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Bonjour, mesdames et messieurs. La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions l'innovation technologique.
Nous avons un invité spécial aujourd'hui, mon petit-fils Matthew, qui est assis sur le côté.
Une voix: Imaginez ça!
La présidente: Il veut assister à la réunion du comité. Ma fille est également ici. Elle vient tout juste d'entrer. Tous deux se joignent à nous au comité de la santé.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à tout le monde. Je sais que nous aurons une journée très chargée. J'aimerais avertir nos témoins que nous pourrions entendre le timbre à un moment donné. Je m'en excuse d'avance, mais, si cela se produit, nous devrons regagner la Chambre pour voter.
Nous accueillons aujourd'hui quelques personnalités très prestigieuses. De l'Agence de la santé publique du Canada, nous avons le Dr Frank Plummer. Bien entendu, chacun sait qui est le Dr Plummer. Il a énormément contribué à notre comité et à la santé au Canada.
Par vidéoconférence, de Vancouver, en Colombie-Britannique, nous avons le Dr David Huntsman, professeur de pathologie et directeur médical du Centre de génomique translationnelle et appliquée. Également par vidéoconférence, de Vancouver, en Colombie-Britannique, nous avons M. Marco Marra, directeur du Centre des sciences génomiques.
M'entendez-vous bien, messieurs?
Une voix: Oui, nous vous entendons.
La présidente: Excellent.
Nous avons également ici M. Warren Chan, professeur à l'Université de Toronto. Nous sommes très heureux de votre présence, monsieur Chan.
Quelques autres personnes se joindront à nous, je crois. M. Normand Voyer, professeur au département de chimie de l'Université Laval, devrait arriver sous peu.
Nous sommes donc au complet aujourd'hui.
Je répète que des votes sont organisés en ce moment. Je suis sûre que nous entendrons le timbre avant la fin de notre réunion. Je vous présente d'avance mes excuses pour l'interruption. Nous déciderons, le moment venu, si nous reprendrons la séance, selon le temps qui nous restera.
Je vais commencer par les vidéoconférences.
Monsieur Marra, docteur Huntsman, je sais que vous appartenez à des organisations différentes, mais je vais donner la parole en premier à M. Marra, de l'Agence du cancer de la Colombie-Britannique.
Vous pouvez commencer, monsieur Marra.
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Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. J'ai cru comprendre que vous souhaitiez avoir des renseignements sur la nature de nos recherches, nos réussites, nos difficultés et nos recommandations.
Je vais commencer par vous présenter un bref historique du Centre des sciences génomiques de l'Agence du cancer de la Colombie-Britannique, que j'ai l'honneur de diriger.
Le Centre des sciences génomiques a été créé par les Drs Victor Ling et Michael Smith vers la fin des années 1990 dans le but de développer la technologie au point de rendre possible le décodage de routine de l'ADN cancéreux. Au moment où je me suis joint à l'équipe, vers 2000, le centre comptait une douzaine d'employés. Les années qui ont suivi ont servi à créer des capacités et à bâtir notre réputation. Je dirai que nous avons atteint un point tournant lorsque nous avons réussi le séquençage du coronavirus du SRAS en collaboration avec le Dr Frank Plummer, qui est avec vous aujourd'hui, le Dr Robert Brunham, du Centre de lutte contre les maladies de la Colombie-Britannique, et d'autres. La raison pour laquelle cette réalisation était importante dans le contexte de notre travail actuel, c'est qu'elle a prouvé que le séquençage de l'ADN peut révéler l'ennemi, si vous voulez.
La création de capacités s'est poursuivie, de sorte qu'en 2006 et 2007, notre centre est devenu l'un des quatre sites internationaux d'accès à un nouveau type d'appareil représentant la nouvelle génération de séquenceurs d'ADN. Ce lecteur d'ADN peut lire tous les caractères du génome humain à des rythmes considérablement plus élevés que la génération précédente. À l'époque, le prix de la réalisation d'un génome humain était de l'ordre de 75 millions de dollars. Les choses sont très différentes aujourd'hui. Nous sommes un centre international de pointe ayant la capacité de réaliser chaque année quelque 3 000 génomes humains exacts grâce à une infrastructure informatique de calibre mondial. À l'heure actuelle, à notre centre de l'Agence du cancer de la Colombie-Britannique, nous avons une capacité informatique de 60 téraflops, 7 000 coeurs de processeur et 7 petaoctets d'espace disque, grâce à laquelle le prix de la réalisation d'un génome humain exact s'élève maintenant à moins de 5 000 $ et continue à baisser.
Dans les cinq ou six dernières années, le coût du séquençage d'un génome humain est passé de 50 millions de dollars à 5 000 $. Partout dans le monde, on commence à se rendre compte de tout ce qu'il est possible de réaliser grâce à un séquençage accessible et peu coûteux.
Aujourd'hui, les enquêteurs principaux du Centre des sciences génomiques s'occupent de 392 projets dotés d'un financement total d'environ 590 millions de dollars. Nous avons actuellement des projets actifs qui coûteront 248 millions de dollars d'ici la fin de 2016, ainsi que 543 collaborations, dont 358 locales, 83 pancanadiennes et 101 internationales.
Les sources de financement jouent un rôle très important. Nous dépensons entre 20 et 25 millions de dollars par an, que nous devons aller chercher un peu partout, à l'exception d'un million de dollars, en présentant des demandes de subventions aussi bien au Canada qu'à l'étranger. À l'heure actuelle, notre financement vient à 75 p. 100 de sources canadiennes et à 25 p. 100 de sources américaines.
Nos principaux donateurs comprennent Génome Canada, Génome Colombie-Britannique, les Instituts de recherche en santé du Canada, les National Institutes of Health des États-Unis et la Fondation canadienne pour l'innovation. Cela m'amène à quelques-unes des difficultés que notre centre doit affronter. Le Centre des sciences génomiques est censé constituer une entité fortement basée sur la collaboration. En fait, je collabore très étroitement avec le Dr Huntsman, qui est assis à côté de moi, et continuerai à le faire tant que nous utiliserons cette technologie pour essayer d'éclaircir les mystères du cancer.
