureusement, il n'y a pas de réponse simple. C'est très difficile. Mais s'il y a une société ouverte, ce sera plus facile pour les femmes.

[Traduction]

    Par exemple, s'il y a une ouverture pour l'éducation—et notre pays a fait un excellent travail avec l'ACDI—et des fonds seront consacrés à l'éducation, alors je dis que cela deviendra un processus permanent.

    Naturellement, il y a partout dans le monde à l'heure actuelle de nombreuses femmes musulmanes qui sont instruites. Lors de vos déplacements, je vous demanderais d'aller rencontrer ces femmes. Il serait très utile de voir comment nous nous y prenons au niveau de l'éducation.

    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais répondre à la question de M. Day pour ce qui est de la façon d'atteindre les femmes. Je vous demanderais de ne pas seulement regarder les femmes, mais aussi les minorités. Je vous demande lorsque vous irez au Pakistan d'aller rencontrer la minorité chrétienne. En Iran, vous devriez rencontrer la minorité bahai. Les bahais sont les gens les plus persécutés en Iran. En Arabie saoudite, vous devriez rencontrer les chiites.

    Pour les femmes, puis-je proposer deux choses. Avant de vous rendre au pays, vous devriez obtenir une réponse de l'État au sujet de l'éducation et de ce qu'il fait pour éduquer les femmes. Deuxièmement, allez rencontrer des groupes de femmes lorsque vous serez dans la région.

    Lorsque j'étais au Soudan, j'ai dû faire face au même défi dont vous parliez. J'ai demandé aux représentants de l'État de ne pas être présents lorsque je rencontrais les femmes afin de pouvoir vraiment expliquer aux femmes ce que le gouvernement soudanais avait dit au sujet de l'éducation. J'ai réussi à assurer un environnement sûr, ce que bon nombre d'entre vous ici pourraient faire, afin que les femmes et les minorités puissent parler en toute franchise.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Jaffer.

    Je voulais tout simplement vous laisser savoir que le deuxième rapport du PNUD sera publié, je pense, en octobre. Il porte sur les connaissances, et nous examinons également cette question.

    Monsieur Harvard, vous avez la parole.

+-

    M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins pour leurs exposés.

    Je trouve toujours ces entretiens très difficiles, car je ne suis pas un expert dans ce domaine en particulier. La dernière chose que je voudrais faire serait de poser une question qui donnerait l'impression que je juge en quelque sorte une religion, particulièrement celle dont vous êtes adeptes.

    Permettez-moi de vous poser cette question avec tout le respect que je vous dois, monsieur Turgay. Vous avez dit il y a quelques minutes que l'Islam n'était pas un obstacle au développement et à la modernisation. Nous avons entendu le président Musharraf qui s'est adressé au comité vendredi. Il a laissé entendre que la religion n'avait rien à faire avec le 11 septembre et que c'était là un acte politique. Nous avons entendu à plusieurs reprises, monsieur Turgay, qu'en ce qui concerne certains de ces actes politiques plutôt malheureux, que l'on fasse partie ou non de ce qu'on appelle le monde musulman, on ne doit pas blâmer l'Islam.

    Je vous dirai cependant ceci, et je vous poserai une question. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Si la religion islamique couche avec les gouvernements, que ce soit en Arabie saoudite, en Iran ou ailleurs, lorsque quelqu'un s'attaque aux politiques économiques, ou regarde leurs économies et voit que c'est un véritable gâchis, on ne peut pas dire « il ne faut pas blâmer notre religion ».

    Le fait est que dans bon nombre de pays, il n'y a pas de distinction entre la religion et le gouvernement. C'est ainsi. On peut aller en Arabie saoudite et trouver la police religieuse. On peut aller à Téhéran et trouver des mullahs. Comme on le dit dans le monde chrétien, il n'y a pas de séparation entre l'Église et l'État.

    Il est très difficile, et je le dis avec le plus grand respect, d'accepter que l'on dise : « Nous n'avons aucune responsabilité ici, nous avons les mains propres, nous sommes tous pour la modernisation. Nous sommes tous pour le développement. Il faut blâmer les autres. »

    Qui sont les autres? Les autres, c'est vous. Ils sont juste à côté de vous. Vous êtes comme des jumeaux siamois. Voilà ce que je vous dis, avec le plus grand respect.

  +-(1210)  

+-

    M. A. Üner Turgay: Vous êtes très honnête, monsieur. Je le comprends. Vous avez raison.

    Il y a un certain nombre de choses. Tout d'abord, naturellement, dans des pays comme l'Algérie et la Turquie, l'Islam n'a rien à voir avec le gouvernement. Bien qu'aujourd'hui la Turquie semble avoir ses racines dans l'Islam, l'Islam ne joue absolument aucun rôle dans le droit turc. Absolument pas. L'Islam touche aux élections. Il n'y a cependant pas une seule loi en Turquie aujourd'hui qui se fonde sur l'Islam, aucune.

    Cela dit, je voudrais souligner également que le suffrage universel a été institué en Turquie en 1934.

+-

    M. John Harvard: C'est censé être un État laïque, cependant, monsieur Turgay.

+-

    M. A. Üner Turgay: Oui.

+-

    M. John Harvard: Prenons par exemple l'Arabie saoudite ou l'Iran. Ce sont peut-être de meilleurs endroits.

+-

    M. A. Üner Turgay: Tout à fait. On remarque plusieurs choses. Le gouvernement saoudien observe l'islamisme wahhabite, c'est-à-dire la forme la plus conservatrice de l'islamisme. C'est son cheval de bataille. Il prétend que sa légitimité est fondée sur l'islamisme wahhabite.

    En Iran, l'ayatollah Khomeyni a mis en pratique une formule qui n'est pas nouvelle, mais qu'on appelle «Vilayet-e Faqih», ce qui signifie la «règle du juriste consulte».

    Revenons tout d'abord à l'Arabie saoudite. Vous avez posé une question très importante.

    Depuis 20 ans—et je peux le dire publiquement—l'Arabie saoudite répand l'islamisme wahhabite dans tout le pays à coups de millions et de milliards de dollars, elle a fait construire des centaines de mosquées et elle diffuse des milliers de brochures et de bulletins d'information sur le wahhabisme. Les Saoudiens ont infléchi l'interprétation de l'islamisme dans tout le monde musulman.

    Du fait des efforts saoudiens, ceux qui, autrefois, interprétaient l'islamisme selon une perspective très large et très ouverte sont devenus des éléments conservateurs dans de nombreuses parties du monde. L'islamisme sert les desseins de la famille royale. Comme elle fonde sa légitimité sur l'islamisme, c'est donc de cette religion que vient le défi.

