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Mesdames et messieurs, je vous invite à prendre place. Nous sommes à l'heure, mais nous avons beaucoup d'information très importante à voir aujourd'hui.
Je vous présente, de l'Association canadienne pour la prévention du suicide, Mme Dammy Damstrom-Albach, présidente. Bienvenue.
Nous accueillons Mme Jennifer Fodden, de la Lesbian Gay Bi Trans Youth Line. Bienvenue.
De l'University of Western Ontario, nous accueillons M. Marnin Heisel, professeur associé et chercheur au Département de psychiatrie. Il est en retard. Son avion atterrira sous peu, et il se joindra à nous dans un petit moment.
Nous accueillons aussi M. Brian Mishara, directeur du Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie, qui témoignera à titre personnel. Bienvenue.
Et je souhaite la bienvenue à une excellente amie à nous, Mme Denise Batters, épouse de Dave Batters, un député qui a siégé avec nous il y a quelques années.
Nous entendrons d'abord Mme Damstrom-Albach.
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Bonjour et merci beaucoup de me permettre de m'adresser au comité.
Comme vous devez maintenant le savoir, il peut y avoir chaque jour jusqu'à une dizaine de Canadiens qui se suicident. Il est possible de prévenir la plupart de ces décès qui anéantissent bien d'autres vies. Pour cette seule raison, le gouvernement devrait jouer un rôle important dans la prévention du suicide. Toutefois, ce rôle et la réponse du gouvernement doivent être adaptés non seulement à la gravité du problème, mais aussi à son ampleur et à ses complexités.
Cela exige une approche authentique, multiforme et nuancée, une approche propre à la prévention, à l'intervention et à la « postvention », ce qui, forcément, exige une attention particulière et une action qui ne se limite pas à l'insertion dans une initiative plus large. Les résultats positifs qui traduisent l'engagement véritable du gouvernement à l'égard de la prévention du suicide dépendent d'une action précise, globale et concrète et, en définitive, d'un financement suffisant. Certes, nous comprenons que le financement de la prévention ne peut être abordé dans la discussion d'aujourd'hui et qu'il ne peut être lié à un projet de loi d'initiative parlementaire, mais nous comprenons tous que la question doit intervenir à un moment donné.
Le projet de loi est une première étape. Grâce à ce projet de loi et à celui de Megan Leslie, et grâce à une motion récente de Bob Rae, le Parlement a enfin rompu le silence au sujet du suicide et participe à un débat national. Nous lui en sommes très reconnaissants.
Toutefois, nous avons envers les Canadiens le devoir de définir les éléments nécessaires à une intervention juste. Le projet de loi doit nous servir de boussole pour tracer la meilleure voie et éviter les demi-mesures. Nous savons que les parlementaires de toutes les allégeances sont profondément préoccupés et que nombre d'entre eux ont été touchés personnellement par le suicide, d'une façon ou d'une autre, comme nous l'avons constaté en octobre dernier, puisqu'ils ont été très nombreux à parler de ce drame et de la nécessité d'agir avec audace.
On nous dit que pour chaque mort par suicide, au moins une dizaine d'autres vies sont profondément touchées. Cela fait 100 Canadiens par jour. Songez à ce que cela représente sur une décennie. Beaucoup de survivants souffrent en silence et risquent de devenir vulnérables au suicide, surtout en l'absence de soins et d'un soutien éclairé et compatissant.
Pourtant, il est possible de prévenir la plupart des suicides. Il y a des solutions, mais rarement rapides ou simples. Au Canada, les efforts de prévention du suicide sont fragmentés. Des personnes et de petites organisations dévouées ont amorcé le travail, et c'est ce que montre toujours l'état actuel des choses. Il n'existe pas de vision nationale pour unifier nos efforts et il y a peu de mécanismes qui nous permettent de tirer des enseignements de notre savoir et de notre expérience et de nous y appuyer. Parfois, les connaissances sont limitées à des groupes d'intérêts ou à d'autres groupes privilégiés et elles ne sont pas facilement accessibles ni transférables pour les organisations de la base, les travailleurs de première ligne et les survivants.
En prévention du suicide au Canada, il arrive souvent que la main droite ne sache pas ce que fait la main gauche, même s'il y a des investissements et s'il se fait d'excellentes choses par endroits. Ainsi, de bons investissements n'ont pas un impact très large et leur utilité s'en trouve diminuée.
Le gouvernement a consenti des investissements ciblés en prévention du suicide, mais il n'y a aucune structure qui facilite leurs retombées à tous les endroits où elles pourraient être utiles. Un bel exemple est l'annonce récente, par la ministre fédérale de la Santé, d'une subvention de 300 000 $ pour les recherches sur les pratiques exemplaires. Cette décision découle des meilleures intentions qui soient. Toutefois, en l'absence de cadre et d'organe de coordination, le gouvernement ignorait que des travaux semblables ont été entrepris à l'étranger et que, en 2003, les Instituts de recherche en santé du Canada ont commandé à Mme Jennifer White une revue des recherches canadiennes sur le suicide. Ce rapport a cerné d'importantes contributions canadiennes aux connaissances sur le suicide et il a décelé d'importantes lacunes dans les recherches. On peut espérer que les prochaines recherches s'appuieront sur le rapport White de 2003. En réalité, une actualisation de ce rapport à laquelle on aurait ajouté le tableau global de revues récentes semblables aurait probablement été plus sensée, et les fonds auraient servi à combler certaines des lacunes.
Supposer que le simple fait de réunir les connaissances disponibles débouchera rapidement sur des mesures concrètes, c'est faire abstraction des étapes de transition nécessaires pour traduire des connaissances éprouvées en des applications utiles et pratiques. De plus, on aurait pu obtenir rapidement cette information, en quelques semaines. Il suffisait d'adresser une demande au Centre d'information et d'éducation sur le suicide, le CIES, et à Crise pour obtenir les derniers documents compilés sur la planète.
Nous pourrions aussi bien dépenser 300 000 $ pour réinventer la roue. On ne peut pas faire de reproches au gouvernement puisqu'il n'y a aucune structure ni organe chargé d'informer ces décisions, et il n'y a pas de structure non plus pour donner à tous les intéressés au Canada un accès égal aux renseignements réunis et à la capacité de les traduire en politiques, de les mettre en pratique et d'évaluer ensuite les résultats pour les communiquer aux autres qui peuvent en tirer des enseignements.
C'est là que le gouvernement fédéral intervient. Ce n'est pas un petit rôle que le gouvernement doit assumer. Il doit être à la fois le catalyseur et le liant pour stimuler et consolider les connexions nécessaires. Pour prévenir le suicide, il faut que tous les ordres de gouvernement s'unissent pour appuyer les groupes locaux, les survivants, ceux qui ont une expérience vécue et les milliers de bénévoles qui ont fait le gros de ce travail. Le gouvernement national doit maintenant faire sa part.
Le gouvernement fédéral peut aussi s'attaquer au problème de la fragmentation en se conformant aux lignes directrices de l'ONU sur la prévention du suicide, qui remontent à 1996. Assurément, l'approche du Canada doit respecter ces lignes directrices, qui disent clairement que l'élément décisif, pour juger de l'engagement d'un pays à prévenir le suicide, c'est la nomination d'un organe national de coordination pour promouvoir la collaboration et l'action collective et faire régulièrement rapport des progrès accomplis.
Tirons pleinement avantage de la magnifique occasion qui nous est donnée grâce au leadership non partisan de gens comme Harold Albrecht, Megan Leslie et Bob Rae. Le projet de loi est un bon début. Nous devons toutefois étendre la portée notre action pour faire tout ce qui est possible pour les Canadiens dont la vie a été ou pourrait être touchée par le suicide. Le projet de loi C-300 reconnaît que le suicide est une priorité en santé publique. Toutefois, il met l'accent surtout sur l'échange de connaissances.