Pour exploiter un centre comme le nôtre et maintenir la large collaboration dont nous profitons tous, je crois, il est absolument essentiel pour nous de continuer à avoir accès à un important financement. Nous nous félicitons de l'existence de Génome Canada. Nous sommes également encouragés par le fait que les Instituts de recherche en santé du Canada appuient les sciences génomiques. Nous sommes reconnaissants aux National Institutes of Health pour les fonds qu'ils nous avancent et qui, au fil des ans, ont totalisé plus de 135 millions de dollars. De plus, sans la Fondation canadienne pour l'innovation, nous n'aurions pas eu accès aux technologies de pointe. Nous sommes vraiment reconnaissants. Nous remercions toutes ces organisations de leur appui constant aux sciences génomiques.
Nous tenons beaucoup à insister sur le fait qu'un engagement à long terme au maintien d'une infrastructure de pointe est absolument nécessaire au succès d'une opération à grande échelle comme la nôtre ainsi qu'à la réussite de la nouvelle ère de la médecine personnalisée.
La Fondation canadienne pour l'innovation fait un travail extraordinaire en créant des occasions, mais nous voudrions recommander d'accroître la fréquence de ces occasions. Lorsque des décisions de financement sont prises, il arrive que les appareils de séquençage de l'ADN ne fassent pas le poids lorsqu'ils sont en concurrence avec des brise-glaces. Je suppose que nos projets sont moins impressionnants que la construction de brise-glaces, mais c'est le genre de concurrence que nous devons parfois soutenir.
Cela m'amène à la médecine personnalisée, qui est l'un des sujets qu'on m'a demandé d'aborder. Avec la baisse du coût du séquençage, différents groupes, un peu partout dans le monde, ont pris conscience de la possibilité — ou plutôt de l'impératif — d'exploiter cette technologie pour essayer de déchiffrer la signature moléculaire du cancer et de mettre au point des thérapies plus efficaces.
Nous avons été parmi les premiers du monde à publier, en 2010, nos premières observations concernant l'utilisation du séquençage de l'ADN pour traiter un cancer rare. Je suis heureux de signaler que nous participons actuellement, en collaboration avec le Dr Janessa Laskin, de l'Agence du cancer de la Colombie-Britannique, le Dr David Huntsman et d'autres, à une initiative visant à appliquer la technologie d'une manière plus systématique pour déterminer, dans le cas de maladies qui résistent aux traitements, la meilleure façon d'utiliser les ressources du système de soins de santé.
Le projet consiste dans une grande mesure à séquencer l'ADN cancéreux, à trouver des mutations et d'autres erreurs du code génétique, puis à essayer de faire correspondre ces mutations et erreurs aux médicaments existants en vue de trouver de nouveaux produits ou de nouvelles combinaisons de produits pouvant améliorer l'état du patient. Nous croyons qu'il est très sensé d'agir ainsi, mais nous avons rencontré de nombreux obstacles.
L'un des obstacles les plus sérieux relevait non de la technologie, mais du simple accès aux médicaments. Lorsque nous découvrons une nouvelle combinaison de produits pharmaceutiques qui, à notre avis, est susceptible de faire du bien au patient en fonction de son profil moléculaire, il s'avère souvent qu'un ou plusieurs produits sont contre-indiqués pour la maladie en cause. Cela nous empêche d'obtenir de nouveaux médicaments pour les patients. Hier soir, pendant que je discutais avec une personne qui fait le même genre de travail aux États-Unis dans une organisation appelée TGen, je me suis aperçu avec beaucoup d'intérêt qu'elle était en butte à des problèmes identiques.
C'est peut-être une chose que le comité voudra examiner: Dans cette ère de médecine personnalisée, comment pouvons-nous administrer les médicaments les plus récents à des patients dont le profil moléculaire indique qu'ils peuvent en profiter?
Cela met fin à mon exposé. Je vous remercie.
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Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de m'adresser au comité aujourd'hui. Comme Marco l'a dit, je collabore très étroitement avec lui et, comme beaucoup d'entre vous, j'ai de multiples responsabilités.
Je dirige une équipe de recherche sur le cancer de l'ovaire en Colombie-Britannique, qui a fait d'énormes progrès dans la compréhension de cette maladie grâce à l'infrastructure bâtie par Marco et ses collègues. Nous avons réussi à découvrir les mutations qui sont à la source de plusieurs types de cancer de l'ovaire, ce qui a immédiatement permis d'adopter de nouvelles stratégies de diagnostic et de travailler à la mise au point de nouveaux traitements.
Je dirige également le Centre de génomique translationnelle et appliquée qui se sert des découvertes génomiques pour trouver des méthodes diagnostiques cliniquement utilisables. Nous espérons pouvoir ensuite les transférer aux laboratoires non seulement au Canada, mais à l'échelle internationale.
Ma dernière responsabilité découle de ma participation à l'initiative de médecine personnalisée de la Colombie-Britannique, sur laquelle je reviendrai à la fin de mon exposé. La personnalisation ou individualisation de la lutte contre les maladies présente un grand intérêt parce que c'est le seul moyen d'avancer que nous ayons actuellement. En fait, la génomique prépare la voie à la médecine à haut contenu. Notre but est essentiellement d'améliorer les décisions. En grande majorité, les décisions médicales sont très comparables à une personne qui lance une fléchette sur une cible avec les yeux bandés. Les gens qui prennent des décisions n'ont pas l'information dont ils ont besoin pour faire des choix parfaitement adaptés à leurs patients.
À mesure que nous avancerons dans l'utilisation de la médecine personnalisée, nous nous demanderons probablement pourquoi nous recourons à la génomique dans le contexte du cancer et de la microbiologie. La raison pour laquelle la génomique vient en premier, c'est que l'ADN — comme beaucoup de criminels l'ont découvert — est très difficile à détruire et que les acides nucléiques sont très faciles à étudier. Nous pouvons nous servir de technologies numériques telles que les extraordinaires appareils de séquençage mis au point par Marco et son équipe pour décoder le cancer.
Tout ce que nous apprenons sur l'utilisation de la génomique peut s'appliquer à la protéomique, à la métabolomique et à toute autre façon d'examiner la biologie d'une manière large et approfondie.
