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Madame la présidente, chers membres du comité, je vous remercie de m'avoir invitée.
Lors de ma présentation, je vais vous inviter à considérer trois questions. Tout d'abord, qu'est-ce qu'une bonne innovation en santé? Ensuite, où s'en va la politique canadienne d'innovation en santé? Finalement, peut-on faire en sorte qu'une expertise de système de santé influence les entreprises innovantes?
Au fil de ma présentation, je vais vous présenter trois messages et tenter d'expliciter une recommandation pour le gouvernement fédéral, soit la mise sur pied d'une instance intersectorielle de développement de l'innovation en santé qui serait expressément pilotée par le portefeuille de la Santé.
Abordons la première question. Qu'est-ce qu'une bonne innovation en santé?
J'imagine que les membres du comité savent déjà, de ce qu'ils ont appris au fil des témoignages, que les défis actuels en matière de financement et de prestation des soins de santé sont majeurs.
Parmi les différentes visions dominantes qui concernent les technologies, vous avez probablement entendu dire que les technologies sont le résultat bénéfique mais imprévisible, voire ingérable, de la mise en marché des avancées scientifiques. Vous avez peut-être aussi entendu dire que les meilleures technologies sont nécessairement plus chères. Je crois qu'il y a une nouvelle position à adopter, soit celle de veiller à l'avenir des systèmes de soins, mais en concevant autrement l'innovation. Cela veut dire qu'il faut miser notamment sur le design. Je vais illustrer cela avec un exemple.
La dialyse existe depuis les années 1960 et a été perfectionnée au fil du temps. Aujourd'hui, la dialyse hospitalière utilise des équipements spécialisés. Il y a des alarmes, des données sont recueillies en temps réel et elles sont informatisées. Toutefois, lorsqu'on demande aux patients ce qui compte vraiment pour eux, ils répondent que c'est le temps du traitement. Ils sont branchés sur la machine trois jours par semaine, à raison de trois à quatre heures chaque fois.
On peut donc s'interroger sur le fait que, bien que cela existe depuis les années 1960, c'est seulement depuis peu que des appareils permettent de faire la dialyse à domicile, pendant la nuit. D'ailleurs, seule une poignée de manufacturiers les développent. Ces appareils permettent aux patients, entre autres, d'avoir une dialyse plus régulière et plus douce, d'avoir un régime alimentaire moins contraignant, mais surtout de maintenir un lien d'emploi. C'est crucial du point de vue de la santé publique.
Le design, ce n'est pas seulement capitaliser sur les avancées technologiques; c'est surtout bien répondre aux besoins des utilisateurs.
Pour ma part, il est clair que le défi actuel sur le plan des politiques n'est ni d'accroître ni de freiner l'adoption d'innovations. La vraie question, c'est de déterminer comment faire en sorte que de meilleures innovations voient le jour et comment nos politiques de soutien à l'innovation peuvent conduire à des innovations brillantes tout en évitant les échecs.
De fait, environ 50 % des projets innovants échouent en cours de route, et ce, très souvent parce que ceux qui les conçoivent, en amont, ne comprennent pas très bien ce dont ont besoin ceux qui, en aval, donnent des soins.
Le premier message est que, du point de vue d'un système de soins, les technologies devraient avoir explicitement au moins les trois caractéristiques suivantes. Il faut d'abord qu'elles présentent un intérêt relativement à leur contexte d'usage. Ensuite, elles doivent être conviviales sur le plan organisationnel, c'est-à-dire qu'elles soient faciles à utiliser dans des infrastructures plus légères. Finalement, elles devraient être pérennes, c'est-à-dire ne pas nécessiter de mises à jour trop fréquentes.
Dans les grandes lignes, cela nous permettrait de réduire notre dépendance envers les services spécialisés qui se retrouvent uniquement dans les centres urbains, d'outiller les médecins de première ligne pour qu'ils prennent en charge adéquatement la population de leur territoire et d'agir sur les déterminants sociaux de la santé.
Abordons maintenant la deuxième question. Où s'en va notre politique canadienne d'innovation?
Le rapport Jenkins déposé en 2011 s'est penché sur une soixantaine de programmes fédéraux de soutien à la recherche en milieu industriel. Il faut souligner qu'une grande part de nos dépenses, soit de 70 à 80 % de celles-ci, se fait sous forme de crédits d'impôt aux entreprises.
La figure illustrée à droite donne une idée de la surreprésentation des grandes entreprises dans ce programme, compte tenu du fait que 90 % du tissu industriel canadien est fait de petites et moyennes entreprises.
Enfin, l'enveloppe de 6,4 milliards de dollars est à peu près l'équivalent de celle destinée à l'ensemble de la R-D en santé au Canada. Lorsqu'on examine plus finement, d'un côté, les principales sources de financement, mais également les principaux lieux d'exécution de la R-D, l'importance du secteur public est frappante. La catégorie de l'éducation supérieure en santé inclut les centres de recherche universitaire.
Compte tenu de l'enveloppe destinée à la R-D et le fait que le gouvernement, le secteur public dans son ensemble, finance mais aussi achète les innovations, le gouvernement fédéral a des leviers importants pour jouer un rôle structurant en matière d'innovation. C'est là le deuxième message.
Ce qu'il faut faire correctement, par contre, c'est distinguer au moins deux industries: celle des dispositifs médicaux et celle des biopharmaceutiques. Elles diffèrent sur le plan non seulement des répercussions économiques, mais surtout de la taille et de la structure. Les dispositifs médicaux sont majoritairement de petites et moyennes entreprises.
