FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 31 octobre 2002
¿ | 0905 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères) |
¿ | 0910 |
Le président |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne) |
¿ | 0915 |
M. Bill Graham |
Le président |
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Bill Graham |
Le président |
M. Bill Graham |
¿ | 0920 |
Le président |
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) |
¿ | 0925 |
M. Bill Graham |
¿ | 0930 |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
M. Bill Graham |
¿ | 0935 |
Le président |
Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.) |
Le président |
M. Bill Graham |
¿ | 0940 |
Le président |
Mme Diane Marleau |
M. Bill Graham |
Le président |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Bill Graham |
¿ | 0955 |
Le président |
M. Bill Graham |
Mme Alexa McDonough |
M. Bill Graham |
Mme Alexa McDonough |
M. Bill Graham |
Mme Alexa McDonough |
M. Bill Graham |
Le président |
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.) |
À | 1000 |
M. Stockwell Day |
Le président |
M. Sarkis Assadourian |
Le président |
M. Stockwell Day |
M. Sarkis Assadourian |
Le président |
M. Sarkis Assadourian |
Le président |
M. Bill Graham |
À | 1005 |
Le président |
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC) |
M. Bill Graham |
M. Bill Casey |
M. Bill Graham |
M. Bill Casey |
M. Bill Graham |
M. Bill Casey |
M. Bill Graham |
À | 1010 |
M. Bill Casey |
Le président |
M. Bill Casey |
M. Bill Graham |
M. Bill Casey |
Le président |
M. Bill Graham |
M. Bill Casey |
M. Bill Graham |
Le président |
M. Art Eggleton (York-Centre, Lib.) |
À | 1015 |
Le président |
M. Bill Graham |
À | 1020 |
Le président |
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne) |
À | 1025 |
Le président |
M. Bill Graham |
M. Deepak Obhrai |
M. Bill Graham |
Le président |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
À | 1030 |
M. Bill Graham |
À | 1035 |
Mme Marlene Jennings |
Le président |
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ) |
À | 1040 |
Le président |
M. Bill Graham |
À | 1045 |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
M. Bill Graham |
Le président |
M. Art Eggleton |
Le président |
M. Bill Graham |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
Ms. Alexa McDonough |
Le président |
M. Bill Graham |
À | 1050 |
Le président |
M. Stockwell Day |
M. Bill Graham |
À | 1055 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 31 octobre 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Français]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Voici l'ordre du jour:
[Traduction]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions aujourd'hui la question de l'Irak et nous avons le privilège de recevoir ce matin le ministre des Affaires étrangères, l'honorable Bill Graham.
Si j'ai bien compris, monsieur Graham, vous souhaitez faire une déclaration. La parole est à vous.
L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je suis toujours ravi de me présenter devant ce comité.
Nous sommes ici pour parler de l'Irak. Il y a quelques semaines à peine, il y a eu un débat d'actualité à la Chambre, et j'ai adressé aux députés une lettre que vous aurez trouvée utile, j'espère. De hauts fonctionnaires ont également témoigné devant ce comité. Notre discussion, aujourd'hui, est une autre occasion importante de contribuer à l'examen de cette question au Parlement.
Je serai bref dans mes observations préliminaires afin de réserver le plus de temps possible aux questions. Permettez-moi, tout d'abord, de vous dire ce qui, selon moi, est à l'origine de la crise actuelle. Ensuite, je parlerai des efforts que déploie le Canada pour promouvoir un règlement pacifique de cette crise. Je tracerai les grandes lignes du débat en cours aux Nations Unies, puis je me tournerai vers l'avenir avec vous. Après cela, j'écouterai vos points de vue et répondrai volontiers à vos questions.
Comme je l'ai déclaré à la Chambre lors de notre récent débat, la crise actuelle a été provoquée par le fait que l'Irak persiste sciemment à ne pas respecter ses obligations à l'égard des Nations Unies. Si Saddam Hussein avait adhéré à l'esprit et à la lettre des résolutions du Conseil de sécurité et aux conditions du cessez-le-feu qui a mis fin à la guerre du Golf, en 1991, l'Irak ne subirait pas aujourd'hui de sanctions et il serait membre à part entière de la communauté internationale.
Certains ont affirmé que les programmes d'armes chimiques, biologiques et nucléaires irakiens ont été entièrement ou en grande partie démantelés au cours des inspections précédentes et que l'Irak ne représente donc plus une menace sérieuse pour les autres États. Il serait cependant irresponsable, selon moi, d'accepter cette opinion comme finale. Étant donné l'histoire de Saddam Hussein, il incombe à Bagdad de démontrer que l'Irak ne menace pas la sécurité internationale. Même si nous ne sommes pas tous du même avis quant à la capacité et à la volonté de Saddam Hussein d'employer des armes de destruction massive, nous ne pouvons certainement pas nous permettre d'être naïfs face à une menace aussi sérieuse. Dans son rapport final, la dernière équipe d'inspecteurs de l'ONU à s'être rendue sur place souligne qu'elle est partie sans avoir pu mener à bien le travail que lui avait confié le Conseil de sécurité. Ce rapport précise dans quels secteurs les questions de l'équipe sont restées sans réponse et où l'Irak a empêché les inspecteurs de s'acquitter de leurs tâches. Il est encore plus difficile de savoir ce qui se passe sur place depuis que l'Irak a choisi de refuser de coopérer avec les inspecteurs des Nations Unies et de l'Agence internationale de l'énergie atomique, après 1998.
[Français]
Nous ne pouvons ignorer que Saddam Hussein s'est montré prêt à utiliser des armes de destruction massive pour rester au pouvoir et pour dominer ses voisins. Pendant plus de dix ans, le monde a essayé d'obliger l'Irak à respecter ses obligations envers le Conseil de sécurité. Les États-Unis, en particulier, sont excédés par l'absence de progrès et menacent d'avoir recours à la force sans l'approbation des Nations Unies. Ils vont jusqu'à préconiser un changement de régime qui, selon eux, réglerait les problèmes de l'Irak.
Sachez bien que le Canada est inquiet comme le reste du monde à l'idée que l'Irak possède des armes de destruction massive. Nous avons toujours prôné le retour des inspecteurs en désarmement pour s'assurer que l'Irak respecte pleinement ses obligations envers le Conseil de sécurité de l'ONU. En public comme en privé, notre position a toujours été claire. À notre sens, une résolution claire est la meilleure façon d'assurer le compromis de l'Irak et, donc, d'éviter la guerre. Telle est la position que je ne cesse de défendre dans mes entretiens avec mes homologues étrangers, à savoir le secrétaire d'État américain, Colin Powell, le ministre des Affaires étrangères britannique, Jack Straw, le ministre des Affaires étrangères russes, M. Ivanov, et le ministre des Affaires étrangères français, Dominique de Villepin, entre autres. Je le fais depuis de nombreuses rencontres à l'Assemblée générale de l'ONU en septembre jusqu'à mes entretiens, lundi dernier, avec le ministre des Affaires étrangères australien, Alexander Downer, en passant par nos discussions à la réunion de l'APEC la semaine dernière.
Nous sommes aussi tout à fait conscients des répercussions que pourrait avoir un nouveau conflit en Irak sur le Moyen-Orient. Mon équipe et moi-même sommes en contact régulier avec nos homologues dans les États de cette région. Nous comprenons qu'ils soient inquiets à l'idée d'une guerre, même s'ils savent que l'Irak constitue une menace pour la stabilité régionale. Nous comprenons tout autant qu'il serait très risqué de ne pas réagir à la provocation irakienne.
[Traduction]
Notre objectif est donc de voir le régime irakien dépossédé de ses armes de destruction massive, et nous sommes convaincus que le mieux pour y parvenir est que le Conseil de sécurité assume sa responsabilité et fasse appliquer ses résolutions. Nous travaillerons de concert avec d'autres pour que le Conseil de sécurité sorte renforcé et unifié de cette crise, et non pas affaibli et divisé. C'est pourquoi le Canada est favorable à une résolution ferme et claire du Conseil de sécurité qui servira deux fins essentielles: tout d'abord, donner à l'Irak une dernière possibilité de se plier à des inspections de l'ONU en bonne et due forme, et ensuite, expliquer clairement les conséquences auxquelles il s'expose s'il n'obtempère pas.
Pour ce qui est de l'état actuel de la résolution, permettez-moi de faire le point sur les débats du Conseil de sécurité à ce jour. Depuis six semaines ou plus, l'Irak est le principal sujet de discussion au Conseil de sécurité. Lundi, après de longues négociations avec les autres membres permanents, les États-Unis ont déposé un projet de résolution pour qu'il soit débattu. La résolution américaine part du principe selon lequel tout manquement futur de l'Irak à ses obligations actuelles ou à toutes nouvelles obligations qui lui seraient imposées entraînerait une réaction militaire. Nous avons été informés que les résolutions proposées par la France et la Russie portent sur ce qui constituerait un manquement à ces obligations et précisent comment on arriverait à la conclusion qu'il y a eu manquement.
Ces discussions soulèvent une série de questions capitales. Ainsi, quelle doit être la gravité du manquement aux obligations pour justifier une intervention armée? Le Conseil devra-t-il se réunir de nouveau pour décider s'il y a eu manquement? Dans l'affirmative, devra-t-il autoriser une intervention? Pour l'instant, nous ne savons pas ce que le Conseil répondra à ces questions, et nous continuerons de suivre le débat de près.
Dans les jours et les semaines à venir, le Canada sera sans doute effectivement confronté à des choix difficiles. En cas de résolution ambiguë ou de division au sein du Conseil de sécurité, il se peut fort bien que l'on nous demande de tracer une voie d'après la situation, ce que nous ferons en tenant compte des intérêts de la sécurité mondiale, des questions relatives à la stabilité régionale et, bien entendu, des propres intérêts du Canada. Spéculer à ce stade au sujet de circonstances hypothétiques ne nous aide donc pas dans les efforts que nous déployons sur le front diplomatique pour parvenir à un règlement pacifique de cette crise.
Notre position est qu'il faut donner une dernière chance aux inspections de porter leurs fruits. Si elles donnent les résultats voulus, il n'y aura pas à intervenir militairement. Dans le cas contraire, il se peut que nous ayons toutes les raisons de penser que l'Irak représente bel et bien une grave menace pour la paix et la sécurité mondiales et qu'une intervention autorisée par l'ONU ait alors lieu.
Je vous remercie de votre attention, chers collègues. Je répondrai maintenant à vos questions.
¿ (0910)
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour ce compte rendu de la situation avec l'Irak.
Vous accompagnent aujourd'hui M. Donald C. Sinclair, directeur général à la Direction générale du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, et Mme Jill Sinclair, directrice générale à la Direction générale de la sécurité internationale. Bienvenue à vous deux.
Nous entamons maintenant une période de questions-réponses de dix minutes. Si j'ai bien compris, les questions de l'Alliance canadienne seront posées par MM. Martin et Day.
Monsieur Day, c'est à vous.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Il est évident, monsieur le ministre, que nous appuyons le scénario idéal selon lequel Saddam Hussein autoriserait immédiatement et sans entrave une inspection sans condition, libérerait les prisonniers faits pendant la guerre du Golfe et respecterait tous les termes du cessez-le-feu de 1991. Nous sommes d'accord avec la Grande-Bretagne et les États-Unis pour obtenir une résolution des Nations Unies, car c'est ce qu'il y a de mieux à faire. Mais nous aimerions savoir quelle serait la position du Canada advenant le cas où il n'y aurait pas de résolution musclée montrant à Saddam Hussein quelles seraient les conséquences d'un manquement à ses obligations.
Vous venez de dire qu'il ne sert à rien de spéculer. Pourtant, à mon avis, ce serait très utile dans les circonstances. Je pourrais vous donner plusieurs exemples, mais je me contenterai de citer A.P. Taylor dans ses travaux sur les causes de la Deuxième Guerre mondiale. Ses études et ses analyses sont très claires: Comme Hitler était un «opportuniste avisé», selon les termes de M. Taylor, il n'aurait pas réarmé son pays s'il avait su que les alliés auraient usé de la force nécessaire pour l'arrêter. Si les alliés avaient bâti ce genre d'hypothèse à l'époque—et nous ne pouvons que spéculer maintenant—nous aurions pu, à mon avis, sauver des millions de vie. Si tel avait été le cas, Hitler n'aurait jamais réarmé son pays et il aurait respecté les conditions auxquelles il devait se soumettre.
J'aimerais savoir si vous seriez d'accord , après avoir exercé des pressions diplomatiques, tenté de convaincre tous les membres du Conseil de sécurité d'adopter une résolution énergique et advenant le cas où ce processus échouerait, pour que le Canada s'engage dans une offensive avec d'autres, aux côtés des États-Unis, puisqu'il ne s'agirait pas d'une intervention unilatérale. Quelle attitude adopteriez-vous si de plus en plus de pays alliés disaient que Saddam Hussein doit assumer les conséquences de son non-respect des résolutions? Il convient de rappeler qu'en 1998, le premier ministre avait jugé nécessaires les bombardements alliés contre l'Irak, alors même qu'il n'y avait pas de résolution du Conseil de sécurité à cet effet, car Saddam Hussein ne comprenait que la force.
