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Je vous souhaite à tous une joyeuse Saint-Valentin.
Nous avons deux autres témoins qui seront bientôt là. Ils assistent à une réunion en ce moment, mais ils seront avec nous sous peu.
Nous voulons commencer à l'heure afin que tout le monde ait l'occasion de vous poser des questions.
Vous aurez d'abord 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Ensuite, s'ils ne sont pas encore arrivés, nous passerons directement aux questions, afin de ne pas perdre de temps. Je veillerai à ce que tout le monde dispose d'un temps de parole équivalent pour tout aborder. Je pense que c'est la chose la plus judicieuse à faire.
Nous avons avec nous Mme Gagné, directrice générale, et M. Michaël Béland, directeur des communications et des programmes, pour — et vous allez devoir prononcer cela pour moi.
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Pendant l'Année internationale des coopératives, qui vient de se terminer, nous avons présenté au Comité spécial sur les coopératives les enjeux et les spécificités reliés au mouvement coopératif canadien.
Nous désirons porter à votre attention les recommandations suivantes. Tout d'abord, il s'agit de stimuler le développement de nouvelles coopératives de santé en forgeant des ententes de partenariat avec les réseaux locaux de santé et en offrant un soutien financier ponctuel au démarrage. Ensuite, il importe de clarifier les règles d’application de contributions annuelles des membres des coopératives de santé. Il faut également reconnaître l’investissement des membres des coopératives de santé en leur permettant d’inclure le montant de leurs cotisations à titre de frais médicaux. Nous recommandons aussi de favoriser le développement de nouvelles coopératives de santé afin de créer de nouveaux vecteurs d'innovation adaptés aux besoins précis des communautés. Finalement, il est recommandé de mettre en place un comité d'étude sur les possibilités de complémentarité entre le modèle des coopératives de santé et le développement de l'offre de services de Santé Canada.
Voici maintenant les éléments qui soutiennent nos recommandations.
Le système de santé canadien a des atouts indéniables, dont l'accès à un panier de services de base pour tous les citoyens. Il faut toutefois reconnaître qu'il y a des dysfonctionnements sérieux. Les coopératives naissent du désir d'un groupe d'individus de répondre à un besoin collectif sur le plan social, économique ou culturel. Ils rassemblent leurs ressources et leurs compétences pour y parvenir. Ils se dotent de moyens et d'expertise auxquels ils n'auraient pas eu accès sans la coopérative. Ils adhèrent aux principes coopératifs de démocratie — un membre, un vote —, de participation économique, d'autonomie, d'intercoopération et d'engagement envers leur communauté. Notons ici que lorsque nous parlons du principe d'accessibilité, nous faisons référence aux termes de la Loi canadienne sur la santé.
Le concept des coopératives de santé est simple et novateur. Une collectivité définit ses besoins quant à l'accessibilité de soins de santé ou à l'ajout de nouveaux services de santé. Elle crée ensuite une entreprise coopérative qui offrira gratuitement ou à un prix concurrentiel des locaux, des équipements, des outils technologiques et des services administratifs à des médecins et des professionnels de la santé. Elle y greffe généralement des services complémentaires, comme des services de prévention, selon les besoins définis par la communauté.
On peut définir les coopératives de santé comme des entreprises collectives qui produisent des services pour promouvoir, maintenir et améliorer l'état de santé et les conditions de vie des communautés. Alors que la coopérative implique ses membres dans l'organisation des services sur une base décisionnelle, ces derniers définissent et gèrent les services et les investissements de la coopérative en fonction de leurs besoins. Cette gestion démocratique assure l'arrimage entre les besoins locaux et les services offerts.
Afin d'assurer les opérations de la coopérative, les membres conviennent de financer eux-mêmes leur coopérative par voie de parts de qualification, de cotisations annuelles et de dons. Dans la grande majorité de ces coopératives de santé, il n'y a aucune participation financière de l'État.
Il est important de noter que la coopérative ne prétend pas offrir des services de santé, mais plutôt d'en assurer l'accès sur son territoire. Elle considère que son rôle est double. En premier lieu, il s'agit d'offrir un environnement professionnel, moderne, à prix compétitif, et d'améliorer l'accessibilité aux différents services de santé en s'impliquant dans le recrutement de médecins et d'autres professionnels de la santé. En deuxième lieu, il s'agit d'offrir des activités de prévention ou de soutien relativement à des problèmes de santé dans la communauté.
Alors que les activités locatives peuvent générer des revenus autonomes, toutes les autres activités de la coopérative — les équipements, les services administratifs et ainsi de suite — n'en génèrent pas. Elles ne génèrent aucun revenu et ne peuvent compter sur le soutien de l'État. C'est ici que la part des membres et les dons de la communauté sont interpellés pour financer les activités de la coopérative. En assumant collectivement les coûts de fonctionnement de cette structure, la communauté s'assure de devenir attrayante pour les professionnels dont elle a besoin.
Il est intéressant de constater que les coopératives qui créent un nouveau service dans la communauté représentent environ 54 % des cas. Quant à celles qui prennent la relève d'une clinique médicale fermée ou en risque de fermeture, elles constituent 46 % des coopératives créées.
Les médecins qui décident de pratiquer au sein d'une coopérative sont rémunérés par le système public de santé de leur province. Aucune rémunération ne provient des cotisations des membres. En contrepartie, toute la population, qu'elle soit membre ou non de la coopérative, a accès aux services du médecin, et ce, sans restriction.
Le mouvement coopératif croit à la prise en charge individuelle et collective comme valeur centrale des coopératives de santé. Plutôt que d'être un simple consommateur de services de santé, l'individu prend en main sa propre santé et participe par la suite au suivi nécessaire. Il est aussi invité à s'impliquer dans les activités de prévention.
Le mouvement coopératif croit aussi à la prise en charge collective de la santé. Elle est gérée démocratiquement par un conseil d'administration composé de membres élus qui peuvent choisir les orientations lors de leur assemblée générale annuelle. La communauté détermine de cette façon non seulement la manière dont elle veut structurer son offre locale de santé, mais également le financement des projets.
Nous croyons qu'entre le secteur privé et le secteur public, il y a de la place pour l'entreprise coopérative. Les coopératives de santé ne constituent pas une forme de privatisation des services de santé. Au contraire, elles sont un partenaire qui facilite la tâche de l'État en améliorant l'accessibilité des soins de santé de première ligne et en offrant des services complémentaires. Les coopératives de santé sont à but non lucratif. Elles servent de véhicule aux citoyens pour investir dans leur besoin de rapprochement des services de santé assurés par l'État.
