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Bonjour, madame la présidente. Bonjour à tous. Merci de me donner l'occasion d'entretenir le comité de l'utilisation de la technologie dans la gestion des malades chroniques.
Je suis médecin de famille et directeur sceptique par intérim du Technology Evaluation in the Elderly Network, ou TVN. Nous travaillons à l'Université Queen's et à l'hôpital général de Kingston. Le TVN est un centre national d'excellence qui a des fonds de 23,8 millions de dollars à utiliser au cours des cinq prochaines années. Sa mission est d'améliorer les soins dispensés aux patients âgés gravement malades et à leur famille en élaborant, en évaluant rigoureusement et en appliquant de façon éthique des technologies de soins pour, au bout du compte, améliorer les résultats pour les patients, les familles, les professionnels de la santé et l'ensemble du système de santé. Le réseau, qui a des chercheurs dans tout le Canada et des partenariats avec l'industrie et des organisations communautaires, est déterminé à améliorer les soins des grands malades âgés par des recherches et des partenariats axés sur les solutions.
Nous favorisons la recherche et la diffusion de l'information pour garantir la bonne utilisation de technologies de survie en fin de vie dans le respect des volontés du patient. Nous formons aussi des étudiants dans ce domaine pour continuer de faire progresser les soins des personnes âgées en fin de vie. Plus précisément, nous voulons agir sur quatre plans: meilleurs soins pour les malades âgés; plus grande efficacité du système de santé; politiques et pratiques validées par des éléments probants; allégement de la détresse morale des patients, des familles et des soignants.
Voici deux ou trois exemples de projets de recherche financés récemment. L'un, confié à la Dre Karen Burns, s'intitule « Practices in End of Life Care and in Discontinuing Mechanical Ventilation in Elderly Critically Ill Patients ». Un autre a été confié aux Drs Francis Lau et Doris Barwich: « A Knowledge Translation Project on Benchmarking End of Life Care Practices for the Elderly in Primary Care ». Dernier exemple: « OPTIMAL Selection For and Timing to Start Renal Replacement in Critically Ill Older Patients with Acute Kidney Injury », dont les Drs Sean Bagshaw et Ron Wald ont la charge.
Le programme national Les Réseaux de centres d’excellence est financé par le gouvernement fédéral par l'entremise des Instituts de recherche en santé du Canada, du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et du Conseil de recherches en sciences humaines. La mission des RCE est de mobiliser les chercheurs canadiens des milieux universitaire, privé et public en vue du développement de l’économie nationale et de l’amélioration de la qualité de vie des Canadiens. Leur autre objectif est de mobiliser le savoir produit par la recherche et de commercialiser la technologie.
Je vais parler aujourd'hui du recours à la technologie pour les malades âgés. Le TVN a défini la technologie de façon très large. Elle peut comprendre aussi bien des outils de faible technicité, comme les outils de collecte des données que des machines de survie, des tests de diagnostic et des traitements de très haute technicité. D'autres l'ont dit: il y a bien des façons d'utiliser la technologie pour améliorer les soins des malades chroniques. Par exemple, je dirige également un réseau national de surveillance des soins primaires pour les maladies chroniques qui recueille l'information sur la santé des patients dans les dossiers médicaux électroniques. Il utilise cette information pour surveiller les maladies chroniques, améliorer la qualité des soins et faire des recherches. Les dossiers médicaux électroniques sont très prometteurs pour l'amélioration de la gestion des maladies chroniques dans les soins primaires.
Mais que se passe-t-il lorsque les maladies chroniques progressent au point que la fin de vie est inévitable, malgré tous nos efforts, et lorsque le patient devient très malade? Des études antérieures nous apprennent qu'il existe souvent un décalage entre les valeurs des Canadiens en matière de santé et leur expérience des soins de santé. L'accent qui est mis sur la technologie dans les soins aigus a souvent pour conséquence que les personnes âgées sont traitées d'une manière non conforme à leurs valeurs. On peut prolonger les souffrances sans améliorer la qualité de vie, et les professionnels de la santé sont souvent placés dans des situations incompatibles avec leurs propres valeurs.
L'augmentation du nombre absolu de Canadiens âgés qui meurent et le recours croissant aux technologies de survie ont fait apparaître un paradoxe dans la médecine moderne pour les patients en fin de vie.
