Passer au contenu

OGGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 012 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 7 décembre 2020

[Enregistrement électronique]

(1540)

[Traduction]

     La séance est ouverte. Merci à tous d’être là.
    Bienvenue à la 12e séance du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes.
    Le Comité se réunit aujourd’hui de 14 h 37, ce qui doit faire 15 h 37, heure de l’Est, jusqu’à 17 h 37. Nous entendrons des témoins dans le cadre de l’étude du Comité sur le contrat d’équipement de sécurité offert à Nuctech, puis nous discuterons des travaux du Comité à huis clos.
    Pour assurer le bon déroulement de la séance, voici quelques règles à suivre.
    Le service d’interprétation de la vidéoconférence sera à peu près identique à celui d'une séance ordinaire du Comité. Vous avez le choix, au bas de l'écran, entre le « parquet », « English » ou « Français » et vous êtes priés de cliquer sur la langue que vous allez utiliser.
    Avant de parler, veuillez attendre que je vous donne la parole. Lorsque vous êtes prêt à intervenir, cliquez sur l’icône du microphone. Lorsque vous ne parlez pas, votre microphone doit être en sourdine.
    Pour faire un rappel au Règlement pendant la séance, les membres du Comité doivent s’assurer que leur microphone est activé et dire: « Rappel au Règlement » pour attirer l’attention du président.
    Si vous avez besoin de parler en privé avec le greffier ou l’analyste pendant la séance, veuillez communiquer avec eux par courriel à l’adresse du Comité, de façon à respecter la distanciation sociale.
    Ceux qui participent à la séance dans la salle de comité doivent savoir que le port du masque est obligatoire, à moins qu'ils ne soient assis, lorsqu'il n'est pas possible de respecter la distanciation physique.
    Chacun des témoins aura cinq minutes pour faire son exposé liminaire. Nous suivrons l'ordre prévu, et je vais vous désigner par votre nom.
     Je crois comprendre, monsieur Elcock, que vous ne ferez pas d’exposé. Nous commencerons par écouter les observations de M. Charles Burton.
    J’invite le témoin à nous livrer son exposé liminaire.
    Je voudrais apporter un complément d'information au témoignage que des fonctionnaires ont présenté au Comité le 18 novembre. Il s'agit de renseignements sur la relation entre Nuctech et l’appareil du Parti communiste chinois, qui constitue le régime de la République populaire de Chine.
    L’organigramme montre le Parti communiste chinois et son secrétaire, Chen Zhiqiang, au sommet de la pyramide de Nuctech. Le parti est au sommet. Le conseil d’administration et la haute direction de Nuctech sont donc subordonnés aux directives du Parti communiste chinois.
    En effet, le secrétaire du parti, M. Chen, est également président du conseil d’administration de Nuctech. Comme très haut responsable du Parti communiste chinois, M. Chen est également membre du Congrès populaire national de Chine. Le secrétaire du parti est donc le plus haut responsable de Nuctech et le plus puissant.
    L’État chinois subventionne lourdement Nuctech et d’autres entreprises chinoises de développement et de production de matériel et de logiciels pour faire en sorte que ces produits soient très concurrentiels sur les marchés mondiaux. C’est pourquoi Nuctech a pu nous présenter l’offre la moins chère. La raison d’être de Nuctech, comme de toutes les entreprises d’État chinoises, n’est pas principalement la rentabilité économique; elle doit aussi servir d’autres objectifs généraux du régime de la RPC.
    Comme il a été dit dans les témoignages entendus au cours d’une séance précédente, la loi chinoise sur le renseignement national de 2017 oblige tous les ressortissants chinois, y compris ceux qui travaillent pour Nuctech en Chine et à l’étranger, à collaborer avec les agents de l’État chinois sur demande, à promouvoir les intérêts de l’État chinois en dérobant des données confidentielles et en compromettant la sécurité d'infrastructures partout dans le monde.
    Cette loi sur le renseignement n’est en fait qu’une façade. En réalité, le lien entre Nuctech et l'ensemble étatique chinois qui comprend le parti et l'appareil militaire est beaucoup plus qu’une relation maître-serviteur; c’est en fait une relation symbiotique. Ce que je veux dire par là, c’est que Nuctech, comme toutes les entreprises d’État chinoises, est pleinement intégrée au parti de la RPC, à l’appareil militaire et à l’appareil de sécurité parce que, comme l’a dit le secrétaire général du parti, Xi Jinping, « parti, gouvernement, militaires, civils et universitaires, Est, Ouest, Sud, Nord et Centre, le parti dirige tout ».
     Tout comme le Parti communiste chinois ne permet pas l’existence d’une véritable société civile ou de secteurs non gouvernementaux, il n’y a pas non plus d’entreprises industrielles en Chine qui existent indépendamment du parti d’État de la Chine. Dans l’évaluation des soumissions, nous devons comprendre que Nuctech est de nature foncièrement différente de ses concurrents étrangers, ceux qui existent dans un espace civil à l’extérieur des institutions politiques.
    Il s’agit d’une distinction extrêmement importante entre Nuctech et les entreprises non chinoises du secteur de l’équipement de sécurité. Les objectifs de Nuctech sont en fait ceux du Parti communiste chinois. En raison de son rôle en tant qu’élément intégral du régime unifié du Parti communiste, Nuctech n’a pas pour objectif principal de réaliser des profits, mais plutôt de servir les intérêts généraux du Parti communiste chinois en Chine et à l’étranger, ce qui englobe l’énorme programme de renseignement qui se déploie en Chine même et à l'étranger.
    Nuctech peut réciproquement faire appel à l'appareil militaire et au renseignement chinois pour obtenir des technologies étrangères et des données sur l'étranger afin d’en tirer un avantage. Il est entièrement soutenu par les vastes opérations du Front uni du Parti communiste chinois, coordonnées à partir des ambassades et consulats de la Chine à l’étranger.
    C’est que Nuctech, comme toutes les entreprises de la RPC, est mobilisée par le Parti communiste chinois pour servir les objectifs géostratégiques du régime de la RPC dans le monde entier. Voilà pourquoi le secrétaire du Parti communiste chinois, Chen Zhiqiang, est le plus haut responsable de Nuctech.
    L’essentiel ici est de prendre conscience du fait que Nuctech est une fonction d’un régime intégré qui regroupe parti, État, militaires et civils de la RPC, dont l'objectif stratégique est diamétralement opposé aux intérêts et aux valeurs de l’Occident démocratique libéral, y compris le Canada.
    Ma conclusion sera très brève.
     L’approche du Canada en matière d’approvisionnement, qui fait abstraction du pays d'origine des soumissions, si politiquement correcte soit-elle, ne devrait pas s’appliquer aux soumissions d’entreprises d'État ou autres de la République populaire de Chine. Étant donné que la Chine viole systématiquement les normes de l’ordre international fondé sur des règles en matière de diplomatie et de commerce, cette approche qui fait abstraction du pays d'origine, occulte la réalité des entreprises du régime chinois et la menace qu’elles représentent pour la sécurité nationale du Canada. Bref, le Canada ne peut pas faire plus confiance à Nuctech qu'au Parti communiste chinois.
    Merci, monsieur le président.
(1545)
    Merci, monsieur Burton.
    Je donne maintenant la parole à M. Leuprecht, qui aura cinq minutes. Je vous en prie.

[Français]

     Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre invitation. Je vais intervenir en anglais, mais vous pourrez poser vos questions dans la langue de votre choix.

[Traduction]

