:
La séance est ouverte. Merci à tous d’être là.
Bienvenue à la 12e séance du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes.
Le Comité se réunit aujourd’hui de 14 h 37, ce qui doit faire 15 h 37, heure de l’Est, jusqu’à 17 h 37. Nous entendrons des témoins dans le cadre de l’étude du Comité sur le contrat d’équipement de sécurité offert à Nuctech, puis nous discuterons des travaux du Comité à huis clos.
Pour assurer le bon déroulement de la séance, voici quelques règles à suivre.
Le service d’interprétation de la vidéoconférence sera à peu près identique à celui d'une séance ordinaire du Comité. Vous avez le choix, au bas de l'écran, entre le « parquet », « English » ou « Français » et vous êtes priés de cliquer sur la langue que vous allez utiliser.
Avant de parler, veuillez attendre que je vous donne la parole. Lorsque vous êtes prêt à intervenir, cliquez sur l’icône du microphone. Lorsque vous ne parlez pas, votre microphone doit être en sourdine.
Pour faire un rappel au Règlement pendant la séance, les membres du Comité doivent s’assurer que leur microphone est activé et dire: « Rappel au Règlement » pour attirer l’attention du président.
Si vous avez besoin de parler en privé avec le greffier ou l’analyste pendant la séance, veuillez communiquer avec eux par courriel à l’adresse du Comité, de façon à respecter la distanciation sociale.
Ceux qui participent à la séance dans la salle de comité doivent savoir que le port du masque est obligatoire, à moins qu'ils ne soient assis, lorsqu'il n'est pas possible de respecter la distanciation physique.
Chacun des témoins aura cinq minutes pour faire son exposé liminaire. Nous suivrons l'ordre prévu, et je vais vous désigner par votre nom.
Je crois comprendre, monsieur Elcock, que vous ne ferez pas d’exposé. Nous commencerons par écouter les observations de M. Charles Burton.
J’invite le témoin à nous livrer son exposé liminaire.
:
Merci, monsieur le président, et bonjour à tous.
Je voudrais apporter un complément d'information au témoignage que des fonctionnaires ont présenté au Comité le 18 novembre. Il s'agit de renseignements sur la relation entre Nuctech et l’appareil du Parti communiste chinois, qui constitue le régime de la République populaire de Chine.
L’organigramme montre le Parti communiste chinois et son secrétaire, Chen Zhiqiang, au sommet de la pyramide de Nuctech. Le parti est au sommet. Le conseil d’administration et la haute direction de Nuctech sont donc subordonnés aux directives du Parti communiste chinois.
En effet, le secrétaire du parti, M. Chen, est également président du conseil d’administration de Nuctech. Comme très haut responsable du Parti communiste chinois, M. Chen est également membre du Congrès populaire national de Chine. Le secrétaire du parti est donc le plus haut responsable de Nuctech et le plus puissant.
L’État chinois subventionne lourdement Nuctech et d’autres entreprises chinoises de développement et de production de matériel et de logiciels pour faire en sorte que ces produits soient très concurrentiels sur les marchés mondiaux. C’est pourquoi Nuctech a pu nous présenter l’offre la moins chère. La raison d’être de Nuctech, comme de toutes les entreprises d’État chinoises, n’est pas principalement la rentabilité économique; elle doit aussi servir d’autres objectifs généraux du régime de la RPC.
Comme il a été dit dans les témoignages entendus au cours d’une séance précédente, la loi chinoise sur le renseignement national de 2017 oblige tous les ressortissants chinois, y compris ceux qui travaillent pour Nuctech en Chine et à l’étranger, à collaborer avec les agents de l’État chinois sur demande, à promouvoir les intérêts de l’État chinois en dérobant des données confidentielles et en compromettant la sécurité d'infrastructures partout dans le monde.
Cette loi sur le renseignement n’est en fait qu’une façade. En réalité, le lien entre Nuctech et l'ensemble étatique chinois qui comprend le parti et l'appareil militaire est beaucoup plus qu’une relation maître-serviteur; c’est en fait une relation symbiotique. Ce que je veux dire par là, c’est que Nuctech, comme toutes les entreprises d’État chinoises, est pleinement intégrée au parti de la RPC, à l’appareil militaire et à l’appareil de sécurité parce que, comme l’a dit le secrétaire général du parti, Xi Jinping, « parti, gouvernement, militaires, civils et universitaires, Est, Ouest, Sud, Nord et Centre, le parti dirige tout ».
Tout comme le Parti communiste chinois ne permet pas l’existence d’une véritable société civile ou de secteurs non gouvernementaux, il n’y a pas non plus d’entreprises industrielles en Chine qui existent indépendamment du parti d’État de la Chine. Dans l’évaluation des soumissions, nous devons comprendre que Nuctech est de nature foncièrement différente de ses concurrents étrangers, ceux qui existent dans un espace civil à l’extérieur des institutions politiques.
Il s’agit d’une distinction extrêmement importante entre Nuctech et les entreprises non chinoises du secteur de l’équipement de sécurité. Les objectifs de Nuctech sont en fait ceux du Parti communiste chinois. En raison de son rôle en tant qu’élément intégral du régime unifié du Parti communiste, Nuctech n’a pas pour objectif principal de réaliser des profits, mais plutôt de servir les intérêts généraux du Parti communiste chinois en Chine et à l’étranger, ce qui englobe l’énorme programme de renseignement qui se déploie en Chine même et à l'étranger.