Certes, c'est là un élément essentiel d'une approche globale, mais l'échange de connaissances ne saurait suffire en soi. Nous devons au moins envisager aussi de mettre sur pied une équipe nationale de soutien à la mise en oeuvre pour promouvoir une réponse complète, fédérale, provinciale et territoriale, publique et privée afin de prévenir le suicide. Nous devons élaborer des politiques visant à réduire l'accès aux moyens de donner la mort. Nous devons élaborer des lignes directrices et des initiatives pour améliorer la sensibilisation de l'opinion, les connaissances, l'éducation et la formation concernant le suicide. Et nous devons appuyer un système d'information renforcé pour diffuser l'information sur le suicide et sa prévention.
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Merci aux membres du Comité permanent de la santé de m'avoir invitée à témoigner.
Je suis heureuse de pouvoir présenter au comité le point de vue particulier des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, transsexuels et bispirituels, que, pour faire court, je désignerai comme les LGBT et du rapport entre notre groupe et les idées discutées aujourd'hui: le suicide et sa prévention.
Bien des facteurs expliquent qu'on risque d'avoir des idées suicidaires ou de tenter de se suicider. Nombre d'entre eux sont propres à chacun, mais il y a aussi des populations spéciales, des gens qui, les recherches et l'expérience le disent, risquent davantage d'envisager et de tenter de s'ôter la vie et, hélas, de réussir.
Les peuples des Premières nations et les Inuits, et les LGBT sont deux populations où le risque est disproportionné, par rapport à celui de l'ensemble de la population. J'exhorte le comité à essayer de comprendre à sa prochaine séance les importants facteurs particuliers qui touchent les Premières nations et les Inuits. Aujourd'hui, je vais essayer de vous décrire la triste réalité de l'impact du suicide sur mon groupe, celui des LGBT.
D'abord, un mot sur mes propres antécédents. J'ai une maîtrise de psychologie en counselling, et j'ai travaillé en santé mentale des enfants et des adolescents pendant 12 ans. Je suis directrice générale de la Lesbian Gay Bi Trans Youth Line. Nous offrons des services de soutien par les pairs aux jeunes de 26 ans et moins dans toute l'Ontario. Nous aidons environ 6 000 jeunes chaque année: écoute en ligne et au téléphone, soutien, information et accès aux ressources locales lorsque c'est possible. Les services sont assurés par des bénévoles très bien formés qui s'identifient au groupe des LGBT.
Nous n'offrons pas de services de crise à proprement parler, mais notre travail, c'est l'essence même de la prévention du suicide. Nous brisons l'isolement, offrons l'acceptation et une écoute sans jugement. Nous offrons l'accès au groupe. Même si la communication n'est que verbale, au téléphone, ou virtuelle, dans une fenêtre de clavardage, il y a une lueur d'espoir qui peut compter pour ceux qui s'adressent à nous.
Je tiens à insister auprès de vous aujourd'hui sur les conséquences profondes du suicide chez les LGBT. Je me suis inspirée d'un certain nombre de comptes rendus de recherche fiables et contrôlés par des pairs pour l'exposé d'aujourd'hui. Je me ferai un plaisir de les indiquer aux services de la greffière si le comité souhaite les consulter après la séance d'aujourd'hui.
Je ne vais pas vous submerger de statistiques, mais je vais vous communiquer des chiffres parmi les plus brutaux et révélateurs. Des études de méta-analyse ont permis de constater que les personnes appartenant à des minorités sexuelles sont deux fois et demie plus portées que les hétérosexuels à faire des tentatives de suicide. Une étude canadienne récente a estimé que le risque de suicide chez les jeunes LGB était 14 fois plus élevé que chez les hétérosexuels du même âge. Une étude sur un échantillon important et représentatif de personnes transidentitaires en Ontario a révélé que 77 p. 100 d'entre elles avaient songé sérieusement au suicide et 45 p. 100 avaient tenté de se suicider. On a constaté que les jeunes de ce groupe sont ceux qui présentent le plus grand risque de suicide, avec les personnes qui ont subi des agressions physiques ou sexuelles.
Qu'est-ce qui peut expliquer ces chiffres stupéfiants? Je tiens à faire comprendre au comité que ce n'est pas le fait d'être lesbienne, gay, bisexuel, transsexuel ou bispirituel qui fait planer ces risques sur le bien-être psychologique. C'est plutôt le fait d'appartenir à un groupe victime d'oppression, d'exclusion, d'omission et de haine qui mène à cette triste réalité.
Les LGBT souffrent de stigmatisation et de discrimination, la stigmatisation peut avoir diverses conséquences négatives pendant toute leur vie. Ils sont aussi les cibles d'agressions sexuelles et physiques, de harcèlement et de crimes de haine. Ces pressions et le stress de parfois cacher son orientation ou modifier son comportement ou son apparence pour éviter l'homophobie et la violence nuisent à la santé mentale et physique. On a établi un lien entre le rejet par la famille à l'adolescence et une consommation accrue de drogues et d'alcool, la dépression et les tentatives de suicide.
Les transgenres connaissent une marginalisation sociale encore plus importante dans notre société. Pour bien des personnes qui ne peuvent pas passer pour cisgenres, c'est-à-dire non transgenres, le surcroît de visibilité les expose davantage au harcèlement et aux mauvais traitements. L'impact cumulatif de l'effacement, de la pathologisation et de l'exclusion laisse les transgenres, et surtout les jeunes, vulnérables au suicide. C'est ce que la recherche a pu montrer.
Mais tout cela n'est pas une surprise pour les personnes ici présentes. Ces derniers mois et ces dernières années, bien des incidents ont retenu l'attention des médias et des téléspectateurs au Canada. Des jeunes ont perdu leur vie au moment où elle commençait. Nous avons entendu parler d'intimidation et de harcèlement homophobes dans les écoles et en ligne entre étudiants d'université et pré-adolescents. Nous avons vu des vidéoclips filmés par des jeunes brillants et talentueux, pleins d'enthousiasme, qui ont perdu la volonté de continuer.
Comme collectivité, nous déplorons profondément et sincèrement chacune de ces pertes. Pour chacune de ces vies perdues chez les LGBT, il y a bien d'autres personnes dont l'histoire ne sera jamais dite parce qu'elles ont emporté leur secret dans la tombe.
À la Lesbian Gay Bi Trans Youth Line, il n'est pas rare que ceux qui appellent nous parlent de leurs tentatives de suicide qui, heureusement, ont échoué et il est plus courant encore d'entendre parler d'idées suicidaires. Mettre fin à tout semble une solution bien réelle pour beaucoup trop de jeunes.
Tout cela semble très sombre et cela donne en effet l'image d'une population en crise. Ce sont des histoires comme celles-là qui nous réunissent aujourd'hui pour entreprendre l'important travail qui consiste à faire de la prévention du suicide une priorité pour tous, une question de santé publique et de sécurité.
Le projet de loi à l'étude propose bien des éléments utiles, et je félicite les auteurs de certains des éléments suivants, en particulier. Le premier paragraphe du préambule. Le paragraphe 1 dit expressément que le suicide « peut être influencé par les attitudes et les conditions sociales », ce qui correspond à l'essentiel de ce que je vous dis aujourd'hui.
Peut-être pourriez-vous envisager de désigner plus directement ces attitudes sociales dans le même paragraphe: homophobie, transphobie, racisme. Ou bien vous pourriez désigner les groupes et les populations dont on sait qu'ils sont touchés de façon disproportionnée par le problème, ce qui donnerait plus d'impact au projet de loi.
J'appuie fermement les paragraphes 3 et 4 du préambule et plus particulièrement la désignation des collectivités comme des agents capables d'agir pour prévenir le suicide et soutenir les personnes touchées par le suicide.
Je soutiens énergiquement le transfert et l'échange de connaissances comme mécanismes de changement de l'attitude publique à l'égard du suicide et j'exhorte le gouvernement à utiliser la recherche et les ressources disponibles auprès de sources comme Santé arc-en-ciel Ontario et Trans PULSE pour informer des moyens et des ressources que le projet de loi va susciter pour que les préoccupations et les réalités des personnes et groupes LGBT soient portées à la connaissance de l'ensemble de la population.
Enfin, j'exhorte le comité à se tourner non seulement vers les organismes de recherche, mais aussi vers les collectivités, comme sources d'une information précieuse, de guérison et de prévention. Bâtir des collectivités formées des éléments les plus vulnérables, avec eux et pour eux, peut fournir le filet de sécurité qui évitera à des LGBT de venir gonfler les statistiques du suicide.