Bien que la plupart des patients âgés préfèrent des traitements moins agressifs, il leur arrive souvent qu'on utilise les technologies de survie aux derniers stades de la maladie et de l'agonie.
Dans le monde occidental, une personne âgée sur cinq qui meurent à l'hôpital meurt aux soins intensifs. La proportion des patients de 80 ans et plus admis aux soins intensifs au Canada est passée de 10 p. 100 au milieu des années 1990 à près de 20 p. 100 aujourd'hui. La plupart des patients âgés sont attachés à la qualité de vie et souhaitent qu'on évite de prolonger inutilement leur vie au moyen de la technologie. Pourtant des soutiens agressifs à la survie sont souvent apportés au patient pendant ses derniers mois, même lorsque lui ou sa famille préfèrent les simples soins de confort. Par exemple, le taux de réanimation cardiopulmonaire avant le décès est à la hausse dans le cas des patients hospitalisés.
On se pose des questions: dois-je intuber un emphysémateux âgé qui contracte la pneumonie et a besoin d'une assistance respiratoire? Dois-je installer un régulateur cardiaque à un patient âgé atteint de démence et qui souffre d'irrégularité cardiaque? Dois-je mettre en dialyse un patient âgé atteint de sclérose en plaques? Chaque jour, des médecins, des patients, des familles se posent ces questions. Souvent, on ne pose pas les bonnes questions, on commence à utiliser la technologie sans discuter, et tous se retrouvent dans une situation que personne ne souhaite.
La technologie peut être extrêmement utile pour aider des malades chroniques à vivre mieux et plus longtemps, mais il existe un besoin grave et immédiat: il faut améliorer les soins des patients âgés et très malades et de leurs familles en mettant en place une évaluation rigoureuse et une utilisation éthique des technologies. De plus en plus de faits montrent que l'utilisation non souhaitée de la technologie en fin de vie est associée aux pires évaluations de la qualité de vie, tant chez les patients que dans les familles, ce qui, selon les familles, entraîne plus d'anxiété et de dépressions. Pour nous, c'est là un enjeu fondamental dans les utilisations existantes et à venir de la technologie. Il est urgent d'améliorer les communications et la prise de décisions au sujet de l'utilisation des technologies de survie. Il faut notamment qu'il y ait communication entre les professionnels de la santé, notamment aux étapes charnières dans les soins; communication de l'information sur la santé et les volontés du patient; communication entre professionnels, patients et familles.
J'aurais deux ou trois recommandations à formuler. Nous devons attirer l'attention sur les approches de très faible technicité comme la planification préalable des soins. Que se passerait-il si tous les Canadiens avaient un plan préalable des soins lorsqu'ils arrivent à l'hôpital et si la famille et les professionnels de la santé connaissaient les volontés des patients, si chacun de nous avait un plan préalable, comme une application sur téléphone intelligent, et si nous le portions constamment? Le gouvernement fédéral peut favoriser ce dialogue sur la planification préalable des soins à des moments charnières de la vie et envisager de fournir une information de cette nature dans les envois postaux portant sur les demandes de prestations du RPC.
Nous devons définir un cadre éthique pour l'utilisation de la technologie pour les patients âgés en fin de vie pour leur garantir les soins voulus au bon moment. Le gouvernement fédéral devrait se donner comme priorité de faire participer les ministres provinciaux et territoriaux de la Santé à des échanges sur les pratiques exemplaires et des mesures et normes communes concernant les soins.
L'information sur les soins de santé doit être à la disposition de quiconque prodigue ces soins. Elle doit arriver au bon moment et être facilement accessible. Il est vrai que le Canada a consacré des milliards de dollars à la mise en place des dossiers médicaux électroniques, mais nous devons continuer d'y investir pour atteindre nos objectifs.
Enfin, le gouvernement fédéral doit continuer à investir dans des programmes nationaux comme les RCE pour favoriser une recherche de qualité mondiale, la diffusion du savoir et la commercialisation de la technologie.
Merci.