L'entreprise coopérative offre des possibilités exceptionnelles au système de santé canadien. Il s'agit d'un investissement collectif supplémentaire dans l'accessibilité et dans la couverture des soins de santé primaire. Ce modèle représente une occasion de partenariat entre les gouvernements et les collectivités pour améliorer la prestation de services de santé. Il redonne à l'individu le pouvoir de gérer sa santé et à la communauté, un meilleur accès aux soins de santé.
La création d'une coopérative de santé requiert la participation de nombreux bénévoles et l'engagement financier de milliers de membres. À ces défis s'ajoute celui du développement d'ententes nécessaires de partenariat avec les administrations locales du système de santé public.
Cet exercice est laborieux et ardu. On parle de petites organisations communautaires, d'un groupe d'individus bénévoles qui travaillent à la création de leur coopérative. L'absence de financement, à ce moment précis de leur développement, décourage les bénévoles et ralentit considérablement la mise en oeuvre du projet.
Nous croyons que l'État gagnerait à jouer un rôle de facilitateur pour ces communautés en quête de prise en charge dans cette phase cruciale de structuration de leurs services locaux de soins de santé. Ce soutien pourrait prendre diverses formes en fonction des besoins de la coopérative. Les coopératives de santé sont jeunes, leurs activités ne coûtent rien à l'État, elles lui permettent plutôt de faire des économies.
Comme les coopératives de santé sont financièrement autonomes, il s'agit donc d'un coût de fonctionnement nul pour l'État. En améliorant l'accessibilité aux services médicaux et en offrant des services de prévention, ces coopératives permettent au système de santé canadien de mieux remplir sa mission et d'éviter des coûts à court, moyen et long terme.
Nous considérons aussi qu'il serait juste de reconnaître que les membres des coopératives de santé posent, d'abord et avant tout, un geste constructif pour notre société lorsqu'ils choisissent de réinvestir dans le système de santé volontairement. Il faut, à ce titre, permettre d'inclure le montant de leurs cotisations aux frais médicaux lors de leur déclaration fiscale.
En raison de la relation directe entre le membre et les gestionnaires de la coopérative, l'innovation devient une obligation constante. Les membres sont exigeants. Ils veulent voir concrètement en quoi leur contribution supplémentaire à l'offre de services change leur accès à ces services.
Je vous citerai quelques exemples: la mise en place d'un service de télémédecine pour donner accès à un médecin du réseau public à des membres dans les communautés éloignées en Nouvelle-Écosse; la création d'une clinique médicale mobile se déplaçant dans les communautés éloignées en Colombie-Britannique; l'intégration d'un service d'urgence public et d'une clinique médicale au même étage en Beauce, au Québec; la création de services adaptés pour la population...
Je n’ai pas besoin de rappeler à quiconque autour de cette table que le Canada est un vaste pays. Toutefois, j'aimerais vous faire part de certaines statistiques provenant de la Société de la médecine rurale du Canada.
Parmi les médecins exerçant en milieu rural, il y en a un sur sept qui prévoit quitter sa collectivité dans les deux prochaines années, ce qui menace les régions déjà mal desservies.
La superficie de 10 millions de kilomètres carrés du Canada est considérée comme rurale à 99,8 p 100.
Neuf millions de Canadiens, soit 31,4 p. 100 de la population totale, vivent dans ces régions rurales.
Les villes de moins de 10 000 habitants représentent 22,2 p. 100 de la population du Canada, mais elles ne sont desservies que par 10,1 p. 100 des médecins du pays; cela représente donc moins de la moitié de la proportion nécessaire.
Les centres ruraux et régionaux plus importants — ceux de 10 000 à 100 000 habitants — représentent 15,9 p. 100 de la population, mais ils ne sont desservis que par 11,9 p. 100 des médecins du pays.
Donc, pour la moitié de la population canadienne, les services sont insuffisants.
La pénurie de médecins est un problème grave, et bien des gens déploient de grands efforts pour remédier à la situation. Le Dr Ballagh et moi avons participé, avec le député de Barrie, Patrick Brown, à un groupe de travail sur le recrutement de médecins pour tenter d'attirer des médecins à Barrie. Cela dit, le problème ne se réglera pas du jour au lendemain, mais dans l’intervalle, des mesures peuvent être prises pour aider ces gens. De nombreux patients n’ont pas de médecin de famille, et à titre de spécialiste, je m’inquiète du fait qu'ils n’ont alors pas accès aux services de spécialistes, car ils doivent passer par un médecin de famille pour consulter des spécialistes, en particulier dans ces régions rurales.
Cet aspect du problème n’a pas à être aussi grave qu’il l’est actuellement, cependant. Étant donné la connectivité du monde moderne, qui permet à chacun d'être branché au reste du monde par courriel, messagerie texte, Facebook, Linkedin, Twitter et Skype, rien ne justifie que ces personnes ne puissent avoir accès à distance aux services de leur spécialiste et de leur médecin de famille. La technologie existe à l'heure actuelle; ce n'est pas comme si elle devait être développée dans l'avenir.
Je vais vous donner quelques exemples.
Il y a la formation simulée, grâce à laquelle les médecins de soins primaires qui exercent en milieu rural n'ont pas besoin que le spécialiste soit sur place. Ils peuvent acquérir à distance les compétences nécessaires en se servant de pseudopatients. Ces patients respirent, se lamentent, bougent et verbalisent. On peut les intuber, leur donner des médicaments et insérer des tubes dans diverses parties de leur corps, et ils réagiront en conséquence. Si les médecins commettent des erreurs, ils en tireront des leçons. Une telle formation permet aux médecins exerçant en milieu rural dans les régions éloignées d'acquérir l'ensemble des compétences dont ils ont besoin.
Il y a aussi la réanimation vidéo à distance. Il n'est pas toujours nécessaire qu'un médecin soit sur place. De nombreuses collectivités n'ont pas de médecin sur place. Ces équipes de réanimation sont formées d'infirmiers, de membres du personnel d'entretien, de personnel soignant, et même de membres de la collectivité — en somme, de toute personne intéressée à faire partie de cette équipe.
Les caméras peuvent être utilisées pour le patient et l'équipement, et le médecin donnera les conseils et dirigera à distance l'équipe de réanimation.