Merci.
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Merci. Enchantée d'être parmi vous.
Bonjour à vous, madame la présidente, et aux membres du comité. C'est un honneur d'être ici.
L'information a été diffusée le mois dernier dans toute la Saskatchewan grâce à On cause pour la cause de Bell. Vous avez vu un rapide résumé des raisons de ma présence ici, mais voici un autre petit bout de mon histoire.
Mon mari, Dave Batters, et moi nous sommes rencontrés pour la première fois en 1989 à Saskatoon en traversant la rue. C'était pendant un congrès politique. Dave a été élu député fédéral de Palliser pour la première fois en juin 2004, et il a été réélu en 2006. Dave a même été membre de ce comité-ci pendant son deuxième mandat.
En 2008, Dave est tombé très malade: anxiété grave et dépression. Il a également surmonté sa dépendance aux anxiolytiques et somnifères d'ordonnance.
Peu après le déclenchement des élections, en septembre 2008, Dave a annoncé qu'il ne se présenterait pas de nouveau. Il a expliqué publiquement ses raisons, révélant la lutte qu'il avait menée.
Il écrivait dans son communiqué:
Je fais cette communication très personnelle dans l'espoir que d'autres qui éprouvent les mêmes problèmes demanderont l'aide dont ils ont besoin. Ces maladies sont stigmatisées et je veux qu'on prenne conscience du fait qu'elles peuvent frapper n'importe qui et doivent être traitées.
Le drame, c'est que Dave s'est enlevé la vie le 29 juin 2009. Vu son ouverture au sujet de sa maladie, nous avons fait preuve d'ouverture et nous avons publié un communiqué annonçant que, hélas, Dave s'était suicidé.
Le premier ministre Stephen Harper a assisté aux funérailles et prononcé un discours très important. Il a non seulement décrit les grandes qualités personnelles de Dave, qui en faisaient un ami et un collègue précieux au caucus, mais il a aussi parlé de la dépression et du suicide. Voici l'un des passages les plus justes de ce discours:
La dépression peut frapper les âmes les plus solides. Peu importe ce que nous avons accompli ou l'avenir prometteur qui nous attend.
En 2010, nous avons organisé un tournoi de golf à la mémoire de Dave. Je voulais que l'argent recueilli serve à aider quelqu'un comme lui. Je voulais produire une publicité télévisée qui cible les hommes de 30 à 50 ans souffrant d'anxiété et de dépression. Le tournoi a rapporté 20 000 $ et nous avons produit cette publicité qui a été diffusée pendant des semaines en Saskatchewan. Ce message de 30 secondes se trouve encore sur You Tube. Il suffit de chercher « Dave Batters ». Allez le regarder et mettez le lien sur votre page Facebook ou Twitter. Je voudrais faire augmenter le nombre de visionnements de ce très important message de sensibilisation.
Dans le message vidéo qu'il a fait parvenir au tournoi de golf, le premier ministre dit:
En révélant publiquement sa lutte contre l'anxiété et la dépression, Dave a rappelé à tous ceux qui souffrent de maladie mentale qu'ils ne sont pas seuls. Ce message doit être entendu non seulement par les victimes de maladie mentale, mais aussi par tout le monde si nous voulons plus de compréhension et de soutien pour ceux qui sont aux prises avec cette maladie. Voilà ce que Dave Batters nous a légué.
Bien des hommes qui souffrent d'anxiété sévère et de dépression se croient seuls dans leur souffrance. Ils pensent que personne n'a connu cela avant eux. Nous devons leur apprendre qu'ils ne sont pas seuls.
Beaucoup croient être un énorme fardeau pour tout le monde, que tous seraient bien mieux sans eux. Voilà pourquoi ils sont si nombreux à faire ce choix définitif. Ils doivent savoir que leur famille et leurs amis veulent les aider et ne les considèrent pas comme un fardeau. Ceux d'entre nous qui ont ainsi perdu des êtres chers feraient n'importe quoi pour les retrouver.
Aussitôt après le décès de Dave, en juin 2009, mon conseiller m'a prévenue qu'il ne fallait pas m'engager trop tôt dans cette cause. Il savait que les invitations à le faire viendraient sans tarder et qu'elles me seraient souvent adressées, vu ma franchise au sujet du suicide de Dave. Le conseil était bon. Mais en 2010, lorsque les amis de Dave m'ont pressentie au sujet du tournoi de golf, le moment a semblé convenir.
Mon difficile parcours a été facilité par le fait que je n'ai pas caché que Dave s'était suicidé. Bien des gens estiment que la stigmatisation du suicide les empêche de parler de la mort d'un être cher. Certains nient la cause du décès ou mentent. Tous font leur deuil à leur façon et, dans le cas du suicide, il y a beaucoup d'émotions difficiles et contradictoires pour ceux qui restent.
Je veux parler de Dave, surtout avec ceux qui l'ont connu et aimé. Bien des gens me disent: « Je n'étais pas sûr de pouvoir vous parler de Dave. Ça risquait d'être pénible. » Rien n'éclaire plus ma journée que d'entendre une nouvelle anecdote sur Dave. Il était tellement amusant et chaleureux. Il mérite qu'on se souvienne souvent de lui pour ces grandes qualités.
Madame la présidente et membres du comité, pour ma part, lorsque je considère le projet de loi de M. Albrecht, voici les deux éléments qui me semblent les plus importants: l'objectif déclaré de sensibiliser davantage l'opinion au suicide et de mieux connaître le problème, et le cadre fédéral qui favorise les consultations et la collaboration pour nous occuper d'urgence de cet enjeu de santé dans tout le Canada.
Beaucoup de groupes exceptionnels font du bon travail d'un bout à l'autre du Canada. Il faut absolument mieux coordonner ces efforts. Je crois que cela aidera à donner ce qui est plus important que tout: de l'espoir à des Canadiens comme Dave.
Merci beaucoup.
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Je vais m'exprimer en français, si cela ne dérange pas.
[Français]
En 1987, le rapport du Groupe d'étude national sur le suicide au Canada, publié par Santé et Bien-être social Canada, faisait en guise de conclusion une série de 40 recommandations spécifiques destinées à la prévention du suicide au Canada. J'ai fait partie du groupe d'experts chargé de la révision et de la mise à jour de ce premier rapport du groupe d'experts. Santé Canada a publié cette nouvelle version en 1994. Sept ans plus tard, on ne faisait que réitérer les mêmes 40 recommandations parce que rien n'avait été fait. Depuis, aucune de ces 40 recommandations n'a été mise en oeuvre.
Aujourd'hui, près de 30 pays ont une stratégie nationale de prévention du suicide, et l'OMS recommande que tous les pays en développent une.
Je suis chercheur. Or la recherche indique que les stratégies nationales ont un impact sur le suicide. Par exemple, une étude publiée en 2011 dans la revue Social Science and Medicine s'est penchée sur le taux de suicide dans 21 pays entre 1980 et 2004. On a noté que pendant ces 25 années, le taux de suicide avait diminué chaque année de 1 384 par 100 000 habitants ou de 6,6 p. 100 par année. Selon son estimation, si le Canada, avec une population de 34 millions d'habitants, avait une stratégie nationale comme celle des autres pays, il y aurait chaque année une diminution de 476 décès causés par le suicide. Si l'on considère l'impact financier des soins de santé et de santé mentale ainsi que l'impact psychologique et émotif imputable aux décès par suicide, la possibilité de sauver 476 vies par année peut justifier des investissements importants en prévention du suicide.
Le projet de loi est un bon début et signale que le Canada veut faire part du nombre grandissant de pays qui ont investi dans un programme national de prévention du suicide. Plusieurs provinces du Canada ont déjà fait de grands pas. Le Québec a créé en 1998 la Stratégie québécoise d'action face au suicide. Entre 1998 et 2008, on a connu une diminution du taux de suicide pour tous les groupes d'âge. Chez les jeunes au Québec, ce taux a même diminué de la moitié par rapport à 1998.