    J’espère que vous avez reçu le mémoire que je vous ai adressé. Je vais devoir m’en tenir à des extraits de ce mémoire, que j’ai rédigé de propos délibéré avec mon collègue, David Skillicorn, de la School of Computing de l’Université Queen’s, afin de contribuer davantage à l’évaluation de la sécurité de la technologie.
    Nous soutenons depuis longtemps que l’engagement stratégique et politique du Canada doit être beaucoup plus nuancé pour refléter la complexité d’une relation qui évolue rapidement. Dans certains cas, la Chine est un partenaire, dans certains autres un concurrent et dans d’autres encore un adversaire. Ces trois défis convergent lorsqu'il s'agit de technologie, de sécurité et d’approvisionnement.
    Selon notre évaluation des risques pour la sécurité, du point de vue technique, ces risques, même s'ils existent, sont modérés et gérables. L’enjeu est plus vaste: un gouvernement démocratique devrait-il se procurer ces technologies auprès de la Chine, et en particulier auprès d’entreprises chinoises détenues par l’État?
    Tout d’abord, comme M. Burton l’a déjà souligné, la Chine joue sur le long terme et se livre à des pratiques prédatrices pour offrir des prix inférieurs à ceux d’autres entreprises. Le fait est bien documenté dans un rapport que la Commission sénatoriale des relations étrangères des États-Unis a publié le mois dernier. Ce rapport donne beaucoup de détails sur Nuctech et d’autres entreprises technologiques chinoises et sur leur modus operandi.
    En principe, les sociétés publiques ou semi-publiques de régimes non démocratiques devraient être exclues des appels d’offres du Canada, puisqu’elles ne sont pas soumises aux mêmes règles que les sociétés d’ici. Autrement dit, l'affaire Nuctech devrait être renvoyée aux autorités canadiennes en matière de concurrence, plutôt que d’être étudiée par le Comité, comme cela semble être le cas
     En cas de doute quant à l’indépendance de Nuctech, notons qu’elle a été fondée en 1997 par le fils de l’ex-dirigeant chinois Hu Jintao. Il est l’un des fameux « princes rouges », qui sont largement méprisés en Chine. Faire des affaires avec Nuctech peut être bon pour le régime chinois, mais pas pour la Chine et la population chinoise, ni pour l’image du Canada aux yeux du Chinois moyen.
    Deuxièmement, les entreprises canadiennes sont exclues des appels d’offres publics en Chine. Selon le principe de réciprocité, les entreprises des pays qui excluent explicitement les entreprises étrangères de leurs appels d’offres, ou qui structurent leurs marchés de manière qu'elles ne puissent rivaliser, ne devraient pas pouvoir participer aux appels d’offres publics fédéraux au Canada.
    Troisièmement, le Canada ne devrait pas conclure de marchés publics avec un pays qui se livre à une diplomatie des otages; intimide le Canada et certains de ses plus proches alliés; se livre à une propagande éhontée; fait de l’ingérence systématique et à grande échelle à l'étranger; bafoue régulièrement le droit international, notamment en mettant en danger les navires de guerre alliés dans les eaux internationales; et qui est responsable de violations massives des droits de la personne, d’une ampleur inégalée depuis des décennies. Nuctech est complice à cet égard, car ses relations de vente d’équipement au Bureau de la sécurité publique du Xinjiang remontent à plus d’une décennie, comme l'ont révélé des témoignages récents, le 20 juillet, au Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Par conséquent, le Canada ne devrait pas faire preuve de duplicité en faisant affaire avec une entreprise qui commet des violations à grande échelle des droits de la personne, tout en critiquant la Chine pour la façon dont elle traite les membres de la minorité ouïghoure au Xinjiang.
    Quatrièmement, au XXIe siècle, tout est une question de données et de technologie. La Chine veut permettre et promouvoir l’autoritarisme numérique et saper les valeurs démocratiques, mais aussi compromettre et entraver activement la prise de décisions souveraines. C'est ce que nous observons quotidiennement, et chaque fois que la Chine remporte un appel d’offres public, c’est un pas de plus vers cet avenir dystopique.
    Par conséquent, le Canada devrait interdire à toute société publique ou semi-publique chinoise ou à toute entreprise soupçonnée de recevoir des subventions gouvernementales non divulguées, ainsi qu’à toutes les entreprises technologiques chinoises de participer aux marchés publics fédéraux canadiens, y compris aux offres permanentes. Si cette interdiction contrevenait aux obligations commerciales ou juridiques internationales du Canada, la décision devrait revenir au ministre, qui devrait être tenu de la rendre publique.
    Enfin, et je conclus là-dessus, ce dossier témoigne des grandes carences que présentent depuis longtemps les marchés publics fédéraux chez nous, notamment en matière de sécurité et de défense. Je rappelle au Comité que le département du Commerce américain, dans son rapport sur les pays les plus difficiles en matière de marchés publics militaires, place le Canada au deuxième rang, derrière l’Inde.
(1550)
     C’est là une solide validation indépendante des dysfonctionnements des marchés publics dont votre Comité devrait être saisi. Le gouvernement du Canada a l’occasion de retenir des enseignements et de tirer parti de la visibilité de ce quasi-accident avec Nuctech, qui montre à quel point la vaste portée et le risque de menace de cette relation bilatérale sont constamment sans commune mesure avec les moyens actuels du gouvernement en matière de gouvernance.
     C’est l’occasion de se rendre compte qu’au lieu de repousser l’alligator le plus près du bateau, la trousse d’outils qui permet des situations comme celles-ci n’est tout simplement pas adaptée aux besoins. Cependant, les tribunaux disposent d’outils pour examiner les investissements en fonction de considérations de la sécurité nationale, comme la Loi sur Investissement Canada, et d'autres moyens sont en préparation qui concernent les infrastructures essentielles. S’il n’y a pas d’outils comparables en place ou même en cours de discussion pour les examens, sous l'angle de la sécurité nationale, des partenariats de recherche et développement, même dans les domaines visés par l’entente du gouvernement fédéral, comme les trois conseils subventionnaires, les laboratoires universitaires associés de recherche et les laboratoires nationaux, un tel ensemble de moyens conçus pour l’approvisionnement se fait attendre depuis trop longtemps.
    Merci, monsieur Leuprecht.
    Nous allons maintenant passer à M. Mulroney pour cinq minutes. S’il vous plaît.
    Sur un certain plan, ce que nous constatons dans l’affaire Nuctech, ce sont les fossés qui existent dans les bureaucraties. J’étais conscient du risque de manque de communication lorsque j’étais ambassadeur en Chine. Nous avions une douzaine d’organisations différentes à l’ambassade, chacune travaillant directement pour des gestionnaires au Canada. J’avais l’habitude de dire que mon rôle d’ambassadeur exigeait que je sois le grand responsable des communications entre elles. C’était essentiel, car l'absence de concertation et l'incapacité de voir le tableau d'ensemble mènent presque invariablement à l'échec dans la défense des grands intérêts canadiens.
    Certains intérêts canadiens très importants étaient menacés dans l’affaire Nuctech, et vous en avez déjà entendu parler. En bref, il n’est pas dans l’intérêt du Canada de favoriser la domination mondiale d’une puissance technologique appartenant à l’État chinois, ni de créer un accès et des partenariats à long terme dans notre système qui pourraient nous rendre vulnérables à l’avenir.
    Il est vrai que, en temps normal, ily a des manques de concertation dans la bureaucratie, mais la période actuelle n'a rien de normal. J’ai été secrétaire du Groupe d’experts indépendant sur le rôle futur du Canada en Afghanistan, aussi connu sous le nom de groupe d’experts Manley. La mission du Canada à Kandahar échouait parce que les Forces canadiennes, les Affaires étrangères et l’ACDI concevaient la mission différemment.
    Les membres très sages du groupe ont dit que l’Afghanistan était un défi comme on en voit un aux 10 ans, qui exigeait de nouvelles structures et de nouvelles approches. Nous avions besoin d’une vision unique, déterminée par le premier ministre. Nous devions établir des objectifs réalisables, attribuer clairement les responsabilités, affecter les ressources nécessaires pour relever le défi et, surtout, voir la mission comme une priorité canadienne, une priorité qui transcendait les objectifs militaires, diplomatiques ou humanitaires.
    L’accent mis par le groupe sur le processus était peu orthodoxe. Ottawa est une ville qui adore les idées de politique, mais qui s'ennuie à mourir quand il est question d'appliquer les politiques et d'arrêter les détails de la mise en œuvre concrète. Toutefois, comme le groupe d’experts l’a souligné, il est irresponsable de tenter de faire quoi que ce soit d’importance nationale sans se mobiliser et sans s’organiser pour réussir, et c’est un manquement à notre devoir envers le Canada et les Canadiens.
    La gestion des répercussions sur le Canada de la montée de la Chine n’est pas un défi unique comme on en voit aux 10 ans, mais plutôt aux 100 ans, et qui exige une révision de fond en comble des politiques étrangère et nationale.
    L’affaire Nuctech est plus que la manifestation d’un manque de concertation dans la bureaucratie, plus qu’un échec de la part d’un gouvernement qui a plus de difficulté que la plupart des autres à concrétiser les choses. L’expérience nous donne un bref aperçu inquiétant de l’état de la compétence à l'égard de la Chine d’un gouvernement qui a reçu des avertissements quotidiens clairs lui montrant à quel point la Chine constitue ce que la sous-ministre des Affaires mondiales a qualifié de « défi stratégique pour le Canada ». Malgré tout, aucun signe que le gouvernement soit plus sensibilisé, aucun signe d'un plus grand sentiment d'urgence qui le pousserait à cerner et à mieux gérer quoi que soit qui soit lié à la Chine, aucun fait qui traduise quelque geste visant à galvaniser l’ensemble du gouvernement, tous les ministères et organismes, dans un effort d’importance nationale pressante.
    Ce n’est pas vraiment un problème de politique. C’est un problème qui découle de l’absence de politique. Les fonctionnaires que vous avez déjà entendus étaient bien intentionnés, mais ils n’ont manifesté aucun véritable sentiment d’urgence ni même une grande sensibilité au défi que la Chine constitue pour nous. Ce n’est pas leur faute. Cela dénote un manque de leadership, un manque de sens des priorités et un manque de responsabilité au plus haut niveau pour relever un défi tel qu'il n'en survient qu'un par siècle et le gérer intelligemment.
(1555)
     Merci, monsieur Mulroney.
    Madame Carvin, je vous en prie. Vous avez cinq minutes.
    Je constate que mon ordinateur a eu des ratés tout au long de la séance. J'espère qu'il tiendra le coup. Vous aurez sans doute reçu mon mémoire. Je me ferai un plaisir de le répéter au besoin.
    Merci de m’accueillir. Avant de commencer, je dois révéler que j’ai travaillé pour le Service canadien du renseignement de sécurité de 2012 à 2015 à titre d’analyste stratégique. Toutefois, je ne me suis pas occupée de ce dossier particulier, et mon intérêt pour la nature de la relation du Canada avec la Chine tient à mes propres intérêts, recherches et activités universitaires.
    En ce sens, je suis très heureuse de pouvoir m’entretenir de cette question importante avec le Comité. Mon argument est essentiellement le suivant: le contrat de Nuctech pose problème, mais pas pour les raisons évoquées dans les médias.
    Oui, les détecteurs sont fabriqués en Chine, mais il en va de même pour les ordinateurs que nos ambassades utilisent, les téléphones et à peu près tout le matériel de télécommunication. De plus, tous les produits technologiques fabriqués ailleurs contiennent probablement des composantes d'origine chinoise. Pour le mieux, et peut-être pour le pire, il n’est pas possible à l’heure actuelle d’avoir des produits technologiques qui ne sont pas fabriqués en Chine ou qui ne contiennent pas de pièces qui viennent de là-bas.
    Bien sûr, il y a là un risque, mais en même temps, il n’est pas évident que l’interdiction de toute cette technologie puisse garantir notre sécurité. En fait, il est plus problématique de laisser entendre que l’interdiction de l’équipement rend la situation plus sécuritaire. Je veux dire par là que la Chine réussit très bien à obtenir l’information qu’elle veut par divers moyens et qu’un grand nombre d’entreprises technologiques non chinoises, sinon la plupart, surtout dans le secteur des télécommunications, présentent des failles et des vulnérabilités en matière de sécurité qui peuvent être exploitées, et le sont certainement, par des acteurs malveillants.
    Franchement, il existe de nombreuses façons d’espionner les ambassades canadiennes à l’étranger, notamment la surveillance physique, les attaques d’hameçonnage, les menaces internes et l’exploitation des vulnérabilités des logiciels. Un appareil à rayons X dans un endroit non classifié me semble une des façons les plus maladroites de s'y prendre. En ce sens, j’estime que l’élément de menace technique a été exagéré dans le discours public.
    Soyons clairs. Cela ne signifie pas que le contrat avec Nuctech soit satisfaisant. Il y a des problèmes évidents dans ce contrat et le processus d’approvisionnement, que toute cette affaire fait ressortir.
    Le premier problème est celui des entreprises d’État. Inutile d’expliquer au Comité pourquoi il s’agit d’un problème en général, mais, dans ce cas particulier, il convient de signaler qu’il s’agit d’entreprises qui peuvent normalement compter sur un soutien extrêmement généreux de l’État, tant en argent qu'en information stratégique, celle-ci étant souvent recueillie au moyen de l’espionnage industriel. Ces avantages donnent aux entreprises d'État le moyen de battre toute concurrence. Comme elles n’ont pas à respecter les pratiques commerciales normales, elles peuvent soumissionner à des prix très bas pour décrocher les marchés, sans avoir à s’inquiéter des profits ni à rendre des comptes aux actionnaires. À long terme, cela peut entraîner des pratiques qui faussent le marché dans certains secteurs stratégiques. En ce sens, il est clair que certaines entreprises d'État, à cause de leur capacité de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles, représentent un défi géoéconomique pour le Canada et les entreprises de technologie de l’Ouest. Le gouvernement fédéral ne devrait pas récompenser ce comportement.
    Il existe un lien avec une deuxième préoccupation: les pratiques d’approvisionnement du Canada. Il convient de noter que le Canada élabore de plus en plus des processus pour encadrer les investissements étrangers des entreprises d’État en général et qu’il a récemment resserré les restrictions dans certains secteurs, comme celui des soins de santé pendant la pandémie de COVID-19. Mais, pour quelque raison, il semble que les mesures de protection à l'égard des investissements étrangers ne s’étendent pas au processus d’approvisionnement fédéral.
    D’après le témoignage présenté au Comité le 18 novembre 2020 par M. Scott Harris, vice-président, Direction générale du renseignement et de l’application de la loi de l’Agence des services frontaliers du Canada, son organisation a « fait appel à l'expertise de différents collègues, y compris ceux du Centre de la sécurité des télécommunications » pour la conseiller au sujet des menaces à la sécurité que la technologie Nuctech comporte. Si l'ASFC a jugé bon de consulter dans ce cas, pourquoi cette pratique n’est-elle pas courante dans l’ensemble de l'appareil fédéral? L’absence de politiques et de procédures normalisées, où certains ministères demandent des conseils en matière de sécurité et d’autres non, semble être un grave problème.
    En conclusion, mes recommandations sont les suivantes.
    Premièrement, le Canada devrait se doter d'une politique voulant que l’acquisition, par un ministère, de biens et de services fournis par des entreprises d'État fasse l’objet d’un examen officiel et cohérent supplémentaire de façon à garantir que ces investissements sont conformes aux priorités et aux valeurs canadiennes. Il est certain que toutes les entreprises d'État sont différentes et que certaines sont motivées par le seul profit. En ce sens, une interdiction totale n’a aucun sens. L'enjeu doit toutefois faire l'objet d'une gestion du risque qui fait appel à la collaboration des organismes chargés de la sécurité.
    Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit élaborer ce qu’on appelle souvent une politique de « défense en profondeur » en ce qui a trait à l’acquisition et à l’utilisation de la technologie, d’autant plus qu’une grande partie de cette technologie provient actuellement de la Chine.
(1600)
     Il s’agit d’une approche de la sécurité à plusieurs niveaux, avec des mesures à des étapes multiples qui contrôlent l’accès physique, des contrôles technologiques qui limitent ce que les adversaires peuvent faire s’ils ont accès à un système, et fondamentalement, pour la question qui nous occupe, des mesures administratives qui garantissent que les bonnes politiques sont en place pour prévenir les atteintes à la sécurité.
     Les interdictions ne régleront probablement pas nos problèmes, mais la gestion du risque, avec des mesures de sécurité à plusieurs niveaux, sera probablement plus efficace à long terme.
    Bien sûr, la mise en oeuvre d’une telle politique n'ira pas sans difficultés. Dans notre système fédéral, de nombreux organismes différents sont chargés de divers éléments de la sécurité et de l’approvisionnement. Le CST est responsable de l’évaluation technique, le SCRS du contexte de la menace géoéconomique, SPPC de l'optimisation des dépenses, etc.
    Les médias ont révélé que des tensions étaient apparues entre divers ministères dans des circonstances analogues, comme les examens des investissements exigés par la Loi sur Investissement Canada. Malgré tout, les ministères et organismes fédéraux continuent de travailler ensemble pour relever ces nouveaux défis en matière de sécurité, et ils apprennent à s’entendre pour servir le bien commun. Il n’y a aucune raison pour que cela ne se produise pas dans le domaine des approvisionnements du gouvernement fédéral.
    Merci.
    Merci à tous les témoins de ces exposés, dont nous sommes très reconnaissants.
    Nous passons maintenant aux questions. [Difficultés techniques]
    Monsieur le président?
     Je ne sais pas, monsieur le président, si vous pouvez m’entendre ou non. Nous ne vous entendons pas dans la salle. Si vous pouvez m’entendre, faites-moi signe, s’il vous plaît.
    Attendez. Nous allons simplement vérifier auprès des techniciens. Nous ne vous entendons pas dans la salle. Un instant, s’il vous plaît, monsieur le président.
    Monsieur le président, pourriez-vous essayer de nouveau? Nous allons vérifier si nous pouvons vous entendre dans la salle.
    Certainement. Je vais crier un peu plus fort pour que tout le monde m’entende depuis la Saskatchewan.
    Eh bien, vous devez crier fort, puisque nous vous entendons. Tout va bien.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Toutes mes excuses. Vous pouvez poursuivre.
    Merci à tous. Vous m'excuserez. Soyez patients pendant que nous réglons les problèmes techniques.
    Passons aux questions. Comme je l’ai dit, la première heure va se dérouler comme d’habitude. Ensuite, à la deuxième heure, afin de respecter le temps alloué, nous accorderons trois minutes au Bloc, trois minutes au NPD, cinq minutes aux conservateurs, puis cinq minutes aux libéraux pour terminer.
    Nous allons amorcer le premier tour avec M. Paul-Hus.
    Vous avez six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les intervenants de leur témoignage. C'est assez impressionnant et cela confirme beaucoup de choses.
     Au Parti conservateur, nous nous préoccupons grandement de ce qui se passe du côté de la Chine. Comme M. Mulroney l'a mentionné, c'est vraiment le problème du siècle.
    Monsieur Burton, dans votre discours, vous avez parlé de la relation directe entre Nuctech et le Parti communiste chinois ainsi que des liens avec l'Armée populaire de libération de Chine.
    Quelle est la menace directe pour la sécurité nationale du Canada?
(1605)