Nuctech peut réciproquement faire appel à l'appareil militaire et au renseignement chinois pour obtenir des technologies étrangères et des données sur l'étranger afin d’en tirer un avantage. Il est entièrement soutenu par les vastes opérations du Front uni du Parti communiste chinois, coordonnées à partir des ambassades et consulats de la Chine à l’étranger.
C’est que Nuctech, comme toutes les entreprises de la RPC, est mobilisée par le Parti communiste chinois pour servir les objectifs géostratégiques du régime de la RPC dans le monde entier. Voilà pourquoi le secrétaire du Parti communiste chinois, Chen Zhiqiang, est le plus haut responsable de Nuctech.
L’essentiel ici est de prendre conscience du fait que Nuctech est une fonction d’un régime intégré qui regroupe parti, État, militaires et civils de la RPC, dont l'objectif stratégique est diamétralement opposé aux intérêts et aux valeurs de l’Occident démocratique libéral, y compris le Canada.
Ma conclusion sera très brève.
L’approche du Canada en matière d’approvisionnement, qui fait abstraction du pays d'origine des soumissions, si politiquement correcte soit-elle, ne devrait pas s’appliquer aux soumissions d’entreprises d'État ou autres de la République populaire de Chine. Étant donné que la Chine viole systématiquement les normes de l’ordre international fondé sur des règles en matière de diplomatie et de commerce, cette approche qui fait abstraction du pays d'origine, occulte la réalité des entreprises du régime chinois et la menace qu’elles représentent pour la sécurité nationale du Canada. Bref, le Canada ne peut pas faire plus confiance à Nuctech qu'au Parti communiste chinois.
Merci, monsieur le président.
:
Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre invitation. Je vais intervenir en anglais, mais vous pourrez poser vos questions dans la langue de votre choix.
[Traduction]
J’espère que vous avez reçu le mémoire que je vous ai adressé. Je vais devoir m’en tenir à des extraits de ce mémoire, que j’ai rédigé de propos délibéré avec mon collègue, David Skillicorn, de la School of Computing de l’Université Queen’s, afin de contribuer davantage à l’évaluation de la sécurité de la technologie.
Nous soutenons depuis longtemps que l’engagement stratégique et politique du Canada doit être beaucoup plus nuancé pour refléter la complexité d’une relation qui évolue rapidement. Dans certains cas, la Chine est un partenaire, dans certains autres un concurrent et dans d’autres encore un adversaire. Ces trois défis convergent lorsqu'il s'agit de technologie, de sécurité et d’approvisionnement.
Selon notre évaluation des risques pour la sécurité, du point de vue technique, ces risques, même s'ils existent, sont modérés et gérables. L’enjeu est plus vaste: un gouvernement démocratique devrait-il se procurer ces technologies auprès de la Chine, et en particulier auprès d’entreprises chinoises détenues par l’État?
Tout d’abord, comme M. Burton l’a déjà souligné, la Chine joue sur le long terme et se livre à des pratiques prédatrices pour offrir des prix inférieurs à ceux d’autres entreprises. Le fait est bien documenté dans un rapport que la Commission sénatoriale des relations étrangères des États-Unis a publié le mois dernier. Ce rapport donne beaucoup de détails sur Nuctech et d’autres entreprises technologiques chinoises et sur leur modus operandi.
En principe, les sociétés publiques ou semi-publiques de régimes non démocratiques devraient être exclues des appels d’offres du Canada, puisqu’elles ne sont pas soumises aux mêmes règles que les sociétés d’ici. Autrement dit, l'affaire Nuctech devrait être renvoyée aux autorités canadiennes en matière de concurrence, plutôt que d’être étudiée par le Comité, comme cela semble être le cas
En cas de doute quant à l’indépendance de Nuctech, notons qu’elle a été fondée en 1997 par le fils de l’ex-dirigeant chinois Hu Jintao. Il est l’un des fameux « princes rouges », qui sont largement méprisés en Chine. Faire des affaires avec Nuctech peut être bon pour le régime chinois, mais pas pour la Chine et la population chinoise, ni pour l’image du Canada aux yeux du Chinois moyen.
Deuxièmement, les entreprises canadiennes sont exclues des appels d’offres publics en Chine. Selon le principe de réciprocité, les entreprises des pays qui excluent explicitement les entreprises étrangères de leurs appels d’offres, ou qui structurent leurs marchés de manière qu'elles ne puissent rivaliser, ne devraient pas pouvoir participer aux appels d’offres publics fédéraux au Canada.
Troisièmement, le Canada ne devrait pas conclure de marchés publics avec un pays qui se livre à une diplomatie des otages; intimide le Canada et certains de ses plus proches alliés; se livre à une propagande éhontée; fait de l’ingérence systématique et à grande échelle à l'étranger; bafoue régulièrement le droit international, notamment en mettant en danger les navires de guerre alliés dans les eaux internationales; et qui est responsable de violations massives des droits de la personne, d’une ampleur inégalée depuis des décennies. Nuctech est complice à cet égard, car ses relations de vente d’équipement au Bureau de la sécurité publique du Xinjiang remontent à plus d’une décennie, comme l'ont révélé des témoignages récents, le 20 juillet, au Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Par conséquent, le Canada ne devrait pas faire preuve de duplicité en faisant affaire avec une entreprise qui commet des violations à grande échelle des droits de la personne, tout en critiquant la Chine pour la façon dont elle traite les membres de la minorité ouïghoure au Xinjiang.
