HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 19 mars 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour, mesdames et messieurs.
Nous avons prévu une séance très intéressante aujourd’hui. Pour la première fois depuis pas mal longtemps, des gens vont témoigner par téléconférence, en commençant par Dr Michael Rachlis. Nous accueillons également M. Marc-André Gagnon, professeur adjoint à l’École d’administration et de politiques publiques de l’Université Carleton, et M. Steve Morgan du Centre de services en santé et de recherches en politique de l’Université de la Colombie-Britannique.
Dr Michael Rachlis témoigne à titre personnel.
Pouvez-vous m’entendre, docteur Rachlis?
Formidable.
Vous disposez de 10 minutes pour donner votre exposé. Ensuite, deux autres personnes témoigneront.
Vous savez ce qu’ils m’ont dit? Ils m’ont dit qu’accueillir des témoins par vidéoconférence donnait un peu l’impression d’écouter la voix de Dieu, et ils ont raison. Nous pouvons entendre votre voix qui semble provenir d’un lieu au-dessus de nous. Vous êtes investi d’une grande responsabilité, docteur.
Vous disposez de 10 minutes, après quoi je mettrai fin à votre exposé. Par conséquent, veuillez prêter attention au temps qui s’écoule. Nous sommes impatients d’entendre ce que vous avez à dire.
Veuillez commencer.
Eh bien, merci beaucoup. Je suis très heureux que vous m’ayez demandé de comparaître devant votre comité.
Je vais aborder le sujet du point de vue particulier d’une personne qui a pratiqué la médecine clinique pendant 20 ans en tout, mais qui ne l’a pas fait au cours de la majeure partie des 15 dernières années. Maintenant, en tant que médecin spécialisé en santé publique, j’exerce principalement des activités de conseil auprès des offices de la santé du gouvernement provincial et des organisations de la santé, surtout en ce qui a trait aux politiques en matière de soins de santé.
Je suis assurément très heureux de témoigner en même temps que Marc-André et Steven, qui peuvent aborder tous deux un enjeu très important lié à la politique en matière de produits pharmaceutiques.
Je vais surtout parler brièvement des arguments relatifs à la viabilité de notre système de soins de santé, arguments qui font les manchettes des journaux, et des pressions politiques que notre système subit ces temps-ci.
Ensuite, je vais faire valoir qu’il est nécessaire d’adopter des pratiques exemplaires pour régler de nombreux…
Pardonnez-moi, docteur Rachlis, mais vous savez que notre séance porte sur l’innovation technologique. Par conséquent, il serait pertinent d’intégrer ce thème dans votre exposé, si vous le pouvez.
Oui, et je vais conclure en indiquant les mesures que le gouvernement fédéral peut prendre et, selon moi, elles sont liées à la technologie, à d’importantes technologies, en fait.
Tout d’abord, je vais parler des principaux arguments avancés ces temps-ci relativement au système de soins de santé. Je pense qu’à cet égard, la technologie viendra réduire les coûts de notre système. Par contre, les gens sont inquiets parce que les nouvelles technologies ont tendance à accroître les coûts des soins de santé.
À l’heure actuelle, je pense que les gens estiment que les coûts des soins de santé échappent en grande partie à notre contrôle et que, compte tenu du vieillissement de la population, les choses vont s’aggraver.
De plus, très souvent lorsque ces questions font l’objet de discussions publiques, discussions auxquelles j’ai le privilège de participer de temps en temps, on s’entend pour dire qu’il n’y a d’autres choix que de réduire quelques services réels ou de s’appuyer davantage sur le financement des soins de santé privé.
Selon moi, c’est là qu’interviennent certaines des nouvelles façons de prodiguer des soins et d’envisager ceux-ci de même que les ressources dont nous avons besoin pour appuyer ces nouvelles méthodes de prestation. La question de savoir s’il est possible d’accroître l’efficacité de notre système est très controversée.
Enfin, on a tendance à faire valoir qu’une conversation soi-disant sérieuse s’impose. Selon moi, c’est un euphémisme utilisé principalement pour réduire nos attentes et nous faire prendre conscience de la nécessité de prendre d’autres dispositions, en particulier sur le plan financier.
J’ai passé à peu près une minute et demie à présenter cet argument mais, habituellement, 15 secondes suffisent, si l’on utilise des phrases-chocs, et c’est le thème principal qui anime notre débat sur les soins de santé. Par contre, comme je vous l’ai laissé entendre un nombre important de faits contredit la plupart de ces arguments.
Premièrement, les coûts des soins de santé n’échappent pas à tout contrôle. Ils ont atteint un nouveau sommet en 2009-2010, soit presque 12 % du PIB, mais c’était principalement imputable au ralentissement économique et à la grave récession qui a suivi. En fait, au cours de ces années, la hausse des coûts de santé a été considérablement moins élevée que celle enregistrée pendant les 10 années précédentes.
En fait, on prédit en ce moment qu’au cours des deux dernières années… Pour l'instant, nous disposons seulement d'estimations mais, même en tenant compte de la croissance économique, il est probable qu'elle s'élèvera à seulement 3,5 % en chiffres absolus. Les coûts des soins de santé auront donc diminué par rapport à notre produit intérieur brut et, par conséquent, la santé représentera une part moins importante de notre économie et, selon cette définition, notre système de soins de santé sera plus viable.
C'est particulièrement vrai, en ce qui concerne les coûts du secteur public. Ils ont en fait augmenté de seulement 8 ou 9 % par rapport au niveau record précédent de 1992. Ils ont régressé au cours des dernières années. Ce sont les coûts du secteur privé et, en particulier, ceux liés aux produits pharmaceutiques, dont nous parlerons plus tard, j'en suis certain, qui ont augmenté. Relativement parlant, ils ont augmenté de 50 % par rapport au niveau record précédent de 1992.
Dans l'ensemble, si l'on compare, à l'échelle internationale, des pommes avec des pommes pendant les bonnes années… car on ne peut pas, comme l'OCDE la fait, comparer, par exemple, les résultats enregistrés par le Canada pendant l'année de récession de 2009 avec ceux enregistrés par d'autres pays pendant l'année 2007 ou 2008, qui précédaient toutes deux la récession. Ce rapport, qui a fait beaucoup de bruit, comportait de graves lacunes, parce que ces auteurs n'avaient pas tenu compte de ce fait.
Lorsqu'on examine l'ensemble des dépenses en santé en tant que pourcentage des dépenses du gouvernement provincial, on constate qu'en général, elles sont passées d'à peu près 40 % à moins de 38 %, au cours des trois ou quatre dernières années. Si les dépenses en santé représentent une part grandissante des dépenses du gouvernement canadien, c’est également dû au fait qu’au cours des 20 dernières années, le gouvernement du Canada a considérablement réduit ses dépenses de programmes.
Comme je l'ai mentionné, à l'échelle internationale, nos résultats sont à peu près comparables à ceux des autres. Nous dépensons un peu moins que la France et l'Allemagne, et un peu plus que des pays comme la Belgique, l'Autriche, la Finlande, dont les systèmes de santé sont comparables aux nôtres.
Ce qui diffère vraiment, c’est que les dépenses en santé du Canada, tout comme celles des autres pays mentionnés, correspondent à environ 10 à 12 % de son PIB. On estime que, cette année, elles s’élèveront à 11,5 %, alors qu’aux États-Unis, elles atteignent presque 18 %.
Le vieillissement de la population représente un autre problème auquel la technologie pourrait apporter certaines solutions, mais sur lequel elle pourrait également faire peser certaines menaces.
Je tiens à faire valoir que ce fait est bien connu depuis plus de 25 ans. Certaines études que j'ai menées, il y a quelques années, en collaboration avec Hugh Mackenzie, un économiste de Toronto, confirment ce que les autres chercheurs démontrent depuis de nombreuses années, à savoir que l'incidence annuelle du vieillissement de la population sur les coûts des soins de santé des 25 prochaines années s'élèvera à environ 1 %. Cela s'inscrit dans le cadre de budgets en santé qui croissent à un rythme de 2 à 3 % par année en ce moment, et qui, de la fin des années 1990 à environ 2008, augmentaient de 5 à 7 % par année, en moyenne.
À cet égard, j’aime toujours citer Bill Dalziel, un gériatre d'Ottawa, qui dit ce qui suit à propos du vieillissement de la population
Ce n'est pas le vieillissement de la population qui menace de causer une crise… dans le secteur de la santé: c'est plutôt le fait qu'on a négligé d’examiner les tendances de notre système de soins de santé et, surtout, de son utilisation, et qu'on a omis de lui apporter les modifications qui s'imposaient.
Les processus de soins de santé du Canada sont incroyablement archaïques. Par exemple, le fait de ne pas offrir des soins hors des hôpitaux est rétrograde. Selon une enquête menée par le Fonds du Commonwealth, une excellente organisation non partisane et sans but lucratif qui est établie à New York, les Canadiens étaient les citoyens des 11 pays visés par l'enquête les plus susceptibles de déclarer avoir été forcés de visiter les urgences parce qu’ils n’avaient pas été en mesure de recevoir les soins de leur omnipraticien le jour même. Nos salles d’urgence sont les plus utilisés de ces mêmes 11 pays, et nous nous classons au deuxième rang pour ce qui est de la longueur des périodes d’attente liées à la consultation de spécialistes.
On considère souvent que cet état de choses est dû à un manque d'argent ou au fait de ne pas disposer d’un système privé. En fait, le problème est imputable à nos processus archaïques. Une étude menée en Ontario, il y a quelques années, l'a bien démontré. Elle suivait des patients qui avaient consulté des chirurgiens du rachis, en Ontario. Ces patients pouvaient avoir attendu une année avant de rencontrer ces chirurgiens. Cependant, seulement 10 % d’entre eux ont subi une chirurgie dans les 18 mois qui ont suivi leur consultation. Ces patients avaient attendu peut-être une année pour consulter un chirurgien du rachis mais, étant donné qu’ils n’allaient pas être opérés, ils auraient mieux fait de s’adresser à des médecins spécialisés en réadaptation, à des physiothérapeutes ou peut-être à des équipes multidisciplinaires composées, entre autres, de personnes comme des travailleurs sociaux. Voilà un exemple de modèle de soins inefficace parmi tant d’autres.
Les modèles de soins plus efficaces font appel aux dossiers de santé électroniques. Lorsque nous examinons la façon dont nous assurons la prestation de nos services, nous constatons que moins de 5 % des omnipraticiens offrent des services le jour même. Dans un grand centre médical de Cambridge, en Ontario, appelé Grandview Medical Centre, Dre Janet Samolczyk permet maintenant à ses patients de prendre rendez-vous avec elle quand cela leur convient. Au R.-U., on veut que tous les patients soient en mesure de prendre rendez-vous avec leur médecin par voie électronique d’ici 2015. Même sans augmenter le nombre de médecins, nous pouvons fonctionner plus efficacement en utilisant des systèmes électroniques et en intégrant mieux le travail des médecins, des infirmiers et des autres professionnels de la santé.
D’accord.
La plupart des gens qui étudient cet aspect de notre système diraient que la plupart des périodes d’attente pour consulter les omnipraticiens de la plupart des régions du Canada — et aussi pour s’adresser à des spécialistes ou recevoir des soins ambulatoires — ne découlent pas nécessairement d’un manque de ressources ou de l’absence d’un système privé. Ces périodes d’attente sont occasionnées par des processus de soins archaïques. Je serais heureux de faire parvenir au comité quelques renseignements supplémentaires à ce sujet. Je serais également heureux de parler de certains programmes de soins communautaires qui ne font pas appel à des professionnels. Il y a des programmes prêts à utiliser qui pourraient réduire les périodes d’attente…
D’accord.
Enfin, que peut faire le gouvernement fédéral? Dans le cadre de ses responsabilités relatives à la santé des Autochtones et à la santé publique, il intervient déjà dans les soins de santé. Par conséquent, il pourrait au moins fournir une structure pour appuyer les activités d’amélioration de la qualité qui doivent être entreprises. Les provinces ne peuvent s’en sortir seules, et je pense que nous l’admettons maintenant. J’aimerais vous en dire davantage, et c’est avec plaisir que je discuterai avec le comité…
Je vous remercie beaucoup de votre exposé, docteur.