[Traduction]

     Merci, monsieur le président.
    Ce qui nous intéresse vraiment, c’est que le gouvernement chinois a une politique de...
    Monsieur le président, j’entends l’interprétation en français dans mes écouteurs.
     Monsieur Burton, êtes-vous certain d’avoir choisi le canal anglais pour parler anglais?
    Oui. L'anglais est clairement indiqué sur mon écran.
     Poursuivez, s’il vous plaît, et nous essaierons de nouveau.
    En ce qui concerne la menace à la sécurité, il ne fait aucun doute dans mon esprit que le gouvernement chinois cherche à se doter de capacités qui pourraient être utiles si son intention de s'en servir se concrétisait plus tard. Capacité et intention, cela donne une menace.
    En ce qui concerne l’installation de ces systèmes à rayons X à prix très raisonnable, par exemple, mis à part les préoccupations que le CST a soulevées la dernière fois au sujet des ports USB ou des disques durs internes, il y a aussi l’idée que des gens qui sont peut-être des agents du régime chinois pourraient passer beaucoup de temps dans les locaux de l’ambassade — à la porte, où ils pourraient trafiquer l'équipement ou installer des puces téléphoniques, par exemple. De façon générale, le régime chinois pourrait voir là une occasion, un moyen d’avoir accès à l’ambassade.
    J’ai entendu parler d’un système de tramways installé en Grande-Bretagne par les Chinois. L’entreprise a découvert à sa grande surprise, à l'occasion d'un entretien du système, que le réseau était relié à la Chine par liaison téléphonique, ce qui permettait à des gens qui se trouvent à Nankin de stopper ou de démarrer les tramways à distance.
    Les Chinois veulent se doter de ce genre de moyen, pas forcément parce qu'ils entendent s'en servir tout de suite, mais parce que l'État chinois aurait la possibilité d'en tirer parti pour servir ses objectifs géostratégiques plus tard.
    Autre chose. J'ai passé beaucoup de temps en Chine, où j'ai fait mes études. Si je me rendais dans une ambassade et remarquais que je suis contrôlé par une machine fabriquée en Chine, j’hésiterais beaucoup à entrer, simplement parce qu'il est possible d’utiliser une intelligence artificielle avancée, par exemple, pour exercer une surveillance. Ce type de matériel a déjà été utilisé à des endroits comme le Xinjiang contre les Ouïghours.
    Nous devons, en général, être très prudents à l’égard de toute entreprise liée à l’État chinois.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Burton.
    J'ai l'impression que tout le monde le sait, mais que plusieurs n'osent pas agir pour des considérations économiques.
     Comme l'a mentionné Mme Carvin, les systèmes de Nuctech dans les ambassades sont une chose, mais les systèmes dont nous faisons l'acquisition sont parfois fabriqués en Chine. Nous les laissons entrer dans nos systèmes gouvernementaux. Nous pouvons laisser le privé à part puisque nous sommes ici pour parler des installations du gouvernement du Canada, mais je crois que nous manquons de prudence.
    Nous avons remarqué un manque de cohérence lorsque nous avons rencontré des fonctionnaires, il y a deux semaines. Il n'y a aucune relation entre les différents ministères. Un rapport de Deloitte, demandé par Affaires mondiales Canada, nous a coûté 60 000 $ par page. Tout cela pour nous faire donner des recommandations qui ne résoudront pas le problème.
    Selon vous, que doit faire le gouvernement du Canada immédiatement pour essayer de régler la situation rapidement?
(1610)

[Traduction]