Il y a également la médecine robotisée, en particulier à Nain, à Terre-Neuve-et-Labrador, la collectivité la plus au nord de cette province. Il n'y a pas de médecin sur place, mais il y a un robot appelé Rosie. Elle mesure 165 centimètres; elle est donc juste un peu plus grande que moi, je crois. Sa tête consiste en un écran d'ordinateur doté de capacités audio et vidéo bidirectionnelles, afin qu'un médecin puisse utiliser une manette à distance et la guider vers chaque patient. Il peut ainsi interagir directement avec le patient, voir ce qu'il doit voir, que ce soit regarder le patient, la bouteille de comprimés ou le dossier; et il peut donner les avis nécessaires.
Le système « Docteur en boîte » peut être transporté à divers endroits, comme avec les équipes de SMU, s'il n'y a pas de médecin sur place lorsque l'ambulance les transporte. Il permet non seulement de voir ce qui se passe, mais aussi de recevoir les données télémétriques du rythme cardiaque et orienter directement la prise en charge du patient afin qu'il reçoive dès le départ des soins spécialisés.
Les systèmes de chirurgie robotique permettent également de pratiquer des interventions à distance à l'aide d'instruments robotiques à la fine pointe de la technologie. Ces types de systèmes se limitent généralement aux grands hôpitaux universitaires, mais on pourrait facilement installer des systèmes plus simples dans les régions éloignées où les chirurgiens expérimentés pourraient surveiller ce qui se passe dans la salle d'opération en utilisant les capacités audio et vidéo bidirectionnelles. Ainsi, les chirurgiens ayant l'expertise nécessaire pourraient conseiller et orienter les chirurgiens moins expérimentés directement dans la salle d'opération. Ils pourraient examiner le champ chirurgical et voir l'état du patient.
Enfin, il y a des consultations en télésanté. À titre de cardiologue, je dirais que 90 p. 100 des diagnostics que je pose découlent d'un examen des antécédents de mes patients. Bien que l'examen physique soit utile, il n'est pas toujours essentiel pour soigner ces patients. Si j'avais la possibilité d'interagir avec eux à distance et si je disposais d'un échocardiogramme me permettant d'examiner les images prises par un technologue qualifié, je pourrais très bien aider ces patients.
Vous remarquerez que la plupart de ces technologies sont dotées de capacités audio et vidéo bidirectionnelles.
Les technologies de Rosie et du Docteur en boîte ne sont pas aussi répandues qu'elles devraient l'être, selon moi, dans un pays comme le nôtre. Et tout ce que j'ai décrit ici fait appel à des technologies qui existent déjà. Elles permettraient à des spécialistes comme moi de gérer à distance des cliniques dans toute la province, dans tout le pays, et je crois que tous ces patients méritent de bénéficier d'un tel accès. Dans un pays aussi merveilleux, mais aussi vaste que le Canada, nous devons nous donner comme objectif que chacun, sans égard à son lieu de résidence, puisse avoir accès non seulement à des soins de base, mais aussi à une aide médicale spécialisée. Grâce à ces technologies, nous pouvons atteindre cet objectif.
Je vous remercie beaucoup du temps que vous m'avez accordé.
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Je suis un spécialiste en oto-rhino-laryngologie et en chirurgie cervico-faciale à Barrie, en Ontario. Je travaille aussi à Collingwood et à Orillia, en Ontario, et deux jours par mois, je fais cinq heures, à l'aller comme au retour, pour me rendre à Kirkland Lake, plus au nord de l'Ontario. Mes patients m’appellent leur spécialiste des oreilles, du nez et de la gorge.
En tant que chirurgien dans l’une des régions connaissant la plus forte croissance au pays, j’ai été ravi d’être invité par le Comité permanent de la santé à venir témoigner.
Depuis mon arrivée au sein de la collectivité de Barrie, il y a près de 20 ans, je me suis voué à promouvoir l’innovation dans la prestation des services de santé à presque tous les niveaux. Mon désir d’enseigner aux jeunes médecins m’a amené à faire du bénévolat pour le rural Ontario Medical Program, qui permet d’accueillir à Barrie des apprenants et des étudiants en médecine, de même que des résidents en formation, pour qu’ils fassent équipe avec des médecins et des chirurgiens expérimentés de première ligne et qu’ils aient ainsi l’occasion de vivre une expérience qui changera la vie de bon nombre d’entre eux. Nombreux sont les jeunes médecins qui, à la fin de leur formation, retournent pratiquer dans des collectivités mal desservies comme Barrie.
Je suis maintenant professeur adjoint en clinique de chirurgie à l’Université McMaster et professeur auxiliaire en oto-rhino-laryngologie et en chirurgie cervico-faciale à l’Université Western Ontario.
En tant qu’innovateur en éducation médicale, je suis fier de l’association que j’ai forgée, au cours de la dernière décennie, avec le Centre d’instruction des Services de santé des Forces canadiennes de la base de Borden, où je suis précepteur et conférencier pour le programme de formation d’adjoints au médecin. Le fait de travailler auprès de soldats professionnels et très qualifiés et de leur enseigner m’a permis d’avoir une incidence indirecte sur la vie et la santé de bon nombre de nos militaires et, par conséquent, sur celle de nombreux civils traités par nos médecins et adjoints aux médecins militaires partout dans le monde.
J’ai terminé mes études en médecine et ma résidence à l’Université Western Ontario en 1993. Par la suite, j’ai fait une sous-spécialité pendant un an à l'Université de Cambridge, en Angleterre, et je suis devenu expert dans les maladies et les troubles de l’oreille, notamment ceux qui entraînent vertige et déséquilibre. Dans ma spécialité et au sein de ma collectivité, je suis connu comme le « docteur Vertige ».
Le processus de diagnostic d’un patient souffrant de vertiges est l’un des plus difficiles en médecine clinique. Je me souviens de nuits où mon père, médecin de famille d’une petite ville, revenait à la maison et nous disait à quel point il était épuisé d’avoir discuté de problèmes de vertiges avec deux ou trois patients ce jour-là. Le diagnostic différentiel et la liste des causes possibles des vertiges peuvent sembler infinis au début d’une entrevue avec un patient.