    En ce qui concerne l'Iran, il donne lui aussi une interprétation très conservatrice de l'islamisme. Évidemment, l'Iran est chiite. Mais peu importe. Là aussi, les minorités n'ont aucun droit. Malgré tout, l'Iran accorde peu d'attention à l'islamisme dans ses plans de développement.

    Je peux dire publiquement au comité qu'en Iran, on constate une forte corruption au sommet de la hiérarchie des mullahs, dont certains, qui occupent des postes extrêmement importants dans la société iranienne actuelle, figurent parmi les personnes les plus riches du monde. Il faut en convenir. Quant au peuple, cela ne le gêne guère. L'interprétation que font les Iraniens de l'islamisme dans leur coeur et dans leur vie quotidienne est bien différente de l'interprétation égoïste et égocentrique qu'en font certains de ces gouvernements.

    J'entends toutes sortes d'arguments. Des amis musulmans discutent avec moi. On ne parle pas de fondamentalisme chrétien dans le cas de la bande Baader-Meinhof des années 60 ni dans celui des Brigades rouges en Allemagne et en Italie. Pourquoi faudrait-il appeler ces gens-là des intégristes musulmans? Parce que ces petits groupes prétendent agir au nom de l'Islam.

+-

    M. John Harvard: Ils ne représentaient pas le gouvernement en place.

+-

    M. A. Üner Turgay: Non.

+-

    M. John Harvard: Ce sont de très petits groupes.

+-

    M. A. Üner Turgay: Oui, de très petits groupes.

+-

    M. John Harvard: Ils forment de petites cellules alors que dans les pays islamiques, disons en Arabie saoudite, ce sont des minorités assez importantes. Ce sont eux qui exercent le pouvoir, monsieur Turgay. N'ai-je pas raison?

  +-(1215)  

+-

    M. A. Üner Turgay: Si, vous avez tout à fait raison.

    Nous en revenons à la question de M. Day. Ceux d'entre nous qui interprètent l'islamisme de façon progressiste et libérale n'assument pas pleinement leur responsabilité. C'est indiscutable. Nous ne parlons pas assez.

    Il y a plusieurs raisons à cela. Nous sommes tous très occupés dans nos vies quotidiennes, et l'extrémisme constitue une menace. Certains d'entre nous considèrent qu'à notre époque, il faudrait être fou pour vouloir reprendre la religion aux extrémistes. Ce n'est pas entre les chrétiens et les musulmans qu'il faut instaurer le dialogue. Il faut que les musulmans dialoguent entre eux.

    Vous avez raison. Votre argument est tout à fait pertinent. Rien ne sert de dire que ce n'est pas vraiment l'Islam, etc. Par ailleurs, comme dans d'autres religions, la Bible et le Coran relèvent tous deux de la théorie et proposent une vision tout à fait pacifique. Mais on peut choisir ses citations de façon très sélective pour développer un argument spécieux.

    C'est effectivement un véritable problème. Je suis d'accord avec vous. Il n'est pas facile d'y répondre.

+-

    M. John Harvard: Merci.

+-

    Le président: Nous passons à Alexa McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je tiens à remercier tous nos invités pour la qualité de leurs exposés. Chacun d'entre nous aimerait sans doute pouvoir leur poser des questions pendant une heure.

    J'aimerais aborder brièvement deux sujets avant d'en revenir à l'exposé de la sénatrice Jaffer.

    Je suis bien consciente du malaise suscité par la démarche du comité qui veut étudier les relations entre le Canada et le monde musulman, même si on ne lui en fait pas vraiment le reproche. Est-ce que M. Ismael aurait une meilleure formule à proposer, puisqu'il s'agit de favoriser une meilleure compréhension mutuelle?

    Deuxièmement, j'ai beaucoup apprécié l'argument de M. Turgay, qui dit que malgré les préoccupations qui peuvent apparaître périodiquement, les musulmans des autres parties du monde considèrent généralement le Canada avec respect, pour les valeurs qu'il défend, etc. C'est ce qui m'amène à l'exposé de la sénatrice Jaffer. Le modèle de relation dont vous nous avez parlé, qui devrait favoriser la compréhension, en particulier en ce qui concerne le statut de la femme, me paraît très utile. Je ne manquerai pas de le garder à l'esprit et dans mon coeur au cours de nos déplacements.

    Je reste convaincue que les Canadiens devraient commencer par se soigner eux-mêmes avant de revendiquer une crédibilité dans d'autres parties du monde. Voilà ce que je voulais dire brièvement, avant de vous demander ce que vous en pensez.

    Jeudi dernier, le comité a recueilli le témoignage tout à fait extraordinaire d'une musulmane trilingue, une femme d'une grande culture, appelée Monia Mazigh. Elle a un doctorat en économie de l'Université McGill. Elle n'a pas réussi à trouver un emploi au Canada.

    Dans ma circonscription, j'ai rencontré récemment une jeune femme remarquable qui a fait ses études de médecine en Syrie, qui vit à Halifax depuis quatre ans et qui ne réussit pas à faire valoir ses études pour accéder au système canadien de soins de santé. On va la laisser partir pour l'Allemagne, où elle ne rencontrera pas toutes ces difficultés.

    Vendredi dernier, j'étais à London, en Ontario, où j'ai rencontré un groupe de néo-Canadiens composé essentiellement de femmes, qui avaient toutes une histoire personnelle déchirante à raconter, et je n'en évoquerai qu'une. C'est une Irakienne qui a une maîtrise en génie électrique et qui travaille comme commis, parce qu'on l'empêche d'accéder à sa véritable profession.

    Ce matin même, j'ai pris un taxi pour venir ici et le chauffeur m'a regardée avec des larmes dans les yeux en disant:  Ma femme est au Canada depuis quatre ans. Elle est médecin et elle fait des ménages parce qu'elle ne peut pratiquer la médecine.»

    Que pouvez-vous nous conseiller si nous voulons nous présenter décemment au monde musulman, et que pourrions-nous faire pour résoudre ce problème?

  +-(1220)  

+-

    La sénatrice Mobina Jaffer: Merci.

    Je donnerai tout à l'heure la parole à M. Ismael, mais je pense qu'on pourrait modifier le titre de l'étude. D'après ce que j'ai vu dans les comptes rendus et dans les témoignages qui vous ont été soumis, vous faites un travail louable pour mieux comprendre l'Islam et ce sera la même chose quand vous irez à l'étranger.