Le cancer et la microbiologie viendront toujours en premier. C'est la raison pour laquelle je crois que le Dr Plummer est présent aujourd'hui. En effet, dans les deux cas, il est possible de prélever des tissus malades et d'examiner le génome de l'entité qui cause le problème — c'est-à-dire le cancer ou un quelconque micro-organisme — séparément de l'hôte. Nous apprenons ainsi des choses sur le cancer que nous espérons pouvoir appliquer dans d'autres domaines de la médecine.
Les découvertes que nous faisons et les choses qui parviennent aux secteurs cliniques devraient améliorer tant la lutte contre le cancer, en fonction de sa susceptibilité, que son traitement grâce à des essais de séquençage de génomes complets faits à la volée pour aider les patients, un seul à la fois. Mais il s'agit là d'un projet très spécial assez étrange. Même si c'est là une chose à laquelle nous consacrons tous d'importants efforts afin de déterminer de quelle façon utiliser l'information, il est difficile de contester que notre séquençage ainsi que nos génomes complets formeront en quelque sorte un élément de base de notre dossier médical d'ici une vingtaine d'années. Comment allons-nous arriver là? Si les soins de santé au Canada doivent se maintenir au niveau qui existe dans le reste du monde, nous devrons trouver un moyen.
Nous n'avons pas à limiter cela aux établissements de soins tertiaires. Si nous voulons avoir une influence, nous devons le faire là où la plupart des décisions sont prises: même s'il faut commencer dans des cliniques de cancer et des établissements universitaires, nous devons étendre ce processus aux établissements de soins primaires. C'est là qu'intervient l'Initiative de médecine personnalisée de la Colombie-Britannique. Nous avons compris, dans notre province, que même si nous recherchons des succès dans le cas des maladies que nous étudions individuellement, les difficultés que nous rencontrons sont communes à tout le secteur de la médecine, qu'il s'agisse des problèmes éthiques, juridiques ou sociaux qui se posent lorsqu'il faut changer la façon dont les soins de santé sont assurés.
La génomique n'est pas la seule base, il y a aussi la bioinformatique. S'il faut utiliser l'information pour améliorer les décisions cliniques, nous devons renforcer les moyens informatiques non seulement dans les centres de recherche, mais aussi au niveau des outils de décision utilisés dans les soins primaires. Il faudra pour cela un changement de culture d'une part et, de l'autre, une évolution considérable de la formation donnée à tous les professionnels de la santé.
Je voudrais à ce stade faire moi aussi état de ma gratitude, particulièrement envers la Fondation canadienne pour l'innovation, car à défaut de son investissement initial dans le Centre des sciences génomiques, aucun élément de ce travail extraordinaire n'aurait pu se faire en Colombie-Britannique ces dernières années.
Je dirai en outre qu'il faut financer non seulement l'infrastructure, mais aussi les projets — qui doivent être examinés par les pairs — qui utilisent cette infrastructure. Nous avons besoin par exemple de l'appui continu des IRSC. Cela est essentiel si nous voulons améliorer la santé des Canadiens et avoir une économie saine.
Enfin, je voudrais m'associer à Marco au sujet de sa dernière observation. Si nous devons personnaliser le traitement du cancer et d'autres maladies, il faudra repenser la façon de considérer les preuves au stade de l'homologation des médicaments. Les grands essais cliniques de la phase III, qui constituaient le pilier des décisions d'homologation au cours des dernières décennies, ne pourront pas s'appliquer à la médecine personnalisée parce que nous ramenons les échantillons à leur plus bas niveau: n=1. Avec des échantillons de cette taille, il n'y a aucun moyen de réaliser des essais de phase III.
À tous les stades du processus — de la génomique de base à la validation, puis à la mise en oeuvre dans les laboratoires et les cliniques et à l'examen par les organismes de réglementation —, il faudra constamment relever des défis. Je crois que les avantages possibles pour nos patients et pour la santé du pays seront énormes si nous acceptons ce défi et commençons à appuyer les équipes qui adoptent des approches d'avant-garde visant une médecine personnalisée à haut contenu. C'est là une occasion pour le Canada de devenir un chef de file international. Je sais que Marco et moi sommes vraiment enthousiasmés par la possibilité de participer à ce processus et d'y jouer un rôle de premier plan.
Je crois que je vais m'arrêter ici. Nous pourrons ensuite tous les deux répondre à vos questions.
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Bonjour, mesdames et messieurs. C'est un plaisir pour moi de prendre la parole devant vous. Je vous remercie de l'occasion que vous m'avez donnée de vous parler de la façon dont nous utilisons la technologie.
Nous vivons des temps extraordinaires sur le plan des progrès technologiques. La plupart d'entre nous ont vécu l'émerveillement de voir l'homme marcher sur la Lune et la présence d'humains dans une station spatiale; nous sommes passés de l'ère des ordinateurs qui occupaient d'immenses salles à tout un monde qui tient au creux de notre main, de la découverte de l'ADN au séquençage de tout un génome en un très court laps de temps.
Pour vous donner une idée du rythme des progrès réalisés, je vous rappelle qu'il a été possible d'élucider l'empreinte génétique du virus du SRAS en moins de deux semaines en 2003. C'était un exploit extraordinaire à l'époque, que nous avions réalisé en collaboration avec le Centre des sciences génomiques et le Centre de lutte contre les maladies de la Colombie-Britannique. En 2009, en plein milieu de l'épidémie de grippe, il ne nous a fallu que deux jours pour séquencer le virus H1N1. Ce serait encore plus rapide aujourd'hui.
Ces moyens sont extrêmement importants pour réagir rapidement aux maladies infectieuses. D'après diverses estimations, on a découvert de 35 à 50 nouveaux virus et bactéries au cours des 40 dernières années. Certaines des choses qui nous inquiètent beaucoup aujourd'hui, comme l'E. coli 0157, le VIH, etc., étaient inconnues lorsque j'ai entrepris mes études de médecine. Il s'agit dans tous les cas d'organismes nouvellement découverts ou nouvellement pathogènes pour l'homme. Nous avons toutes les raisons de croire qu'on en découvrira de plus en plus, au rythme d'environ une fois par an.