Une distinction de ce genre, qui est cruciale, n'a pas été prise en compte dans le rapport Jenkins. Selon ce dernier, le problème principal est qu'on réussit très mal en matière de commercialisation, au pays. Il propose comme solution que l'État fournisse de l'aide aux entreprises pour croître, mais également pour faire davantage de recherche-développement en collaboration avec des universités, qui pourraient ensuite créer des entreprises dérivées.
Or, ce type de modèle est fortement dépendant du capital de risque. La première difficulté à laquelle ces entreprises dérivées se heurtent se manifeste à l'étape du démarrage et à celle du développement, qui sont cruciales dans le parcours de développement de l'innovation. Dans nos études, nous observons que les investisseurs, et ultérieurement les actionnaires, exercent une pression énorme sur les entreprises dérivées pour qu'elles commercialisent les produits et génèrent des revenus, alors qu'elles ne sont pas toujours prêtes à le faire. Cela se fait au détriment des cliniciens et des patients, qui voient la valeur de la technologie augmenter.
Conséquemment, il arrive très souvent que les entreprises soient vendues. Selon les données du Conference Board du Canada, environ la moitié des sorties de capital de risque au pays sont imputables à des acquisitions étrangères. Autrement dit, des fonds publics sont investis dans la recherche-développement, nos hôpitaux universitaires travaillent à concevoir des innovations, mais en fin de compte, les revenus de la commercialisation nous échappent en grande partie.
Mon troisième message est que les entreprises devraient non seulement concevoir de meilleures innovations, mais sur le plan économique, elles devraient aussi contribuer à la création d'emplois, soit à la vitalité du tissu industriel canadien.
Abordons enfin la dernière question. Comment peut-on faire en sorte qu'une expertise en système de santé influence favorablement et précocement le démarrage d'entreprises?
Selon moi, une partie des difficultés auxquelles font face ceux qui conçoivent des technologies est associée à ce que j'appellerais le chaînon manquant — c'est indiqué par la flèche rouge sur la diapositive —, c'est-à-dire un meilleur arrimage entre deux modèles de création de valeurs: celui de l'entreprise et celui des systèmes de soins. Pour que cet arrimage se concrétise, on a besoin d'expertise.
Pour sa part, Développement économique Canada recherche en général surtout le succès commercial et financier à plus ou moins court terme. On tend à favoriser certains secteurs plutôt que l'innovation.
Du côté de la santé, on s'intéresse à la qualité des soins. On a accès à une expertise importante quant aux besoins et aux défis des systèmes de soins. C'est celle qui compte vraiment quand il s'agit de concevoir les innovations que j'ai qualifiées de brillantes ou d'ingénieuses.
Je reviens maintenant à ma recommandation consistant à mettre sur pied une instance intersectorielle de développement de l’innovation en santé qui serait pilotée par le portefeuille de la Santé. Selon moi, c'est une stratégie de planification et de conception de l'innovation qui ne peut pas être réalisée par l'industrie présentement. Par ailleurs, aucun des portefeuilles, qu'il s'agisse de Développement économique Canada ou du ministère de la Santé, ne peut réaliser cet objectif en solo.
Je vous remercie de votre attention.
Merci de m'avoir invité à donner mon point de vue sur les enjeux de l'innovation dans les soins de santé au Canada. Je vais tout d'abord me présenter pour situer le contexte de mon exposé, avant de soumettre trois messages précis à votre attention.
Je travaille dans le Réseau universitaire de santé, une entreprise de prestation de soins, d'enseignement et de recherche qui génère 1,7 milliard de dollars par année et qui a été mise sur pied en vertu de la loi en Ontario. Certains connaissent peut-être mieux les hôpitaux concernés que le réseau lui-même, l'hôpital Princess Margaret, l'hôpital général de Toronto, l'hôpital Toronto Western et, récemment, l'Institut de réadaptation de Toronto. Je souligne que cette entreprise gère un budget de recherche d'environ 300 millions de dollars, venant de bourses fondées sur l'examen par les pairs, de collaborations avec l'industrie et d'activités philanthropiques.
Je suis aussi professeur aux départements de radio-oncologie, de biophysique médicale et de génie biomédical de l'Université de Toronto. J'ai suivi une formation en physique à l'Université de l'Alberta, près d'où j'ai grandi. Je me suis spécialisé en biophysique médicale à l'Université Western Ontario. J'ai travaillé huit ans dans un grand hôpital axé sur la formation aux États-Unis.
Je gère maintenant les systèmes de radiothérapie pour plus de la moitié des patients atteints du cancer dans le Grand Toronto, dans le cadre de mon travail à l'hôpital Princess Margaret, au Centre régional de lutte contre le cancer Southlake et au Centre de lutte contre le cancer Carlo-Fidani de Mississauga.
J'ai dirigé un programme de recherche fondé sur les bourses et l'examen par les pairs et j'ai publié plus de 150 articles scientifiques sur les enjeux liés au traitement plus précis et plus efficace du cancer. Mon équipe publie des articles scientifiques, mais est aussi très active dans la commercialisation de technologies médicales. Je détiens un certain nombre de brevets sur de nouvelles technologies pour traiter le cancer, qui aident des centaines de milliers de patients partout dans le monde.