    Cette question s’adresse-t-elle à moi?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Oui, je suis tout à fait d’accord avec Stephanie Carvin: nous devons adopter de meilleures procédures et être pleinement conscients des risques pour la sécurité que peut présenter l’acquisition de matériel chinois. Les Chinois ont proposé le prix le plus bas, de la même façon que la Chinoise Huawei a fait des offres d'environ 30 % inférieures à celles d'Ericsson et de Nokia.
    Nous devons être conscients du fait que les entreprises de cette nature constituent une menace à la sécurité, qui, comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, sont d’une nature tout à fait différente de celle des autres entreprises.
    Voyez la différence: une entreprise canadienne comme BlackBerry ne pourrait pas puiser dans les ressources du CST pour obtenir de l’information sur la technologie produite par ses concurrents ou pour avoir des données sur les soumissions, par exemple, alors que les sociétés d’État chinoises peuvent absolument compter sur les ressources de l’État, parce que c’est un système intégré, unifié.
    De ce point de vue, la prise de conscience de ces faits est la clé, et il serait formidable d'avoir en place les procédures voulues pour que cela ne se reproduise jamais. Je suis aussi tout à fait d’accord avec M. Mulroney pour dire que le gouvernement n’a tout simplement pas engagé suffisamment de ressources pour acquérir l’expertise nécessaire à une solide compréhension de la nature de nos relations avec la Chine, qui soulèvent de nombreuses questions et se démarquent de nos relations avec tout autre pays.
     Merci, monsieur Burton.
    Nous passons maintenant à M. Jowhari. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également tous les témoins, dont les exposés ont été très instructifs, couvrant tout un éventail des points de vue ainsi que nos relations avec la Chine.
    Les observations qui m’ont inspiré ou qui m’ont fait sourciller ont été celles de M. Mulroney. J’ai noté quelques points sur lesquels je voudrais connaître son opinion.
    En résumé, d’après ce que j’ai compris, il n’y a pas de politique à l’égard de la Chine ou de l'ensemble des relations avec ce pays. Vous avez parlé d’un leadership centralisé, de l’harmonisation entre divers ministères, de la mobilisation des organisations pour parvenir au succès et d’un haut niveau de responsabilisation. Ce qui est ressorti, c’est que, selon vous, il n'existe aucune politique.
    Étant donné que vous avez travaillé à l’ambassade et que vous avez représenté le Canada, que pensez-vous de la politique du gouvernement du Canada à l’égard de la Chine au cours des 10 à 15 dernières années? Nous savons que la politique chinoise a changé. La nôtre s'est-elle adaptée, en particulier en ce qui concerne la technologie, l’investissement, la dimension socioéconomique et les affaires étrangères?
    Pouvez-vous nous éclairer?
    La première chose à retenir, c’est que la Chine est extrêmement dynamique et qu’elle est donc en train de changer. La Chine de Hu Jintao, qui se faisait plus belliqueuse et s'affirmait davantage, a été remplacée par la Chine de Xi Jinping, qui est extrêmement belliqueuse et s'affirme résolument. À cet égard, non, nous n'avons pas su nous adapter à cette évolution.
    Un sage australien a dit un jour que si l’Australie n’avait pas de politique chinoise, la Chine avait certainement pour sa part une politique australienne. Elle a assurément une politique canadienne.
    À ce sujet, deux choses. Premièrement, je ne pense pas qu'il s'agisse ici d'une question d’approvisionnement. Le vrai problème, c'est la Chine. Deuxièmement, nous ne devrions pas sous-estimer les difficultés à surmonter pour galvaniser et rassembler les composantes de l'appareil gouvernemental.
    Je ne suis pas aussi optimiste que Mme Carvin quant à la capacité des gens de la base de se mobiliser tous ensemble. Cela exige un véritable leadership. Il faut que tous fassent attention et prennent du recul lorsque la Chine est en cause, où que ce soit, et mènent des consultations.
    Il faut relever la barre beaucoup plus haut en ce qui concerne les normes de sécurité dans le cas de la Chine. Il ne s'agit pas simplement de l'achat d'un ordinateur qui est peut-être fabriqué en Chine. Il s’agit d’une relation à long terme avec une entreprise, Nuctech, qui serait présente dans toutes nos ambassades, ce qui permettrait à la Chine de trouver le maillon le plus faible de cette chaîne d’ambassades.
    Soit dit en passant, les Chinois vont trouver un maillon faible quelque part. Le problème est de plus grande envergure.
    Enfin, il ne s’agit pas ici d’un problème propre au Canada. Nous avons des alliés qui sont exactement dans le même bateau. C’est de ce côté que notre diplomatie devrait s'orienter. Nous devrions discuter avec les Australiens et les Néo-Zélandais, avec les Danois, les Suédois et les Britanniques de la façon dont ils abordent cette question. Nous constaterions qu’il y a là une cause commune.
    Nous avons beaucoup de retard. J’ai une grande confiance en notre capacité de le rattraper, mais il faut que la volonté de le faire se manifeste à un haut niveau.
    Merci.
(1615)
    En ce qui concerne plus précisément le traité bilatéral sur l’investissement que nous avons signé en 2012 avec la Chine, l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers, ou APIE permettant un traitement non discriminatoire et équitable des investisseurs chinois, en général, pensez-vous que nous devrions réexaminer ce traité, le réévaluer ou le modifier?
    Qu’en pensez-vous?
    Ce qu’il ne faut pas oublier au sujet de l’accord sur l’investissement étranger, c’est qu’il s’applique aux investissements étrangers existants et qu’il traite équitablement les investissements chinois au Canada et les investissements canadiens en Chine.
    Le gouvernement a toujours conservé la capacité de bloquer tout investissement au Canada qui irait à l’encontre de toute perception des intérêts canadiens et des intérêts canadiens en matière de sécurité en général. Je ne crois pas que cela soit au coeur du problème. Nous avons toujours conservé cette capacité et, en fait, nous avons manifesté notre volonté de nous en servir au fil du temps. Ce n’est pas vraiment une question d’investissement; c’est une question d’approvisionnement, mais cela fait partie d’un ensemble plus vaste de préoccupations au sujet des empiétements de la Chine.
    D’une part, j’entends dire que ce n’est pas une question de technologie, mais une question d’approvisionnement. D’un autre côté, j’entends dire que ce n’est pas vraiment une question d’approvisionnement, mais une question beaucoup plus vaste et fondamentale.
    L'un d'entre vous peut-il m'aider, moi, à concilier tout cela? Nous pouvons probablement passer à M. Burton. On vous a posé des questions plutôt sur la sécurité, mais comment pouvez-vous concilier tout ce qui se dit: question d'approvisionnement ou non? Question de technologie? Question de politique?
    Qu'en pensez-vous?
     Il y a certainement un problème de processus d’approvisionnement en ce sens que, comme on l’a souligné, les fonctionnaires qui vous ont parlé la dernière fois sont irréprochables, mais font ce qu'exigent les règlements et les pratiques établis.
     De toute évidence, ces règlements et ces pratiques ne sont pas efficaces pour empêcher l’État chinois de faire une offre à bas prix avec les 63 cases dûment cochées et d’expédier son équipement dans les ambassades. Ainsi, les agents chinois ont toutes sortes de possibilités d’accès à nos installations diplomatiques. Nous avons besoin d’une politique générale qui repose sur une bonne compréhension de la nature des approvisionnements provenant de l’État chinois et d’un processus très rigoureux d’évaluation des soumissions par des gens qui, dans les organismes gouvernementaux compétents, ont l’expertise nécessaire pour évaluer le risque sécuritaire. Dans ces conditions, nous n'achèterons pas en Chine, dans la plupart des cas.
    Merci, monsieur Burton.
    Passons maintenant à Mme Vignola. Vous avez six minutes.

[Français]

    Ma première question s'adresse à M. Burton.
    Monsieur Burton, j'ai eu le plaisir de lire quelques-uns de vos articles, notamment celui du Globe and Mail du 4 décembre. Il était question de la situation entre la Chine et l'Australie. En représailles, la Chine a imposé à l'Australie des taxes faramineuses sur l'orge et le vin, qui ont coûté à cette dernière des milliards de dollars.
    Ici, au Canada, il y a des situations similaires, par exemple, celle de Huawei. De plus, Nuctech a des contrats avec la Chine jusqu'en 2023, si ma mémoire est bonne.
    Si le Canada met son pied à terre et que nous arrêtons de travailler de façon isolée, quelles pourraient être les conséquences, soit positives ou négatives, du point de vue économique et du point de vue de la sécurité?

[Traduction]

    Merci. Il ne fait aucun doute, selon moi, que le régime chinois tentera d'exercer des pressions diplomatiques et économiques s’il estime que cela lui permettra d’atteindre ses objectifs. Nous sommes en pleine diplomatie des otages avec Michael Kovrig et Michael Spavor, par exemple. Je soupçonne que, quand le Parti communiste chinois a autorisé Mme Meng Wanzhou à transiter par le Canada, il supposait que celui-ci ne tiendrait pas compte de ses obligations envers les États-Unis en vertu du traité d’extradition parce qu’on savait à Ottawa qu’il valait mieux ne pas détenir Mme Meng. Les diplomates chinois déclarent maintenant: « Vous l'avez mise en détention, vous devez être punis. » Donc, même si Mme Meng est finalement en mesure de retourner en Chine en vertu d’un accord de suspension des poursuites, du retrait de la demande d’extradition ou de la décision du juge Holmes invalidant l'extradition, nous serons punis. Reste à savoir si nous allons réagir.
     Plus du tiers du commerce extérieur de l’Australie, je crois, se fait avec la Chine, et les sanctions de 20 milliards de dollars que celle-ci a imposées en lien direct avec 14 litiges lui causent beaucoup plus de tort. Ils veulent, par exemple, que l’Australie obtienne un financement pour l’Australian Strategic Policy Institute — qui a découvert beaucoup de choses sur l’espionnage et les opérations d’influence de la Chine —, qu’elle accepte d'accueillir Huawei et qu’elle empêche la presse de faire des reportages négatifs, et d'autres choses que le régime chinois estime que nous pouvons obtenir.
     À cet égard, je crois qu'il faut s'attendre à des représailles, sauf si les Chinois se rendent compte que nous ne céderons pas et que nous ne ferons pas de concessions sous la pression. En ce moment, en retenant Kovrig et Spavor, ils nous empêchent de répondre à Huawei 5G. Nous n’adoptons pas la loi Magnitsky contre les responsables chinois complices du génocide au Xinjiang et nous ne respectons pas notre obligation de signer la déclaration conjointe britannique au sujet des Hong-Kongais persécutés en vertu de la loi sur la sécurité nationale, que nous jugeons illégale. Les Chinois ont donc obtenu du Canada la réaction qu'ils souhaitaient.
     Je pense que ce n'est pas ainsi qu'il faut réagir. Il est temps de faire savoir clairement au régime chinois que nous ne nous laisserons pas intimider. L’Australie est certainement pour nous un très bon exemple à suivre.
(1620)

[Français]

     Je vous remercie, monsieur Burton.
    Je vais maintenant me tourner vers M. Mulroney.
    Monsieur Mulroney, vous disiez plus tôt qu'il fallait cesser de travailler isolément et que les ministères devaient se parler entre eux. Nous avons eu tout une surprise, il y a quelques semaines, en apprenant que, dans le formulaire de commande de Nuctech, il n'y avait pas eu de spécification de sécurité. Or on sait maintenant que Nuctech a des contrats pouvant aller jusqu'à 2030.
    Est-il temps maintenant de revoir nos processus pour les rendre plus efficaces et plus transparents d'un ministère à l'autre afin d'assurer la sécurité au Canada?

[Traduction]

