Bienvenue à la 13e réunion du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes. Le Comité se réunit aujourd'hui de 15 h 34 à 17 h 34, sur votre fuseau horaire, pour entendre des témoins dans le cadre de son étude sur le contrat d'équipement de sécurité offert à Nuctech, puis discuter de l'organisation de ses travaux à huis clos, à la fin de la séance.
Pour assurer le bon déroulement de la séance, je vais donner quelques règles à suivre.
L'interprétation de cette vidéoconférence sera très semblable à ce qui se fait lors d'une réunion normale. Vous avez le choix, au bas de l'écran, entre le parquet, l'anglais ou le français, si vous participez à la séance virtuellement. Veuillez, quand vous prenez la parole, choisir la langue dans laquelle vous vous exprimez.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Lorsque vous êtes prêts à intervenir, vous pouvez cliquer sur l'icône de microphone pour activer votre micro. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être mis en sourdine.
Pour invoquer le Règlement pendant la séance, les députés doivent veiller à ce que leur microphone soit activé et dire qu'ils invoquent le Règlement pour attirer l'attention du président.
Pour maintenir la distanciation sociale dans la salle de comité, si vous devez parler en tête-à-tête avec le greffier ou un analyste pendant la réunion, veuillez leur écrire au moyen de l'adresse du Comité. Dans la salle, il faut porter le masque quand on est debout ou s'il est impossible de respecter les distances prescrites.
Je crois comprendre que nos témoins du jour ont préparé des déclarations préliminaires. Je leur en suis reconnaissant. Ils auront cinq minutes pour nous les présenter.
J'invite maintenant les représentants du Conseil canadien des innovateurs à faire leur déclaration préliminaire.
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Monsieur le président, honorables députés, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Benjamin Bergen et je suis directeur général du Conseil canadien des innovateurs, le CCI, une association nationale qui représente plus de 130 entreprises technologiques parmi celles connaissant la croissance la plus rapide au Canada. L'an dernier seulement, nos membres ont employé plus de 40 000 Canadiens et généré plus de 6,5 milliards de dollars dans l'économie nationale.
Je suis accompagné aujourd'hui de Neil Desai, haut gestionnaire dans l'une des sociétés membres du CCI, Magnet Forensics. M. Desai est un expert de la cybersécurité et de la politique en matière de marchés publics. Il pourra grandement contribuer à la discussion d'aujourd'hui. Pour ma part, je concentrerai mes observations sur le rôle que les marchés publics peuvent jouer dans la croissance des entreprises canadiennes.
Comme vous l'indiquiez dans votre rapport de 2018 sur la modernisation des marchés publics, le gouvernement du Canada est le plus grand consommateur de biens et services au pays, et le processus de passation de marchés pourrait être un moteur de prospérité économique bien plus fort. Dans la course mondiale à l'innovation, le fait que le gouvernement canadien achète les biens et services d'une entreprise est considéré comme un facteur de validation de premier plan par les entreprises nationales. Cela contribue à accélérer leurs ventes auprès d'autres gouvernements du monde, ce qui renforce d'autant le potentiel d'exportation de l'innovation du Canada.
Nous sommes tous parfaitement conscients des problèmes auxquels le gouvernement fédéral a été confronté ces dernières années en matière de marchés publics, surtout pour l'acquisition de produits technologiques. Le système de paye Phénix, le projet de renouvellement du site Web du gouvernement du Canada et plus récemment, les appareils à rayon X des ambassades canadiennes ont tous fait les manchettes au pays, pour les mauvaises raisons. Le résultat, c'est que nous avons versé des milliards de dollars à des sociétés technologiques étrangères qui n'ont pas tenu leurs promesses.
L'approche actuelle du gouvernement en matière de marchés publics ne tient pas suffisamment compte du développement économique stratégique, qui a pourtant une incidence directe sur les débouchés économiques des innovateurs du pays qui souhaitent aider leur gouvernement à défendre ses frontières physiques et numériques. Tout cela nuit à notre prospérité et surtout, à notre souveraineté nationale.
Je céderai maintenant la parole à Neil Desai, qui vous présentera sa déclaration préliminaire à son tour.
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Merci beaucoup, monsieur Bergen.
Merci aux membres du Comité.
Magnet est une société de Waterloo spécialisée en cybersécurité, qui propose des solutions logicielles d'enquête numérique utilisées par plus de 4 000 services de police, de sécurité nationale ou d'autres sociétés publiques et privées dotées de pouvoirs d'enquête dans 94 pays.
Nous sommes fiers d'être Canadiens et reconnaissants de pouvoir appeler une douzaine d'organisations fédérales nos clients, mais je dois souligner que nous ne faisons qu'environ 5 % de nos affaires au Canada.
Pour nous, l'obstacle à une plus grande participation aux marchés publics fédéraux dans le secteur de la sécurité est le trop faible poids conféré à la vision stratégique. Le gouvernement continue d'acheter des technologies modernes, principalement des logiciels, de la même façon qu'il acquiert des fournitures de bureau, à l'issue de longs processus de demande de renseignements ou de propositions axés sur le principe du plus bas soumissionnaire plutôt que favorisant la solution qui présentera la plus grande valeur et qui pourra évoluer pour procurer le plus d'avantages à long terme.
Les logiciels modernes se fondent sur des processus hautement itératifs. Les technologies peuvent résoudre de graves problèmes, mais également en créer si elles ne sont pas conçues et achetées dans une perspective de valeur à long terme. Les gouvernements qui se démarquent dans le monde pour leurs solutions en matière de sécurité le reconnaissent et permettent à leurs experts en première ligne de travailler avec leurs innovateurs bien plus tôt dans le cycle de développement. Ils gardent toujours à l'esprit, aussi, le potentiel d'exportation de ces solutions.
Ce n'est pas à dire que ces gouvernements n'achètent pas de technologies étrangères, mais ils évaluent les risques et le potentiel de prospérité. Ils incluent des exemptions à leurs accords commerciaux pour la sécurité nationale et les petites entreprises. Ils utilisent également des barrières non tarifaires, telles que les autorisations de sécurité et les attentes des gouvernements pour s'assurer que les solutions qu'ils achètent sont fiables et qu'elles ont les retombées économiques voulues. Ils favorisent également des marchés publics de plus courte durée pour s'adapter aux cycles impératifs du développement, ils prévoient des solutions pivots et des portes de sortie pour éviter les échecs monumentaux.
La préoccupation que j'exprime ici est davantage celle d'un fier Canadien que celle d'un entrepreneur.