Quatrièmement, au XXIe siècle, tout est une question de données et de technologie. La Chine veut permettre et promouvoir l’autoritarisme numérique et saper les valeurs démocratiques, mais aussi compromettre et entraver activement la prise de décisions souveraines. C'est ce que nous observons quotidiennement, et chaque fois que la Chine remporte un appel d’offres public, c’est un pas de plus vers cet avenir dystopique.
Par conséquent, le Canada devrait interdire à toute société publique ou semi-publique chinoise ou à toute entreprise soupçonnée de recevoir des subventions gouvernementales non divulguées, ainsi qu’à toutes les entreprises technologiques chinoises de participer aux marchés publics fédéraux canadiens, y compris aux offres permanentes. Si cette interdiction contrevenait aux obligations commerciales ou juridiques internationales du Canada, la décision devrait revenir au ministre, qui devrait être tenu de la rendre publique.
Enfin, et je conclus là-dessus, ce dossier témoigne des grandes carences que présentent depuis longtemps les marchés publics fédéraux chez nous, notamment en matière de sécurité et de défense. Je rappelle au Comité que le département du Commerce américain, dans son rapport sur les pays les plus difficiles en matière de marchés publics militaires, place le Canada au deuxième rang, derrière l’Inde.
C’est là une solide validation indépendante des dysfonctionnements des marchés publics dont votre Comité devrait être saisi. Le gouvernement du Canada a l’occasion de retenir des enseignements et de tirer parti de la visibilité de ce quasi-accident avec Nuctech, qui montre à quel point la vaste portée et le risque de menace de cette relation bilatérale sont constamment sans commune mesure avec les moyens actuels du gouvernement en matière de gouvernance.
C’est l’occasion de se rendre compte qu’au lieu de repousser l’alligator le plus près du bateau, la trousse d’outils qui permet des situations comme celles-ci n’est tout simplement pas adaptée aux besoins. Cependant, les tribunaux disposent d’outils pour examiner les investissements en fonction de considérations de la sécurité nationale, comme la Loi sur Investissement Canada, et d'autres moyens sont en préparation qui concernent les infrastructures essentielles. S’il n’y a pas d’outils comparables en place ou même en cours de discussion pour les examens, sous l'angle de la sécurité nationale, des partenariats de recherche et développement, même dans les domaines visés par l’entente du gouvernement fédéral, comme les trois conseils subventionnaires, les laboratoires universitaires associés de recherche et les laboratoires nationaux, un tel ensemble de moyens conçus pour l’approvisionnement se fait attendre depuis trop longtemps.
:
Merci. Je vais proposer quelques observations liminaires.
Sur un certain plan, ce que nous constatons dans l’affaire Nuctech, ce sont les fossés qui existent dans les bureaucraties. J’étais conscient du risque de manque de communication lorsque j’étais ambassadeur en Chine. Nous avions une douzaine d’organisations différentes à l’ambassade, chacune travaillant directement pour des gestionnaires au Canada. J’avais l’habitude de dire que mon rôle d’ambassadeur exigeait que je sois le grand responsable des communications entre elles. C’était essentiel, car l'absence de concertation et l'incapacité de voir le tableau d'ensemble mènent presque invariablement à l'échec dans la défense des grands intérêts canadiens.
Certains intérêts canadiens très importants étaient menacés dans l’affaire Nuctech, et vous en avez déjà entendu parler. En bref, il n’est pas dans l’intérêt du Canada de favoriser la domination mondiale d’une puissance technologique appartenant à l’État chinois, ni de créer un accès et des partenariats à long terme dans notre système qui pourraient nous rendre vulnérables à l’avenir.
Il est vrai que, en temps normal, ily a des manques de concertation dans la bureaucratie, mais la période actuelle n'a rien de normal. J’ai été secrétaire du Groupe d’experts indépendant sur le rôle futur du Canada en Afghanistan, aussi connu sous le nom de groupe d’experts Manley. La mission du Canada à Kandahar échouait parce que les Forces canadiennes, les Affaires étrangères et l’ACDI concevaient la mission différemment.
Les membres très sages du groupe ont dit que l’Afghanistan était un défi comme on en voit un aux 10 ans, qui exigeait de nouvelles structures et de nouvelles approches. Nous avions besoin d’une vision unique, déterminée par le premier ministre. Nous devions établir des objectifs réalisables, attribuer clairement les responsabilités, affecter les ressources nécessaires pour relever le défi et, surtout, voir la mission comme une priorité canadienne, une priorité qui transcendait les objectifs militaires, diplomatiques ou humanitaires.
L’accent mis par le groupe sur le processus était peu orthodoxe. Ottawa est une ville qui adore les idées de politique, mais qui s'ennuie à mourir quand il est question d'appliquer les politiques et d'arrêter les détails de la mise en œuvre concrète. Toutefois, comme le groupe d’experts l’a souligné, il est irresponsable de tenter de faire quoi que ce soit d’importance nationale sans se mobiliser et sans s’organiser pour réussir, et c’est un manquement à notre devoir envers le Canada et les Canadiens.
La gestion des répercussions sur le Canada de la montée de la Chine n’est pas un défi unique comme on en voit aux 10 ans, mais plutôt aux 100 ans, et qui exige une révision de fond en comble des politiques étrangère et nationale.