     Oui, effectivement, mais je continue de douter que la bureaucratie fédérale — et je suis un ancien bureaucrate fédéral — puisse le faire seule, même avec la meilleure volonté du monde. Le gouvernement ne peut procéder à ce genre d’opération intelligente et connectée que pour un temps limité dans un dossier aussi complexe que celui de la Chine.
    J’ai parlé du groupe Manley sur l’Afghanistan parce que ce sont des gens comme John Manley, Derek Burney et Paul Tellier qui ont recommandé au gouvernement de se réorganiser pour relever certains défis particuliers, et ce sous la direction du premier ministre. Il nous faudrait au moins ce niveau d’organisation concernant la Chine pour que tous les hauts fonctionnaires fédéraux sachent que, si la Chine est impliquée dans un problème quelconque dont ils s'occupent, ils doivent suspendre leurs activités. Ils doivent réfléchir et consulter. Faute de quoi, je crains que nous n’y arrivions pas. Nous n’y arriverons pas en travaillant de bas en haut. Cela doit venir d’en haut, parce que c’est un changement important dans le fonctionnement du gouvernement. Vous en avez vu les conséquences à la dernière réunion: nous n’avions pas besoin de Deloitte, un cabinet d’experts-conseils coûteux, pour nous dire que le gouvernement doit collaborer, mais cela ne se fera pas sans un leadership de haut niveau.
(1625)
    Merci, monsieur Mulroney.
     Merci, madame Vignola.
    Monsieur Green, vous avez six minutes.
    Voilà une excellente transition, parce que je crois aussi qu'il n'est pas toujours nécessaire de solliciter Deloitte pour nous dire ce que nous devrions déjà savoir.
    Ma question, monsieur le président, s’adresse à M. Manley. Comme les membres du Comité, je pense que nous avons ici une occasion unique, avec des gens qui ont une vaste expérience du gouvernement, des relations entre la Chine et le Canada, et de la politique.
    Le 18 novembre, Services publics et Approvisionnement Canada a confirmé son intention de cesser de faire affaire avec Nuctech, en précisant cependant que, compte tenu des normes, des règles et des méthodes en vigueur ou des dispositions juridiques, il ne pouvait garantir que ce serait possible.
    Monsieur Manley, d’après votre expérience, quelles sont les normes ou les lois canadiennes qui empêcheraient le Canada de mettre fin à ses relations avec Nuctech ou avec d’autres entreprises qu’il considère comme un risque pour la sécurité?
    Je suppose que vous vous adressez à moi.
    Mon nom est Mulroney. Manley, c'est l’autre monsieur. Il y a aussi un autre Mulroney, mais je suis celui qui est ici aujourd’hui.
     Toutes mes excuses, monsieur Mulroney. C’est bien à vous que je m'adresse.
    Pas de problème.
    Les choses bougent. Il y a des fonctionnaires qui, avec raison, parlent des marchés publics et de la réglementation de l’OMC, et il peut y avoir d’autres problèmes de passation de marchés. Sauf votre respect, c’est parfois le dernier refuge de la bureaucratie quand elle ne veut pas s'engager.
     Aussi importante que soit la réglementation des marchés publics dans le cadre de l'OMC, réglementation que, comme M. Burton l’a souligné, la Chine ignore largement, et aussi importante qu’elle soit pour nous — et je le comprends —, notre sécurité nationale l'est encore plus. Le gouvernement doit comprendre que la Chine et son ascension sont une priorité qui exige des idées neuves et que nous n’accepterons pas l'argument sans appel qu'il est impossible de faire quoi que ce soit en raison de la réglementation des marchés publics. Nous devons prendre le temps de réfléchir.
    Monsieur Mulroney, à cet égard, M. Jowhari a soulevé des questions qui me semblent importantes. Vous n’étiez peut-être pas d’accord.
    Se pourrait-il que l’APIE, ratifié par le Canada, et le mandat de 31 ans liant sept gouvernements canadiens successifs, fassent partie des règlements ou des lois que le gouvernement chinois pourrait invoquer pour prétendre que, en vertu de l’une ou l'autre disposition, nous ne le traitons pas équitablement? Compte tenu de la rhétorique et des tirs à boulets rouges, compte tenu également de — je cite — la compatibilité des valeurs et de tout ce qui, en fait, donne lieu à des analyses problématiques, très franchement, est-ce que l’APIE ne pourrait pas être utilisé pour déposer une plainte contre les pratiques d'approvisionnement du Canada à l'égard d'une entreprise chinoise?
     Peut-être pourriez-vous expliquer plus tard ce que vous entendez par « tirs à boulets rouges », parce que je n’ai certainement pas participé à...
    Pas vous, mais la rhétorique... Sachez, monsieur Mulroney, que la rhétorique que nous avons entendue ici même aujourd’hui, et, en fait, la rhétorique de la Chambre des communes ces derniers temps, s'écarte considérablement de ce qui caractérisait les relations avec le gouvernement chinois ayant cours sous les conservateurs de Stephen Harper qui ont négocié un APIE de 31 ans.
     Du point de vue des conséquences à long terme de la politique chinoise, selon votre opinion professionnelle, qu'est-ce qui a profondément changé en termes de menace? Je crois que vous avez dit qu'on aurait dû, même à l'époque, les considérer comme une menace, et pourtant le gouvernement Harper nous a liés pour 31 ans.
    L’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers porte sur les investissements existants et sur la garantie qu’ils seront traités conformément au droit international et aux lois du pays. Même si nous voulions nous retirer de l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers, je ne pense pas que cela aurait une incidence sur notre sécurité nationale comme ce serait le cas, par exemple, des marchés publics, qui supposeraient de nouvelles relations et de nouvelles technologies. Je suis plutôt agnostique à cet égard.
    Ce que je dis, c’est qu'on devrait cesser d'invoquer des excuses qui ne tiennent vraiment pas au regard de l’importance de notre sécurité nationale, et je ne vois aucune volonté de le faire. Cette volonté devrait venir des échelons supérieurs, et le silence du gouvernement sur les questions liées à la Chine suscite exactement le genre de passivité que vous avez constatée parmi les fonctionnaires que vous avez vus la semaine dernière. Cela continuera jusqu’à ce que le gouvernement ait le courage de parler aux Canadiens comme il le doit.
(1630)
    À votre avis, compte tenu de l'ascension de la Chine à l'échelle mondiale, depuis combien de temps sait-on qu'elle pourrait adopter ce genre de comportement agressif? Je crois que vous avez parlé d’agression étrangère ou de politiques agressives. Quand vous étiez fonctionnaire, étiez-vous d’avis, déjà à l'époque, qu'elle était un protagoniste agressif à l’échelle mondiale?
    J’ai écrit un livre à ce sujet en 2015, et j’y ai parlé de ma vision de plus en plus sombre de la Chine. Selon moi, jusqu’en 2009 environ, la Chine faisait encore l'apologie de la coopération et de la collaboration internationales. Ayant surmonté la crise qui a suivi, la Chine s’est affirmée davantage, mais sa position s'est radicalisée avec l’arrivée de Xi Jinping. Nous avons vu la Chine étendre son influence en Mer de Chine méridionale et en Inde et intervenir de façon sans précédent dans la plupart des pays occidentaux. Cela s'est accéléré depuis cinq ans.
    Pour terminer, à votre avis, est-ce que d’autres États étrangers, comme la Chine, seraient en mesure de pratiquer le même type de politique agressive susceptible de menacer la sécurité nationale du Canada?
    Il y a d’autres menaces à notre sécurité nationale, mais à mon avis — vous voudrez peut-être poser la question à M. Elcock —, la Chine est de loin la plus importante.
    Merci beaucoup de votre temps.
    Merci.
    Passons à la deuxième série de questions, en commençant par M. McCauley, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup aux témoins.
    Monsieur Leuprecht, vous avez dit que la présence de Nuctech dans nos ambassades était un risque modéré et gérable, mais pourquoi s'en préoccuper si c'est un risque faible ou gérable? Pourquoi notre gouvernement s'interroge-t-il au lieu de l’interdire carrément?
    C'est précisément le sens général de l'idée qu'il s’agit d’un défi stratégique, mais il faut aussi comprendre que, intrinsèquement, des remarques générales concernant l’engagement géostratégique de la Chine découlent des risques certains.
     Le problème, comme Mme Carvin l’a souligné, c'est que nous raisonnons à l'envers. Nous commençons par nous intéresser aux micro-risques que pose une certaine technologie au lieu d'envisager les risques à grande échelle, d'analyser les macro-éléments, aussi bien sur le plan de l’orientation stratégique que des effets sur les pratiques d’approvisionnement et sur le contrôle de la sécurité nationale, ce qui permettrait de passer outre à l'analyse des micro-menaces.
    Ne vous y trompez pas. Ces menaces sont réelles. Comme M. Burton l’a souligné, tout logiciel doit être actualisé un jour ou l'autre, et les mises à jour sont en soi un risque important.
     C’est la partie que les gens ne comprennent pas à propos de Huawei; ils se demandent: « Comment se fait-il qu’il n’y ait pas de porte arrière? » Eh bien, il n’y a pas de porte arrière jusqu'ici, pas de compromis non plus, mais il faut, par définition, qu'une porte arrière soit intégrée au logiciel pour pouvoir le mettre à jour. Du jour au lendemain, un protagoniste hostile pourra y intégrer une technologie malveillante. Écoutez, il y a beaucoup à apprendre, par exemple, au sujet des allées et venues à l’ambassade, des types de matériel et de la circulation à des heures inhabituelles, et ainsi de suite.
     Je pense que même les dissidents qui viennent à notre ambassade... Un dissident chinois y pensera à deux fois avant de passer par un système de sécurité chinois.
    Je pense que la capacité à tracer ces dissidents et à surveiller leurs allées et venues est un peu à l'image des activités des organismes de renseignement sur les transmissions. Le simple fait de pouvoir suivre les allées et venues suffit à fournir beaucoup d’information, surtout lorsque la circulation, par exemple, ne se fait pas aux heures ouvrables normales. On peut penser: « Il se passe effectivement quelque chose à l’ambassade. Maintenant, il faudrait en savoir plus en utilisant d’autres technologies ou d’autres compromis technologiques au sein de l'ambassade. »
    Merci.
    Madame Carvin, vous avez dit qu’une interdiction totale n'aurait pas de sens, puis vous avez parlé de tous les problèmes que nous aurons en matière d’approvisionnement et des autres difficultés que nous aurons à cet égard.
    Ne devrait-on pas purement et simplement l'interdire, puis nous attaquer à quelques-unes de ces nombreuses difficultés, notamment entre les ministères, pour pouvoir au moins faire cesser immédiatement l’hémorragie et instaurer les procédures nécessaires?
    C’est une possibilité. Je crains que nous ne puissions tout simplement pas nous adapter assez rapidement.
    Ce qui m'inquiète, c’est que nous semblons avoir une démarche à sens unique. Ce que je préconise, c’est une sécurité à plusieurs niveaux. J'ai beaucoup de respect pour le point de vue de mes collègues, mais, si nous prenons l’exemple de l’appareil à rayons X, vous dites qu'un dissident y penserait à deux fois avant de le franchir. Eh bien, je m’inquiéterais davantage des caméras de rue qui m’entourent certainement...
(1635)
    Je suis tout à fait d’accord avec vous, et je suis sidéré que...
    Il y a tellement d’autres façons...
    Cela nous ramène à ce que vous avez dit au sujet des niveaux de sécurité. À notre première réunion, j’ai été sidéré d’entendre les témoins dire les uns après les autres: « Oh, ce n’est pas sur notre liste de sécurité; nous avons fait ce qu’il fallait. » C’est comme si l'avion s'était écrasé sur le flanc de la montagne, mais que tout allait bien parce que nous avions vérifié tous les éléments de la liste de contrôle. Il faudrait tout de même faire preuve de bon sens, mais, non, il semble que nous en manquions parce que nous sommes trop occupés à cocher les cases au lieu de faire ce qu'il faut.
    Ne devrait-on pas imposer purement et simplement une interdiction en attendant de pouvoir modifier nos processus afin que les ministères ne ferment pas les yeux, les uns après les autres, sur les questions de sécurité?
    Il vaudrait mieux compter sur l’expertise du Centre de la sécurité des télécommunications. Ses agents sont parfaitement capables de fournir des examens technologiques et de faciliter l'élaboration de stratégies d’atténuation des risques. C'est ce qu'ils ont fait, je crois, pour l’ASFC. Le 18 novembre, son représentant a déclaré ici que, en effet, il avait communiqué avec le CST et l’avait consulté au moment de l'achat et de l'utilisation de ces technologies.
    Je pense qu’il serait plus facile, n’est-ce pas, de... Nous avons l’expertise nécessaire. Ce qui manque, à mon avis, c’est exactement cette case qu’il faut cocher. Nous devons réévaluer complètement ces cases.
    D’accord. Je me demandais...
    Merci, madame Carvin.
    M. Kelly McCauley: ... si le CST devrait effectuer une analyse de sécurité de tous ces appareils.
    Le président: Merci, monsieur McCauley.
    C'est au tour de M. Weiler, qui dispose de cinq minutes.
    Je tiens également à remercier les témoins de leur visite et de leurs commentaires et exposés très intéressants.
    J’aimerais poser ma première question à M. Mulroney.
    Compte tenu du risque dont vous avez parlé et que la Chine représente depuis un certain temps, vous dites que nous devons examiner la situation dans son ensemble, et je suis tout à fait d’accord. Dans cette perspective, que pensez-vous de l’acquisition de Nexen en2012 par une société d’État chinoise. Pensez-vous qu’un examen de la sécurité nationale aurait dû être effectué à l'égard de cette prise de contrôle d’une entreprise canadienne d'exploitation de ressources naturelles d'une valeur de 15 milliards de dollars?
    Si je me souviens bien, il s’en est suivi une nouvelle politique sur les acquisitions par des sociétés d’État, mais je ne suis pas qualifié pour parler de... Je n’ai pas participé à l’examen de Nexen. Nous avons cependant été témoins d'une évolution de la politique, et il est certain que cette évolution a dû tenir compte, depuis, de la Loi chinoise de 2017 sur le renseignement, dont M. Burton a parlé, et qui fait de chaque entreprise chinoise un agent au service du Parti communiste chinois.
    Monsieur Mulroney, dans cette optique, comment devrait-on envisager l’acquisition d'entreprises canadiennes d'exploitation de ressources naturelles par des sociétés d’État?
     Je pense que notre politique devrait suffire, puisqu'elle tient compte de l’avantage net pour le Canada et de nos intérêts en matière de sécurité nationale.
     Je pense aussi... Je l’ai dit au sujet de l’investissement étranger, de la multiplicité des sources d'investissement étranger. Nous avons vu de grandes institutions financières multinationales commettre des actes répréhensibles. Nous devrions être vigilants, et les zones d'investissement, notamment les provinces et les municipalités, devraient également appliquer les lois, les règles et les règlements en vigueur.
     L’investissement étranger suppose la participation des trois paliers de gouvernement, et je pense que nous nous rapprochons peu à peu, surtout après 2017 et la loi chinoise sur le renseignement, de l’idée qu'il faut procéder à un examen minutieux dont nous avons besoin pour les entreprises d’État.
    Merci, monsieur Mulroney.
    Ma prochaine question s’adresse à Mme Carvin.
     Dans votre déclaration préliminaire, vous avez exprimé l'avis que la menace technique à la sécurité liée à la fourniture de l’équipement Nuctech a été exagérée. Quel serait, selon vous, le risque, pour la sécurité des activités consulaires du Canada, que poserait ce contrat de fourniture d'appareils à rayons X.
(1640)
    Comme l'a confirmé Christian Leuprecht, je pense que le risque est assez modéré. Ces appareils doivent évidemment être mis à jour, et le fait est que des Chinois pourraient venir réparer l’équipement. Tous ces risques sont graves, mais tout ce que je voulais dire, c’est que la simple interdiction d'une technologie ne suffit pas à éliminer la menace.
     Je m’inquiète particulièrement, par exemple, de ce qui se passe du côté de la 5G: nous parlons d’interdire une technologie en pensant que cela va améliorer notre sécurité. C'est bien possible à certains égards, mais le fait est que tous les produits de sécurité ont des lacunes. Tous ces fournisseurs ont de graves problèmes. Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas chinois qu’ils sont sûrs.
    Il faut procéder à l'examen technique de toutes les technologies, parce que nous savons que des États comme la Chine essaient de pirater les systèmes de nos ambassades et d’autres endroits. À mon avis, il n'y a pas que les Chinois, quoique ce devrait être le cas, notamment en raison des problèmes liés aux sociétés d’État, dont on a bien discuté durant cette séance... Toutes nos technologies devraient faire l'objet d'un examen systématique et approfondi. Ce n’est visiblement pas le cas en ce moment.
    Oui, c’est ce qui m'inquiète. En nous occupant exclusivement des appareils à rayons X et de leur éventuelle vulnérabilité, nous escamotons les enjeux plus vastes liés aux actes malveillants, par exemple de la Chine, dirigés contre nos ambassades à l’étranger et contre notre gouvernement, probablement en ce moment même. Nous sommes probablement victimes de piratage en ce moment même. C’est la réalité.
    C’est ce que je voulais dire quand j’ai parlé de l'exagération de cette menace technique précise. On passe à côté de beaucoup d’autres problèmes plus vastes auxquels le Comité pourrait s'attaquer dans l'analyse des grandes stratégies d’approvisionnement.
    Merci.
    Merci, monsieur Weiler.
    La parole est à Mme Vignola. Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     En 2017, il y a eu un changement à la loi sur le renseignement national en Chine.
     Quelle était notre situation avant l'adoption de cette loi, en 2017, et quelle était-elle après?
    Voilà ma première question parce que je ne dispose que de deux minutes et demie.
    Ma deuxième question est la suivante.
    Une compagnie dont la direction est à Hong Kong doit-elle être surveillée autant qu'une compagnie qui est à Pékin?