Il est certain que les provinces ont une responsabilité en matière de santé et de santé mentale. La prévention du suicide en fait partie. Cependant, des actions importantes au palier fédéral peuvent contribuer de façon considérable à la diminution du taux de suicide au Canada. Pensons par exemple au médicament qui cause le plus de décès par suicide: il s'agit de l'acétaminophène, le Tylenol, qui est disponible en vente libre en grande quantité. En Angleterre et dans plusieurs autres pays européens, un simple règlement visant à gérer la quantité de comprimés dans un seul contenant qu'une personne peut acheter a eu comme effet de diminuer le nombre d'empoisonnements, intentionnels et non intentionnels, causés par ce médicament. Le fait que moins de médicaments dangereux soient disponibles à domicile a diminué le risque pour les personnes suicidaires. Une telle politique ne coûte rien au gouvernement et présente une probabilité élevée de sauver des vies.
D'autres exemples d'actions possibles au palier fédéral incluent la sensibilisation des médias, notamment sur l'impact de leurs reportages sur le suicide. Cet impact a été très bien documenté par de nombreuses recherches. L'incitation à des interventions précoces visant à promouvoir la santé mentale chez les jeunes, voilà un autre exemple.
L'esprit du projet de loi est louable, mais les répercussions d'une telle loi seront déterminées par les ressources disponibles pour la mettre en oeuvre et par la façon dont les instances, ce qu'on appelle les entités compétentes au sein du gouvernement du Canada, investiront des ressources compétentes pour effectuer les tâches décrites dans la loi.
Ce projet de loi est très différent des stratégies nationales de prévention du suicide ailleurs dans le monde qui ont eu un effet considérable sur les taux de suicide. Les stratégies nationales qui ont eu du succès n'ont pas donné à une entité existante le mandat de s'occuper de la prévention du suicide; elles ont plutôt créé un organisme d'instance gouvernementale ou paragouvernementale responsable de ladite stratégie.
Ces entités avaient un financement suffisant pour interagir avec des instances provinciales, gouvernementales et non gouvernementales, pour développer une action concertée sur la prévention du suicide. Cependant, l'ensemble des stratégies qui ont eu du succès ont reçu un bon financement de la part des gouvernements pour des projets-pilotes, la surveillance et diverses activités.
Sans financement spécifique alloué à la prévention du suicide, le projet de loi risque d'avoir le même impact que le rapport intitulé Le suicide au Canada ainsi que le rapport de mise à jour. Il s'agissait de beaucoup de belles paroles, mais le fédéral n'a entrepris presque aucune action sur le plan de la prévention du suicide.
Le Canada a énormément de ressources en prévention du suicide. Nous sommes des exportateurs de connaissances en ce domaine. Nos recherches sont souvent utilisées ailleurs. On peut apprendre des succès et des expériences à l'échelle provinciale et locale, mais le gouvernement fédéral a tout de même un rôle à jouer, comme je l'ai déjà mentionné. Je répète que le gouvernement vient de gaspiller 300 000 $ pour préparer des écrits existants, qui ont été effectués récemment ailleurs dans le monde. Le manque de coordination semble être fréquent.
Je suggère qu'au lieu de refiler le mandat à une entité compétente au sein du gouvernement du Canada, le projet de loi soit modifié pour créer une instance gouvernementale qui serait responsable de la mise en oeuvre de la loi. Je suggère également d'ajouter que cette entité fasse des recommandations sur les changements des lois politiques et pratiques au Canada afin de favoriser une diminution du suicide.
Par ailleurs, je trouve que l'échéancier suggéré, qui prévoit la remise d'un premier rapport dans quatre ans, doit être remplacé et qu'on devrait demander un rapport annuel. Je sais qu'il faut du temps pour implanter une stratégie. Cependant, les autres pays dans le monde ont généralement pris un ou deux ans pour créer une stratégie nationale qui a impliqué des milliers d'intervenants, compte tenu du petit montant...
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Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins d'être parmi nous.
C'est la deuxième réunion que nous consacrons à cette question importante. Après avoir entendu ces témoignages, nous nous sentons sans doute tous obligés d'agir plus énergiquement.
Madame Batters, merci d'être venue nous voir et d'avoir eu le courage de nous faire part de votre expérience. Il n'est pas facile de s'extérioriser. On croit que les députés vivent dans un monde à part, sans lien avec le reste. Que vous puissiez expliquer ce qui est arrivé à Dave et montrer que nous sommes tous exposés aux mêmes maux, affections et problèmes mentaux que le reste de la population, voilà qui aide à nous lier à notre collectivité et à l'ensemble de la société. Merci de votre franchise.
J'ai une ou deux questions à poser. Madame Batters, vous qui avez parlé publiquement du problème, pourriez-vous expliquer davantage ce qui, d'après vous, devrait être la première étape, dans l'immédiat? Nous connaissons le problème de la stigmatisation. Nous savons à quel point il peut être difficile de demander l'aide dont on a besoin. Vu ce que vous avez appris en travaillant avec les gens, quelle serait la première étape importante, selon vous?
J'aurais une autre question. Avons-nous besoin d'un nouvel organe national de coordination? Mme Albach, vous avez parlé des lignes directrices de l'ONU et de la nécessité d'une instance nationale de coordination. Je me demande comment cela peut cadrer avec la Commission de la santé mentale du Canada que nous avons déjà. Nous avons entendu dire qu'elle allait publier une stratégie dans quelques mois. Comment les deux éléments peuvent-ils s'harmoniser? Nous faut-il une entité distincte qui se chargera de ce travail ou bien cela peut-il s'intégrer au travail de coordination et autres travaux de la commission?
Voilà mes deux questions. Pour commencer, je voudrais entendre Mme Batters.
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Pour répondre à votre question, Libby, je dirai que si nous avons besoin d'un organe national de coordination, c'est pour mettre l'accent expressément sur le suicide.
Cela ne veut pas dire qu'il ne soit pas crucial de coopérer avec la Commission de la santé mentale du Canada, et l'ACPS le fait.
Il y a un élément très important que je perçois jusqu'à maintenant dans le travail avec la Commission de la santé mentale du Canada. Il est certain que la question du suicide est abordée, si on considère le travail accompli à ce jour. Ce qui inquiète vraiment, c'est l'éparpillement, l'absence d'orientation précise, ce qui risque de perpétuer le problème de fragmentation dans l'ensemble du Canada.
Dans les stratégies nationales les plus efficaces, et celles de l'Écosse, des États-Unis et de l'Irlande sont d'excellents exemples, on a mis sur pied un organe national de coordination ou une équipe nationale de mise en oeuvre qui travaille comme entité unique sous l'égide d'un groupe plus important, chargé des initiatives plus vastes en santé mentale et du travail de prévention de la maladie mentale dans tout le pays. Mais dans ce cadre, il y a un axe précis très particulier qui porte sur le suicide.
Il faut que le travail se fasse sous l'égide d'une instance, peut-être la Commission canadienne de la santé mentale. Mais il faut vraiment un axe précis pour le suicide, car le problème transcende tellement de champs de compétences et de frontières. Il faut une orientation particulière et un plan d'action particulier si nous voulons accomplir le travail de prévention nécessaire. Il faut aussi accorder le soutien qui convient à ceux qui ont été touchés par le suicide, qui ont perdu des êtres chers à cause du suicide. Il faut mettre l'accent sur les interventions nécessaires, et cela englobe certainement le mieux-être de la collectivité. Il y a les initiatives en amont qui appuient le bien-être mental, mais cela veut dire aussi que nous devons intervenir plus directement auprès de ceux qui entretiennent des idées suicidaires ou font des tentatives de suicide.
J'imagine presque une poupée russe. La Commission de la santé mentale est la plus grande poupée, mais à l'intérieur, on trouve la poupée de la prévention du suicide, de la stratégie et de l'organe national de coordination. Cette image est peut-être utile.
Désolé d'être en retard et de ne pas avoir entendu l'exposé de mes collègues. J'espère ne pas répéter trop de choses déjà dites.
Honorables membres du comité permanent et chers collègues, je m'appelle Marnin Heisel. Je suis psychologue clinicien, professeur associé à l'University of Western Ontario et chercheur scientifique.