Je voudrais me présenter. Je suis médecin de famille et PDG d'INTERxVENT Canada. Il s'agit d'une organisation à vocation lucrative. Après avoir écouté le témoin précédent, je dirais que la différence entre ses investissements et ses recherches, d'une part, et ce que nous faisons, d'autre part, fait ressortir un point dont il faut prendre note. Même si je veux décrire les activités d'INTERxVENT Canada, je tiens à souligner au préalable que je suis entré dans le monde des soins préventifs justement pour éviter la situation décrite à l'instant des grands malades et des malades chroniques — pas uniquement les malades âgés, mais tous les malades au Canada — et parce que j'ai pris conscience du fait qu'il est bien préférable de prévenir les maladies chroniques que d'essayer de les guérir.
Cela dit, je proposerai d'abord un survol de la plate-forme et des produits d'INTERxVENT, non pas pour faire valoir INTERxVENT, mais pour attirer l'attention sur les produits comme ceux qu'elle propose et montrer l'importance des programmes de bien-être et de gestion des maladies pour le dépistage de masse, le dépistage précoce des risques et la gestion des maladies chroniques à un stade plus précoce, de façon à retarder le plus possible l'inévitable et à améliorer la qualité de vie et l'état de santé le plus longtemps possible.
Nos produits et bien d'autres produits qui leur sont semblables permettent de faire du dépistage de masse et précoce, et d'améliorer la qualité de vie de façon efficace par rapport aux coûts et adaptable, comme nous l'avons fait dans beaucoup de pays.
Permettez-moi de présenter très rapidement le Dr Neil Gordon pour situer l'action d'INTERxVENT dans son contexte. Le Dr Neil Gordon a été un de mes camarades d'études en Afrique du Sud. Il a émigré aux États-Unis et il a consacré les 25 dernières années entièrement à la prévention en matière de santé.
Il a enseigné la médecine à l'Emory University et présidé le comité de l'American Heart Association chargé de l'exercice physique, de la réadaptation cardiaque et de la prévention. Depuis 16 ans, il élabore la plate-forme et la série de produits d'INTERxVENT. Il a publié plus d'une centaine d'articles et résumés scientifiques dans toutes les grandes publications médicales dont les articles sont soumis à des pairs. Sa vie a été consacrée aux soins fondés sur des données probantes et dispensés de façon personnalisée.
Un mot encore sur le Dr Gordon et ce qu'il fait aux États-Unis, là encore pour situer le contexte, après quoi je m'en tiendrai à ce qui se fait au Canada.
INTERxVENT International s'est associée récemment à l'American College of Cardiology pour apporter une série de programmes aux patients par l'entremise de 40 000 bureaux de cardiologie, sans oublier, sous la marque de l'American College of Cardiology, « des programmes de bien-être en milieu de travail ». Au Canada, nous avons suivi un parcours analogue, si je peux dire, en nous associant à C-CHANGE, ou Canadian Cardiovascular Harmonized National Guidelines Endeavour, qui est une entreprise lancée par des chefs de file universitaires et scientifiques au Canada qui font partie des huit groupes chargés d'élaborer un groupe harmonisé de lignes directrices.
Le Dr Birtwhistle sera sûrement d'accord avec moi pour dire que nous, médecins de famille, sommes inondés de lignes directrices provenant d'organisations diverses et dont le contenu est semblable, mais jamais tout à fait identique. Ces groupes chargés des lignes directrices se sont réunis pour élaborer un ensemble harmonisé de lignes directrices. Au groupe de travail sur l’innovation en matière de santé, les premiers ministres ont annoncé la mise en application des lignes directrices de C-CHANGE comme l'un des trois principaux ensembles de lignes directrices.
Collaborant avec C-CHANGE, le Dr Gordon et moi avons intégré les lignes directrices de C-CHANGE à l'ensemble des programmes d'INTERxVENT de façon qu'elles puissent désormais être communiquées individuellement à chaque participant ou patient.
Qu'est-ce qu'INTERxVENT? Une plate-forme qui évolue. Tout commence par une évaluation très perfectionnée des risques en matière de santé qui est fondée sur des algorithmes. L'évaluation est faite à partir des réponses du participant, mais elle est enrichie par l'intégration de données de laboratoire et biométriques.
Nous avons un étroit partenariat avec les Gamma-Dynacare Medical Laboratories, entreprise qui a été jusqu'à maintenant l'un de nos principaux bailleurs de fonds. Nous avons un module intégré au moyen duquel nous pouvons reprendre les résultats des laboratoires, qui sont intégrés à l'évaluation des risques et nous aident à stratifier les participants, qu'il s'agisse d'employés ou de patients, selon le degré de risque: faible, moyen ou élevé. Une fois qu'ils sont rangés dans une catégorie, les participants se font offrir en ligne des interventions à leur usage.
Je vais donner une idée de ce que comprend notre évaluation des risques. Ce sont des interventions en ligne que le participant utilise, des trousses d'information séquencée ou des programmes sur l'alimentation, la gestion du poids, l'activité physique, la gestion du stress, l'abandon du tabagisme, la gestion des médicaments. Nous avons ajouté récemment deux modules de gestion thérapeutique du diabète et de la dépression.
Les participants peuvent se prévaloir de programmes qu'ils gèrent eux-mêmes, mais ils peuvent aussi faire appel à un conseiller. Il s'agit d'un professionnel de la santé qui a reçu une formation sur les données de base d'INTERxVENT. Les participants ont donc droit à des programmes encadrés — programme complet ou programme d'alimentation, de gestion du poids, de la dépression, du diabète, etc. — par des spécialistes compétents, qui ont aussi reçu une formation sur les données de base, de façon qu'ils suivent les lignes directrices et que, même si chaque produit est personnalisé, il soit aussi normalisé selon des lignes directrices cliniques.
Il y a des rapports très étudiés qui découlent de l'évaluation des risques, des fiches et des rapports détaillés qui suivent. De plus, nous avons des rapports de médecins dont je parlerai dans un instant.
Avec Shoppers Drug Mart, nous avons également ajouté un module pour les médicaments. Les participants, qu'ils soient des patients ou des employés, peuvent indiquer leurs médicaments en donnant le numéro d'identification ou le nom du médicament ou encore le nom des remèdes à base de plantes. Cela fait surgir la question des interactions entre les médicaments et les herbes. Les conseillers d'INTERxVENT sont informés des comportements médiocres dans la prise de médicaments. Bien des faits montrent que des patients arrêtent de prendre leurs médicaments sans les conseils d'un professionnel de la santé. Nos publications ont montré que, lorsque des gens suivent un programme encadré, ils respectent presque tous leur régime de médication.
Comme je l'ai déjà dit, nous sommes associés aux laboratoires Gamma-Dynacare, et le participant peut télécharger, depuis l'évaluation des risques, une demande de tests en laboratoire concernant le glucose, l'hémoglobine A1c, de tests sur les lipides, la tension artérielle et le poids.
Ces mesures, comme les mesures sanguines et biométriques, sont prises dans un centre de services aux patients de Gamma-Dynacare Laboratories n'importe où au Canada et elles sont automatiquement versées dans l'évaluation des risques. Elles peuvent modifier radicalement le profil de risque. Des participants qui se croyaient à faible risque parce qu'ils n'avaient pas eu de glucométrie depuis trois ans peuvent apprendre qu'ils sont diabétiques et passer de faible risque à risque élevé.
Évidemment, l'intensité et la durée des programmes qui suivent dépendent de la volonté du participant de changer, d'abord, puis du profil des facteurs de risque modifiables.
Au fond, INTERxVENT s'occupe des changements du comportement. Il est très difficile de changer de comportement, mais nos conseillers reçoivent une formation sur le comportement et son changement, et nous obtenons d'excellents résultats, comme en obtiennent beaucoup d'autres programmes de gestion du bien-être et de la maladie qui suivent des lignes directrices fondées sur des données probantes.
Nous offrons aussi l'évaluation des risques en matière de santé, nous avons de nombreux codes de risque et nous aiguillons les participants vers les professionnels de la santé compétents. Par exemple, dans certains de nos programmes, ceux qui souffrent de dépression, d'anxiété, de toxicomanie ou d'alcoolisme sont envoyés à des services d'aide aux employés. D'autres chez qui on décèle le diabète sont renvoyés à un pharmacien pour vérification de leurs médicaments.
Comme je vieillis, ces questions me préoccupent beaucoup.
Je ne remets pas du tout en question la qualité de vos recherches; elles sont très intéressantes.
Vous avez parlé de sept provinces. Quelles sont les trois qui n'y participent pas?
Par ailleurs, est-ce que l'attitude des gens, même celle des chercheurs, varie face à ces problèmes? C'est une question d'attitude. Les programmes sont parfaits sur le plan intellectuel, mais est-ce qu'on s'efforce vraiment de respecter la volonté des malades? Il y a aussi la volonté des parents, mais celle des malades est prioritaire.
Je viens du Québec. Contrairement à ce que disait Mme Sellah, quand mon père était malade, son médecin, qui était une femme, lui a demandé quelle était sa volonté dans le cas où il aurait une crise cardiaque. Le lendemain matin, il m'a prévenu qu'elle avait écrit dans son rapport qu'il ne fallait rien faire. C'était parce que mon père, qui avait toute sa tête à 90 ans, en avait décidé ainsi. On ne m'a même pas consultée. J'ai beaucoup apprécié cette attitude. Je trouve ça important.
Dans vos programmes, accordez-vous de l'importance au respect de la liberté des gens?
Par ailleurs, pourquoi trois province ne participent-elles pas à votre programme, qui est tout de même fédéral?
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Il y a essentiellement deux manières différentes de participer au programme. L’une d’elles, ce sont les programmes parrainés par l’employeur. Aux États-Unis, 90 p. 100 des entreprises qui comptent plus d’un millier d’employés offrent à ceux-ci un programme structuré qui vise à assurer leur bien-être et à gérer les maladies. Pourquoi le font-elles? Parce qu’il y a un excellent rendement sur l’investissement, sous la forme d’améliorations au plan des dépenses directes et indirectes en soins de santé.
Au Canada, c’est un peu plus difficile. Pour les employeurs, le rendement se limite aux dépenses indirectes en soins de santé, et je songe à l’absentéisme et à l’assiduité, à l’amélioration de la productivité. Les coûts directs en soins de santé sont à la charge de l’État, alors que, aux États-Unis, c’est l’employeur qui doit les assumer.
Cela dit, il s’est fait beaucoup de recherche. Un certain Chapman a publié en 2012 dans l’American Journal of Health Promotion une évaluation de 62 études sur le bien-être en milieu de travail. Il y montre que le rendement sur l’investissement est de 5,5:1, seulement au chapitre de la productivité. La productivité est très importante pour les employeurs. Bien entendu, les gouvernements au Canada, fédéral et provinciaux, pourraient se percevoir comme d’énormes entreprises, si on veut, qui auraient des avantages à retirer sur le plan des dépenses directes en soins de santé, puisque l’État assume le coût des visites à l’hôpital, aux urgences, etc., et sur le plan de la productivité.
L’autre façon d’offrir INTERxVENT aux patients, c’est de passer par l’intermédiaire des médecins. Toujours aux États-Unis, dans le cadre du régime d’Obama, des modifications récentes ont permis d’offrir des programmes visant à assurer le bien-être et la gestion des maladies, avec un encadrement par des infirmières dans les cabinets.
L’explication la plus facile à proposer aux patients qui envisagent d’adhérer au programme, c’est l’exemple de Weight Watchers. Weight Watchers n’a rien de magique, mais il faut dire qu’il est difficile de modifier les comportements. On a besoin de soutien. On se rend chez Weight Watchers ou on consulte en ligne. On parle avec son conseiller pour rester motivé. C’est très semblable aux Alcooliques anonymes.
Dans tous les changements du mode de vie où il faut modifier le régime alimentaire, faire plus d’exercice, perdre du poids, il est très important de pouvoir compter sur le soutien d’un conseiller. Ce sont des programmes structurés qui sont offerts depuis peu aux États-Unis. Il y a eu des études. Les auteurs parlent en des termes très positifs de l’offre de conseils au téléphone en matière de santé.
Les programmes d’INTERxVENT peuvent être adaptés parce que les conseils au téléphone sont proposés à partir d’un centre d’appels. Nous offrons des programmes pour les employés, par exemple chez Sykes, qui les propose à ses propres employés. Il y a aussi Télésanté Ontario.
Comme médecin de famille, je peux dire que le service de conseils de télésanté se contente de recevoir des appels. À mon avis, il y a là une capacité inexploitée. Il est possible de faire également des appels pour encourager les gens à perdre du poids, à faire plus d’exercice, à faire des prises de sang, à se présenter à leur bilan de santé, à réduire leur taux de cholestérol, de glucose, etc…
Madame la présidente, mon intervention sera probablement plutôt une déclaration.
La période de la fin de vie présente un défi intéressant pour les médecins. Vous en êtes au point où vous pouvez faire intervenir tout l'arsenal de la technologie. Vous pouvez utiliser un respirateur artificiel pour tenir un patient inerte en vie pendant très longtemps.
Pour moi, la qualité de vie, c'est bien plus que sa durée. Je suis un ancien policier. Il est arrivé quelque fois que nous tombions sur des personnes qui avaient exprimé leur volonté de ne pas être réanimées. Ce semble un moyen fort simple de s'y prendre sans recourir à quelque innovation technologique que ce soit. Pas de réanimation: très simple. Il est très difficile pour la famille d'accepter, mais au moins, les médecins ont une indication claire.
À propos d'innovation technologique, y a-t-il moyen de créer une base de données électroniques qui montre la dégradation dans la vie d'un être humain?
Je me prends en exemple. J'ai 87 ans. J'ai une maladie cardiaque dégénérative. Nous avons essayé 15 solutions différentes. Il est insensé de... Et je dis que je ne veux plus aucun traitement, que je veux mourir avec un peu de dignité.
Je ne sais pas trop. Que pensez-vous de cela, docteur Birtwhistle?
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Je vais prendre vos propos comme un compliment. Merci.
Je trouve du plaisir à essayer de bâtir du neuf. Il faut de la passion, au fond, et je me passionne pour la prévention, pour la recherche de solutions précoces qui peuvent changer le cours de la vie d'une personne avant que la maladie ne frappe.
J'exerce la médecine depuis 28 ans, et j'ai vu beaucoup de malades. Nous avons beaucoup parlé de la fin de vie, des aînés et des maladies chroniques. Si on contractait une maladie chronique et mourrait tout de suite, sans cette période de qualité de vie médiocre entre le début de la maladie et la mort, ces efforts seraient inutiles.
Il y a de très nombreux entrepreneurs. Vous seriez étonné de voir toute la concurrence qui existe au Canada. Chez nous, nous en sommes encore aux premiers balbutiements. Aux États-Unis, c'est une industrie qui vaut des milliards de dollars. Je le répète, 90 p. 100 des sociétés offrent ces programmes. Au Canada, c'est probablement 2 ou 3 p. 100.
C'est plus difficile ici à cause du système de soins de santé financé par l'État et parce que les employeurs comptent que l'État se chargera de tout.
INTERxVENT Canada est parrainée par MaRS. Il a fait une présentation chez MaRS et à la conférence mondiale sur la santé. Beaucoup d'entrepreneurs travaillent avec nous, ont des partenariats avec nous, parlent d'intégrer des incitatifs, des défis, les médias sociaux. En ce moment même, nous examinons beaucoup de partenariats différents.
J'estime donc que le Canada progresse dans le monde en faisant ses preuves dans l'innovation en soins de santé.
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Merci. Excellente question.
D'après notre expérience, lorsque nous allons présenter nos produits aux services des ressources humaines en milieu de travail et aux directeurs financiers de grandes sociétés, tous demandent la même chose. Ils veulent une preuve canadienne qu'il y aura des résultats meilleurs, une plus grande productivité, moins d'absentéisme, plus d'assiduité.
Le gouvernement pourrait beaucoup nous aider d'abord en mettant à l'essai des produits comme les nôtres, mais pas forcément les nôtres, des évaluations des risques en matière de santé, des programmes fondés sur des données probantes et conformes aux lignes directrices de C-CHANGE et d'autres lignes directrices canadiennes. Il faut proposer ces programmes, faire des recherches sur eux et prouver que le rendement sur l'investissement au Canada ne diffère pas de celui qui a été prouvé dans d'autres pays, les résultats ayant paru dans de grandes publications de recherche indépendante avec examen par des pairs.
Deuxièmement, et c'est probablement le point crucial, il faudrait proposer des incitatifs fiscaux aux sociétés qui offrent ces programmes à leurs employés. Comme je l'ai dit, Chapman a évalué un demi-million de personnes et 62 études. Il a relevé des avantages énormes dans les résultats, une diminution de la consommation de médicaments, le respect de la médication par ceux qui doivent prendre des médicaments, des améliorations pour tous les autres facteurs comme la tension artérielle, le taux de satisfaction, etc.
Étant donné que c'est lui et non l'employeur qui bénéficie de la baisse des dépenses directes en soins de santé, si le gouvernement transmettait une partie de ces économies à l'employeur, ce serait un élément déclencheur qui amènerait certains des plus grands employeurs au Canada à adopter ces programmes de bien-être en milieu de travail, comme cela se fait dans l'ensemble des États-Unis et du monde occidental.
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La première fiche présente l'Institut de recherche Terry Fox. Il s'agit d'un institut virtuel. Environ 55 organisations des quatre coins du Canada y participent. Les grandes universités, les centres de recherche sur le cancer et les centres anticancéreux ont tous accepté de faire partie de cet institut virtuel. Son siège social est situé à Vancouver, mais son effectif est minime: cinq personnes. À partir du siège social, nous aidons à organiser et à orienter les investissements de la Fondation Terry Fox dans les divers types de recherche sur le cancer.
Inutile d'expliquer pourquoi il faut lutter contre le cancer au Canada. Nous voudrions tous que le taux de guérison soit plus élevé, que le nombre de personnes qui contractent la maladie diminue, etc. Nous comprenons et savons aussi qu'il y a eu beaucoup d'innovations au Canada. Il y a eu les investissements des ISRC — ce pourquoi j'ai passé la journée ici — et des investissements dans d'autres domaines, notamment Génome Canada et la Fondation canadienne pour l'innovation. Tous ces investissements ont été consentis pour appuyer les universités, et pourtant, nous savons tous que, d'une certaine façon, le consommateur n'a pas l'impression de voir ces investissements.
Je donnerai trois exemples de ce qui s'est passé, au moins dans le cas du cancer. La génomique est très importante. L'immunothérapie, l'utilisation du système immunitaire pour combattre le cancer, est très importante. L'imagerie l'est aussi.
Comment faisons-nous progresser la recherche sur le cancer au Canada? Comment nous y prenons-nous? Nous pouvons le faire en utilisant ces innovations, mais je ne suis pas ici pour vous expliquer comment. Les innovations sont très nombreuses. Je comparais pour vous parler de l'expérience de l'Institut de recherche Terry Fox, où nous trouvons qu'il est stimulant et très instructif de faire passer l'innovation au stade clinique. Voici ce que nous disons: le type d'innovation que nous souhaitons se fait très rarement, et il n'y a rien de systématique. Les organisations doivent faire des essais pilotes pour montrer l'efficacité de l'innovation avant qu'on ne l'utilise dans le système de santé.
Je vous parle en fait de recherche translationnelle. Cette recherche se fait en équipe. Un grand nombre d'organisations doivent conjuguer leurs efforts.
L'Institut de recherche Terry Fox, mis sur pied en 2007, met l'accent sur la recherche translationnelle. Il appuie beaucoup de programmes multidisciplinaires qui sont mis en oeuvre en équipe et avec des jalons à atteindre. Je ne vous empêtrerai pas dans les détails. Je vais vous parler d'un seul projet que nous réalisons et dont nous avons tiré beaucoup d'enseignements. C'est un projet de détection précoce du cancer du poumon.
Voici la logique de l'étude Terry Fox de la détection précoce du cancer du poumon.
Au Canada et dans tous les pays du monde, le cancer du poumon tue beaucoup de monde. Il a tué plus de monde que les cancers du sein, de la prostate et du colon pris ensemble. Ce n'est pas le cancer le plus fréquent, mais il tue plus de malades que tous ces autres cancers réunis. Nous savons aussi que, décelé assez tôt, il peut se guérir par une simple intervention chirurgicale. Nous savons tous cela. Mais souvent, lorsque la personne est atteinte et crache du sang, il est trop tard.
Les Américains ont dépensé 250 millions de dollars. Avec un échantillon de 50 000 personnes, ils ont montré que si on peut déceler le cancer du poumon assez tôt au moyen d'un tomodensitogramme à faible dose, le taux de mortalité diminue de 20 p. 100. C'est énorme. Où en est l'innovation canadienne? Nous n'avons pas 250 millions de dollars. Nous n'avons pas les moyens de dépenser cette somme pour faire du dépistage chez 50 000 personnes.