[Traduction]

    Madame Vignola, à qui voulez-vous poser cette question?

[Français]

    Ma question peut s'adresser à M. Burton ou Mme Carvin.

[Traduction]

    Je peux dire deux ou trois choses à ce sujet.
     Avant l’adoption de la Loi de 2017 sur le renseignement, il était clair que les citoyens chinois étaient toujours tenus de se conformer aux demandes du Parti communiste chinois. Je pense que cette loi a simplement précisé une situation déjà existante.
     Hong Kong est maintenant pleinement intégrée au système continental. Les entreprises qui y sont installées ne peuvent pas échapper au contrôle du Parti communiste chinois et elles doivent donc être considérées comme les autres entreprises chinoises.
    J’ajouterais ceci. Ce genre d’approvisionnement n’est pas réciproque. Le gouvernement chinois ne permettrait jamais à une entreprise étrangère d’installer du matériel 5G dans ses ambassades ou d'y installer du matériel de sécurité, nid’acquérir des mines et d’autres ressources énergétiques. Je pense que, en dehors des questions morales que Christian a soulevées, nous ne devrions pas le faire non plus.

[Français]

     Je vous remercie.
    Si je comprends bien, même si Hong Kong a déjà eu un autre régime, aujourd'hui il est complètement intégré. Supposons qu'une entreprise à charte fédérale veuille faire affaire avec une entreprise sise à Hong Kong, et lui louer pendant 60 ans un quai d'embarquement et de débarquement de marchandises le long d'un très grand cours d'eau du Canada, est-ce aussi le genre de situation où l'on devrait se méfier et auquel le Canada devrait mettre le holà?
(1645)

[Traduction]

     Je suis désolé, mais je ne comprends pas la question. S'agit-il de savoir si une entreprise de Hong Kong a un bail sur une propriété au Canada?

[Français]

    Une entreprise qui désire...

[Traduction]

    Madame Vignola, malheureusement, nous manquons de temps.
    Monsieur Burton, peut-être que Mme Vignola pourrait préciser sa pensée un peu plus tard, après quoi vous pourriez lui répondre par écrit.
    D’accord.
    Merci.
    Monsieur Green, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux profiter de cette dernière partie pour faire ce qui a été proposé tout à l'heure, c'est-à-dire aller au fond des choses pour voir ce que le Comité pourrait proposer pour améliorer l’approvisionnement.
    Monsieur le président, j’aimerais demander à M. Leuprecht comment, selon lui, le gouvernement fédéral pourrait améliorer le mode d'évaluation des risques pour la sécurité?
    Il faudrait d'abord mettre en place un mécanisme d'évaluation pour les approvisionnements.
    Nous en avons un pour les investissements. Nous sommes en train d'en examiner un pour les infrastructures essentielles, mais il n’y en a pas pour une grande partie de ce que fait le gouvernement fédéral ou de ce qu'il investit, par exemple en matière de recherche et de développement.
    On pourrait même commencer par là. Je pense que la discussion que vous amorcez est très visionnaire à cet égard.
    Quelles sont les organisations fédérales qui, d'après vous, devraient jouer un rôle de premier plan dans le processus d’évaluation de la sécurité?
    Cette question a été soulevée à une réunion précédente; je ne vais donc pas anticiper sur ma réponse, mais j’aimerais beaucoup entendre la vôtre.
    Nous avons besoin d’une stratégie globale. Je pense que l’ambassadeur Mulroney a fait allusion aux activités en vase clos qui font en sorte, comme Mme Carvin l’a souligné, qu'une entité prend l'initiative et l'autre pas. Il faudrait aussi repenser complètement la façon dont nous travaillons au gouvernement, en adoptant une approche beaucoup plus horizontale, contrairement au système de mise en œuvre verticale qui est lenôtre. Comme l’ambassadeur Mulroney, je crois, l’a souligné à juste titre, quand il s'agit de passer à l'application des politiques, on n'est pas dans un bon état d'esprit à Ottawa. Le ministre ne s'y intéresse plus, beaucoup de hauts fonctionnaires ne s'y intéressent plus; et ils refilent le dossier à quelqu’un d'autre.
    On a besoin d'un processus complet, de l’élaboration d’une politique à son application. C'est un processus en plusieurs étapes qui nécessite une attention beaucoup plus systématique à chaque étape. Ce serait déjà une très bonne façon d'instaurer une démarche plus équitable.
    À votre avis, compte tenu de votre expérience professionnelle, y a-t-il des tribunes bilatérales ou multilatérales auxquelles le Canada devrait participer pour améliorer son évaluation de la sécurité des approvisionnements?
    Le mécanisme du Groupe des cinq, auquel pensait peut-être Mme Carvin, nous offre déjà un très bon moyen d’améliorer l’intégration opérationnelle. Nous le faisons très bien dans le domaine de la défense, mais c’est beaucoup plus récent dans celui du renseignement et de la sécurité, mis à part le renseignement d'origine électromagnétique. Nous tirons parti des mécanismes disponibles, mais la courbe d’apprentissage est relativement abrupte, notamment en ce qui concerne ce que nous pouvons partager avec nos partenaires et à quelles conditions.
    Ce serait un bon début de mettre en place les cadres qui permettraient de discuter de façon intelligente avec d’autres personnes en possession d’autres renseignements utiles et de rassembler le tout pour avoir une vue d’ensemble au-delà de nos frontières.
    Voilà un cours que vous pourriez élaborer et enseigner.
    Je l’enseigne actuellement au CMR. Vous pouvez vous joindre au cours comme auditeur libre, si vous le désirez.
    Merci de vos excellentes questions.
    Monsieur Paul-Hus, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'adresserai ma question à M. Elcock.
    Je fais partie du Comité spécial sur les relations sino-canadiennes. Il y a deux semaines, le ministre des Affaires étrangères, M. Champagne, a comparu et a mentionné d'emblée dans son discours que la Chine de 2020 n'était pas la Chine de 2015.
    On le voit très bien aujourd'hui, Nuctech n'est qu'une goutte dans le verre d'eau et nous montre vraiment l'enjeu de sécurité que peut représenter la Chine.
    J'aimerais savoir si vous considérez actuellement que le Canada a déjà abandonné le combat devant la Chine.