Pourquoi ces menaces se font-elles plus nombreuses? Diverses raisons peuvent expliquer cette augmentation. Il y a, par exemple, les changements écologiques qui permettent à des vecteurs tels que les moustiques de peupler de nouvelles régions. Ainsi, pour la première fois depuis des années, nous avons eu des cas de dengue hémorragique en Floride. Il y a aussi les changements démographiques et l'évolution des comportements humains: les gens sont de plus en plus concentrés dans les villes et se désintéressent de l'agriculture de subsistance; certains vont maintenant s'établir dans des régions autrefois inhabitées; de plus, avec la mondialisation, la période d'incubation de la plupart — mais non de la totalité — des maladies infectieuses est inférieure au temps qu'il faut pour aller d'un point du globe à un autre.
Il y a aussi la croissance rapide de la technologie, y compris celle de la santé, qui, malgré les améliorations qu'elle apporte à notre vie, peut à l'occasion susciter de nouvelles menaces. Il faut ajouter à cela l'adaptation et l'évolution des microbes, qui changent beaucoup plus rapidement que nous ne pouvons le faire.
Les agents infectieux illustrent parfaitement la théorie de l'évolution de Darwin et ce, dans un laps de temps très court. Ils sont intrinsèquement conçus pour s'adapter et survivre en évoluant constamment pour contrer les interventions humaines. Ils ont une vie sexuée et échangent du matériel génétique qui leur donne des caractéristiques jusqu'alors inconnues.
Nous sommes un peu comme la reine rouge de Lewis Carroll dans De l'autre côté du miroir. Nous devons courir de plus en plus vite pour rester au même endroit et nous tenir à l'abri de ces menaces. Le plus difficile, pour une agence de santé publique qui essaie de lutter contre les maladies infectieuses, c'est d'essayer de prévoir ce qui va se produire. Il est impossible en fait de tout prévoir dans les détails, mais il faut être prêt à affronter n'importe quoi ou presque.
Je vais vous parler des cinq tactiques que nous utilisons, à l'Agence de la santé publique et ailleurs, pour faire face à ces menaces.
La première tactique consiste à détecter rapidement les maladies infectieuses et à donner l'alerte. L'Agence de la santé publique du Canada dispose à cet effet de divers outils, dont certains que nous avons nous-mêmes mis au point pour combler les lacunes existantes. Le Réseau canadien de renseignements sur la santé publique, ou RCRSP, est l'un des plus importants. C'est un système en ligne sécurisé qui compile les renseignements de différents systèmes de surveillance et envoie des alertes aux usagers. Nous pouvons nous servir de l'information recueillie, comme des ventes inhabituelles de médicaments sans ordonnance contre la diarrhée, pour déceler des circonstances insolites. Cette information ne nous renseigne pas d'une façon précise sur ce qui se passe, mais nous indique que quelque chose ne va pas. Le système a été mis au point par le personnel de l'agence. Plus de 4 000 agents de santé publique l'utilisent couramment, sur une base quotidienne, partout dans le pays.
Ces outils nous aident également à déterminer l'existence et l'ampleur d'une éclosion en décelant des cas similaires dans différentes administrations. Ils ont beaucoup servi dans le cadre de notre réaction à la crise causée par la contamination à l'E. coli de la viande provenant des abattoirs de XL Foods, il y a environ un mois.
La deuxième tactique est le confinement rapide à la source. Il arrive qu'il ne soit pas possible d'envoyer le spécimen au laboratoire. Nous avons donc mis au point une stratégie nous permettant d'envoyer le laboratoire au spécimen. C'est parfois plus commode d'envoyer sur place nos gens équipés de la technologie nécessaire que d'envoyer des échantillons au laboratoire.
Nous avons mis au point deux laboratoires mobiles très particuliers. Le premier est un laboratoire sur roues. Ce laboratoire de niveau 3 à la fine pointe de la technologie peut se rendre à des endroits tels que les sites olympiques de Vancouver ou les lieux de réunion du G8 ou du G20 en Ontario pour intervenir en cas d'actes de bioterrorisme. Une partie du travail qui est accompli comprend l'échantillonnage de l'air et la vérification des colis suspects.
L'autre laboratoire, qui tient dans une série de 13 valises, peut être placé à bord d'un vol régulier. Il permet d'intervenir en cas d'éclosion de maladies infectieuses, comme la fièvre hémorragique Ebola en Afrique. Nous avons récemment envoyé une équipe en République démocratique du Congo pour lutter contre une éclosion d'Ebola.
Notre personnel a adapté à cette fin une technologie de base pour créer un laboratoire permettant aux membres de telles équipes de travailler en toute sécurité sur des échantillons pouvant contenir de tels agents. Ils peuvent ainsi réaliser des tests diagnostiques sur place dans les régions les plus reculées de la planète. L'équipe a été envoyée en Angola, en République démocratique du Congo, au Congo, au Kenya, en Iran et à différents autres endroits.
Cela a changé radicalement la façon dont l'Organisation mondiale de la santé réagit à des épidémies. Vous pouvez imaginer l'avantage qu'il y a dans de telles situations à réaliser un test diagnostique sur place en deux heures au lieu de deux semaines, comme c'était auparavant le cas.
La troisième tactique consiste à utiliser des virus pour combattre des virus. Notre laboratoire de Winnipeg utilise les outils les plus perfectionnés du génie génétique pour créer de nouveaux moyens de produire des vaccins. Nos travaux portent sur des vaccins contre le VIH et des vaccins universels contre la grippe, mais nos percées les plus importantes concernaient deux vaccins contre l'Ebola. Dans les deux cas, nous avons utilisé d'autres virus, inoffensifs pour les humains, pour transmettre à l'organisme des protéines Ebola et des protéines Marburg qui trompent le système immunitaire, lui faisant croire qu'il a affaire à de vrais virus pathogènes pour qu'il produise des anticorps.
Nous travaillons avec le secteur privé en vue de la commercialisation de ces vaccins, qui peuvent jouer un rôle important dans la prévention de la guerre biologique et l'intervention en cas d'épidémies ou d'expositions accidentelles en laboratoire.