La cybersécurité est le noeud de la préservation et de la création de prospérité dans le contexte des conflits géopolitiques et de l'activité criminelle. Si notre pays ne revoit pas rapidement sa stratégie, nous risquons d'être pris au dépourvu.
Je me ferai un plaisir d'illustrer mes propos au moyen de solutions tangibles pour une stratégie de marchés publics favorisant les technologies conçues au Canada.
Merci beaucoup.
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Je remercie tous les membres du Comité.
Je m'appelle Sime Buric et je suis vice-président de K'(Prime) Technologies.
K'(Prime) Technologies est une entreprise canadienne basée à Calgary, en Alberta. Nous employons environ 40 personnes à l'échelle du pays. Notre PDG, Kham Lin, et notre directrice des finances, Amanda Lin, ont fondé l'entreprise il y a 22 ans. Elle fournit des produits et services pour les tests d'analyse et le marché de la sécurité. Nous sommes une organisation à but lucratif non subventionnée par le gouvernement. Pour être concurrentiels, nous avons besoin de règles équitables.
Je tiens tout d'abord à dire que nous partageons les vues de témoins précédents, comme M. Burton, M. Mulroney, Mme Carvin et M. Leuprecht. Nous faisons partie des entreprises ayant répondu à l'appel d'offres. Bon nombre des questions dont discute le comité OGGO actuellement sont des questions que nous avons soulevées quand nous avons contesté l'acceptation de l'offre à commandes. Nous avons utilisé le seul recours à notre disposition pour contester cette décision en portant plainte au Tribunal canadien du commerce extérieur.
L'une des préoccupations que nous avons portées à l'attention du TCCE est la question de savoir comment Nuctech peut respecter la réglementation canadienne quand elle soumet des offres. Nous avons fourni au Tribunal de nombreux exemples d'articles de journaux et de décisions rendues un peu partout dans le monde contre Nuctech pour ses pratiques douteuses. Nous avons exprimé notre désarroi à l'idée d'être en concurrence avec une société d'État. VOTI Detection, une autre société canadienne ayant répondu à cet appel d'offres et dont je suis heureux de voir le représentant parmi nous aujourd'hui, a elle aussi exprimé ses préoccupations à l'égard de Nuctech. Dans un article publié dans les journaux, VOTI a aussi exprimé ses craintes, puisqu'on sait que le matériel de Nuctech peut-être beaucoup moins cher, jusqu'à 25 % moins cher.
J'ai également porté à l'attention du Tribunal le fait que l'entreprise déforme la vérité quant à l'aptitude de sa technologie à détecter automatiquement les armes et les autres menaces. Tous les systèmes à rayons X fonctionnent selon le même principe. Tous les systèmes mentionnés sont des systèmes à angle de vue unique, c'est-à-dire qu'ils prennent une photo d'un seul angle. Les chances qu'on arrive à détecter une menace avec exactitude, à distinguer un fusil d'un couteau ou d'une bombe à l'aide d'un système à angle de vue unique sont faibles, mais ce critère n'a pas été retiré ni révisé. Un système à angle de vue unique ne peut pas remplacer l'inspection visuelle d'un bagage. Il se veut complémentaire.
Les systèmes à rayons X différencient les menaces en fonction de leur masse atomique. Ainsi, une couleur différente apparaît à l'écran selon qu'il s'agit d'un métal, d'un liquide ou d'une matière organique, par exemple. Si l'objectif est de réduire le nombre d'inspections visuelles, il faut plutôt un système à angle de vue double ou un tomodensitogramme, mais ces systèmes requièrent un plus grand investissement et ressemblent davantage à ce que l'ACSTA utilise dans les aéroports.
Malheureusement, ces questions n'ont pas été creusées plus en profondeur, et notre plainte a été rejetée. Dans la décision que le TCCE a rendue, il recommandait de nous facturer 575 $ pour cette contestation.
Je compte, personnellement, plus de 14 années d'expérience à répondre à des appels d'offres publics. C'est l'un des appels d'offres auxquels il m'a été le plus difficile de répondre tellement il se fondait sur des hypothèses irréalistes quant au nombre d'unités requises par région du monde. Dans les appels d'offres précédents auxquels j'ai répondu, les critères étaient clairs et concis. Le nombre d'unités était clairement mentionné, ou un prix par unité, et l'offre à commandes était accordée pour une durée précise. L'endroit où ces unités seraient installées était également clairement mentionné.
Ce ne sont là que quelques exemples des obstacles à surmonter pour répondre à cet appel d'offres. Il contenait tellement d'hypothèses qu'il était plus difficile que nécessaire d'y répondre. Les entreprises à but lucratif doivent nécessairement augmenter ou gonfler leurs prix dans ce contexte pour s'assurer de ne pas perdre d'argent dans les différentes régions ciblées.
Il y a beaucoup de problèmes de sécurité qui ont déjà été mentionnés lors des réunions antérieures du Comité. Il a déjà été mentionné à quelques reprises que ces appareils à rayons X présentent une menace de faible à moyenne à la sécurité. Bien sûr, un technicien ou quiconque a accès à l'appareil peut y apporter des modifications électroniques après coup, mais il faut aussi nous demander si le système lui-même peut présenter une menace à la sécurité. Qui vérifie s'il y a des fonctions cachées, un logiciel malveillant ou toute autre faille de sécurité dans le système qui nous rendent vulnérables avant que le matériel ne soit déployé?
K'(Prime) Technologies s'occupe de l'entretien des appareils à rayons X dans de nombreux aéroports du pays. Pour avoir accès aux appareils et fournir le service, nous devons présenter une carte d'identité de zone réglementée, pour laquelle il faut présenter une demande examinée et approuvée par Transports Canada. Cependant, aucune autorisation de sécurité n'est exigée pour l'entretien des appareils des ambassades.
En tant que citoyen canadien qui représente une entreprise canadienne employant des Canadiens un peu partout au pays, je vous dis aujourd'hui que nous nous attendons à ce que notre gouvernement se dote de meilleures normes en matière de marchés publics et à ce que les questions de sécurité fassent l'objet d'un examen de haut niveau exigeant une collaboration interministérielle. Il est à espérer que cela empêcherait le gouvernement de gaspiller l'argent des contribuables en examens coûteux confiés à des entreprises externes, alors qu'il a les ressources pour les faire à l'interne, notamment au Centre canadien pour la cybersécurité.
Les entreprises canadiennes doivent se conformer à des normes éthiques et juridiques quand elles font des affaires. Nous voulons que ces normes s'appliquent également à toutes les organisations non canadiennes voulant faire des affaires au Canada. Dans le domaine de la sécurité, toute entreprise désireuse de soumissionner devrait faire l'objet d'un examen avant l'analyse des réponses aux appels d'offres, pour qu'en soit exclue toute entreprise ne répondant pas aux normes canadiennes.
Je vous remercie de votre attention et suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à tous les députés. Je vous remercie de me permettre de m'adresser au Comité sur des questions que j'estime de la plus haute importance pour VOTI Detection et les entreprises canadiennes.
Mon exposé s'articulera autour de trois questions que je trouve pertinentes pour vos audiences, et je serai ravi de répondre à toutes vos questions ensuite.
Premièrement, en tant que président-directeur général de VOTI Detection, je rappelle que nous appuyons la procédure d'appels d'offres pour la passation de marchés publics. Nous sommes heureux de pouvoir proposer la meilleure technologie de sa catégorie pour répondre aux besoins de nos clients potentiels à un excellent rapport-prix. VOTI Detection estime que l'appel d'offres géré par Services publics et Approvisionnement Canada pour Affaires mondiales Canada respectait toutes les règles en vigueur à ce moment-là.
Nous demandons cependant aux législateurs d'envisager de modifier ces règles. La seule chose que nous demandons, c'est de pouvoir participer à des appels d'offres dans des conditions équitables. Nous jugeons pratiquement impossible que les conditions soient équitables si des sociétés reconnues pour leurs prix abusifs sont autorisées à y participer. Il devrait y avoir des vérifications préalables pour attester qu'une entreprise peut respecter les promesses faites dans son offre, de même que les normes éthiques élevées de gouvernance d'entreprise qui s'appliquent.
Nous croyons que toute entreprise disqualifiée des marchés publics pour des raisons de sécurité par nos plus proches alliés ou connue pour s'adonner à des pratiques illicites et corrompues comme les pots-de-vin et les techniques de séduction devrait être exclue des appels d'offres du gouvernement canadien. Nous espérons que les autorités qui administrent de tels processus, au Canada, saisiront l'occasion de réfléchir à la valeur d'autres avantages que le bas prix dans l'évaluation des soumissions.
Deuxièmement, il y a toutes les questions de sécurité touchant l'acquisition, le déploiement et l'entretien à long terme de détecteurs de sécurité à rayons X. Si nous comprenons que ces détecteurs de sécurité ne seront pas reliés à un réseau, nous comprenons aussi qu'ils enregistreront des données qui doivent rester hautement confidentielles. Bien que ces données ne soient pas vulnérables à une attaque de réseau, dès qu'un technicien — un simple technicien — est appelé à effectuer un entretien préventif, à mettre un logiciel à jour ou à remplacer une pièce défectueuse, il aurait amplement l'occasion de télécharger des données sensibles devant être protégées et de les faire parvenir à quiconque le souhaite.
La valeur de la sécurité peut aller au-delà de la technologie. Les entreprises et les employés qui participent aux services offerts dans le cadre de l'appel d'offres pourraient et devraient obtenir des autorisations de sécurité fondées sur des renseignements fiables et vérifiables.
Troisièmement, il faut que les entreprises canadiennes bénéficient de l'appui du gouvernement dans les marchés publics, particulièrement en ces temps économiques très difficiles. Je pense que les petites et moyennes entreprises sont l'épine dorsale de l'économie canadienne et le meilleur moyen de stimuler une croissance durable. Un organisme gouvernemental ne peut faire rien de plus précieux que de passer une commande à une entreprise canadienne pour lui témoigner son appui. L'achat de biens canadiens soutient l'industrie nationale de même que l'importante chaîne d'approvisionnement en amont. Ces entreprises emploient des Canadiens, et c'est grâce aux bons de commande qu'elles peuvent croître, puis continuer d'investir dans leur stratégie de croissance, la recherche et le développement et la création d'emplois pour les Canadiens.
VOTI Detection emploie plus de 80 personnes au Canada. Il s'agit d'emplois très bien rémunérés en recherche et développement, avec une propriété intellectuelle fondamentalement supérieure à celle de tous les concurrents de sa catégorie. Ce genre de choses devrait être pris en compte dans les processus d'approvisionnement.
Pour conclure, j'espère que ce comité élaborera une politique qui permettra au gouvernement canadien, à ses ministères et à ses organismes d'obtenir de meilleurs résultats pour la population canadienne. Je crois que dans la mesure du possible, la promotion d'une stratégie d'approvisionnement favorisant les entreprises canadiennes ou l'achat au Canada aurait beaucoup de retombées positives pour toutes les parties.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie encore une fois de me permettre de témoigner devant vous. Je suis tout disposé à répondre à vos questions.
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Je vous remercie beaucoup.
J'aimerais souligner au Comité que j'ai un document du Department of Homeland Security des États-Unis qui date de novembre 2020. Au paragraphe 13, on confirme que le vol de données sur les appareils de Nuctech est effectivement très facile à faire et que cela constitue un enjeu de sécurité. Nos collègues américains confirment donc qu'il y a un enjeu de sécurité à cet égard.
Il me reste un peu de temps alors j'aimerais revenir à M. Bergen.
Monsieur Bergen, nous avons parlé d'acquisition de technologies étrangères. Vous dites que l'exemple de Nuctech en est un autre d'une série d'échecs de notre système d'approvisionnement et que des milliards de dollars ont été versés à des entreprises technologiques étrangères, qui n'ont pas tenu leurs promesses.
Pouvez-vous nous en dire davantage? Quand vous parlez de milliards de dollars, combien d'entreprises et d'individus sont concernés? Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
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Je veux dire que si l'on regarde comment sont passés les marchés publics dans ce pays, il est fréquent que des sociétés étrangères soumissionnent, puis qu'elles n'arrivent pas à respecter leurs promesses. Nous l'avons vu avec le système de paye Phénix. Nous l'avons vu avec la refonte du site Web du gouvernement et nous le voyons maintenant avec Nuctech et les appareils à rayons X.
Je pense que ce qui lie les pièces entre elles, c'est surtout la stratégie et la politique en matière d'approvisionnement. J'ai lu le compte rendu des délibérations du Comité du 18, et si l'on examine bien ce que les sous-ministres, M. Ieraci et M. Danagher, ont dit, l'objectif était de payer le moins cher possible, sans égard aux facteurs externes essentiels de la politique publique. Il faut tenir compte de la sécurité nationale — il est évident que c'est primordial —, mais il faut aussi viser la prospérité et tenir compte du moteur économique que représente tout achat de produits par le gouvernement.
Monsieur Desai, voulez-vous ajouter quelque chose?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Ce gouvernement prend la cybersécurité très au sérieux, et dans son budget de 2018, il s'est engagé à investir 500 millions de dollars sur cinq ans dans une stratégie nationale en matière de cybersécurité. L'un des grands piliers de cette stratégie sera d'accroître notre capacité nationale de recherche et d'innovation. Cela signifie justement d'investir pour aider les entreprises technologiques canadiennes, les entreprises novatrices, à prendre de l'expansion.
Regardez, par exemple, les 10 millions de dollars octroyés l'an dernier au programme Cybersecure Catalyst de Rogers, à Brampton, en partenariat avec l'Université Ryerson. Il y a aussi l'investissement de 41 millions de dollars, par FedDev, dans des projets quantiques en matière de cybersécurité, à Waterloo, menés par Quantum Valley. FedDev a par ailleurs investi 49 millions de dollars dans la création d'un centre de la cybersécurité à Vancouver. Je veux dire par là que le gouvernement investit beaucoup dans les entreprises technologiques et innovantes localement.
J'aimerais demander à M. Bergen si nous visons juste en investissant autant dans les entreprises technologiques canadiennes du domaine de la cybersécurité pour nous aider à contrer les menaces auxquelles nous sommes confrontés.
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Oui, je comprends tout cela, y compris le rôle des marchés publics dans la croissance des entreprises, pour qu'elles puissent vendre leurs produits à grande échelle.
Comme vous le savez sans doute, le gouvernement du Canada a adopté la Politique des retombées industrielles et technologiques, selon laquelle pour les grands contrats d’approvisionnement en matière de défense, par exemple, il peut prescrire que l'entreprise à qui est attribué le contrat ait des activités économiques au Canada de valeur équivalente à celle du contrat lui-même. La cybersécurité et la cyberrésilience font d'ailleurs partie des 14 capacités industrielles clés ciblées dans cette politique.
La Politique des retombées industrielles et technologiques fait-elle partie des piliers de l'approvisionnement que vous appuieriez et qui joueraient un rôle de premier plan, selon vous, pour aider nos entreprises locales?
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Je dirai seulement que ce sont là d'excellentes initiatives, mais que la cybersécurité est un problème très réel et qu'il faut en comprendre toutes les facettes pour trouver des solutions.
Je vous recommande un rapport produit par McAfee, un géant mondial du domaine de la cybersécurité, qui a réalisé une étude indépendante sur la question. Selon McAfee, la cybercriminalité représentait 600 milliards de dollars dans le monde il y a deux ans et devrait franchir la barre du billion de dollars cette année, un phénomène qui ne fera que s'accélérer avec la COVID et la présence accrue des populations vulnérables en ligne.
J'aimerais cependant mettre un bémol en ce qui concerne le développement économique, des mesures comme la Politique des retombées industrielles et technologiques que vous avez mentionnée dans votre dernière question et les marchés publics. Il ne faut pas faire la charité non plus. Je ne crois avoir entendu personne, dans les déclarations préliminaires, réclamer du favoritisme.
C'est de règles équitables que les entrepreneurs canadiens veulent, parce que du strict point de vue du développement économique, une commande d'un million de dollars aura des retombées de bien plus d'un million de dollars sur l'économie. Une telle commande valide la technologie visée et son bon fonctionnement, et en toute honnêteté, il faut reconnaître que le Canada est un pays très respecté dans le monde. Nous générons environ 2 % du PIB et consommons à peu près autant en cybersécurité, donc en misant sur un approvisionnement national, étant donné que le gouvernement du Canada est l'un des plus grands acquéreurs d'outils de cybersécurité au pays (avec les banques et quelques autres secteurs), nous ne réglerons pas que le problème du gouvernement. Ce sera un véritable tremplin pour nos entreprises de cybersécurité.
Franchement, la taille d'une entreprise ne devrait pas être le seul facteur pris en compte pour mesurer sa solidité. Il faut prendre le temps de bien analyser ses capacités. Les grands intégrateurs de systèmes, les grandes entreprises — et je n'en nommerai pas — ont souvent les moyens financiers et les équipes de lobbyistes nécessaires pour répondre à de longs processus de demande de renseignements ou de propositions pouvant s'étendre sur plusieurs années, même s'ils n'ont pas vraiment les ressources technologiques recherchées.
Il vaudrait peut-être la peine d'établir beaucoup plus clairement quelles sont nos visées en matière d'approvisionnement et de chercher à passer des marchés de moins grande envergure, pour commencer par valider les technologies retenues, pour ensuite mieux répondre aux besoins en fonction des caractéristiques des technologies plutôt que selon la stricte perspective de l'approvisionnement.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Dans les calculs des soumissionnaires, devrait-on inclure un calcul correspondant aux subventions reçues par la compagnie pour faire sa soumission?
En effet, on sait que Nuctech est hautement subventionnée et que cela lui permet de faire des soumissions à bas prix. Devrait-on ajouter une disposition qui inclut les subventions qui permettent aux compagnies de diminuer leurs coûts?
La question en est une d'avis populaire. Monsieur Olson, vous pouvez commencer.
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Je vous remercie de votre réponse franche et directe. Je l'apprécie grandement.
Plusieurs entreprises étrangères, notamment de la Chine, ont des représentants au Canada qui sont des citoyens canadiens. Je vais me concentrer sur les entreprises chinoises.
Comme vous le savez, en 2017, il y a eu application de la loi sur le renseignement selon laquelle tout citoyen chinois devait transmettre des renseignements au gouvernement.
À votre avis, si un citoyen canadien est engagé par Nuctech, est-il également assujetti à la loi chinoise de 2017?
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Je pourrais peut-être vous fournir... Je ne peux pas vous répondre avec précision, mais je peux réagir de façon générale à la question que vous posez.
Je travaille pour une société canadienne qui essaie de vendre dans 94 pays différents, et je constate que plus on offre des produits de sécurité pointus, plus les gouvernements étrangers posent des questions importantes, comme combien de ressortissants du pays on emploie et est-ce qu'il y a un conseil d'administration séparé pour le pays, dont la majorité des membres sont des ressortissants du pays.
Plus on monte dans le spectre de la sécurité, en termes de risque, plus on se fait poser des questions du type: « Ce produit est-il conçu au pays? »; « Peut-il être validé au pays? »; « Y aura-t-il de l'opposition si le contrat atteint une certaine ampleur? » Les pays les plus avisés en matière de cybersécurité et de sécurité en général incluent le plus souvent une matrice des risques et des occasions à leur politique, dans laquelle ils précisent leurs attentes envers les fournisseurs, qui augmentent au fur et à mesure que le risque augmente.
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Nos préoccupations sont regroupées sous trois volets. Sous le premier, nous avons parlé de la technologie en tant que telle et de la façon dont on a essayé de l’appliquer au-delà de ses capacités réelles quant à la capacité de différencier divers types de menaces, qu’il s’agisse d’un fusil ou d’un couteau.
Sous un autre volet, nous avons énoncé nos préoccupations quant au fait que Nuctech soit une société d’État subventionnée, avec toutes les pratiques douteuses correspondantes. Nous avons fourni beaucoup d’articles de journaux de partout dans le monde sur certaines de ces allégations. Essentiellement, nous avons fait ressortir les renseignements jugés véridiques en ce qui a trait aux pots-de-vin, mais on a estimé que ces renseignements n’étaient pas suffisants pour pousser plus loin.
Sous le dernier volet, il était question de la logistique des déplacements de l’équipement à l’échelle mondiale. Nous avons déclaré recourir à des entreprises comme FedEx et UPS, des transporteurs de marchandises reconnus, mais les évaluateurs ont commencé à soustraire des points parce qu’ils s’interrogeaient sur le déroulement de ces opérations. Nous avons affirmé travailler avec nos partenaires, ce qui n’a pas suffi. Nous en avons donc appelé de cette réponse également.
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Je crois qu’il serait bon de mener une véritable étude sur le nombre de contrats relatifs aux RIT qui ont concrètement été accordés pour des technologies à usage précis ou général, et dont les effets ont été neutralisés par de la technologie étrangère. Je crois qu’il est parfois pénible pour les entreprises d’être forcées de trouver au Canada ce qui répondra à leurs besoins. Veiller à ce que ce soit généralement compatible avec les mesures de sécurité serait vraiment utile au développement économique.
Toutefois, le recours aux RIT vise, une fois de plus, à stimuler l’économie locale. Je vous rappelle que, dans certains cas, une entreprise canadienne peut répondre à un besoin en approvisionnement et qu’elle est écartée pour des raisons arbitraires ou en raison des pratiques commerciales inéquitables d’acteurs étrangers. J’estime donc que nous devons résoudre ce problème précis avant de nous attaquer à ces larges questions structurelles.
Ce qui me ramène à votre question précédente, car elle est très importante. L’écart entre l’expert en sécurité et le processus des marchés publics est abyssal. Je comprends pourquoi. Vous voulez vous assurer d’avoir un processus équitable et transparent pour veiller à bien dépenser les fonds publics. Toutefois, la réalité du secteur technologique veut que vous ayez besoin d’experts en la matière pour examiner des aspects tels que la sécurité, la gouvernance de la technologie et la façon dont les mises à jour seront effectuées. La seule façon de résoudre ce problème est de réduire l’écart entre l’expert en la matière et le processus des marchés publics.
Je crois que les spécialistes de la passation de marchés font de leur mieux avec ce qu’on leur donne, mais les délais et l’écart entre ces spécialistes indépendants et les véritables problèmes techniques à résoudre sont immenses. Nous devons trouver des façons d’en venir à cette transparence, mais en incluant des experts en la matière dans le processus pour évaluer les aspects techniques.
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Merci, monsieur le président. Je veux prendre le temps de remercier tous les témoins présents devant ce comité.
Mes premières questions s’adressent à K'(Prime) Technologies, puis à VOTI Detection, le cas échéant.
Je sais que la question a été portée devant le Tribunal canadien du commerce extérieur ou TCCE, mais je ne suis pas certain d’après votre témoignage si vous figuriez sur l’offre à commandes. J’aimerais que vous répondiez par oui ou non: faisiez-vous partie de l’offre à commandes?
Peut-être que M. Buric pourrait y aller en premier.
Il est probablement normal que le gouvernement n’ait pas communiqué avec ceux qui ne figuraient pas dans l’offre à commandes, car il y a normalement trois ou quatre fournisseurs d’inclus. Ensuite, Nuctech a évidemment été signalée comme un risque de sécurité.
Il est donc normal que l’on n’ait pas encore communiqué avec K'(Prime) Technologies, à moins de changements majeurs apportés aux exigences techniques de cette offre à commandes. Je sais que vous avez de l’expérience avec les marchés publics, donc vous comprenez tout à fait cela. N’est-ce pas?
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D’accord. En tant que Canadien, je vous suggérerais de communiquer avec eux à propos de dispositifs canadiens et de leur laisser savoir que vous avez une solution à proposer.
Je ne vais pas parler de la décision du TCCE, car nous n’y pouvons rien. Il s’agit d’un organe indépendant qui prend ses propres décisions.
Le Conseil canadien des innovateurs a parlé d’optimiser les marchés publics et ce que cela signifie au Canada. Nous sommes souvent coincés entre nos obligations internationales en matière de commerce et notre volonté de soutenir nos entreprises locales. C’est ainsi depuis 15 ou 20 ans, peut-être que c’était ainsi avant ma naissance. À maintes reprises, j’ai travaillé avec des entreprises de TI qui m’ont dit que leurs premières ventes étaient au gouvernement américain plutôt que canadien. Je trouve cela insultant, mais c’est la réalité. C’est toujours le cas en 2020. C’est ainsi depuis très longtemps.
Comment pouvons-nous améliorer nos marchés publics? Cette question a fait l’objet d’études par notre comité au cours de diverses législatures. Nous avons remarqué les obstacles à l’accès. Un marché public à long terme crée un obstacle naturel pour ces entreprises, alors que recommandez-vous pour optimiser ce marché public en particulier de sorte à avantager les entreprises canadiennes?
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Dans le domaine de la sécurité en particulier — dont je vais parler parce que c’est ce que je connais le mieux —, je pense que nous devons nous inspirer des autres, mais aussi créer nos propres choses qui correspondent à nos propres valeurs et systèmes.
L’attestation de sécurité est un aspect particulièrement important. Dans d’autres pays qui sont à la pointe de la technologie en matière de sécurité, on s’efforce de comprendre le marché et l’écosystème des entreprises technologiques, et pas seulement de comprendre leur technologie, mais aussi leur feuille de route technologique, la manière dont cette dernière pourrait s'appliquer aux enjeux du secteur public et l'effet qu'elle pourrait avoir. Ces actions sont menées de façon très structurée, et non pas simplement de manière ponctuelle. Des gens vont voir les entreprises pour s'entretenir avec elles. C’est une démarche très structurée.
Aux États-Unis, il existe un certain nombre de programmes distincts, comme la DARPA — la Defense Advanced Research Procurement Agency, le programme spatial. In-Q-Tel est un programme proposé par le milieu du renseignement, c'est-à-dire par les 21 agences de renseignement. Ils sont moins intéressés par l’acquisition d’un gadget logiciel que par la capacité d’une entreprise, par ses moyens techniques et, franchement, par la sécurité et la fiabilité du conseil d’administration, des cadres, des ingénieurs et des hommes d’affaires clés de l’entreprise.
Je pense que ce sont des mesures très simples que nous pouvons prendre pour éviter certains des problèmes dont nous sommes en train de parler.
Je vais être clair sur un point. Je ne veux pas dire que le gouvernement du Canada n’a pas besoin d’acheter de technologies étrangères, mais si vous placez une lentille stratégique au-dessus des capacités requises — c'est-à-dire là où il y a des capacités canadiennes par rapport à là où il n'y en a pas ou aux aspects pour lesquels il faut penser à plus long terme —, beaucoup de ces entreprises se contenteront de remporter les marchés et d'aller chercher ce qui manque grâce à des travaux ultérieurs. C’est leur objectif. Si nous envisageons les choses dans une perspective plus lointaine et non pas en fonction d'un moment figé dans le temps, ce sera plus profitable à long terme.
Je vais m’arrêter là, monsieur le président.
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Je vous remercie beaucoup.
Je vais commencer par M. Bergen.
Innover au Canada coûte cher. Cela demande non seulement énormément de créativité, mais beaucoup de fonds également. Je comprends qu'il puisse être très frustrant de voir boudés, jusqu'à un certain point, les investissements faits par une compagnie.
Ma question est la suivante.
Afin de favoriser nos investisseurs, quelles méthodes d'approvisionnement le gouvernement devrait-il utiliser pour que ces investissements demeurent au Canada?
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Merci, monsieur Bergen.
Permettez-moi de nuancer. Je ne crois pas qu’il faille « favoriser ». Je pense que nous devons être très analytiques au sujet des résultats que nous recherchons. Nous voulons un secteur commercial prospère pour la productivité de notre pays. Il faut savoir que le secteur public du Canada est l'un de ceux qui dépensent le plus dans la recherche et le développement, mais que la productivité du pays est parmi les plus faibles de l’OCDE. C’est notre point de départ. L'idée de continuer sur cette voie en s'attendant à ce que cela donne de meilleurs résultats est, par définition, de la folie.
La deuxième chose que je veux dire, c'est que lorsque nous examinons les efforts que nous déployons pour le développement économique — un autre membre a posé une question sur certains exemples précis, mais il y en a beaucoup d’autres —, nous devons également être conscients que, pour n'importe quelle entreprise, quelle que soit son activité, la meilleure forme de financement est un bon de commande. Adressez-vous à n’importe quelle banque, et elle vous offrira des conditions de financement bien plus avantageuses qu’une subvention gouvernementale, un crédit d’impôt ou un prêt sans intérêt. Je pense que nous devons en tenir compte dans nos analyses.
Ce que je dirais, c’est que si nous évaluons le succès des programmes de développement économique pour les entreprises fortement axées sur la technologie, essayons de voir comment nous pouvons amener les acheteurs du gouvernement — qui est franchement, en tant que secteur, l’un des plus gros acheteurs de technologie au pays — à miser vraiment sur les outils canadiens et les technologies canadiennes.
Du reste, soyons réalistes. Nous donnons de l'argent aux entreprises — des jeunes pousses, des entreprises en expansion, des grandes entreprises technologiques — par l'intermédiaire de subventions ou de crédits pour la recherche scientifique et de développement expérimental. Ne devrions-nous pas essayer d'en retirer quelque chose?
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Merci beaucoup, monsieur Green.
La dernière chose que je disais, c'est que, dans ces programmes de développement économique qui accordent des subventions ou des prêts à faible taux d’intérêt, le gouvernement devrait commencer à miser sur les technologies que fabriquent des Canadiens et chercher à savoir s’il y a des utilisateurs au sein de l'appareil gouvernemental. Beaucoup de nos programmes — même nos programmes d’approvisionnement stratégique — sont très idéologiques. Il s’agit soit d’une demande pure — le gouvernement a un problème qu’il veut résoudre, et ça, c'est Solutions innovatrices Canada —, soit d’une offre pure, et ça, c'est le programme Construire au Canada, qui concerne les entreprises technologiques canadiennes qui ont une technologie qu’elles aimeraient voir tester par quelqu’un du gouvernement.
La réalité, c'est que nous devons jouer à mi-chemin entre ces deux tableaux. Les fournisseurs de technologie canadiens ont quelque chose qui a de la valeur et qui pourrait résoudre un problème gouvernemental. Si nous arrivons à ce juste milieu, je vous le dis, il y aura des exportations importantes et une meilleure croissance économique pour le pays.
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C’était notre affaire, et je vous le dis, nous ne sommes pas ici pour demander la charité. Cependant, je vais vous donner un exemple des défis que le gouvernement du Canada doit relever sur le plan logiciel: il s'agit du fait qu'il devra enquêter sur ce problème qui connaît un essor fulgurant, c'est-à-dire l’exploitation sexuelle des enfants en ligne. C'est un problème mondial de grande envergure et qui va croissant. Le même problème se pose au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans le monde entier.
Ils utilisent tous leurs exemptions en faveur des petites et moyennes entreprises dans les accords commerciaux. Ils utilisent tous leurs exemptions en matière de sécurité nationale pour travailler avec leurs innovateurs locaux à des solutions susceptibles de résoudre des problèmes comme celui-là, ou pour mener carrément des enquêtes sur la cybercriminalité. C’est à cela que nous devons faire face dans un monde globalement compétitif.
Encore une fois, je ne veux pas dire que chaque technologie aura un fournisseur canadien pour résoudre le problème, mais lorsqu’un fournisseur canadien possède les compétences techniques idoines et un potentiel d’exportation, je trouve regrettable qu'on lui ferme la porte. Il convient de souligner qu'avec la technologie, en matière d'approvisionnement, c’est souvent la dynamique du gagnant qui rafle tout. Par conséquent, si l'on vous bloque, vous allez rester bloqué pendant des années, et cette rampe de lancement sera perdue.
C’est pourquoi nous devons être très prudents lorsqu’il y a des acteurs canadiens dans l'équation, et ne pas perdre de vue les considérations sur le plan de la sécurité.
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Merci, monsieur le président.
Cette question s'adresse à M. Desai.
Le fait même qu’une société comme Nuctech ait pu aller aussi loin dans le processus sans que personne ne le signale pour des raisons de sécurité est absolument scandaleux, et je pense que cela montre simplement comment notre gouvernement tient notre sécurité nationale pour acquise, une situation qui dure peut-être depuis longtemps.
J’ai lu que l’Agence européenne des médicaments avait été piratée récemment. Les pirates ont obtenu des informations sur le vaccin de Pfizer. FireEye, la première société privée de cybersécurité aux États-Unis, a été piratée. Même les sociétés de cybersécurité se font pirater.
Ce gouvernement me rassure sans cesse en me disant qu’il a un plan et qu’il est prêt à protéger nos chaînes d’approvisionnement en vaccins et nos données grâce à la cybersécurité, mais ma confiance est mise à mal quand je vois tous ces pays du monde, des pays comme le Canada, se faire pirater et des entreprises de premier plan comme FireEye se faire pirater.
J’aimerais avoir votre avis. Notre gouvernement a-t-il une stratégie adéquate pour renforcer et protéger notre cybersécurité, et si ce n’est pas le cas, pourquoi n'en a-t-il pas une?
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Pour ce qui est de Nuctech en particulier, je m’en remets à mes collègues, mais pour ce qui est de la cybersécurité, la seule chose que je dirai, et je serai très général, c’est que, de tout temps, lorsque des gens avaient des choses de valeur, il y avait toujours d'autres gens sans scrupules qui cherchaient à les en dépouiller, et le fait que nous soyons à l'ère du numérique n'y change rien. La grande différence, c'est que les gens peuvent agir à distance et anonymiser leurs gestes.
Dans la rhétorique sur la cybersécurité, la seule affirmation avec laquelle j'ai de la difficulté, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, c'est ce commentaire selon lequel « je suis totalement en sécurité ». Ensuite, lorsque des cas comme ceux que vous avez décrits se produisent, nous nous rabattons sur cette réaction de relations publiques en affirmant ceci: « Eh bien, ce sont toutes les choses que j’ai faites. » Nous devons être un peu plus nuancés dans nos communications. Nous devons nous mettre au niveau des gens et dire que c’est un risque majeur pour la sécurité des Canadiens, pour la prospérité des Canadiens, et franchement, pour notre souveraineté lorsque ces menaces pèsent sur des choses comme les élections. Même dans un monde analogique, il n’y a pas de système qui soit à l'épreuve de tout, et je peux vous dire, voire vous garantir qu’il n’y en a pas dans le contexte du numérique.
J’ai souvent demandé que l’on adopte davantage une approche public-privé en matière de cybersécurité au Canada. J'ajouterais que nous apprenons, grâce à la pandémie, que les choses « essentielles » ne sont pas toujours du ressort du gouvernement du Canada, et encore moins du secteur public. Je sais que ce comité réfléchit aux opérations gouvernementales et à la cybersécurité, ou à la sécurité en général, mais nous devons être conscients qu’une grande partie des systèmes essentiels de notre société ne sont pas du ressort du gouvernement fédéral et que nous avons besoin d’un meilleur échange public-privé à propos de ces questions.
Je me fais également l’écho de ce que vous avez dit. Je crois qu'il est tout à fait juste d'affirmer que le gouvernement ne dépensera jamais assez ou n'en fera jamais assez pour veiller à ce que nous soyons totalement à l’abri des menaces en matière de cybersécurité. C’est une guerre et c’est une guerre sans fin que nous allons devoir continuer à mener. Nous allons devoir continuer à nous adapter. Nous allons devoir continuer à investir dans les nouvelles technologies, car ce que nous pouvons voir venir de pays comme la Chine, notamment avec l’informatique quantique, c’est que les menaces évoluent et que nous devons évoluer avec elles.
Pendant trop longtemps, le Canada a tenu pour acquis que nous ne serions pas pris pour cible par ces acteurs étatiques ou ces organisations criminelles, mais les rivalités et les comportements hostiles sont de plus en plus présents dans le monde. Ne pensez-vous pas qu’il est temps pour le gouvernement de mettre en place une véritable stratégie pour veiller à ce que nous puissions évoluer et nous adapter, une stratégie qui conduirait à une situation où une demande comme celle de Nuctech serait rejetée du revers de la main parce que c’est la chose sensée à faire? Nous reconnaissons tous au sein de ce comité qu’une entreprise comme celle-là n’aurait jamais dû être prise en considération pour ce genre de marché.
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Pour moi, lorsque quelqu’un dit « stratégie » dans le contexte du secteur public, ce que je crois, c’est que cette stratégie doit être horizontale au sein de l'État, et non verticale. Ce que je vois quand on parle de stratégie, c’est qu’ils ont obtenu cette chose particulière. Vous savez, cette machine à rayons X répond aux besoins de sécurité de cette ambassade. Je pense que nous devons penser en termes un peu plus globaux. Je ne dis pas cela dans un contexte exclusivement canadien. Nous devons nous intéresser au multilatéralisme et travailler à le faire évoluer également.
Nous avons le Groupe des cinq — qui est selon moi l’une des formes les plus efficaces de multilatéralisme dont le Canada fait partie —, qui discute des questions cruciales de la cybercriminalité, des infrastructures, de l’intégrité et autres. Nous le mettons actuellement en danger.
Je pense que nous devrions avoir de meilleures conversations avec nos alliés où nous avons des capacités, non seulement au Canada, mais aussi au sein de nos proches alliés où nous avons des accréditations conjointes concernant certaines technologies et la gouvernance de ces technologies. Voilà quelques solutions concrètes que nous pouvons envisager. Tout ne pourra pas être construit sous l’œil attentif du gouvernement du Canada. Nous devons adopter une approche de gestion des risques, et non une approche d’évitement des risques, parce qu'en fin de compte, nous allons être déçus si nous adoptons une approche d’évitement des risques.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Merci à tous les témoins. Cela a été très instructif.
Je vais commencer par M. Bergen.
Monsieur Bergen, dans la dernière partie de vos remarques liminaires, vous avez parlé d’une optique stratégique par opposition à une optique économique, ou du moins d’un équilibre entre une optique stratégique et une optique économique. De plus, vous avez affirmé ou présumé que le processus actuel de passation de marchés s’apparente davantage à la recherche du prix le plus bas d’un produit statique. Vous avez dit que la technologie évolue, et qu’elle évolue rapidement, et que notre processus actuel de passation de marchés n’est pas aligné sur cette évolution. M. Desai a parlé de diverses activités ou de divers indicateurs qui montrent que nous n’utilisons pas une optique stratégique, et sa dernière observation sur le fait que nous pensons selon une dynamique verticale plutôt qu'horizontale en est un exemple.
Ma question à M. Bergen et à M. Desai est la suivante: quels changements particuliers devons-nous apporter au processus de passation de marchés pour le rendre plus souple et plus « horizontal »?
Monsieur Bergen, voulez-vous commencer?
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Je vous remercie de la question.
Je me dois d'entrer dans les détails. Lorsque nous concevons un logiciel, je le répète, ce n'est pas un produit statique. C'est la version 1.0. Nous avons une feuille de route très serrée, qui est assortie, je dirais, d'un délai de six mois. À cela s'ajoute une feuille de route à plus long terme, allant jusqu'à deux ans. Bref, le produit évolue constamment en fonction des commentaires de nos utilisateurs et de ce que nous apprenons au sujet des cybermenaces, etc.
Dans un processus d'approvisionnement, ce que nous voyons, c'est une longue liste de capacités qui doivent être en place au moment où la demande de propositions est lancée. Or, cette liste prend généralement près d'un an, depuis la demande de renseignements, s'il y a lieu, jusqu'à la demande de propositions. En réalité, la plupart du temps, lorsque nous prenons connaissance de ces demandes de propositions, elles ne sont déjà plus à jour au moment où elles sont publiées ou encore, on y demande des choses qui n'existent plus sur le marché ou qui ne sont plus fonctionnelles.
Souvent, lorsque nous en faisons part aux utilisateurs de ces produits au sein du gouvernement, ils ne savent même pas d'où viennent ces capacités ni pourquoi elles sont requises. Les utilisateurs veulent des fonctionnalités très précises. Ils doivent négocier avec les services d'approvisionnement, si bien qu'ils finissent par énumérer une longue liste de ce qu'ils veulent dans l'immédiat, mais ils savent aussi que leurs besoins vont évoluer avec le temps. Parfois, bien franchement, ils doivent sciemment faire ce qu'il ne faut pas faire et se contenter de choisir les capacités qui les mèneront à bon port dans six mois.
Selon moi, il y a quelques mesures vraiment concrètes que nous pouvons prendre. L'une d'entre elles consiste à raccourcir le délai, c'est-à-dire l'intervalle entre la collecte de renseignements et l'approvisionnement. En même temps, nous pouvons réduire les montants afin que le risque ne soit pas aussi élevé, en plus de reconnaître la façon dont les logiciels sont mis au point — c'est-à-dire de manière très itérative, avec différentes versions —, y compris la possibilité de présenter des feuilles de route technologiques aux utilisateurs et aux technologues, plutôt qu'aux responsables de l'approvisionnement. Autrement dit, au lieu de s'en tenir au jargon du milieu, il faut employer les termes propres aux utilisateurs.
Vient ensuite la nécessité d'être constamment à l'affût de ce qui se passe dans le domaine. Nous avons un système d'approvisionnement qui est très réactif, au lieu d'être proactif. Pour accéder au marché, il faut d'abord comprendre ce qui existe déjà et, ensuite, ce qui est possible dans le cadre des feuilles de route et des structures.
Enfin, dans la phase de sécurité, je pense que nous devons évaluer plus en profondeur les entreprises et accorder la cote de sécurité voulue à celles qui ont déjà des capacités ou qui peuvent en avoir à l'avenir afin qu'elles puissent travailler davantage avec le gouvernement.
C'est bien ce que je cherchais comme explication détaillée. J'espère que cela figurera parmi les recommandations de notre rapport.
Permettez-moi de passer rapidement à M. Buric et à M. Olson.
Vous avez parlé de l'acquisition, de l'installation et de l'entretien. Dans le cas que vous avez évoqué, force est de constater que vous avez déjà installé des produits pour l'Agence des services frontaliers du Canada.
En ce qui concerne l'entretien, le risque de téléchargement de données suscite beaucoup de préoccupations. Est-ce propre à l'entretien du système de Nuctech, ou est-ce un risque qui existe ou auquel vous êtes exposés pour tous les produits qui contiennent des données à l'étape de l'entretien, de sorte que, si cette activité n'est pas bien supervisée ou validée, les données risquent d'être perdues?
M. Olson pourra peut-être en parler en premier.
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Merci, monsieur le président. Je vais essayer de poser une question qui compte vraiment.
Je tiens d'abord à remercier les témoins d'être des nôtres aujourd'hui et de prendre part à cette discussion fort intéressante.
Ma question s'adresse à M. Desai.
Vous avez parlé de certains des programmes que les États-Unis ont mis en place pour les marchés publics, et vous avez mentionné plus précisément la DARPA. Il y a une entreprise locale de biotechnologie, appelée AbCellera, qui a remporté un concours lancé par la DARPA. Les entreprises qui y ont participé devaient montrer comment elles pourraient contrer la menace d'une pandémie grâce à la mise au point d'une thérapie.
Justement, lorsque la pandémie a frappé cette année, le gouvernement canadien a investi des sommes considérables dans AbCellera pour lui permettre de mettre au point un traitement contre la COVID, ce que l'entreprise a réussi à faire. Ce traitement a été approuvé par l'Agence de la santé publique du Canada, et nous en avons maintenant commandé 26 000 doses.
C'est un exemple intéressant, et je me demandais si vous pouviez nous dire quelles leçons nous pouvons tirer de la réponse à la pandémie dans le secteur médical et comment cela peut se traduire par un soutien destiné au secteur des technologies, surtout pour lui permettre de surmonter cette mauvaise passe.
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Je vous remercie de cette question très réfléchie.
Je ne travaille pas dans le domaine de la biologie, mais d'après les leçons tirées de mon expérience avec des organismes semblables à la DARPA aux États-Unis, sur le plan de l'application de la loi ou de la sécurité nationale plutôt que sur le plan de la sécurité médicale, je pense que nous devons commencer à être capables de nous occuper des deux domaines en même temps. Il faut comprendre que la meilleure forme de développement économique consiste à régler des problèmes concrets qui sont des enjeux d'ordre sociétal. Si nous ne concilions pas ces deux aspects, nous perdrons certaines de nos meilleures entreprises.
J'ajouterai que si nous travaillons avec de tels organismes dans d'autres pays, cela risque de nous éloigner du Canada. Si nous ne reproduisons pas... Il ne s'agit pas simplement de dire que nous devons être de bons Canadiens et soutenir nos entreprises. Il en va de la prospérité future et du maintien du niveau de vie des Canadiens. C'est ainsi que le développement s'effectue dans des industries hautement sécurisées, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.
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Merci, monsieur Drouin.
J'aimerais remercier tous les témoins de leurs exposés et de leurs réponses à nos questions. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Chers collègues, nous allons poursuivre nos travaux à huis clos. Nous allons suspendre la séance, après quoi le personnel technique mettra fin à cette réunion sur Zoom. Vous devrez sortir de l'application, puis vous y connecter à nouveau. Le greffier vous a envoyé l'information nécessaire, ainsi que le mot de passe et le lien.
Encore une fois, merci beaucoup aux témoins.
[La séance se poursuit à huis clos.]