Les troubles vestibulaires, ou troubles de l’organe de l’équilibre de l’oreille interne, font partie des troubles du vertige les plus fascinants, mais ils sont également parmi les plus difficiles à diagnostiquer. Je suis certain que vous avez tous entendu le terme labyrinthite, un trouble sévère du vertige causé par une infection virale de l’oreille interne. Vous serez peut-être surpris d’apprendre que bien peu de médecins, en présence de ce trouble, en reconnaissent les symptômes, bien qu’il soit le trouble de l’oreille interne le plus commun causant des vertiges sévères. Les patients souffrant de troubles de l’oreille interne peuvent être très souffrants une journée, mais se sentir très bien le lendemain. En fait, certains sont très étourdis pendant quelques secondes tous les soirs lorsqu’ils vont au lit, mais ne souffrent d’aucun autre symptôme durant le reste de la journée.
En médecine, on nous apprend à étudier l’historique d’un problème, puis à faire un examen physique pour confirmer nos hypothèses. Le problème, avec la plupart des troubles de l’oreille interne, c'est que lorsque le patient n’est pas étourdi, c’est-à-dire la plupart du temps, on ne trouve rien. Lorsqu’un patient est étourdi à cause d’un trouble comme une labyrinthite, il a habituellement plusieurs autres symptômes — il transpire, son coeur bat plus vite, il ressent des nausées —, mais tous ces symptômes sont non spécifiques, sont communs à d’autres problèmes. Je ressens même ces symptômes en ce moment dans cette salle…
Des voix: Oh, oh!
Dr Rob Ballagh: Et il y a d’autres éléments sur cette liste de diagnostic différentiel.
Cependant, il existe un symptôme très fiable qui caractérise les troubles de l’oreille interne, soit le nystagmus, un mouvement d'oscillation involontaire qui provoque un déplacement rapide de l'oeil. Lorsqu’un diagnosticien observe ce symptôme, il peut poser son diagnostic sans hésitation. Souvent, ce signe nous permet également de savoir quelle oreille est atteinte, ce qui n’est pas toujours évident à déterminer. Une fois le diagnostic posé, le traitement peut commencer sur-le-champ.
Le problème, c’est que le nystagmus n’est visible que durant une crise, qui dure de quelques minutes à quelques heures. Au début de ma pratique, je trouvais très contrariant de ne pas pouvoir examiner mes patients durant leur crise. J’écrivais des notes que les patients plaçaient dans leur portefeuille ou leur sac à main et qu’ils remettaient à leur médecin de famille pour lui demander de consigner leurs mouvements oculaires durant les crises de vertige. Mais, essayez de voir votre médecin de famille dans l’heure qui suit ou de voir un médecin à l’urgence dans les six heures suivant votre arrivée à l’hôpital! C’est très difficile.
Puis, un jour, il m’est arrivé quelque chose de très intéressant, et je vais essayer de vous le raconter aujourd’hui. Une dame me rendait visite une seconde fois pour ses vertiges. J’étais convaincu, ayant examiné ses antécédents et effectué un examen physique complet lors de sa première visite, et n'ayant rien trouvé d'anormal, qu’elle n’avait sans doute pas de problème vestibulaire. Or, deux minutes après s’être assise sur ma table d’examen, elle a fait la chose la plus incroyable: une crise de la maladie de Ménière. Elle est devenue très pâle et désemparée; son corps a commencé à s'incliner dans un angle étrange, et ses yeux se sont mis à bouger très rapidement, de gauche à droite. Cela a duré 20 minutes.
J’ai appris beaucoup de choses durant ces 20 minutes, la plus importante étant que ma première impression était mauvaise. Immédiatement après, j’ai commencé à encourager mes patients à filmer leurs mouvements oculaires au plus fort de leurs crises de vertige.
J'essaierai de vous donner un exemple tout à l'heure.
Après neuf ans de ce travail de pionnier, commencé à Barrie, en Ontario, au départ avec ma caméra numérique et maintenant avec mon téléphone intelligent, j’ai fait part de mes observations à des spécialistes du vertige de partout au pays et, en fait, de partout dans le monde grâce à mes relations à Cambridge. Nous avons fait beaucoup de nouvelles découvertes médicales à Barrie et nous avons été témoins de choses que nous ne pouvions expliquer, ce qui a soulevé de nouvelles questions dans des domaines où nous n’aurions pu imaginer en avoir.
Si cela fonctionne et s'il me reste du temps, j'aimerais vous montrer un très court...
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Je vais essayer de répondre aux trois questions.
Le modèle coopératif est intéressant parce que les membres vont décider du type de services qu'ils désirent s'offrir. La plupart du temps, on parle d'un site physique, c'est-à-dire une clinique comme on l'entend généralement, avec un médecin. D'autres fois, il s'agit d'une clinique mobile. Cela pourrait aussi être de la télémédecine ou une clinique qui se déplace dans la communauté. Par conséquent, les membres, pendant leur assemblée ou après avoir discuté avec leurs administrateurs, détermineront leurs besoins, qu'il s'agisse d'un service de télémédecine ou de sauver la clinique du village. Cela dépend vraiment des besoins de la communauté.
Généralement, comme on le mentionne dans le mémoire, cela se passe dans une clinique proprement dite. Essentiellement, si on veut qu'il y ait un médecin dans la communauté quand on n'en a pas, ou si on perd des médecins, la communauté crée une coopérative. Il est important de comprendre que la coopérative sera un véhicule.
Pour répondre à la deuxième question, je dirai que les contributions des membres serviront à financer le véhicule, c'est-à-dire le bâtiment, les équipements supplémentaires, des infirmières supplémentaires, des services de prévention supplémentaires ou autres. L'avantage pour le membre consiste à s'assurer que ces services sont accessibles dans la communauté et que l'on a accès, peut-être à moindre coût, à des services qui ne sont pas assurés par l'État.
Évidemment, les gens se demandent toujours pourquoi ils paieraient une contribution annuelle de 60 $, en moyenne, si les membres n'ont pas un accès privilégié aux médecins par rapport aux non-membres. Il faut préciser que des contributions annuelles ne sont pas toujours exigées. En fait, c'est vraiment un investissement pour la communauté, la plupart du temps. Parfois aussi, il est question d'ajouter des services qui ne sont pas disponibles autrement. Les services de prévention, selon le modèle japonais, constituent un bon exemple. On voit cela souvent. On crée donc des services de prévention supplémentaires qui ne sont pas assurés par l'État. Dans ce cas, cela pourrait être ouvert uniquement aux membres. Cependant, pour ce qui est des services assurés par l'État, les membres n'ont pas d'avantage par rapport aux non-membres.
Pour répondre à la troisième question, qui portait sur la démographie, il est intéressant de noter que la démographie des membres des coopératives de santé suit généralement celle de la population en général. On pourrait penser que comme les personnes âgées ont le plus besoin de services médicaux, elles seront plus souvent membres. Au contraire, on a des membres qui sont, par exemple, dans la vingtaine ou dans la trentaine. On en a de tous les types.