    Quant à la situation canadienne, je peux en parler, car j'ai connu moi-même de grandes difficultés auprès du Barreau de Colombie-Britannique. Il a presque fallu que je lui intente un procès avant d'y être accepté. J'ai une licence en droit de l'Université de Londres, mais on ne voulait pas la reconnaître. Je pourrais écrire tout un roman sur mes rapports avec le Barreau de Colombie-Britannique, et sans l'aide d'un Canadien... Moi aussi, je faisais des ménages quand je suis arrivée ici en tant que réfugié, et j'ai connu bien des difficultés. Je ne pouvais même pas obtenir les formulaires d'inscription du barreau. On refusait d'évaluer mes titres et qualités en Colombie-Britannique. Il a fallu que je me batte pendant plusieurs années avant que ma compétence soit reconnue. Finalement, il m'a suffit de passer un examen, mais c'était simplement une question d'état d'esprit : on ne pouvait concevoir que je sois avocate.

    Je pense que la réponse réside dans l'accréditation, et il faudrait que notre ministre de l'Immigration approfondisse la question. C'est le Québec qui a la meilleure formule, à ma connaissance. Les titres et qualités de ceux qui viennent de l'étranger sont évalués par un organisme central. Personne ne refuse de passer des examens après être arrivé dans un nouveau pays. C'est au moins une façon de progresser. Le problème, c'est les ordres professionnels qui vous ferment la porte au nez en disant qu'il faut d'abord avoir une expérience au Canada et que les titres étrangers ne sont pas suffisants.

    C'est triste non seulement pour les nouveaux venus, mais aussi pour nous tous. Aujourd'hui, nous manquons de médecins dans les hôpitaux, alors que des médecins sont chauffeurs de taxis. Il faut absolument faire quelque chose.

    Quand on voyage à l'étranger, on constate un très grand respect pour le Canada, et je ne pense pas qu'on ait de reproches à vous faire. On vous considérera avec respect.

    Je repense aux propos de M. Harvard. Les défis sont considérables. La plupart des pays musulmans ont été colonisés. Ce n'est sans doute pas une excuse, mais c'est la réalité qu'ils ont connue à une certaine époque. L'Arabie saoudite n'est pas un pays démocratique. Le Canada doit s'efforcer d'aider les pays à évoluer vers la démocratie et une fois qu'ils y accèdent, qu'ils reconnaissent la séparation de l'Église et de l'État, comme on la connaît dans notre pays, ils peuvent progresser.

    Mais même dans notre pays, il reste du travail à faire. La semaine dernière, à Montréal, on a interdit à une jeune fille le port du foulard.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

    Un très bref commentaire de M. Ismael.

+-

    M. Tareq Y. Ismael: Merci beaucoup.

    Cette question me semble très importante. Les mots «monde musulman» ne me plaisent pas pour deux raisons. Dans cette région du monde, on trouve des minorités considérables, en particulier des minorités chrétiennes.

    En Égypte, par exemple, il y a 10 millions de catholiques; certains avancent même le chiffre de 15 millions. C'est une estimation couramment acceptée. L'Église catholique d'Égypte est l'une des plus anciennes églises chrétiennes. Au Liban, on compte plus de 50 p. 100 de chrétiens. Une proportion appréciable de la population de Syrie est chrétienne.

    À cela s'ajoute des minorités dont la religion est différente. Il existe des minorités dont on n'entend jamais parler, par exemple les Yazidis, qui constituent un groupe particulier à l'intérieur d'une secte minoritaire islamique. Il y a aussi les Sabians, qui conjuguent la chrétienté, l'islam, le judaïsme et le zoroastrisme. Ce sont des groupes très particuliers.

    Quand on parle du «monde musulman», on minimise toutes ces minorités, et...

+-

    Mme Alexa McDonough: Pouvez-vous nous proposer une autre formule décrivant bien notre démarche?

+-

    Le président: Ce n'est pas facile. Pouvez-vous nous proposer quelque chose...

+-

    M. Tareq Y. Ismael: Une référence géographique...

+-

    Le président: Vous parlez de géographie, mais vous savez, nous allons aussi nous intéresser à l'Inde. C'est un pays immense, où l'on trouve une minorité de musulmans, qui est cependant beaucoup plus nombreuse que l'ensemble de la population du Moyen-Orient. Ce n'est pas facile, mais nous allons essayer...

    Nous voulons aussi éviter les stéréotypes.

+-

    M. Tareq Y. Ismael: Je suis tout à fait d'accord avec vous.

    Monsieur le président, c'est très important. Je voudrais faire ici une distinction fondamentale, à cause du climat que nous connaissons actuellement—à cause des idées qui prévalent, des mass média et même du monde universitaire, que je connais bien—et qui paraît étonnamment primitif. Prenons le cas de l'Irak. Combien de livres trouve-t-on dans nos bibliothèques sur l'Irak? Et combien de livres sur le Koweït ou sur l'invasion du Koweït par l'Irak? Un ou deux. Même à l'heure actuelle, nous sommes en retard par rapport à d'autres pays. Nos connaissances universitaires sont limitées et notre compréhension de la situation est ambiguë, voire approximative.

    Prenons l'exemple du leader d'opinion, l'un de vos éminents parlementaires, qui vient de poser une très bonne question. Mais cette question comporte elle-même des notions très complexes et contestables. S'il en est ainsi dans un comité comme celui-ci, qu'en sera-t-il pour le chauffeur de taxi du sud-est de Calgary, où j'ai vécu pendant un certain temps? Et surtout, je crois que la sénatrice Jaffer a mis le doigt sur quelque chose de très important et elle a posé une excellente question. Il y a ici quelque chose qui va au-delà du racisme.

    Lorsque je suis arrivé en provenance des États-Unis, on m'a accordé la moitié de plus que ce que je gagnais aux États-Unis. On est même allé jusqu'à 70 p. 100. On m'a donné trois mois de salaire avant même que j'arrive, pour m'attirer. Pourquoi? Je crois que c'est parce que je venais des États-Unis et j'étais déjà dédouané, pour ainsi dire. J'ai été accepté. Si la sénatrice était arrivée de Londres, elle aurait été traitée différemment, mais elle venait de l'Ouganda. On trouve donc des attitudes racistes dans bien des domaines. Nous l'admettons difficilement, mais c'est bien ce que l'on constate.

    Merci, monsieur le président.

  +-(1225)  

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons maintenant passer à Mme Carroll, mais je voudrais revenir aux propos de Mme McDonough. Le problème des médecins qui immigrent au Canada ne tient pas simplement au fait qu'ils viennent de pays islamiques; la même règle s'applique à tous les immigrants, quel que soit leur pays d'origine. Je tenais à le préciser.

    Allez-y, madame Carroll.

+-

    Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): J'ai jeté un coup d'oeil au document que vous nous avez remis et je remarque que vous avez fait référence à la Tchétchénie, qui corrobore tout à fait votre argument. Il est dommage que M. Harvard ne soit pas là, car à mon avis, si la Tchétchénie a sombré dans l'extrémisme, c'est en grande partie parce qu'au départ, nous ne lui sommes pas venus en aide et si nous ne l'avons pas aidée, c'est sans doute parce que nous n'avons pas compris la situation.