Pouvez-vous donc imaginer, en toute honnêteté, quelle devrait être maintenant notre attitude à l'égard des membres du Conseil de sécurité? En 1998, nous avons rejoint une coalition qui était intervenue sans résolution précise du Conseil de sécurité. Qu'est-ce qui a changé depuis? Pourquoi ne pas envoyer sans tarder un message à Saddam Hussein—aux côtés d'autres pays chaque jour plus nombreux—pour l'avertir des conséquences d'un manquement à ses obligations?
¿ (0915)
M. Bill Graham: Je vous remercie beaucoup, monsieur. Permettez-moi de vous dire que j'approuve totalement certaines parties de votre proposition, surtout concernant l'importance d'une résolution musclée du Conseil de sécurité qui avertirait l'Irak des conséquences d'un manquement au respect de ses obligations. J'ai été très ferme là-dessus. En fait, la semaine dernière, à Los Cabos, lorsque les ministres des Affaires étrangères présents à la réunion de l'APEC ont soulevé cette question, j'ai appuyé sans réserve M. Powell au sujet de la nécessité d'élaborer une résolution vigoureuse. J'ai été très satisfait de la déclaration de M. Blix selon laquelle il était dans l'intérêt des Nations Unies et des inspecteurs d'obtenir une telle résolution. Je pense donc que nous sommes tous d'accord sur ce point et je suis convaincu que c'est le meilleur moyen d'éviter la guerre.
Toutefois, de là à se demander ce qui se passerait dans telle ou telle circonstance et à faire des analogies avec d'autres événements historiques en comparant la situation sous Hitler en 1939 à celle qui prévaut aujourd'hui en Irak; dire que la position d'Hitler en Europe est analogue à celle de Saddam Hussein en 2002 par rapport à 1998, et là encore la situation était différente... Je considère que toutes ces tentatives visant à trouver des analogies historiques ne mènent nulle part et je les rejette en bloc.
La grande différence, selon moi, entre la situation qui prévalait en 1939 sous Hitler, au-delà de la conjoncture européenne de l'époque et de tout le reste, c'est que la Société des Nations était un échec. L'ONU n'existait pas encore. Nous l'avons créée et, avec elle, un Conseil de sécurité investi du pouvoir de prendre des mesures énergiques, conformément aux articles 5 et 7, notamment. C'est la raison pour laquelle nous sommes si déterminés aujourd'hui à appuyer les Nations Unies, pour veiller à ce que les institutions que nous avons mises en place...
L'une des causes de la Deuxième Guerre mondiale tient au fait que les institutions que nous avions créées pour empêcher la guerre n'avaient pas fonctionné correctement. Nous voulons être certains que lorsqu'une situation de ce genre se présente, nous pouvons compter sur ces institutions.
C'est donc là, selon moi, une différence très importante par rapport à la situation en 1939, et j'ai toujours accordé une importance majeure à cette considération, au fond de moi-même, dans la recherche d'une issue à cette crise. Comme je l'ai dit dans mon discours, nous devons veiller à ce que les institutions sortent renforcées et non diminuées de ce processus.
Je pense également qu'il y a une très grande différence entre la situation à laquelle nous étions confrontés en 1998 et celle qui se présente aujourd'hui. Comparer l'état de préparation de Saddam Hussein en 1998... Nous admettons tous qu'il existe un danger, comme je l'ai clairement souligné dans mon intervention, mais de là à dresser une analogie avec la position dans laquelle se trouvait l'Irak en 1998, disposant de tout son arsenal, alors que nous avons détruit l'armement de ce pays en 1998 et procédé à des inspections, c'est peut-être faire une comparaison dangereuse qui pourrait nous amener à prendre des mesures précipitées et à sortir du cadre du système des Nations Unies.
Lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'APEC, M. Powell a déclaré que si nous réussissons à envoyer des inspecteurs, si les inspections sont satisfaisantes et si nous avons l'assurance que ces armes n'existent pas ou qu'elles ont été saisies, les choses s'arrêteraient là. J'ai trouvé cette promesse de M. Powell très encourageante. Cela prouverait que le système des Nations Unies aurait fonctionné, et je pense que pour le moment, nous ne devrions pas sortir de son cadre. Nous poursuivrons nos efforts et nous continuerons d'exercer des pressions à cet effet.
M. Stockwell Day: Je vous rappelle que les Nations Unies ont échoué au Rwanda et en Bosnie.
Le président: Monsieur Martin.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Je vous remercie, et merci à vous tous d'être ici aujourd'hui.
Où est la ligne dans le sable... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... la volonté d'intervenir en Irak? Les pays du Moyen-Orient font-ils la même analyse que nous à ce sujet?
Enfin, même si je suis d'accord pour traiter l'Irak de manière ferme, je crains surtout que cela nuise à notre guerre contre le terrorisme et que des problèmes plus sérieux ne se présentent en Arabie saoudite. D'ailleurs, si nous voulons combattre le terrorisme, il me semble bien plus important de régler la situation en Arabie saoudite que de s'attaquer au problème de l'Irak. Je suis donc curieux de savoir quelle est la position du Canada à l'égard de la situation très instable qui règne en Arabie saoudite.
Le président: Tout cela a un rapport avec l'Irak, monsieur le ministre.
M. Bill Graham: C'est une question pertinente. Combien de temps ai-je pour y répondre?
Le président: Vous disposez de trois minutes.
M. Bill Graham: Très bien, merci.
Vous venez de faire une réflexion très importante qui, encore une fois, nous rappelle la nécessité d'agir avec prudence. Vous avez parlé de tracer une ligne dans le sable. J'imagine que vous avez choisi délibérément cette expression parce qu'il y a beaucoup de sable dans la région. Il ne fait aucun doute que l'instabilité potentielle de la région nous incite à faire preuve d'une extrême prudence.
Il y a deux ou trois semaines, j'ai participé à un séminaire, à Halifax, qui réunissait un groupe d'universitaires et quelques Américains très bien informés. Nous avons discuté de la situation, et une dame du Comité des relations extérieures de New York a fait remarquer que le principal problème associé à l'incroyable instabilité qui règne au Moyen-Orient aujourd'hui est double. D'un côté, il résulte de l'incapacité des gouvernements à créer des conditions de vie décentes et une économie qui offre des emplois réels à la population; d'un autre côté, les pays de la région connaissent une démographie galopante.
Il y a beaucoup de jeunes gens, particulièrement des hommes, qui n'ont rien à faire et pas d'emploi. C'est un grand facteur d'instabilité que nous devons examiner et qui a directement à voir avec vos préoccupations au sujet du terrorisme et de la situation en Arabie saoudite. Je pense que nous devons faire en sorte que toute action menée partout au Moyen-Orient, et pas seulement en Irak... Lorsque nous intervenons au Moyen-Orient, nous devons toujours agir de façon à ne pas se mettre dans une situation où des circonstances imprévues entraîneraient une instabilité totale et plongeraient la région dans une guerre ou un chaos plus grands.
J'aimerais donc revenir à votre déclaration selon laquelle nous devons demeurer concentrés sur le premier objectif que nous nous sommes fixé. Il s'agit d'une guerre contre le terrorisme international du type de celui qui a causé l'effroyable explosion à Bali, qui se propage sur Internet ou qui est alimenté par la révolte de gens désespérés et prêts à tout pour déstabiliser notre monde, un monde de droits humains, de démocratie, de stabilité, un monde où les gens peuvent gagner décemment leur vie grâce au commerce, à l'ouverture des marchés et à la transparence des gouvernements.
Nous devons donc être très vigilants et éviter de créer dans la région des conditions ayant pour effet d'aggraver la situation. Personnellement, je préfère que nous continuions de nous concentrer, à l'échelle internationale, sur le problème du terrorisme. Nous avons fait du très bon travail jusqu'à présent. Nous avons réussi à obtenir une solide coopération entre les nations. La réunion de l'APEC s'est révélée très positive. Dans les différentes rencontres auxquelles j'ai participé, j'ai observé de formidables progrès dans notre capacité de collaborer avec certains pays pour combattre le terrorisme international. Je ne souhaite évidemment pas que la crise irakienne ou une invasion de ce pays fasse complètement dérailler le processus et que, parce que nous nous concentrons sur l'Irak, par exemple, nous ne puissions pas nous occuper de l'Afghanistan ou régler la question de la Corée du Nord.
Il s'agit de questions et de problèmes très graves; c'est la raison pour laquelle nous devons avoir une vision globale du monde et de toutes les conséquences de nos actions lorsque nous envisageons d'intervenir en Irak. Je pense que nous devons poursuivre notre guerre contre le terrorisme actuel—une série de menaces asymétriques pouvant être mises à exécution par un groupe de terroristes internationaux bien organisés. Et quoi qu'on dise, nous n'avons pas la preuve que Saddam Hussein est personnellement impliqué dans ce mouvement ou ces attaques.
Tout ceci me ramène à l'argument que j'ai défendu devant M. Day. Si nous devons aller de l'avant, il faudra le faire par l'intermédiaire des Nations Unies. Le renforcement des Nations Unies nous permettra de maîtriser la situation et de porter notre attention, comme vous l'avez justement signalé, sur la guerre contre le terrorisme, qui exige évidemment que l'on déploie des efforts considérables dans de nombreux pays. Il est peu probable que nous attaquions l'Arabie saoudite, c'est pourquoi il serait préférable de travailler avec le régime en place pour changer les choses de l'intérieur afin de corriger ces problèmes très sérieux que je viens de vous exposer.
¿ (0920)
[Français]
Le président: Madame Lalonde, s'il vous plaît.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci, monsieur le ministre, d'être ici ce matin. Merci aussi de la lettre que vous nous avez envoyée après le débat que nous avons eu à la Chambre des communes.
J'ai lu cette lettre avec beaucoup de [Note de la rédaction: difficultés techniques] que le Canada, sous votre plume, se rangeait du côté de ceux qui, au Conseil de sécurité, ou aux Nations Unies de façon plus large, souhaitent une seule résolution forte. Or [Note de la rédaction: difficultés techniques] celle de l'administration américaine, de la Grande-Bretagne et de, selon les nouvelles que j'ai obtenues, quatre autres pays. Les autres membres du Conseil de sécurité, sous la direction de la France et de la Russie et, dans un rôle moins actif, de la Chine, sont appuyés par le Mexique, qui est notre partenaire de l'ALENA et qui a pris la chance, lui, de dire qu'il faut qu'il y ait deux résolutions, dont la première serait renforcée pour s'assurer que les inspecteurs puissent exercer mieux leur mandat. On pourrait revenir là-dessus parce qu'il y avait eu une entente sous l'égide de Kofi Annan et que les inspecteurs pourraient être là maintenant s'il n'y avait pas eu objection de la part des États-Unis.
Donc, il y a deux camps, et le Canada, au lieu d'être dans le camp de ceux qui veulent réserver la décision d'une éventuelle guerre ou d'un éventuel conflit au Conseil de sécurité, appuie [Note de la rédaction: difficultés techniques] une résolution qui puisse être un déclencheur.
Je trouve cela profondément triste parce que ce n'est pas ce qu'aurait appelé l'histoire du Canada ni même les déclarations premières qu'on a entendues de votre part sur l'importance du Conseil de sécurité.
Ce débat est suivi par beaucoup de monde. Il y a des éléments positifs en ce moment parce que les États-Unis, d'après ce que j'ai vu dans la presse internationale hier et aujourd'hui, acceptent désormais qu'il y ait deux étapes. Donc, ils vont plus loin que le Canada, d'après ce que j'entends, et les États-Unis et la France se disputent pour savoir... Évidemment, tout cela se fait de façon voilée, mais tout le monde le sait: la France veut que le débat se fasse au Conseil de sécurité pour savoir si et comment on ira en Irak si c'est nécessaire, bien sûr, et les États-Unis semblent vouloir se réserver la décision de le faire.
Alors, ma question, monsieur le ministre, est la suivante. Pourquoi n'êtes-vous pas du côté de ceux qui veulent préserver le rôle du Conseil de sécurité dans la décision d'une attaque contre l'Irak qui aura des conséquences extrêmement importantes?
Deuxièmement, pourquoi ne voulez-vous pas préserver cet instrument, pour lequel vous avez parlé si souvent et si longtemps, du Conseil de sécurité de l'ONU, qui doit demeurer, justement, dans l'instabilité mondiale que nous connaissons, un lieu où on peut dire qu'il y a une certaine équité, une certaine justice pour tous les peuples.
¿ (0925)
M. Bill Graham: Peut-être que nous devrions quand même, madame Lalonde, mettre toute cette situation dans son contexte. J'ai toujours dit que nous ne sommes pas membre du Conseil de sécurité, donc, ce n'est pas nous qui négocions pour le moment. Il appartient aux autres de négocier la proposition. C'est à nous de tracer les grandes lignes. Je n'ai jamais dit, par exemple, qu'une résolution devrait contenir tel ou tel déclencheur, pour reprendre vos propos. J'ai toujours essayé de dire que ce dont nous avons besoin, c'est d'une résolution claire: claire quant à ses conséquences et claire quant aux conditions des inspections, qui sont, tout le monde accepte cela, nécessaires.