Nous allons maintenant passer à M. Gagnon. Je crois comprendre que vous avez préparé un document PowerPoint, monsieur.
Nous vous ferons parvenir tout cela, docteur. Nous allons maintenant entendre M. Gagnon, qui sera suivi d’un autre témoin, après quoi nous amorcerons les séries de questions.
Monsieur Gagnon
[Français]
Je vous remercie beaucoup.
Au sujet de ma présentation, je voudrais simplement vous avertir que j'ai su la semaine dernière que j'étais invité et que je n'avais que jusqu'au lendemain pour envoyer mes diapositives à la traduction. J'ai donc dû recycler une présentation que j'avais faite le mois dernier, pour la Semaine de la propriété intellectuelle, à la Faculté de droit de l'Université McGill.
Alors, je vais reprendre cette présentation. Puisque la présentation originale était en anglais, je vais devoir la présenter en anglais. Je m'en excuse auprès des francophones.
[Traduction]
Je vais discuter du secteur pharmaceutique canadien: de l’économie de l’innovation aux entreprises parasites. Je vais essentiellement mettre l’accent sur les deux premiers points, à savoir l’évolution du secteur pharmaceutique canadien ainsi que les coûts et avantages des politiques d’innovation adoptées au Canada.
De nos jours, les compagnies pharmaceutiques ont un peu tendance à affirmer qu’elles ont fait le nécessaire, ce qui, en fait, est en grande partie vrai. Avant 1987 et la mise en oeuvre du nouveau système de brevets, le secteur pharmaceutique canadien se concentrait essentiellement sur les médicaments génériques. Puis la mise en oeuvre d’une nouvelle loi sur les brevets a été négociée à certaines conditions. Pour accroître la R. et D., nous avons accordé certains privilèges aux compagnies pharmaceutiques, mais nous les avons assujettis à certaines conditions. Nous leur demandions essentiellement de consacrer 10 % du produit de leurs ventes à la R. et D. Le Conseil d’examen du prix des médicaments a été créé à l’époque pour jouer le rôle de chien de garde et veiller à ce que cette entente soit respectée.
Qu’est-ce qui cloche dans cette histoire? Ce n’est plus le cas depuis 2000 ou 2001. Le coefficient de R. et D. par rapport aux ventes est l’un des indicateurs les plus intéressants qui soient. Il montre l’intensité de la recherche et du développement dans le secteur pharmaceutique et correspond essentiellement au pourcentage du produit des ventes qui est réinvesti dans la recherche et le développement. Nous constatons qu’après la mise en oeuvre de la nouvelle Loi sur les brevets, l’entente a vraiment donné de bons résultats. Puis ce pourcentage a commencé à régresser, et nous avons négligé d’obliger les compagnies pharmaceutiques à respecter le rapport de 10 % entre les ventes et la R. et D. En fait, la situation est maintenant pire qu’en 1988, l’année où le système a été mis en oeuvre, pire qu’à l’époque où nous venions juste de modifier la Loi sur les brevets.
Nous aimerions nous comparer à des chefs de file en matière d’innovation et de R. et D. dans le domaine pharmaceutique, comme la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, mais, en fait, notre coefficient de R. et D. par rapport aux ventes ressemble davantage à celui de Chypre ou de Roumanie.
Si l’on analyse l’évolution des recettes par rapport aux investissements dans la recherche et le développement du secteur pharmaceutique, on observe une forte hausse des recettes. De plus, les ventes augmentent. Ce secteur est très rentable; il réalise des profits croissants au Canada. Mais si l’on examine l’effet que ces profits ont sur la R. et D., eh bien, on remarque que celle-ci stagne et qu’en fait, elle a régressé au cours des dernières années.
Donc, il ne sert à rien d’investir des sommes de plus en plus importantes dans ce secteur ou d’accorder à ses entreprises des privilèges de plus en plus enviables, afin d’obtenir de la recherche et du développement. Ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent au Canada. D’après le palmarès Fortune 500, ces entreprises sont les 10 premières compagnies pharmaceutiques en importance, et elles se comparent avantageusement aux entreprises qui dominent les autres secteurs industriels. Nous remarquons que, depuis le milieu des années 1980, le taux de profit de celles-ci augmente considérablement. Dans l’ensemble, ce secteur reste très rentable si on le compare aux autres secteurs industriels.
Quelle incidence sa rentabilité a-t-elle sur la R. et D. et sur l’innovation? Si l’on examine la structure de coûts sur une période donnée ou son évolution des années 1970 à 2006, on constate que les coûts de fabrication ont considérablement diminué et que ceux liés à la R. et D. ont augmenté légèrement, ce qui témoigne de l’importance des crédits d’impôt accordés dans les années 1980 pour favoriser les investissements dans la R. et D. En fait, nous observons surtout une forte hausse des dépenses administratives et des coûts liés à la commercialisation.
Par exemple, si vous examinez les emplois dans le secteur pharmaceutique canadien — ce diagramme est un peu ancien, mais il illustre bien la proportion des différents emplois —, vous remarquerez que seulement 17 % d’entre eux sont liés à la R. et D., et que les 3 % correspondent à la distribution, à la commercialisation et aux ventes ou, surtout, aux représentants de commerce.
Qu'est-ce que cela signifie au plan de l'innovation? En fait, l'innovation thérapeutique est très difficile à mesurer. Une mesure que l'on utilise parfois, et que je n'aime pas vraiment, est le lancement sur le marché de nouvelles entités moléculaires. Il y en a moins, mais c'est normal. Dans les années 1960, vous pouviez lancer n'importe quoi sur le marché, par exemple, la thalidomide pour les femmes enceintes, et Dieu merci, les choses ont changé depuis.
Même s'il y a moins de médicaments sur le marché, cela veut-il dire que ce sont de meilleurs médicaments qui témoignent de plus grandes avancées thérapeutiques? Il existe une fantastique revue médicale française qui s'appelle Prescrire, et chaque année, elle évalue tous les nouveaux médicaments qui entrent sur le marché. Elle détermine si chaque médicament constitue ou non une avancée thérapeutique comparativement aux médicaments existants. Les médicaments qui ont une bonne valeur thérapeutique se trouvent dans la section en bleu, alors que ceux qui ont une valeur thérapeutique neutre — la majorité — sont en rouge. Il s'agit en fait des succédanés qui n'apportent aucun avantage au plan thérapeutique comparativement aux médicament existants. Et les médicaments à valeur thérapeutique négative sont ceux dont les inconvénients l'emportent sur les avantages, comme Vioxx ou Avandia qui, selon Prescrire ne devraient simplement pas être sur le marché. Alors, pour Prescrire, on ne sait toujours pas s'il y a amélioration ou régression de la pharmacopée.
Les politiques canadiennes devraient-elles être encore plus généreuses à l'endroit du secteur pharmaceutique? Pour répondre à cette question, il est très important de comprendre ce que nous offrons en ce moment. Bien sûr, nous avons le régime des brevets, mais en plus de cela, nous avons aussi une série de politiques en matière d'innovation pour ce secteur. Il y a des crédits d'impôt pour la R-D, il y a la façon dont nous fixons les prix des médicaments brevetés au Canada. Nous avions une règle de 15 ans au Québec et nous l'avons remplacée par des crédits d'impôt plus généreux. Ce sont les chiffres pour 2011. Nous avions aussi des subventions directes.
Faisons un survol rapide. Ces données sont fondées sur un rapport que j'ai rédigé pour Santé Canada — les membres de la Rx et D disent qu'ils récupèrent 48 % des coûts de la R-D en crédits d'impôt. Cela représente quelque chose comme 461 millions de dollars en 2011.
Pour ce qui est de la politique tarifaire, au Canada, nous avons un système de tarification des médicaments brevetés qui est bizarre. En gros, nous regardons la moyenne des prix de sept pays, dont les quatre pays les plus chers au monde. Alors le Canada vise toujours à ce que ses prix soient les quatrièmes plus élevés au monde. Si nous nous comparons à des pays de l'Union européenne comme la France ou le Royaume-Uni, par exemple, nous payons 20 % de plus qu'eux pour nos médicaments brevetés. Au cours de nombreuses discussions, par exemple pendant les négociations de l'AECG, il a été dit que le régime de brevets canadien devrait ressembler davantage à son pendant européen. Si l'on veut avoir un régime qui équivaut à celui de l'Europe, il faut, en gros, commencer par réduire d'au moins 15 % les coûts des médicaments brevetés.
Si nous réorganisons la politique sur la tarification pour qu'elle ressemble davantage à celle de l'Europe, nous pourrions facilement épargner quelque chose comme 2 milliards de dollars par année en coûts supplémentaires. Il s'agit des coûts supplémentaires que nous payons actuellement pour nos médicaments brevetés.
Pour ce qui est de la règle de 15 ans au Québec, en 2011, le coût était de 193 millions de dollars. Les subventions directes se situaient entre 57 et 75 millions de dollars en Ontario et au Québec. En résumé, nous avons des exemptions fiscales, 461 millions de dollars, et 2,2 milliards de dollars de subventions de toutes sortes en raison de la tarification de nos médicaments, des subventions directes, et la règle de 15 ans.
Si nous tenons compte du fait que la R-D pharmaceutique dans le secteur du produit de marque au Canada se chiffrait à 960 millions de dollars en 2011, et que les crédits d'impôt s'élevaient à quelque 461 millions de dollars, cela signifie que les dépenses privées totales en R-D, sans les crédits d'impôt au Canada, étaient de 499 millions de dollars. Alors les Canadiens ont payé au moins 2,2 milliards de dollars en aide financière publique afin de générer 499 millions de dollars de dépenses en R-D privée, sans les crédits d'impôt.
C'est absolument insensé. Je suis conservateur sur le plan fiscal. Je veux en avoir pour mon argent public, et j'ai hâte que quelqu'un à Industrie Canada se réveille et commence à faire des analyses coûts-avantages, parce que ce que nous avons là est complètement insensé.
Je vais passer la partie sur l'AECG.
J'aimerais terminer avec des chiffres sur le financement de la R-D dans le secteur de la santé.
À l'heure actuelle, nous avons un système d'innovation qui est...
Fantastique. C'est tout ce dont j'ai besoin.
Nous avons un système d'innovation qui ne fonctionne pas, mais nous avons toujours la possibilité de transformer les incitatifs financiers pour l'innovation. Au lieu de se contenter d'injecter plus d'argent dans le système actuel, nous devons penser à la façon dont nous utilisons ces fonds publics en ce moment pour réorienter la recherche, qui pourrait être plus prometteuse pour ce qui est de l'innovation au plan des produits thérapeutiques.
Par exemple, la recherche publique est très importante en ce moment. Nous tentons toujours d'adapter la recherche publique aux besoins commerciaux. En ce moment, le modèle d'affaires pour les besoins commerciaux est toujours axé sur les succédanés qui, au plan thérapeutique, n'offrent...
Si vous prenez le financement de la R-D dans le secteur de la santé, pas seulement dans le secteur pharmaceutique en général, et vous tenez compte des crédits d'impôt, en gros, les dépenses d'entreprise en R-D ne représentent que 19 % des dépenses totales.
J'aimerais vraiment terminer avec cette dernière diapositive. On ne la voit plus, mais il y était dit que quelqu'un doit agir, et c'est navrant que ce doive être l'un d'entre nous.
Nous avons bien compris. Merci beaucoup.
La parole est maintenant à M. Steven Morgan, professeur agrégé au Centre de services en santé et de recherches en politiques.
Vous allez devoir surveiller les signaux que je vous envoie, monsieur Morgan. Vous avez 10 minutes. Nous nous réjouissons à la perspective d'entendre ce que vous avez à dire.
Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui.
Je vais m'en tenir à la politique sur les produits pharmaceutiques et à la gestion des technologies pharmaceutiques, en partie parce que je gère un réseau de recherche financé par les Instituts de recherche en santé du Canada, qui compte des experts en matière de politique sur les produits pharmaceutiques dans les universités canadiennes, et en partie parce que je suis l'hôte d'une réunion annuelle de décideurs du secteur pharmaceutique de 12 pays à peu près comparables au Canada. Alors j'ai recueilli des observations au cours de nombreuses années de recherche et d'échanges de connaissances dans ce dossier, tant avec des universitaires que des décideurs.