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Je suis certainement au fait des pénuries. Selon moi, le problème, c'est qu'un cardiologue offre un niveau d'expertise qui requiert un certain bassin de population. Ainsi, à mesure qu'on s'enfonce dans les régions éloignées et du Nord, il n'y a généralement pas assez de patients pour occuper un cardiologue à temps plein. Je sais que certains de mes collègues qui voulaient quand même choisir ce style de vie ont commencé à travailler comme cardiologue, mais tendent à assumer les fonctions d'un interne général. Ils se rebattent sur certaines compétences qu'ils possèdent dans d'autres domaines de la médecine interne, comme la gastro-entérologie ou la pneumologie.
L'ennui quand on veut offrir des services de cardiologie à distance, c'est qu'il faut utiliser une technologie de communication bidirectionnelle. Par exemple, je pourrais travailler une journée par semaine pour une clinique dans une région très éloignée. Je pourrais y effectuer des épreuves d'effort, car un technicien formé à cette fin serait sur place. Je pourrais ainsi participer à l'examen grâce à une communication audio et vidéo bidirectionnelle qui me permettrait non seulement de voir le patient et ce qui se passe sur le tapis roulant, mais aussi, idéalement, d'afficher à l'écran les données télémétriques envoyées à distance.
Je pourrais également faire une consultation, au cours de laquelle je parlerais une quinzaine de minutes avec le patient. Je pourrais ensuite faire faire un échocardiogramme, grâce encore une fois au technicien qualifié, et voir les images sur mon écran, car il n'y a aucune raison pour laquelle l'information ne pourrait pas être transmise à distance par voie numérique.
Je crois que le plus difficile quand on veut offrir des services de cardiologie dans ces régions, ce n'est pas d'y affecter des cardiologues, mais bien de s'assurer qu'il y a des infrastructures adéquates pour permettre à ces derniers d'appliquer leur savoir-faire. Je dirais que les épreuves d'effort et les échocardiogrammes constituent une bonne partie des services que nous devons offrir.
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Je commencerai et laisserai le Dr Ballagh ajouter ses commentaires.
Je crois que plusieurs facteurs entrent en compte, comme vous l'avez souligné. La situation s'explique en partie par le fait que quand on travaille dans une collectivité rurale, comme certains de mes collègues l'ont fait, on travaille très fort et on ne tend pas à revenir à la maison à temps pour souper, vers 17 ou 18 h, parce qu'on est le seul médecin en ville. Ils sont bien plus souvent sur appel, et souvent les seuls à l'être.
Il faut également tenir compte du fait qu'on leur en demande beaucoup plus. S'ils travaillent dans une grande communauté, ils peuvent faire appel aux ressources de spécialistes. Si un cas dépasse un peu leur champ de compétence, ils savent qu'ils peuvent diriger le patient vers une personne dotée d'une meilleure expertise. Mais dans une petite communauté éloignée, ils ne bénéficient pas de ces ressources, et tout repose sur leurs épaules. C'est un stress que bien des gens ont de la difficulté à supporter.
Il se peut également que dans quelques communautés, certains considèrent qu'ils ne disposent pas de l'infrastructure nécessaire pour bien appuyer leurs besoins sur le plan médical. Ils éprouvent de la frustration, car les fonds manquent pour mettre en place de meilleurs systèmes de télésanté permettant de travailler avec des spécialistes à distance.
Après un certain temps, à moins qu'ils ne fassent preuve d'un dévouement remarquable, ils envisagent de partir. C'est le cas d'un faible pourcentage des médecins en région rurale, mais c'est la tendance que la Société de la médecine rurale du Canada a observée parmi les membres de son groupe.
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Je suppose que ma réponse portera surtout sur l'enseignement médical. Quand Brad et moi-même avons fait nos études en médecine, il n'y avait pas beaucoup de possibilités de pratiquer dans les communautés et d'acquérir de l'expérience éducative. En chirurgie, je n'ai eu aucune possibilité d'aller pratiquer dans une collectivité, à l'exception de Toronto, London ou Ottawa, pour apprendre aux côtés d'un chirurgien communautaire comme moi.
Le rural Ontario medical program auquel je suis affilié — et je travaille également avec l'École de médecine du Nord de l'Ontario du fait de mon affiliation à Kirkland Lake — offre maintenant toutes ces avenues. Le mois dernier, un résident en oto-rhino-laryngologie est venu travailler avec moi à Barrie. J'ai en outre travaillé avec deux résidents en médecine familiale à Kirkland Lake.
Nous avons constaté qu'au chapitre de la formation pédagogique en médecine dans les régions rurales, si on bénéficie d'une formation éducative qui permet de faire ses premières armes en traitant une crise cardiaque ou une hémorragie grave causée par une lacération au cou dans un hôpital situé dans une petite ville dotée de très peu de ressources, mais pouvant compter sur des médecins expérimentés et dévoués, on reste marqué par ces expériences, qui nous poussent à retourner vers ce genre de pratique.
À la fin de ma formation, on m'a affirmé que j'avais du potentiel et qu'on voulait que je revienne au centre universitaire. Je n'avais rien connu d'autre. On m'a indiqué que si je pratiquais à Barrie, je gaspillerais mon talent d'universitaire. En fait, je vous dirais que c'est le contraire qui est vrai. Fort de mon expérience, j'espère pouvoir communiquer aux médecins qui viennent travailler avec moi l'enthousiasme qu'il faut pour travailler dans des endroits comme Barrie, Collingwood, Orillia, et même aussi loin dans le nord que Kirkland Lake.
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Pour ce qui est précisément des crises cardiaques, ce que nous appelons un infarctus du myocarde, on peut obtenir un profil de risque complet en ayant une bonne évaluation générale, qui n'a pas toujours besoin d'être effectuée par un médecin de famille, mais qui peut être réalisée par un infirmier praticien ou même une infirmière très qualifiée. Il existe neuf facteurs de risque typiques qui contribuent à environ 95 p. 100 des crises cardiaques.
Les gens doivent connaître les risques auxquels ils s'exposent. Ils savent parfois qu'ils ne sont pas en forme, qu'ils ont un surplus de poids ou qu'ils fument, mais ils ne connaissent pas leur pression sanguine ou leur taux de cholestérol. Nul besoin de consulter un spécialiste comme moi pour déterminer ces risques. Si les gens ont accès aux données, ils peuvent faire évaluer leurs risques, puis accéder aux renseignements dont ils ont besoin pour apporter les changements nécessaires, qui relèvent bien souvent du simple bon sens.