Pour revenir à ma réponse et pour répondre à M. Day, je crois que c'est là la meilleure façon d'éviter la guerre au Moyen-Orient, précisément parce que nous connaissons l'histoire de M. Saddam Hussein. Il a démontré par le passé, lors des anciennes inspections, qu'il est capable de jouer un jeu de tractations et de créer des difficultés: on ne peut pas inspecter ceci, on ne peut pas inspecter cela. On a eu cette histoire. Donc, comme je l'ai toujours dit, il ne faut pas être naïf quand même; il faut être ferme. Il faut être ferme dans le cadre du Conseil de sécurité et la fermeté, à mon avis, a deux conséquences importantes. La première conséquence, c'est que cela envoie un signal à Saddam Hussein, tel celui auquel M. Day et d'autres veulent absolument que je me rallie aussi, qu'il n'a pas la possibilité cette fois-ci de jouer un jeu, qu'il nous faut des inspecteurs, des inspections complètes et efficaces. D'ailleurs M. Blix, qui a énormément d'expérience dans ce domaine, s'est rallié à cette position l'autre jour. Il a dit qu'il nous faut cela.
Deuxièmement, pour donner un signal à Saddam Hussein, évidemment, il faut qu'il y ait des conséquences. Évidemment, quant aux conditions exactes qui seront contenues dans la première partie de la résolution et dans la deuxième partie de la résolution, nous ne sommes pas en position de le savoir parce que les négociations se font entre les États-Unis, la France et les autres membres du Conseil de sécurité.
Mais aussi, madame Lalonde, je vous dis que le deuxième avantage d'une telle résolution--et je réponds à votre deuxième question--, c'est la meilleure garantie de garder les États-Unis dans le système des Nations Unies et de ne pas sortir du système. C'est aussi pour cela que nous devrions avoir une telle résolution. C'est pour cela que j'appuie M. Colin Powell dans ses activités, car il y a un aspect de la politique intérieure américaine domestique très compliqué, comme dans tout système interne compliqué, et j'appuie les efforts de M. Powell pour retenir cela dans le système des Nations Unies. Il l'a fait jusqu'à maintenant et je crois que nous devrions l'appuyer dans cette démarche.
¿ (0930)
Le président: Madame Lalonde, vous pouvez poser une petite question.
Mme Francine Lalonde: Merci.
Je vais commencer par un commentaire. Monsieur le ministre, vous sembliez dire que ceux qui maintiennent qu'il faut que le Conseil de sécurité soit celui qui se prononce sur une attaque contre l'Irak, si besoin est, n'étaient pas, eux, en train de transmettre un message fort. Vous m'étonnez parce que, en fait, ils sont en train de transmettre un message fort, mais pas seulement à Saddam Hussein. Ils sont en train de transmettre un message fort aussi pour dire que c'est le Conseil de sécurité des Nations Unies qui va prendre la décision et pas seulement la puissance hégémonique mondiale. Je comprends votre souci d'un côté, mais de l'autre, le signal qu'il faut envoyer aussi à tout le monde, c'est qu'il y a une instance qui tient compte de l'ensemble des intérêts.
Alors, ma question est celle-ci: pourquoi avez-vous changé d'idée?
M. Bill Graham: Je n'ai pas changé d'idée, j'ai toujours été consistant. Ce que je dis, c'est qu'il nous faut une résolution forte pour soutenir les États-Unis dans leurs efforts afin d'amener cela devant les Nations Unies. M. Bush est venu devant les Nations Unies en disant qu'ils allaient passer par les Nations Unies. Donc, restons avec les Nations Unies, restons avec le Conseil de sécurité. Donnons la chance au Conseil de sécurité d'envoyer un message clair et ferme à Saddam Hussein qu'il n'a pas la possibilité de jouer un jeu. C'est la meilleure façon d'éviter la guerre, dans ces circonstances.
Cela dit, évidemment, je reviens où j'en étais au début de mon discours, au début de mon commentaire à votre intention, madame Lalonde. C'est pour cette raison que j'ai évité de répondre directement à la question de M. Day, car il est très difficile de spéculer sans avoir une résolution ferme devant nous. Nous sommes des diplomates, nous sommes des politiciens. Vous le savez aussi bien que moi: vous pouvez vous rallier à une résolution à la Chambre sur certains principes, alors que, pour plusieurs raisons, vous rejetterez une autre résolution sur ces mêmes principes, mais avec un autre langage.
Nous sommes des hommes et des femmes politiques. Il faut que nous connaissions les termes précis de la résolution, que nous connaissions la situation, les faits. Il faut que nous sachions quel a été le vote aux Nations Unies avant de décider de l'action à prendre. C'est pour cela que je crois qu'il est nettement préférable d'avoir une situation claire d'emblée avec des principes clairs, des principes que l'Irak peut respecter énoncés dans la résolution et qui ne contiennent pas des déclencheurs, ce qu'on appelle des hidden triggers dans notre langage, avec en plus, à la fin, des conséquences bien établies.
Je n'accepte pas que vous disiez que j'ai changé d'avis. Je crois que le Canada, depuis que le premier ministre a parlé à M. Bush à Detroit, a toujours eu exactement la même ligne de conduite et je crois que nous avons eu, avec nos collègues d'autres pays, une certaine influence sur la politique extérieure américaine pour garder cela aux Nations Unies, et nous continuerons de suivre cette politique.
¿ (0935)
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Madame Marleau, s'il vous plaît.
[Traduction]
Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Je crois que la plupart des Canadiens approuvent le fait que nous passions par le système des Nations Unies. C'est extrêmement important.
J'ai une autre question. J'aimerais que vous nous donniez votre opinion au sujet de la situation qui prévaut dernièrement dans les pays voisins de l'Irak; je veux parler de ceux qui ont été en guerre contre lui ou qui ont subi ses assauts par le passé. Quel est leur sentiment face à la situation actuelle? Appuient-ils une résolution musclée? S'entendent-ils sur les mesures à prendre?
Dans beaucoup de ces pays, même si les gouvernements semblent d'accord, parfois, la population ne suit pas nécessairement. Selon moi, si ces pays, qui sont les plus à risque, ne sont pas absolument convaincus de la nécessité de prendre des mesures énergiques contre l'Irak, alors pourquoi les Américains, qui se trouvent à 7 000 kilomètres de là, tiennent-ils des discours de plus en plus menaçants?
Cela me préoccupe beaucoup car je crois vraiment que cela nous détourne de la question du terrorisme. Il y a toutes sortes de terroristes et ils n'ont pas besoin d'armes de destruction massive pour agir. Nous en avons eu la preuve récemment.
La crise au Moyen-Orient et ce qui se passe dans les pays limitrophes de l'Irak me préoccupe au plus haut point. C'est la raison pour laquelle j'aimerais que vous nous donniez un bref aperçu de la situation dans cette région. Je suis au courant de certaines des prises de position, mais j'aimerais connaître les plus récentes vues sur la question.
Le président: Monsieur le ministre.
M. Bill Graham: Vous posez là une question très pertinente, madame Marleau. Bien sûr, comme je l'ai dit précédemment, nous devons avoir une vision globale de la situation si nous voulons résoudre le problème. Il est inévitable que dans une région aussi complexe que le Moyen-Orient, cela soit très délicat. Je ne prétends pas—et je pense que M. Sinclair et les experts qui se trouvent derrière moi seront d'accord—pouvoir prédire exactement la politique intérieure de chacun des pays visés. Il se peut même que j'en laisse un ou deux de côté.
Mais de manière générale, permettez-moi de vous dire que j'ai eu des discussions franches et ouvertes avec nos homologues en Israël, le pays qui est évidemment le premier sur la ligne de feu en cas d'attaque de l'Irak. La dernière fois que je me suis entretenu de cette question avec le ministre des Affaires étrangères—malheureusement, comme vous le savez, il a démissionné ce matin, je crois—, il a déclaré qu'ils devaient prendre des mesures défensives et être prêts à se protéger au cas où quelque chose se produirait. Il est clair que les Israéliens aimeraient ne pas avoir Saddam Hussein comme voisin. Il s'est montré instable et les a déjà menacés. Même si Israël ne joue pas un rôle actif dans cette affaire, il appuie généralement toute mesure très sage des États-Unis visant à mettre un terme à la crise.
Cela nous amène à parler des pays arabes de la région. Il est clair que certains de ces pays établissent un lien entre la résolution du problème avec l'Irak et la fin du conflit entre Israéliens et Palestiniens. Ce ne sont pas tant les gouvernements qui pensent ainsi, mais plutôt les populations de la région. Il est difficile de prévoir avec exactitude quelles seraient les conséquences, mais nous pouvons observer l'évolution de la conduite des États arabes depuis que cette question a été portée à l'attention des Nations Unies. À l'occasion d'un déjeuner, j'ai beaucoup parlé avec le directeur général de la Ligue arabe, l'ancien ministre des Affaires étrangères égyptien auprès de l'ONU, à côté duquel j'étais assis. La Ligue arabe a pris fermement position en faveur de l'élaboration d'une résolution claire et déterminée à l'endroit de l'Irak. La Ligue arabe s'est montrée très dure à l'égard du ministre irakien des Affaires étrangères présent à cette réunion de l'ONU. Elle a dit que Kofi Annan avait pris des risques; la situation doit demeurer sous le contrôle des Nations Unies. La balle est maintenant dans le camp de l'Irak dont on attend qu'il autorise le retour des inspecteurs.
Je pense donc qu'il est juste de dire que la majorité des pays de la région, en dépit de leurs hésitations et quel que soit le degré de complexité de la situation politique, veulent vigoureusement que l'Irak se conforme aux résolutions, qu'il laisse entrer les inspecteurs et qu'il prouve enfin qu'il ne possède pas d'armes de destruction massive. D'une certaine manière, je crois que les pays de la région, et peut-être même l'opinion publique américaine, considèrent que si les inspecteurs révèlent qu'existaient des armes de destruction massive, mais qu'elles ont été détruites, ce simple processus créerait, à défaut d'un changement de régime en Irak, une dynamique nouvelle tellement différente que Saddam Hussein ne constituerait plus jamais une menace pour la région. Cela pourrait peut-être nous permettre de corriger certains autres problèmes que connaît l'Irak, comme la crise humanitaire et d'autres terribles difficultés qui constituent une menace potentielle pour la stabilité future de la région.
Je ne pense pas avoir le temps de parler de la situation en Égypte, en Syrie, au Liban, etc., mais j'aimerais dire que les représentants de la Ligue arabe et de la plupart de ses pays membres avec qui je me suis entretenu personnellement, comme mes homologues jordanien et égyptien, voudraient... Et je sais que le premier ministre a eu l'occasion de s'entretenir avec nombre d'entre eux lors du Sommet de la francophonie. Il a d'ailleurs saisi l'opportunité qui lui était donnée pour rappeler qu'il ne fallait pas attaquer Israël et que c'était le moment pour les pays de la Francophonie d'amener la paix dans cette région, sans désigner de responsable. Je pense qu'il a joué un rôle très responsable à cet égard.
¿ (0940)
Je pense qu'en ce faisant et en restant dans le cadre des Nations Unies, les pays arabes demeureront à nos côtés dans cette lutte contre Saddam Hussein. Je crois que tout le monde a adopté des politiques très responsables en la matière.
Le président: Madame Marleau.
Mme Diane Marleau: Je suis d'accord avec vous. Je suis simplement très préoccupée par le durcissement du ton que l'on peut observer un peu partout.
Il est clair que tout le monde appuie le retour des inspecteurs. Manifestement, plus tôt ils rentreront dans le pays, mieux ce sera pour nous tous, et je sais que la Ligue arabe serait d'accord. Mais je me demande si nous pouvons prévoir ce qui se passerait après. Il ne nous reste plus qu'à faire pression pour avoir la meilleure résolution qui soit, le plus rapidement possible.
M. Bill Graham: Certains parlent d'un durcissement du ton, mais je pense que si vous vous référez au discours du Président Bush devant les Nations Unies et au travail réalisé par le secrétaire d'État Powell, vous verrez que toutes les parties ont adopté une attitude hautement responsable. Les divergences portent sur l'imminence de la menace. Lorsque M. Blair a défendu son point de vue devant la Chambre des communes, il a justifié la nécessité d'entreprendre une action immédiate. D'autres pays—comme la France—ont dit qu'il fallait au contraire avoir des preuves avant d'agir.
Ainsi, nous pouvons avoir des opinions divergentes sur le caractère imminent de la menace, en fonction des renseignements dont nous disposons. Toutefois, je pense que globalement, le monde est d'accord avec les États-Unis pour reconnaître que Saddam Hussein constitue une menace, qu'il est dangereux, qu'il s'est opposé à l'entrée d'inspecteurs en armement par le passé, et que la façon de sortir de l'impasse est de garantir le retour de ces inspecteurs en Irak. Cela a été l'un des grands axes de la politique américaine, et je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles les Canadiens l'appuient autant.