En tant qu'inventeur et innovateur dans les soins de santé, j'ai récemment dirigé la mise sur pied d'une nouvelle organisation de recherche dans le Réseau universitaire de santé. Mes prochains commentaires portent sur cette organisation.
L'Institut Techna vise à fournir au système de santé une compréhension profonde et concrète du problème de l'intégration des nouvelles technologies qui pourraient donner de meilleurs résultats et infléchir la courbe de coût des soins de santé. Le conseil d'administration du Réseau universitaire de santé a soutenu la fondation de l'institut en raison des progrès technologiques toujours plus rapides qui devraient améliorer le rendement et les pratiques du système de santé, en plus de réduire les coûts.
L'institut est officiellement ouvert depuis 18 mois et joue un rôle important concernant les nouvelles technologies, le savoir-faire approfondi sur la motivation, les pratiques et les processus dans les soins de santé, le modèle tout juste présenté, ainsi que l'activité commerciale.
Je vais maintenant soumettre trois messages assez simples. L'étude que vous menez est très importante. En 1943, Abraham Maslow a publié une théorie de la motivation humaine et une hiérarchie des besoins humains. Le premier tiers représente les besoins physiologiques. Nous constatons qu'une tendance globale se dessine afin de répondre à ces besoins. Le deuxième tiers, c'est la sécurité, à laquelle les soins et le maintien d'une bonne santé sont essentiels.
Tout le monde veut des soins de grande qualité. En fait, le marché mondial des soins de santé, qui représente un peu plus de 5,7 billions de dollars américains, devrait atteindre environ 20 billions d'ici 2030. En comparaison, l'industrie automobile mondiale ne devrait atteindre que 1,7 billions de dollars d'ici 2015. Les soins de santé sont en train de devenir un marché mondial gigantesque.
Les discussions sur l'innovation dans les soins de santé au Canada ne doivent pas se limiter à la productivité, aux coûts et à la qualité des soins que reçoivent les Canadiens. Il faut également parler des capacités du Canada de participer à un marché de haute technologie et de services qui connaît une des croissances les plus rapides au monde. Compte tenu de l'ampleur des investissements actuels dans les soins de santé au Canada, ce serait très dommage de rater l'occasion d'être un acteur concurrentiel dans cet énorme marché. Mon premier message, c'est que nous ne pourrons pas profiter des retombées globales de ce vaste marché si l'innovation est déficiente dans notre système de santé.
Par ailleurs, un aspect essentiel qui fait défaut au système de santé au Canada, c'est l'économie de l'innovation. Une économie résulte d'encouragements et de la mise en oeuvre de politiques appropriées. Bon nombre des plus grands penseurs du monde travaillent dans nos établissements de santé. Nos professeurs en médecine sont respectés partout dans le monde pour leur expertise et leur intégrité et parce qu'ils privilégient des pratiques fondées sur des données probantes. Il est permis de croire que notre recherche médicale, nos compétences en génie et notre infrastructure sont de classe mondiale. Nos approches axées sur les pratiques multidisciplinaires et le patient nous donnent l'occasion d'établir les meilleures pratiques à venir en médecine.
Compte tenu de nos antécédents, pourquoi ne pourrions-nous pas jouer un rôle de grande envergure en matière d'innovation dans les soins de santé et entrer avec confiance sur ce vaste marché mondial? Qu'est-ce qui nous empêche de tirer profit de nos acquis et d'employer les nouvelles technologies pour régler les problèmes du système de santé?
La solution n'est pas simple, mais je pense que c'est le principal problème. Tout va tomber en place si nous parvenons à bâtir une économie de l'innovation dans les soins de santé. Nous pourrions poser bien des questions pour trouver les bonnes solutions. Par exemple, le système de santé doit-il innover ou seulement fournir des soins? S'il ne doit pas innover, qui va le faire? Qui va investir dans l'innovation si nécessaire? Dans quels secteurs faut-il investir? Est-il approprié d'investir dans un hôpital? Pourrions-nous réaliser des économies et des gains d'efficience et améliorer la qualité? Devons-nous favoriser la propriété intellectuelle, l'attribution de permis ou les établissements d'enseignement?
En 2010-2011, l'Ontario a dépensé 44,7 milliards de dollars en santé, soit 40,3 p. 100 de toutes ses dépenses de programmes. Selon les tendances actuelles, cette part va passer à 44 p. 100 d'ici 2017-2018. Ces dépenses constituent un énorme gaspillage de nos grandes compétences et de notre infrastructure remarquable si elles ne donnent lieu qu'à un service acceptable.
En septembre 2012, l'Institut de médecine des États-Unis a publié un rapport sur les meilleurs soins de santé à moindre coût et les leçons à tirer de manière continue. C'est un changement majeur dans la façon de penser les soins de santé aux États-Unis, qui allie le moteur de l'industrie et l'apprentissage intégré. Le Canada n'aura plus le dessus en matière de données scientifiques. Si les États-Unis en viennent à bâtir une économie de la collecte de données et à investir dans l'innovation, ils seront un concurrent très difficile à battre sur le marché mondial des soins de santé. Nous devons établir une économie de l'innovation pour améliorer le système de santé au Canada.