La quatrième tactique consiste à utiliser des appareils à haut rendement pour comprendre la génétique. La compréhension de la génétique d'un virus et de ses hôtes, comme les humains, nous aide à reconnaître de nouvelles éclosions du même agent, à créer des vaccins et des traitements, à comprendre l'origine du virus et, dans le cas des hôtes humains, à mieux comprendre de quelle façon les gens sont infectés et pourquoi certaines personnes sont atteintes tandis que d'autres ne le sont pas.
Cette stratégie a beaucoup servi lors de l'éclosion de listériose en 2008 et, plus récemment, lors de la crise de la viande contaminée de XL Foods.
J'ai parlé de la technologie que nous avons mise en place pour le séquençage génétique rapide des virus et des bactéries. Nous avons besoin pour la compléter de capacités dans une discipline que nous appelons la bioinformatique et dont M. Marra et le Dr Huntsman viennent de nous parler.
Il est facile aujourd'hui de produire d'énormes volumes de données, mais leur compréhension constitue un grand défi. Nous pouvons recourir à cette fin à un groupe d'experts de haut calibre qui peut analyser des masses incroyables de données à l'aide de plus de 1 200 processeurs et d'une capacité de stockage de 250 téraoctets. Ces chiffres ne sont pas aussi impressionnants que ceux de M. Marra, mais ils représentent une puissance de calcul considérable.
En fait, cette technologie est tellement perfectionnée que les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis nous ont demandé de les aider à analyser les génomes des bactéries cholériques prélevées lors de l'éclosion qui s'est produite à Haïti.
La cinquième tactique consiste à utiliser la biologie des systèmes pour comprendre les maladies infectieuses. J'ai mentionné la génétique d'un hôte il y a quelques instants. Quand nous parlons d'hôtes, il s'agit habituellement d'humains. La compréhension de notre propre biologie et des interactions des systèmes biologiques nous a fourni une foule de renseignements qui nous permettent de mieux comprendre les infections dues à des pathogènes tels que le VIH et les virus de la grippe.
L'agence a déployé des efforts considérables dans ce domaine. Nous espérons qu'ils nous fourniront la clé qui mettra fin à la pandémie du VIH. On fonde actuellement beaucoup d'espoirs sur des médicaments contre le VIH. Les médicaments sont importants, mais je ne crois pas qu'ils suffisent pour régler le problème. Nous avons besoin d'un vaccin.
C'étaient là quelques tactiques importantes mises en œuvre pour combattre les éclosions. Je voudrais maintenant vous dire quelques mots d'autres progrès de la santé publique que la technologie rend possibles.
Nous entendons beaucoup parler ces temps-ci des médias sociaux et de l'influence qu'ils peuvent exercer sur les opinions et le cours des choses. Cette technologie aussi ouvre des perspectives, mais comporte des risques pour la santé puisqu'elle a contribué, par exemple, à la propagation des maladies transmises sexuellement. Toutefois, les médias sociaux peuvent aussi servir à promouvoir la santé, à intervenir et même à donner l'alerte rapidement. Pendant la pandémie de H1N1, l'Agence de la santé publique a eu recours à des médias sociaux tels que Facebook et Twitter pour communiquer avec les gens.
Compte tenu du temps dont je disposais, je n'ai pu qu'effleurer certaines des technologies les plus récentes en donnant quelques exemples. Toutefois, je crois que vous conviendrez, sur la base de ce que vous avez entendu, que dans ce domaine hautement technique où l'innovation est indispensable, l'Agence de la santé publique est à la fine pointe quand il s'agit d'utiliser ces outils pour la promotion de la santé publique.
Je vous remercie.
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Permettez-moi d'abord de remercier le comité de m'avoir invité à parler de la nanomédecine et de la nanotechnologie.
Je voudrais commencer par souligner que la nanotechnologie est essentiellement une technologie habilitante qui permet de recourir à différents types d'applications. On s'en sert pour fabriquer des processeurs plus rapides et des écrans plus minces. On l'utilise aussi pour diagnostiquer et traiter des maladies.
À l'heure actuelle, le Canada n'accorde pas une très grande attention à la recherche sur la nanotechnologie, à comparer aux autres pays développés du monde. Pour vous donner un exemple, je vous dirai qu'en ce moment, 16 p. 100 de l'ensemble des publications produites à Singapour traitent d'une façon ou d'une autre de nanotechnologie. La Corée du Sud, la Chine et tous les autres pays asiatiques y consacrent beaucoup d'efforts.
Pour ce qui est de l'application de la nanotechnologie en médecine, les États-Unis constituent le premier chef de file. Les Américains ont lancé un programme de nanotechnologie lié à la lutte contre le cancer il y a 12 ans. Ce programme a débouché depuis sur sept centres de traitement du cancer et continue de produire de nouveaux types d'entreprises et des essais cliniques de nouveaux types de médicaments.
J'ai pensé consacrer ces 10 minutes à la nanotechnologie afin d'expliquer en quoi elle consiste et pourquoi elle est importante. Je veux le faire parce que nano est maintenant un préfixe à la mode. On peut voir des tas de films dans lesquels des méchants essaient de changer certaines structures pour devenir encore plus méchants. La nanotechnologie constitue un domaine de recherche très intéressant qui est en pleine croissance.
Il importe tout d'abord de définir la nanotechnologie. Il existe actuellement trois ou quatre définitions. Les États-Unis en ont une, le Japon une autre et le Royaume-Uni une autre encore. Celle que je préfère a été produite par la British Standards Institution. Elle dit que la nanotechnologie est un processus délibéré de conception, de synthèse, de caractérisation et d'application de structures, de dispositifs et de systèmes par le contrôle de la taille et de la forme dans une gamme de dimensions allant de 1 à 100 nanomètres.
Je vais essayer de donner une idée de ce que cette gamme de dimensions représente. Un cheveu, par exemple, a un diamètre compris entre 1 et 10 micromètres. En nanotechnologie, les dimensions sont de 100 à 1 000 fois plus petites que le diamètre d'un cheveu. Il est très important de travailler sur des matériaux taillés dans cette gamme de dimensions parce qu'il est alors possible d'en modifier les propriétés. Dans les technologies traditionnelles, pour produire un nouveau matériau, on commence par en faire la synthèse, ce qui revient à dire qu'il faut créer un nouveau composé chaque fois qu'on souhaite obtenir une propriété différente.