Mon champ de compétence en recherche est l'étude du suicide et sa prévention. Je m'intéresse plus précisément au renforcement de la résilience psychologique des adultes âgés et à leur bien-être, à l'amélioration de l'évaluation psychologique et du traitement de ceux qui présentent un risque de suicide, et à l'acquisition, à la diffusion et à l'évaluation des connaissances et à leur utilisation pour la prévention du suicide à un stade avancé de la vie.
Ce matin, je vais parler brièvement des avantages possibles de la création d'un cadre fédéral canadien viable et durable pour la prévention du suicide et du renforcement de la prévention du suicide chez les adultes âgés, et je soulignerai l'importance cruciale de la promotion de l'innovation et de l'excellence dans la recherche, le développement, l'évaluation et l'adaptation des approches d'une détection des risques de suicide et d'une intervention de meilleure qualité.
Selon l'OMS, chaque année, un million de personnes se suicident dans le monde. D'après Statistique Canada, près de 4 000 personnes se sont suicidées au Canada en 2008, chiffre qui reste en-deçà de la réalité, nous le savons, mais qui est quand même trois fois plus élevé que celui des victimes d'homicide et du VIH prises ensemble. On consacre beaucoup moins d'argent aux initiatives de prévention du suicide qu'à ces autres causes importantes et méritoires. Il faut donc une réaction claire des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.
Alors que les coûts estimatifs annuels directs et indirects du suicide et des comportements autodestructeurs au Canada ont dépassé 2,4 milliards en 2004, nous ne pouvons mettre un prix sur la perte d'une seule vie humaine, et encore moins sur celles de milliers de vies. Nous pouvons toutefois veiller à ce que des fonds soient consacrés à la création d'un cadre durable de prévention du suicide pour tous les Canadiens.
Tragiquement, le suicide nivelle. Il nous touche tous sans distinction d'âge, de sexe, de classe sociale, de religion, de culture, d'ethnicité, de pays d'origine ou d'orientation sexuelle. Pourtant, le suicide ne frappe pas également. Les adultes de plus de 65 ans ont un taux élevé de suicide, et ils utilisent des moyens qui traduisent une ferme intention de mourir. Chaque année, plus de 6 000 Nord-Américains de plus de 65 ans se suicident, et le nombre semble à la hausse à cause du vieillissement de la génération du baby-boom, cohorte qui dépasse les 75 millions de personnes en Amérique du Nord et qui affiche un haut taux de suicide sa vie durant.
D'ici 2031, de 20 à 25 p. 100 des Canadiens auront plus de 65 ans. Nous arrivons à une période sans précédent dans notre histoire où une énorme population dont le risque de suicide est élevé arrive à un stade de sa vie où le taux de suicide est également élevé, mais nous ne sommes pas préparés. Nous n'avons aucun système de surveillance en place pour déceler ou documenter la présence et la gravité d'idées, de projets ou de comportements suicidaires. Les statistiques nationales sur la mortalité sont incomplètes, et elles ne rendent pas compte des différences entre les provinces dans la classification des décès par suicide. Notre système de soins pour la maladie mentale a de nombreuses lacunes, si bien qu'il arrive régulièrement que les plus vulnérables soient laissés pour compte.
Chaque année, des milliers de Canadiens se joignent aux légions de ceux d'entre nous dont des êtres chers, des collègues, des connaissances et des clients se sont suicidés.
La population âgée, en plein essor, aura un impact dramatique sur les services de santé mentale pendant des décennies. Les recherches des 40 dernières années ont toujours montré que jusqu'aux trois quarts des adultes âgés qui se suicidaient avaient vu un médecin de famille ou un généraliste dans le mois précédent, et qui l'avaient fait nettement plus fréquemment que ceux qui ne se sont pas suicidés. La majorité des adultes âgés qui ont besoin de services de santé mentale demandent des soins dans les services primaires plutôt qu'à des spécialistes de la santé mentale. Pourtant, notre système de soins primaires n'a pas été conçu pour évaluer la psychopathologie ni pour offrir des soins de santé complexes à des adultes âgés qui sont à risque.
Des essais d'intervention clinique dans des centres polyvalents montrent que la prestation de soins de santé mentale en collaboration pour les adultes âgés, dans un cadre de soins médicaux primaires, peut améliorer la détection et le traitement de la dépression, augmenter l'utilisation des services de santé mentale, atténuer ou résorber les idées suicidaires et réduire le risque de mortalité. Néanmoins, beaucoup de dispensateurs de soins primaires croient à tort que les symptômes de dépression correspondent à une réaction normale aux transitions et pertes liées à l'âge plutôt qu'à des troubles mentaux traitables. Ils ne soignent donc pas les adultes âgés et ne les aiguillent pas vers d'autres services.
Les lignes directrices cliniques pour les adultes âgés qui présentent un risque de suicide recommandent des soins pluridisciplinaires, dont la psychothérapie et les médicaments. Malheureusement, beaucoup d'adultes âgés ne reçoivent jamais de soins pluridisciplinaires.
Au Canada, aujourd'hui, nous n'avons pas, dans les soins de santé, un personnel assez nombreux qui soit formé en gérontologie ou en gériatrie. La psychiatrie gériatrique commence maintenant à être reconnue comme sous-spécialité et la géropsychologie est beaucoup moins développée qu'aux États-Unis. Il existe un besoin documenté de services complets en santé mentale pour les aînés au Canada et il est reconnu que nous n'avons pas assez de spécialistes pour respecter les normes recommandées en matière de soins.
La nature de notre système de santé mentale est telle que ceux qui n'ont pas de ressources financières ou de prestations complémentaires ne peuvent obtenir de services psychologiques. À cet égard, nos voisins américains sont en bien meilleure posture que nous. Cela, malgré le fait établi que la prestation de services psychologiques permet de réduire les coûts médicaux, ce qui réduit ou évite les coûts habituels pour le système de santé.
Nous devons admettre que le système canadien de soins en santé mentale est un régime à deux vitesses. Ceux qui ne peuvent s'offrir des services en pratique privée en plus de ceux que dispensent les systèmes de santé provinciaux et territoriaux sont bien mieux soignés que ceux qui ne le peuvent pas. Cette inégalité sociale va contre l'esprit des soins de santé universels et doit être rectifiée.
Le domaine de la prévention du suicide et de la recherche sur le suicide chez les adultes âgés est à un stade relativement précoce de développement, et on commence essentiellement par l'étude des facteurs de risque. Il y a 10 ou 15 ans, il y avait peu de données sur les facteurs qui protègent contre les risques de suicide chez les adultes âgés ou confèrent une résilience face aux facteurs de stress, aux deuils et aux autres préjudices. Il n'existait pas de moyens d'évaluation ni d'interventions propres aux adultes âgés.
Grâce à des fonds de recherche consentis par le gouvernement du Canada et des fondations pour la santé mentale et la prévention du suicide, mes collègues et moi avons commencé à combler ces lacunes. L'élaboration d'un cadre fédéral canadien pour la prévention du suicide, voué au soutien de la création et de l'adaptation de connaissances peut aider...
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Nous avons ouvert un compte en banque. Tout a été très discret. Il y avait seulement quelques-uns de mes amis et des amis de Dave. Andrew Scheer, qui est maintenant Président de la Chambre, a été au nombre des organisateurs du tournoi.
Nous avons simplement décidé de faire cela, et j'ai alors dit: « Utilisons l'argent pour quelque chose qui aidera des gens comme Dave. » Je pensais au fond que je voulais faire une publicité télévisée. Je me demandais à quel moment quelqu'un comme Dave risque le plus d'être au plus bas. On a beau dire que tout ce qu'il faut, c'est de l'exercice ou de l'air frais, que ça ira mieux. Quand ils sont plongés dans une profonde dépression, les gens n'arrivent probablement pas à quitter le lit ou à se lever du canapé.