Je me souviens que le Guide alimentaire canadien nous a beaucoup aidés à expliquer aux gens comment s'alimenter sainement. À mon avis, il faudrait publier un guide canadien de la santé pour indiquer comment mener une vie saine en général afin que les gens fassent suffisamment d'exercice et ne fument pas. Ces bons conseils, tout le monde les entend, mais ils tombent souvent dans l'oreille d'un sourd, car il est parfois difficile de modifier ses habitudes de vie. Une évaluation de base des risques permettra de prévoir bien des crises cardiaques. Le vrai défi ne consiste pas à déterminer le risque, mais à inciter les gens à apporter les changements nécessaires pour réduire ce risque.
Je m'intéresse à la question depuis 20 ans, et c'est un véritable combat.
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Je vais vous donner un exemple extrêmement concret. Dans mon village, il y a une coopérative de santé. Les médecins sont payés par l'État et ils font aussi partie du GMF. Les membres de la coopérative de santé offrent un environnement aux médecins. Ce peut être une clinique de santé avec un loyer moins cher, avec plus d'équipement, avec un meilleur entourage. On donne aux médecins une plateforme relativement gratuite ou qui coûte moins cher au système de santé. Cela permet de s'installer dans le village.
Par exemple, M. Ballagh a dit que les gens ne voulaient pas aller à Barrie, à Kirkland Lake ou à des endroits éloignés. Par les coopératives, on crée un environnement de travail intéressant pour les médecins. Ils vont donc venir travailler là. Ils continuent à être payés par notre système de santé. Ils continuent à être affiliés à un GMF et à fonctionner comme un GMF.
La différence est ailleurs. Par exemple, une coopérative peut décider d'ajouter une infirmière, en plus de celle que paie déjà le GMF. Cette dernière va faire du travail supplémentaire, ce qui va alléger la tâche du médecin et lui permettre de rencontrer plus de patients.
Essentiellement, les gens de la communauté se regroupent pour ajouter des services supplémentaires. Cela va permettre de créer un environnement où le médecin va trouver intéressant de venir travailler.
Cela constitue vraiment un complément au réseau public. Il n'y a pas de concurrence. C'est surtout dans des endroits ou des secteurs d'activité — ceci va peut-être répondre à d'autres questions — où le privé ne tirerait pas d'avantages à aller construire un bâtiment pour les médecins, par exemple, avec des prix avantageux, des choses comme ça. Lorsque le privé ne peut pas offrir un tel service, la communauté va décider de le faire en créant une coopérative.
C'est la même chose pour la télémédecine. En Nouvelle-Écosse, il y a un service de télémédecine offert par une coopérative. Il n'y avait pas d'investisseur privé intéressé à offrir ce service, car il n'y avait pas d'argent à faire. Les gens de la communauté ont donc décidé de former une coopérative pour se donner accès aux services publics qu'ils payaient déjà en tant que contribuables. Par un investissement supplémentaire, ils ont facilité leur accès à des soins. Ils ont vraiment regarder quels étaient leurs besoins pour avoir plus facilement accès aux services publics. Ils ont décidé de mettre de l'argent sur la table, parce que le privé trouvait qu'il n'y avait pas d'argent à faire, essentiellement.
Je veux passer un commentaire à propos des coopératives. Je crois savoir pourquoi il y a une certaine confusion. Je vais vous donner l'exemple de ma collectivité.
Il n'y avait pas vraiment de clinique à Goderich. Au lieu d'une coopérative, on a créé un organisme sans but lucratif. En gros, les gens de la collectivité ont fait des dons en argent, la municipalité aussi, de même que les municipalités voisines, afin d'ouvrir une clinique.
Il y avait une pénurie de médecins à Goderich. On a construit une clinique ultra moderne, parce qu'il n'y avait rien avant, vraiment, et la pénurie de médecins n'est plus qu'un souvenir du passé. Les gens aiment beaucoup la clinique. Il y a bien moins de citoyens de la région qui n'ont pas de médecin de famille aujourd'hui.
Dans ce cas-là, c'est un organisme sans but lucratif. Vous appelez cela une coopérative, mais c'est du pareil au même. Les gens qui n'ont pas fait de don peuvent quand même se présenter à la clinique et recevoir des soins. C'est une façon de faire bouger les choses dans une petite collectivité. Ce n'est pas comme s'il y avait une clinique au coin de la rue et qu'on décidait d'en ouvrir une autre juste en face. Il n'y a rien, et c'est pourquoi les gens doivent s'organiser.
Je voulais simplement que les choses soient claires pour tout le monde.
Je suis encore à l'époque des dinosaures. Même si j'apprécie beaucoup la technologie, j'ai toujours un système de dossiers médicaux non électroniques dans mon bureau. Toutefois, si j'ai attendu avant de faire la transition, c'est entre autres parce que je déménage ma pratique dans un nouvel immeuble, juste au bout de la rue. Je vais ouvrir mon nouveau bureau l'an prochain, et je procéderai à la transition à ce moment-là. Il me paraissait plus censé de tout faire d'un seul coup.
Je dois par contre avouer que j'ai attendu un peu parce que j'ai entendu dire de bon nombre de mes collègues qu'il y avait plusieurs correctifs à apporter au système. Je suis content d'avoir attendu, parce que je crois que la technologie actuelle est suffisamment efficace pour que je sois en mesure de l'utiliser.
La situation est différente pour les bureaux de médecin de famille, où les choses sont probablement très semblables d'une pratique à l'autre. Par contre, pour les cardiologues de Barrie, ce sera un peu différent de ceux de Newmarket, qui n'auront pas le même système non plus que ceux de Toronto. J'avais besoin d'un système de dossiers médicaux électroniques qui répondait à mes propres besoins.
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Nous avons la plus grande équipe de médecine familiale de l'Ontario. C'est cette équipe qui a donc en quelque sorte mené le bal en ce qui concerne les dossiers médicaux électroniques dans notre collectivité. Elle a examiné tous les fournisseurs et tous les produits offerts, et elle a arrêté son choix au terme d'un processus très rigoureux et diligent.
Un des médecins de famille de l'équipe est en fait le chef de la TI, le dirigeant du système de dossiers médicaux électroniques, et c'est un bon ami à moi. Quand j'ai dû choisir un système pour ma pratique, j'en ai discuté avec lui. J'ai moi aussi fait mes recherches, mais de façon abrégée, et j'ai finalement adopté le même système qu'eux.