Enfin, il convient de parler des façons de stimuler l'innovation. Les organismes nationaux et provinciaux qui subventionnent la recherche ont consacré beaucoup d'efforts pour décloisonner la recherche universitaire classique. C'est pourquoi le préambule des bourses de recherche fournit d'excellentes justifications. Mais ce n'est peut-être pas la meilleure stratégie pour que l'innovation facilite les activités complexes liées aux soins de santé. Comme l'ont indiqué les témoins précédents, le processus et le modèle sont essentiels à l'intégration de la technologie dans le système de santé.
La semaine dernière dans le Globe and Mail, le Dr Tony Pawson de l'Institut de recherche Samuel-Lunenfeld de Toronto a souligné les préoccupations d'un certain nombre de chercheurs concernant le changement qui s'est opéré dans le financement de la recherche translationelle. Il craint que cette approche nuise à la science fondamentale et à ses retombées. Nous pourrions investir directement dans l'innovation pour que les découvertes profitent au système de santé, au lieu de demander aux chercheurs qui n'ont pas les compétences d'encourager le système à intégrer leurs innovations. Le financement direct des innovations en matière de soins de santé, conjugué à une économie de l'innovation, serait plus efficace. Dans le modèle actuel, nous risquons de tout échouer, d'entacher notre réputation axée sur des données probantes en science fondamentale et de ne pas pouvoir bâtir une économie de l'innovation dans les soins de santé.
En terminant, je vous remercie de m'avoir invité. Je répondrai aux questions avec plaisir.
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Merci beaucoup, madame la présidente, membres du comité, de me donner l'occasion de vous faire part de mes observations sur l'évaluation de l'innovation au Canada. Je vais décrire quelques-unes de mes propres expériences et mettre l'accent sur trois questions.
Je précise que je parle seulement en mon nom personnel. Mes observations ne reflètent pas nécessairement la position de mes collègues ou des organisations pour lesquelles je travaille. Mon expérience en matière de politiques d'évaluation des technologies de la santé, l'ETS, concerne surtout les médicaments pour traiter le cancer. J'estime toutefois que mes observations peuvent mener à des conclusions générales qui vont au-delà du cancer et des médicaments.
Mon point de vue se fonde sur ma carrière en tant qu'économiste de la santé. Au départ, j'étais un professeur d'université isolé dans sa tour d'ivoire, qui était en fait un bâtiment de deux étages. J'étudiais parfois des questions pertinentes, mais ce n'est qu'à la seconde étape de ma carrière, lorsque je me suis mis à examiner l'application concrète des outils d'ETS, que j'ai pris conscience d'un certain nombre de questions dont je vais vous parler aujourd'hui. Je travaille présentement à l'utilisation des outils que nous élaborons pour aider les conseillers en politiques, les décideurs et le système qui vont mettre en oeuvre les innovations.
Je veux soulever trois questions très simples avec vous aujourd'hui. Tout d'abord, il n'y a pas assez d'argent pour fournir tout ce que les gens veulent dans le système de santé. Compte tenu de la rareté des ressources, nous devons prendre des décisions difficiles sur les aspects qu'il convient de financer et ceux qui ne le seront pas. Nous avons besoin d'outils pour aider les gens à fournir des recommandations, à prendre des décisions et à les appliquer au financement.
De plus, les divers intervenants auront des opinions différentes sur la nature du problème et les outils nécessaires.
Enfin, si nous décidons de faciliter l'innovation, nous devons aussi favoriser la création et la mise en oeuvre des outils nécessaires pour saisir les prochains enjeux. Avant de procéder aux achats, nous devons renforcer nos capacités et nos pratiques en la matière.
Il y a trois ans, le dirigeant des programmes publics de médicaments au ministère de la Santé de l'Ontario m'a invité à discuter avec le Conseil des citoyens de l'Ontario, qui devait prendre position sur les médicaments innovateurs et dispendieux pour traiter les maladies orphelines. Je devais fournir des conseils sur l'économie de la santé.
Afin d'expliquer au conseil pourquoi nous ne pouvons pas payer tous les nouveaux médicaments, j'ai comparé le budget de la santé et les traitements qu'il couvre à une valise et son contenu. Il va manquer d'espace si nous achetons tous les nouveaux médicaments. En fait, l'espace serait insuffisant même si nous n'achetions que les produits jugés sécuritaires et efficaces selon Santé Canada.
Si la valise est déjà pleine et que nous voulons y mettre d'autres choses, deux options s'offrent à nous. Nous pouvons acheter de l'espace en augmentant les impôts ou en réduisant le budget de l'éducation ou des services sociaux. Sinon, nous pouvons libérer de l'espace en retirant un élément.
Je pense que les responsables du Conseil des citoyens ont bien compris que nous devons choisir les traitements avec soin. Il nous faut les bons outils; la capacité d'élaborer et d'utiliser les outils est insuffisante présentement. Il sera encore plus important d'avoir ces outils à notre disposition si nous accélérons l'adoption des technologies.
Les innovations sont confrontées à une variété d'obstacles en matière de remboursement au cours de l'ETS. Lorsque Santé Canada établit qu'un médicament est sécuritaire et efficace, il peut être vendu au pays. Mais le patient n'aura accès à un produit qui coûte cher, comme un médicament contre le cancer, que si quelqu'un d'autre l'achète, comme le ministère de la Santé ou l'hôpital.