Les produits pharmaceutiques sont sans doute le plus gros facteur de coûts technologiques dans le système de soins de santé canadien. Des données de l'Institut canadien d’information sur la santé suggèrent que de 1980 à 2005, les produits pharmaceutiques étaient de loin l'élément des coûts associés aux soins de santé à la croissance la plus rapide. Les dépenses dans ce secteur au Canada pendant cette période sont devenues 11 fois plus élevées. Aucune autre composante du système de soins de santé n'a plus que quintuplé pendant la même période.
Aujourd'hui, nous dépensons plus en produits pharmaceutiques que nous le faisons pour tous les soins offerts par l'ensemble des médecins au Canada. Les produits pharmaceutiques sont un bon exemple pour nous aider à comprendre l'incidence financière de la technologie dans le domaine des soins de santé, en partie, honnêtement, parce que le Canada gère exceptionnellement mal ce facteur de coûts.
Premièrement, il est important de dire clairement que les médicaments sauvent des vies et améliorent la santé des patients et des populations. Des vagues de nouveaux médicaments lancés sur le marché depuis les années 1960 ont permis de traiter une gamme élargie de maux ailleurs que dans les hôpitaux. Certains de ces médicaments offrent un bon rapport qualité-prix, c'est indéniable, mais aucune nouvelle technologie ne dicte sa propre utilisation.
Ce sont les systèmes qui sont les moteurs des répercussions financières des changements technologiques dans le domaine de la santé. Les gens parlent souvent de donner libre cours à l'innovation dans les systèmes de soins de santé mais, en fait, les systèmes devraient être conçus pour exploiter avec soin l'innovation afin que nous améliorions le plus possible le niveau et la prestation des soins à notre population en fonction des investissements que nous faisons.
Le problème au Canada est que personne ne tient les rênes dans le secteur pharmaceutique. Nous avons le seul système au monde qui offre une couverture universelle de soins médicaux et hospitaliers, mais qui exclut les médicaments sur ordonnance utilisés ailleurs qu'à l'hôpital. Dans les faits, notre patchwork de régimes d'assurance-médicaments privés et publics au Canada fait en sorte que personne n'est responsable de gérer cet élément du système de soins de santé d'une importance capitale.
Quel est le résultat? Paradoxalement, notre système fragmenté fait en sorte que bien des Canadiens soient incapables d'utiliser les médicaments qu'ils devraient peut-être utiliser. L'an dernier, mon collègue Michael Law et moi-même avons publié un article dans le Canadian Medical Association Journal qui montre qu'un Canadien sur dix n'a pas les moyens d'acheter les médicaments que son médecin lui prescrit. En fonction des normes internationales, cela représente un piètre dossier pour ce qui est de l'accès aux médicaments et donc un piètre dossier pour ce qui est de l'accès aux technologies importantes en matière de santé.
Cependant, les dépenses en produits pharmaceutiques au Canada sont plus élevées et augmentent plus rapidement que dans tout autre pays de l'OCDE, à l'exception des États-Unis, qui est loin d'être un pays auquel nous voulons nous comparer étant donné qu'il a le système de soins de santé le plus coûteux au monde.
Une étude que mes collègues et moi-même avons publiée il y a quelques années dans le British Medical Journal a montré qu'en Colombie-Britannique, 80 % de la hausse des coûts des médicaments sur ordonnance entre 1996 et 2003 était attribuable à l'utilisation de nouveaux médicaments brevetés qui étaient entrés dans des catégories thérapeutiques créées par des innovations antérieures. Ce qui ressortait le plus de cette observation était que les prix de ces nouveaux médicaments brevetés étaient, en moyenne, quatre fois plus élevés que ceux des médicaments génériques plus vieux dans les mêmes catégories thérapeutiques.
Les gens au gouvernement fédéral auraient raison de faire remarquer que nous avons un système qui limite les prix courants des médicaments au Canada aux niveaux fixés par les prix courants des médicaments dans sept pays de comparaison. Si les prix courants restent, en fait, aux mêmes niveaux que dans d'autres pays, cela n'a rien à voir avec la gestion des technologies pharmaceutiques en question.
Au Canada, les dépenses par tête en produits pharmaceutiques étaient bien en deçà de la médiane de nos sept pays de comparaison dans les années 1980. C'était juste avant la vague de médicaments génériques vedettes qui a submergé le marché des classes thérapeutiques et qui domine toujours le milieu pharmaceutique aujourd'hui: des médicaments contre les troubles gastro-intestinaux, des antidépresseurs, des médicaments contre l'hypertension ou le cholestérol, des traitements contre l'asthme et j'en passe.
À l'ère des médicaments génériques vedettes, les coûts des produits pharmaceutiques ont augmenté plus vite au Canada que dans la plupart des autres pays de l'OCDE. En fait, en 1997, les dépenses par tête en produits pharmaceutiques au Canada équivalaient déjà à la médiane des sept pays avec lesquels nous nous comparons pour régir le prix des produits pharmaceutiques.
À l'époque, le Forum national sur la santé avait réclamé l'établissement d'un régime universel d'assurance-médicaments sans franchise, en partie parce qu'il était clair que ce serait un mécanisme efficace pour gérer les technologies pharmaceutiques et les coûts qu'ils imposent au système de santé. Nous n'avons pas suivi la recommandation du Forum national sur la santé de créer un système d'assurance-médicaments universel et depuis, les dépenses par tête en produits pharmaceutiques au Canada ont continué de croître plus rapidement que dans les autres pays de l'OCDE.
En 2010, l'année la plus récente pour laquelle on dispose de données, les dépenses par tête en produits pharmaceutiques au Canada avaient dépassé la médiane de nos sept pays de comparaison de 280 $. Pour mettre les choses en perspective, si nos dépenses étaient restées dans la médiane de nos comparateurs au cours de cette période, nous dépenserions 9 milliards de dollars de moins par année qu'aujourd'hui — et j'ai bien dit milliards et non millions.
Si nous avons tant de difficulté à gérer les coûts des produits pharmaceutiques, c'est parce que notre système est fragmenté. Encore une fois, il faut souligner qu'aucun de nos pays de comparaison raisonnables qui offre une assurance-santé universelle n'exclut les médicaments d'ordonnance de la gestion et du financement des soins de santé.
Comme les produits pharmaceutiques font partie intégrante du système de santé de nos pays de comparaison, les gestionnaires et les professionnels de la santé y sont beaucoup plus enclins et incités à évaluer très attentivement la proposition de valeur des technologies pharmaceutiques. Leur système les incite donc à adopter les technologies les plus abordables et à rejeter les autres. Ils ont en outre un plus grand pouvoir d'achat et le pouvoir légitime de négocier les prix avec les fournisseurs.
L'industrie pharmaceutique change en ce moment et elle change en profondeur. Je crois que le Canada doit se préparer à gérer les changements auxquels on peut s'attendre au cours des 10 prochaines années, particulièrement sur le plan technologique.
D'abord, la disponibilité accrue des produits génériques nous offre l'occasion de réaliser des économies considérables. L'expiration des brevets marque la fin du cycle d'innovation dans n'importe quel secteur, y compris dans celui des produits pharmaceutiques, et offre aux payeurs une excellente occasion d'établir la valeur réelle des innovations d'hier. Les études sur les différents régimes du monde montrent que la couverture universelle des médicaments génériques est le meilleur moyen de garantir des économies aux payeurs, l'accès aux patients et des bénéfices aux fabricants qui sont prêts à rendre leurs prix concurrentiels.
Lorsque nous aurons mis en place un système qui nous permette d'économiser sur les médicaments génériques, nous devrons être prêts à voir le secteur des produits pharmaceutiques brevetés changer ses technologies. L'industrie pharmaceutique finance ses activités de recherche et de développement grâce à des médicaments spécialisés offerts à coûts très élevés. On trouvait avant qu'une centaine de dollars par patient était un prix élevé pour un médicament. Puis, on a accepté des milliers de dollars par patient. On parle maintenant de centaines de milliers de dollars par patient pour des médicaments destinés à traiter des maladies et des états très particuliers. Nous devons nous doter d'une stratégie nationale afin de cibler les innovations qui nous permettent d'optimiser nos ressources et bien honnêtement, dire non au reste. C'est tout un défi politique, et je crois que nous avons besoin d'un cadre national pour le relever.
Pour conclure, l'industrie pharmaceutique mondiale change profondément ses principes d'établissement des prix pour ces technologies. D'une certaine façon, les listes de prix des produits pharmaceutiques d'aujourd'hui se comparent aux listes de prix des concessionnaires automobiles. Personne ne devrait payer ces prix: ils devraient être le point de départ des négociations, pour des rabais secrets convenus entre le fabricant et l'assureur. Ces rabais devraient être négociés en fonction d'un cadre qui établit le prix qui permet d'optimiser les ressources du système de santé compte tenu des autres investissements possibles. C'est un changement profond de la formule d'établissement des prix, un défi colossal dans un système aussi fragmenté que le nôtre.
Je crois que le Canada a besoin d'une stratégie nationale pour gérer ces nouvelles technologies, pour en négocier le prix et surtout, pour s'assurer que les Canadiens aient accès aux soins ou aux technologies dont ils ont besoin et qu'aucun patient ni aucune province n'ait à payer des prix artificiellement gonflés le cas échéant.
Merci beaucoup.
Je vous remercie beaucoup de ces observations éclairées, monsieur.
J'aimerais rappeler aux membres du comité que nous allons interrompre nos travaux à 17 h 15 pour discuter de quelques questions d'organisation qui ont été portées à notre attention. Nous devrons donc discuter très brièvement de questions d'ordre administratif.
Cela dit, nous allons entreprendre la première série de questions en donnant sept minutes à Mme Davis. La parole est à vous.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je remercie toutes les personnes qui comparaissent devant nous aujourd'hui. Je sais que vous êtes tous considérés comme de véritables experts dans votre domaine. Vous menez beaucoup de recherches, et je crois que vous nous avez donné beaucoup d'informations très éclairantes.
Je trouve ironique que les Canadiens soient si fiers de leur système de santé, alors que les faits nous montrent à quelle vitesse les coûts grimpent, mais nous ne semblons pas vouloir nous attaquer aux causes de l'escalade des coûts, comme M. Morgan l'a dit. Par exemple, le coût des médicaments grimpe à un point tel que nous ne semblons pas en mesure de maîtriser la situation et de mettre en place un système pour y remédier. Je crois que votre témoignage d'aujourd'hui est très important pour nous aider à comprendre le problème et que vous nous donnez de bonnes idées sur ce que nous devons faire. J'aimerais que nous en parlions davantage.
Monsieur Gagnon, je sais que vous proposez, entre autres, l'établissement d'un modèle de prix de référence comparable au régime en place en Nouvelle-Zélande. J'aimerais que vous nous l'expliquiez un peu, parce que je pense qu'une fois qu'on comprend le problème, il faut se demander ce qu'on peut faire pour le régler. Il y a des modèles qui existent, comme vous l'avez dit. En quoi consiste le modèle de prix de référence et en quoi ce système est-il meilleur que le nôtre?
De même, docteur Rachlis, à la fin de votre exposé, vous avez dit que le gouvernement fédéral, à tout le moins, devait fournir une forme d'aide structurée. J'aimerais que vous précisiez un peu votre pensée. Quand on examine l'accord sur la santé qui a été signé en 2004, on dirait que bon nombre des engagements qui ont été pris sur l'assurance-médicaments et l'innovation semblent être tombés à plat. Comment faire pour rattraper les prix? Comment le gouvernement fédéral peut-il s'acquitter de son rôle?
Enfin, monsieur Morgan, je tiens d'abord à vous féliciter pour la conférence très fructueuse qui a été tenue tout récemment à Vancouver sur cette question. Quand vous dites qu'il faudrait rendre les médicaments génériques plus accessibles et nous doter d'une stratégie nationale, comment devrait-on procéder, d'après vous? Il me semble essentiel que le gouvernement fédéral participe à l'effort. Pouvez-vous nous faire part de vos idées?