    Souvenons-nous de M. Akbar, cet étonnant journaliste que nous avons accueilli la semaine dernière. Il a dit que nous faisons continuellement des erreurs, mais que nous ne prenons jamais le temps d'en convenir. Il a parlé du processus de réconciliation en Afrique du Sud, mais lui et ses collègues qui l'accompagnaient ont tous dit que les pays occidentaux n'avaient pas reconnu leurs torts, alors qu'ils avaient fait une grave erreur, qui a entraîné des difficultés considérables.

    Je ne veux pas gaspiller mon temps de parole, car il y a ici quelqu'un qui peut parler mieux que moi de la Tchétchénie. Francine sait que ce sujet est très important pour moi et pour les parlementaires canadiens qui sont accueillis au Conseil de l'Europe. On ne sait plus ce qui se passe actuellement en Tchétchénie parce que le Conseil de l'Europe, Human Rights Watch et l'OSCE ne sont plus autorisés à y aller. Dimanche prochain, il va y avoir en Tchétchénie une parodie d'élections tout aussi ridicule que le référendum, et personne n'intervient.

    Nous savons tous ce qui se passe actuellement entre Washington et Moscou, et la Tchétchénie se retrouve coincée entre les deux. Je pense que le Canada pourrait intervenir à la défense de la Tchétchénie, ou pourrait du moins exiger que l'attention mondiale se porte sur son sort. Vous avez bien fait de la mentionner dans le débat actuel, car c'est un excellent exemple.

    Quoi qu'il en soit, je vais m'arrêter ici et solliciter vos commentaires.

+-

    M. Tareq Y. Ismael: Merci beaucoup.

    En fait, je voulais me limiter. Je suis un politicologue, et j'ai été un professeur...

+-

    Mme Aileen Carroll: Ne vous limitez pas.

+-

    M. Tareq Y. Ismael: ...et c'est une très mauvaise combinaison, en réalité.

    C'est une très bonne question, et je ne pense pas que je veuille...

+-

    Mme Aileen Carroll: Nous avons besoin que vous soyez ce que vous voulez.

+-

    M. Tareq Y. Ismael: Merci beaucoup.

    Je pense que ce que vous dites est très valable. Mais je n'essayais pas de dire seulement cela. Regardez ce qui s'est produit dans l'ex-Yougoslavie. Si l'on va dans le monde musulman—utilisons ce terme qui est commun—la question que l'on pose est la suivante: dans quelles régions y a-t-il des tensions aujourd'hui? Il y a des régions où les gens sont massacrés, si vous voulez. En Europe de l'Est, qui est massacré? Ce sont les musulmans en Albanie et en Herzégovine.

    Un autre exemple est la Tchétchénie. Le gouvernement et la population turcs sont très préoccupés parce qu'ils sont très près de la Tchétchénie et ils voient ce qui arrive là-bas. Ils se demandent ce qui est en train d'arriver et où sont ces gens.

    Ce qui est plus important, c'est que nous ne cherchons que... Prenons par exemple l'Arabie Saoudite. J'ai toujours écrit au sujet de l'Arabie Saoudite. Mon interprétation est différente de celle de certains de vos collègues. Premièrement, tout le système politique en Arabie Saoudite aujourd'hui est très étroitement lié à un segment qui a l'une des interprétations les plus extrêmes de l'islam. L'école Hanbali est la plus extrémiste de toutes les écoles sunnites islamiques et le Wahhabi est la plus extrême de ce qu'on appelle l'école Hanbali. Aujourd'hui la famille royale, le régime royal et ses institutions en sont des composantes très extrémistes—et vous êtes beaucoup plus réputée que moi dans ces interprétations.

    En plus de l'interprétation de mon très estimé collègue le professeur Turgay, je peux dire que toute combinaison de certains segments du système avec le fondement religieux—qui, comme je vous l'ai dit, est le plus extrémiste—produit de la corruption, peu importe le régime. Cela est très inhabituel et anormal.

    Regardons cependant le cas de la Turquie. Aujourd'hui, la Turquie tente de régler le problème des Cypriotes. Qui sont les Cypriotes du nord? Encore une fois, ce sont des musulmans. C'est pourquoi on a du mal à convaincre les gens qu'ils ne sont pas visés.

    Je prends souvent la parole en tant que Canadien—je suis fier de l'être—et je tente de donner le point de vue du Canada sur la question, et parfois je le déforme même. Je dis, écoutez, vous devez comprendre cela; vous n'avez pas fait vos devoirs.

    Cependant—et cela est très important—si nous allons rencontrer ces gens, le moment est peut-être venu pour nous d'admettre que nous n'étions pas vraiment au courant. Nous avons très peu de spécialistes, pas seulement ici mais à l'échelle internationale, aux États-Unis. Nommez-moi un érudit qui se spécialise dans l'Afghanistan. Le professeur Turgay vous le dira, il y a bien deux ou trois érudits américains qui ont fait quelque chose sur l'Afghanistan, mais cela ne portait en fait que sur l'Afghanistan contemporain et la guerre.

    L'Irak est un autre exemple. Nous n'avons pas grand-chose, même aujourd'hui. Nous n'avons vraiment pas de travaux d'érudition sur l'Irak.

    La Tchétchénie, encore une fois, est une plaie ouverte partout dans le monde arabe parce qu'on la voit. Inutile de vous parler de la Palestine car vous êtes déjà au courant et vous avez une certaine expérience à cet égard.

    Regardons ce qui se passe en Irak aujourd'hui : un véritable génocide, en réalité. Que pouvons-nous faire? Nous ne le savons pas, bien que l'image canadienne en Irak soit l'une des plus positives que l'on puisse avoir. Je dis cela essentiellement parce qu'ils me disent: «S'il vous plaît, si vous rencontrez des décideurs, nous voulons—et j'ai pensé que c'était à votre comité que je devais le dire—que vous leur transmettiez notre gratitude.»

  +-(1230)  

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons maintenant donner la parole à M. Bergeron.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Merci, monsieur le président.

    D'abord, j'aimerais vous remercier tous les trois de votre présence parmi nous et de vos excellents exposés. Je ne vous cacherai pas mon désarroi de voir que plus nous avançons dans notre étude, plus nous constatons à quel point nous nous attaquons à un vaste champ d'étude. Il m'arrive de craindre que nous ne puissions le circonscrire suffisamment pour en arriver à des conclusions qui soient le moindrement significatives ou concluantes, si vous me permettez l'expression.

    Cela dit, je ne veux pas présumer d'emblée du résultat de cette étude. Donc, nous allons évidemment poursuivre, mais avant d'entrer dans le vif du sujet, je vais poser une question technique et très facile à M. Turgay. Vous est-il possible de fournir aux membres de ce comité les actes et recommandations du colloque qui a eu lieu à Montréal il y a quelques jours?