Mon expérience m'a permis de distinguer quatre grandes catégories. Puisque chacune pose des difficultés différentes, les solutions doivent elles aussi être différentes. Prenons l'exemple d'un médicament oncologique novateur. À l'échelle nationale, le processus d’examen pancanadien des médicaments oncologiques pCODR soumettra une recommandation de financement aux provinces basée sur des données cliniques et économiques, sur les commentaires des patients et sur la faisabilité au sein du système. Cette recommandation est donc envoyée aux provinces. Certaines d'entre elles ont créé un comité distinct chargé des recommandations, comme le Comité d'évaluation des médicaments en Ontario, qui examine les données sur le médicament oncologique et formule à son tour une recommandation.
En fait, les recommandations de comités provinciaux comme le Comité d'évaluation des médicaments s'inscrivent dans un contexte plus large et tiennent compte du traitement d'autres maladies. C'est donc à la lumière des deux recommandations en matière de financement du pCODR et du Comité d'évaluation des médicaments que l'administrateur des programmes publics du ministère de la Santé prendra une décision, parfois après avoir négocié à huis clos avec le fabricant du médicament. Chaque intervenant du processus d'évaluation des technologies de la santé, ou ETS, présente des défis particuliers. Le fait de négliger de consulter les contribuables, les conseillers en matière de politique sur l'innovation technologique en santé ou ceux qui appliquent les politiques conduira nécessairement à l'échec.
Lors de la séance du 18 octobre 2012, votre comité s'est fait vanter les mérites du pCODR, un modèle recommandé pour les ETS à l'échelle nationale. Le pCODR a vu le jour après que les provinces ont créé des processus d'ETS distincts pour mieux répondre à leurs besoins en matière de médicaments oncologiques. Tant les patients que l'industrie sont grandement favorables au pCODR, qui vient des provinces. Ce sont elles qui l'ont conçu pour leur propre usage. Les méthodes et procédures novatrices du pCODR ont suscité l'admiration et ont remplacé d'autres processus d'ETS au Canada. Je tiens à faire écho aux propos de John Soloninka qui, dans son témoignage, a dit que l'excellent service à la clientèle du pCODR dans le domaine des ETS constitue un bon point de départ pour réussir à encourager l'innovation de façon durable et responsable.
En tant qu'économiste, je manquerais à mon devoir si je ne soulignais pas l'importance d'adopter des mesures incitatives. Pour stimuler l'innovation, il faut mettre en oeuvre des moyens pour encourager ce genre d'efforts. Mais ne soyons pas surpris si les innovations se multiplient ensuite. Il ne suffit donc pas d'encourager les entreprises à créer des produits novateurs; il faut aussi permettre aux contribuables du système canadien de soins de santé d'utiliser l'ETS pour évaluer ce qu'ils obtiennent et ce à quoi sert leur argent. Nous ne pouvons pas espérer avoir un système de soins de santé durable et responsable si nos investissements ne suffisent pas à éclairer les décisions.
Même si nous créons de nouveaux outils en santé, nous devrons inévitablement faire des choix. L'ETS aide les décideurs, les conseillers en matière de politique et ceux qui mettent en oeuvre les politiques à composer avec les difficultés que pose l'innovation. L'évaluation aide aussi les patients et les médecins à déterminer dans quelle mesure un nouveau traitement est préférable à un autre et quel en sera le coût supplémentaire. La recherche appliquée dans les domaines de l'économie, des services, des politiques et de l'éthique en santé fournira les données probantes sur lesquelles s'appuient les décisions politiques. Si nous voulons investir davantage en innovation, il faut parallèlement investir dans les domaines de recherche qui permettront d'en évaluer la valeur.
Je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs, je vous remercie infiniment de m'avoir invité à vous parler d'évaluation et de promotion de l'innovation.
Vous avez entendu le témoignage de plusieurs grands spécialistes en matière d'innovation et de gestion de l'innovation dans le secteur canadien de la santé. En tant que chercheur qui s'intéresse à l'innovation et aux mérites des activités de recherche et de développement, je m'attarderai davantage au volet théorique qu'aux exemples concrets qui ont été donnés jusqu'à maintenant.
Mesurer et évaluer l'innovation est à la fois très simple et très complexe, qu'il s'agisse du secteur de la santé ou de tout autre domaine. La recherche et le développement forment un sous-ensemble de l'innovation. Jusqu'à maintenant, votre comité s'est surtout attardé à la façon d'améliorer le système canadien de soins de santé grâce à l'innovation, mais commençons plutôt par la recherche et le développement.
La recherche et le développement présentent un intérêt parce qu'ils servent d'indicateur d'innovation. L'OCDE s'en est rendu compte il y a 50 ans, et c'est pour cette raison que les dépenses en recherche et en développement sont évaluées depuis. Il est relativement facile de mesurer les ressources allouées à la recherche et au développement — qu'elles soient financières ou humaines —, dont les résultats sont habituellement quantifiables: il peut s'agir d'articles de recherche, de brevets, de licences, de propriété intellectuelle officielle ou d'autres avantages économiques. J'aimerais simplement que vous gardiez à l'esprit la définition simplifiée des activités de recherche et de développement qui est proposée dans la Loi de l'impôt sur le revenu: « investigation ou recherche systématique d’ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse » pour l'avancement de la science ou dans l'intérêt du progrès technologique.
Bien. Mais qu'en est-il de l'innovation? Comme je l'ai dit, ce concept à la fois plus facile et plus difficile à définir. Selon le modèle de Schumpeter, l'innovation peut appartenir à une ou à plusieurs des cinq catégories suivantes: il peut s'agir d'un nouveau produit, d'un nouveau procédé, de nouvelles formes ou méthodes d'organisation, de nouveaux modes de production ou de nouvelles sources d'approvisionnement.