Voilà les questions que je souhaite poser aux trois témoins.
Au sujet du modèle de prix de référence, il faut d'abord comprendre toute l'étrangeté du marché des produits pharmaceutiques. Faisons le parallèle avec un souper pour trois personnes. Vous vous rendez à un souper, et il y a un homme qui commande le repas, le médecin. Il prescrit le produit, mais ne le paie pas et ne se soucie pas du prix, puisqu'il n'a pas de contrainte budgétaire. Il y a ensuite le patient, qui mange le repas, puis le représentant du régime d'assurance-médicaments privé ou public, qui paie le repas.
Si vous êtes servi par une personne très motivée à obtenir une promotion et à vendre son menu, qui vous dit qu'il vous faut absolument le repas le plus cher parce que c'est le meilleur pour vous, celui qui paie voudra sûrement avoir son mot à dire pour déterminer quel repas commander, question d'en avoir pour son argent. Le modèle des prix de référence permet justement à la troisième partie, à celui qui paie, de dire que d'après les données cliniques, certains médicaments ne sont pas équivalents du point de vue thérapeutique. Il ne faut pas oublier que 80 % des nouveaux médicaments qui arrivent sur le marché ne présentent pas d'avancée thérapeutique par rapport aux médicaments déjà offerts.
Le modèle des prix de référence permet d'établir un prix de référence pour toute une classe thérapeutique. Il s'applique donc à tous les médicaments considérés équivalents du point de vue thérapeutique. Dans ce contexte, on choisit habituellement le médicament au prix le plus bas, on détermine que c'est le prix qui sera accepté pour rembourser le produit et...
Certainement.
La Nouvelle-Zélande a également d'autres moyens à sa disposition, mais l'établissement d'un prix de référence constitue vraiment la principale méthode, car c'est une manière très intelligente d'exploiter les forces du marché et la concurrence pour faire baisser le prix des médicaments, tout en respectant les brevets. Si les sociétés pharmaceutiques lancent un nouveau produit qui n'apporte aucun avantage thérapeutique comparativement à ce qui existe déjà...
Eh bien, il n'y a aucune raison pour laquelle ce médicament ne devrait pas concurrencer les autres produits déjà sur le marché.
Si on ne laisse pas la concurrence s'installer sur le marché et on accepte pour ainsi dire de payer à plein prix un médicament qui ne présente aucun avantage thérapeutique, aucun incitatif financier ne pousse les sociétés pharmaceutiques à concevoir de nouveaux produits ayant un véritable avantage thérapeutique.
Le vrai problème ici consiste à savoir comment réorganiser ces incitatifs financiers en exploitant les forces du marché pour faire diminuer le coût des médicaments quand ils n'ont pas d'avantage thérapeutique, tout en incitant sérieusement les sociétés pharmaceutiques à concevoir des thérapies novatrices.
Je répondrai rapidement.
L'accord me préoccupe beaucoup. Il comportait des lacunes quand il a été élaboré, puisqu'il accorde au gouvernement fédéral une mainmise absolue sur la somme de 41 milliards de dollars qu'il comptait transférer aux provinces sur une période de 10 ans. Mais même quand des engagements ont été pris, comme ce fut le cas dans le cadre d'une stratégie pharmaceutique nationale qui, à titre d'exemple, est censée influer sur les pratiques de prescription des professionnels des soins de santé, je conviens tout à fait que les problèmes sont ceux qui ont été soulevés. Nous ne recourons pas aux médicaments génériques et à la substitution de produits thérapeutiques, alors que ce serait la chose à faire. Il faut également savoir que les médecins prescrivent souvent des médicaments alors qu'il aurait probablement été préférable de s'en abstenir.
Nous sommes impatients de voir ce qui se passera au cours des deux prochaines années lorsqu'on élaborera le prochain accord. Nous devons examiner les lacunes du présent accord pour conférer au prochain le pouvoir coercitif nécessaire pour appliquer ce qui était prévu et admettre également qu'il ne convenait probablement pas de promouvoir une réforme à l'échelle nationale dans l'état actuel des choses.
Merci beaucoup, madame la présidente. Je tiens à remercier les témoins de comparaître aujourd'hui.
Je voulais commencer par M. Morgan, car je crois que vous avez mis le doigt sur le problème en affirmant que notre système est fragmenté. Plus j'examine la situation, plus il m'apparaît que les provinces et territoires décident quels médicaments ils paieront, sans pour autant appliquer beaucoup de stratégie ou de mesures de contrôle pour vérifier de quels médicaments il s'agit.
Cette idée que vous avez proposée de tenter de rendre le système moins fragmenté, l'avez-vous présentée au Conseil de la Fédération? Ce dernier me semble bien placé pour intervenir, car ce sont les provinces qui sont responsables de ce dossier pour un grand nombre de médicaments prescrits au Canada. Vous êtes-vous adressé au conseil pour voir comment on pourrait contrôler les coûts ou les dépenses afférents à ces médicaments?
Personnellement, je n'ai pas eu l'occasion de parler au Conseil de la Fédération. Je sais toutefois que le groupe de travail sur l'innovation en matière de santé se penche actuellement sur l'établissement des prix des médicaments génériques et que certaines provinces collaborent à cet égard.
Si on veut harmoniser les listes de médicaments assurés et la négociation de contrats entre les régimes d'assurance-médicament provinciaux et les fabricants de produits pharmaceutiques, le fait que ces régimes reposent sur des structures extrêmement différentes constitue le principal écueil. Il existe au pays toute une variété de régimes, dont les différences de structure et de processus administratifs sont en partie responsables du fait qu'il est difficile pour les provinces d'accorder la même priorité à un médicament donné au chapitre de l'investissement.
L'une des plus importantes mesures à prendre consiste à tenter d'harmoniser la couverture et la structure de remboursement des médicaments, après quoi on pourra harmoniser la liste des médicaments assurés. Mais tant qu'on ne s'entend pas sur ce qui est couvert et à quelles conditions, il est difficile d'adopter une liste commune de médicaments assurés, particulièrement en ce qui concerne les modalités de remboursement.
Je me demandais si le conseil avait été informé du montant qui pourrait être économisé si on pouvait harmoniser le système. Je crois que M. Gagnon a évoqué le montant de 9 milliards de dollars. C'est une somme colossale.
Je voulais vous demander quelque chose, monsieur Gagnon, car vous avez indiqué que vous voudriez secouer quelques fonctionnaires d'Industrie Canada. Comme nous effectuons l'étude des innovations techniques, je présume que nous pourrions nous intéresser à la manière d'analyser ces produits.
Je me demandais si vous pourriez expliquer au comité comment les nouveaux médicaments sont mis à l'essai aujourd'hui. Vous avez souligné qu'un sujet peut prendre un ancien médicament et un autre, un nouveau produit. Je suis chiropraticien. À Oshawa, certains de mes patients souffraient beaucoup d'arthrite. Même si certains prenaient de l'aspirine, dès que les inhibiteurs de la COX-2 sont sortis sur le marché, tout le monde a jeté son dévolu sur ce produit. L'aspirine coûte deux sous le comprimé, alors que les inhibiteurs de la COX-2 coûtent deux dollars le comprimé. Mais au bout du compte, quel effet clinique ce médicament a-t-il eu sur chaque patient? Je l'ignore. Parfois, j'ai observé une différence, mais à d'autres moments, je n'en ai vue aucune.
J'ai entendu dire qu'on teste parfois de nouveaux médicaments en les comparant à des placebos, mais pas nécessairement à d'anciens médicaments. Si vous envisagez de recommander une innovation, pourriez-vous indiquer au comité ce qu'il pourrait proposer à Industrie Canada, si c'est peut-être la manière de mettre à l'essai les nouveaux médicaments sur le marché? Pourriez-vous nous donner quelques conseils?
Il y a deux processus qui entrent en jeu. Pour faire approuver un médicament en vu de le mettre en marché, il suffit de le comparer à un placebo et de prouver qu'il a plus d'avantages que ce dernier. Mais pour inscrire ce produit sur la liste des médicaments assurés, particulièrement à l'échelle provinciale, il faut au moins prouver que l'effet en justifie le prix pour qu'on accepte de rembourser le médicament. C'est ce que nous appelons l'évaluation de la technologie de la santé, qui diffère légèrement du processus d'approbation de Santé Canada. C'est l'ACMTS qui s'en charge dans le cadre du programme commun d'évaluation des médicaments. Essentiellement, nous évaluons le coût du médicament en fonction de ses avantages thérapeutiques.
Dans le cadre du système actuellement en place au Canada, l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, ou ACMTS, formule des recommandations à toutes les provinces, qui s'appuient sur ces recommandations pour déterminer si elles rembourseront le médicament. Elles se demandent si l'effet du médicament justifie son coût pour décider si elles inscriront le médicament sur la liste.
Mais ce n'est pas là que se situe le problème. Nous avons estimé qu'aux États-Unis, les sociétés pharmaceutiques dépensent actuellement 61 000 $ par médecin pour promouvoir leurs nouveaux produits. En France, c'est 25 000 €. Au Canada, nous estimons que ces sociétés dépensent au moins 20 000 $ par médecin en efforts de promotion. Dès que le médicament est inscrit sur la liste, c'est la manière dont il est prescrit qui devient un problème. Les médecins prescrivent-ils les médicaments en se fiant aux preuves ou sous l'effet de campagnes de marketing? Ces campagnes sont toujours très efficaces à l'heure actuelle. Ce qu'il faut, c'est coupler l'évaluation de la technologie de la santé à une méthode permettant d'influencer les habitudes de prescription. On pourrait, par exemple, offrir de la formation continue en pharmacothérapie ou d'autres initiatives de ce genre.
Nous devons trouver un moyen d'instaurer des pratiques de prescription de médicaments fondées sur les preuves. Pour l'instant, les habitudes de prescription sont encore beaucoup trop influencées par les campagnes de marketing, ce qui fait qu'au bout du compte, on se retrouve avec des pratiques irrationnelles. Rien ne montre que les antipsychotiques atypiques ont plus d'avantages thérapeutiques que les anciens antipsychotiques; pourtant, ils sont 10 fois plus chers.
Mais ce problème est omniprésent. C'est également majoritairement le cas pour la prescription de médicaments pour un emploi non conforme. C'est à ces problèmes que nous devons nous attaquer. Il ne suffit pas de stimuler l'innovation; il faut également voir comment on peut organiser les habitudes de prescription.
D'accord.
Je me demandais seulement si d'autres pays ont un système qui leur permet de mettre les médicaments à l'essai un peu plus soigneusement.
Au Royaume-Uni, on implantera un système intéressant appelé établissement des prix en fonction de la valeur. Essentiellement, au lieu de payer les médicaments, on paiera les résultats qu'ils ont sur la santé, ce qui est complètement différent. On ne paie pas le produit, mais ses résultats sur la santé. Voilà qui est nouveau. C'est une initiative que nous devons suivre.
Vous venez de me faire penser de ne pas poser la question que j'allais poser. Je voulais poursuivre, monsieur Gagnon, sur la question de l'établissement des prix en fonction de la valeur envisagée au Royaume-Uni. Comment peut-on procéder en fonction des résultats du médicament? Un médicament donné pourrait ne pas avoir l'effet escompté sur un patient pour une myriade de raisons, ce qui pourrait fausser les résultats. Et si ce patient avait un trouble préexistant qui nuirait au médicament? J'aimerais savoir comment ce processus fonctionne. J'aimerais en entendre davantage à ce sujet, car je trouve l'initiative intéressante. Je crois l'idée de l'établissement du coût en fonction du produit de référence est intéressante et devrait être utilisée. Mais nous devons examiner la question un peu plus en profondeur.