    Je vais maintenant parler du sujet qui me préoccupe actuellement. Je pense que M. Ismael a mis en partie le doigt sur l'élément central, à savoir ce qu'est le monde musulman. Ma collègue avait suggéré que nous parlions davantage du monde arabo-musulman, quoique même le terme « monde arabo-musulman » ne définisse pas très bien ce que nous cherchons à définir. Cependant, il m'apparaît très clair que le terme « monde musulman » est trop restrictif dans la mesure où, par exemple, il existe en Palestine une minorité chrétienne fort importante, mais où on ne peut distinguer les musulmans des chrétiens en Palestine pour ce qui est des objectifs politiques ou du quotidien. Ils partagent d'une façon générale les mêmes aspirations. L'élément islamique ou la question de l'Islam ne constitue donc pas, du moins dans le cas de la Palestine, un facteur déterminant. Donc, est-il approprié de parler du monde musulman seulement? Il faudra se pencher sur cette question.

    Je voudrais vous poser une question sur l'image que se fait le public canadien de ce monde musulman ou arabo-musulman. On sait pertinemment qu'en démocratie, une grande partie de ce que fait le gouvernement est conditionné par l'opinion publique, laquelle est elle-même conditionnée pour une grande part par ce que disent les médias. Je m'inquiète de l'image que les médias relaient au Canada de ce monde arabo-musulman. L'image qu'on nous relaie, comme on l'a évoqué tout à l'heure, est essentiellement une image terroriste, extrémiste, lorsqu'on ne nous transmet pas une image très négative à l'égard des régimes musulmans, ne serait-ce qu'en ce qui a trait au traitement de certains citoyens canadiens emprisonnés dans des pays musulmans.

    La semaine dernière, lorsque nous avons discuté des cas de Maher Arar, de William Sampson et de Zahra Kazemi, j'ai évoqué le fait qu'il y avait des centaines, voire des milliers de Canadiens qui sont emprisonnés à l'étranger. Pourtant, les médias semblent se concentrer sur trois cas, des cas de flagrantes violations des droits humains, mais qui touchent des pays musulmans.

    Selon vous, qu'est-ce qui explique qu'au Canada, nous mettions l'accent, lorsqu'on parle du monde arabo-musulman dans les médias--ce qui conditionne en partie la perception que peut avoir du monde arabo-musulman l'opinion publique et, conséquemment, l'attitude du gouvernement à l'égard de ce monde--, sur le caractère extrémiste qu'on retrouve dans ce monde arabo-musulman, sur le terrorisme, les exactions des régimes à l'égard de Canadiens emprisonnés à l'étranger?

  +-(1235)  

    Comment peut-on expliquer que dans le cas des prisonniers, par exemple, on ait mis l'accent uniquement sur ceux-là, alors qu'on sait qu'il y a des cas de Canadiens dans d'autres pays, notamment en Amérique latine, qui ne sont guère reluisants non plus?

+-

    Le président: Monsieur Bergeron, vous avez dépassé vos cinq minutes en posant votre question, mais je vais quand même demander à nos invités de répondre. Vous pouvez répondre à la première question, monsieur Turgay.

[Traduction]

+-

    M. A. Üner Turgay: Très brièvement, je pense que l'une des choses les plus importantes peut-être qui est ressortie de la conférence, c'est que nos visiteurs d'Asie et d'Asie du sud-est ont été terriblement impressionnés par le fait que le Canada était disposé à écouter. Le Canada est disposé à écouter, et le Canada est disposé à apprendre sans juger. C'est leur impression, et ils l'apprécient, sans avoir trop d'intentions cachées. Je dis trop d'intentions cachées car nous cherchons toujours certains liens d'affaires et une situation qui pourrait être mutuellement avantageuse sur le plan économique.

    Encore une fois, je pense qu'il est important que ce qui soit ressorti de la conférence, et nos collègues musulmans ne cessent de le répéter, c'est que le monde islamique n'est pas une seule chose ou une seule unité n'ayant qu'un point de vue, et que le monde islamique n'est pas préoccupé par ses relations avec l'Occident. Ce n'est pas le cas. Les musulmans ont répété à plusieurs reprises qu'ils vivent dans des pays où la modernité et la tradition, la raison et la foi font l'objet de discussions tumultueuses depuis au moins la fin du XIXe siècle. Même après le 11 septembre et l'invasion américaine en Afghanistan et en Irak, la principale préoccupation des musulmans ordinaires dans la rue continue d'être l'état du monde musulman, particulièrement pour leurs pays—non pas leurs relations avec l'Occident.

    Une chose qui est ressortie de la conférence, c'est qu'ils comprennent que le Canada est tout à fait conscient de s'immiscer dans les discussions de quelqu'un d'autre, particulièrement en ce qui concerne la véritable signification de l'Islam et l'hypothèse selon laquelle la démocratie et l'Islam sont deux choses vraiment différentes et distinctes. Ils reconnaissent ou perçoivent que la politique du gouvernement canadien ne fait pas cela; par conséquent, ils l'apprécient.

    Ils ont également souligné, et cela a certainement un rapport avec les observations de mes collègues, qu'ils peuvent discuter avec vous des conflits dans le monde un par un—en Bosnie, en Palestine, en Tchétchénie, au Cachemire, en Inde, au Kosovo, en Irak, en Afghanistan, aux Philippines, en Géorgie et au Aceh. Aux yeux de la population en général, il semble que le monde ou les groupes islamiques sont sous pression ou se font attaquer, soit par une puissance occidentale, c'est-à-dire les États-Unis, ou par des gouvernements qui ont l'appui des États-Unis, comme dans le cas de l'Aceh. C'est ce qui ressort très clairement chez tous les niveaux de participants, et il est très difficile de dire ces choses précises en ce qui a trait à chaque pays.

  +-(1240)  

[Français]

+-

    Le président: Thank you.

    Madame Marleau, s'il vous plaît.

[Traduction]

+-

    L'honorable Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Merci pour vos exposés.

    Comme vous le savez, nous nous rendrons dans un certain nombre de pays.

    J'ai été particulièrement heureuse de vous entendre, madame Jaffer, car je pense qu'il est important que nous nous assurions que ces gens soient bien à l'aise pour nous parler clairement. Je pense que c'est là un point dont notre comité tiendra compte.

    J'ai une question à vous poser, monsieur Ismael. Vous avez dit quelque chose qui nous a choqués, je pense. Vous n'avez pas donné d'explication. Vous avez parlé d'un génocide en Irak. Je ne sais pas si je vous ai bien entendu.

    L'autre chose que je voulais demander, c'est au cours de notre voyage, y a-t-il quelque chose de précis que nous devrions rechercher lorsque nous nous rendrons dans ces différents pays?