Même si le comité s'attarde surtout aux deux premiers volets dans le cadre de son étude, à savoir les nouveaux produits et les nouveaux procédés, il devrait aussi tenir compte des autres formes d'innovation. Mais les opinions divergent. Dans son ouvrage Diffusion of Innovations, Everett Rogers parle de la transmission des idées. Il soutient que l'innovation ne se limite pas à un changement bien circonscrit, contrairement aux innovations radicales de Schumpeter. Selon lui, il s'agit plutôt d'une série de petites modifications qui, au fil du temps, finissent par entraîner un changement majeur. Les innovateurs reprennent les idées des inventeurs, et peut-être des chercheurs, puis les communiquent à ceux qui les mettront en oeuvre. Une innovation peut donc être attribuable à trois intervenants distincts.
Comme je l'ai dit, il est relativement facile de mesurer l'efficacité de certaines activités de recherche et de développement et des innovations qui en découlent. Dans le secteur de la santé, la recherche et le développement sont habituellement officialisés au moyen de brevets et de licences, un savoir codifié qui peut être acheté et vendu. Mais même ce modèle simple comporte son lot de problèmes, surtout lorsque vient le temps d'évaluer les efforts. Il arrive que le savoir attribuable à la recherche ne se traduise pas par des bienfaits mesurables avant des décennies. Combien de temps faut-il essayer de mesurer la rentabilité d'une recherche? Certaines recherches donnent des résultats négatifs, et ne peuvent donc généralement pas être vendues. Pourtant, il est souvent aussi important de savoir ce qui ne fonctionne pas que ce qui fonctionne. Qui plus est, lorsqu'un brevet ou une licence est acheté par une société en capital-risque ou par qui que ce soit d'autre, le vendeur garde pour lui sa connaissance de ce qui ne fonctionne pas. C'est peut-être un des facteurs qui expliquent que les grandes sociétés préfèrent souvent faire l'acquisition d'une société plutôt que d'acheter une propriété intellectuelle isolée.
Qu'elles proviennent des milieux universitaire, gouvernemental ou industriel, on peut dire que la plupart des recherches apportent des connaissances tacites, que les chercheurs gardent à l'esprit. La recherche est un processus d'apprentissage continu. Les chercheurs accumulent du savoir même s'ils doivent régulièrement se départir de certaines découvertes, que d'autres pourront exploiter sur le plan commercial ou non.
Mais évaluer l'innovation est plus délicat. Comment l'amélioration d'un produit ou d'un procédé se mesure-t-elle? On peut le faire, mais encore une fois, les retombées s'accumulent souvent au fil du temps et sont loin de se limiter à un seul exercice financier. Il arrive que le fruit d'une innovation soit clairement identifiable, comme c'est le cas de certaines recherches, mais les bénéfices peuvent être progressifs et résulter de l'accumulation de petites modifications au fil des ans, qui peuvent comporter ou non des bienfaits mesurables pendant cette période. Comment peut-on mesurer les petites modifications apportées quotidiennement aux procédures d'un hôpital qui, en fin d'année, finissent par améliorer les résultats sur la santé ou par diminuer les coûts? Comment mettre le doigt sur les innovations qui ont été déterminantes? Surtout, comment savoir qui en est l'instigateur afin de le récompenser convenablement?
À la suite du rapport de M. Jenkins, on nous a demandé de réaliser une étude sur le transfert des connaissances entre la recherche et le développement en milieu universitaire et le secteur de la production. Certains résultats étaient intéressants. Ils sont préliminaires, et l'ordre dans lequel je les présente n'a aucune importance particulière.
Pour commencer, les politiques canadiennes de propriété intellectuelle en milieu universitaire sont incohérentes, tout au plus. Compte tenu de l'absence de politique nationale unifiée en la matière, l'industrie hésite souvent à faire appel aux universités dans ses projets de recherche et de développement; elle ignore quelles seront les exigences en matière de propriété intellectuelle ou combien de temps prendra la négociation d'une entente acceptable à ce chapitre.
Il y a de nombreuses irrégularités à cet égard. Par exemple, la plupart des universités n'ont aucune politique concernant les droits de propriété intellectuelle des étudiants de premier cycle ou des cycles supérieurs, alors que ceux-ci jouent un rôle important dans le processus de production des connaissances.
J'aimerais mettre en opposition les questions de propriété intellectuelle et de déontologie, même si nous ne nous sommes pas penchés sur la question dans le cadre de notre étude. La politique d'éthique est relativement uniforme à l'échelle nationale, mais là encore, l'approbation d'une université sur le plan déontologique n'est pas garante de celle des autres membres du consortium de recherche. Le besoin d'obtenir les approbations distinctes de chaque université touchée sur le plan de l'éthique est un des aspects qui tourmentent tout chercheur, et pas seulement dans le domaine de la santé.
Notre étude a aussi mis en lumière le besoin d'institutions « intermédiaires », à défaut d'avoir un meilleur mot. Dans d'autres pays, comme en Allemagne, des institutions semblables jouent un rôle de filtre entre l'industrie et le milieu de l'enseignement supérieur. Je peux en nommer deux au Canada — MaRS, dont la présidente est venue témoigner il y a quelques semaines, et FPInnovations —, mais c'est loin d'être suffisant. En Allemagne, ces organisations forment tout un système qu'on appelle les instituts Fraunhofer, mais qui porte différents noms, à vrai dire. On sait aussi que les instituts Fraunhofer élargissent leurs activités jusqu'au Canada et qu'une des organisations s'est déjà installée en Ontario.