Comment peut-on harmoniser la couverture? Plusieurs provinces paient les médicaments figurant sur la liste des médicaments assurés. Imaginons qu'elles font la bonne chose. Mais elles paient certains médicaments inscrits sur la liste parce que c'est tout ce qu'elles peuvent se permettre de faire en fonction de leur PIB, de leur taille et d'une multitude d'autres facteurs. Comment peut-on harmoniser le système alors que les acteurs sont si différents? Qui le fera et comment devrait-il s'y prendre? Que ferait-on pour les médicaments qui ne figurent pas sur la liste, le 20 % de nouveaux médicaments servant à traiter certaines maladies qui ne sont pas encore génériques parce que leur brevet n'est pas encore échu? Que ferait-on pour ces médicaments? Je crois que le plus important est de veiller à ce que tous les Canadiens, peu importe où ils vivent, obtiennent la thérapie dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin, de la manière la plus économique. Autrement dit, quels sont les résultats? Les médicaments fonctionnent-ils ou pas?
J'aimerais bien que vous nous en disiez davantage à ce sujet. M. Gagnon pourrait peut-être commencer, parce que j'ai commencé par parler de l'établissement du prix en fonction de la valeur.
Parfait, et je suis certain que Steve pourra ajouter quelque chose également.
L'établissement du prix en fonction de la valeur est fort intéressant. On paie pour les résultats sur la santé et non pour les produits. Ce qu'on négocie avec les sociétés pharmaceutiques, c'est la mesure dans laquelle elles contribueront à l'amélioration de la santé de la population, et on paiera cette amélioration progressive. Pour ce faire, il existe des méthodes, qui reposent notamment sur les normes relatives à l'économie de la santé ou les années de vie. C'est compliqué. Ce n'est certainement pas une science facile. Certaines choses sont discutables.
Mais on reconnaît l'arbre à ses fruits, et je crois qu'il sera intéressant d'observer ce qui se passe au Royaume-Uni. Je ferais remarquer que l'établissement du prix en fonction de la valeur est incompatible avec un système fragmenté. Si on paie les médicaments en vertu d'un tel système, on ne peut évaluer les résultats sur la santé de la population.
À mon avis, les innovations les plus intéressantes concernant l'organisation des prix et des incitatifs financiers dans le secteur des produits pharmaceutiques viennent de pays où le régime d'assurance- médicament n'est pas fragmenté comme au Canada. C'est, selon moi, la meilleure manière d'indiquer exactement ce que l'on veut, ce que l'on attend des médicaments que nous achetons et les conditions que l'on doit imposer pour atteindre l'objectif visé. Je suis convaincu que quand on indique clairement ce qu'on veut, on ne nous aime peut-être pas, mais on nous respecte.
Je veux aborder quelques points. D'abord, nous venons de terminer une étude au cours de laquelle nous avons interrogé des décideurs de neuf pays à revenus élevés comparables au Canada au sujet de l'établissement du prix en fonction de la valeur ou du prix de référence, et de la négociation de contrats avec des fabricants de produits pharmaceutiques.
Cette initiative a notamment révélé que le paradigme de l'établissement des prix des produits pharmaceutiques à l'échelle mondiale est indubitablement entouré de secret. On commence par une liste de prix gonflés que tout le monde peut voir, puis chacun négocie des rabais pour les produits figurant sur cette liste en fonction de certains résultats convenus.
Ces résultats peuvent simplement être des volumes de vente dans un pays donné ou consister en une entente complexe de véritable rémunération au rendement. Autrement dit, si le patient survit pendant un certain temps ou s'il ne subit pas de fracture de la hanche pendant assez longtemps, le fabricant obtient une prime. Si, au contraire, le patient subit une fracture de la hanche ou meurt précocement, le fabricant pourrait devoir accorder un rabais sur le prix du médicament.
De plus, comme Marc-André Gagnon le faisait remarquer à l'instant, on ne peut agir dans un système fragmenté. On n'a pas la capacité technologique ou l'autorité modale de négocier le prix des produits pharmaceutiques en fonction de la valeur, à moins qu'on ne soit également celui qui paie les soins médicaux et hospitaliers de la population concernée. C'est ce que l'expérience internationale démontre clairement.
Pour ce qui est de l'instance qui peut contribuer à coordonner les arrangements fédéraux, il ne fait aucun doute que ce sera un cas classique de défi du fédéralisme au Canada. À mon avis, le gouvernement fédéral doit assumer un rôle fort parce que la collaboration horizontale en matière de politique — comme on l'appelle dans les documents de politique —, c'est-à-dire la collaboration volontaire entre les partenaires comme les provinces, ne peut être maintenue que si ces partenaires peuvent se permettre cette collaboration et ont la volonté politique de la soutenir. Essentiellement, dans le domaine des soins de santé, la tâche incombe au gouvernement fédéral. Le Canada doit amener les provinces là où elles veulent aller sans pouvoir le faire par elles-mêmes de manière viable.
En passant, le fait de disposer d'un poids financier dans le dossier pour inciter les provinces à rester partenaires et d'avoir une certaine capacité centralisée relève de l'intégration verticale des politiques.
L'établissement du prix en fonction de la valeur et les autres mécanismes de négociation du prix sont extrêmement chers sur les plans juridiques et administratifs. Les petites provinces — j'irais même jusqu'à dire toute province comptant moins d'un million et demi d'habitants — ne peut tout simplement pas jouer le jeu de manière sérieuse. Ici encore, la capacité coordonnée, comme celle dont on fait preuve dans le cadre du programme commun d'évaluation des médicaments ou d'autres mécanismes, est essentielle, en un certain sens, aux intérêts participatifs nationaux.
Merci, madame la présidente. Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui. C'est intéressant que vous vous soyez tous dits préoccupés par les produits pharmaceutiques et l'augmentation fulgurante de leurs coûts au fil des ans.
Dans le cadre de notre étude sur l'innovation technologique, est-ce que chacun de vous pourrait nous dire comment nous pourrions surveiller la conception ou l'établissement du prix des produits pharmaceutiques afin d'établir des comparaisons? Quel type de technologie d'avenir pourrait nous aider ou faciliter la tâche à ceux qui tentent de régir les prix?
Comme on l'a expliqué, différentes mesures sont nécessaires. Premièrement, nous avons besoin d'un régime national d'assurance-médicaments, car des millions de Canadiens ne peuvent pas assumer le coût des médicaments qu'ils doivent prendre. C'est une situation très grave. Nous devons nous rendre compte que beaucoup d'argent est gaspillé à cause des coûts administratifs des régimes privés d'assurance-médicaments. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles le juge Emmett Hall a conclu qu'il y a un gaspillage d'argent, c'est-à-dire à cause des frais administratifs des centaines de compagnies qui vendent des assurances médicales. Il pourrait y avoir de grandes économies.
Il faut aussi améliorer la réglementation en ce qui concerne l'innocuité des médicaments. Je crois que le gouvernement fédéral a un grand rôle à jouer, comme on l'a souligné, en ce qui a trait à l'établissement d'une liste commune des médicaments, ce que les provinces ne peuvent pas faire elles-mêmes, et il doit aussi favoriser des améliorations relativement à la prescription des médicaments, car il s'agit là d'un autre problème important. Le système d'établissement du coût en fonction d'un produit de référence, dont on a parlé, peut être très utile pour ceux qui paient les médicaments et pour les fournisseurs puisqu'il permet de s'assurer que les bons médicaments sont prescrits. Étant donné qu'en 2003, le Vioxx, un médicament contre l'arthrite, a coûté 55 millions de dollars au Régime d'assurance-médicaments de l'Ontario, un contrôle serré s'est exercé. Je crois que seulement quelques millions de dollars ont été dépensés pour ce médicament en Colombie-Britannique grâce au système d'établissement du coût en fonction d'un produit de référence. Bien sûr, le Vioxx a été retiré du marché, car on croyait qu'il ait pu causer entre 30 000 et 40 000 décès prématurés attribuables à des crises cardiaques aux États-Unis, et peut-être plusieurs milliers de décès au Canada. Mais en Colombie-Britannique, grâce au système d'établissement du coût en fonction d'un produit de référence, ce médicament a été beaucoup moins prescrit qu'en Ontario, ce qui a permis à la province d'économiser beaucoup d'argent et de sauver des dizaines de vies.
Enfin, cela fait presque 20 ans que le gouvernement fédéral parle d'aider les provinces à procéder à une réforme des soins de santé primaires, et quant à sa responsabilité fiduciaire envers les groupes...
Monsieur Rachlis, pardonnez-moi, mais je crois que nous allons devoir donner la chance à d'autres de s'exprimer.
Monsieur Morgan.
Je veux simplement apporter rapidement une précision. Ce n'est pas à cause de l'établissement du coût en fonction d'un produit de référence que le Vioxx ne figurait pas sur la liste des médicaments remboursés par le Régime d'assurance-médicaments de la Colombie-Britannique. Il ne faisait tout simplement pas partie des catégories des médicaments de référence.
S'il est question pour le gouvernement fédéral d'investir dans une technologie qui nous aiderait à surveiller la rentabilité, il devrait effectuer deux types d'investissements. Premièrement, il devrait investir dans des plates-formes pour l'information et les ordonnances électroniques. La Colombie-Britannique, le Manitoba et la Saskatchewan sont les trois seules provinces qui recueillent des renseignements à propos de chaque ordonnance que reçoit chaque patient, peu importe qui paie pour le médicament. Ces banques de données sont essentielles pour connaître l'utilisation des médicaments au sein de la population ainsi que l'innocuité et l'efficacité des médicaments à long terme. Il est plus que temps que l'Ontario et le Québec, les grandes provinces, mettent sur pied de tels systèmes d'information sur les médicaments. Je pense que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de leadership en incitant les provinces à établir de tels systèmes.
Là où le gouvernement fédéral peut également jouer un rôle important, et il effectue d'ailleurs des investissements à ce chapitre, c'est dans l'évaluation et la surveillance de ces technologies qui sont sur le marché. Le gouvernement fédéral fait des investissements par l'entremise de l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, qui, à mon avis, fait un très bon travail en ce qui concerne le programme commun d'évaluation des médicaments. Nous souhaiterions probablement que le gouvernement investisse davantage dans l'évaluation de l'innocuité et de l'efficacité des médicaments après la mise en marché.
Enfin, je pense que le gouvernement fédéral peut jouer encore une fois un rôle de leadership en ce qui concerne les médicaments personnalisés, qui commencent à faire leur apparition. De plus en plus, les médicaments sur ordonnance seront donnés aux patients en fonction des résultats d'un test de diagnostic. Souvent, ce test peut être un test génétique. Il faut mettre sur pied ce qu'on appelle des biobanques, c'est-à-dire des systèmes qui contiennent cette information, et se doter de la capacité d'analyser cette information. Toutes les provinces devront contribuer, car pour être en mesure de détecter ce que l'on souhaite, il faut détenir les données de 20 à 30 millions de personnes dans la banque de données.
Monsieur Morgan, je vais devoir donner la parole à M. Gagnon. M. Wilks aimerait entendre sa réponse. Je vous remercie tous les deux pour vos commentaires.
Monsieur Gagnon.
Je crois que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de leadership.
Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons considérablement réduit le prix des médicaments génériques. Il y a aussi eu ce qu'on appelle le précipice des brevets, faisant en sorte que de nombreux médicaments vedettes sont devenus des médicaments génériques. Il semble donc qu'on ait réussi à contenir les coûts, mais il s'agit d'économies exceptionnelles.
Le nouveau modèle est en place. On se concentre maintenant sur les médicaments de niche — les produits biologiques, les médicaments anticancéreux — qui sont extrêmement coûteux. Nous ne sommes pas prêts pour cela. Les provinces ne le sont pas. Nous avons besoin d'un organisme capable d'acheter les médicaments en vrac et de négocier les prix à la baisse à la fois pour les produits biologiques et les médicaments anticancéreux.
Est-ce que le Conseil des fédérations peut faire cela? Je ne pense pas. Le problème en ce qui concerne les provinces, c'est que l'entente relative à l'inscription des médicaments constitue la nouvelle norme. Chaque province a essayé de conclure une entente avec les fabricants de médicaments. Mais l'entente relative à l'inscription des médicaments est, par définition, secrète, et elle constitue un moyen de faire baisser les prix en refilant le coût à quelqu'un d'autre. Cela crée des rivalités entre les provinces.
Je suis désolée, mais le temps est écoulé. Je ne veux pas être impolie, mais je dois être juste envers tous les membres du comité. Je vous remercie, monsieur Wilks.