La caractéristique unique en nanotechnologie, c'est que pour obtenir un matériau ayant une propriété tout à fait particulière, il suffit d'en modifier la taille ou la forme. Un fragment tout petit par rapport à un fragment plus grand aura des propriétés complètement différentes, même si le mode de fabrication des deux fragments est identique. La nanotechnologie permet de disposer d'un très grand nombre de matières premières.
Je vous montre ici la vraie nature de la nanotechnologie. C'est cette caractéristique qui a amené les États-Unis à consacrer près d'un milliard de dollars à différentes applications. L'or constitue un bon exemple. Nous avons tous des bijoux en or et savons donc que l'or a une couleur jaunâtre. Toutefois, si on observe l'or à l'échelle nanométrique, on se rend compte qu'en réalité, il est rouge. La couleur peut en fait varier entre différentes teintes de rouge à mesure qu'on modifie la taille du matériau.
Si on a un tout petit fragment, ayant par exemple 1 à 3 atomes d'épaisseur, la couleur est blanchâtre. À une plus grande échelle, par exemple entre 19 et 26 atomes d'épaisseur, la couleur est rouge. Entre 1 et 100 nm, on peut faire varier la couleur en modifiant la taille: avec 6 atomes d'épaisseur, on a du bleu; à 12 atomes, on peut avoir du vert; à 19 atomes, on verra du rouge.
Dans le cas d'un bijou en or, quelle qu'en soit la dimension, la couleur reste jaune. Toutefois, à l'échelle nanométrique, on peut passer du rouge à l'orange ou au vert selon l'épaisseur.
La caractéristique unique des matériaux à l'échelle nanométrique, c'est leur adaptabilité et la possibilité d'obtenir de multiples matières premières pouvant servir à toute une gamme d'applications. Comme je l'ai dit, pour un matériau donné, on peut modifier les propriétés optiques, les propriétés magnétiques et les propriétés électriques. C'est pour cette raison que la nanotechnologie est couramment utilisée pour fabriquer de meilleurs appareils électroniques.
J'ai comme exemple cinq fioles différentes de ce qu'on appelle des points quantiques. Ce sont des nanocristaux de cadmium et de sélénium. À l'origine, ils avaient été produits par l'ancienne Union soviétique pour augmenter la puissance des bombes et fabriquer des matériaux pour la guerre biologique. Aujourd'hui, on trouve des points quantiques dans toutes les nouvelles lumières de Noël vendues par Walmart. Les nouveaux écrans LCD de Samsung contiennent maintenant des points quantiques parce qu'ils donnent une meilleure définition. Voilà la direction vers laquelle les choses commencent à s'orienter.
Ces cinq fioles contiennent exactement les mêmes matériaux, du cadmium et du sélénium. La seule différence, c'est que la verte a 3 nm tandis que la rouge en a 6. La raison pour laquelle le matériau est adaptable à cette taille, c'est qu'on force les électrons à se comporter d'une certaine façon. C'est la base de cette technologie.
Si vous observez les particules d'or présentées sur la droite de la diapositive, vous constaterez qu'elles ressemblent à des petites sphères distinctes observées sous un microscope. C'est essentiellement un métal dur sur lequel on prélève des éclats d'une très faible épaisseur.
L'image suivante montre ce que les scientifiques peuvent faire aujourd'hui des matériaux de taille nanométrique. Ils réalisent de petites structures appelées nanorice, nanostar ou nanocube. Toute forme qu'on peut voir avec les yeux peut maintenant être réalisée à l'échelle nanométrique. Il a fallu 20 ans pour perfectionner les stratégies de fabrication de ces matériaux particulaires. Chaque forme, chaque taille donne des propriétés physiques différentes. Encore une fois, le même matériau peut donner naissance à de multiples matières premières.
Au cours des sept ou huit dernières années, on s'est particulièrement intéressé aux nanotechnologies pour répondre à certains besoins médicaux. Je vais vous donner quelques exemples.
En médecine, il convient de considérer la nanotechnologie essentiellement comme un moyen habilitant permettant de régler certains problèmes liés au diagnostic et au traitement du cancer ainsi qu'à la détection des maladies infectieuses. On commence également à s'en servir pour produire des vaccins et faire de la détection cardiovasculaire. Je vais vous expliquer de quelle façon.
La nanotechnologie a une vaste gamme d'applications. De nombreux chercheurs tentent de produire ce qu'on appelle des agents théranostiques: il s'agit de nanostructures qu'on pourrait injecter dans l'organisme pour détecter une maladie et, une fois la détection faite, pour libérer un médicament permettant de traiter la maladie. Cette façon de procéder se fonderait sur la capacité de détecter et de reconnaître l'environnement local pour déterminer le produit à utiliser et la façon de traiter l'organisme. C'est un nouveau concept qui commence à faire son apparition.
Comme je l'ai mentionné, le grand élan imprimé à la nanomédecine par le gouvernement des États-Unis, vers la fin des années 1990 et le début des années 2000, avait pour but d'établir le programme de nanotechnologie du cancer. Les Américains croient qu'avec la nanotechnologie, on peut détecter le cancer à ses débuts. C'est le concept de la détection précoce: plus tôt le cancer est détecté, plus grandes sont les chances de survie. Une fois que le cancer commence à essaimer dans l'organisme, il devient très difficile à trouver. On souhaite donc le déceler avant qu'il ne se propage. Autrement, c'est un peu comme essayer de trouver une aiguille dans une botte de foin. Les cellules se trouvent un peu partout dans le corps et, même si on traite le cancer à un site, les cellules d'autres sites peuvent commencer à se multiplier.
L'autre application que vise la nanotechnologie du cancer, c'est la thérapie ciblée. On peut en fait concevoir des structures capables de porter le médicament exclusivement au site du cancer en épargnant les cellules saines. L'un des problèmes de la chimiothérapie, c'est qu'on inonde l'organisme d'un produit toxique en espérant qu'il tuera davantage de cellules malades que de cellules saines. Cela explique les effets secondaires de la chimiothérapie. Toutefois, s'il était possible de maintenir le produit toxique à l'intérieur d'une nanostructure et de ne le libérer que dans le site malade, on éviterait complètement d'exposer des tissus sains.