[Traduction]

     Monsieur le président, non, je ne crois pas. En réalité — et je suis d’accord avec M. Mulroney à ce sujet —, c’est en raison de l'absence de décisions stratégiques au sommet que le gouvernement a plus de mal, en général, à réagir à la menace chinoise. Il est d'une extrême importance que le gouvernement du Canada élabore une politique à l'égard de la Chine ou révise celle qui est la sienne en ce moment. J'ai bon espoir, contrairement à M. Mulroney, que le gouvernement réagira positivement si ces décisions stratégiques doivent être prises, mais je pense effectivement qu'elles doivent être prises.
(1650)

[Français]

     Je vous remercie, monsieur Elcock.
    Je crois que, compte tenu des témoignages que nous avons entendus aujourd'hui, il est assez clair que le gouvernement doit faire un examen de révision de la sécurité nationale de façon urgente en ce qui concerne les acquisitions. Nous sommes réunis surtout pour parler de l'acquisition d'équipement. Nous savons que, il y a deux ans, le gouvernement a fait une révision de la loi par le projet de loi C-59 qui touchait à la sécurité nationale et on a essayé de remettre un peu de structure. Cependant, je crois que nous avons un problème urgent en ce qui a trait à l'acquisition de matériel.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Leuprecht.
    Pensez-vous que nous devrions le faire de façon très urgente?
     Il nous faut une approche plus nuancée. Nous avons une approche trop monolithique à l'heure actuelle. En effet, tout investissement de la Chine n'est pas forcément une menace. Au contraire, en tant que pays moyen ayant une économie moyenne, nous avons besoin d'investissements venant de l'étranger. Nous avons besoin à un certain degré de technologies de l'étranger, parce que nous n’avons pas les capacités de faire la recherche et de tout manufacturer au Canada.
    Il faut donc pouvoir identifier où cet investissement pourrait être un jeu à somme positive pour la Chine et pour le Canada et cepourrait être un jeu à somme positive dans le secteur privé en tant qu'investissement privé alors que la même interaction au sein du secteur public et l'acquisition publique posent une menace à la sécurité nationale.
    Il nous manque actuellement l'outil nécessaire pour adopter cette approche beaucoup plus nuancée envers l'engagement avec la Chine. Il nous faut et il nous manque le leadership de la part des ministres et des politiciens parce que, en fin de compte, ce sont eux qui donnent les directives aux fonctionnaires. Les fonctionnaires pourraient donc juste suivre le mécanisme, les cadres, la loi et la réglementation qui sont mis en place par la direction de la politique de notre démocratie.
    C'est clair que le manque de force politique dans ce dossier est grave.
    J'aimerais vous parler d'un point de vue technique. On se rappelle l'entreprise Nortel. À l'époque, lorsqu'elle a fait faillite, les Forces armées canadiennes ont pris possession du bâtiment, elles ont constaté que l'endroit était sur écoute. Les Chinois l'avaient entièrement mis sur écoute. La technologie à l'époque était moins évoluée qu'aujourd'hui.
    Dans votre présentation, vous avez parlé de l'infrastructure essentielle. Peut-on craindre que la Chine actuellement, avec toutes les technologies déjà installées un peu partout, soit en mesure de prendre le contrôle, par exemple, du métro de Toronto ou de Montréal? Cela peut paraître exagéré, mais d'après vous, sur le plan technologique, les Chinois auraient-ils déjà la possibilité de le faire?
    Le risque existe forcément compte tenu de l'ubiquité des installations technologiques. Cela dit, vous évoquiez le cas de Nortel, mais, dans les années 1970 et 1980, il s'agissait du plus grand employeur des ingénieurs du secteur privé au Canada et il était unleader mondial dans ce domaine. Elle a fait une faillite complète à cause de ses propres erreurs, mais aussi parce que sa propriété intellectuelle avait été volée par des acteurs hostiles.
    Il y a donc, un grand risque non seulement pour les transports publics que vous avez évoqués, mais aussi pour les entreprises canadiennes. Qui investira dans la recherche-développement au Canada sachant que la propriété intellectuelle sera volée par des adversaires?
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, monsieur Paul-Hus.
    C'est au tour de M. Drouin. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui. Je leur en suis extrêmement reconnaissant.
    Monsieur Leuprecht, vous avez parlé plus tôt de Nuctech au Canada et de ses relations avec son siège social. Vous avez expliqué qu'il s'agissait d'une relation de maître à serviteur. J'imagine que vous vouliez dire par là que le processus décisionnel était réglé par le maître et que cette décision avait été prise en Chine, même s'il y avait des filiales au Canada. Les décisions ne se prennent pas au Canada, toute décision est prise en Chine dans le cas de Nuctech.
    Avez-vous pu constater que le même processus était utilisé dans d'autres entreprises appartenant à l'État chinois?
(1655)
     C'est une bonne question.

[Traduction]

     Les données sont le produit le plus précieux au monde.

[Français]

    Cela a plus de valeur que le pétrole, le gaz ou d'autres ressources naturelles.
    L'approche géostratégique de la Chine est de dominer, sur le plan des réseaux et des logiciels, tout ce qui touche les données, du flux des données à leur analyse. Ils veulent détenir la capacité de recevoir et de contrôler ces données. La Chine sait bien que le pays qui dominera ce domaine au XXI siècle sera capable de dominer la géostratégie du XXIe siècle. C'est une stratégie intégrée.
    Parce que le lien entre le gouvernement chinois et les entreprises chinoises est très étroit, le gouvernement chinois est en mesure d'exécuter cette approche géostratégique d'une façon incomparable à celle des pays démocratiques.
    Je vous remercie beaucoup de votre réponse, monsieur Leuprecht.

[Traduction]

    Monsieur Mulroney, dans vos divers témoignages devant le Comité, vous avez souvent fait allusion à la façon dont nous devrions cultiver l'idée qu'il faut se préoccuper de la Chine sans tarder. Vous avez souvent dit que c'est une question de leadership, mais le fait que la Chine ait volé de la propriété intellectuelle et qu’elle ait agi de mauvaise foi dans certains de nos pays alliés n’est pas une révélation.
    Cela étant, pour en revenir à Nuctech et aux pratiques d’approvisionnement, et puisque notre comité doit formuler des recommandations, comment feriez-vous pour communiquer ces renseignements sur la Chine dans toutes les bureaucraties sachant que — vous avez vous-même été fonctionnaire du gouvernement fédéral — nous fonctionnons souvent en vase clos et qu’il est difficile d'abolir les cloisonnements? Comment cultiver ce leadership dans notre bureaucratie fédérale?
    Il faut que cela vienne clairement et sans équivoque d’en haut, c’est-à-dire du premier ministre. Pas seulement du ministère des Affaires étrangères, parce que le fait que nous... Si vous écoutez les témoignages concernant l'approvisionnement, vous verrez que même Affaires mondiales n’a pas voix au chapitre et que, pour diverses raisons, il n’est pas toujours écouté. Il faut que cela vienne d'en haut.
    On dira qu'il ne faut pas parler de la Chine en raison de tout ce qu'elle nous a fait, notamment à cause de la détention de Michael Kovrig et de Michael Spavor. C'est en grande partie vrai, mais c’est précisément l’objectif de la Chine. En muselant le gouvernement et en le contraignant à la passivité, la Chine... Je dis souvent que les gens concernés ne sont pas les Chinois. Les Chinois sont des gens très compétents. Les gens concernés par le silence du gouvernement sont les fonctionnaires canadiens, qui continuent d’envoyer des missions et des visiteurs en Chine et qui continuent de traiter l’approvisionnement comme une affaire courante.
    Permettez-moi d’ajouter une observation tirée de mon expérience des ambassades canadiennes. La garantie que vous avez obtenue que les vendeurs seront supervisés à l’intérieur de l’ambassade devrait être accueillie avec beaucoup de scepticisme. Je me suis fait un devoir de voyager d'un endroit à l'autre pour voir ce qui se passait lorsqu'il y avait des travaux de maintenance. C’est un travail jugé très ennuyeux, qui est souvent confié à des membres de la famille et aux enfants qui reviennent de l’université. Sur place, j’ai vu des gens regarder leur téléphone et lire des revues.
    Tout ce que la Chine a à faire dans le lien créé par le biais de Nuctech est de trouver quelques maillons faibles, et, croyez-moi, elle en trouvera.
    Recommanderiez-vous que tous...
    Merci, monsieur Drouin.
    M. Francis Drouin: Je n’ai plus de temps. Merci.
    Le président: Effectivement. Malheureusement, nous n’avons pas beaucoup de temps aujourd’hui. Nous venons de terminer notre première heure, et il nous reste environ 12 minutes avant de passer aux activités à huis clos.
    Nous allons donner la parole au Bloc pour deux minutes, au NPD pour deux minutes, aux conservateurs pour quatre minutes et aux libéraux pour quatre minutes.
    Madame Vignola, vous avez deux minutes.
(1700)

[Français]

    Je vais revenir à ma question précédente, monsieur Burton.
    Supposons qu'un port canadien fasse affaire avec une entreprise de Hong Kong pour assurer son développement. Cette entreprise sera responsable de l'automatisation du port et de ses opérations. En contrepartie, pour les investissements, l'entreprise reçoit un bail de 60 ans.
    Est-ce le genre d'événement dont le Canada devrait se méfier grandement, particulièrement pour ce qui est de sa porte d'entrée principale? Comment le Canada devrait-il réagir à ce genre de proposition économique?

[Traduction]

    Je ne suis pas au courant du contrat dont vous parlez, mais, à première vue, il me semble complètement fou de donner à une entreprise subordonnée au Parti communiste chinois le contrôle d’infrastructures essentielles comme des installations portuaires. Si nous l'avons accepté, il faudrait revoir la question et mettre fin à cette pratique.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup. Nous sommes d'accord, d'autant plus qu'il s'agit d'un port qui mène vers le coeur du continent.
    Les rayons X semblent très inoffensifs. On a parlé de ce qui peut être dangereux, comme, par exemple avoir une machine faite par les Chinois, et qui est installée et mise à jour par les Chinois.
    Si les mises à jour ne sont pas faites par une compagnie chinoise, le danger de sécurité est-il moindre ou cela revient-il au même?

[Traduction]