Nous allons maintenant commencer notre tour de cinq minutes. Nous devons respecter le temps de parole pour que chacun puisse poser des questions.
Je veux dire aux médecins qu'ils répondent très bien aux questions et qu'ils respectent très bien le temps. C'est ce qui est le plus difficile. Je vous remercie.
La parole est maintenant à Mme Sellah, pour cinq minutes.
[Français]
Je vous remercie, madame la présidente.
J'aurais deux questions.
D'abord, je remercie tous les intervenants ici présents d'avoir apporté des éclaircissements concernant les produits pharmaceutiques et notre système de santé, pour savoir s'il est apte à s'adapter aux innovations.
Sauf tout le respect que j'ai pour l'innovation et pour son importance, j'ai l'impression qu'on est en train de mettre la charrue avant les boeufs.
Cela étant dit, ça me désole d'entendre qu'un patient sur dix ne peut pas payer ses médicaments. On réduit donc l'accessibilité, le traitement et même la technologie moderne pour ce genre de patients dans notre pays.
Selon les économistes de la santé, le nombre total de nouveaux médicaments novateurs ou révolutionnaires qui sont découverts se maintient, voire diminue depuis les années 1990. Comment pouvez-vous expliquer ce ralentissement de l'innovation dans l'industrie pharmaceutique depuis les années 1990? Est-ce que l'innovation existe vraiment dans le domaine pharmaceutique ou est-ce plutôt une question d'illusion de l'innovation dans ce domaine?
[Traduction]
Monsieur Morgan, voulez-vous répondre en premier?
Madame Sellah, souhaitez-vous que l'un d'eux en particulier commence?
[Traduction]
[Français]
D'abord, il faut déterminer comment on définit l'innovation. En fait, normalement, on définit une innovation soit sur le plan des brevets, soit sur le plan financier.
Sur le plan financier, l'industrie pharmaceutique est très novatrice. Elle fait beaucoup d'argent. La question se pose sur le plan thérapeutique. Là, les indicateurs qu'on a présentement sont très différents. Ce qu'on voit, c'est qu'on a mis en place un modèle d'affaires dominant qui est vraiment axé sur une faible innovation thérapeutique, souvent avec les succédanés. On prend les molécules déjà existantes et on les traite un petit peu.
Par exemple, le Prilosec devient du Nexium. Cela n'apporte absolument aucun autre avantage par rapport à ce qui existe déjà, mais on va faire une grosse campagne promotionnelle, on va changer les habitudes de prescriptions des médecins et tout le monde va se mettre à prescrire du Nexium parce que c'est la nouveauté de la semaine ou du mois.
À ce moment, on suit un modèle d'affaires. On n'a pas de mesures incitatives d'ordre financier pour dire aux compagnies qu'elles doivent investir dans ce qui est plus innovant sur le plan thérapeutique.
Je vous donne juste un exemple. L'année où la compagnie Merck a fermé Merck Frosst au Québec, son taux de profit était de 47 %. Vous essaierez de faire un taux de profit de 47 %, pour voir. La compagnie a fusionné avec Schering-Plough. Elle a fermé deux laboratoires: Merck Frosst, au Québec, et Organon, en Hollande. Ces laboratoires étaient reconnus comme étant les deux plus innovants de la compagnie. La raison de ces fermetures est toute simple: le modèle d'affaires dit que ce type d'innovation dans ces laboratoires est moins profitable que l'innovation relative aux succédanés qu'on fera dans les autres laboratoires.
Par ce fait, on dit aux entreprises qu'on laisse en place les mesures incitatives d'ordre financier pour qu'elles maintiennent le modèle d'affaires pour ce genre d'innovations, qui est un petit peu médiocre sur le plan thérapeutique mais rentable financièrement.
[Traduction]
J'ai publié quelques articles sur l'innovation dans le secteur pharmaceutique au cours des 50 dernières années environ. Il est vrai que le nombre total de médicaments élaborés dans le secteur pharmaceutique a considérablement baissé depuis les années 1990. Cependant, si on examine le nombre de nouveaux médicaments qui ont des propriétés thérapeutiques ou pharmacologiques nouvelles, des médicaments considérés essentiellement comme une découverte, on constate que le nombre de ces médicaments vraiment innovateurs ou à tout le moins d'avant-garde est demeuré assez stable au fil du temps.
Les cycles d'élaboration des médicaments que nous avons observés dans les années 1990 étaient largement attribuables à un modèle qui consistait principalement à tirer profit des avantages cliniques et économiques liés au traitement des facteurs de risque des maladies et des affections chroniques. Ces avantages ont commencé à s'amoindrir au tournant du millénaire, et ce modèle a été de moins en moins appliqué. L'industrie pharmaceutique a littéralement mis à pied des dizaines de milliers de personnes dans les secteurs de la recherche et du développement et de la commercialisation...
Très rapidement, je dirais que le changement dans l'innovation s'explique en partie par les différentes modifications dans les paradigmes scientifiques, ce qui ne constitue pas nécessairement un grand problème pour nous.
Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je veux souhaiter la bienvenue à tous nos témoins, qu'ils soient avec nous en personne ou non. J'ai bien aimé vous écouter.
Je suis vivement intéressée par vos propos, M. Gagnon. D'après ce que vous dites, il semble que nous n'en ayons pas pour notre argent en ce qui concerne les investissements et la performance de l'industrie pharmaceutique sur le plan de l'innovation, particulièrement l'innovation thérapeutique, qu'il faut transformer.
Au cours de notre étude, nous avons souvent entendu dire qu'il existe des obstacles à l'innovation. Est-ce que l'un d'entre vous peut m'expliquer certains de ces obstacles, qu'ils soient liés à la propriété intellectuelle — où la recherche est effectuée et qui détient la propriété intellectuelle — ou bien aux restrictions réglementaires.
Quelqu'un veut répondre à cette question?
Pour ce qui est d'en avoir pour notre argent, en ce qui concerne la politique en matière d'innovation, j'ai toujours trouvé un peu étrange que notre politique pour le développement du secteur pharmaceutique soit établi en fonction du montant qui proviendra du budget de la santé. À mon avis, ce budget devrait être utilisé pour payer les services de santé et non pas pour développer des secteurs industriels.
En ce qui a trait aux obstacles à l'innovation, je peux vous dire que j'ai fait mon post-doctorat au Centre des politiques en propriété intellectuelle et que j'ai effectué bien des travaux sur la question des brevets pharmaceutiques, en particulier pour les produits biologiques. Nous devons comprendre que la protection des brevets peut favoriser l'innovation et permettre d'attirer des investissements en R-D, mais elle peut aussi être un obstacle à l'innovation thérapeutique. Si vous faites de la recherche sur un marqueur biologique, mais qu'il y a déjà une quarantaine de compagnies qui détiennent des brevets pour les gènes que vous devez étudier afin d'élaborer votre produit, vous n'avez finalement aucun intérêt sur le plan financier à mener ce genre de recherche.
Alors que faites-vous? Vous vous concentrez sur les médicaments pour lesquels vous détenez déjà des brevets et vous essayez de travailler sur leurs molécules, de les modifier un peu pour obtenir un nouveau brevet. Vous renommez ce médicament pour le remettre sur le marché.
Ce n'est pas le seul problème. En ce qui concerne la recherche fondamentale, je me suis entretenu avec des gens de l'Université du Minnesota, qui m'ont affirmé qu'il leur en coûtait 26 000 $ simplement pour savoir s'ils ne risquent pas d'empiéter sur des brevets. Ils menaient une recherche sans savoir s'il existait des brevets. Cela leur importait peu, mais ils devaient débourser 26 000 $ seulement pour démarrer la recherche et pour savoir s'ils empiétaient sur des brevets. Les brevets sont en train de devenir davantage un problème plutôt qu'une solution.
Je dirais très brièvement que si nous voulons attirer des investissements dans l'innovation en santé au Canada, nous devons commencer à penser très stratégiquement à la façon d'investir directement dans des plateformes novatrices et des innovations scientifiques. Des groupes de réflexion de gauche et de droite au Canada ont fait remarquer que nous dépendons beaucoup trop des incitatifs indirects comme les crédits d'impôts et de la supposition selon laquelle payer davantage pour les médicaments fera augmenter la R-D au Canada.
En fait, si on veut véritablement attirer l'excellence en R-D, il faut investir dans la capacité, car cela aura pour effet d'attirer des investissements en R-D. Nous devons agir de manière stratégique. Le Canada n'a jamais été un acteur important dans le secteur des médicaments traditionnels, mais il l'a été dans le domaine des biotechnologies et d'autres domaines du nouveau paradigme pharmaceutique. Le Canada a sans doute besoin d'une stratégie nationale qui lui permettra d'exceller dans les domaines où il est actuellement relativement bon, de façon à attirer des investissements privés.
Il reste quelques secondes, et ce n'est pas suffisant pour poser des questions. Je donne alors la parole à M. Morin.
Merci.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Mes questions s'adressent à M. Gagnon.
Tout d'abord, même si votre présentation n'avait pas été préparée précisément pour nous, je l'ai trouvée vraiment très bonne, pleine d'informations que j'aurai le plaisir de digérer plus tard en la lisant en détail. Plus on en parle, plus les mêmes questions reviennent, mais on approfondit tout de même le sujet.
Pour ma part, j'en tire le constat que l'industrie pharmaceutique est très lucrative, comme on le sait. Je vais l'expliquer une peu plus tout à l'heure. Vous avez présenté la situation aux diapositives nos 6 et 7. Elle est même plus lucrative que n'importe quel autre domaine d'activité. La diapositive no 11 nous montre qu'il existe une certaine paresse des entreprises à mettre l'accent sur les innovations. Elles préfèrent se rabattre sur des molécules qui demandent moins d'efforts, mais qui sont tout aussi lucratives.
De plus, je suis content que mon collègue M. Carrie ait mentionné, tout à l'heure dans sa question, le problème qu'on s'impose. On vérifie les nouvelles molécules et les nouveaux médicaments comparativement à un placebo, plutôt que de les vérifier comparativement à une molécule déjà existante et dont les propriétés bénéfiques ont déjà été approuvées.
Dans la diapositive no 19, on voit que l'aide financière publique est un mauvais investissement. On pourrait du moins améliorer l'efficacité de l'investissement public dans cette industrie, autant fédéral que provincial.
De tout cela, je conclus qu'il y a trop de marketing et pas assez d'innovation. Vous avez fait quatre suggestions. Nous espérons que l'étude sur les innovations technologiques sera considérée par le gouvernement et qu'il adoptera de bonnes résolutions. À court terme, à quoi devrait-on s'attaquer en premier?
Je voudrais revenir sur le fait que l'on compare les nouveaux médicaments avec des placebos. Il faut comprendre que la recherche scientifique qui se fait dans les secteurs pharmaceutique et médical s'organise comme des campagnes promotionnelles. La recherche privée existe pour produire des arguments privés pour vendre un produit. On veut savoir si le produit est meilleur que celui du voisin.
Par exemple, une étude produite par Merck dira que son produit est meilleur que celui du voisin. Sinon, c'est sûr que Merck n'aurait pas publié cet article dans les revues médicales. Le voisin, Johnson & Johnson, va dire que son produit est meilleur que celui de Merck. Or on s'en fout. Ce que veut savoir le médecin, c'est quel est le meilleur médicament à prescrire à une population précise qui a un problème précis.
Cette recherche ne se fait pas, dans le domaine privé. Les compagnies pharmaceutiques ne vont pas faire ce genre de recherche. Elles existent pour faire une recherche sur leurs médicaments en se demandant si leurs médicaments sont meilleurs qu'un placebo, c'est tout. Ensuite, elles sélectionnent grosso modo les données qu'elles veulent publier, celles qui prouvent le plus d'effets bénéfiques.
En fait, je sais qu'on ouvre ici une autre porte, mais la question est de savoir où se fait cette recherche qui permet de s'interroger pour le bien public, c'est-à-dire déterminer quel est le meilleur traitement que l'on devrait offrir à une population qui souffre de telle condition.