Le troisième élément consiste à améliorer la précision des interventions chirurgicales. Lorsqu'on essaie de procéder à l'ablation d'une tumeur, il suffit de laisser survivre deux cellules cancéreuses pour que la tumeur réapparaisse. Des travaux réalisés à l'Université Rice ont permis d'utiliser des particules produisant de la chaleur pour cibler une tumeur et la détruire au laser.
Cette façon de procéder présente deux difficultés. Premièrement, il faut pouvoir transporter le produit jusqu'à la cible. Comment le faire? Quelle taille et quelle forme conviennent le mieux? Une particule dont la taille est inférieure à 100 nm peut se déplacer dans l'organisme, mais comment contrôler son parcours? Il y a aussi la toxicité du produit utilisé. Certains matériaux ont une surface métallique qui peut occasionner des problèmes.
Le second aspect de la nanotechnologie concerne les processus diagnostiques. Cette diapositive montre une stratégie basée sur l'utilisation de petits grains remplis de nanomatériaux de différentes couleurs, qui servent à produire des codes à barres. Nous avons tous vu à l'épicerie le balayage des codes à barres qui permet au magasin de surveiller ses stocks de chaque produit. Pouvons-nous faire la même chose dans le cas des maladies? Nous pouvons utiliser ces codes à barres à l'échelle moléculaire pour déceler différents caractères génétiques et différentes sortes de protéines associées aux maladies. On pourrait ainsi déceler celles-ci en utilisant non seulement une protéine ou un gène, mais une série de protéines ou de gènes caractéristiques de la maladie.
Les travaux actuels visent à utiliser cette technologie pour créer un appareil portable qu'il serait possible d'utiliser dans les centres de soins pour déceler automatiquement les infections. On n'aurait en fait qu'à appuyer sur un bouton pour savoir, en l'espace d'une heure, si le patient est atteint de la maladie A, B ou C. Sur la dernière diapositive, je prends l'exemple du paludisme, dont une forme est mortelle tandis que l'autre ne l'est pas.
Dans les quelques prochaines années, on insistera beaucoup sur les moyens de transposition et de diagnostic. Des dispositifs portables de diagnostic et de traitement in vitro seront alors commercialisés. Pour ce qui est des applications in vivo, il reste encore beaucoup de travail à faire, mais il sera probablement possible, d'ici 10 à 15 ans, d'injecter certaines substances dans l'organisme pour déceler et traiter les maladies.
Il ne me reste plus qu'à vous remercier. C'était mon exposé sur la nanotechnologie.
J'aimerais d'abord remercier les membres du comité de cette invitation à présenter une partie de mes travaux de recherche qui visent, comme vous pouvez le voir, à construire des nanostructures d'inspiration biologique pour essayer de détruire des cellules bactériennes et cancéreuses.
Je suis chimiste et je remercie
[Traduction]
… M. Chan de son excellente introduction…
[Français]
sur la nanotechnologie. Je n'aurai donc pas à la refaire.
Nous, les chimistes, construisons des molécules à partir de zéro. Nous voulons construire des molécules de l'ordre du nanomètre pour tuer des cellules cancéreuses et bactériennes.
Pourquoi voulons-nous faire cela? En ce moment, sur la planète, la plus importante menace — et le Dr Plummer en a beaucoup parlé — vient du fait qu'il y a de plus en plus de bactéries résistantes à la chimiothérapie actuelle. De plus en plus de cancers sont résistants aux médicaments actuellement utilisés en clinique. S'il n'y a pas de nouveaux développements et si on ne découvre pas de nouveaux médicaments avec de nouveaux modes d'action, on aura un grave problème au cours des années futures. Il sera plus difficile de contrer les infections bactériennes, les infections virales et les infections de toutes sortes, en plus d'avoir des problèmes avec des cancers de plus en plus résistants.
Mon domaine de recherche est prometteur à cet égard. Cette nouvelle avenue pour contrer ce fléau est la nanochimiothérapeutique. Comme vient de le dire le Dr Chan, lorsqu'on développe des substances de dimensions nanométriques, celles-ci ont des propriétés physico-chimiques et biologiques totalement différentes des composés qui ne sont pas de l'ordre du nanomètre.
La nature exploite la nanotechnologie depuis des centaines de milliers d'années puisqu'elle développe des virus, de véritables nanorobots, mais aussi des toxines et des protéines qui ont une dimension nanométrique et qui ont des propriétés absolument incroyables. Une de ces propriétés est de briser l'enveloppe de nos cellules utiles, ce qui conduit à une très grande toxicité.
Pour bien comprendre mon domaine de recherche, il faut essayer de voir que chaque être humain est composé de milliards de petites cellules. Les bactéries sont des organismes n'ayant qu'une seule cellule, mais les humains en possèdent des milliards. L'intégrité de ces cellules est maintenue par ce qu'on appelle la membrane cellulaire. C'est une toute petite couche mince, une espèce de Saran Wrap qui maintient l'intégrité de la cellule. Or lorsqu'on réussit à percer cette membrane des cellules cancéreuses et des cellules bactériennes, cela conduit à la mort des cellules. Par conséquent, certaines toxines et certaines substances que les bactéries vont sécréter ont la possibilité de briser cette membrane et de tuer des cellules.
Notre approche, dans notre laboratoire à l'Université Laval, est d'essayer de mimer ces protéines, de faire le design et la synthèse de nanostructures ou de composés de dimensions nanométriques qui ont la propriété de mimer les toxines naturelles qui attaquent et percent les membranes. On veut viser les cellules qu'on veut détruire, soit les cellules cancéreuses et les cellules des bactéries qui sont de plus en plus résistantes.
L'avantage de cette technique est que cela nous amènera un jour dans une famille qu'on appelle les agents nanochimiothérapeutiques, par extension de la chimiothérapeutique conventionnelle d'aujourd'hui. Ces outils vont potentiellement être des agents thérapeutiques universels pour toutes les bactéries ou tous les virus puisque le mode d'action est totalement inédit. En effet, il n'y aura pas de possibilité de résistance à ce type de mécanisme.