Il faut admettre que le principal rôle des universités est de créer du capital humain. La production de savoir à des fins particulières devrait incomber à d'autres intervenants, et peut-être à ce genre d'institutions intermédiaires.
Je ne connais pas les chiffres au Canada, et je ne pense pas qu'ils existent, mais selon les données britanniques de la Royal Society, moins de 0,5 p. 100 des titulaires d'un doctorat en sciences au pays obtiennent un poste de professeur menant à la permanence, 17 p. 100 d'entre eux deviennent chercheurs au sein de l'industrie, tandis qu'ils sont 50 p. 100 à obtenir un emploi qui n'a rien à voir avec la science.
Voici la question que j'aimerais porter à l'attention du comité: qui sont les innovateurs? Comment encourager les innovateurs de façon à stimuler l'innovation?
En fait, ils sont souvent des entrepreneurs, qui sont à leur tour des innovateurs si l'on se fie au modèle de Schumpeter. Mais il existe d'autres catégories. Par exemple, les porteurs d'innovation à caractère social ne cherchent pas à générer des profits, mais plutôt à améliorer les conditions de vie, comme c'est le cas des organismes sans but lucratif.
Il y a une autre catégorie d'innovateurs qu'il faut encourager, à savoir les intrapreneurs, des gens qui travaillent au sein de grandes organisations comme les gouvernements, mais qui sont peu susceptibles de recevoir une reconnaissance économique majeure pour leur travail.
Est-il possible de former des innovateurs? Probablement, mais la plupart des chercheurs, surtout dans le domaine de la santé, doivent suivre une formation tellement longue qu'il serait vraisemblablement contre-productif de prolonger leurs études. En fait, il y a des chercheurs et des inventeurs qui ne feront probablement jamais de bons innovateurs ou entrepreneurs. L'histoire regorge d'exemples d'inventeurs qui n'ont jamais été reconnus pour leurs travaux de recherche et de développement, alors que d'autres personnes, des innovateurs, en ont détecté le potentiel et l'ont exploité.
La plupart des programmes universitaires de transfert de technologie ont du mal à produire suffisamment de recettes pour être rentables. Je crois qu'il faut inciter les responsables de transfert de technologie à demeurer à l'affût des problèmes tout en offrant des solutions. Autrement dit, ils doivent à la fois rassembler les idées et diffuser l'information. Selon un des participants à notre projet, il faut encourager les « catalyseurs » de recherche et de développement et, par le fait même, les catalyseurs d'innovation.
Que pouvez-vous faire? Votre comité doit recommander aux universités de ne pas succomber à la pression de produire un savoir codifié — c'est-à-dire des brevets et des licences; il doit plutôt les inciter à former le meilleur capital humain qui soit au pays.
Je vous recommande aussi de trouver des moyens de reconnaître et de récompenser les porteurs d'innovation à caractère social et les intrapreneurs.
De plus, les universités devraient adopter une série de politiques semblables en matière de propriété intellectuelle, mais pas nécessairement identiques, un peu à l'image du système d'approbation déontologique, mais sans l'obligation de recevoir l'approbation successive de chaque établissement.
Pour terminer, les décideurs recommandent une solution dans les deux sens: il faut stimuler la demande en recherche et en développement tout en évaluant les efforts de recherche et de développement dans le secteur de la santé, soit directement, soit par des institutions intermédiaires.
Merci.
C'était une excellente analogie, car il s'en est servi pour décrire ce qu'il considère comme le problème dans ce domaine, qui n'est pas le sujet d'aujourd'hui, mais j'ai été frappée par le fait que d'une certaine façon, ce que vous décrivez, c'est l'effet gruyère, en ce sens que nous avons beaucoup de bonnes innovations, mais avons-nous le système qui tient le tout de façon cohérente, et même si c'est le cas dans des secteurs précis, est-ce à l'échelle nationale? C'est en quelque sorte ce que je retire de vos propos aujourd'hui, et j'espère que je ne me trompe pas.
Monsieur Hoch, afin de préciser un peu les choses, vous avez dit qu'il nous faut évaluer l'ETS, l'évaluation des technologies de la santé. Cela m'a semblé un peu étrange. Nous devons évaluer les évaluations. Non? Je n'ai pas bien compris.
Je voulais savoir quel est le rôle de l'ACMTS à cet égard? L'agence est-elle l'organisme idéal pour la réalisation de ces évaluations, ou parlez-vous d'autre chose?
Monsieur Holbrook, en ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle, encore une fois, je pense qu'il y a beaucoup d'éléments, mais je comprends ce que vous dites au sujet... En fait, à qui appartient le travail? Je sais que c'est une question qui revient sans cesse. Qui a cette responsabilité dans un pays comme le Canada? Nous vivons dans une fédération; nous avons des provinces. La prestation des soins de santé est un secteur de compétence provinciale, et nous essayons toujours de porter notre attention sur la responsabilité qu'a le fédéral à apporter des solutions pour certains des problèmes. J'aimerais vraiment que vous me donniez votre point de vue sur le rôle que devrait jouer le fédéral en ce qui concerne les problèmes que vous avez nommés. Je viens d'en nommer deux, mais vous aviez aussi beaucoup d'autres exemples.