Aux États-Unis, les National Institutes of Health produisent ce genre de recherche de temps en temps. Chaque fois, ce sont des études extraordinaires, basées sur des essais cliniques publics qui permettent de dire qu'il y a un problème dans les habitudes de prescriptions et qu'on ne prescrit pas les meilleurs médicaments. C'est ce type de recherche publique qui est nécessaire.
Tant que nous organiserons les fonds publics comme quelque chose que l'on pellette dans un système privé qui produit l'innovation thérapeutique actuelle basée sur une évaluation assez médiocre, nous ne nous donnerons pas les moyens techniques ni les capacités d'évaluation des technologies de la santé pour s'assurer d'avoir les meilleurs résultats possibles dans le domaine de l'innovation.
Je suis d'accord avec vous, mais je me demande aussi si le gouvernement ne devrait pas essayer de limiter le volet de commercialisation de la chose.
Avant que je devienne moi-même un professionnel de la santé, j'étais secrétaire médical dans un bureau. J'ai du respect pour les représentants pharmaceutiques, mais je voyais certaines choses au quotidien. Par exemple, on offrait aux médecins des formations sur des bateaux de croisière pour qu'ils en apprennent plus sur les médicaments. Sur le plan éthique, en tant que politicien, je serais mal à l'aise d'accepter une telle formation cadeau.
Le fédéral devrait-il jouer un rôle vis-à-vis de cette commercialisation un peu abusive?
Une chose très simple pourrait être faite à cet effet: contrer la culture de la médecine fondée sur le marketing pour établir davantage la médecine fondée sur des données probantes.
[Traduction]
[Français]
En ce moment, l'ACMTS fait l'évaluation des technologies de la santé. Il serait possible de lui donner davantage de moyens pour disséminer les fruits de la recherche à l'ensemble des médecins.
[Traduction]
Je vous remercie, madame la présidente, et je remercie les témoins pour leurs observations.
J'ai interrogé différents témoins, qui nous ont parlé de l'innovation technologique, au sujet de la réglementation fédérale touchant les dispositifs médicaux. J'aimerais obtenir vos commentaires là-dessus. Évidemment, les soins de santé sont presque entièrement gérés par les provinces. Le domaine dans lequel le gouvernement fédéral joue un rôle direct est celui de la réglementation. Je sais que nous avons entendu des commentaires à ce sujet des deux côtés.
Un médecin, le Dr Rob Ballagh, a déclaré que c'était extrêmement frustrant. Un autre, le Dr Emad Guirguis, a affirmé qu'il trouvait le processus réglementaire assez harmonieux, comparativement à celui des États-Unis.
S'agit-il d'un domaine où il y a place à l'amélioration, et, le cas échéant, quel type d'améliorations envisagez-vous?
En ce qui a trait aux dispositifs médicaux, dans le secteur pharmaceutique, il y a encore beaucoup de règlements. Dans certains cas, il y en a peut-être trop, et, dans d'autres, il n'y en a peut-être pas assez. Dans ce domaine, c'est un peu comme le far west sur le plan du processus réglementaire, tant aux États-Unis qu'au Canada. Pour ce qui est de l'évaluation des technologies dans le secteur de la santé, nous avons très peu de capacité pour déterminer la valeur des nouveaux dispositifs médicaux.
Le type de commercialisation qu'on utilise dans le secteur pharmaceutique est également utilisé par les fabricants de dispositifs médicaux. Il n'existe pas de règlements pour l'encadrer. Dans le secteur pharmaceutique, les pratiques sont à tout le moins incorporées dans la réglementation. En ce qui concerne les dispositifs médicaux, nous observons de drôles de choses
Peut-être que Steve Morgan aurait quelque chose à ajouter. Essentiellement, d'après le contenu de la Loi sur les aliments et drogues et les rapports qui ont été publiés, l'évaluation de la rentabilité et les pratiques de commercialisation qui sont appliquées... Je crois savoir que c'est très problématique. Je sais que nous essayons de mieux comprendre.
Dr Rachlis également.
Pouvez-vous être bref, docteur Rachlis, pour que M. Morgan puisse intervenir également?
Je crois que Marc-André l'a bien expliqué. Il est clair que certains organismes fédéraux devraient savoir quels médicaments sont prescrits aux Canadiens et établir un lien entre ces médicaments et les effets secondaires que les gens éprouvent, car la commercialisation et la surveillance constituent un important problème.
Je conviens avec Marc-André que la situation est pire dans le domaine des dispositifs médicaux. Il faut vraiment que le gouvernement fédéral fasse en sorte qu'il existe des registres des produits comme les articulations, les valvules cardiaques, etc., pour que nous puissions savoir quels dispositifs sont utilisés. Il faut au moins exiger cela du gouvernement fédéral.
Je ne pense pas avoir grand-chose à ajouter si ce n'est que de répéter que la réglementation concernant les dispositifs médicaux constitue un défi particulier pour un certain nombre de raisons.
À mon avis, il faudrait notamment se demander dans quelle mesure le Canada collabore avec des organismes de réglementation étrangers en ce qui concerne la réglementation visant les dispositifs médicaux. Je sais que nos organismes de réglementation rencontrent ce qu'ils appellent le réseau des dirigeants des agences.
Il me semble qu'il s'agit là d'un sujet dont ils devraient discuter à l'échelle internationale, en partie parce que les recherches scientifiques qui mettent en cause des dispositifs médicaux ou des médicaments ont un intérêt non seulement pour le Canada, mais aussi pour d'autres pays comparables au nôtre. Différents pays sont aux prises avec des problèmes très similaires. Nous pourrions probablement en apprendre au sujet d'innovations en matière de réglementation dans d'autres pays.
C'est excellent; j'allais d'ailleurs vous demander ce qu'il en est de la collaboration internationale. J'ai déjà posé la question à d'autres témoins, alors je vous remercie, monsieur Morgan, de l'avoir soulevée.
Je pense au diabète juvénile et aux efforts déployés parallèlement au Canada et en Australie pour concevoir un pancréas artificiel. Il faut toutefois préciser qu'il y a échange d'information entre les deux groupes. Croyez-vous que le Canada collabore suffisamment à l'échelle internationale dans le secteur de la santé pour ce qui est des innovations technologiques? Avez-vous des exemples qui le démontreraient?
Il faut reconnaître que la mise en commun des données cliniques est l'un des principaux secteurs où il y a collaboration à l'heure actuelle. L'Agence européenne des médicaments instaure un régime de divulgation complète de toutes les données cliniques sur les médicaments et les instruments médicaux à compter de 2014. En matière de divulgation des données et de transparence, le Canada est encore loin en arrière...
La présidente: Merci, monsieur Gagnon.
M. Marc-André Gagnon: ... et je crois que ce serait peut-être la première lacune à corriger.
Merci, madame la présidente.
Merci à nos témoins de leur présence aujourd'hui.
J'ai d'abord une question pour M. Gagnon. J'étais en train de jeter un coup d'oeil au document que vous nous avez fourni, et je tiens à vous en remercier. À la page 25, on retrouve ce que vous appelez « Une modeste proposition », où il est question de rétablissement de la durée des brevets et de prolongation de l'exclusivité des données. Faut-il conclure de cette proposition que l'accord découlant implicitement de la création du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés en 1987 pourrait donner de bons résultats s'il était mis en oeuvre et administré correctement?
Le fait est que cet accord ne tient plus.
M. Matthew Kellway: Tout à fait.
M. Marc-André Gagnon: Je ne sais pas trop... En fait, nous ne l'appliquons plus. Les entreprises pharmaceutiques nous disent que les choses ont changé et qu'il est donc normal qu'elles ne respectent plus l'entente. Je conclus essentiellement que si l'accord n'est plus valable du côté des entreprises pharmaceutiques, il devrait en être de même du point de vue du gouvernement. Il ne faut pas nécessairement se montrer moins généreux dans la protection des brevets, mais tout au moins transformer la manière dont les prix des médicaments sont établis au Canada et le fait que nous nous contentons toujours d'être au quatrième rang des pays où les médicaments sont les plus chers...
Cette « modeste proposition » a été essentiellement mise de l'avant dans le contexte des négociations de l'AECG. L'idée est assez simple. Si l'on souhaite aller de l'avant en augmentant la protection des brevets pour se rapprocher de la parité avec l'Europe, il faudrait, dans le même souci de parité, diminuer de 15 % le prix des médicaments brevetés. Il faut pour ce faire démanteler le système de liaison avec les brevets en usage au Canada. L'Italie a voulu implanter un système semblable, et l'Europe lui a répondu qu'elle n'avait pas le droit de le faire, mais voilà qu'on nous impose même une expansion de ce système.
Dans ces circonstances, si vous voulez procéder au rétablissement de la durée des brevets, une solution qui peut sembler logique, il faut considérer que toutes les fois que l'on accorde ainsi des privilèges, il faut aussi imposer des conditions. Il n'est pas vraiment logique de croire qu'en augmentant les privilèges, on obtiendra des retombées comme par magie. Ce n'est pas comme cela que les choses se passent. Il y a eu des résultats en 1987 parce que nous avons imposé des conditions, et nous devons faire de même aujourd'hui.
Alors c'est dans le contexte de l'AECG...
M. Marc-André Gagnon: Oui.
M. Matthew Kellway: ... que cela a été négocié en quelque sorte. D'accord, je comprends mieux.
Monsieur Morgan, si j'ai bien saisi votre exposé, vous nous disiez que si l'on souhaite accroître l'innovation au Canada, il fallait renforcer nos capacités pour attirer des investisseurs privés. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par ce renforcement des capacités et nous indiquer comment il faudrait nous y prendre?
Certainement.
D'une manière générale, les pays qui réussissent assez bien à attirer des activités de recherche et développement sont ceux qui consentent des investissements stratégiques dans les ressources humaines, les réseaux et les infrastructures nécessaires à la recherche scientifique. Il s'agit en fait d'investir dans ces capacités pour attirer les meilleurs chercheurs au Canada et, plus particulièrement, dans certaines régions du pays de manière à créer des grappes d'innovation misant sur l'excellence en recherche scientifique, en partie grâce au financement du gouvernement, des contribuables et de l'industrie.
D'après ce qu'on a pu constater à l'échelle internationale, il est préférable de miser sur les investissements directs que sur les incitatifs indirects, car on s'assure ainsi de retombées à tout le moins équivalentes aux sommes investies dans les recherches menées au Canada. Il va de soi que les activités semblables attirent également des investisseurs du secteur privé qui souhaitent tirer parti de la présence de ces cerveaux, de ces bases de données et de ces réseaux.
Pour ce qui est de la portion institutionnelle de ces capacités, parlez-vous des établissements d'enseignement postsecondaire comme les universités, ou avez-vous autre chose à l'esprit?
Dans le contexte canadien, différents acteurs ont un rôle à jouer. Il y a notamment le milieu universitaire, les réseaux hospitaliers et les agences nationales qui s'intéressent aux innovations stratégiques en matière de santé.
Je considérerais judicieux de cibler les investissements dans les secteurs où nous avons obtenu de bons résultats, comme celui de la biotechnologie. Le Canada pourrait aussi jouer un rôle assez important dans le domaine de la médecine personnalisée. Dans des secteurs semblables, on peut profiter du fait que le Canada a un régime de santé universel qui nous permet de mener des essais cliniques afin de recueillir des données sur de très larges segments de la population.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci, messieurs, de votre présence devant le comité aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. Gagnon. La page 5 de votre présentation illustre le coefficient de recherche et développement par rapport aux ventes. J'aurais besoin de quelques précisions. Dans la liste des pays, je note que la Suisse semble avoir des réinvestissements supérieurs de 35 % aux ventes totales. Pouvez-vous m'expliquer comment cela fonctionne? D'où vient cet argent?
Le coefficient de recherche et développement par rapport aux ventes est essentiellement une comparaison entre les sommes investies en recherche et développement dans un pays et le montant total des ventes de médicaments brevetés au prix départ usine.
Comme on peut le voir clairement sur le graphique, la Suisse est en fait l'exception. On y trouve deux grandes entreprises pharmaceutiques, Hoffman-La Roche ou Roche et Novartis qui investissent considérablement en recherche et développement. Comme la Suisse n'est pas un pays très peuplé, les ventes sont toutefois très faibles. C'est pourquoi le coefficient es supérieur à 100 %.