Le président: Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais dire que nous sommes évidemment tous très inquiets de la menace que représente Saddam Hussein, et que nous croyons sans exception qu'il est un despote méprisable.
Je crois qu'il est absolument clair et que nous sommes probablement unanimes pour dire que l'objectif consiste à débarrasser l'Irak de toute arme de destruction massive.
Je tiens à vous dire combien j'ai apprécié votre insistance sur le renforcement des Nations Unies et sur une plus grande cohésion au sein de la communauté internationale. Je pense que vous avez été clair sur ce point et, le 1er octobre dernier, à l'occasion du débat sur cette question, vous avez défendu des arguments très clairs et très solides, chaudement applaudis par la communauté internationale.
Par contre, à propos du changement de régime, je regrette de dire que vos commentaires m'ont paru quelque peu confus, pour des raisons de complexité tout à fait évidentes. À l'occasion du débat qui s'est tenu le 1er octobre dernier, vous avez dit que ceux qui réclament un changement de régime considéraient que la seule façon d'y arriver était de débarrasser le monde et l'Iraq des armes de destruction massive. Vous avez ajouté que si l'Irak refusait de coopérer, il devrait en subir les conséquences.
À mon avis, la difficulté pour le Canada, et aussi pour les Nations Unies et le reste du monde, c'est que nous savons que même si les États-Unis tentent d'assouplir la position très ferme qu'ils ont adoptée—en étant les auteurs et les architectes d'un changement de régime—, dans le but de convaincre les membres du conseil de sécurité de les appuyer, le fait est qu'ils ont associé leur position face à l'Irak et aux inspecteurs en armement à la notion de changement de régime.
C'est la raison pour laquelle j'aimerais analyser un peu plus en détail le rôle que joue, que pourrait ou que devrait jouer le Canada pour envoyer un signe très clair à nos plus proches voisins et alliés, en leur signifiant que nous ne nous associerons d'aucune façon, ni ne serons favorables à ce que les États-Unis agissent comme un tyran, à l'échelle internationale, pour renverser un régime, et qu'ils utilisent comme prétexte les inspections en armement pour mener à bien leur projet.
Encore hier, il a été clairement dit dans les nouvelles que l'administration américaine avait constamment menacé d'agir de manière unilatérale, pour exercer des pressions et tenter de rallier à sa cause d'autres pays membres du Conseil de sécurité. Lorsque nous nous sommes rencontrés, le 16 septembre, nous étions très intéressés par le fait que le Canada étende son rôle de diplomate et d'intermédiaire international pour essayer d'éviter une guerre en Irak et garantir que l'impensable n'arriverait pas. D'ailleurs, les États-Unis ont de nouveau été pris à partie—et je m'en réjouis—par la majorité des membres du Conseil de sécurité qui continuent de s'opposer à toute résolution permettant à Washington de se lancer dans une guerre contre Bagdad.
Je pense que nous avons besoin que notre ministre des Affaires étrangères nous dise qu'il fait tout les efforts possibles pour dire clairement aux Américains que nous n'approuvons pas ces manoeuvres d'intimidation utilisées simplement pour tenter de rallier le monde à une cause inacceptable. Je pense que c'est à chaque pays que revient, par les moyens qu'il juge opportuns, de renverser le régime qui le gouverne et le despote au pouvoir. Cela ne fait aucun doute.
J'aimerais ajouter une brève question qui me semble très liée à tout le reste. Je ne veux pas me lancer dans une discussion sur les pratiques totalement inacceptables des Américains qui harcellent des citoyens canadiens d'origine étrangère.
¿ (0945)
Vous connaissez le traitement horrible qu'a subi Mehar Arar, un citoyen canadien d'origine syrienne, déporté illégalement vers la Syrie par les États-Unis, après avoir été interrogé et détenu. Il était vraiment important que le Canada agisse sans tarder et manifeste de manière claire et sans équivoque que ces méthodes sont inacceptables. J'ai entendu dire que vous aviez déposé une plainte officielle, et je pense que nous devrions en profiter pour dire aux États-Unis que quoi qu'il arrive, nous ne céderons jamais à l'intimidation, sous toutes ses formes.
J'aimerais également vous demander si vous présenterez devant ce comité la plainte formelle que vous avez déposée aux États-Unis, parce que je pense que les gens aimeraient savoir et voir que le Canada affirme ses convictions de la manière la plus vigoureuse qui soit pour que nos plus proches voisins comprennent que le chantage ne marche pas avec leurs alliés. C'est le genre de tactique qui ne prendrait même pas avec les adversaires.
¿ (0950)
[Français]
Le président: Merci, madame McDonough.
Monsieur le ministre.
[Traduction]
M. Bill Graham: Madame McDonough, je ne dirais pas que les Américains agissent comme des tyrans. Il faut reconnaître le rôle que jouent actuellement les États-Unis et le fait qu'ils sont une hyper-puissance, pour reprendre un terme utilisé par les Français.
Ce pays est investi de responsabilités particulières et d'énormes pouvoirs. En fait, il jouit d'un pouvoir total et incontesté sur le plan militaire aujourd'hui, ce qui est indispensable pour trouver des solutions à n'importe quel conflit dans le monde. C'est un sujet que j'ai abordé avec mes collègues chinois et mes homologues d'autres pays. Lorsqu'il s'agit d'examiner notre politique étrangère et ce que nous devrions faire, je m'attends à ce que ce comité réfléchisse sur la question et conseille le gouvernement. Après tout, les États-Unis sont nos plus proches voisins, nos plus proches alliés et le pays avec lequel nous entretenons les meilleures relations.
Comment gérons-nous cette relation étant donné la nouvelle réalité imposée par la place qu'occupent les États-Unis dans le monde? Je pense que c'est une question à laquelle doivent sérieusement réfléchir les Canadiens, et en aucune circonstances je vous conseillerais de l'esquiver.
Toutefois, je n'irais pas jusqu'à qualifier la position des États-Unis face à l'Iraq d'intimidatrice dans les circonstances. Nous savons tous, et nous l'avons toujours su, que pour être efficaces, les efforts diplomatiques doivent être assortis de menaces potentielles. Frédéric le Grand disait que la diplomatie sans armement, c'est comme un orchestre sans instrument. Il n'est pas nécessaire d'être aussi cynique, mais il faut convenir que dans l'histoire des relations entre États, le recours à la force a constitué l'étape ultime en cas d'échec de la diplomatie.
Ce que nous souhaiterions obtenir, par l'intermédiaire des Nations Unies, bien sûr, c'est que si on doit faire usage de la force, comme l'a dit Kofi Annan, il faut que l'intervention soit légitimée par les Nations Unies. Cela revient à dire que lorsqu'il faut recourir à la force, nous devons nous y résoudre et reconnaître qu'il y a des moments, dans la vie des nations, où il faut répondre par la force à certaines menaces.
Ainsi, les États-Unis ont évoqué cette possibilité, mais je dois dire que dans leurs actions, et particulièrement dans la façon dont le secrétaire Powell conduit la politique étrangère, ce pays a fait preuve d'une très grande prudence dans les négociations aux Nations Unies et dans le traitement des puissances étrangères. Je pense qu'il a exercé l'énorme pouvoir dont il dispose avec énormément de retenue.
Cela me ramène à la raison pour laquelle je maintiens notre position consistant à encourager les États-Unis à travailler au sein des Nations Unies. Je pense qu'il est important qu'ils demeurent engagés au sein des Nations Unies et qu'ils continuent d'en faire partie. Mais ça c'est la deuxième partie de notre politique. La première partie consiste à contraindre l'Irak et à s'assurer qu'il... après tout, il faut revenir à...nous ne pouvons faire dévier ce débat...
L'Irak est responsable de la situation dans laquelle il se trouve aujourd'hui. C'est lui qui a refusé le retour des inspecteurs et les modalités d'inspection. On ne peut pas tout à coup dire que la faute revient aux États-Unis. C'est l'Irak qui a amorcé le problème. Nous devons garder cela à l'esprit et nous demander comment procéder. Nous avons dit que nous agirions par l'intermédiaire des Nations Unies. Qu'avons-nous fait? Le premier ministre s'est exprimé clairement devant le président Bush, à Détroit, en disant que nous n'approuverions pas d'action unilatérale des États-Unis, même si ces derniers étaient appuyés par les Britanniques. Nous refusons de le faire. Nous insistons pour travailler dans le cadre des Nations Unies.
Ainsi, lorsque je dis que les gens ont peut-être raison d'annoncer qu'il y aura un changement de régime en Irak, je veux dire que si l'Irak refuse le retour des inspecteurs et que les Nations Unies s'entendent pour mener une action contre ce pays, j'imagine que l'issue sera un renversement de régime en Irak, comme l'auront permis les Nations Unies. Par contre, si l'Irak accepte de laisser entrer les inspecteurs sur son territoire, je ne pense pas qu'il y aura de changement de régime. C'est ce qu'a affirmé Colin Powell la fin de semaine dernière.
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est extrêmement important de demeurer ferme et d'appuyer vigoureusement les États-Unis dans leurs actions, par l'intermédiaire des Nations Unies. Je trouve que les Américains se sont montrés très responsables.
J'aimerais revenir sur vos commentaires à propos des Canadiens...
¿ (0955)
Le président : Soyez bref, s'il-vous-plaît.
M. Bill Graham: Je répète que nous sommes politiciens. Je crois que nous devons aussi tenir compte de la complexité du monde d'aujourd'hui. Bien des gens possèdent plus d'une nationalité. J'ai vivement protesté. J'ai eu l'occasion de déjeuner avec l'ambassadeur, et, lors de cette rencontre, j'ai abordé le cas de M. Arar.
Mme Alexa McDonough: Avez-vous déposé une protestation officielle au nom du Canada?
M. Bill Graham: Je me rappelle qu'il avait été signalé qu'un représentant du ministère avait déposé...
Mme Alexa McDonough: Mais il n'y a pas eu...
M. Bill Graham: J'ai me suis entretenu avec l'ambassadeur. Notre protestation a été déposée. Mais je tiens à expliquer qu'il y a des circonstances dans ce cas-ci différentes de celles concernant d'autres cas de personnes qui sont citoyens canadiens d'origine étrangère. M. Arar possède deux nationalités. Il a conservé sa citoyenneté syrienne.
Les autorités américaines nous ont affirmé qu'elles avaient agit en toute légalité selon leur système. Il était légal pour elles de renvoyer M. Arar en Syrie, car il détient la citoyenneté syrienne. La loi américaine sur l'immigration les autorisait à le renvoyer dans l'un ou l'autre des deux pays dont il est citoyen. C'est...
Mme Alexa McDonough: M. Graham, vous avez dit que nous avons déposé une protestation officielle. Cela a-t-il été fait de façon officielle, et la protestation sera-t-elle déposée auprès du comité des affaires étrangères?
M. Bill Graham: Il s'agit de protestations orales qui ont été effectuées par l'entremise des ambassadeurs. Je ne rédige pas nécessairement toujours des lettres. Je peux vous assurer que j'ai parlé du cas à l'ambassadeur, vous l'avez constaté dans la presse. Nous nous sommes également adressés aux autorités américaines par l'entremise d'un porte-parole du ministère.
Je tiens à vous dire que l'ambassadeur américain m'a informé que l'homme est citoyen de la Syrie et que les autorités américaines ont agit conformément à la loi américaine. C'est ce qu'il m'a affirmé. C'est la position des États-Unis.
Le président: M. Graham, nous allons maintenant passer à M. Assadourian si vous le voulez bien.
Vous disposez de cinq minutes M. Assadourian.
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre.
La dernière rencontre avec votre bureau remonte au 21 septembre. J'avais interrogé M. Sinclair à propos de la situation en Tchétchénie et en Irak, et il m'avait répondu que nous devrions nous concentrer sur l'Irak seulement. Nous savons tous que des terroristes tchétchènes ont pris en otage 800 personnes à Moscou et qu'un grand nombre d'entre elles ont été assassinées.
Ma question aujourd'hui, monsieur le ministre, porte sur la situation qui prévaut dans ce pays. Comme je l'ai dit dans les journaux et en entrevue, je me sens comme un citoyen de deuxième classe. Je n'ai pas l'impression que la Charte de droits me protège du gouvernement américain.
Comme vous pouvez le remarquer, je suis la seule personne dans cette salle qui est née en Syrie. Quand je traverse la frontière, on prend mes empreintes digitales, contrairement à vous. Ma situation est très particulière en tant que citoyen canadien. Pourquoi est-ce ainsi?
Monsieur le ministre, j'ai en main deux lettres. L'une provient de Magnum Integrated Technologies, Inc., une entreprise située dans la circonscription que je représente, celle de Brampton-Centre. Andre Nazarian a tenté d'aller aux États-Unis. Il possède des usines à Brampton, à Philadelphie, au Connecticut et en Hollande. Il a été arrêté à la frontière, où il est resté bloqué pendant environ trois heures parce qu'on voulait prendre ses empreintes digitales et l'interroger. Il a refusé qu'on prenne ses empreintes et qu'on le photographie. Il a donc quitté les États-Unis pour revenir ici.