Je dirais qu'il y a eu une certaine transition à ce chapitre depuis une bonne dizaine d'années, ou peut-être davantage. Il y a maintenant de bonnes relations entre le milieu universitaire et le système des soins de santé. C'est une réalisation remarquable et tout un actif pour notre pays; plus question de tours d'ivoire comme il y a 10 ans. MaRS Innovation est un bon exemple des avancées en la matière.
Il est généralement reconnu que l'on a besoin des apports respectifs du milieu universitaire, du système de santé et de l'industrie. Les membres du comité ne seront pas nécessairement d'accord, mais j'estime que nous pouvons compter sur ces apports. Nous avons des gens qui partagent leur temps entre l'enseignement universitaire, les soins aux patients et les partenariats avec l'industrie. Le processus est en marche et nous faisons de notre mieux pour régler toutes les questions liées notamment à l'éthique et aux conflits d'intérêts.
Il y a toutefois un aspect au titre duquel nous sommes déficients. Nous n'avons pas su instaurer au sein de notre système de santé un climat s'appuyant sur des attentes réalistes, un mandat clair et des incitatifs économiques pour favoriser l'innovation. Aux États-Unis, l'activité économique en matière de santé est guidée par les aiguillages et la concurrence entre partenaires. Nous ne voulons pas nécessairement qu'il en soit de même au Canada, mais il nous faut certains facteurs de stimulation.
Les hôpitaux ne peuvent pas reporter leur budget d'une année à l'autre. Pourquoi un hôpital voudrait-il économiser si les sommes épargnées vont lui échapper de toute manière? Les gains d'efficience que j'obtiens dans mon secteur cloisonné vont bénéficier à un autre secteur, alors pourquoi faire des efforts? Il nous faudrait trouver une façon de coordonner nos activités de manière à faciliter le travail des innovateurs au bénéfice de tous.
Si nous pouvions en arriver à une formule quelconque... et je n'ai pas vraiment d'idée à ce sujet, peut-être des crédits carbone pour l'innovation en santé? Je ne sais pas.
Des voix: Oh, oh!
M. David Jaffray: Il faudrait une formule nous permettant de monnayer la valeur entre les différentes composantes du système. Ainsi, les innovateurs seraient motivés à conjuguer leurs efforts. C'est l'élément qui nous manque. Nous sommes conscients qu'il nous faut un tel mécanisme.
Je ne veux pas anticiper sur ce que Pascale pourrait vous dire...
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J'aimerais parler de cela aussi, madame la présidente. Je vais parler de ce que vous m'avez demandé.
J'étais physicien et je travaillais dans un hôpital. Les systèmes de radiologie doivent être dirigés par des physiciens. La technologie que nous avons élaborée découlait de l'observation directe d'un problème en clinique et s'arrimait à une connaissance détaillée de ce qui était faisable. Nous pouvions mettre cette technologie au point, mais si cela signifiait qu'il fallait augmenter le temps de traitement de plus de 5 ou 10 minutes, la solution n'était pas financièrement viable. Elle aurait sapé les fondements économiques du traitement du cancer par radiothérapie. Alors, nous devions tenir compte de cela.
Nous devions avoir une idée des technologies disponibles, et nous devions trouver un partenaire de l'industrie apte à nous aider à faire accepter ces technologies jusqu'au bout du processus, jusqu'au moment où leur mise en marché commence à rapporter. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé qu'une compréhension nette des détails du système de santé était ce qui permettait de faire une synergie des technologies — qui, souvent, existent déjà — et d'obtenir des résultats. Nous avons breveté notre innovation, nous l'avons fait autoriser et ainsi de suite. Elle a en fait été produite au Royaume-Uni, et certaines des composantes sont venues d'un peu partout dans le monde. Dans le contexte de l'économie mondialisée actuelle, il est préférable de travailler avec des multinationales, car elles prennent beaucoup moins de temps que les entreprises en démarrage à mettre quelque chose sur le marché. Nous travaillons beaucoup avec les multinationales, car cela nous permet d'obtenir des résultats plus rapidement.
S'agissant de l'intervention du gouvernement fédéral, je crois qu'il serait formidable qu'il fasse valoir aux provinces la nécessité d'innover en fonction de la prestation proprement dite des soins et pas seulement à partir d'essais cliniques. Revenons à ce que Jeff disait; parlons de la nécessité d'obtenir des données au-delà de six semaines. Transformons les visites de routine en des mécanismes qui nous permettront de recueillir pendant des mois et des années des données sur les résultats. Cela pourrait être extrêmement utile. Faisons en sorte que le système de santé se serve de la compréhension qu'il a de son fonctionnement interne, qu'il fonde ses innovations sur la prestation des services et qu'il prenne la propriété intellectuelle au sérieux. Nous avons là une chance unique.
C'est pour cette raison que le changement survenu aux États-Unis me préoccupait. C'est une bonne chose, mais, en 2012, ils ont fait circuler des instructions indiquant: vous devez faire ceci, vous devez nous montrer des résultats concrets et nous vous financerons. Les États-Unis investissent. Ils intègrent les systèmes de TI, ils facilitent la collecte de données. Ils sont en train de transformer leur système de santé pour qu'il s'inscrive dans une économie fondée sur l'innovation. Bien entendu, nous pourrions discuter des motivations, je suis d'accord avec vous, mais la collecte de données reste l'élément fondamental. Nous devons faire cela au Canada.