Dans notre collectivité, beaucoup de médecins, mais pas tous, utilisent aussi ce système. Ils communiquent tous ensemble de façon plus ou moins efficace.
Ce que je trouve le plus difficile avec les dossiers médicaux électroniques, c'est que les patients que je vois... notamment cette dame qui souffre d'étourdissements, le cas complexe que j'ai présenté aujourd'hui. Souvent, la demande de consultation initiale est accompagnée d'une lettre indiquant « vertige? ».
Soit dit en passant, le vertige est un symptôme, pas un diagnostic, alors je sais quand je reçois une lettre comme celle-là que je dois recommencer à zéro. J'ignore souvent jusqu'à ce que le patient se présente à mon bureau qu'il a consulté deux autres spécialistes avant moi. Il a vu un neurologue et un cardiologue, et il a subi six examens.
Un jour, j'aimerais qu'on ait des dossiers médicaux électroniques sur clé USB, que je pourrais brancher directement à mon ordinateur. Le patient pourrait garder son dossier médical électronique avec lui, et nous pourrions avoir toute l'information directement dans nos bureaux.
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Merci, madame la présidente.
Mon collègue M. Lobb avait une bonne question. Je vais donc poursuivre dans la même veine.
Lorsque j'ai fait mes études en chiropratique, il n'y a pas si longtemps, on n'adoptait pas beaucoup les nouvelles technologies, surtout quand il fallait pratiquer dans la vraie vie. Je considère que j'aime la technologie à la maison et en dehors du travail, mais dans mon travail, je ne suis pas porté à utiliser les technologies, comme la vidéo ou le nystagmus.
Une des raisons pour lesquelles les professionnels de la santé en général n'adoptent pas plus ces technologies dans leur pratique est la question de la confidentialité. Je pense, par exemple, à avoir des radiographies sur l'ordinateur. Cela peut engendrer un risque de fuite et donc un problème de confidentialité. J'imagine que c'est la même chose pour cette vidéo en tant que telle. Cela fait partie du dossier du patient. Il faut donc absolument que ce soit dans un endroit sécuritaire.
Docteur Ballagh, pouvez-vous préciser votre pensée et me mettre dans un contexte où il faut adopter davantage les nouvelles technologies, mais faire très attention à la confidentialité des patients?
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Certainement. Je dois préciser d'emblée que je suis marié à une avocate du contentieux des affaires civiles. La confidentialité est devenue une obsession pour moi depuis que je la connais, et en fait depuis ma première année de médecine.
Pour vous donner un exemple, j'étais très préoccupé par la protection de la vie privée de la dame qui figure dans la vidéo que j'ai présentée aujourd'hui. Le comité m'a assuré que la vidéo ne serait pas archivée, ni affichée sur Internet, et que seules les personnes présentes dans la salle pourraient la voir. J'ai aussi pris la peine d'appeler la dame dimanche après-midi pour lui expliquer comment j'allais utiliser la vidéo, et j'ai eu sa permission de le faire. Elle travaille également dans le domaine de l'éducation et elle tenait vraiment à ce que vous preniez part à cette expérience.
Dans ma pratique, les renseignements personnels ne sont pas archivés; ils sont simplement documentés. Quand je vois telle ou telle chose, je sais ce que c'est, et j'en prends note. Je n'ai pas besoin de garder cette information, mais certaines informations doivent être archivées et conservées. Par exemple, si un patient a eu un tomodensitogramme il y a cinq ans, et qu'on détecte une tumeur cette année, on retournera étudier l'examen précédent pour voir si la tumeur était présente à ce moment-là. Nous avait-elle échappé? Était-elle très petite? Comment aurions-nous pu éviter cette erreur?
Je pense donc qu'il est important d'avoir cette information, mais elle doit être conservée derrière des pare-feux on ne peut plus sécuritaires. Il peut s'avérer très difficile d'outrepasser ces pare-feux, surtout de l'extérieur de l'hôpital ou des installations. Même si je partage un dossier médical électronique avec 85 p. 100 des médecins de ma collectivité, j'ai parfois de la difficulté à obtenir les résultats de la consultation précédente en neurologie, le tomodensitogramme de l'an dernier.
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En effet, dans toute innovation, il y a toujours des processus itératifs.
Parlons de l'évolution. Au Québec, il y a maintenant une cinquantaine de coopératives de santé. La première de cette nouvelle génération a été créée en 1996. En 10 ans, une cinquantaine d'entre elles ont été créées.
Il y a aussi 46 coopératives de services à domicile au Québec. Dans ce cas, les personnes se déplacent pour aller dans les maisons des gens.
J'aimerais ajouter que les coopératives sont présentes sur le plan international de façon très importante. Au Japon, des millions de personnes sont membres de coopératives. C'est aussi le cas au Brésil. Au Canada, cela avait commencé, entre autres, avec la Coopérative de services de santé de Québec. Il y en a eu aussi en Saskatchewan dans le temps de Tommy Douglas. En Saskatchewan, il y a quatre coopératives de santé. À Winnipeg, au Manitoba, en Ontario, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, il y a une coopérative en télémédecine. Au total, il y a présentement au Canada 120 coopératives en santé impliquées en soins primaires.
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C'est compliqué comme question, car il s'agit des renseignements du patient.
Tout d'abord, je précise que je rêve de l'option de la clé USB; ce n'est pas encore fait. Et nous pouvons tous y rêver ensemble cet après-midi, du moins je l'espère. Il devrait y avoir un dossier médical complet sur cette clé USB, et toute consultation avec un médecin devrait y figurer très rapidement après la visite. Les antécédents complets devraient aussi s'y trouver, idéalement depuis la naissance.
À savoir qui peut y accéder et dans quelle mesure, mais aussi si le patient peut lui-même y avoir accès, ce sont des questions très difficiles dont il faudra discuter. Quand les patients lisent leurs dossiers, ils peuvent parfois mal interpréter certaines choses ou être froissés par les commentaires. Nous tâchons de bien peser nos mots, mais il arrive que les patients s'inquiètent de la façon dont les choses ont été documentées, entre autres.