Est-ce que vous comparez avec les ventes effectuées au pays? Pour nous, ce serait donc les ventes au Canada, car les entreprises suisses vendent leurs produits partout dans le monde.
Tout à fait, mais il s'agit ici d'une comparaison entre les investissements nationaux en recherche et développement dans le secteur pharmaceutique et les ventes nationales de produits.
D'accord, parce qu'on constate que le coefficient est actuellement inférieur à 7,5 % au Canada et que l'on inclut exclusivement les ventes canadiennes. Comme vous le savez très bien, le marché principal pour les entreprises pharmaceutiques basées au Canada n'est pas notre pays lui-même, mais bien les États-Unis. Par conséquent, si l'on veut un portrait plus clair des ventes totales, à combien se chiffrent les réinvestissements?
D'accord, je vois où il peut y avoir confusion.
On compare uniquement les sommes investies dans un pays en recherche et développement et le total des ventes de toutes les entreprises pharmaceutiques au monde à l'intérieur de ce même pays. Ainsi, nous avons dépensé au Canada quelque 18 milliards de dollars pour acheter des médicaments brevetés en 2011, mais les investissements consentis par le secteur pharmaceutique en recherche et développement dans notre pays se sont chiffrés à 960 millions de dollars.
La comparaison se fait donc entre la totalité des investissements consentis dans un pays et le total des ventes effectuées par l'ensemble des entreprises pharmaceutiques mondiales dans le même pays. C'est le principal indice de comparaison de l'intensité des activités de recherche et développement entre différents pays.
D'accord, merci. C'est un peu plus clair.
Ma deuxième question s'adresse à tous nos témoins et nous ramène à notre sujet de l'innovation technologique. Pourriez-vous nous donner un exemple d'innovation technologique qui a amélioré les traitements ou les soins prodigués aux patients dans votre secteur d'activité?
Je vais essayer de répondre, mais je voudrais aussi revenir à la question des médicaments génériques.
Dans les années 1980 et 1990, le secteur pharmaceutique a été marqué par des innovations en profondeur qui ont grandement contribué à maintenir en santé un grand nombre de Canadiens. Malheureusement, trop de gens n'ont pas les moyens de se procurer les médicaments qui leur sont prescrits. Une innovation stratégique possible consisterait à mettre gratuitement à la disposition de tous les Canadiens les médicaments qui sont maintenant génériques en procédant à leur acquisition dans le cadre d'un processus d'appel d'offres qui en ferait baisser les prix à un point tel qu'il deviendrait en fait moins coûteux pour le gouvernement de les donner que d'en subventionner l'achat par les démunis et les aînés comme il le fait actuellement.
Je crois vraiment que nous devons aborder l'innovation en matière de santé de façon globale, plutôt que de nous intéresser ponctuellement aux différentes technologies. L'acquisition des médicaments génériques est un moyen efficace pour gérer la commercialisation des technologies du passé et réaliser ainsi des économies qui nous permettront de mieux financer les technologies de l'avenir.
Il y a aussi le fait que l'on prescrit parfois des médicaments dispendieux alors que des produits moins chers sont disponibles, ou que l'on ne devrait tout simplement pas en prescrire et miser plutôt sur des traitements non pharmacologiques, comme les soins chiropratiques, la physiothérapie ou le travail social, qui sont souvent aussi efficaces, voire davantage, sans les effets secondaires des médicaments.
Ce manque d'efficacité si répandu dans la prescription des médicaments est attribuable dans une certaine mesure aux professionnels de la santé, mais aussi à la façon dont nous organisons nos soins primaires. Au Canada, la plupart des médecins de famille n'ont toujours pas accès à une équipe professionnelle de travailleurs sociaux, de physiothérapeutes, de chiropraticiens et d'autres spécialistes qui pourraient offrir des soins non pharmacologiques.
On ne se sert toujours pas non plus des dossiers de santé électroniques. Le Canada fait piètre figure en la matière sur la scène internationale.
Merci beaucoup, docteur Rachlis.
Nous passons maintenant à M. Carrie qui va partager son temps avec Mme Block.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Docteur Rachlis, j'aimerais vous parler un moment, car j'ai beaucoup d'admiration pour vous. J'ai lu au moins un de vos ouvrages. Je suis très heureux d'entendre aujourd'hui votre opinion au sujet de l'innovation et des pratiques exemplaires.
Vous avez souligné tout à l'heure à quel point notre régime de soins peut être archaïque. Je me demandais si vous pouviez nous donner des conseils à ce sujet. D'après vous, qu'est-ce qui nous empêche d'adopter au Canada certaines de ces innovations qui ont fait leurs preuves?
Je parlais récemment à une amie qui est allée travailler aux États-Unis. Elle me disait qu'elle s'adressait d'abord à une infirmière praticienne lorsqu'elle avait un problème de santé. Par exemple, lorsqu'elle a eu une lésion sur le nez, l'infirmière praticienne a pris toute une série de clichés qu'elle a envoyés par courriel à un spécialiste qui, selon elle, devait analyser plus de 100, voire 200, cas par jour, alors qu'il ne pourrait en étudier que 30 ou 40 suivant un modèle traditionnel comme le nôtre.
Vous avez parlé des chiropraticiens. Eh bien, au Royaume-Uni, on les envoie même visiter les patients diabétiques chez eux pour éviter de devoir les réadmettre à l'hôpital. À long terme, c'est beaucoup moins dispendieux ainsi.
Nous avons reçu un témoin qui nous a dit que nous payons au Canada pour la forme de soins la plus chère qui soit. Pourquoi donc, d'après vous, n'exploitons-nous pas toutes les capacités des autres professionnels de la santé? Pourquoi ne mettons-nous pas en pratique au sein du système canadien les méthodes qui ont fait leurs preuves ailleurs dans le monde, ou même dans les autres régions du pays?
Il est question du programme d'amélioration de la qualité des soins de santé dans tous les pays, et certains ont déjà pris des mesures en ce sens.
J'étais au Royaume-Uni la semaine dernière et j'ai pu constater à quel point l'Écosse avait pris de l'avance sur la plupart des autorités sanitaires canadiennes en prenant conscience de la nécessité de passer à l'action pour mettre en place un réseau davantage axé sur le patient. Si nous leur emboîtons le pas, nous pourrons en arriver à offrir des soins de meilleure qualité, la solution pour notre système.
Je crois qu'il est très difficile pour tous les réseaux de la santé d'aller de l'avant en la matière en raison surtout de la présence de pourvoyeurs de soins, les médecins plus particulièrement, qui réussissent bien à protéger les importants acquis dont ils disposent. La dernière entente fédérale en matière de santé était notamment déficiente du fait qu'elle n'établissait pas de mandats assez clairs, et les pourvoyeurs de soins se sont retrouvés à être rémunérés davantage pour faire exactement ce qu'ils ont toujours fait.
J'estime que c'est au gouvernement fédéral qu'il incombe d'initier les dialogues susceptibles de nous faire progresser dans l'atteinte de nos objectifs stratégiques. Si nous éprouvons plus de difficulté à cet égard que bien d'autres pays, c'est sans doute en partie dû au fait que bon nombre de ces responsabilités sont confiées aux provinces, ce qui dilue d'autant les efforts pour aller de l'avant.
Il y a près de 35 ans, je collaborais déjà avec une infirmière praticienne. Je n'aurais jamais cru à l'époque que cette façon de faire serait encore si peu répandue aujourd'hui.
Je crois que nous sommes conscients de ce qu'il nous faudrait faire. Nous en parlons depuis tellement longtemps que je pourrais vous indiquer à l'avance tout ce qui va se dire dans les réunions auxquelles je participe maintenant. Mais nous n'arrivons pas à prendre en charge ces questions aussi efficacement qu'on peut le faire ailleurs dans le monde. La fragmentation des responsabilités à l'échelle des provinces est l'un de nos principaux obstacles en ce sens.
Je ne pense pas que le gouvernement fédéral doive assumer ces responsabilités à la place des provinces, mais il devrait plutôt être beaucoup plus... Même si nous nous contentions d'être un maître d'hôtel compétent — pour utiliser une description que l'on aurait pu retrouver il y a 30 ans dans les textes constitutionnels —, je crois que notre système de santé serait beaucoup plus efficace.
Je ne sais pas si c'est vraiment suffisant pour la question que je souhaitais poser à M. Morgan.
Vous avez peut-être déjà répondu à un de mes collègues à ce sujet, mais vous avez parlé à différentes reprises d'une stratégie nationale pour l'innovation en recherche et développement avec les entreprises pharmaceutiques.
Je me demandais si vous pouviez nous expliquer — et je sais qu'il ne nous reste qu'une petite minute — comment vous vous y prendriez pour mobiliser le secteur privé, les entrepreneurs et tous ces gens aux fins d'une stratégie nationale.
Il faut tenir un processus consultatif afin d'établir une stratégie et de déterminer les créneaux d'intervention. À titre d'exemple, le Canada accuse toujours du retard par rapport aux instances comparables pour ce qui est de la mise en place d'une stratégie nationale en matière de médecine personnalisée. Même si seulement la moitié des promesses de ce paradigme scientifique de la médecine devaient se concrétiser, nous ne pouvons pas nous permettre de rater l'occasion.
On pourrait donc débuter avec un processus, qui pourrait être mené par Génome Canada et d'autres partenaires, pour l'élaboration d'une stratégie en matière de médecine personnalisée, et s'en servir comme base pour la suite des choses.
Merci beaucoup.
Madame Fry, il nous reste à peine deux minutes. Vous avez le temps de poser une question.
Merci beaucoup.
J'aimerais revenir à votre déclaration à propos de la recherche fondamentale. Au point 4 concernant les nouvelles tendances, vous indiquez que le financement public destiné à la recherche fondamentale ou clinique n'est pas organisé comme les campagnes commerciales.
C'est ce que nous ont dit bien des témoins avant vous. Si nous trouvons un moyen de mettre en place les capacités voulues aux fins de la recherche fondamentale, nous pouvons alimenter les processus d'innovation — notamment via la recherche translationnelle nécessaire dans le contexte de notre système national de santé — de manière à attirer les ressources dont nous avons besoin. Croyez-vous vraiment que nous pourrons ainsi susciter l'intérêt des entreprises pharmaceutiques de partout au pays et de tous ceux qui sont à la recherche de façons novatrices de dispenser les soins de santé?
Le gouvernement fédéral a un rôle très important à jouer à cet égard; nous l'avons assumé dans le cadre de Partenariat technologique Canada, puis le tout a été annulé en 2007. Il y a donc un modèle à suivre. Pensez-vous vraiment que cela rapporterait des dividendes?
Si vous voulez savoir ce qu'il adviendrait si l'on organisait la recherche fondamentale en fonction de la possibilité d'en tirer des dividendes pécuniaires, je crois...
Si l'on parvient à développer une expertise considérable au niveau universitaire en misant sur de nombreux docteurs et professeurs, les perspectives de recherche sont tout simplement formidables.
La recherche fondamentale s'effectue déjà via les mécanismes publics, non seulement au Canada mais partout dans le monde. Cette recherche sert de base aux travaux de la plupart des sociétés pharmaceutiques. Elles font simplement l'acquisition des molécules les plus prometteuses qui sont découvertes pour les intégrer à leurs activités de recherche appliquée.
Le problème vient du fait que ces sociétés confient de plus en plus de travaux de recherche à des entités externes. Cette formule n'est pas forcément mauvaise, car nous savons que les petites entreprises sont souvent à la source de l'innovation — en biotechnologie, par exemple —, mais on en vient à se demander pour quelles raisons nous avons toujours besoin des grandes sociétés pharmaceutiques pour commercialiser des produits...
Merci, monsieur Gagnon.
Nous n'avons malheureusement plus de temps, car il nous faut maintenant discuter des travaux du comité. Je tiens toutefois à remercier grandement M. Gagnon, M. Morgan et Dr Rachlis pour les observations très intéressantes dont ils nous ont fait part aujourd'hui. Tout cela nous sera fort utile.
Nous allons interrompre la séance pendant quelques minutes avant de poursuivre à huis clos.
Un grand merci à tous.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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