L’affaire Nuctech est plus que la manifestation d’un manque de concertation dans la bureaucratie, plus qu’un échec de la part d’un gouvernement qui a plus de difficulté que la plupart des autres à concrétiser les choses. L’expérience nous donne un bref aperçu inquiétant de l’état de la compétence à l'égard de la Chine d’un gouvernement qui a reçu des avertissements quotidiens clairs lui montrant à quel point la Chine constitue ce que la sous-ministre des Affaires mondiales a qualifié de « défi stratégique pour le Canada ». Malgré tout, aucun signe que le gouvernement soit plus sensibilisé, aucun signe d'un plus grand sentiment d'urgence qui le pousserait à cerner et à mieux gérer quoi que soit qui soit lié à la Chine, aucun fait qui traduise quelque geste visant à galvaniser l’ensemble du gouvernement, tous les ministères et organismes, dans un effort d’importance nationale pressante.
Ce n’est pas vraiment un problème de politique. C’est un problème qui découle de l’absence de politique. Les fonctionnaires que vous avez déjà entendus étaient bien intentionnés, mais ils n’ont manifesté aucun véritable sentiment d’urgence ni même une grande sensibilité au défi que la Chine constitue pour nous. Ce n’est pas leur faute. Cela dénote un manque de leadership, un manque de sens des priorités et un manque de responsabilité au plus haut niveau pour relever un défi tel qu'il n'en survient qu'un par siècle et le gérer intelligemment.
Je constate que mon ordinateur a eu des ratés tout au long de la séance. J'espère qu'il tiendra le coup. Vous aurez sans doute reçu mon mémoire. Je me ferai un plaisir de le répéter au besoin.
Merci de m’accueillir. Avant de commencer, je dois révéler que j’ai travaillé pour le Service canadien du renseignement de sécurité de 2012 à 2015 à titre d’analyste stratégique. Toutefois, je ne me suis pas occupée de ce dossier particulier, et mon intérêt pour la nature de la relation du Canada avec la Chine tient à mes propres intérêts, recherches et activités universitaires.
En ce sens, je suis très heureuse de pouvoir m’entretenir de cette question importante avec le Comité. Mon argument est essentiellement le suivant: le contrat de Nuctech pose problème, mais pas pour les raisons évoquées dans les médias.
Oui, les détecteurs sont fabriqués en Chine, mais il en va de même pour les ordinateurs que nos ambassades utilisent, les téléphones et à peu près tout le matériel de télécommunication. De plus, tous les produits technologiques fabriqués ailleurs contiennent probablement des composantes d'origine chinoise. Pour le mieux, et peut-être pour le pire, il n’est pas possible à l’heure actuelle d’avoir des produits technologiques qui ne sont pas fabriqués en Chine ou qui ne contiennent pas de pièces qui viennent de là-bas.
Bien sûr, il y a là un risque, mais en même temps, il n’est pas évident que l’interdiction de toute cette technologie puisse garantir notre sécurité. En fait, il est plus problématique de laisser entendre que l’interdiction de l’équipement rend la situation plus sécuritaire. Je veux dire par là que la Chine réussit très bien à obtenir l’information qu’elle veut par divers moyens et qu’un grand nombre d’entreprises technologiques non chinoises, sinon la plupart, surtout dans le secteur des télécommunications, présentent des failles et des vulnérabilités en matière de sécurité qui peuvent être exploitées, et le sont certainement, par des acteurs malveillants.
Franchement, il existe de nombreuses façons d’espionner les ambassades canadiennes à l’étranger, notamment la surveillance physique, les attaques d’hameçonnage, les menaces internes et l’exploitation des vulnérabilités des logiciels. Un appareil à rayons X dans un endroit non classifié me semble une des façons les plus maladroites de s'y prendre. En ce sens, j’estime que l’élément de menace technique a été exagéré dans le discours public.
Soyons clairs. Cela ne signifie pas que le contrat avec Nuctech soit satisfaisant. Il y a des problèmes évidents dans ce contrat et le processus d’approvisionnement, que toute cette affaire fait ressortir.
Le premier problème est celui des entreprises d’État. Inutile d’expliquer au Comité pourquoi il s’agit d’un problème en général, mais, dans ce cas particulier, il convient de signaler qu’il s’agit d’entreprises qui peuvent normalement compter sur un soutien extrêmement généreux de l’État, tant en argent qu'en information stratégique, celle-ci étant souvent recueillie au moyen de l’espionnage industriel. Ces avantages donnent aux entreprises d'État le moyen de battre toute concurrence. Comme elles n’ont pas à respecter les pratiques commerciales normales, elles peuvent soumissionner à des prix très bas pour décrocher les marchés, sans avoir à s’inquiéter des profits ni à rendre des comptes aux actionnaires. À long terme, cela peut entraîner des pratiques qui faussent le marché dans certains secteurs stratégiques. En ce sens, il est clair que certaines entreprises d'État, à cause de leur capacité de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles, représentent un défi géoéconomique pour le Canada et les entreprises de technologie de l’Ouest. Le gouvernement fédéral ne devrait pas récompenser ce comportement.
Il existe un lien avec une deuxième préoccupation: les pratiques d’approvisionnement du Canada. Il convient de noter que le Canada élabore de plus en plus des processus pour encadrer les investissements étrangers des entreprises d’État en général et qu’il a récemment resserré les restrictions dans certains secteurs, comme celui des soins de santé pendant la pandémie de COVID-19. Mais, pour quelque raison, il semble que les mesures de protection à l'égard des investissements étrangers ne s’étendent pas au processus d’approvisionnement fédéral.