De plus, si je n'ai pas ces renseignements, notamment si je ne peux pas les obtenir pendant la courte consultation avec le patient — nos consultations se font rapidement, et dans ma spécialité la norme est de 20 minutes —, cela garantie parfois une deuxième visite. Bon nombre de mes patients arrivent de loin pour cette première consultation, qui est si importante, alors nous voulons en faire le plus possible dans le temps dont on dispose. Mais si on pouvait avoir cette information supplémentaire, ce serait beaucoup plus facile d'en faire plus en une seule visite.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à vous d'être venus nous voir aujourd'hui.
On a beaucoup parlé aujourd'hui de l'accès à des médecins dans les régions rurales et éloignées. Je n'ai jamais considéré Barrie comme une collectivité rurale. Je viens de Toronto, alors c'est juste un peu plus loin sur la route, après plusieurs villes de banlieue.
Je vais laisser ce sujet de côté pour le moment. Hier soir, j'ai regardé le bulletin The National et j'ai vu qu'une dame de Toronto est décédée en attendant l'ambulance, parce que les ambulanciers ont été réaffectés à d'autres cas à sept reprises sur une période de trois heures.
Si je peux me le permettre, je vais vous parler de ma propre expérience. J'ai eu le même médecin pendant presque 20 ans à Toronto. Je pensais pouvoir prendre rendez-vous pour un examen deux mois à l'avance, mais il semble que ce ne soit pas possible. Il faut prendre rendez-vous six mois à l'avance. Je n'ai pas pu me présenter à ce rendez-vous, alors il a fallu que j'attende cinq ou six mois de plus. Il m'a ainsi fallu un an pour avoir mon examen médical annuel. Chez nous, mon fils et moi — les hommes de la famille — allons toujours voir le même médecin. Arrivées à un certain âge, mes filles ont décidé de consulter une femme médecin de notre quartier. C'est en fait une clinique où il y a une rotation constante et où on ne voit jamais deux fois le même médecin.
Donc, bien que je comprenne les difficultés des collectivités rurales et éloignées, je souligne qu'il est aussi très difficile dans les grandes villes d'avoir accès à des soins de santé et de consulter un médecin sur une base régulière.
Je devrais ajouter que c'est difficile même au centre-ville de Toronto. Avec la multiplication des condos là-bas et la densité de la population, même s'il y a une foule d'hôpitaux tout le long de l'avenue University, ils n'arrivent pas à répondre à la demande.
Après cette longue introduction, ma première question s'adresse aux gens des coopératives. Vous avez surtout parlé des coopératives en milieu rural. Est-ce qu'on peut aussi appliquer ce modèle au contexte urbain?
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Merci beaucoup, madame la présidente, de me permettre de poser une question.
Je veux remercier mon collègue, M. Lobb.
Je pense que vous avez effectivement de l'avenir comme consultant.
Vous savez, je crois que le modèle des coopératives permettrait aux collectivités locales de mieux contrôler les choses. Au Canada, nous avons des collectivités tellement diversifiées.
On nous a parlé des collectivités des Premières Nations. Certaines collectivités aimeraient peut-être recourir aux services de chiropraticiens ou de naturopathes. Celles des Premières Nations, par exemple, voudront probablement des soignants autochtones. Elles pourraient avoir des difficultés à l'égard des soins de relève ou des soins à domicile.
Pourriez-vous donner un exemple au comité pour illustrer dans quelle mesure le modèle des coopératives peut favoriser l'innovation, si ces collectivités décident que c'est un bon moyen pour attirer des médecins et des ressources humaines en santé?
On nous répète constamment qu'il est extrêmement difficile d'attirer des professionnels de la santé dans ces collectivités. Pourriez-vous nous donner un exemple d'un modèle de coopérative qui aiderait dans une telle situation?
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Je vais tenter d'être aussi clair que M. Lobb.
Prenons l'exemple de Saskatoon. On y trouve une coopérative de santé qui a décidé d'offrir un service supplémentaire aux Autochtones, adapté à eux, parce qu'aucun service public ne faisait une telle chose. On a décidé de le faire à même les ressources de la coopérative.
Je vous donne un autre exemple. Dans le Nord du Québec, chez les Inuits, on a un projet avec des coopératives. En effet, des coopératives locales ont décidé d'offrir des services de prévention en santé, ce qui comprend de l'éducation en santé, parce que c'est un défi très important chez les Inuits. Cela se fait selon le modèle coopératif. Le service public n'offrait pas de tels services, alors on a utilisé le modèle coopératif pour avoir ces services adaptés.
Je trouve très intéressant votre commentaire sur le fait d'impliquer les citoyens. Pour simplifier le plus possible, le modèle de coopérative de santé implique que des citoyens décident de consacrer des ressources financières supplémentaires pour des services supplémentaires ou pour avoir un plus grand accès à des services. Ces citoyens décident de la façon dont ils vont faire cela. Il s'agit donc d'un vecteur d'innovation. On va regarder les innovations nécessaires pour répondre à ses propres besoins, étant donné que les services publics seuls n'y arrivent pas. On va donc réinvestir et aller chercher ce qu'il faut pour adapter le service public aux besoins de sa collectivité, et on va payer la note.
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Dans certaines provinces, les
community health centres sont un peu l'équivalent des CLSC. C'est vraiment un système public. D'ailleurs, il est intéressant de mentionner que l'Alberta considère créer des
family care clinics et étudie la possibilité d'adopter le modèle coopératif.
Il est aussi intéressant de constater que les quatre coopératives de la Saskatchewan font partie du réseau des community health centres et du réseau public. Le processus démocratique est ce qui différencie un organisme qui fonctionne selon le modèle coopératif d'un autre dont ce n'est pas le cas. Dans le premier cas, il y a une implication de la population, des membres. Il y a souvent une contribution financière, qui peut être plus ou moins importante. Il reste que les membres deviennent, dans une certaine mesure, propriétaires de leur outil de développement en matière de santé, dans leur communauté. Il y a donc une implication supplémentaire de la part des membres.
Dans une coopérative, on croit à la responsabilité collective à l'égard de la santé, mais également à la responsabilité personnelle. Le principe est que les gens doivent s'engager face à leur propre santé, apprendre à la gérer eux-mêmes. On voit une différence. De façon générale, les services supplémentaires ont trait à la prévention, essentiellement parce qu'on veut s'entraider. Plutôt que de recourir à un programme ou à une approche de manière uniforme consistant à allouer une subvention à une fin précise, on fait confiance aux communautés et on les laisse déterminer elles-mêmes leurs besoins. Dans bien des cas, leurs solutions correspondent vraiment à leurs besoins, étant donné qu'elles les connaissent. C'est la différence que nous observons.