Je pensais à ces gens-là et je me disais que peut-être, s'ils se retrouvent sans rien faire sauf rester le regard vide devant un écran de télé, sans même faire attention à l'émission... Mais peut-être que s'ils voient cette annonce, cela pourrait les toucher. C'est un type qu'ils peuvent comprendre — aussi bien le comédien de l'annonce que la photo de Dave, à la fin —, la situation leur semble familière, et ils prennent conscience du fait qu'ils peuvent parler du problème à des amis. Et si leurs amis leur demandent sincèrement: « Vas-tu bien? », ils pourront admettre: « Non, je ne vais pas bien. » Pour moi, c'est l'essentiel de l'annonce. C'est l'élément central de l'annonce: un homme qui admet que non, il ne va pas bien.
Nous savons qu'il y a divers indices et des choses dont il faut être conscient. Les signes et les symptômes de la dépression peuvent indiquer que quelqu'un est à risque. La personne peut paraître déprimée, abattue, triste, avoir des difficultés de concentration, rater des rendez-vous, se désintéresser de ce qui l'intéressait jusque-là, par exemple.
Nous savons toutefois que, chez les adultes âgés, beaucoup d'aînés peuvent avoir des troubles dépressifs majeurs ou une dépression clinique sans paraître tristes ni même nécessairement se sentir tristes. Chez eux, beaucoup présentent non pas des symptômes psychologiques comme la tristesse, la dépression, le sentiment de perte, mais des symptômes somatiques comme des malaises, des douleurs et des difficultés de cet ordre. Nous encourageons donc ceux qui travaillent avec ces adultes qui se présentent à répétition en pratique médicale primaire pour des symptômes vagues à poser des questions sur ce qui se passe dans leur vie, ce qu'ils ressentent, ce qu'ils font, etc.
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Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins de leurs compétences et de leur présence au comité.
Vous êtes en première ligne depuis des années. Pour ma part, j'ai simplement l'honneur d'être un parlementaire qui a participé au tirage au sort des projets de loi de députés qui sont dans l'ordre de priorité.
Monsieur Mishara, vous craignez entre autres choses que, s'il n'y a pas d'organisme paragouvernemental spécial chargé de ce travail, on ne risque de le perdre de vue de nouveau. Je partage votre inquiétude, mais je dois vous signaler qu'un projet de loi de député n'a pas de mordant. Il ne peut obliger le gouvernement à dépenser de l'argent. J'ai essayé de glisser un pied dans la porte. Je dis que le gouvernement doit assumer cette responsabilité par l'entremise de l'un de ses ministères ou organismes, comme Santé Canada ou peut-être la Commission de la santé mentale. À un moment donné, il confiera la responsabilité à un sous-organisme particulier. C'est mon espoir et mon objectif. Je précise donc que nous ne pouvons pas créer une commission au moyen d'un projet de loi d'initiative parlementaire.
Jennifer, je comprends vos préoccupations au sujet du fait que des groupes précis ne sont pas mentionnés. Je dois vous dire que j'ai délibérément évité de les énumérer, surtout parce que je craignais que, à un moment donné, un certain nombre de groupes qui présentent un risque important ne soient négligés. Nous savons tous que le risque est élevé chez les Autochtones. Vous avez parlé des LGBT. Le risque est très élevé chez les militaires et aussi, dans mon ancienne profession, l'art dentaire. Nous n'avons pas parlé de certains groupes, mais nous partageons votre préoccupation et nous espérons que ceux qui seront chargés de cette responsabilité prendront des initiatives ciblées qui aideront ces groupes particuliers.
Denis, je tiens à vous remercier de votre présence. Merci d'avoir évoqué votre parcours et d'avoir parlé d'espoir. Margaret Somerville a eu raison de dire: « L'espoir est l'oxygène de l'esprit humain; sans lui, notre esprit meurt. » Je vous félicite d'en avoir parlé. Parler ouvertement de sa douleur est l'un des meilleurs moyens de guérir. C'est contre-intuitif: on ne veut pas parler. Nous savons pourtant que c'est l'une des meilleures voies de guérison. Merci.
Monsieur Mishara, vous avez parlé d'un certain nombre d'initiatives en santé publique qui pourraient aider à faire diminuer le nombre de suicides. Vous avez parlé des contenants de Tylenol, par exemple, des médicaments à la maison. Chose intéressante, David Goldbloom a dit qu'une chose simple comme le fait de manger en famille peut être un facteur de protection à long terme. C'est le genre de connaissance que nous devons mettre en commun dans nos recherches, quand nous essayons de voir comment appliquer des stratégies à long terme.
Monsieur Mishara, vous avez parlé du Tylenol et des médicaments à la maison. Pourriez-vous donner rapidement deux ou trois exemples d'initiatives en santé publique que nous pourrions prendre pour faire diminuer l'incidence du suicide?
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Vous parlez de données. Si nous pouvions fournir des données sur les risques, les décès et les impacts sur les Canadiens plus rapidement que maintenant et diffuser ces données dans tout le Canada, nous verrions évoluer les facteurs de risque et la situation des gens. Les choses seraient différentes s'il y avait moyen de rendre les données largement disponibles.
Je travaille à Vancouver tous les jours dans un organisme de prévention du suicide. Nous pensions que les femmes sont moins portées à utiliser des moyens « immédiatement létaux », mais nous voyons des familles qui survivent à des jeunes femmes qui, plus fréquemment, meurent par pendaison. Nous avons l'impression que la même chose peut se passer ailleurs au Canada, mais nous n'avons pas de données sur la question qui soient facilement accessibles. Il est important de pouvoir compiler ces données, de les diffuser largement, pour faire le point sur ce qui se passe et chercher des solutions.
Nous sommes au courant d'un autre problème, et bien des députés le sont aussi, certainement. C'est qu'on verse régulièrement sur Internet de l'information très précise sur les moyens de se tuer, sur les choses qui peuvent être mortelles et qu'on peut essayer. Dans l'examen des circonstances des suicides, il serait vraiment utile de savoir dans quelles circonstances les gens cherchent les méthodes à employer. A-t-on mis au point, au Canada ou à l'étranger, des moyens d'intervenir efficacement dans le domaine des réseaux sociaux et de propager les connaissances dans tout le pays?
La vraie difficulté, c'est que, même s'il se fait énormément de bonnes recherches au Canada et dans le monde, les mécanismes de diffusion, notamment auprès des organismes de la base, ne sont pas forcément uniformes dans tout le Canada. Il y a du travail à faire pour que les intervenants de première ligne se saisissent des résultats des recherches et trouvent les meilleurs moyens de les appliquer sur le terrain, lorsque des changements sont nécessaires. Lorsque nous mettons l'accent sur l'échange de connaissances, nous devons considérer plus largement le travail que nous accomplissons pour savoir comment il est soutenu, de façon que le savoir se retrouve en première ligne, là où on peut s'en servir.
Voilà où peut intervenir un organe national de coordination qui serait chargé de trouver le meilleur moyen de mettre les connaissances à la disposition des intervenants de première ligne, de faire en sorte que ces intervenants apprennent à apporter dans la pratique des changements qui reposent sur des faits éprouvés. Cela peut changer les choses. Et cela vaut pour tout le monde, qu'on travaille avec des adultes âgés, d'autres adultes ou des jeunes.
Voilà quelques-uns des éléments clés dont il faut traiter dans le projet de loi.
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J'ajouterais simplement que le Canada évolue maintenant dans la bonne direction pour ce qui est de l'application des connaissances. Dans les Instituts de recherche en santé du Canada, on insiste beaucoup là-dessus.
Encore une fois, l'enjeu, c'est le leadership, et un leadership renseigné. L'exemple, ce sont ces 300 000 $ qui, à mon avis, sont gaspillés avec l'intention louable de recenser la littérature, alors que ce travail a déjà été fait. D'autres l'ont fait l'an dernier. C'est simplement que, au niveau de la direction, les décisions stratégiques ne sont pas prises.
Le Canada exporte ses compétences en prévention du suicide. Quand le gouvernement américain, qui appuie un réseau national de lignes d'aide pour la prévention du suicide, a voulu faire évaluer ces lignes, c'est notre université, au Québec, qui a obtenu ce mandat. De nos bureaux au Québec, nous avons écouté 2 611 appels téléphoniques reçus par des centres d'aide des quatre coins des États-Unis.