    Merci.

+-

    M. Tareq Y. Ismael: Merci beaucoup.

+-

    L'hon. Diane Marleau: L'autre question s'adressait à M. Turgay ou à vous trois.

    Allez-y.

+-

    M. Tareq Y. Ismael: J'ai utilisé le terme «génocide» parce que je viens de terminer un livre sur l'Irak et je l'apporte avec moi à Londres ce soir. Il sera publié la semaine prochaine et j'espère qu'on en parlera bientôt. Dans ce livre, nous avons décrit les quatre ou cinq baromètres fondamentaux de ce que j'appelle le génocide.

    L'ampleur de l'oppression et de la criminalité qui sévissent, particulièrement à l'endroit des femmes et des enfants, dépasse l'entendement. Nous n'avons pas de chiffres sur ce phénomène. Les gens meurent littéralement par centaines, sinon par milliers et personne n'en est au courant. Nos mass media ne semblent y porter aucune attention. Surtout, je crois qu'aucun reportage de ce phénomène n'est fait à l'intention de nos sociétés, surtout celles qui se trouvent directement impliquées, comme les Américains.

    Je crois qu'il s'agit vraiment d'un cas évident de femmes et d'enfants innocents qui sont complètement coupés de... Et un grand nombre d'entre eux finissent par être tués ou attaqués, surtout les femmes. Les femmes en Irak aujourd'hui sont prises de force et beaucoup d'entre elles sont vendues comme esclaves.

  +-(1245)  

+-

    L'hon. Diane Marleau: Par qui?

+-

    M. Tareq Y. Ismael: Nous ne le savons pas au juste. Ceux qui se trouvent à être les dirigeants sont censés... Il y a tant d'explications. Tout ce que les gens disent en Irak c'est que la population est parfois encouragée par certains groupes à agir de la sorte envers ses membres, et il y a toutes sortes de versions des faits qui circulent. Les femmes ne peuvent pas faire d'études. Les femmes ne peuvent pas faire des courses. Les gens ne peuvent pas sortir de chez eux et ne peuvent même pas communiquer entre eux. Il se passe des choses répréhensibles là-bas, et on ne nous en parle même pas, mais c'est une situation qui se produit chaque jour et qui touche les femmes et les enfants en particulier.

    Des jeunes filles de 14 ou 15 ans sont enlevées sur le chemin de l'école. Les universités sont pleines de gens qui veillent à la protection de leurs femmes et de leurs enfants lorsqu'ils vont à l'école. Il y a des centaines d'exemples de ce genre.

    La députée a soulevé une très bonne question. Nos mass media font malheureusement preuve de racisme dans un grand nombre de reportages sur le Moyen-Orient. Je viens de terminer un article, pour lequel j'ai fait un renvoi en bas de page dans la présentation que je vous ai remise, sur le racisme en bonne et due forme qui existe dans nos médias de masse. Il n'est pas nécessaire que je parcoure tous les journaux qui influencent l'opinion comme le National Post. J'ai cité en particulier certaines des expressions utilisées pour décrire les musulmans et les situations politiques, qui les dépeignent de façon beaucoup plus négative que ce que l'on accepte habituellement dans nos médias.

    Ici encore, la politique en question en est un très bon exemple.

    Le porte-parole le plus éloquent des Palestiniens était le regretté Edward Said, un chrétien qui a beaucoup écrit sur l'Islam et le Moyen-Orient. La porte-parole vivante, si je puis dire, la plus éloquente des Palestiniens est Hanan Ashrawi, une chrétienne. Donc si nous parlons sur le plan religieux et ne désignons que le monde musulman, je crois que nous devons faire preuve d'une très grande prudence.

    Avons-nous appris quelque chose? Je crois que oui dans votre cas, la plupart d'entre vous ont eu l'occasion de prendre connaissance de questions très réelles qui m'ont ouvert les yeux. Vous avez été préoccupés par ces questions. Vous avez soulevé des questions dont je ne croyais jamais que vous discuteriez entre vous.

    Par conséquent, d'une certaine façon, je crois que votre étude a donné des résultats très importants et j'ai l'impression qu'à votre retour, vous aurez beaucoup plus à nous dire à tous, aux universitaires et aux Canadiens. J'en suis persuadé.

    J'aimerais également mentionner, et j'estime que c'est très important, que le milieu canadien encourage l'étude du Moyen-Orient. J'ai été parrainé au cours des 25 dernières années par le Conseil de recherche en sciences humaines. Chaque livre que j'ai écrit a été financé par le Conseil et il s'agit ici encore d'un autre moyen encouragé dans une certaine mesure, pour ne pas dire prescrit, par le Canada. Donc d'une certaine façon, un organisme canadien a valorisé mon travail, et la contribution de votre Parlement à cet égard est loin d'avoir été négligeable. Et je suis convaincu que votre comité a de quoi être fier.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Si vous avez des suggestions à nous faire concernant notre voyage, vous pourrez les transmettre à notre greffier par télécopieur ou par courriel.

    Nous allons maintenant passer à M. Cotler.

    Monsieur Cotler, vous avez la parole.

+-

    M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Ma question s'adresse au professeur Turgay, mon collègue à McGill, mais les deux autres témoins pourront aussi y répondre s'ils le souhaitent. La raison pour laquelle je lui adresse cette question c'est qu'elle concerne deux arguments qu'il a présentés et avec lesquels je suis d'accord, mais j'aimerais simplement pousser l'argument un peu plus loin.

    Le premier point qu'il a soulevé c'est que le monde islamique, comme vous le dites, est en voie de transformation mais l'identité islamique, indépendamment de cette transformation, aura un rôle important à jouer. Je crois que c'est quelque chose qu'il faut encourager et je suis en fait du même avis que vous lorsque vous dites qu'il faut rejeter la corrélation entre la sécularisation et la modernisation. C'est une façon trop simpliste et inappropriée de voir les choses. Donc je suis d'accord avec cette première thèse.

    La deuxième—et c'est une notion avec laquelle je serais aussi d'accord—c'est que le conflit n'est pas nécessairement le résultat d'un choc des civilisations, mais plutôt un problème de dialogue ou un conflit au sein de l'Islam même.

    Vous vous souviendrez peut-être que nous avons tenu une conférence à l'Université McGill. Le professeur Abdullah Ahmed An-Naim de l'Université Emory a qualifié aussi la situation de conflit entre l'Islam libéral et progressiste et l'Islam radical et extrémiste. Je tiens simplement à dire entre parenthèses que je ne considère pas l'Islam fondamentaliste comme nécessairement négatif. Si les gens veulent être religieux, je n'y vois aucune objection, mais j'envisage plutôt la situation telle que vous l'avez décrite, je crois, c'est-à-dire comme un conflit entre l'Islam libéral et progressiste et l'Islam radical et extrémiste. Je suis toutefois conscient que toutes ces catégories comportent des nuances.

    Le problème—et je crois que vous l'avez mentionné, professeur Turgay—c'est que l'Islam radical peut parfois être sanctionné par l'État, bien financé et peut faire l'objet d'un enseignement et d'une communication de portée mondiale, tandis que l'Islam libéral et progressiste, comme on l'appelle, peut parfois être marginalisé, inhibé ou étouffé. Comment pouvons-nous encourager l'expression de cet Islam progressiste et libéral pendant cette transformation que vit l'Islam et compte tenu de notre volonté d'assurer l'identité islamique au sein de ce processus de transformation tout en tâchant d'encourager l'expression de cet islamisme libéral et progressiste?

  +-(1250)  

+-

    M. A. Üner Turgay: C'est un grave problème, mais il doit être réglé par les musulmans eux-mêmes.

    Il serait malheureux qu'une agence américaine se mette à soutenir l'Islam progressiste. Ce serait vraiment le début de la fin.

    Même pour le Canada, il serait risqué de soutenir ouvertement les organisations islamiques libérales. Par contre, il est vrai que le Canada se débrouille bien pour ce qui est des petits projets qui permettent de rapprocher la population locale de l'Occident et de montrer que nous sommes sensibles aux questions islamiques. C'est une question à laquelle il n'y a pas de réponse évidente, surtout pour ce qui est du soutien direct...

    Nous devons mettre en question certaines politiques des gouvernements musulmans. C'est là-dessus que nous devrions concentrer nos efforts. Bien des gouvernements musulmans se cachent derrière l'Islam et derrière le relativisme culturel, si vous me permettez. Comme Canadiens, il faut qu'on insiste pour qu'il y ait au moins un dénominateur commun minimum. Il y a des choses qu'on ne devrait pas accepter... Par exemple le fait que l'Arabie Saoudite soutienne les châtiments corporels—on y coupe les mains et on y tranche les têtes. Il faut qu'on s'oppose à ce genre de chose, peu importe le prix. Il s'agit de nos valeurs fondamentales.

    Par contre, si un groupe civique lutte contre la peine capitale là-bas, je pense qu'on peut le soutenir. Je ne vois pas pourquoi ce serait problématique. Il ne faut pas donner l'impression qu'on intervient, mais il faut qu'on défende nos principes. Il le faut.

    Les membres de ce comité iront en Égypte, en Arabie Saoudite, en Iran et en Palestine. D'autres groupes iront en Turquie, en Indonésie et au Pakistan. J'ai l'impression que quand les groupes vont se retrouver, vous direz «de quoi s'agit-il? L'Islam, ce n'est pas ça du tout». Vous découvrirez un Islam différent dans tous ces divers pays ainsi que des rôles distincts attribués à l'Islam par les gouvernements et par les peuples ainsi qu'un éventail de pratiques. Dans certains cas, seuls les magnifiques mosquées et les cinq appels journaliers à la prière vous feront comprendre que vous êtes effectivement dans un pays musulman. La vision de l'Islam diffère d'un pays à l'autre. Il vous arrivera aussi d'être imprégnés de l'aura qui se dégage de l'Islam.

    Ce n'est pas évident, monsieur Cotler.

+-

    M. Irwin Cotler: J'ai peut-être mal utilisé le mot « nous ». Je ne parlais pas uniquement des Canadiens, mais également des musulmans qui pourraient trouver leur propre voix au sein du monde musulman. Je pense qu'il existe deux aspects. Le premier dialogue doit avoir lieu au sein du groupe islamique.

+-

    M. A. Üner Turgay: Oui. C'est en étant courageux et honnêtes qu'ils y parviendront.

+-

    Le président: Merci.

    Je voudrais remercier tous nos invités de ce matin. La discussion a été très enrichissante. Il est déjà 13 heures.

    Je tiens à dire à tous les membres que les leaders vont se rencontrer à 15 heures pour que notre voyage soit approuvé.

    Merci encore.

    Avant de terminer, Mme McDonough voudrait vous parler.

    Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'ai proposé une motion conforme à la décision qu'a prise le comité le 18 septembre, soit de demander au ministre des Affaires étrangères et au solliciteur général de témoigner devant le comité. La raison du renvoi du 7 octobre, c'est que cela fait déjà 12 jours que nous avons formulé cette demande. Tout le monde sait que nous allons voyager pour faire notre travail en tant que comité—soit une étude sur les relations entre le Canada et le monde musulman ou les communautés musulmanes. Je ne sais pas quelle est la meilleure formule, mais il nous faut garder cela à l'esprit.

    Étant donné le témoignage que nous avons entendu jeudi voulant que ce soit une question de vie ou de mort pour Maher Arar, je crois fermement qu'il nous faut considérer cette question comme une question urgente, même si cela nécessite que l'on convoque une réunion séparée, une réunion spéciale. Nous avons tenu une séance spéciale vendredi. Je pense que c'était approprié. Malheureusement, je n'ai pas pu m'y rendre, mais je n'étais pas contre. Il y a aussi une séance spéciale prévue demain avec les dirigeants de la Ligue arabe. Je suis en faveur de cela. Mais je pense qu'il nous faut assumer la responsabilité d'agir d'après ce que nous savons, c'est-à-dire qu'un citoyen canadien risque littéralement, après un procès injuste, d'être exécuté en Syrie, alors que le solliciteur général et le ministre des Affaires étrangères n'ont pas témoigné devant le comité.

    Je demande l'appui du comité. Je sais que s'il s'agissait d'une nouvelle motion, d'un nouveau sujet, il vous faudrait un préavis. Mais je pense que fixer une date pour une décision que nous avons déjà prise le 18 septembre à ce comité est conforme à nos règles. Je demande l'appui de tous les membres du comité, en vous rappelant ce que nous avons entendu lors des témoignages la semaine dernière.

  +-(1255)  

+-

    Le président: Vous avez dit que la motion avait été adoptée le 18 septembre par tout le comité. Cela ne fait aucun doute. Pour moi, c'est suffisant. Le ministre n'était pas là la semaine dernière. Vous le savez. Nous avons déjà trois séances prévues cette semaine et la semaine prochaine, le ministre sera en déplacement. Je ne suis pas ici pour vous parler de l'horaire du ministre. Il y a toujours son secrétaire parlementaire. Elle est ici aujourd'hui. En ce qui concerne le solliciteur général, nous allons continuer à lui demander de comparaître. Nous sommes tous d'accord avec vous.

    Si eux peuvent nous fixer une date et une heure, nous essaierons de nous arranger, et d'essayer, si possible, de trouver une heure quelque part pour entendre d'autres témoins. Mais il n'y a pas grand-chose que nous pouvons faire. Je ne sais pas si quelqu'un veut ajouter quelque chose à ce sujet, mais nous sommes tous d'accord. Par contre, le 7 octobre... Si le ministre des Affaires étrangères n'est pas là, il n'y a rien à faire. Je ne peux pas changer son emploi du temps.

    Madame Carroll, s'il vous plaît.

    Monsieur Bergeron, allez-y rapidement.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Comme le temps file, je voudrais savoir si les collègues ne seraient pas disposés à discuter immédiatement de la motion que j'ai soumise il y a quelques jours. Le cas échéant, nous pourrions prendre quelques instants pour en parler. Demandez à votre greffier; il a la motion devant lui.

+-

    Le président: Au sujet de la Gendarmerie royale du Canada, tout ce que je peux vous dire, c'est que d'après le libellé de votre motion, le comité devrait voter sur une motion et l'envoyer à la Chambre des communes pour que celle-ci demande à M. Proulx, commissaire adjoint de la Gendarmerie royale du Canada, de revenir devant le comité. Comme je vous l'ai dit explicitement, M. Proulx est prêt à revenir devant le comité. Il m'a dit personnellement que si on l'invitait, il reviendrait devant le comité. 

    On peut en discuter, mais on ne peut pas adopter la motion aujourd'hui, comme vous le demandez.

+-

    M. Stéphane Bergeron: À moins qu'il y ait consentement unanime des collègues.

+-

    Le président: Oui, mais il faut 10 membres du comité pour adopter une motion. On n'a pas le quorum pour cela. Je voudrais simplement vous dire que si vous voulez qu'il revienne, vous pouvez en faire la demande au greffier. Moi, je suis absolument d'accord pour qu'il revienne.

+-

    L'hon. Diane Marleau: Je dois vous dire qu'il ne donnera pas plus de réponses la deuxième fois qu'il en a donné la première fois. Ça me surprendrait.

+-

    Le président: Monsieur Bergeron, à mon avis, on aurait beaucoup plus de succès en faisant venir le solliciteur général; c'est du moins ce que je pense.

+-

    M. Stéphane Bergeron: Cela étant dit, monsieur le président, comme parlementaires, nous n'avons pas à accepter qu'un fonctionnaire de l'État se présente devant le comité et refuse systématiquement de répondre à quelque question que ce soit. Vous jugez que les quelques mots qu'il aligne un à la suite de l'autre constituent une réponse. Or, les mots en question étant essentiellement « je ne répondrai pas », il s'agit ici à mon sens d'un refus de répondre.

    Le Marleau et Montpetit est très clair à ce sujet: le témoin doit répondre. Sous prétexte qu'il a refusé de répondre et qu'il ne répondra pas plus la prochaine fois, il ne faudrait pas baisser les bras et se dire qu'on va simplement inviter quelqu'un d'autre. Je pense que, d'une façon ou d'une autre, on doit tout simplement faire connaître notre insatisfaction à l'égard de ses réponses.

·  -(1300)  

+-

    Le président: Monsieur Bergeron, dans votre motion—que je n'ai pas encore devant moi—il y avait deux volets. Vous demandiez qu'on demande à M. Proulx de revenir et vous vouliez faire appel à la Chambre pour que cette dernière demande au comité de le faire revenir. Tel était le libellé de votre résolution. Or, pour le faire revenir devant le comité, on n'a pas besoin de l'autorisation de la Chambre.

+-

    M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, on peut entreprendre le débat sur la motion dès maintenant, mais à mon avis, il existe un genre de gradation. Le comité a déjà invité le commissaire adjoint avec les résultats qu'on connaît. Par contre, si la Chambre prend acte de l'insatisfaction du comité et qu'elle le convoque à nouveau, cela n'aura pas le même impact. Si l'institution elle-même signifiait au commissaire adjoint que le comité n'était pas satisfait de ses réponses et qu'elle lui demandait de comparaître à nouveau devant le comité et, cette fois-là, de répondre aux questions, cela aurait certainement plus de poids.

+-

    Le président: J'accepte vos arguments, et on va assurément les examiner. Le bureau du greffier vérifiera les détails techniques de votre motion et nous l'étudierons jeudi.

[Traduction]

+-

    Mme Alexa McDonough: Il y a eu un rapport au sujet de la non-disponibilité permanente du ministre des Affaires étrangères. Nous n'avons pas reçu de rapport sur le progrès des convocations du solliciteur général au comité. Pouvez-vous nous fournir ce rapport?

+-

    Mme Aileen Carroll: Il faut reconnaître, Alexa, que nous allons voyager pendant deux semaines, alors il faut prendre cela en compte également. Le comité va voyager.

+-

    Mme Alexa McDonough: C'est exactement de ça que je parle.

+-

    Le président: Non, non, au sujet du solliciteur général, je n'ai pas la réponse à cette question non plus. Nous pourrions les entendre séparément, parce que selon la décision du 18 septembre, le ministre des Affaires étrangères et le solliciteur général devaient comparaître ensemble. Maintenant, si le ministre des Affaires étrangères ne peut pas comparaître devant le comité, le solliciteur pourrait venir seul. C'est un grand garçon. Je suis d'accord avec ça. On fera ce que l'on peut. On va essayer.

+-

    Mme Alexa McDonough: Alors nous avons fait une demande auprès du solliciteur général. Nous n'avons tout simplement pas reçu la réponse.

+-

    Le président: La demande a été faite.

+-

    Mme Alexa McDonough: Je veux juste insister sur l'importance de la demande de Stéphane Bergeron, voulant que la Chambre nous donne des directives sur cette question, parce que nous ne devons pas faire l'erreur de penser qu'il suffit de dire au solliciteur général « dites à la GRC ce qu'elle doit faire ». C'est une pente extrêmement glissante. Je pense qu'il faudrait entendre toutes les préoccupations des différents partis de la Chambre, c'est ce qui a été reflété ici, c'est-à-dire qu'il faut régler cette question et qu'il ne s'agit pas uniquement de demander au solliciteur général de nous donner des directives.

+-

    Le président: D'accord, nous en reparlerons jeudi. Nous reparlerons de cette question jeudi.

    Madame Carroll.

+-

    Mme Aileen Carroll: Pour la discussion de jeudi, je pense qu'il serait profitable que le greffier définisse clairement quelle procédure s'applique lorsque les membres du SCRS ou de la GRC viennent témoigner. D'une part, je ne sais pas dans quelles circonstances un témoin peut dire qu'il s'agit d'une question relevant de la sécurité nationale ou encore qu'il ne peut pas répondre. Je ne connais pas bien ces pratiques. Je crois que c'est la même chose pour les autres membres du comité. Je pense que cela nous serait utile, cela nous aiderait dans notre discussion.

-

    Le président: Merci.

    La séance est levée.