Ce matin, j'ai reçu un message de Farsad Kiani, le président et directeur général de Ensil International. Cette entreprise, qui emploie 850 travailleurs, a comme principal client le département américain de la Défense. M. Kiani est membre de la Société de Saint-Vincent de Paul de Miami et il a aidé à amasser des millions de dollars pour cet organisme de charité. Il est aussi directeur du fonds du Parti progressiste-conservateur du Canada. Il m'a demandé de soulever le problème et de vous poser des questions.
Je voudrais vous remettre, monsieur le ministre, les deux documents.
En outre, dans son message, M. Kiani signale le fait que des membres du Congrès américain lui ont demandé d'assumer la présidence du Parti républicain du Connecticut. Il a refusé parce qu'il est citoyen canadien.
À (1000)
M. Stockwell Day: Monsieur le président, les sujets que soulève le député sont pertinents, mais nous avions assumé que nous allions parler de l'Irak. C'est ce qu'on nous a fait savoir. C'est pourquoi nos questions portent uniquement là-dessus. Le député présente de bons sujets, mais nous voulons des éclaircissements sur la question de l'Irak afin de pouvoir élargir la discussion.
Le président: La discussion doit porter sur la situation en Irak.
Allez-y, monsieur Assadourian.
M. Sarkis Assadourian: Il sera heureux de savoir que je vais passer à ce sujet maintenant.
Le président: C'est ce que je voudrais que vous fassiez.
M. Stockwell Day: C'est bien. J'attends impatiemment.
M. Sarkis Assadourian: M. Kiani a reçu une lettre datée du 1eroctobre de la part du département américain de la Justice en réponse à la plainte qu'il avait adressée. Le 18 octobre, il a reçu une autre réponse. Je laisse ces deux lettres à vous, monsieur le ministre, ainsi qu'au président, car je veux les déposer auprès au comité.
Le président: Pouvez-vous poser votre question maintenant?
M. Sarkis Assadourian: Comme vous le savez, nous avons discuté plus tôt des façons d'appuyer la politique américaine concernant l'Irak et le Moyen-Orient. J'estime que je ne devrais pas appuyer cette politique, surtout après ce qui s'est produit depuis le 12 septembre dernier, car si je suis un citoyen de deuxième classe, je ne devrais pas offrir un soutien de première classe à une telle politique, à moins que vous soyez disposé, monsieur le ministre, à envisager les deux options suivantes.
Premièrement, prenez au moins les empreintes digitales de tous les criminels qui arrivent ici en provenance des États-Unis et qui ont été accusés, trouvés coupables et punis. S'ils viennent ici, nous prendrons leurs empreintes, du moins pour notre propre protection.
Je n'ai jamais commis de crime. Je ne sais pas pourquoi on doit prendre mes empreintes. Nous ne devrions pas donner aux criminels--notre Parti réformiste utilise le terme récidivistes--l'occasion de répéter leur crime au Canada.
Deuxièmement, pourquoi les États-Unis ciblent-ils cinq pays seulement? Nous savons tous que c'est parce que les terroristes qui ont perpétré les attentats du 11 septembre étaient pour la plupart originaires d'Arabie saoudite, un était libanais et deux étaient égyptiens je pense. Je crois savoir que la Syrie ne figure pas sur la liste des pays constituant l'axe du mal, comme la Corée du Nord. Pourquoi les habitants de ces cinq pays sont-ils visés sans aucune raison?
Pourquoi, monsieur le ministre, appuierais-je une politique américaine qui ne respecte pas mes droits en tant que citoyen du Canada, pays que j'ai choisi?
[Français]
Le président: Merci, monsieur Assadourian.
Monsieur le ministre, vous comprendrez que le temps alloué à M. Assadourian est pratiquement écoulé. Vous pouvez répondre, mais surtout sur la situation de l'Irak.
[Traduction]
M. Bill Graham: I will be faily brief Mr. Chair.
Monsieur Assadourian, permettez-moi premièrement de vous dire que vous n'êtes pas un citoyen de deuxième classe. Vous êtes citoyen du Canada et vous détenez tous les droits que vous confère cette citoyenneté.
Nous ne possédons pas le pouvoir de dicter aux autres pays comment traiter leurs habitants. Nous discutons des droits de la personne avec d'autres pays, mais il demeure que pendant de nombreuses années, les personnes ayant une double nationalité, par exemple, ont éprouvé des problèmes en Hongrie ou dans d'autres régions d'Europe. Ceux qui connaissent l'histoire savent que nous avons toujours soulevé la question.
Je n'accepte pas que vous vous considériez comme un citoyen de deuxième classe. Je pense sincèrement que vous ne devriez pas laisser cet incident...à propos duquel, en passant, je me suis vivement indigné et dont j'ai fait part par écrit à Colin Powell. J'ai signalé aux autorités américaines que leur façon de faire va à l'encontre de la Charte canadienne, de nos valeurs et, selon moi, de leurs valeurs à eux en tant que société multiculturelle composée d'immigrants. Je pense que l'Amérique du Nord, les Nord-Américains et, au bout du compte, les États-Unis régleront le problème.
Néanmoins, cela dit, c'est de leur sécurité et de leurs mesures dont il s'agit et, bien que nous puissions leur dire que nous n'approuvons pas les mesures qu'ils ont prises, il nous est impossible de les obliger à prendre certaines mesures relatives à leur sécurité.
Je suis tout à fait contre la raison pour laquelle les mesures en question ont été prises. Je ne crois pas qu'on puisse cibler des personnes en particulier à cause de leur race, leur lieu de naissance. Je pense que seul le comportement d'une personne fait d'elle un criminel ou une personne ayant des intentions criminelles. C'est là le meilleur élément de la loi américaine, et je vais continuer de faire valoir ce point auprès des autorités américaines.
Par contre, je ne pense pas que cette question a une incidence sur notre soutien à l'égard de la politique concernant l'Irak. Cette politique est fondée sur le fait que l'Irak représente un problème. Les Nations Unies ont établi un processus visant à envoyer des inspecteurs en Irak. Nous croyons qu'il s'agit là de la meilleure façon de procéder. Nous appuyons la résolution des Nations Unies telle qu'elle a été présentée par les États-Unis en vue de traiter la situation. Nous aborderons les autres difficultés que nous éprouvons avec les États-Unis, que ce soit la question du bois d'oeuvre ou les nombreux autres conflits, d'une manière discrète et nous ne les laisserons pas influencer notre politique concernant ce dossier international très important et fondamental qui--
À (1005)
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer à M. Casey.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Merci.
L'Irak a affirmé qu'il permettrait dès maintenant aux inspecteurs des Nations Unies d'inspecter librement les palais, les résidences et les entreprises. Ce qui me frustres, c'est que les inspecteurs ne bougent pas. Je crois comprendre que l'objectif est de découvrir si l'Irak possède des armes de destruction massive, et il me semble que, pour le savoir au plus vite, il faut envoyer les inspecteurs.
Le Canada appuie-t-il l'inertie des inspecteurs ou souhaite-t-il qu'ils se rendent maintenant en Irak?
M. Bill Graham: Je ne crois que M. Blix se croise les bras. Il a indiqué qu'il devait obtenir une résolution des Nations Unies. Il a été très clair là-dessus l'autre jour quand il a parlé. Il a très bien expliqué la nécessité d'obtenir une résolution claire qui fait état des conséquences.
Je crois qu'il vaut la peine d'attendre une semaine ou dix jours pour obtenir une résolution claire du Conseil de sécurité qui servira de cadre pour les inspections, plutôt que d'aller de l'avant maintenant et devoir effectuer des changements une fois la résolution présentée. Selon moi, la politique actuelle constitue la meilleure façon d'assurer l'efficacité des inspections lorsqu'elles auront lieu. Vous vous souviendrez que, par le passé--et M. Blix parle par expérience sur ce sujet--un grand nombre de problèmes sont survenus dans le cadre des inspections. Nous ne voulons pas qu'ils se répètent. C'est pourquoi la résolution est importante.
M. Bill Casey: Pour l'instant, nous appuyons le principe de se croiser les bras.
M. Bill Graham: Si c'est comme ça que vous voulez qualifier l'attitude de M. Blix. Mais il a très clairement expliqué qu'il s'emploie à faire en sorte que les inspecteurs...
M. Bill Casey: [Note de la rédaction: inaudible]... maintenant, pratiquement.
M. Bill Graham: Honnêtement, je ne connais pas la réponse à cette question. Quand je lui ai parlé à New York lors de l'Assemblée générale, il m'a affirmé qu'il faudrait probablement deux mois pour mettre sur pied un système d'inspection efficace. Il est en train d'organiser ce système. Il ne se croise pas les bras. Les 300 inspecteurs des Nations Unies ne se sont pas tourné les pouces ces quatre dernières années. Ils travaillent partout sur la planète. Ils sont très compétents. Ils doivent être rapatriés par M. Blix d'une manière ordonnée, et c'est ce qui est en voie d'être effectué. Alors, je ne pense pas qu'il se croise les bras. Il s'affaire à mettre l'équipe sur pied, ce qui est un travail très sérieux. Il sera prêt à aller de l'avant quand l'ONU donnera l'autorisation, et l'opération sera très efficace.
M. Bill Casey: Si le Canada était accusé de détenir des armes de destruction massive, et que nous voulions nous défendre contre cette accusation, nous aurions droit de faire venir des inspecteurs internationaux crédibles qui ne proviendraient pas des Nations Unies. Si l'Irak compte sérieusement prouver qu'il ne possède pas d'armes de destruction massive et permettre l'accès complet à toutes les installations, il pourrait faire de même. Il pourrait inviter des inspecteurs internationaux crédibles pendant que les Nations Unies décident ce qu'elles feront. Convenez-vous que l'Irak a le droit de faire cela, et accepteriez-vous qu'il le fasse en attendant que les Nations Unies déterminent ce qu'elles feront?
M. Bill Graham: Je ne m'y opposerais certes pas. Je n'aurais aucune raison. Comme vous le dites, l'Irak est un État souverain. Il peut inviter des inspecteurs. Je crois qu'il faut être très prudent. Si je m'entretenais avec le ministre irakien des Affaires étrangères, je lui dirais de faire attention de ne pas avoir l'air de cacher quelque chose. Sinon, l'initiative aurait aucune crédibilité. L'idée peut paraître attrayante, mais, au bout du compte, la seule inspection que la communauté mondiale va accepter, c'est une inspection entièrement objective, tout à fait neutre et gérée totalement par les Nations Unies.
Pour revenir à ce sujet, je dirais que l'un des meilleurs éléments du système actuel et de l'équipe d'inspecteurs mis en place par un homme aussi compétent que M. Blix... La dernière fois, l'Irak avait prétendu, pour tenter d'empêcher les inspecteurs de faire leur travail, que ces derniers étaient des agents d'une puissance étrangère qui faisaient des choses qu'ils ne devaient pas. M. Blix a assuré à la communauté qu'il enverrait des personnes entièrement objectives et neutres. Personne ne pourra dire qu'ils sont là dans un autre but. Je crois que, dans de telles circonstances, l'intégrité des Nations Unies est très importante, et nous devons la soutenir.
À (1010)
M. Bill Casey: Je tiens à vous dire que je suis tout à fait d'accord avec vous, mais je suis préoccupé par le fait que les jours s'écoulent. Si des inspecteurs se rendaient là-bas, même si ce n'était que temporairement, et qu'on leur accordait le libre accès, l'Irak pourrait prouver au monde qu'il est sincère, qu'il s'ouvrira. Par la suite, quand elle sera prête, l'équipe d'inspecteurs des Nations Unies pourra aller y faire son travail. Je conviens que ce doit être les Nations Unies qui envoient des inspecteurs, mais si l'Irak est sérieux, il pourrait clairement montrer au monde entier qu'il sera ouvert et respectera les règles.
Ai-je encore un peu de temps?
Le président: Une autre question.
M. Bill Casey: J'aimerais vous poser directement cette question—que j'ai déjà posée plusieurs fois—: avez-vous des preuves tangibles, crédibles, qu'il y a effectivement des armes de destruction massive en Irak? L'information que j'ai, c'est que nous savons qu'il y en avait en 1991, les Britanniques disent qu'il y en a, les États-Unis disent qu'il y en a, et que nous avons des preuves circonstancielles, mais je vous demande, à vous, monsieur le ministre, avec tout le respect que je vous dois, si vous avez vu, de vos propres yeux, des preuves de la présence d'armes de destruction massive en Irak?
M. Bill Graham: Il est certain que je n'ai pas vu d'armes de destruction massive de mes propres yeux. La dernière fois que je suis allé à Bagdad, c'était en 1960, et cela pose un petit problème. La seule arme de destruction massive que j'avais, c'était ma carabine, et j'ai été arrêté pour cette raison. C'était il y a bien longtemps. J'étais jeune.
M. Bill Casey: Était-elle enregistrée?
M. Bill Graham: Non, elle n'était pas enregistrée et peut-être que je n'aurais pas dû me trouver là où j'étais, mais de toute façon, j'étais jeune, la vie était intéressante et nous étions nombreux à voyager dans le désert.
Avons-nous des rapports fiables? Oui. Comme je l'ai dit dans mes observations préliminaires, à leur départ d'Irak, les inspecteurs en désarmement avaient des informations fiables selon lesquelles il y avait encore des armes chimiques et biologiques en Irak.
M. Bill Casey: C'est la même réponse qu'on me donne toujours; je veux juste savoir si vous avez, vous-même, vu une preuve quelconque; je ne cherche pas à connaître l'opinion ou l'interprétation de quelqu'un d'autre.
Le président: La question est très claire.
M. Bill Graham: Je vous prierais de vous reporter au rapport de l'ONU de 1999; on y décrit en détail les armes qui restent. Lorsque j'ai rencontré le ministre des Affaires étrangères d'Irak, il était accompagné d'un général. Il a dit que la tâche du général était de faire la liste de toutes les armes et que l'Irak avait sa propre liste. Nous savons que l'Irak avait 12 missiles Scud et que ces missiles pourraient être porteurs d'armes chimiques ou biologiques. Le ministre des Affaires étrangères lui-même m'a dit qu'il y a un général dont le travail consiste à dresser la liste de tout cela, c'est donc qu'ils doivent bien établir la liste de quelque chose.
M. Bill Casey: Ça s'en vient, c'est bon.
M. Bill Graham: Bon?
Il y a également le discours de M. Blair et un tas d'autres éléments également. Nous prenons tout cela en considération, de même que des rapports de sécurité dont, pour des raisons évidentes, je ne peux parler. Nous vous ferons tenir copie de ce rapport.
Le président: Merci, messieurs Casey et Graham.
Monsieur Eggleton.
M. Art Eggleton (York-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis heureux de la mise au point faite par le ministre aujourd'hui. Étant donné que cette question pourrait avoir de graves conséquences pour la communauté internationale, je crois que le comité devrait se réunir de temps à autre pour parler de cette question et, nous l'espérons, pour que le ministre puisse l'informer de ce que fait le gouvernement dans ce dossier.
Vous savez, pendant un certain temps, on a bien cru que les États-Unis feraient cavalier seul. Évidemment, ils ont fait appel aux Britanniques, mais je crois que ce qui compte maintenant, c'est que la question repose maintenant entre les mains de la communauté internationale, par le biais du Conseil de sécurité des Nations Unies. Et je suis heureux que le ministre et le gouvernement prennent position dans cette affaire. Il faut que nous soyons des participants actifs dans une situation qui pourrait avoir de telles conséquence. S'il y a un conflit, on ne peut éliminer la possibilité d'une escalade ou d'une déstabilisation de la région tout entière. Alors, nous devons nous engager pleinement dans cette affaire, comme le ministre a affirmé l'être.
On ne peut sous-estimer l'importance d'une intervention du Conseil de sécurité des Nations Unies dans cette crise. À maintes reprises, l'ONU a failli à son mandat en n'intervenant pas dans des situations de génocide ou de nettoyage ethnique. Elle doit absolument intervenir dans ce cas particulier. C'est un cas différent, mais elle ne peut pas se permettre d'échouer une nouvelle fois. Un échec ici pourrait porter un coup mortel au Conseil de sécurité. Alors, il est important de continuer de travailler pour que cette question reste entre les mains de cette instance.
À mon avis, la véritable question ici, ce n'est pas de savoir comment cette situation est reliée au terrorisme international, comment elle est reliée aux attentats du 11 septembre ou de Bali. Que Saddam Hussein soit mêlé ou non à l'un ou l'autre de ces attentats n'a pas été démontré. Mais ce qui est clair, c'est qu'il se moque des résolutions des Nations Unies et que ce type d'action qui est maintenant...
Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
M. Art Eggleton: Je n'accepte pas cette remarque, mais de toute façon, on ne peut laisser cette situation perdurer.
Je voudrais poser deux questions au ministre. Nous espérons qu'il y aura une résolution à l'ONU qui ne sera pas bloquée au Conseil de sécurité par l'un des cinq membres ayant droit de veto. Nous espérons que cette résolution permettra de régler effectivement la situation. Mais je crois qu'il est vrai de dire que le diable se cache dans les détails. En fait, beaucoup reposera sur la possibilité, pour les inspecteurs, d'obtenir le type d'accès dont ils ont besoin pour faire leur travail. Nous savons que pendant de nombreuses années, Saddam Hussein a réussi à déjouer cette possibilité.
Comment se déroulent les discussions? Y a-t-il des indications que Saddam Hussein et son régime recourront aux mêmes tactiques qu'avant pour gêner ou empêcher l'accès aux lieux que les inspecteurs veulent visiter, ou y a-t-il de bonnes chances que, cette fois, les choses se déroulent bien? Le diable se cache dans les détails et je crois qu'il est important d'avoir la réponse à cette question.
L'autre question que je veux poser au ministre concerne la question du changement de régime. L'objectif des États-Unis, c'était de renverser le régime. Sont-ils maintenant prêts à renoncer à cet objectif? On peut présumer qu'une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies n'abordera pas la question du changement de régime. Je vous ai entendu dire il y a quelques instants que le changement de régime n'implique pas nécessairement le départ de Saddam Hussein. Je n'ai jamais cru que les Américains accepteraient un Saddam à saveur « légère » ou « douce ». Lorsqu'ils parlent d'un changement de régime, il est clair qu'ils veulent le voir partir. Alors, comment vont-ils concilier leur objectif, ou allons-nous assister à d'autres formes d'action unilatérale de la part des États-Unis visant à renverser le régime, alors que le reste de la communauté internationale parle du contrôle des armes?
À (1015)
[Français]
Le président: Merci, monsieur Eggleton.
Monsieur le ministre.
[Traduction]
M. Bill Graham: Merci beaucoup, monsieur Eggleton.
Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que le diable se cache dans les détails, et c'est pour cette raison qu'il est si difficile lorsque les gens disent: et s'il arrivait ceci et s'il arrivait cela? Comme je l'ai dit, nous sommes tous politiciens et nous savons très bien que souvent, il ne nous est pas possible de prendre position sur une question donnée tant et aussi longtemps que nous n'avons pas la proposition en question sous les yeux, pour savoir exactement quelles sont les circonstances, leur origine et ainsi de suite.
C'est pourquoi je pense que vos observations sont les mêmes que celles qui ont servi à façonner la politique actuelle du gouvernement, à savoir l'appui à une résolution ferme. Par exemple, M. Blix a salué la précision de la résolution avancées par les É.-U. et le R.-U. pour ce qui est des détails relatifs au déroulement de l'inspection, précisément parce qu'il veut un mandat solide, qui ressemble à ce que j'ai dit à M. Casey. Il est d'avis qu'un mandat ferme est le meilleur moyen dont nous disposons pour nous assurer que Saddam Hussein se conforme aux résolutions des Nations Unies et, ainsi, éviter la guerre.
Alors, je pense que nous allons dans la bonne direction. Évidemment, les discussions ne sont pas simples. Il y a différentes approches à cette question, qui ont été soulevées à la table—de toute évidence, les approches française et russe. Je vous dirai bien franchement que d'après une discussion que j'ai eue avec mon homologue russe à la réunion de la CEAP en fin de semaine dernière, je pense qu'il y a une sorte de crainte qu'une résolution forte finisse par donner aux États-Unis un prétexte pour intervenir. D'où leur réticence. D'autres disent que les États-Unis agissent de manière responsable que nous devons leur donner les outils pour leur permettre de faire le travail.
C'est la teneur des négociations qui se déroulent en ce moment et c'est la dynamique qui existe entre la France, la Russie et les États-Unis. Je crois que dans les 10 prochains jours, ils parviendront à s'entendre sur une résolution qui répondra aux exigences de M. Blix relativement à la clarté de la résolution et à l'indication des conséquences. Les conséquences ne doivent pas nécessairement être formulées en termes de réaction militaire immédiate ou quelque chose d'autre. Il y a encore une place pour que le Conseil de sécurité joue un rôle—et cela fait l'objet de discussions actuellement—et c'est pourquoi la négociation autour de ces résolutions est si délicate.
En ce qui a trait au changement de régime, je crois que vous avez tout à fait raison. Fondamentalement, vous me demandez de commenter les politiques internes des États-Unis. Il y a des voix là-bas qui s'élèvent pour affirmer avec conviction qu'il faut un changement de régime coûte que coûte. D'autres disent que si le système de l'ONU fonctionne et que nous sommes convaincus qu'il n'y a plus d'armes de destruction massive—c'est la violation qui a dénoncée, ce sont les résolutions que nous voulons faire respecter, c'est ce que M. Bush a dit lorsqu'il s'est présenté devant les Nations Unies—on ne peut, après avoir accompli tout cela, dire que, puisqu'on y est, aussi bien continuer et renverser le régime. Mais c'est là un débat qui aura lieu aux États-Unis.
Je crois sincèrement, comme je l'ai dit, que si nous pouvons obtenir un résolution qui est satisfaisante, que si nous pouvons amener les inspecteurs sur place pour qu'ils puissent faire leur travail, ce sera la fin de cette histoire. Les États-Unis aussi diront qu'ils ont d'autres chats à fouetter; il y a la Corée du Nord, la situation au Moyen-Orient, les nombreuses préoccupations intérieures; ils se diront que maintenant que l'Irak n'est plus une menace immédiate ni pour eux ni pour qui que ce soit d'autres, ils peuvent passer à autre chose.
Peut-être qu'ici je fais preuve d'espoir—je ne crois pas qu'il s'agisse de naïveté—, mais je crois sincèrement que si les inspecteurs peuvent se rendre sur place, cela entraînera un tel bouleversement en Irak qu'après cela, les choses vont changer dans ce pays. Cela va changer la façon dont Saddam Hussein est perçu, la façon dont fonctionne ce pays et je pense que cela, en soi, pourrait être très salutaire pour nous tous, car nous n'aurons pas à décider comment nous allons attaquer, puis ensuite, comment nous allons reconstruire l'Irak et comment nous allons gérer un pays aussi complexe que l'Irak, avec ses voisins très différents et tous les problèmes qu'il y a là-bas.
À (1020)
Le président: Merci.
Monsieur Obhrai.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Merci, monsieur.
Deux questions. Premièrement, j'aimerais revenir sur les propos de M. Assadourian concernant le fait d'être traité en citoyen de deuxième ordre, et à votre réponse selon laquelle il n'y a pas de citoyen de deuxième ordre au Canada. Je voudrais signaler que la mesure prise par votre ministère en émettant un avis a donné l'impression qu'il y avait effectivement des citoyens de deuxième ordre dans ce pays. Le gouvernement devrait travailler pour s'assurer que les Américains mettent fin à cette situation. Évidemment, vous avez dit avoir parlé à Colin Powel et tout cela, mais votre gouvernement ne devrait pas prendre de mesures qui donnent l'impression qu'il existe des citoyens de deuxième ordre dans ce pays, ce qui, à mon sens, est l'effet qu'a eu l'avis que vous avez émis. J'espère que dans l'avenir, votre gouvernement n'agira pas d'une manière qui donne une telle impression.
Sur la question de l'Iraq, allons un peu plus loin dans l'avenir. Qu'arrivera-t-il si les tergiversations du Conseil de sécurité se poursuivent—comme l'a signalé M. Eggleton, son dossier à cet égard n'est pas très reluisant—et qu'il n'y a pas de résolution? Vous avez dit que vous n'appuierez pas une action unilatérale; cependant, c'est une action qui sera entreprise par nos plus proches alliés, dont la Grande-Bretagne, etc. Quelle sera la réponse de votre gouvernement si le Conseil de sécurité échoue et si les États-Unis, et les alliés, comment dirais-je, partent en guerre contre l'Irak? Qu'allez-vous faire?
À (1025)
Le président: Monsieur Graham.
M. Bill Graham: Je dois d'abord parler de l'avis émis par le ministère. Je crois qu'il est important pour notre gouvernement d'informer les Canadiens des problèmes qu'ils pourraient rencontrer lorsqu'ils voyagent à l'étranger. Il ne s'agissait pas d'un avis pour dire de ne pas aller aux États-Unis; c'était un avis pour dire aux Canadiens que certaines choses pourraient arriver.
Je ne peux accepter, monsieur Obhrai, l'idée que nous aurions dû faire l'autruche et faire semblant qu'il ne se passait rien. J'ai fait des représentations auprès des autorités américaines au sujet de la situation, mais on ne peut tout simplement pas prétendre que ces choses n'arrivent pas. Je ne pense pas que cela aurait servi les intérêts des citoyens canadiens. Au contraire, je crois que cela aurait nui sérieusement à leurs intérêts. Les gens doivent savoir.
M. Deepak Obhrai: Non, non, vous pouvez le justifier, mais ça ne marche pas comme cela. Vous devez...
M. Bill Graham: Nous avons le devoir, mes collègues et moi, de dire à nos concitoyens, peu importe où ils se rendent, que ce soit en Russie ou n'importe où ailleurs, qu'il y a un problème dans ce pays et qu'il est préférable que vous le sachiez. Mais nous vivons dans une société libre et démocratique et les gens prendront une décision quant à leur conduite à la lumière de l'information complète à laquelle ils ont droit. Je pense vraiment que nous aurions envoyé un message encore pire aux Canadiens si nous avions essayé de prétendre que la situation n'existait pas et qu'il leur aurait fallu lire les journaux pour l'apprendre.
Nous faisons de notre mieux. Cependant, je veux vous assurer vous, monsieur Assadourian et tous les autres Canadiens, que nous avons attiré l'attention des autorités américaines sur cette question. Je l'ai déjà fait. Comme je l'ai dit, j'ai rédigé une note à l'intention de M. Colin Powell qui m'a répondu. Clairement, nous travaillons avec les autorités américaines pour régler cette situation parce que nous n'acceptons pas que ce soit là une façon de traiter de notre sécurité. Ce n'est pas une question de sécurité...si vous, M. Assadourian, ou n'importe qui d'autre qui s'adonne à être né dans un pays donné, représente une menace à la sécurité. Comme je l'ai dit, ce n'est pas la façon dont nous traitons de ces questions au Canada et, honnêtement, je ne crois pas que ce soit, ultimement, la façon dont les États-Unis fonctionnent non plus. Alors, je crois fermement que nous arriverons à résoudre ce problème ensemble.
Maintenant, je ne peux insister suffisamment sur ce que j'ai dit dans mes observations préliminaires. Il y a deux raisons pour lesquelles je ne me laisserai pas entraîner dans des spéculations à propos de ce qu'on ferait si ceci ou si cela arrivait.
Premièrement, il n'est pas possible, assis autour d'une table, de connaître toutes les circonstances qui caractériseront ce moment particulier de l'avenir. C'est comme si vous demandiez quelle sera notre position sur telle ou telle question dans une élection qui se déroulera dans cinq ans? On ne peut connaître la réponse à cette question. Il faut connaître les circonstances, il faut connaître la nature de la résolution et nous devons savoir, de manière spécifique, où nous nous situerons. C'est cela, la nature complexe de la diplomatie moderne. Et c'est pourquoi je déclare fermement que la position du gouvernement du Canada est d'appuyer le processus des Nations Unies, tel qu'il est, en vue d'obtenir une résolution ferme qui nous permettra d'envoyer des inspecteurs sur place pour que l'inspection ait lieu.
Si quelque chose arrivait qui pourrait faire ceci ou faire cela dans l'avenir, nous réagirons à ce moment-là, à la lumière de toutes les circonstances, dans l'intérêt des Canadiens, et en ayant pour objectif de préserver une structure internationale dont la création et la protection depuis la Seconde Guerre mondiale a exigé tant d'efforts—de nous tous, de tous les pays. C'est la politique du Canada, cela continuera d'être notre politique et ce sont là les principes généraux qui nous guideront. Pour ce qui est de savoir quelles mesures spécifiques nous prendrions à la lumière d'un hypothétique événement, je ne crois pas qu'il soit utile de nous lancer dans ce genre de spéculations, sauf pour préciser les principes qui nous guideront.
Le président: Merci, monsieur Graham.
Madame Jennings.
[Français]
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup pour de présence ici aujourd'hui, monsieur le ministre, et pour les informations que vous nous avez transmises.
J'ai deux points à soulever. Premièrement, comme plusieurs députés autour de cette table et comme vous-même, je trouve déplorable les actions du gouvernement américain face aux citoyens qui, simplement en vertu de leur lieu de naissance, deviennent ciblés. Vous avez dit vous-même qu'ici, au Canada, nous ne sommes pas certains que cette loi domestique des États-Unis soit conforme à leur propre Constitution.
Alors, je me demande s'il y a un précédent où le gouvernement d'un pays a contesté une loi domestique d'un pays étranger qui affecte les droits de ses citoyens devant les cours américaines? Nous avons déjà contesté d'autres lois pour empiètement sur notre juridiction ou pour quelque raison de ce genre. S'il n'y a pas de précédent pour que le gouvernement canadien conteste cette loi américaine qui, à notre avis, viole les droits accordés en vertu de la Constitution américaine à des citoyens canadiens lorsqu'ils sont en sol américain, est-ce qu'il y a un empêchement légal à ce qu'on la conteste?
À (1030)
[Traduction]
J'aimerais savoir si, en tant que gouvernement nous ne pouvons contester cette loi en nous appuyant sur un traité ou quelque chose du genre.
Mais rien ne nous empêche d'appuyer nos citoyens canadiens nés en Syrie ou dans d'autres pays qui sont ciblés aux États-Unis. Le gouvernement américain prétend que c'est tout à fait légal. Cependant, que c'est tout à fait légal, mais nous estimons que, du point de vue légal, cela contrevient à leur propre constitution. Pourquoi ne pas encourager ces citoyens canadiens à contester devant la cour fédérale des États-Unis cette loi en s'appuyant sur la Constitution américaine? Voilà pour le premier point.
Nous nous sommes demandés autour de cette table, et le public également, s'il devrait y avoir devant le Conseil de sécurité une ou deux résolutions concernant l'Irak, si la première résolution, que proposent les Américains, ou la position que semblent avoir prise la France et la Russie, selon les médias, à savoir qu'il devrait y en avoir deux—une première précisant qu'il faut laisser les inspecteurs accomplir leur travail et une deuxième précisant les conséquences si l'Irak ne se plie pas à des inspections—devrait être appuyée.
Vous avez dit dans vos remarques liminaires:
[Français]
La résolution américaine part du principe que tout manquement futur de l'Iraq à ses obligations actuelles ou à toute nouvelle obligation qui lui serait imposée entraînerait une réaction militaire. Nous avons été informés que les résolutions proposées par la France et la Russie portent sur ce qui constituerait un manquement à ces obligations et précisent comment on arriverait à la conclusion qu'il y a eu manquement. |
[Traduction]
Avez-vous des précisions à nous donner à ce sujet? Je trouve cette déclaration très différente de ce que nous avons lu dans les journaux et de ce à quoi même mes collègues de l'autre côté de la table ont fait allusion ici même aujourd'hui. S'il s'agit en fait de la proposition de la France et de la Russie, j'y souscrirais entièrement et je ne vois pas pourquoi ce serait différent pour les États-Unis et le Canada. C'est comme avoir un code criminel qui dit que tuer quelqu'un est un acte criminel punissable par l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans et une autre loi qui dit que la norme de preuve est hors de tout doute raisonnable. Si c'est ce que proposent la France et la Russie je ne vois pas alors où est le problème pour les États-Unis. Je crois qu'ils verraient cela d'un bon oeil.
M. Bill Graham: Je partage votre opinion au sujet de la nature des mesures prises à l'heure actuelle par les États-Unis. Je reviens au fait que c'est ce qu'ils jugent nécessaire de faire pour assurer leur sécurité. Notre point de vue n'est pas acceptable. Nous continuerons de soulever la question. Je vais examiner votre suggestion. En toute franchise, je ne connais pas suffisamment la jurisprudence pour vous dire si un pays en est déjà venu là. De toute évidence, le Canada a été partie à des poursuites aux États-Unis par le passé pour des questions commerciales et autres. À savoir si nous nous sommes déjà engagés dans ce genre de chose...
Si j'ai bonne mémoire, toutefois, en droit international il y a quelques années les droits des citoyens sur le territoire d'un État sont assez conformes au droit national de cet État. Les États-Unis ont des lois beaucoup plus musclées que les nôtres à l'égard de ce qu'ils appellent les étrangers. Par exemple, je crois comprendre que les réfugiés qui arrivent aux États-Unis ne sont pas protégés par la charte et les droits de la personne dans le cadre de la Constitution américaine, comme le sont les réfugiés qui arrivent en sol canadien. Vous êtes probablement au courant de cela également.
Il s'agirait de questions complexes, mais nous les examinerions certainement.
À (1035)
Mme Marlene Jennings: Puis-je vous interrompre un instant? Lorsque j'invoque la possibilité d'une poursuite commune ainsi que de celle que le droit national américain sur cette question contrevienne à la Constitution américaine c'est en réaction à une déclaration que vous avez faite à certains des membres de l'opposition qui ont soulevé la question. Vous avez répondu que le Canada, notre gouvernement, n'est pas certain que la loi américaine respecte la propre constitution des États-Unis.
Deuxièmement, je veux simplement revenir très rapidement en arrière parce que j'ai oublié de mentionner ceci. Je ne suis pas du tout d'accord avec l'idée que conseiller les citoyens canadiens ou les informer de ce qui pourrait leur arriver aux États-Unis, c'est un peu prétendre qu'il sont des citoyens de deuxième classe. J'arrive de Russie. Je séjournais en fait à Moscou au moment de la prise d'otage. Avant de partir, j'i eu des renseignements des Affaires étrangères sur la situation en Russie, le système, sur tout. Ce fut très intéressant parce que j'y ai appris dit que si vous êtes de descendance africaine il faut savoir qu'en Russie la discrimination est réelle. Vous risquez de vous faire cracher au visage dans la rue, de ne pas vous faire servir dans les magasins, etc. J'ai trouvé cela très utile en tant que Canadienne de descendance africaine. Je veux parler du fait d'informer les citoyens canadiens de situations très réelles auxquelles ils peuvent avoir à faire face dans des pays étrangers.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer à M. Bergeron.
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, d'être ici aujourd'hui et merci de votre disponibilité à nous informer de la position du gouvernement sur cette question.
Je dois vous dire que, intérieurement, je piaffais d'impatience d'intervenir à ce moment-ci puisque je pense que ce à quoi nous assistons, c'est à bien davantage qu'un risque d'embrasement régional advenant le cas où l'Irak ne se conformerait pas aux décisions de la communauté internationale. Je pense que ce à quoi nous assistons, c'est à une manifestation d'une profonde mutation de l'ordre international.
J'aimerais revenir sur ce que Mme Lalonde disait par rapport au débat exploratoire que nous avons eu. Dans un premier temps, je tiens à vous remercier de cette espèce de petit résumé ou de sommaire que vous nous avez fait parvenir. C'est la première fois, je dois dire, depuis 1993 que j'ai le sentiment ou qu'on me donne le sentiment que quelqu'un quelque part a pris la peine de lire ou d'écouter ce qui s'est dit pendant le débat exploratoire. Cependant, je dois malheureusement conclure que les conclusions que vous en tirez--conclusions qui d'ailleurs ont été rendues publiques par le premier ministre aux États-Unis alors même que le débat n'était pas terminé--me semblent différer profondément des points de vue qui, à part ceux de nos collègues de l'Alliance canadienne, ont été exprimés au cours de ces trois soirs de débat.
Alors, monsieur le ministre, cela m'amène à citer un court extrait d'une analyse qui est parue dans Le Monde diplomatique d'octobre signée par Ignacio Ramonet et qui s'intitule Vassalité. Je cite:
Un empire n'a pas d'alliés, il n'a que des vassaux. [...] Sous nos yeux, et sous les pressions de Washington, qui les contraint à s'enrôler dans sa guerre contre l'Irak, des pays en principe souverains se laissent ainsi réduire à la triste condition de satellites. |
Monsieur le président, nous avions tous l'impression qu'avec la disparition de l'Union soviétique et la chute du rideau de fer, nous assisterions à une baisse de la tension internationale, à un ralentissement significatif de la course aux armements. Pourtant, tout dernièrement, le président Bush a signé le nouveau budget de la Défense nationale des États-Unis en l'augmentant de près de 13 p. 100, ce qui l'amène à près de 335 milliards de dollars américains. Le Canada envisage également une augmentation de ses budgets militaires et nombre de pays à travers le monde envisagent une augmentation des budgets militaires. Il n'y a pourtant plus, officiellement, de guerre froide. Pourtant, on envisage une augmentation des budgets militaires et il y a une recrudescence de la tension au niveau international, monsieur le président, qui s'explique mal, compte tenu du fait que cette guerre froide n'existe plus.
En fait, ce à quoi nous assistons, monsieur le ministre--et vous l'avez évoqué il y a deux jours--, c'est à l'émergence d'une hyperpuissance qui n'a plus besoin ou qui a de moins en moins besoin du système des Nations Unies. Vous l'avez vous-même avoué en disant que nous faisions tout ça dans l'espoir de garder les États-Unis dans le système des Nations Unies. N'est-ce pas là un odieux chantage, monsieur le président? Jusqu'où irons-nous, monsieur le ministre, en termes de compromissions, pour garder les États-Unis dans le système des Nations Unies, dont ils n'ont plus de besoin? Et cela devient de plus en plus manifeste.
En d'autres termes, monsieur le ministre, j'aimerais savoir ceci: quelles garanties avons-nous que les États-Unis ne vont pas hausser la barre une fois que nous aurons adopté cette nouvelle résolution qui est en discussion au Conseil de sécurité? Nous avions l'impression que l'adoption de la dernière résolution était suffisante. Non, il s'est avéré que ce n'était pas suffisant, qu'il en faut une deuxième. Si l'Irak se conforme à cette deuxième résolution, quelles garanties avons-nous que nous n'allons pas hausser la barre après coup?
À (1040)
Le président: Je veux tout simplement rappeler aux députés que
[Traduction]
Nous devons aller voter dans environ 22 minutes. Nous allons quitter la salle dans 15 minutes.
Monsieur le ministre.
[Français]
M. Bill Graham: D'accord, monsieur le président.
Monsieur Bergeron, vous avez soulevé deux grandes questions. L'une est davantage d'ordre philosophique: qu'est-ce nous allons faire avec l'hyperpuissance? L'autre est plus précise et porte sur la question de la résolution de l'Irak: qu'est-ce qu'on va faire si jamais on a une résolution qui contient ce qu'on appelle en anglais des hidden triggers et que les États-Unis en profitent pour attaquer l'Irak dans des conditions où le reste du monde dira que ce n'est pas justifié, etc.? Donc, il y a deux questions.
Je reviens à ce que je disais, à savoir que dans le cadre de notre étude des éléments de notre politique étrangère, il faut que nous, Canadiens, et surtout les députés, réfléchissions sur l'actualité. On ne peut pas éviter l'actualité. Nous sommes des personnages politiques et nous devons prendre le monde tel qu'il est et essayer de le rendre meilleur.
Cela dit, je ne trouve quand même pas que le Canada, surtout dans cette affaire, agit en tant que satellite. M. Chrétien a été assez franc avec M. Bush à Detroit, et j'ai toujours été assez franc avec M. Powell. Au cours d'une réunion, je lui ai dit que je n'acceptais pas cela et il m'a répondu que le Canada était un État souverain. Il arrive souvent que nous n'ayons pas la même perception ou la même optique, mais nous discutons comme des alliés et des amis. Il ne faut pas oublier le fait que les États-Unis, même dans leur situation d'hyperpuissance, demeurent le meilleur allié et le meilleur ami des Canadiens. Avec tous nos contacts à tous les niveaux, le Québec n'est pas absent de cela. Le Québec a des liens très étroits, notamment commerciaux, avec la Nouvelle-Angleterre. C'est la nature de nos deux pays que de travailler ensemble. Donc, nous travaillons ensemble, mais nous avons des débats de famille sur certaines questions.
Il s'agit ici d'une question très importante pour les États-Unis, et je crois qu'il est légitime pour nous, Canadiens, de dire qu'un de nos rôles est d'encourager, dans la politique américaine, ceux et celles qui prônent le multilatéralisme plutôt que ceux et celles qui sont plutôt unilatéralistes. Dans toutes les situations dans le monde, dans tous les pays, c'est la tendance. Un pays comme le Canada est évidemment plus axé vers le multilatéralisme à cause de sa nature, de la nature du monde, etc.
Je trouve que c'est un rôle légitime de notre part que d'encourager le multilatéralisme aux États-Unis. Je ne vois pas nos efforts en vue de retenir les États-Unis dans le système des Nations Unies comme une sorte de reconnaissance de faiblesse de notre part, mais plutôt comme une expression de notre politique voulant que ce soit la meilleure façon d'agir dans le monde. Nous allons nous joindre à la France, à la Russie, au Mexique et à d'autres pays pour encourager cette tendance. Voilà qui m'amène à votre deuxième question.
C'est ce dont il s'agit dans les discussions assez âpres que nous avons actuellement au Conseil de sécurité. Quelle sera la nature de la résolution? La première résolution des États-Unis que nous avons vue était assez piégée, si on peut employer ce terme. Il y avait des conditions telles que le droit de faire sortir les ressortissants irakiens du pays pour examiner certaines choses, etc. Mais les États-Unis sont en train de négocier. Ils ont dit que si nous trouvions cela trop contraignant, ils étaient prêts à l'éliminer.
Je crois que M. Powell et l'administration américaine ont fait preuve de beaucoup de souplesse et de beaucoup de volonté d'accepter les critiques du monde. Comme je le disais, si je comprends bien ce qui se passe actuellement à l'égard des résolutions--et Mme Jennings a aussi soulevé cette question--, la France travaille aussi sur la notion d'une seule résolution. Faut-il qu'il y ait une résolution ou deux résolutions? C'est la question du rapport entre la première et la deuxième partie.
À (1045)
Mais pour ce qui est de la base, si je comprends bien ce qui se passe actuellement, les Russes et les Français acceptent le fait qu'il y aura deux résolutions, mais ils veulent absolument qu'il y ait une barrière entre les deux parties de la résolution.
Mme Francine Lalonde: Ils veulent que la résolution soit prise par le conseil...
M. Bill Graham: C'est pour cela que je reviens...
Le président: Pas de discussion, s'il vous plaît.
M. Bill Graham: Monsieur le président, je répète que j'hésite un peu à offrir des opinions sans qu'on ait devant nous les résolutions, sans qu'on ait les paroles mêmes des dispositions permettant de faire un commentaire correct sur le contenu de ces décisions.
Le président: Merci, monsieur Graham.
Il reste à peine 10 minutes. On va donc passer à M. Eggleton sans plus tarder, s'il vous plaît. Mr. Eggleton, one question. No preamble, please.
[Traduction]
M. Art Eggleton: J'aimerais que vous me disiez ce que nous allons faire pour aider les pauvres gens qui souffrent en Irak sous le régime tyrannique de Saddam Hussein. Sa récente élection pour laquelle où il a obtenu 100 p. 100 des voix et où le taux de participation a été de 100 p. 100 est ridicule. Les résultats démontrent toutefois toute l'oppression du régime qu'il dirige.
Vous pourriez dire: si tout va bien en ce qui a trait aux inspections, les embargos seront levés et les gens pourront alors avoir ce dont ils ont besoin pour vivre. Nous ne savons toutefois pas combien de temps il leur faudra attendre, monsieur le ministre. En attendant, qu'allons-nous faire pour aider ces gens à survivre?
Certains efforts ont été déployés en ce sens. Je suis convaincu que nous avons participé à certains de ces efforts—la Croix-Rouge internationale, l'ACDI et d'autres—pour acheminer des vivres là-bas. Cependant, j'ai l'impression qu'il reste encore d'énormes besoins à combler pour assurer leur survie. Est-ce qu'un débat a cours en ce moment à ce sujet? Pendant que toutes les autres discussions portent sur des résolutions visant à se débarrasser des armes ou d'autres choses, parlons-nous aussi de ce que nous allons faire pour venir en aide au pauvre peuple irakien qui souffre?
[Français]
Le président: Monsieur le ministre.
[Traduction]
M. Bill Graham: C'est une question très légitime.
Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, j'invoque le Règlement, puis-je avoir une précision? Je ne sais pas si j'ai mal compris l'interprétation.
La sonnerie retentit; à quel moment devons-nous aller voter?
Le président: Je surveille simplement les voyants. Il nous reste un peu plus de 15 minutes. Nous allons quitter la pièce dans environ 7 ou 8 minutes.
Mme Alexa McDonough: Merci.
Le président: Ça va?
Ms. Alexa McDonough: Oui.
Le président: Monsieur Graham.
M. Bill Graham: Je crois qu'il s'agit d'une très bonne question que le comité a examinée d'assez près au cours des réunions qui ont porté sur les répercussions des sanctions sur l'Irak. Vous vous rappellerez que le comité avait consacré deux ou trois réunions à cette question il y a deux ou trois ans, monsieur Eggleton. J'aimerais vous faire part de deux ou trois observations à ce sujet.
En tant que Canadiens, nous reconnaissons la question humanitaire qui se pose en Irak. Depuis 1990, nous avons versé 35 millions de dollars en aide humanitaire à des Irakiens vulnérables de même qu'à des réfugiés irakiens dans d'autres pays. Nous avons versé de l'argent aux sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Sur le plan international, pour régler le problème que posent les sanctions nous avons tenté, je crois, de mettre au point une formule « pétrole contre nourriture » au niveau des Nations Unies ». Bien sûr, c'est là que réside le problème et vous avez mis le doigt dessus. Si Saddam Hussein, étant donné que c'est lui qui répartit l'aide et dirige le gouvernement, ne le fait pas pour aider ses propres citoyens, c'est très difficile pour la communauté mondiale.
Une fois de plus, nous sommes revenus à la seule façon de le faire, c'est-à-dire envahir le pays. Il nous faut pour cela avoir les bons arguments juridiques et reconnaître également l'horrible souffrance humaine que cela pourrait occasionne. Il y a ceux qui croient qu'une invasion de l'Irak réglera rapidement le problème. Il y en a d'autres qui sont moins optimistes et qui estiment qu'une invasion de l'Irak pourrait faire beaucoup souffrir les Irakiens, en partie parce que, même s'il y a en place à l'heure actuelle un système de distribution de vivres, aussi mauvais qu'il puisse être, une guerre y mettrait fin. Par conséquent, tant qu'un nouveau régime ne pourrait être mis en place pour gérer... Le forces d'invasion devraient prendre en main la distribution des aliments dans le pays, l'aide humanitaire, ce qui serait très compliqué et très difficile à gérer du point de vue logistique. Voilà une autre raison pour laquelle nous préférerions passer par les Nations Unies et voir s'il est possible d'apporter ces changements.
Mais j'ai toujours assurément présents à la mémoire les témoignages relatifs à la souffrance des Irakiens, qui ont alors été présentés devant le comité et il n'y a aucun doute à ce sujet pour ce qui concerne les taux de natalité et d'autres problèmes. Ce sont de grandes questions qu'il nous faut examiner et je continue de croire que nous devons tenter de perfectionner le régime des sanctions comme moyen... Malheureusement, il y a ceux qui soutiennent que nous devrions lever les sanctions. Nous donnerions alors à Saddam Hussein l'occasion d'obtenir des armes de destruction massive ce qui pourrait aggrave les problèmes plutôt que les régler. Par conséquent, je ne suis pas non plus en faveur de cette solution.
À (1050)
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Day, il nous reste trois minutes.
M. Stockwell Day: Merci, monsieur le président.
Pour poursuivre le lien établi par M. Assadourian entre l'appui à la politique des États-Unis à l'égard de l'Irak et la politique qu'.ils ont établie récemment relativement aux Canadiens qui vont aux États-Unis, est-ce qu'on vous a déjà dit qu'un lien existe entre cette nouvelle politique des États-Unis, qui soulève toutes sortes d'autres questions, et non la moindre qui consiste à se demander quelles seront les répercussions sur les milieux d'affaires qui tentent d'entrer aux États-Unis...? Étant donné tout cela, y a-t-il un lien entre cela et, du point de vue des États-Unis, un manque apparent d'intensité de la part du Canada en ce qui a trait à possibilité que des terroristes entrent aux États-Unis par le Canada? J'utilise comme exemple une fois de plus aujourd'hui, avec toute cette information provenant du SCRS, un dossier après l'autre—écoutes électroniques, etc.—indiquant une très grande activité au Canada du Hezbollah et le manque de volonté de notre part d'interdire toutes les activités du groupe. Aujourd'hui, l'information est tout simplement colossale. Croyez-vous que cela a incité, en partie, les États-Unis à mettre en place cette nouvelle politique relative aux passeports et aux empreintes digitales, qui soulève toutes sortes de questions?
M. Bill Graham: Non, je ne crois pas. Il s'agit d'une politique générale des États-Unis qui s'appliquera aux personnes provenant de n'importe quel pays dans le monde. Le Canada est touché au même titre que n'importe quel autre pays ce qui signifie que tout le monde fait exactement ce que fait le Canada. Le lien dont vous parlez est donc est assez difficile à établir.
Je ne crois pas que ce soit lié à la crainte de la part des États-Unis que le Canada n'assure pas une sécurité efficace. Nous travaillons en très étroite collaboration avec les autorités américaines. Comme vous le savez, M. Manley a de très bonnes relations avec M. Ridge. Nous ne ménageons pas nos efforts pour résoudre nos problèmes communs en matière de sécurité. Nous partageons un problème de sécurité et, comme vous le savez, je n'ai pas l'impression que cette mesure soit lié aux politiques du Canada. C'est une politique générale que les États-Unis ont adopté à l'égard des voyageurs provenant de n'importe quel pays du monde.
Cela dit, cela n'en suscite pas moins les problèmes que nous avons soulevés et il n'y a pas de doute que nous aurons l'occasion de discuter à d'autres occasions de la raison qui sous-tend la décision du Canada en ce qui concerne les activités du Hezbollah.
À (1055)
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. On doit aller voter. J'aimerais simplement dire aux membres du comité qu'ils vont recevoir une liste de témoins potentiels pour les deux autres séances au sujet des
[Traduction]
audiences portant sur l'Iraq. Vous la recevrez du greffier.
Thank you very much. The meeting is adjourned.