Pourtant, au Canada, nous n'avons pas de réseau national à évaluer, et le gouvernement n'appuie aucun réseau. Les fonds disponibles devraient être utilisés stratégiquement pour faire des choses qui auront un impact. Je le répète, bien des choses que nous pouvons faire ne coûtent rien.
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Merci, madame la présidente.
Denise, très heureux que vous comparaissiez devant le Comité de la santé. Pendant mon premier mandat, il y a quelques années, j'ai eu le plaisir d'y siéger avec Dave. Il était toujours hilarant. Peu importe le sujet, il rendait les réunions divertissantes. Son absence est une lourde perte.
Vous avez dit qu'il parlait de stigmatisation. On dirait que c'est l'un des gros obstacles, quand il est question de santé mentale.
J'ai eu le plaisir d'assister à une réunion sur la santé mentale à Barrie, la semaine dernière. On y prépare une activité de financement, un tournoi de golf qui aura lieu en juin. L'ancien hockeyeur Shayne Corson y sera pour parler de sa dépression comme moyen de... Le slogan de l'activité: « Let's Talk ». Il faut parler davantage de santé mentale. Voici ma question: que pouvons-nous faire pour encourager les discussions? Les échanges vont aider à atténuer la stigmatisation.
Je songeais à l'été dernier. À notre dernière réunion, Mark Strahl a parlé de la mort de Rick Rypien. Il y a aussi Derek Boogaard et Wade Belak qui ont fait la une des journaux. S'il y a un envers positif à ces drames, c'est qu'ils ont provoqué une sensibilisation à la santé mentale bien plus importante que tout ce dont je peux me souvenir. Wade Belak a fait la une pendant plusieurs jours dans la région de Toronto. La nouvelle a frappé: quand on voit des gens pleins de talent qui réussissent, comme Dave, on est loin de penser qu'ils peuvent avoir des problèmes de santé mentale.
Qu'est-ce que le gouvernement fédéral peut faire, selon vous, pour faire disparaître cette stigmatisation, pour que les gens soient plus à l'aise pour parler de santé mentale, poser des questions et demander de l'aide?
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J'ai dit tout à l'heure, en réponse à Mme Davies, que ces dernières années, la stigmatisation de la dépression et de la maladie mentale semble s'être atténuée. Mais j'ai oublié de dire à ce moment-là que, même s'il y a des progrès, la stigmatisation du suicide demeure le dernier rempart à abattre.
Notre famille n'a pas fait un secret du suicide. Nous avons publié un communiqué pour annoncer le décès de Dave, et le texte précisait qu'il s'agissait d'un suicide. Nous n'avons pas essayé de nous cacher la vérité et nous n'avons pas attendu un rapport qui le confirmerait, par exemple. Et le premier ministre est venu aux funérailles de Dave, et il a parlé de dépression et de suicide, dans son discours, mais il a parlé aussi de la vie de Dave. Parfois, lorsque des gens se suicident, on ne voit plus que leur mort. On oublie leur vie. Il est très important de se souvenir de leur vie également.
Lorsque ces joueurs de hockey sont morts, l'été dernier, c'est le décès de Rick Rypien qui m'a frappée le plus durement. Il a joué au niveau junior à Regina, là où nous habitons. Dave et moi sommes allés le voir jouer bien des fois lorsqu'il jouait là-bas et à Moose Jaw. Et dire que ce pauvre jeune homme...
Il y a eu une sorte de vidéo sur YouTube, ou quelque chose du genre, concernant l'une de ses dernières interviews juste avant qu'il prenne un congé ou juste à son retour dans la LNH. Juste à le regarder, on pouvait voir qu'il cherchait à garder de l'espoir, qu'il essayait de tenir bon. Il est terrible de se dire qu'il a eu une fin aussi triste.
Il est vraiment nécessaire, lorsque des gens comme ça, des gens qui sont connus, des gens comme Dave... Lorsque Dave est décédé, il y en a qui se sont peut-être demandé si ce type était vraiment la personne insouciante et amicale que tout le monde voyait. Portait-il un masque pour cacher une personnalité troublée, déprimée? Non, Dave était ce qu'il semblait être. Il était heureux. C'est seulement dans les 18 derniers mois, lorsqu'il a eu tous ces problèmes médicaux, que sa vie a basculé tellement rapidement.
Lorsque des personnes comme celles-là... À l'heure actuelle, on est très ouvert pour parler de dépression et de maladie mentale, mais beaucoup moins lorsqu'il s'agit du suicide. Nous ne pouvons pas oublier que le suicide est la regrettable conséquence de la dépression et de la maladie mentale. Tous ces groupes sont très ouverts, il y a Cause pour la cause et ce genre de campagne, mais ils ont tendance à se tenir loin du suicide. Il ne faut pas se cacher que ce peut être le résultat final, si la maladie n'est pas traitée ou si elle est mal traitée.
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Merci, madame la présidente.
Permettez-moi, en tant que présidente du caucus des femmes, de profiter de cette tribune pour souhaiter à toutes les femmes ici présentes une bonne Journée internationale de la femme.
Je voudrais entrer directement dans le vif du sujet. Ma question s'adresse à M. Mishara. Je trouve que vous avez visé dans le mille, vous avez lu dans mes pensées. On sait que, au Canada, pratiquement 3 700 personnes se suicident chaque année, dont 463 sont âgées de 15 à 24 ans. On sait qu'un décès n'est déclaré comme suicide que si la personne avait déclaré clairement auparavant qu'elle avait l'intention de se suicider. C'est encore plus tragique lorsqu'on sait que ce taux est probablement beaucoup plus élevé.
En plus, les tentatives de suicide sont plus élevées chez les femmes que chez les hommes. C'est une question que je pourrai poser au spécialiste, le Dr Heisel, par après.
Je vous ai entendu dire que plusieurs pays ont malheureusement précédé le Canada dans l'établissement d'une stratégie nationale. À votre avis, qu'est-ce qui empêche l'adoption d'une stratégie nationale ici, chez nous, au Canada? C'est la première question.
Par ailleurs, vous avez parlé des attitudes sociales, madame Fodden. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Sachez que si je parle ainsi, c'est parce que je suis médecin de formation. Nous savons que, malheureusement, la société ne fait rien du tout en ce qui a trait aux attitudes sociales envers les minorités, quelle que soit la minorité dans laquelle on se trouve, qu'elle soit sexuelle, culturelle ou autre.
Prenons l'exemple de Mme Batters. Elle a parlé de son conjoint qui était, comme on dit, quelqu'un de très joyeux qui occupait un poste élevé. Je peux vous dire que même dans la communauté médicale, des gens souffrent en silence, parce que la société n'a rien fait pour démystifier le sujet, malheureusement. Je suis d'avis que c'est une maladie, parce qu'il est prouvé scientifiquement que c'est un déficit de certains récepteurs à la sérotonine, à l'adrénaline, etc.
Je trouve déplorable que nous n'ayons pas une attitude selon laquelle on démystifie les problèmes de santé mentale et, par conséquent, le suicide.
Ma question s'adresse à vous deux. Monsieur Heisel, pourriez-vous me dire pourquoi les femmes font des tentatives de suicide — avortées — plus souvent que les hommes qui, lorsqu'ils posent un geste, posent un geste fatal?
Il est agréable d'être ici. Je reprends les propos de Mme Sellah sur la Journée internationale de la femme. Certaines des femmes les plus courageuses que j'ai eu le plaisir de rencontrer ont été des témoins qui ont comparu devant ce comité-ci.
Aujourd'hui, Denise, je vous place dans cette catégorie, assurément.
Je vais essayer de me débrouiller. Je n'ai pas eu le plaisir de siéger avec Dave, mais ma famille parle de lui et de vous avec beaucoup d'affection.
Aujourd'hui, je vais aussi parler au nom de Mme Block, qui a perdu la voix, comme députée de la Saskatchewan.
Dave avait beaucoup d'amis. Il était aimé, et il manque à tout le monde.
Dave était dans le système de soins. J'ai l'impression qu'il a demandé de l'aide et a reçu des soins. J'ignore s'il a jamais été hospitalisé, par exemple, mais il n'était pas de nature à éviter le système. Personne n'a vu venir.
Y a-t-il des lacunes dans le système? Dave se faisait soigner. Avez-vous repéré dans le système des lacunes dont nous devrions tenir compte dans notre étude, des lacunes à combler?
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Elles se trouveraient hors du champ de compétence du gouvernement fédéral. Je dirais plutôt que, effectivement, il a reçu des soins, mais vu la gravité de la maladie, les soins sont venus trop tard. À un moment donné, quand on perd l'espoir, quand l'aide excellente...
Si cette aide était venue dès le début, je ne serais probablement pas en train de témoigner aujourd'hui. Mais c'était trop tard, Dave avait perdu espoir, à mon insu; essayais de préserver son espoir en tout temps, et il essayait de faire bonne figure.
Il y a une chose qui aiderait, à un stade précoce. Pour bien des gens déprimés, les médicaments sont une bonne solution, et ils suffisent parfois. Pour beaucoup d'autres, par contre, et Dave devait être du nombre, un counselling efficace et des entretiens avec un psychologue ou un conseiller, pour une thérapie de la parole, fait partie intégrante du processus.
C'est l'élément qui est venu trop tard pour Dave.
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Merci de votre question.
Nous entendons très souvent le point de vue de jeunes qui s'efforcent de s'accepter et de se faire accepter par leur milieu. Cela peut avoir un impact très profond sur leur santé mentale et l'espoir qu'ils peuvent avoir dans l'avenir lorsqu'ils s'assument et entrent dans la vie adulte.
Je voudrais vraiment faire comprendre au comité que ce ne sont pas tant les actes d'une personne qui peuvent avoir un impact si grave sur l'estime de soi, mais plutôt les attitudes de la collectivité au sujet de l'incident ou de la personne: une indifférence anodine, le refus de voir le problème, l'absence d'intervention ou de dénonciation de l'intimidation, qui ferait comprendre à la victime que ces idées ne sont pas partagées par l'ensemble de la collectivité. Ce qui fait mal, c'est que les dirigeants de l'école, les autres élèves, les membres de la famille et la collectivité en général gardent le silence et n'interviennent pas pour faire savoir au jeune qu'il a sa valeur, qu'il vaut la peine, que les gens du groupe en cause peuvent compter pouvoir vivre leur vie à leur façon, connaître l'amour, l'estime de soi et s'épanouir. Des interventions comme celles-là, aussi simples puissent-elles paraître, peuvent être extrêmement utiles. C'est le genre de soutien que nous apportons.
Nous menons notre activité à partir de Toronto, mais nous sommes au service de jeunes de toute l'Ontario. Nous recevons donc des appels de localités éloignées, là où une personne peut avoir l'impression d'être la seule à s'identifier comme lesbienne ou gay, comme bisexuel ou transsexuel. Les jeunes qui sont dans cette situation peuvent entendre quelqu'un, à 1 000 kilomètres de chez eux, leur dire: « Vous n'êtes pas anormal. Il est acceptable d'avoir ce genre de pensée, de sentiment, de désir. » Le simple fait d'entendre quelqu'un, au loin, dire qu'on aura ses chances dans la vie, cela peut avoir énormément de force. Je le sais, puisque je suis passée par là.
Quant aux changements sociaux plus larges, nous devons susciter dans les écoles un climat dans lequel il est inacceptable de communiquer des valeurs homophobes ou hostiles aux transsexuels aussi bien dans les classes que sur le terrain de jeu.
Il est certain que les grandes initiatives de changements sociaux aident les jeunes à comprendre qu'ils vivent dans un pays, une société où la haine et l'oppression ne sont pas tolérées.
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Ceux qui ont connu Dave savent qu'il était perfectionniste. Il l'était dès l'enfance.
Avec cette personnalité de type A, il a probablement toujours eu une certaine anxiété dans sa vie. Le plus souvent, il visait haut et ne se satisfaisait que de résultats éclatants dans tout ce qu'il faisait. Il a probablement eu une anxiété de faible intensité toute sa vie.
Pourtant, il ne savait jamais comment quitter un poste ni se résoudre à autre chose qu'un travail constant, 24 heures par jour et sept jours par semaine. Les députés de la Saskatchewan, comme Mme Block peut en témoigner, n'ont pas de vols directs pour se rendre à Ottawa. Il faut se lever à 4 heures du matin le lundi, prendre le vol de 6 heures. Arrivé à Ottawa, pas question de faire la sieste à l'hôtel; on va directement de l'aéroport à la période des questions. La journée est longue. Voilà le genre de problème. On est toujours en déplacement.
Le gouvernement a été minoritaire pendant tous les mandats de Dave, et cela fait une énorme différence. Je suis heureuse qu'il y ait maintenant une majorité. Vous avez donc une vie plus stable, je l'espère, grâce à cette majorité. Ce fut difficile, c'est certain. Mais il y avait ces nombreux voyages et le changement constant de fuseau horaire.
La première fois qu'il a été élu, Dave l'a emporté par 124 voix, et il y pensait toujours. Alors que certains veulent rentrer chez eux pour le week-end et relaxer, sans participer à des activités, nous avions toujours quelque chose à faire. Un certain déséquilibre s'est installé dans nos vies, assurément. Avant qu'il ne soit député, nous avions nos petites soirées de rendez-vous, par exemple. Mais elles ont disparu. Nos rendez-vous avaient lieu dans des banquets à Regina et à Moose Jaw.
Il est toujours important de préserver un équilibre dans sa vie, peu importe son travail. Ce fut certainement une des causes du problème.
J'ai dit qu'il était devenu dépendant des somnifères et des anxiolytiques d'ordonnance, et son travail de député a sûrement aggravé le problème.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie aussi tous les témoins de nous avoir donné plus d'information sur les stratégies qui existent ailleurs dans le monde et sur les interventions réalisées par le Canada au fil des années.
Monsieur Mishara, j'ai trouvé très intéressant que vous ayez parlé des 40 recommandations contenues dans les rapports précédents. Jusqu'à maintenant, peu de choses ont été menées de façon concrète. L'OMS recommande à chaque pays de développer des stratégies nationales. C'est ce qui est proposé ici, bien que ce ne soit encore qu'une proposition.
Selon vous, à quelles cibles devrait-on donner la priorité? Au Québec, on a fait de la prévention très efficace qui a permis de diminuer de 50 p. 100 le taux de suicide chez les jeunes. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de la campagne de sensibilisation de Jasmin Roy, acteur et animateur très connu au Québec. Il est homosexuel et il a été victime de beaucoup d'homophobie durant sa jeunesse, son adolescence et le début de sa vie adulte. Il a écrit un livre au titre très provocateur, soit Osti de fif!, ce qui correspond à une expression que les jeunes utilisent de façon courante et très banale, bien qu'elle soit très destructrice.
J'aimerais que vous me parliez des cibles auxquelles il faudrait donner priorité.
J'accepte l'amendement favorable de mon collègue Dany Morin. Je trouve qu'il est très important, étant donné que depuis plus d'une semaine à la Chambre, on pose des questions au gouvernement, et précisément à la ministre de la Santé, sur un plan qui viendrait pallier la pénurie de médicaments.
Vous n'êtes pas sans savoir que l'entreprise Sandoz Canada à Boucherville, au Québec, en est présentement à diminuer sa production. On sait que la Food and Drug Administration des États-Unis est intervenue à la mi-février pour faire savoir à l'entreprise Sandoz Canada qu'elle ne respectait pas les normes de qualité des médicaments et qu'il lui faudrait apporter des améliorations dans sa chaîne de production, ce que l'entreprise s'est engagée à faire. Ensuite, il y a eu un feu. Étant donné que Sandoz Canada est le principal fournisseur de médicaments au Québec, entre autres pour les chirurgies et les injections, plus d'une soixantaine de chirurgies ont été annulées dans deux hôpitaux, soit ceux de Hull et de Gatineau. De plus, plusieurs patients doivent attendre pour subir leurs traitements et obtenir leurs médicaments à cause de la pénurie qui s'annonce.
Actuellement, on n'a pas de plan pour aider ces gens. La ministre a annoncé qu'elle allait importer des médicaments. En attendant, il faudrait un plan. Il est très important qu'on puisse avoir un plan...