     Je ne dis pas que c’est inoffensif. On parle d'un éventail de risques, et la façon dont nous les gérons peut avoir une incidence énorme sur la sécurité globale. Même si nous ne passons pas par des entreprises chinoises, il y a encore beaucoup de risques. C’est ce que je veux dire.
    J'ajoute que le concierge m'inquiète plus que l’appareil à rayons X parce que, franchement, le concierge aura beaucoup plus d’accès que l’appareil à rayons X. C’est ce que j’essaie de dire.
    Écoutez, je ne dis pas que c’est inoffensif ni qu'il n'y a pas de menace interne même si c'est une entreprise non chinoise qui s'occupe de la maintenance de l’appareil à rayons X. Il y a une menace interne, absolument, et c’est pourquoi ce genre d’approche globale à plusieurs niveaux, qui permet d'examiner les mesures de sécurité par étapes... Dans le domaine de la protection des infrastructures essentielles, on parle parfois du modèle de Reason, où la sécurité est découpée en tranches de gruyère de telle sorte qu'on ne puisse pas franchir tous les trous pour arriver à trouver une vulnérabilité.
    Merci, madame Carvin.
    Monsieur Green, vous avez deux minutes.
    Monsieur Mulroney, à votre avis, devrait-on exclure les entreprises soumissionnant dans le cadre de concours ouverts en fonction de leur pays d’origine?
    Oui. Dans le domaine de la sécurité, nous ne devrions pas permettre à des entreprises chinoises, par exemple, de soumissionner, et je ne le permettrais pas non plus à des entreprises russes. Il faut réfléchir sérieusement à l’origine du risque. Je pense que M. Burton a dit tout à l'heure que cette vision agnostique est irréaliste et porte atteinte à la sécurité nationale.
    Dans quelle mesure le gouvernement fédéral peut-il évaluer ces risques en fonction du pays d’origine de l'entreprise?
    C'est possible en recoupant les technologies connexes. De plus, les technologies en provenance d’un pays comme la Chine, qui pourraient nous rendre vulnérables et lui permettre de recueillir de l’information sur les Canadiens ou sur nos visiteurs étrangers, seraient rayées de la liste. Ce n’est certainement pas impossible.
    Est-ce que cela concerne nos exemptions d’urgence, comme nos exemptions de sécurité?
    C’est pourquoi j’ai parlé de créer de nouvelles structures. Il faudra peut-être envisager la question sous un autre angle, mais nous nous concentrons depuis deux ans sur les risques associés à la Chine, et cela n'a pas encore été fait. Il faudrait se mettre au travail. Il s'ensuivrait que, dans de nombreux secteurs, le gouvernement du Canada ne ferait pas l’acquisition d’équipement ou de services chinois.
(1705)
    Selon vous, tout en essayant évidemment de respecter nos obligations en matière de commerce international, cette approche est-elle gérable et est-elle possible compte tenu de nos accords commerciaux internationaux actuels?
    C’est pourquoi j’ai dit qu'il faut pondérer nos obligations envers l’OMC en fonction de nos obligations envers la sécurité nationale du Canada. C’est le premier point.
    Deuxièmement, vous allez constater que beaucoup d’autres pays sont dans la même situation, et nous pourrions donc déclencher une réflexion créative sur le moyen de le faire collectivement. Je peux vous dire que d’autres le font déjà et que nous traînons de la patte à cet égard.
    Merci, monsieur Mulroney et monsieur Green. Deux minutes, cela passe très vite.
    Monsieur McCauley, vous avez quatre minutes.
    Madame Carvin, avant d'envisager un remaniement de notre processus d’approvisionnement, qui, selon vous, devrait se charger de l'examen en dernière analyse de tous les approvisionnements? Serait-ce le CST ou un autre service, comme le SCRS?
     Cela dépend du problème. Pour ce qui est de l’expertise technique, ce serait certainement le CST. Je crois qu’il a désormais cette expertise et qu’il l’offre dans certains cas particuliers, mais il faudrait d'abord le consulter.
    Ensuite, pour les aspects géopolitiques, vous ne voudriez pas faire intervenir un organisme comme le SCRS, qui pourrait peut-être, par ailleurs, fournir des données contextuelles plus générales et qui aurait une connaissance de... Il y a aussi le fait que, même s'il semble s'agir d'entreprises privées, ces entités peuvent être des coquilles vides appartenant à de multiples strates de sociétés chinoises et, en fin de compte, à une société d’État. Le SCRS a la capacité de saisir ce contexte plus vaste.
    Il n'y en a pas qu'un, malheureusement, et je crois que nous sommes tous d'accord ici, mais, en attendant, je m’adresserais au moins au CST et au SCRS.
    Nous pourrions le faire immédiatement. Il faut visiblement envisager beaucoup de changements. Cela me semble assez simple. Nous aurions pu économiser un quart de million de dollars. Évidemment, Deloitte aurait perdu un quart de million de dollars pour un rapport de quatre pages, mais il aurait pu offrir un café à un agent du CST et lui demander si nous devrions acheter du matériel de sécurité sensible à la Chine. La réponse serait évidemment non.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Mulroney et monsieur Burton, je suppose que vous avez lu l'essai d’Anne-Marie Brady intitulé « Magic weapons ». Je me demande si nous faisons face à une menace semblable au Canada.
    Effectivement, et nous sommes plus lents à le reconnaître, mais nous sommes confrontés aux mêmes techniques qu'en Australie: l'accaparement des ressources par l’élite, la mainmise sur les universités, les diasporas et les médias.
    Faudrait-il carrément interdire des groupes comme le Confucius Institute?
     Quelles mesures faudrait-il prendre pour bloquer les armes magiques et tous les programmes qu’ils utilisent contre nous?
    J’ai écrit qu'il faudrait copier notamment les mesures prises par l'Australie contre l’influence étrangère, qui visent les gens agissant au nom d’autres États ou d’entités contrôlées par d'autres États et qui érigent en infraction le fait de ne pas révéler qui vous paie pour dire ou faire des choses dans ce pays. Ce serait une mesure importante, mais il faut aussi donner des pouvoirs d’enquête aux gens du renseignement et ajouter des sanctions pénales pour punir les fautifs.
    Y a-t-il quelque chose dans les mesures australiennes qui ne nous conviendrait pas? Je sais que les Américains ont une loi sur les agents étrangers qui remonte aux années 1930. Le modèle australien est-il préférable? Faudrait-il s'inspirer du modèle américain? Certains éléments de la solution australienne vont-ils trop ou pas assez loin?
    Il est encore trop tôt pour évaluer les mesures australiennes, mais il faut dire qu'elles ont un certain mordant et un certain effet et, comme l'a dit M. Burton, elles ont visiblement alerté les Chinois.
    Ce qui est important, à mon avis, c’est qu’elles explicitent ce qui devrait l’être de toute façon, c'est-à-dire que, si vous avez occupé un poste de haut niveau au gouvernement, et évidemment si vous avez été ministre, vous devez révéler si vous êtes sur la liste de paie d’un État étranger et que vous agissez en son nom, faute de quoi des sanctions pénales devraient s'ensuivre.
    Je pense que les Australiens ont pris des mesures sévères, mais c'est ce qu'il faut faire.
(1710)
    Excellent.
    Monsieur Burton, voulez-vous intervenir?
    Oui, l’argument présenté sur le site Web du sénateur Yuen Pau Woo, à savoir que le Canada n’a pas besoin de cette loi parce que nous n’avons pas ce genre de problème et que nos arrangements actuels suffisent à régler la question des fonctionnaires retraités qui sont rémunérés par un État étranger, notamment par la Chine, est une ineptie. Il est presque certain que ce qui se passe en Australie et en Nouvelle-Zélande se passe également au Canada.
    Certains craignent que les dispositions législatives australiennes ne soient pas compatibles avec la Charte canadienne des droits et libertés. J’aimerais qu’on fasse une étude sérieuse pour vérifier si c’est effectivement le cas. Je ne vois pas pourquoi on s’opposerait à ce genre de loi puisqu'elle ne ferait que mettre les choses au clair, et la lumière est le meilleur désinfectant.
    Je pense que nous avons un grave problème...
    Merci, monsieur Burton.
    M. Kusmierczyk est invité à poser les dernières questions.
    Monsieur le président, je vais céder la parole à mon collègue M. MacKinnon.
    D'accord.
    Monsieur MacKinnon, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur Kusmierczyk et monsieur le président.
    Je vais m'adresser à M. Elcock parce qu’il me semble que nous ne l'avons pas beaucoup entendu aujourd’hui.
    Le Canada ne devrait-il pas tout simplement éviter de s'approvisionner en Chine?
     Ce serait probablement irréaliste. La Chine est toujours et restera probablement un partenaire commercial du Canada. Si vous posez la question aux producteurs canadiens de colza et de porc, j'imagine qu’ils envisagent de faire du commerce avec la Chine.
    Faut-il faire commerce avec la Chine en prenant plus de précautions? Oui, assurément, mais pour cela, nous avons surtout besoin d’une politique encadrant nos relations avec la Chine. J'estime aussi — je crois que c’est l'avis exprimé par David Mulroney — que nous devons trouver des partenaires dans d'autres pays pour confronter la Chine. Il est probablement irréaliste de penser que nous pourrions le faire seuls...
    Je vais vous arrêter ici parce que nous avons très peu de temps, monsieur Elcock. Ma question portait sur l’approvisionnement, et plus précisément sur l’approvisionnement du gouvernement fédéral. Faudrait-il cesser de nous approvisionner en Chine?
    C’est probablement irréaliste, mais si vous avez une politique sur vos relations avec la Chine et qu’elle est clairement énoncée, et que vous prenez plus de précautions...
    C’est nuancé. Je suis désolé de vous interrompre constamment, monsieur, mais nous n’avons pas beaucoup de temps. C’est nuancé. Mais il y aurait quand même un stade où vous cesseriez de vous approvisionner en Chine.
    Oui. Tout à fait.
    Je suppose que, pour les manches à balai et les trombones, il n'y a pas de problème.
    En effet.
    Si nous cessions de nous approvisionner en produits que nous jugeons sensibles, quelle serait la réaction de la Chine à l'égard, disons, d’une entreprise canadienne lui fournissant de la technologie? À quoi devrait-on s’attendre?
    Elle n'achète déjà probablement pas beaucoup de technologie au Canada. Nortel a essayé de vendre en Chine sans succès, et donc...
    C’est un exemple vieux de 20 ans, mais...
    Cela reste vrai aujourd’hui.
    Par exemple, il y a 10 ans, BlackBerry n’a jamais rien vendu en Chine. Shopify ne vend pas en Chine.
    Je doute fort qu’ils aient pu vendre grand-chose en Chine.
    Si je comprends bien, il faut probablement analyser la situation au cas par cas.
    Au cas par cas, oui, mais, comme l'a dit David Mulroney, nous avons aussi besoin d’une politique. Nous devons savoir quelle est notre politique à l’égard de la Chine. Une politique permet de prendre beaucoup de décisions tout naturellement, en même temps que se nouent des relations avec d’autres pays pour confronter la Chine beaucoup plus clairement que nous ne pouvons le faire actuellement.
    Comment élaborer une politique au cas par cas?
    Je n’ai pas parlé de politique au cas par cas. Nous devons savoir quelles sont nos intentions à l'égard de la Chine et ce que nous sommes prêts à accepter ou non.
    D’accord. Concernant l’approvisionnement, qui intéresse plus particulièrement le Comité, quelles directives le ministre d'AMC, par exemple, devrait-il suivre pour déterminer s'il doit ou non approuver un achat? Compte tenu de votre expérience et de celle des autres témoins, quel conseil précis lui donneriez-vous?
(1715)
    Si vous pensez à l’acquisition actuelle de Nuctech, c'est en fait un cas assez mineur. Outre l’examen de sécurité qui a été effectué, on aurait pu vérifier la technologie du matériel acheté et analyser les deux problèmes de sécurité qui ont été constatés. À part cela, c’est un cas relativement mineur. Peut-être que cela ne changerait pas, à moins que la domination de la Chine dans le secteur du dépistage ne devienne une menace en soi. Vous voudrez peut-être continuer à acheter en Chine si vous avez examiné toutes les questions de sécurité.
    Encore une fois, une bonne partie de votre politique d’approvisionnement ne correspond pas nécessairement, dans le détail, à votre point de vue stratégique sur les relations avec la Chine. Lorsque vous aurez précisé vos relations stratégiques avec la Chine, vous pourrez commencer à prendre des décisions plus claires sur les règles d’approvisionnement, sur votre position à l’égard des sociétés d’État chinoises qui vendent leurs produits au Canada, et sur votre disposition relative à laisser des entreprises chinoises investir au Canada. Tout ce...
    Nous mettons la charrue devant les bœufs aujourd’hui. Cinq audiences sont prévues sur la question de Nuctech à la demande de l’opposition. Pensez-vous, monsieur Elcock, que c'est un cas mineur et que ce sont quatre audiences de trop?
    Merci. Malheureusement, nos quatre minutes sont écoulées.
     Je sais que notre horaire est serré aujourd’hui.
     Monsieur Elcock, vous pourriez peut-être répondre à M. MacKinnon par écrit. Nous vous en serions reconnaissants.
     Merci beaucoup.
    Merci à vous tous.
    Nous devons terminer ponctuellement.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence ici aujourd’hui et d’avoir répondu à nos multiples questions. Il est très difficile de répondre à certaines questions en peu de temps, mais nous vous remercions de vos commentaires.
    Merci encore d'être venus nous voir. Vous pouvez maintenant vous retirer.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, nous allons mettre fin à la partie publique de notre séance et poursuivre à huis clos.
    La séance sur Zoom va donc prendre fin. Vous devez quitter la réunion et revenir en cliquant sur le lien qui vous a été communiqué et en utilisant le nouveau code.
    Sur ce, je vais suspendre la séance jusqu’au huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU