:
Madame Davies, je suis désolée de vous interrompre, mais nous avons reçu cette motion. Nous avons besoin d'un avis de 48 heures. Nous la présenterons à la prochaine séance. Merci beaucoup.
Il est très courant de recevoir des motions en comité, alors je vous remercie, madame Davies.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions aujourd'hui le rôle du gouvernement et de l'industrie dans la détermination de l'approvisionnement en médicaments au Canada. De la Coalition pour de meilleurs médicaments, accueillons Gail Attara, présidente du Comité des opérations, et présidente et chef de la direction de la Société gastro-intestinale; et Suzanne Nurse, représentante. Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'être des nôtres aujourd'hui.
Ensuite, nous recevons John Haggie, président de l'Association médicale canadienne. Soyez le bienvenu. C'est un plaisir de vous recevoir aujourd'hui.
De l'Ordre des pharmaciens du Québec, nous entendrons Diane Lamarre, présidente; et Manon Lambert, directrice générale et secrétaire. Soyez les bienvenues. Nous sommes ravis que vous ayez pu venir.
Nous avons aussi Myrella Roy, directrice générale de la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux. Bienvenue. Nous sommes également heureux de vous avoir ici aujourd'hui.
Enfin, Richard Chisholm, président de la Société canadienne des anesthésiologistes, a accepté de se joindre à nous par vidéoconférence, depuis Buenos Aires, en Argentine.
Monsieur Chisholm, soyez le bienvenu. C'est un honneur de vous compter parmi nous aujourd'hui.
Nous allons maintenant commencer. Chaque témoin dispose de 10 minutes pour faire son exposé.
Monsieur Chisholm, vous pouvez commencer.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, au nom des 1 900 membres de la Société canadienne des anesthésiologistes qui exercent l'anesthésie au Canada, je tiens à vous remercier de cette occasion de prendre la parole devant vous au sujet du rôle que peuvent jouer les gouvernements et l'industrie pharmaceutique pour veiller à ce que le Canada dispose de stocks suffisants de médicaments pour répondre aux besoins en matière de soins de santé de la population canadienne.
Cet enjeu attire maintenant beaucoup l'attention tant des gouvernements que des médias et du grand public. Cette attention provient en grande partie des lettres envoyées par Sandoz, un fabricant de médicaments génériques, à ses clients à la mi-février cette année, annonçant que son usine de production canadienne située à Boucherville, au Québec, serait fermée afin de régler des problèmes de fabrication recensés lors d'une visite récente par la Food and Drug Administration des États-Unis.
Ces lettres ont déclenché une véritable crise dans l'approvisionnement en médicaments au Canada. J'en aurai plus à dire à ce sujet dans un moment, mais j'aimerais d'abord exprimer clairement que, pour les anesthésiologistes du Canada, les inquiétudes en matière d'approvisionnement en médicaments n'ont pas débuté, et ne cesseront pas, avec les difficultés actuelles de Sandoz.
En janvier 2011, soit plus d'un an avant les lettres de Sandoz, nous avons écrit à la ministre fédérale de la Santé pour lui indiquer que nos membres signalaient des pénuries de Propofol — un agent d'induction de l'anesthésie de choix — et s'inquiétaient de rapports faisant état de réductions des stocks de Pentothal, un médicament plus ancien mais toujours utile.
Nous avons alors demandé: existe-t-il chez Santé Canada une méthodologie permettant de reconnaître les situations où des contraintes d'approvisionnement répondent à la définition d'une pénurie de médicaments exigeant que les prescripteurs choisissent une autre thérapie? La ministre, et c'est tout à son honneur, a pris certaines mesures pour dissiper nos préoccupations, mais la réponse à notre question sur la capacité du ministère à cerner et à anticiper les problèmes d'approvisionnement en médicaments était « non » à ce moment, et demeure « non » à ce jour. La nécessité d'un système efficace pour prévoir, définir et gérer les perturbations d'approvisionnement est encore plus évidente aujourd'hui qu'alors.
Rien ne le prouve de manière plus convaincante que la triste histoire de l'arrêt de la production chez Sandoz. Cette interruption signifiait que des dizaines de médicaments essentiels ne seraient plus fabriqués tandis que d’autres seraient disponibles pendant une période allant de 12 à 18 mois selon l’utilisation antérieure. Comme vous le savez sans doute, Sandoz est dans bien des cas l'unique fournisseur canadien de médicaments essentiels.
Les effets ont été immédiats pour nos membres et les patients que nous servons. Un hôpital à la fois, les anesthésiologistes ont commencé à subir des pénuries et se sont retrouvés dans un vide d'information. Quelle était la gravité du problème? Quelles mesures étaient prises pour le résoudre, pour trouver d'autres fournisseurs ou médicaments? Qui gérait le problème?
Les anesthésiologistes nous ont bien entendu appelés pour nous demander ce qui se passait et pour nous dire qu'ils se sentaient exclus de la boucle d'information. En y regardant de plus près, nous avons constaté que nous n'étions pas exclus de la boucle de communication, de consultation et de planification conjointe pour gérer la crise. Il n'y avait tout simplement pas de boucle. Aucun processus d'information, de consultation et de planification conjointe, qui aurait pourtant dû s'installer vers et parmi l'industrie, les gouvernements et les pourvoyeurs de santé, n'a vu le jour. Et c'est parce qu'à ce jour, nous n'avons pas de système au Canada pour nous en assurer.
Votre comité cible principalement les rôles de l'industrie et du gouvernement dans l'approvisionnement en médicaments. Commençons par l'industrie. Dans ce cas, nous parlons de Sandoz — un fabricant de génériques réputé et compétitif qui a réussi à obtenir les contrats de fournisseur unique de médicaments clés. La chronologie est dès lors intéressante.
En novembre 2011, la FDA avisait Sandoz que la société allait devoir mettre à niveau son usine de production. Nous ne savons pas si, et quand, Santé Canada et les ministères provinciaux de la Santé ont été mis au courant de cette commande de la FDA, pas plus que s'ils comprenaient l'impact potentiel que pourrait avoir la fermeture de cette usine sur l'approvisionnement en médicaments au Canada. Nous savons par contre que Sandoz n'a informé ses clients — le système de santé canadien — qu'à la mi-février. Les 15 et 17 février, Sandoz envoyait des lettres, faisant état dans un premier temps de la commande de la FDA, puis, deux jours plus tard, annonçant une réduction immédiate des stocks disponibles de médicaments essentiels.
Si les gouvernements et des gens tels que les anesthésiologistes du Canada en avaient été informés plus tôt, cela aurait-il pu changer l'issue des événements? Poser la question revient à y répondre. Les hôpitaux auraient eu le temps d'accumuler des stocks de médicaments. Il aurait été possible de prendre des dispositions avec d'autres fabricants pour prévoir des stocks de remplacement, ou de chercher des produits convenables à l'extérieur du Canada.
D'après ce que nous savons, Sandoz n'avait aucune obligation légale de déclarer le plus tôt possible ces perturbations d'approvisionnement — à ses clients ou aux gouvernements du Canada. D'un point de vue strictement commercial, conserver sa position de fournisseur unique aussi longtemps que possible en retardant l'annonce pourrait sembler logique. Mais cela n'a aucun sens du point de vue des patients. Je le répète, il n'y avait apparemment aucune obligation légale, mais je vous laisse le soin de déterminer s'il y avait ou non une obligation morale pour la compagnie de divulguer cette information aussi rapidement qu'il est humainement possible de le faire.
En nous tournant vers l'avenir et en espérant éviter qu'une telle débâcle ne se reproduise, je souhaite que votre comité recommande le plus fortement possible que le Canada adopte des mesures législatives rendant les compagnies clairement responsables d'aviser immédiatement les gouvernements et le système de santé de tout événement susceptible de menacer les stocks de médicaments.
Qu'en est-il des gouvernements et de leur rôle à cet égard? Je crois juste d'affirmer que les gouvernements de tous les échelons ont pris trop de temps à reconnaître la fragilité du système d'approvisionnement en médicaments du Canada. Et cette fragilité a une incidence sur tout l'éventail des dépenses liées aux médicaments. Les oncologues éprouvent des problèmes de stocks avec des médicaments plus dispendieux requis en chimiothérapie. Les anesthésiologistes font face à une pénurie de médicaments qui, relativement parlant, sont bon marché.
Nous croyons que le problème réside fondamentalement dans le fait que les gouvernements se sont tout naturellement concentrés sur le coût des médicaments, en tenant pour acquis que — compte tenu des dizaines de millions dépensés — les stocks seraient tout bonnement disponibles. De toute évidence, c'est faux. Il n'en va pas ainsi dans la vraie vie.
À vrai dire, nous n'avons pas les solutions à ce problème: nous sommes des anesthésiologistes. Nous nous appuyons sur la réalité inévitable que la qualité des soins de santé — et de l'expérience des services de santé pour des millions de Canadiens chaque année — dépend de la capacité de l'anesthésie à contenir et à limiter la douleur et la souffrance. Vous devez donc nous aider à avoir les outils requis pour faire ce qui est pour nous de la plus haute importance.
Certaines mesures semblent aller de soi: aucun fournisseur unique, par exemple, et un meilleur suivi de l'univers pharmaceutique dans les services de santé au Canada. En ce qui a trait à d'autres éléments de nos efforts communs pour limiter les coûts des médicaments, nous devons nous adapter à leur impact sur la disponibilité des médicaments.
Nous devons exiger de l'industrie qu'elle déclare les événements pouvant perturber l'approvisionnement en médicaments, et exiger du gouvernement qu'il accepte de demander, de surveiller et de garantir.
J'ai deux derniers points. Le premier porte sur la réalité dans laquelle nous vivons aujourd'hui: la vérité étant que le système canadien des services de santé ne sait pas automatiquement avec précision quels stocks de médicaments sont en pénurie ou risquent de le devenir. Conséquemment, il arrive beaucoup trop souvent que ces pénuries soient traitées clinique par clinique, hôpital par hôpital, ville par ville, région par région, province par province, médicament par médicament, fabricant par fabricant. C'est ce qui se produit maintenant au Canada en ce qui concerne les perturbations d'approvisionnement de Sandoz, et c'est inacceptable.
Enfin, j'aimerais souligner le soin avec lequel les hommes et les femmes de votre système de santé gèrent cette crise clinique par clinique, hôpital par hôpital, ville par ville, région par région, et province par province. On critique souvent le système de santé au Canada, mais je peux vous assurer que vous seriez fiers de voir les pharmaciens d'hôpitaux et les anesthésiologistes gérer les pénuries en substituant un médicament à un autre, en complétant un médicament avec un autre, ou en fabriquant leurs propres préparations injectables à partir de poudres.
En terminant, sachez que le Canada n'est pas le seul pays à être confronté à ces difficultés. Plus tôt cette semaine, le Congrès mondial des anesthésiologistes de la FMSA a adopté à l'unanimité une résolution visant à presser les gouvernements et les industries à travailler avec nous afin d'atténuer la pénurie de médicaments qui touche des patients dans le monde entier.
Nous ne sommes donc pas seuls, mais le fait qu'il y ait une pénurie de médicaments à l'échelle internationale ne doit pas nous empêcher d'agir rapidement ici, au Canada.
C'est le message que souhaitent livrer aujourd'hui à votre comité les anesthésiologistes du Canada. Notre travail consiste à soulager la douleur. Nous y parvenons très bien. Je vous prie d'exhorter le gouvernement à faire en sorte que nous ayons les médicaments dont nous avons besoin pour réaliser cet objectif.
Merci beaucoup.
Je voudrais d'abord remercier le comité de me donner l'occasion de comparaître devant vous au nom de l'Association médicale canadienne. Veuillez noter que l'AMC a aussi présenté un mémoire au comité.
[Traduction]
Au nom des 76 000 médecins que représente l'AMC et des millions de Canadiens que ces professionnels servent, j'ai un seul message pour vous aujourd'hui. En tant que députés, vous comptez parmi les chefs de file de notre pays. À un moment comme celui-ci où les Canadiens font face à rien de moins qu'une crise nationale, ils se tournent vers vous et vos pairs dans les législatures de tout le pays pour que vous exerciez votre leadership et soyez à la hauteur de la confiance qu'il ont placée en vous.
Au risque de paraître sévère, l'exercice de blâme mutuel qui a eu lieu au débat entre les gouvernements était tout sauf une preuve de leadership. Depuis, je crois qu'il y a eu des progrès. Récemment, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il ouvrirait ses réserves de médicaments pour les provinces qui connaissent des pénuries. Bien que je ne sois pas certain du type de médicaments que cela couvre ou de ce en quoi consistera le processus, c'est néanmoins un pas dans la bonne direction.
Un autre point qui est encourageant est le fait que le ministère de la Santé ait approuvé plus rapidement les médicaments de remplacement. Toutefois, je suis déçu que les sociétés pharmaceutiques qui fabriquent les médicaments de marque et les médicaments génériques aient concentré leurs efforts sur l'information au sujet des pénuries. Des renseignements au sujet du problème des pénuries de médicaments ne peuvent se substituer à des solutions au problème.
Permettez-moi maintenant de prendre quelques minutes pour parler des conséquences de ces pénuries de médicaments et du manque d'information à leur sujet pour les médecins et les patients dont ils prennent soin.
On se voit forcer d'interrompre des traitements cliniques, ce qui entraîne pour les patients des risques de rechute, voire pire. On doit annuler des chirurgies, ce qui occasionne au mieux des retards et, au pire, une détérioration réelle de la santé des patients forcés d'attendre.
Dans certains cas, il n'y a pas de médicaments de remplacement, ou le produit de remplacement n'est pas couvert par l'assurance. Dans d'autres cas, les gens n'ont tout simplement pas les moyens d'acheter le nouveau médicament. Quelle que soit la raison, quand un traitement de substitution n'est pas disponible, les personnes malades doivent s'en passer.
Comme tous les médicaments présentent des risques, les médicaments de remplacement pourraient avoir des effets secondaires. En outre, ils pourraient ne pas être aussi efficaces que le médicament prescrit initialement. En fait, il est même possible qu'il s'agisse de médicaments de remplacement qui ont déjà été mis à l'essai auparavant, mais sans succès.
Des changements dans l'heure et la dose de médicaments peuvent porter à confusion, en particulier pour les patients qui suivent un traitement à long terme ou pour ceux qui ont du mal à apprendre de nouvelles modalités de traitement.
Enfin, tous les médicaments que prend un patient doivent être revus pour déterminer leurs interactions potentiellement dangereuses avec tout nouveau médicament. Cela peut nécessiter des analyses sanguines ou des essais de dosage qui retarderont encore plus le traitement. Chacune de ces situations peut nuire à nos patients et causer des préjudices à leur santé, en particulier lorsqu'il s'agit de patients atteints de maladies complexes.
Les organisations de patients ont parlé à l'AMC de l'anxiété, de la douleur et des préjudices que les pénuries de médicaments ont infligés aux patients. Je me suis engagé auprès de quelques organisations de patients qui ne pouvaient se joindre à nous aujourd'hui à vous communiquer leurs expériences.
[Français]
Permettez-moi de vous lire les extraits de quelques-uns des messages que nous avons reçus.
[Traduction]
Selon l'Association canadienne des lésés cérébraux, et je cite:
Toute pénurie de médicaments met en danger la vie de patients au Canada. Dans la communauté des patients atteints de lésions cérébrales, on prescrit des antidépresseurs pour certains, de même que des antidouleurs. Donc, s'il y a une pénurie, certains membres de la communauté seront en danger, même si le médicament est modifié.
La présidente intérimaire de l'Alliance canadienne des arthritiques, Louise Bergeron, a écrit ceci à l'AMC:
En fait, cela m'est arrivé à trois reprises et c'est plutôt horrible quand vous savez que vous n'aurez pas accès à certains médicaments pendant une longue période de temps, en sachant fort bien que votre santé sera menacée.
Sharon Baxter, directrice générale de l'Association canadienne de soins palliatifs, affirme que:
Tous encouragent le gouvernement à trouver une solution très rapidement, car les médicaments contre la douleur sont essentiels et urgents en fin de vie. Je ne pense pas que nous soyons au stade où des gens meurent sans avoir accès à des médicaments, mais il est totalement inacceptable d'en arriver là dans un pays comme le Canada.
Les pénuries entraînent aussi une augmentation de la consommation de ressources de soins de santé, en raison de la nécessité d'une surveillance supplémentaire, de consultations multiples entre les fournisseurs de soins, dont les médecins, et des visites à l'urgence. Pour dire les choses comme elles sont, pendant que les médecins s'affairent à trouver des médicaments qui devraient être facilement accessibles pour les patients ou des médicaments de remplacement, d'autres patients doivent attendre plus longtemps pour être vus et soignés.
Dernier point, mais non le moindre, ces pénuries entraînent des coûts plus élevés pour notre économie. Des citoyens en bonne santé sont des citoyens productifs qui contribuent au bien-être de leur famille et de leur communauté, ainsi qu'à la prospérité économique de notre pays. Comment cela peut-il avoir du sens d'un point de vue économique d'avoir des gens malades et en congé de maladie par manque d'accès aux traitements médicalement nécessaires?
Pour fournir les meilleurs soins possible aux patients, les médecins doivent avoir accès en temps opportun à des renseignements complets et précis sur les perturbations et contraintes actuelles et futures d'approvisionnement en médicaments. Plus précisément, notre pays doit avoir un approvisionnement ininterrompu de médicaments médicalement nécessaires pour les patients — un point c'est tout.
C'est dans cet objectif que nous avons communiqué nos idées et commentaires au gouvernement et à l'industrie pharmaceutique. En tant que professionnels de la santé, nous devons disposer d'un système de suivi et de notification rapide pour les pharmacies et pour les médecins. Il faut aussi instaurer un mécanisme systématique proactif pour éviter les interruptions de l'approvisionnement en médicaments médicalement nécessaires pour nos patients.
Selon un sondage que l'AMC a réalisé auprès des médecins en janvier 2011, les deux tiers des répondants ont dit que la pénurie de médicaments génériques a eu des conséquences négatives pour leurs patients ou leur pratique. L'écart entre ce que nous avons au Canada et ce dont nous avons besoin est rendu encore plus flagrant par les ruptures de stock de médicaments injectables.
Nous savons fort bien que d'autres pays sont également aux prises avec des pénuries de médicaments, et nous avons suivi avec intérêt la signature d'un décret exécutif par le président Obama l'automne dernier, exigeant que la Food and Drug Administration « prenne des mesures qui aideront à prévenir et à réduire les perturbations actuelles et futures des approvisionnements en médicaments vitaux ».
L'AMC encourage le gouvernement du Canada à examiner tous les moyens à sa disposition, y compris les incitatifs économiques qu'elle procure à l'industrie pharmaceutique, afin de s'assurer que les Canadiens puissent bénéficier d'un approvisionnement ininterrompu en médicaments médicalement nécessaires. Les pénuries de médicaments posent un problème grave et croissant, un problème qu'il faut régler. Les Canadiens se tournent vers leurs représentants élus pour une solution.
En dernière analyse, c'est à l'industrie pharmaceutique de résoudre ses problèmes d'approvisionnement. Ma responsabilité en tant que médecin est de prodiguer des soins. La leur est de veiller à nous fournir les médicaments dont nos patients ont besoin, quand ils en ont besoin.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir permis de témoigner devant vous au sujet de cette question de grande importance. Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Tout d'abord, madame la présidente, merci beaucoup de nous avoir invités à venir discuter avec vous de la question.
La Coalition est une alliance de 27 particuliers et organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé qui militent pour la prestation de meilleurs soins par l'accès aux médicaments, en remédiant notamment aux pénuries et en assurant la sécurité de l'approvisionnement.
Permettez-moi de vous mettre en contexte. Pour ceux qui ne l'ont pas déjà et pour les personnes qui nous écoutent, notre mémoire est affiché sur le site bestmedicines.ca.
Les maladies chroniques que représente notre coalition touchent quelque 20 millions de Canadiens. C'est énorme. Voici quelques-unes des maladies que nous couvrons: arthrite, asthme, cancer du sein, épilepsie, hémophilie, douleurs, affections cutanées, troubles gastro-intestinaux — mon domaine — et troubles hépatiques. D'autres coalitions sont aussi membres de la nôtre, alors nous agissons en quelque sorte comme figure de proue dans l'ensemble du pays. Il existe aussi des coalitions en Alberta et en Colombie-Britannique pour toutes autres catégories d'affections. Il est également question de cancer du rein, de lymphome, de cancer de l'ovaire et du syndrome de La Tourette, pour ne nommer que quelques-unes des principales maladies représentées.
Nous sommes ici pour rappeler à tout le monde que le but de l'exercice est de protéger les patients. S'il n'y avait pas de patients, nous n'aurions pas besoin de médicaments, et les médicaments sont de toute évidence le sujet du jour. Nous demandons au gouvernement d'intervenir et de faire preuve d'un grand leadership. Nous voulons qu'une étude approfondie soit faite pour déterminer où les choses ont dérapé et trouver des solutions. Même si nous voulons que le gouvernement assure le leadership de cette initiative, nous l'implorons de mettre les patients à contribution, car sans leur rétroaction, sans les commentaires formulés naturellement par les utilisateurs finaux des produits, il passera sans doute à côté de très importantes informations dont il a besoin.
Nous vous demandons donc de pouvoir participer à toutes les étapes du processus, du moment où on tentera de déterminer ce qui a mal tourné jusqu'à l'examen de solutions possibles. Nous voulons par ailleurs des solutions pragmatiques, car nous sommes des patients et nous voulons une résolution efficace du problème. Nous ne voulons pas d'une longue série de règlements et de mesures semblables. Nous voulons des résultats et quelque chose qui captera l'attention.
La pénurie de médicaments n'est pas un problème qui date d'hier. Les patients atteints de maladies gastro-intestinales ont vécu la même situation en 2006, en 2009 et encore récemment. C'est un problème qui refait constamment surface, et il a visiblement pris de l'ampleur dernièrement, puisque plus de groupes sont peut-être maintenant touchés par la pénurie. C'est véritablement un enjeu de taille.
Nous tenons absolument à ce que les patients prennent part au processus. Nous avons présenté quelques exemples dans notre mémoire, mais nous aurions pu vous en donner beaucoup plus encore. Si la présidente le veut bien, je demanderais à ma collègue, Suzanne, de vous donner un exemple au sujet de l'épilepsie.
Puis-je céder la parole à ma collègue un instant?
Je suis membre de la Coalition pour de meilleurs médicaments, et je représente aussi aujourd'hui l'Alliance canadienne de l'épilepsie.
À titre d'exemple, je vais vous décrire ce qui se produit dans le traitement de l'épilepsie en raison des pénuries de médicaments.
Les personnes souffrant de maladies chroniques comme l'épilepsie doivent avoir accès à des médicaments sans interruption.
L'épilepsie est un trouble neurologique chronique caractérisé par des crises récurrentes. Le principal traitement de l'épilepsie comprend des médicaments antiépileptiques qui doivent être pris tous les jours pour prévenir les convulsions. Lorsque la prise d'antiépileptiques cesse ou que le médicament est changé soudainement, les convulsions récurrentes peuvent devenir plus graves et plus longues que les précédentes. Les crises prolongées de plus de cinq minutes nécessitent des soins médicaux urgents et peuvent être mortelles.
Depuis la fin de 2009, nous avons connu des pénuries d'au moins cinq différents médicaments antiépileptiques, et il s'agit d'une estimation modeste. Certains de ces médicaments sont fabriqués par une seule compagnie pharmaceutique. Ces pénuries ont forcé certaines personnes à utiliser une préparation différente, si disponible, ou à prendre un autre médicament sans transition. Nous ne savons pas si les autres personnes touchées par la pénurie ont simplement cessé de prendre leur médicament lorsqu'elles en ont manqué sans consulter un médecin.
Certaines personnes qui se sont fait prescrire un autre médicament antiépileptique ont connu des épisodes de convulsions prolongées qui ont mis leur vie en danger. Les médecins spécialisés dans le traitement de l’épilepsie ont rapporté que des patients dont la maladie était bien contrôlée auparavant ont subi des crises en raison de la pénurie.
Même les personnes qui avaient un stock de médicaments suffisant pour faire face à la pénurie ou qui ont été capables de trouver une pharmacie qui avait leur médicament en stock ont éprouvé beaucoup de stress parce qu’elles ne savaient pas combien de temps durerait la pénurie de leur médicament et si elles en manqueraient.
Les personnes dont les crises étaient bien contrôlées s’inquiètent sur les répercussions éventuelles des crises sur leur santé, mais aussi sur leur autonomie, parce qu'elles pourraient ainsi perdre leur permis de conduire. Malheureusement, pour certains, cela pourrait aussi signifier la fin de leur carrière.
Les parents, conjoints et autres membres de la famille sont très préoccupés par la sécurité de leurs proches.
Les gens sont très frustrés et bouleversés par le manque d’information sur l’interruption de l’approvisionnement en médicaments. Les personnes touchées par la pénurie n’ont nulle part où aller pour obtenir de l‘information générale sur la pénurie, sur des médicaments en particulier et pour obtenir des conseils sur les mesures à prendre. Certaines personnes ont bénéficié d’un très bon soutien de la part de leur professionnel de la santé ou du pharmacien, mais recherchent une source d’information fiable sur la pénurie de médicaments pour obtenir des renseignements supplémentaires.
Bien des gens atteints d’épilepsie qui sont touchés par la pénurie de médicaments sont initialement surpris d’apprendre que leur médicament antiépileptique n’est pas disponible, puis se fâchent lorsqu’ils apprennent, s'ils l'apprennent, qu’aucun règlement n’est en place pour assurer l’approvisionnement en médicaments et attendent désespérément que leur médicament soit de nouveau disponible en pharmacie.
Si le comité a des questions plus tard, j'ai aussi des exemples de cas précis à vous donner.
En résumé, nous réclamons trois choses claires. Premièrement, les patients doivent participer à toutes les étapes du processus. Deuxièmement, nous demandons au gouvernement d'assumer un rôle de leadership dans l'enquête visant à déterminer ce qui s'est produit. Et troisièmement, nous voulons savoir comment arriver à des solutions réellement efficaces, et nous aimerions beaucoup participer à cet exercice.
Nous proposons entre autres que l’approbation de mise en marché d’un médicament soit assortie de l’obligation d’assurer un approvisionnement constant du médicament en question. C'est primordial pour les patients. Nous savons qu'une entreprise commerciale examine tous ces facteurs sous cet angle. Pour nous, il importe peu qui récolte les profits rattachés aux soins de santé, pourvu qu'on réponde aux besoins des patients et qu'on le fasse de manière constante, et que les médecins aient les outils qu'il faut pour prendre bien soin des patients.
Encore une fois, nous avons beaucoup d'exemples concrets à vous donner pour illustrer les ratés du système. Je pense que le comité sait très bien que quelque chose cloche, alors il est inutile de s'attarder plus longtemps sur le sujet.
Nous regardons droit devant et nous espérons qu'il sera possible de trouver une solution très rapidement. Ce n'est pas un problème momentané, c'est un problème récurrent. Nous avons des réserves face à l'achat de médicaments en vrac auprès d'un seul fournisseur, l'équivalent de mettre tous ses oeufs dans le même panier. C'est problématique, peu importe la source.
Je crois que je vais m'arrêter ici. Merci beaucoup.
:
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, nous vous remercions de donner à l'Ordre des pharmaciens du Québec l'occasion de discuter des ruptures d'approvisionnement en médicaments, plus particulièrement des solutions potentielles à mettre en oeuvre, tant pour éviter ces pénuries que pour en limiter l'impact sur la santé des Canadiens. Je suis accompagnée aujourd'hui de Mme Manon Lambert, qui est directrice générale de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Elle pourra également répondre à vos questions.
La stabilité de l'approvisionnement en médicaments était déjà au centre des préoccupations de l'ordre bien avant que les médias ne se fassent l'écho de la crise que nous connaissons aujourd'hui. Dès mars 2011, en effet, nous avons mis sur pied un comité multipartite chargé d'étudier les causes des pénuries en donnant la priorité à des pistes de solutions pour y faire face. Nous présenterons les résultats de ces travaux à la mi-avril en collaboration avec le Collège des médecins du Québec, l'Association des pharmaciens des établissements de santé et l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires.
Au départ, cette réflexion nous amène à des constats alarmants: le nombre de ruptures d'approvisionnement a quadruplé entre 2006 et 2010 et leur durée moyenne est dorénavant de plusieurs mois. Plus grave encore, il apparaît que ces pénuries comportent des risques cliniques importants, comme en témoignent la quinzaine de décès en autant de mois attribuables à ce problème aux États-Unis ou, plus près de nous, les 65 chirurgies récemment reportées en Outaouais à cause d'une quantité insuffisante de médicaments injectables. Certains groupes de patients, notamment les patients luttant contre le cancer, s'avèrent particulièrement vulnérables face à ces pénuries et en sont souvent les premières victimes.
Pour l'Ordre des pharmaciens du Québec et ses partenaires, la question de l'approvisionnement en médicaments se pose donc aujourd'hui comme une problématique de santé publique qui nécessite une action immédiate et concertée de la part des divers acteurs concernés. Au niveau fédéral, nos recommandations portent sur trois aspects complémentaires qui sont imbriqués les uns dans les autres.
D'abord, Santé Canada doit assumer son leadership face à cet enjeu majeur et doit le faire en créant une unité de surveillance. Le rôle de cette unité serait d'assurer une vigie internationale et nationale relativement aux ruptures et d'appuyer les mesures des provinces visant à prévenir les pénuries. De plus, cette unité de surveillance devra développer des liens de réciprocité avec les autres autorités réglementaires, notamment la FDA.
Ensuite, le gouvernement fédéral doit mettre en vigueur un cadre législatif forçant les entreprises à donner les deux préavis suivants: un an pour tout arrêt de production, et six mois pour toute perturbation prévue dans l'approvisionnement en médicaments.
Enfin, établir une liste canadienne de médicaments essentiels afin de donner la priorité à des actions atténuantes compte tenu des risques cliniques, et assurer une vigie particulièrement proactive dans le cas de ces médicaments. Je vais développer ces trois recommandations.
En ce qui a trait à la première, nous partons du postulat qu'un médicament, compte tenu de sa capacité à sauver des vies, est un produit de consommation exceptionnel qui mérite à ce titre un encadrement législatif et organisationnel sur mesure. Nous estimons qu'aujourd'hui, la stabilité de l'approvisionnement en médicaments devrait faire partie d'une perspective nationale, et notre première recommandation vise donc à instaurer un centre névralgique de surveillance et d'action concertée pancanadien.
Aux États-Unis, la FDA assure une vigie mondiale afin d'enrayer à la source les problèmes de pénurie de médicaments. Nous croyons qu'au Canada, un organisme national indépendant devrait avoir la responsabilité de déterminer les risques pouvant affecter l'approvisionnement en plus de favoriser l'échange de renseignements entre les organismes réglementaires du pays. En plus d'assumer ce simple rôle d'observateur, cet organisme devrait pouvoir bénéficier de mécanismes d'action lui permettant de réagir rapidement et de prévenir les pénuries, ou du moins d'en diminuer l'impact sur la santé des Canadiens.
À notre avis, Santé Canada devrait prendre l'initiative de la création de cette unité de surveillance, de concert avec les provinces, en faisant inscrire ce projet prioritaire à l'ordre du jour de la prochaine Conférence des ministres fédéral-provinciaux-territoriaux de la Santé, qui se déroulera les 27 et 28 septembre prochains à Halifax. Je vais maintenant passer à la deuxième recommandation.
Cela étant dit, une telle unité n'aura les moyens de remplir sa mission que si l'information appropriée lui parvient dans un délai suffisant pour lui permettre de déployer des mesures atténuantes. Le processus entièrement volontaire au moyen duquel l'industrie pharmaceutique signale actuellement des difficultés de production ou des changements susceptibles d'avoir un impact sur la disponibilité d'un médicament nous apparaît nettement insuffisant.
En France, par exemple, les fabricants sont tenus d'aviser les organismes réglementaires de tout élément ayant une influence sur la disponibilité d'un médicament, et ce, un an à l'avance. Dans certains cas, comme pour un produit « unisource » et essentiel, le fabricant qui souhaite diminuer ou cesser sa production peut même se voir légalement contraint de la maintenir le temps qu'une solution de rechange puisse être mise en place. Le Canada doit imposer une mesure similaire.
Nous croyons également nécessaire que Santé Canada impose un cadre législatif aux fabricants afin de les obliger à signaler, minimalement six mois à l'avance ou dès sa connaissance, toute modification significative de la chaîne de production susceptible de limiter l'accès à un ou à des médicaments. Une résolution non contraignante ne pourrait donner les garanties nécessaires à la protection des Canadiens.
Un tel système coercitif aurait par exemple forcé l'entreprise Sandoz à prévenir les autorités, et ce, dès 2009, que des avis de non-conformité avaient été émis à son endroit par la FDA. Dans ce cas précis, comme dans bien d'autres, la démarche volontaire actuelle semble avoir démontré ses limites.
Enfin, et comme c'est le cas dans de très nombreux pays, nous souhaitons que Santé Canada coordonne la création et la mise sur pied d'une liste des médicaments essentiels et « unisources » en circulation dans les diverses provinces.
Fabriqués par une seule entreprise, les médicaments dits « unisources » présentent évidemment un risque accru de pénurie puisque aucun autre fournisseur n'est en mesure de pallier une diminution ou une cessation de la production. Dans ces cas-là non seulement la santé des Canadiens risque d'être affectée en cas de difficulté de production, mais de plus, la position monopolistique du fabricant limite le pouvoir de négociation des organismes règlementaires en cas de crise.
Encore une fois, l'exemple récent des perturbations chez Sandoz, seul fabricant de nombreux médicaments, a fait réaliser à l'ensemble des acteurs de notre système de santé la vulnérabilité qu'occasionne la dépendance à un fournisseur unique.
Une rupture de médicaments essentiels occasionne des problématiques majeures sur les plans médical, éthique et humain. La rupture touchant le CaelyxMD, un médicament destiné à traiter le cancer des ovaires, a fourni un dramatique exemple récemment. Aux prises avec une pénurie, certains établissements québécois ont dû accorder la priorité aux patientes qui avaient déjà commencé leur traitement, retardant du même coup la prise de la première dose pour d'autres patientes. Nous croyons qu'aucun patient ne devrait suspendre ou retarder un traitement aussi crucial.
En assurant des inventaires minimaux pour les médicaments essentiels, nous sommes persuadés que Santé Canada augmenterait la capacité d'adaptation du réseau et limiterait ainsi les risques de rupture de stock.
Il y a urgence à agir. De telles mesures ont déjà été adoptées dans d'autres pays et doivent être déployées le plus rapidement possible.
En attendant, nous souhaitons que Santé Canada continue d'adapter le programme d'accès spécial, cette fois-ci, à la nouvelle réalité des ruptures d'approvisionnement. Il nous apparaît inconcevable qu'à l'heure actuelle, ce programme, qui représente la principale planche de salut pour les hôpitaux en matière d'accès aux inventaires internationaux, ne puisse pas faciliter davantage la lutte contre les ruptures. Ce programme devrait également être disponible pour les patients des pharmacies communautaires.
Nos trois recommandations représentent un changement de paradigme important qui situe la question de l'approvisionnement dans une perspective de santé publique nationale et qui, surtout, propose une approche proactive et collaborative en remplacement du mode réactif qui caractérise les interventions à tous les niveaux à l'heure actuelle.
Notre démarche vise donc à prévenir et à agir plutôt qu'à subir des situations qui sont malheureusement appelées à se répéter. Rappelons que les mesures que nous proposons ne visent qu'un objectif: la protection de la santé de tous les Canadiens et Canadiennes.
Merci de votre attention.
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Madame la présidente, honorables députés, mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je m'appelle Myrella Roy et je suis la directrice générale de la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux. Avant d'accepter ce poste, j'ai travaillé 17 ans à l'Hôpital d'Ottawa à titre de pharmacienne d'hôpital et de gestionnaire clinique.
Notre société sert de porte-parole national aux pharmaciens d'hôpitaux du pays. Nous sommes un organisme sans but lucratif et à adhésion libre qui représente des pharmaciens déterminés à soigner les malades en favorisant une médication sécuritaire et efficace au sein des hôpitaux et des autres établissements de santé conjoints.
J'aimerais aujourd'hui vous dire ce que nos 3 000 membres d'un bout à l'autre du pays pensent du rôle que le gouvernement et l'industrie devraient jouer dans la gestion de l'approvisionnement en médicaments au Canada. J'aimerais également proposer des mesures concrètes aux gouvernements fédéral et provinciaux qui contribueraient à résoudre la crise actuelle, selon nos membres. Nous proposons entre autres de mettre en place un système national fiable de gestion de l'approvisionnement en médicaments qui permettrait de prévoir les pénuries et d'en atténuer les répercussions, ainsi qu'une chaîne d'approvisionnement en médicaments robuste pour éviter les pénuries à l'avenir. De plus, le gouvernement fédéral doit jouer un rôle important dans l'élaboration de solutions globales à ce problème lui aussi global à bien des égards.
Avant de vous expliquer les solutions que nous proposons, j'aimerais brièvement vous parler des pharmaciens qui travaillent dans les hôpitaux et dans les autres établissements de santé conjoints. Ces renseignements devraient vous aider à comprendre notre point de vue.
Les pharmaciens d'hôpitaux ne se contentent pas de distribuer des médicaments. Ils travaillent étroitement avec les médecins, les infirmières et les autres professionnels de la santé pour atteindre les objectifs de santé de chaque patient tout en veillant à la sécurité et à l'efficacité du système de médication. Ils aident à choisir la médication qui convient à chaque patient, à ajuster la dose, à reconnaître et à gérer les effets secondaires des médicaments et les interactions médicamenteuses, et à montrer aux patients comment prendre leurs médicaments et les conserver. Les pharmaciens d'hôpitaux font partie intégrante des soins aux malades. Leur travail contribue à notre système public de soins de santé.
Lors d'une pénurie de médicaments, le travail des pharmaciens d'hôpitaux devient fort complexe, et les patients courent un plus grand risque. Une étude récente de l'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments menée aux États-Unis a établi un lien entre les pénuries de médicaments et les incidents relatifs à la médication pouvant compromettre la sécurité des patients. Le fait de devoir utiliser des médicaments de rechange, ou encore des concentrations, formes pharmaceutiques ou dosages différents du même médicament peut augmenter le niveau de complexité et les possibilités d'erreurs lors de la prescription, la préparation, l'administration et la surveillance des médicaments. Qui plus est, les solutions de rechange sont souvent moins efficaces et plus nocives, et elles coûtent plus cher aux patients et aux hôpitaux.
De plus, les possibilités d'erreurs sont immenses lorsque les pharmaciens d'hôpitaux et les techniciens en pharmacie mettent au point eux-mêmes des médicaments à partir de matières premières sans avoir les connaissances techniques, les installations, l'équipement, le personnel et les ressources nécessaires. Nos membres comprennent ces risques et doivent en tenir compte au quotidien. La sécurité des patients demeure une valeur fondamentale de notre organisation, et nous sommes déterminés à proposer et à mettre en oeuvre des solutions concrètes afin de pallier aux pénuries d'aujourd'hui et de demain.
Permettez-moi maintenant de vous expliquer nos solutions. Comme vous le savez, nous connaissons des pénuries de médicaments depuis environ 10 ans, et le problème ne fait qu'empirer. Les expériences du passé nous ont appris que les Canadiens ont besoin d'un système national de gestion de l'approvisionnement en médicaments. Lorsque nous sommes touchés sans préavis raisonnable par une pénurie de médicaments sévère, comme c'est le cas actuellement, les pharmaciens doivent soudainement consacrer un temps considérable à dresser des plans d'action en collaboration avec les autres professionnels de la santé, à déployer des stratégies d'atténuation temporaires et à trouver des solutions de rechange qui conviennent à leurs patients. Un système national unique de gestion de l'approvisionnement en médicaments permettrait de fixer un délai minimal de préavis en cas de pénurie de médicaments imminente et d'abandon d'un médicament par les fabricants. Mais en l'absence d'un tel système, les professionnels de la santé doivent faire des pieds et des mains pour évaluer et mettre en place des stratégies d'atténuation, ce qui entraîne une répétition tout à fait inutile des activités.
La Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux encourage déjà activement ce type de collaboration nationale et d'échange de renseignements. Afin d'éliminer une partie de cette redondance, nous mettons à la disposition de nos membres un groupe de discussion en ligne sur les pénuries de médicaments.
Depuis le printemps 2011, la société collabore étroitement avec d'autres organisations nationales de professionnels de la santé ainsi que des associations de fabricants de médicaments à la conception d'un système national de gestion de l'approvisionnement en médicaments. Nous tenons à remercier l'Association canadienne du médicament générique et les laboratoires pharmaceutiques canadiens axés sur la recherche de leur généreuse contribution financière à la mise au point d'un tel système.
Or, le manque de ressources financières menace la survie du système. Nous croyons que Santé Canada devrait participer activement à la conception d'un modèle de financement durable en collaboration avec les ministères de la Santé des provinces et des territoires. Les professionnels de la santé du nord au sud et d'est en ouest pourraient ainsi gérer plus efficacement les pénuries de médicaments et garantir la qualité des soins aux patients d'un bout à l'autre du Canada. Puisque Santé Canada a la responsabilité d'aider les Canadiens à préserver et à améliorer leur santé, ce rôle fait partie de son mandat et de sa mission.
Comme je viens de le dire clairement, toute pénurie de médicaments menace la sécurité des Canadiens et pourrait avoir des répercussions sur leur santé.
Les deux prochaines solutions que nous vous proposons sont intimement liées et mettent en lumière un rôle important de Santé Canada. Afin de sélectionner des médicaments de rechange et de s'en procurer, les pharmaciens consultent la Base de données sur les produits pharmaceutiques de Santé Canada et peuvent même demander des médicaments dont la vente n'est pas autorisée ici au moyen du Programme d'accès spécial de Santé Canada. Malheureusement, ces bases de données ne sont pas mises à jour et répertorient des fabricants qui ne sont plus en activité au pays de même que des médicaments qui ne sont plus commercialisés ici.
De plus, la pénurie actuelle de médicaments a mis en évidence les faiblesses intrinsèques du Programme d'accès spécial et son criant besoin de modernisation, indépendamment de la pénurie. Le fastidieux processus de demande retarde inutilement la livraison des médicaments et donne un surcroît de travail aux pharmaciens et aux médecins. Il est urgent de mettre à jour la Base de données sur les produits pharmaceutiques et le Programme d'accès spécial pour aider les professionnels de la santé à faire face aux pénuries de médicaments d'aujourd'hui et de demain.
Pour terminer, la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux aimerait que Santé Canada prenne les choses en main et assure la continuité de l'approvisionnement international en médicaments. Le Canada n'est pas le seul pays touché par des pénuries de médicaments; c'est aussi le lot de bien d'autres nations. Les nombreuses fusions d'entreprises des 15 à 20 dernières années ont donné lieu à un marché principalement multinational dans la fabrication de médicaments. Il arrive souvent que la production d'un médicament dépende d'ingrédients fournis par d'autres pays, ou que les différentes étapes de fabrication soient réalisées partout dans le monde.
La Fédération internationale pharmaceutique représente 130 organisations des quatre coins du monde et plus de 3 millions de pharmaciens. Lors de son dernier congrès de l'automne dernier en Inde, son conseil s'est réuni pour discuter du problème naissant des pénuries de médicaments. Il a ensuite demandé à toutes les parties intéressées, y compris aux gouvernements, aux fabricants de produits pharmaceutiques, aux grossistes des pharmacies, aux organismes d'achat de produits pharmaceutiques, aux régimes d'assurance-médicaments, aux organismes de réglementation pharmaceutique et aux pharmaciens, d'évaluer ces enjeux de toute urgence et de prendre les mesures nécessaires afin d'éviter les ruptures d'approvisionnement et de veiller à ce que les patients puissent recevoir un traitement approprié et continu.
Nous encourageons Santé Canada à engager un dialogue avec les organismes de réglementation des États-Unis, de l'Europe et d'autres pays afin d'en apprendre davantage collectivement sur les pénuries de médicaments et de contribuer aux solutions nationales et internationales. Le problème de pénuries de médicaments touche le monde entier. Par conséquent, la responsabilité de trouver et de mettre en place des solutions et des stratégies d'atténuation mondiales incombe à Santé Canada et aux organismes de réglementation en matière de soins de santé des autres pays, en collaboration avec les multinationales de fabrication de médicaments.
La Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux continue de proposer des solutions novatrices à la crise actuelle. Nous demeurons déterminés à assurer la sécurité de nos patients et à collaborer avec toutes les parties intéressées du système canadien de soins de santé afin de trouver et de mettre en oeuvre des solutions aux problèmes d'aujourd'hui et de demain.
Je vous remercie infiniment de nous avoir donné l'occasion de vous présenter nos inquiétudes et nos solutions. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
[Français]
Je vous invite à poser vos questions dans la langue officielle de votre choix.
Merci.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Tout d'abord, je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui. J'ai trouvé vos exposés excellents. Je remercie particulièrement le Dr Chisholm, qui se trouve en Argentine. J'ignore si nous sommes sur le même fuseau horaire, mais étant donné que vous assistez à un congrès, je suis ravie que vous ayez pris le temps de participer à ces audiences d'une grande importance.
Pour commencer, j'ai été surprise de constater à quel point vos propos sont tous similaires au sujet des problèmes graves et urgents associés aux pénuries de médicaments, mais aussi au sujet des mesures à prendre pour y remédier.
Nous avons déjà tenu une séance à ce sujet, au cours de laquelle nous avons entendu le témoignage de représentants de l'industrie. Je dois dire que les membres conservateurs s'en sont ouvertement pris à Sandoz, ce qui était légitime. Or, nous constatons un gros problème de responsabilité gouvernementale, ou plutôt d'absence de responsabilité; je crois que vous avez tous mis le doigt sur cet enjeu.
Bien franchement, je suis plutôt scandalisée d'apprendre aujourd'hui que la Société canadienne des anesthésiologistes a envoyé une lettre au ministre en janvier 2011 pour l'avertir à l'avance des pénuries. Nous savons que le Bureau de la concurrence du Canada a lui aussi envoyé des mises en garde au gouvernement en 2008. Il est donc plutôt scandaleux que rien n'ait été fait. Même si l'industrie a ses torts, j'espère que nous pourrons aujourd'hui cibler les mesures que le gouvernement doit prendre afin de régler le problème.
Docteur Chisholm, vous avez dit dans votre exposé que nous devons arriver à prévoir, à détecter et à gérer les ruptures d'approvisionnement. Vous savez peut-être que la Chambre des communes a adopté à l'unanimité une motion dont le libellé était très similaire.
Ce qu'a dit l'Association médicale canadienne était tout à fait semblable: « nous devons disposer d'un système de suivi et de notification rapide ».
Je trouve des plus intéressantes les propositions de la Coalition pour de meilleurs médicaments ayant trait à notre besoin de cadre réglementaire.
Voici ma question. Nous savons que les États-Unis se penchent sur la question. Nous savons aussi que la Nouvelle-Zélande exige que les fabricants de médicaments fournissent plus d'information sur les solutions de rechange possibles. Puisque la Chambre a adopté cette motion, quelles mesures particulières Santé Canada et le gouvernement devraient-ils prendre? Combien de temps ont-ils pour agir? Il nous serait très utile de connaître les éléments prioritaires et de savoir ce qui devrait être fait en premier, en deuxième, et ainsi de suite.
Docteur Chisholm, vous avez dit qu'une résolution a été adoptée à l'unanimité au congrès mondial auquel vous assistez en Argentine. À votre retour au pays, pourriez-vous nous la faire parvenir, de même que tout ce qui a été divulgué au congrès puisque vous aurez évidemment assisté à bien des discussions? Je vous serais reconnaissante de nous envoyer ces renseignements.
J'aimerais que les témoins répondent à ma question sur les priorités immédiates et à plus long terme, puis qu'ils nous parlent de l'échéancier de réalisation de ces activités.
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Je vais tenter de répondre. Merci.
Je crois que deux choses doivent se produire simultanément. D'une part, il faut pallier la pénurie actuelle. Je n'ai aucune idée de ce qui se passe au sein de la chaîne d'approvisionnement, et je ne connais rien à la commercialisation des médicaments. Mais du point de vue du patient, les médicaments ont disparu du jour au lendemain.
Il faut commencer par stabiliser la situation, c'est-à-dire par stabiliser l'état des patients et trouver de nouveaux médicaments. Par exemple, l'usine de Boucherville n'est pas la seule au monde à produire des préparations injectables. Parallèlement, vous devez régler le problème. Mes collègues des deux côtés de la table ont proposé des solutions et ont formulé d'excellentes suggestions.
J'espère que le comité a entendu des témoignages de l'industrie pharmaceutique, car c'est leur problème. Pourquoi les médicaments ont-ils disparu? Il s'agit d'une question complexe de mise en marché. En tant que chirurgien, mon rôle est d'expliquer au patient ce que je veux faire en vertu du principe de consentement éclairé. Par exemple, je dois lui expliquer le fonctionnement de son tube digestif de façon à ce qu'il comprenne. C'est mon travail.
Je propose que nous obtenions ce genre d'information et que nous l'utilisions à l'avenir afin d'éviter que la situation ne se reproduise. J'ignore ce qui m'échappe au sujet des fabricants de médicaments. Le Dr Chisholm et moi travaillons chacun de notre côté du rideau auprès des patients, et tout ce que je sais, c'est qu'à moins que les pénuries actuelles ne se résorbent, lui et moi ne pouvons pas faire notre travail conformément aux attentes des Canadiens sans ces médicaments.
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Si je puis répondre, le groupe de travail qui a envoyé la lettre...
Vous avez raison. Nous nous sommes laisser surprendre. Ce qui s'est passé, c'est que nous avons participé au groupe pour exprimer le point de vue des fournisseurs de soins de santé et des patients, qui, à dire vrai, n'y étaient pas représentés.
Nous n'avons pas de préférence, que vous résoudiez le problème en légiférant, en optant pour un mécanisme volontaire ou en faisant jouer les leviers économiques. Je m'en soucie comme d'une guigne, presque pas du tout, tant qu'on assure la sécurité de l'approvisionnement en médicaments.
Pour ce qui est de vous dire ce que je sais sur la pénurie de médicaments, à dire vrai, nous comptons sur les compagnies pharmaceutiques pour nous informer. Comme le dirait mon ado, ce n'est pas génial. Le système ne fonctionne vraiment pas. Les listes d'approvisionnement sont incomplètes, et certains médicaments qui sont en rupture de stock depuis deux ou trois ans ne sont toujours pas sur des listes qui sont supposées être à jour.
Il s'agit d'un système de consultation, ce qui, dans mon jargon, signifie qu'il faut s'astreindre chaque jour à parcourir la liste de médicaments, qui ne comprend souvent aucun produit substitutif. C'est tout simplement un système rudimentaire, et à dire vrai, les fabricants de médicaments génériques ou de marque ne nous disent pas exactement quelles sont les pénuries qui sévissent et combien de temps elles dureront.
Comme les patients, nous sommes dans l'ignorance totale.
Oui, nous avons tenté d'expliquer la situation aux patients, mais en tant qu'intermédiaire, nous nous trouvons entre l'arbre et l'écorce. Voilà ce que je pourrais vous répondre.
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Dans ce dossier, on ne cherche pas de coupables, mais on cherche des solutions. C'est un mécanisme complexe qui est partagé, à l'échelle du Canada, entre des responsabilités fédérales et provinciales.
Nous avons beaucoup de liens avec les pays européens. Un peu comme le disait ma collègue de l'Association des pharmaciens des établissements de santé, il s'agit d'un enjeu mondial. Je suis allée au même congrès de la Fédération internationale pharmaceutique, et je suis en mesure de le constater. Donc, on n'a pas à se sentir plus coupable ou moins coupable, mais on doit se demander ce qu'on doit faire pour que les Canadiens aient accès à leurs médicaments correctement.
Donc, il y a des volets différents. Le gouvernement fédéral a la responsabilité de l'homologation. Par exemple, nous avons rencontré les dirigeants de Sandoz. Cette compagnie a 37 usines ailleurs dans le monde, mais très peu d'entre elles peuvent produire des médicaments injectables. Alors, elle était vraiment très limitée à une ou deux industries proches qui pouvaient compenser cette lacune ici.
Le seul organisme qui pouvait donner ces recommandations quant à l'homologation accélérée pour l'importation de médicaments d'autres compagnies pharmaceutiques ailleurs dans le monde, c'est Santé Canada.
Cela étant dit, il y a des responsabilités à l'échelle provinciale. D'ailleurs, nous en avons toute une liste dans notre rapport que nous allons présenter dans deux semaines; il y a des réaménagements. Cependant, puisque nous sommes ici aujourd'hui, auprès de vous, et que vous avez l'ouverture pour nous accueillir, nous avons orienté nos objectifs et nos demandes autour de ce qui concernait le gouvernement fédéral.
Dans les autres pays, il y a des demandes plus précises, et c'est là le deuxième point: l'industrie doit vraiment avertir lorsqu'elle a des avis de non-conformité et lorsqu'elle prévoit mettre fin, parfois volontairement, à la production de certains médicaments. C'est son choix. On ne pourra pas contraindre l'industrie à ne pas le faire. Cela doit être une mesure très exceptionnelle, mais quand elle décide de cesser la production, on doit la laisser faire et on doit effectivement trouver sur la planète d'autres industries pharmaceutiques prêtes à produire ces médicaments. C'est cette information qui manque actuellement.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je tiens à remercier tous les témoins de comparaître aujourd'hui afin de nous faire part de leurs opinions sur cette question très importante. Je veux que vous sachiez également que bien souvent, nous partageons votre frustration à l'égard du fonctionnement du système de soins de santé canadien. Vous avez indiqué, je crois, qu'à l'échelle internationale, la Nouvelle-Zélande a implanté un système national permettant d'entrer un grand nombre de données.
Pour ce qui est de la compartimentation, toutefois, je crois que c'est une question de partage des responsabilités. Le fait est que la prestation de soins de santé au Canada relève des compétences provinciales. Ce sont les provinces qui sont responsables de ces services.
Je crois qu'il importe d'indiquer au compte rendu la solution — proposée, je crois, par Mme Attara — qui consiste à conjuguer les efforts. Santé Canada a effectivement un rôle à jouer. Nous nous assurons de la sécurité et de l'efficacité des médicaments sur le marché en les soumettant à des tests.
Sachez qu'actuellement, nous avons reçu des propositions d'autres entreprises, dont 17 nous sont parvenues récemment, et que nous en avons approuvé sept. Nous avons reçu dernièrement 61 demandes dans le cadre du programme d'accès spécial, dont nous avons approuvé 39 au cours des dernières semaines.
Que les médicaments viennent du Royaume-Uni ou des États-Unis, notre rôle consiste à les approuver en nous assurant qu'ils sont sécuritaires et qu'ils ont été fabriqués dans des installations aux pratiques conformes. Nous autorisons ensuite les provinces à les acheter.
C'est un des aspects qui nous irritent, et je voudrais vous poser la question suivante. Si vous étiez ministre de la Santé ou si vous faisiez partie d'un groupe d'acheteurs, feriez-vous appel, tout d'abord, à un fournisseur unique pour acquérir un médicament jugé nécessaire ou essentiel? Procéderiez-vous ainsi?
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins ici présents. Vos interventions sont rassurantes, en quelque sorte, mais elles demandent aussi que le gouvernement intervienne.
J'étais plutôt perplexe et inquiète d'entendre Dre Leitch dire que le gouvernement fédéral n'avait aucune responsabilité à l'égard de ce dossier alors que vous vous entendez tous pour dire que c'est une question de santé publique. Ce matin à Radio-Canada, l'Association médicale du Québec et la Fédération des médecins spécialistes du Québec ont dit que le fédéral devait intervenir. Vous abondez tous dans le même sens.
Comme on l'a dit ici, la réglementation sur l'innocuité, l'efficacité et la qualité des médicaments est de compétence fédérale. Il faut approuver les fournisseurs, ce qui est aussi de compétence fédérale. On dit que des médicaments sont fabriqués à l'étranger et qu'il y a un problème de pénurie. Je crois que c'est vous, madame Lamarre, qui avez dit que depuis 2006, les pénuries avaient quadruplé. C'est grave: il faut intervenir. Les patients sont au milieu de tout ça.
J'aimerais savoir si, d'après vous, une clause de sécurité devrait être incluse dans les contrats d'approvisionnement avec les fournisseurs de façon à assurer qu'il y aura toujours des solutions de remplacement. Ça fait écho à ce que proposait mardi dernier l'Association canadienne du cancer dans le cadre de ce comité. Mme Attara a parlé d'un guide pancanadien pour les patients et les médecins, notamment. Ça permettrait d'obtenir ces renseignements de façon uniforme et de réagir à ces problèmes.
J'aimerais d'abord entendre Mme Lamarre, puis Mme Attara.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins qui se sont déplacés aujourd'hui pour nous éclairer davantage sur cette crise. Comme je le dis, contrairement à certains collègues de l'autre côté, je sais qu'il y a un grand éléphant rose dans le salon. Je ne cherche pas qui l'a fait entrer, pour le moment. Toutefois, en ce moment, je cherche à trouver une solution à ce problème urgent.
On peut appeler ça une crise, actuellement, puisque c'est un phénomène qui dure depuis une décennie. Toutefois, ça empire, depuis quelques années. Je regrette que le gouvernement ne fasse pas preuve de leadership, qu'il n'ait pas une attitude proactive pour essayer d'amoindrir la crise que nous vivons aujourd'hui.
J'avais déjà posé la question à certains témoins qui se sont présentés pendant nos journées de témoignages.
Pensez-vous que le Canada devrait opter pour un système de surveillance et un système de déclaration obligatoire — et non volontaire —, comme cela se fait chez nos voisins, aux États-Unis, et en Nouvelle-Zélande?
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Nous sommes convaincus qu'il faut que le système soit obligatoire, parce qu'il y a une question de capacité de réagir à ces pénuries et il y a un temps de réaction nécessaire. Actuellement, on le voit. Des constats sont faits. Le cas de Sandoz, dans le fond, expose tous les problèmes, toutes les causes et toutes les conséquences. C'est une situation malheureuse, mais elle nous permet quand même de réagir.
Ces éléments doivent être vus. Il faut un système obligatoire, parce que chaque minute compte. Sandoz a reçu l'avis en novembre et on a eu l'avertissement en février. Je ne veux pas cibler Sandoz spécifiquement, mais je veux qu'on le voie comme un cas, de la même façon que des professionnels de la santé utilisent des cas de malades.
Il y avait une période de trois mois pendant laquelle on aurait pu agir. L'absence d'obligation nous a rendus plus vulnérables et a fait en sorte que nous avons été à la remorque des autres. Les compagnies, même quand on leur donne le feu vert pour produire, prennent des mois à réagir et à ajuster leur production. C'est très important.
Je constate aussi que, du côté des États-Unis, la FDA a réussi non pas à faire disparaître toutes les pénuries, mais à les réduire de façon substantielle. On se rend compte qu'en 2010, 38 pénuries sur 178 ont été évitées. En 2011, on a évité 195 pénuries sur 250. C'est quand même significatif. En 2012, au cours du mois écoulé entre le 1er janvier et le 9 février, il y en a eu 18. Ce n'est pas banal.
Il faut prendre ces moyens. On a la responsabilité sociétale envers les citoyens du Canada de prendre toutes les mesures nécessaires. Il y en aura à différents niveaux. Certainement, il y a le rôle de vigie et l'obligation de rapporter les problèmes dès qu'on les appréhende.
Parfois, des choix sont faits par certaines compagnies. On peut les respecter, mais ces choix doivent être annoncés rapidement. Lorsque ce sont des situations imposées par des rehaussements de production — comme dans le cas de Sandoz —, on doit être avertis, et le fabricant doit avoir l'obligation de donner l'alerte rapidement.
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Merci, madame la présidente.
Tout d'abord, j'aimerais remercier particulièrement ma collègue Anne Minh-Thu Quach qui a été la première députée du Parlement à aborder à la Chambre des Communes la question de la pénurie de médicaments chez Sandoz. Je suis donc fier d'oeuvrer au sein d'un parti pour qui la question de la pénurie de médicaments est importante et qui exerce du leadership.
Par la suite, Mme Quach a posé une question au , M. Carrie, à laquelle celui-ci a répondu qu'il allait veiller à ce que les renseignements appropriés soient fournis aux bonnes personnes au moment opportun et que cela permettrait aux médecins, aux pharmaciens et aux patients d'être informés de ce qui se passait suffisamment à l'avance pour adapter les traitements au besoin. C'est ce qu'il a dit. Si je me fie à sa réponse, je suis enclin à penser que le gouvernement fait preuve de leadership quoique, malheureusement, tous vos témoignages indiquent que le gouvernement conservateur fédéral fait preuve d'un manque de leadership dans ce dossier.
Ensuite, madame Lamarre, j'ai trouvé très intéressant le fait que vous avez mentionné qu'entre 2006 et 2010, les pénuries ont quadruplé. Vous avez même qualifié la dernière pénurie de générale. C'est très inquiétant.
Pour revenir à ce que soulignait ma collègue Libby Davies, en 2008, le ministre de l'Industrie Tony Clement a été informé par le rapport du Bureau de la concurrence du Canada. En 2011, la Société canadienne des anesthésiologistes avait également contacté la , Mme Aglukkaq, qui est en poste depuis quatre ans. Malheureusement, il ne sert à rien de s'adresser au Cabinet ou même à celui de Mme Aglukkaq. Je suis d'accord avec vous, j'y vois un manque de leadership au sein du gouvernement, ce que je trouve très déplorable.
De plus, comme l'a mentionné le Dr Haggie, le gouvernement actuel aime pointer du doigt les provinces. La députée conservatrice Mme Leitch nous a répété son opinion aujourd'hui. Elle a blâmé les professionnels de la santé qui ne suivent pas le dossier, ou les provinces, en disant que c'était leur problème.
Au bout du compte, à mon avis — j'aimerais, docteur Haggie, que vous commentiez mon opinion —, le manque de leadership du gouvernement fédéral l'amène à pelleter le problème dans la cour des provinces. On sait déjà qu'il y a une pénurie de médecins dans les provinces, du moins au Québec, et vu la rareté des médicaments, certains traitements et opérations chirurgicales sont retardés. Les listes d'attente provinciales pour voir un médecin et se faire traiter pour diverses conditions vont donc augmenter. Cela va alors être le problème des provinces et non du gouvernement du Canada. Je trouve ce manque de leadership très déplorable. J'aimerais donc entendre vos commentaires, docteur Haggie, sur ce que je viens de dire.
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Les patients ne saisissent pas les subtilités des conflits que suscite la question des compétences. Ils ne comprennent pas vraiment comment les médicaments leur parviennent. Bien honnêtement, je l'ignorais aussi il y a quelques semaines. Je ne suis pas certain d'être plus avisé aujourd'hui. Ce que tout cet exercice a mis en lumière, c'est qu'il n'y a pas d'approche uniforme à l'égard des soins de santé. Il n'y a pas d'approche uniforme à l'égard des produits pharmaceutiques.
Vous pourriez presque faire valoir que les produits pharmaceutiques définissent aujourd'hui la gestion médicale. Lorsque j'ai reçu ma formation, nous corrigions les problèmes par des chirurgies. Les maladies que je traitais avec un bistouri, lorsque j'étais résident, se traitent maintenant avec des médicaments, et c'est tant mieux pour la vaste majorité des patients. Les médicaments ne sont plus un de ces autres moyens qui existent et qui sont facultatifs.
Je me remets à la place des patients pour dire que le débat constitutionnel, les discussions sur le financement entre les régies de la santé, les provinces et le groupe national ne les ont pas éclairés. Tout ce débat ne les rassure pas. Ils ne sentent pas que les choses évoluent dans la bonne direction. Le fait de montrer du doigt et de blâmer...
Vous devez tirer des leçons des études de cas, et votre position dépend du côté où vous êtes assis, pour dire franchement.
Comme Rick Hillier, un autre Terre-Neuvien, l'a dit, il faut toujours tirer profit d'une crise. La seule bonne chose qui peut ressortir de cette situation, c'est qu'on peut faire beaucoup mieux la prochaine fois et on ne se retrouvera plus dans ce pétrin. S'il faut que les représentants du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires s'assoient ensemble et se parlent, est-ce là une si mauvaise chose?
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Dans notre analyse des pénuries — puisqu'on a travaillé depuis déjà un an —, on a constaté qu'il y a plus de 43 p. 100 des pénuries qui sont associées à la qualité de la fabrication. Donc, il s'agit de produits qui ne répondent pas aux normes de Santé Canada ou de la FDA. Il y a donc une responsabilité importante à tous les niveaux.
En fait, la crise que l'on traverse actuellement nous amène à considérer un nouveau contexte, un contexte où on ne peut pas blâmer les gens avant. Quand il y a eu des pénuries au début des années 2000, elles étaient de courte durée, en général. Maintenant, elles se prolongent. On les annonce pour trois mois, six mois. C'est une nouvelle réalité.
Les lois évoluent pour répondre à de nouveaux besoins des patients et de la population, et pour répondre à de nouveaux problèmes. Nous faisons face à un nouveau problème. Il y a 30 ans, c'était inconcevable d'avoir une législation pour la contrefaçon des médicaments et l'accès par Internet. Or on y arrivera, on y arrive un peu partout dans le monde.
La pénurie des médicaments s'inscrit dans la même catégorie de problèmes. Ce sont des problèmes mondiaux dont on n'a pas vu nécessairement les conséquences, qui sont reliées, entre autres, à la mondialisation, à la concentration des fabricants un peu partout dans le monde, autant pour les matières premières que pour les fabricants et, ensuite, pour les modes de distribution. Alors, c'est à tous ces niveaux qu'il faut travailler.
Toutefois, c'est certain qu'on a actuellement des besoins qui n'ont pas été satisfaits. On se fiait seulement à la bonne foi des organisations, qui n'ont pas nécessairement été de mauvaise foi; elles ont tout simplement été prises dans un contexte historique voulant qu'on agisse d'une certaine façon. On doit maintenant constater qu'il faut travailler différemment. Pour qu'on incite ces organisations à travailler différemment, il faut passer par la voie législative, car on est dans un contexte où les gens protègent, ou pourraient protéger éventuellement, certains marchés.