D’après le témoignage présenté au Comité le 18 novembre 2020 par M. Scott Harris, vice-président, Direction générale du renseignement et de l’application de la loi de l’Agence des services frontaliers du Canada, son organisation a « fait appel à l'expertise de différents collègues, y compris ceux du Centre de la sécurité des télécommunications » pour la conseiller au sujet des menaces à la sécurité que la technologie Nuctech comporte. Si l'ASFC a jugé bon de consulter dans ce cas, pourquoi cette pratique n’est-elle pas courante dans l’ensemble de l'appareil fédéral? L’absence de politiques et de procédures normalisées, où certains ministères demandent des conseils en matière de sécurité et d’autres non, semble être un grave problème.
En conclusion, mes recommandations sont les suivantes.
Premièrement, le Canada devrait se doter d'une politique voulant que l’acquisition, par un ministère, de biens et de services fournis par des entreprises d'État fasse l’objet d’un examen officiel et cohérent supplémentaire de façon à garantir que ces investissements sont conformes aux priorités et aux valeurs canadiennes. Il est certain que toutes les entreprises d'État sont différentes et que certaines sont motivées par le seul profit. En ce sens, une interdiction totale n’a aucun sens. L'enjeu doit toutefois faire l'objet d'une gestion du risque qui fait appel à la collaboration des organismes chargés de la sécurité.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit élaborer ce qu’on appelle souvent une politique de « défense en profondeur » en ce qui a trait à l’acquisition et à l’utilisation de la technologie, d’autant plus qu’une grande partie de cette technologie provient actuellement de la Chine.
Il s’agit d’une approche de la sécurité à plusieurs niveaux, avec des mesures à des étapes multiples qui contrôlent l’accès physique, des contrôles technologiques qui limitent ce que les adversaires peuvent faire s’ils ont accès à un système, et fondamentalement, pour la question qui nous occupe, des mesures administratives qui garantissent que les bonnes politiques sont en place pour prévenir les atteintes à la sécurité.
Les interdictions ne régleront probablement pas nos problèmes, mais la gestion du risque, avec des mesures de sécurité à plusieurs niveaux, sera probablement plus efficace à long terme.
Bien sûr, la mise en oeuvre d’une telle politique n'ira pas sans difficultés. Dans notre système fédéral, de nombreux organismes différents sont chargés de divers éléments de la sécurité et de l’approvisionnement. Le CST est responsable de l’évaluation technique, le SCRS du contexte de la menace géoéconomique, SPPC de l'optimisation des dépenses, etc.
Les médias ont révélé que des tensions étaient apparues entre divers ministères dans des circonstances analogues, comme les examens des investissements exigés par la Loi sur Investissement Canada. Malgré tout, les ministères et organismes fédéraux continuent de travailler ensemble pour relever ces nouveaux défis en matière de sécurité, et ils apprennent à s’entendre pour servir le bien commun. Il n’y a aucune raison pour que cela ne se produise pas dans le domaine des approvisionnements du gouvernement fédéral.
Merci.
:
En ce qui concerne la menace à la sécurité, il ne fait aucun doute dans mon esprit que le gouvernement chinois cherche à se doter de capacités qui pourraient être utiles si son intention de s'en servir se concrétisait plus tard. Capacité et intention, cela donne une menace.
En ce qui concerne l’installation de ces systèmes à rayons X à prix très raisonnable, par exemple, mis à part les préoccupations que le CST a soulevées la dernière fois au sujet des ports USB ou des disques durs internes, il y a aussi l’idée que des gens qui sont peut-être des agents du régime chinois pourraient passer beaucoup de temps dans les locaux de l’ambassade — à la porte, où ils pourraient trafiquer l'équipement ou installer des puces téléphoniques, par exemple. De façon générale, le régime chinois pourrait voir là une occasion, un moyen d’avoir accès à l’ambassade.
J’ai entendu parler d’un système de tramways installé en Grande-Bretagne par les Chinois. L’entreprise a découvert à sa grande surprise, à l'occasion d'un entretien du système, que le réseau était relié à la Chine par liaison téléphonique, ce qui permettait à des gens qui se trouvent à Nankin de stopper ou de démarrer les tramways à distance.
Les Chinois veulent se doter de ce genre de moyen, pas forcément parce qu'ils entendent s'en servir tout de suite, mais parce que l'État chinois aurait la possibilité d'en tirer parti pour servir ses objectifs géostratégiques plus tard.
Autre chose. J'ai passé beaucoup de temps en Chine, où j'ai fait mes études. Si je me rendais dans une ambassade et remarquais que je suis contrôlé par une machine fabriquée en Chine, j’hésiterais beaucoup à entrer, simplement parce qu'il est possible d’utiliser une intelligence artificielle avancée, par exemple, pour exercer une surveillance. Ce type de matériel a déjà été utilisé à des endroits comme le Xinjiang contre les Ouïghours.
Nous devons, en général, être très prudents à l’égard de toute entreprise liée à l’État chinois.
:
Je vous remercie, monsieur Burton.
J'ai l'impression que tout le monde le sait, mais que plusieurs n'osent pas agir pour des considérations économiques.
Comme l'a mentionné Mme Carvin, les systèmes de Nuctech dans les ambassades sont une chose, mais les systèmes dont nous faisons l'acquisition sont parfois fabriqués en Chine. Nous les laissons entrer dans nos systèmes gouvernementaux. Nous pouvons laisser le privé à part puisque nous sommes ici pour parler des installations du gouvernement du Canada, mais je crois que nous manquons de prudence.
Nous avons remarqué un manque de cohérence lorsque nous avons rencontré des fonctionnaires, il y a deux semaines. Il n'y a aucune relation entre les différents ministères. Un rapport de Deloitte, demandé par Affaires mondiales Canada, nous a coûté 60 000 $ par page. Tout cela pour nous faire donner des recommandations qui ne résoudront pas le problème.
Selon vous, que doit faire le gouvernement du Canada immédiatement pour essayer de régler la situation rapidement?
:
Oui, je suis tout à fait d’accord avec Stephanie Carvin: nous devons adopter de meilleures procédures et être pleinement conscients des risques pour la sécurité que peut présenter l’acquisition de matériel chinois. Les Chinois ont proposé le prix le plus bas, de la même façon que la Chinoise Huawei a fait des offres d'environ 30 % inférieures à celles d'Ericsson et de Nokia.
Nous devons être conscients du fait que les entreprises de cette nature constituent une menace à la sécurité, qui, comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, sont d’une nature tout à fait différente de celle des autres entreprises.
Voyez la différence: une entreprise canadienne comme BlackBerry ne pourrait pas puiser dans les ressources du CST pour obtenir de l’information sur la technologie produite par ses concurrents ou pour avoir des données sur les soumissions, par exemple, alors que les sociétés d’État chinoises peuvent absolument compter sur les ressources de l’État, parce que c’est un système intégré, unifié.
De ce point de vue, la prise de conscience de ces faits est la clé, et il serait formidable d'avoir en place les procédures voulues pour que cela ne se reproduise jamais. Je suis aussi tout à fait d’accord avec M. Mulroney pour dire que le gouvernement n’a tout simplement pas engagé suffisamment de ressources pour acquérir l’expertise nécessaire à une solide compréhension de la nature de nos relations avec la Chine, qui soulèvent de nombreuses questions et se démarquent de nos relations avec tout autre pays.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie également tous les témoins, dont les exposés ont été très instructifs, couvrant tout un éventail des points de vue ainsi que nos relations avec la Chine.
Les observations qui m’ont inspiré ou qui m’ont fait sourciller ont été celles de M. Mulroney. J’ai noté quelques points sur lesquels je voudrais connaître son opinion.
En résumé, d’après ce que j’ai compris, il n’y a pas de politique à l’égard de la Chine ou de l'ensemble des relations avec ce pays. Vous avez parlé d’un leadership centralisé, de l’harmonisation entre divers ministères, de la mobilisation des organisations pour parvenir au succès et d’un haut niveau de responsabilisation. Ce qui est ressorti, c’est que, selon vous, il n'existe aucune politique.
Étant donné que vous avez travaillé à l’ambassade et que vous avez représenté le Canada, que pensez-vous de la politique du gouvernement du Canada à l’égard de la Chine au cours des 10 à 15 dernières années? Nous savons que la politique chinoise a changé. La nôtre s'est-elle adaptée, en particulier en ce qui concerne la technologie, l’investissement, la dimension socioéconomique et les affaires étrangères?
Pouvez-vous nous éclairer?
:
La première chose à retenir, c’est que la Chine est extrêmement dynamique et qu’elle est donc en train de changer. La Chine de Hu Jintao, qui se faisait plus belliqueuse et s'affirmait davantage, a été remplacée par la Chine de Xi Jinping, qui est extrêmement belliqueuse et s'affirme résolument. À cet égard, non, nous n'avons pas su nous adapter à cette évolution.
Un sage australien a dit un jour que si l’Australie n’avait pas de politique chinoise, la Chine avait certainement pour sa part une politique australienne. Elle a assurément une politique canadienne.
À ce sujet, deux choses. Premièrement, je ne pense pas qu'il s'agisse ici d'une question d’approvisionnement. Le vrai problème, c'est la Chine. Deuxièmement, nous ne devrions pas sous-estimer les difficultés à surmonter pour galvaniser et rassembler les composantes de l'appareil gouvernemental.
Je ne suis pas aussi optimiste que Mme Carvin quant à la capacité des gens de la base de se mobiliser tous ensemble. Cela exige un véritable leadership. Il faut que tous fassent attention et prennent du recul lorsque la Chine est en cause, où que ce soit, et mènent des consultations.
Il faut relever la barre beaucoup plus haut en ce qui concerne les normes de sécurité dans le cas de la Chine. Il ne s'agit pas simplement de l'achat d'un ordinateur qui est peut-être fabriqué en Chine. Il s’agit d’une relation à long terme avec une entreprise, Nuctech, qui serait présente dans toutes nos ambassades, ce qui permettrait à la Chine de trouver le maillon le plus faible de cette chaîne d’ambassades.
Soit dit en passant, les Chinois vont trouver un maillon faible quelque part. Le problème est de plus grande envergure.
Enfin, il ne s’agit pas ici d’un problème propre au Canada. Nous avons des alliés qui sont exactement dans le même bateau. C’est de ce côté que notre diplomatie devrait s'orienter. Nous devrions discuter avec les Australiens et les Néo-Zélandais, avec les Danois, les Suédois et les Britanniques de la façon dont ils abordent cette question. Nous constaterions qu’il y a là une cause commune.
Nous avons beaucoup de retard. J’ai une grande confiance en notre capacité de le rattraper, mais il faut que la volonté de le faire se manifeste à un haut niveau.
Merci.
Ma première question s'adresse à M. Burton.
Monsieur Burton, j'ai eu le plaisir de lire quelques-uns de vos articles, notamment celui du Globe and Mail du 4 décembre. Il était question de la situation entre la Chine et l'Australie. En représailles, la Chine a imposé à l'Australie des taxes faramineuses sur l'orge et le vin, qui ont coûté à cette dernière des milliards de dollars.
Ici, au Canada, il y a des situations similaires, par exemple, celle de Huawei. De plus, Nuctech a des contrats avec la Chine jusqu'en 2023, si ma mémoire est bonne.
Si le Canada met son pied à terre et que nous arrêtons de travailler de façon isolée, quelles pourraient être les conséquences, soit positives ou négatives, du point de vue économique et du point de vue de la sécurité?
:
Merci. Il ne fait aucun doute, selon moi, que le régime chinois tentera d'exercer des pressions diplomatiques et économiques s’il estime que cela lui permettra d’atteindre ses objectifs. Nous sommes en pleine diplomatie des otages avec Michael Kovrig et Michael Spavor, par exemple. Je soupçonne que, quand le Parti communiste chinois a autorisé Mme Meng Wanzhou à transiter par le Canada, il supposait que celui-ci ne tiendrait pas compte de ses obligations envers les États-Unis en vertu du traité d’extradition parce qu’on savait à Ottawa qu’il valait mieux ne pas détenir Mme Meng. Les diplomates chinois déclarent maintenant: « Vous l'avez mise en détention, vous devez être punis. » Donc, même si Mme Meng est finalement en mesure de retourner en Chine en vertu d’un accord de suspension des poursuites, du retrait de la demande d’extradition ou de la décision du juge Holmes invalidant l'extradition, nous serons punis. Reste à savoir si nous allons réagir.
Plus du tiers du commerce extérieur de l’Australie, je crois, se fait avec la Chine, et les sanctions de 20 milliards de dollars que celle-ci a imposées en lien direct avec 14 litiges lui causent beaucoup plus de tort. Ils veulent, par exemple, que l’Australie obtienne un financement pour l’Australian Strategic Policy Institute — qui a découvert beaucoup de choses sur l’espionnage et les opérations d’influence de la Chine —, qu’elle accepte d'accueillir Huawei et qu’elle empêche la presse de faire des reportages négatifs, et d'autres choses que le régime chinois estime que nous pouvons obtenir.
À cet égard, je crois qu'il faut s'attendre à des représailles, sauf si les Chinois se rendent compte que nous ne céderons pas et que nous ne ferons pas de concessions sous la pression. En ce moment, en retenant Kovrig et Spavor, ils nous empêchent de répondre à Huawei 5G. Nous n’adoptons pas la loi Magnitsky contre les responsables chinois complices du génocide au Xinjiang et nous ne respectons pas notre obligation de signer la déclaration conjointe britannique au sujet des Hong-Kongais persécutés en vertu de la loi sur la sécurité nationale, que nous jugeons illégale. Les Chinois ont donc obtenu du Canada la réaction qu'ils souhaitaient.
Je pense que ce n'est pas ainsi qu'il faut réagir. Il est temps de faire savoir clairement au régime chinois que nous ne nous laisserons pas intimider. L’Australie est certainement pour nous un très bon exemple à suivre.
:
Voilà une excellente transition, parce que je crois aussi qu'il n'est pas toujours nécessaire de solliciter Deloitte pour nous dire ce que nous devrions déjà savoir.
Ma question, monsieur le président, s’adresse à M. Manley. Comme les membres du Comité, je pense que nous avons ici une occasion unique, avec des gens qui ont une vaste expérience du gouvernement, des relations entre la Chine et le Canada, et de la politique.
Le 18 novembre, Services publics et Approvisionnement Canada a confirmé son intention de cesser de faire affaire avec Nuctech, en précisant cependant que, compte tenu des normes, des règles et des méthodes en vigueur ou des dispositions juridiques, il ne pouvait garantir que ce serait possible.
Monsieur Manley, d’après votre expérience, quelles sont les normes ou les lois canadiennes qui empêcheraient le Canada de mettre fin à ses relations avec Nuctech ou avec d’autres entreprises qu’il considère comme un risque pour la sécurité?
:
C'est précisément le sens général de l'idée qu'il s’agit d’un défi stratégique, mais il faut aussi comprendre que, intrinsèquement, des remarques générales concernant l’engagement géostratégique de la Chine découlent des risques certains.
Le problème, comme Mme Carvin l’a souligné, c'est que nous raisonnons à l'envers. Nous commençons par nous intéresser aux micro-risques que pose une certaine technologie au lieu d'envisager les risques à grande échelle, d'analyser les macro-éléments, aussi bien sur le plan de l’orientation stratégique que des effets sur les pratiques d’approvisionnement et sur le contrôle de la sécurité nationale, ce qui permettrait de passer outre à l'analyse des micro-menaces.
Ne vous y trompez pas. Ces menaces sont réelles. Comme M. Burton l’a souligné, tout logiciel doit être actualisé un jour ou l'autre, et les mises à jour sont en soi un risque important.
C’est la partie que les gens ne comprennent pas à propos de Huawei; ils se demandent: « Comment se fait-il qu’il n’y ait pas de porte arrière? » Eh bien, il n’y a pas de porte arrière jusqu'ici, pas de compromis non plus, mais il faut, par définition, qu'une porte arrière soit intégrée au logiciel pour pouvoir le mettre à jour. Du jour au lendemain, un protagoniste hostile pourra y intégrer une technologie malveillante. Écoutez, il y a beaucoup à apprendre, par exemple, au sujet des allées et venues à l’ambassade, des types de matériel et de la circulation à des heures inhabituelles, et ainsi de suite.
:
Comme l'a confirmé Christian Leuprecht, je pense que le risque est assez modéré. Ces appareils doivent évidemment être mis à jour, et le fait est que des Chinois pourraient venir réparer l’équipement. Tous ces risques sont graves, mais tout ce que je voulais dire, c’est que la simple interdiction d'une technologie ne suffit pas à éliminer la menace.
Je m’inquiète particulièrement, par exemple, de ce qui se passe du côté de la 5G: nous parlons d’interdire une technologie en pensant que cela va améliorer notre sécurité. C'est bien possible à certains égards, mais le fait est que tous les produits de sécurité ont des lacunes. Tous ces fournisseurs ont de graves problèmes. Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas chinois qu’ils sont sûrs.
Il faut procéder à l'examen technique de toutes les technologies, parce que nous savons que des États comme la Chine essaient de pirater les systèmes de nos ambassades et d’autres endroits. À mon avis, il n'y a pas que les Chinois, quoique ce devrait être le cas, notamment en raison des problèmes liés aux sociétés d’État, dont on a bien discuté durant cette séance... Toutes nos technologies devraient faire l'objet d'un examen systématique et approfondi. Ce n’est visiblement pas le cas en ce moment.
Oui, c’est ce qui m'inquiète. En nous occupant exclusivement des appareils à rayons X et de leur éventuelle vulnérabilité, nous escamotons les enjeux plus vastes liés aux actes malveillants, par exemple de la Chine, dirigés contre nos ambassades à l’étranger et contre notre gouvernement, probablement en ce moment même. Nous sommes probablement victimes de piratage en ce moment même. C’est la réalité.
C’est ce que je voulais dire quand j’ai parlé de l'exagération de cette menace technique précise. On passe à côté de beaucoup d’autres problèmes plus vastes auxquels le Comité pourrait s'attaquer dans l'analyse des grandes stratégies d’approvisionnement.
:
Il faut que cela vienne clairement et sans équivoque d’en haut, c’est-à-dire du . Pas seulement du ministère des Affaires étrangères, parce que le fait que nous... Si vous écoutez les témoignages concernant l'approvisionnement, vous verrez que même Affaires mondiales n’a pas voix au chapitre et que, pour diverses raisons, il n’est pas toujours écouté. Il faut que cela vienne d'en haut.
On dira qu'il ne faut pas parler de la Chine en raison de tout ce qu'elle nous a fait, notamment à cause de la détention de Michael Kovrig et de Michael Spavor. C'est en grande partie vrai, mais c’est précisément l’objectif de la Chine. En muselant le gouvernement et en le contraignant à la passivité, la Chine... Je dis souvent que les gens concernés ne sont pas les Chinois. Les Chinois sont des gens très compétents. Les gens concernés par le silence du gouvernement sont les fonctionnaires canadiens, qui continuent d’envoyer des missions et des visiteurs en Chine et qui continuent de traiter l’approvisionnement comme une affaire courante.
Permettez-moi d’ajouter une observation tirée de mon expérience des ambassades canadiennes. La garantie que vous avez obtenue que les vendeurs seront supervisés à l’intérieur de l’ambassade devrait être accueillie avec beaucoup de scepticisme. Je me suis fait un devoir de voyager d'un endroit à l'autre pour voir ce qui se passait lorsqu'il y avait des travaux de maintenance. C’est un travail jugé très ennuyeux, qui est souvent confié à des membres de la famille et aux enfants qui reviennent de l’université. Sur place, j’ai vu des gens regarder leur téléphone et lire des revues.
Tout ce que la Chine a à faire dans le lien créé par le biais de Nuctech est de trouver quelques maillons faibles, et, croyez-moi, elle en trouvera.
:
Cela dépend du problème. Pour ce qui est de l’expertise technique, ce serait certainement le CST. Je crois qu’il a désormais cette expertise et qu’il l’offre dans certains cas particuliers, mais il faudrait d'abord le consulter.
Ensuite, pour les aspects géopolitiques, vous ne voudriez pas faire intervenir un organisme comme le SCRS, qui pourrait peut-être, par ailleurs, fournir des données contextuelles plus générales et qui aurait une connaissance de... Il y a aussi le fait que, même s'il semble s'agir d'entreprises privées, ces entités peuvent être des coquilles vides appartenant à de multiples strates de sociétés chinoises et, en fin de compte, à une société d’État. Le SCRS a la capacité de saisir ce contexte plus vaste.
Il n'y en a pas qu'un, malheureusement, et je crois que nous sommes tous d'accord ici, mais, en attendant, je m’adresserais au moins au CST et au SCRS.
:
Nous devons terminer ponctuellement.
Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence ici aujourd’hui et d’avoir répondu à nos multiples questions. Il est très difficile de répondre à certaines questions en peu de temps, mais nous vous remercions de vos commentaires.
Merci encore d'être venus nous voir. Vous pouvez maintenant vous retirer.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, nous allons mettre fin à la partie publique de notre séance et poursuivre à huis clos.
La séance sur Zoom va donc prendre fin. Vous devez quitter la réunion et revenir en cliquant sur le lien qui vous a été communiqué et en utilisant le nouveau code.
Sur ce, je vais suspendre la séance jusqu’au huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]