Pour vous donner un exemple, je vous montre un prototype. La source d'inspiration est une protéine, que vous voyez à gauche, avec des rubans verts et de petites boules pourpres. Cette protéine est sécrétée par une bactérie. Il s'agit d'une toxine qui détruit les globules rouges. Si vous êtes infectés par cette bactérie et que cette toxine est dans votre sang, elle va détruire vos globules rouges et vous allez mourir.
Nous nous sommes inspirés de cette protéine pour créer — et vous pouvez le voir à droite — des nanostructures dont la dimension est de trois à quatre nanomètres et qui auront la possibilité de percer la membrane de certaines cellules indésirables. Jusqu'à maintenant, nous avons réussi à démontrer leur activité en tuant des cellules cancéreuses, mais aussi des bactéries.
Dans le cadre du prochain cliché, je vous montre un petit film. Vous pouvez voir la même nanostructure circuler dans un vaisseau sanguin. Vous voyez les globules rouges à l'arrière. Vous voyez au bas le début d'une cellule cancéreuse de leucémie. La nanostructure va détecter la présence de cette cellule cancéreuse. Par la suite, elle va s'incorporer à la membrane de celle-ci pour créer un port qui va permettre de laisser entrer des ions sodium qui sont en excès. Ce faisant, les ions sodium vont créer un déséquilibre dans la biochimie interne de la cellule cancéreuse. Celle-ci va mourir d'elle-même par un mécanisme qu'on appelle l'apoptose et au sujet duquel je ne vais pas entrer dans les détails. C'est un processus mécanique qui permet de trouer la membrane de la cellule cancéreuse et, par le fait même, de la détruire.
Évidemment, ce n'est pas pour demain. Dans combien de temps prévoit-on qu'une nanostructure de ce genre pourra être utilisée en clinique? On parle d'environ 10 ou 20 ans. Il s'agit ici d'essais très fondamentaux. Des travaux doivent être réalisés. Il faut préparer des analogues, comprendre en détail le mécanisme d'action, comment il fonctionne et permet de tuer sélectivement des cellules indésirables et non les cellules saines de notre corps. Il faut aussi déterminer l'innocuité, la dose thérapeutique, l'efficacité et ainsi de suite.
Pourquoi le gouvernement du Canada devrait-il soutenir ces travaux? La nanomédecine, qui comprend le nanodiagnostic, dont on a beaucoup parlé plus tôt, et la nanothérapeutique, implique des technologies dont le potentiel est énorme et qui peuvent révolutionner la façon dont nous diagnostiquons et traitons les patients. Cela va faciliter un diagnostic très précoce, soit un
[Traduction]
contrôle direct au centre de soins.
[Français]
Cela va évidemment diminuer les coûts associés aux soins de santé et améliorer la qualité de vie.
Mais la raison principale est la suivante: pour qu'on puisse un jour voir le fruit de ces travaux de recherche au Canada, il faut absolument que le gouvernement subventionne ces derniers, qui sont trop risqués pour l'industrie. En effet, les industries n'ont pas l'argent nécessaire pour étudier et développer ces technologies qui arriveront à maturité dans 10 ou 20 ans. Cela va coûter très cher et elles n'ont pas ces ressources. C'est à ceux qui font de la recherche fondamentale dans les universités, aux chercheurs universitaires, de développer ces nouvelles approches. Par la suite, les compagnies pourront les faire fructifier et en développer les applications concrètes.
Je voudrais terminer en remerciant les organismes subventionnaires, particulièrement le CRSNG, qui a toujours appuyé mes travaux de recherche.
Il va me faire plaisir de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
J'espère être en mesure de poser quelques questions intelligentes. Je n'ai jamais pensé que j'assisterai à une réunion du Comité de la santé où il serait question du fonctionnement des lumières décorant les arbres de Noël. J'ai trouvé cela très intéressant.
Je dois dire aussi que je me suis sentie un peu dépassée. J'ai pris beaucoup de notes pour me souvenir des principaux points de chaque exposé. J'ai eu l'impression de suivre un cours intensif d'une heure sur la génomique, la nanotechnologie, etc. J'en ai absorbé une partie, et je sais que j'ai d'innombrables questions à poser.
Toutefois, voici ce à quoi je pense. Nous avons des recherches incroyables qui sont en cours à différentes étapes. Dans certains cas, le Canada est très avancé, ce que nous apprécions beaucoup. Pour moi, cependant, la question qui revient constamment, c'est de savoir comment mettre ces extraordinaires nouvelles technologies à la portée des gens.
C'est M. Marra, je crois, qui a parlé de toute la question de la médecine personnalisée. Il a dit, par exemple, que l'accès à de nouveaux médicaments aux fins de la médecine personnalisée et des recherches en cours changera la façon dont nous menons nos essais cliniques parce que nous devrons travailler à un niveau élémentaire. M. Chan nous a également parlé de la nanotechnologie et nous a dit qu'il faudra attendre les résultats pendant 10 ou 20 ans.
La question que je me pose, parce que le comité a entrepris cette étude, concerne ce que nous devons faire pour nous préparer d'avance en vue des applications qui font actuellement l'objet de vos recherches. J'ai eu l'impression que nous faisons déjà ce qu'il faut dans une certaine mesure, mais que, dans certains cas, les échéances sont beaucoup plus éloignées. Il serait vraiment fâcheux d'en arriver à un point où, après avoir réalisé des progrès, nous n'aurons pas la possibilité — à cause d'essais cliniques, d'approbations ou même de l'accès aux patients — de mettre en application les connaissances acquises, créant ainsi un grand vide.
Je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui ont abordé ce domaine. C'est peut-être simplement que vous êtes à l'avant-garde et que d'autres s'occupent des suites à donner. Quoi qu'il en soit, vous pouvez peut-être nous donner une idée des questions sur lesquelles le comité devrait concentrer son attention lorsqu'il rédigera son rapport. À quoi devons-nous nous préparer sur le plan des politiques pour être en mesure de mettre en application les résultats de vos recherches et d'aider les gens à l'avenir? Y en a-t-il parmi vous qui veulent répondre à cette question?