Nous avons décidé que nous devions dépister le cancer du poumon à un stade précoce beaucoup plus efficacement que nos collègues américains et à un coût bien moindre. L'équipe qui a été constituée a préparé un questionnaire sur le Web pour améliorer l'efficacité du dépistage.
Vous pouvez voir ce questionnaire sur le site Web. Il contient un certain nombre de questions sur le tabagisme. À quel âge avez-vous commencé à fumer? Fumez-vous toujours? En moyenne, combien de cigarettes par jour, etc.?
Il demande aussi d'indiquer le niveau d'études le plus élevé que vous avez atteint. Vous direz que la question n'a rien à voir. Il a été prouvé qu'il existe une corrélation entre le niveau des études et le risque de contracter le cancer du poumon, ce qui est étonnant. Il y a d'autres éléments semblables.
Nous avons donc fait ce travail, et le diagramme à secteurs indique que, en moyenne, pour environ cinq personnes sur 100, il a été possible de déceler un cancer du poumon à un stade précoce alors qu'il n'y avait aucun symptôme. Cette démarche est au moins trois fois plus efficace que ce que les Américains ont fait.
Le projet a été réalisé à Vancouver, à Calgary, à Toronto, à Hamilton, à Ottawa, à Québec et à Halifax. Nous avons pu montrer que, à l'échelle nationale, il était possible d'obtenir ce niveau d'efficacité. C'est grâce à la coopération de tout le monde. Ce fut une très belle expérience. Les 114 personnes soumises aux tests dont le cancer a été dépisté à un stade précoce et qui ont été traitées sont reconnaissantes.
Que nous a appris ce projet? Allons-nous le reprendre demain? Allons-nous l'intégrer automatiquement au système de soins?
La réponse est non, nous n'allons pas le faire. La démarche nous a appris à quel point il était difficile de lancer un projet pancanadien de cette nature. Il y a tellement d'administrations compartimentées, et il faut obtenir l'approbation en matière d'éthique pour la participation de presque tous les hôpitaux. En fait, un hôpital d'Ottawa n'a pu commencer qu'un an après tout le monde parce que nous avons eu du mal à faire approuver l'étude sur le plan éthique. Il y a les formalités administratives et tout le reste.
Nous savons aussi que nous essayons de bâtir un groupe intéressé par le travail sur le cancer du poumon. Par le passé, tous les groupes se concurrençaient. Il a fallu susciter la confiance et l'esprit de coopération. Enfin, le système de santé exigeait que nous fassions cet essai pour montrer que c'était économiquement réalisable.
Que nous a appris le projet? Que les Canadiens peuvent travailler tous ensemble. Étonnant. Quand on propose un projet auquel ils peuvent contribuer pour faire quelque chose d'important, les gens sont capables de travailler ensemble.
Nous avons aussi appris que nous ne pouvons pas utiliser automatiquement une solution venue d'ailleurs. Nous ne pouvons pas importer la technologie américaine et l'intégrer à notre système de santé. Ça ne marche pas. Il faut mettre l'innovation à l'essai sur le terrain pour voir où elle peut être utile dans notre système.
Dernier enseignement: même si nous avons eu de bons résultats, il faut dire que tous les participants provenaient de grandes villes. Tous les Canadiens ne vivent pas dans les grandes villes. Il y a des collectivités mal servies, des populations rurales. Il faut que ces tests soient mis à leur disposition.
Il nous faut d'autres innovations pour rejoindre ces gens. Voilà ce que nous avons appris. Il faut songer par exemple à utiliser des unités mobiles dans le nord du Canada, peut-être. Ce sont des innovations auxquelles nous songeons.
Enfin, le troisième projet. Cette innovation canadienne est reconnue à l'étranger. À Taïwan, par exemple. John s'y est rendu récemment.
C'est très important pour nous. Les Taïwanais ont collaboré avec nous et ils font des essais sur le terrain auprès de leur population. Notre propre population en bénéficiera, car nous sommes un pays d'immigrants.
Un défi demeure: toute innovation doit être mise en oeuvre dans la prestation des soins de santé. Nous pouvons inventer tout ce que nous voulons dans les ISRC et chez Génome Canada, nous pouvons investir grâce à la FCI, mais si l'innovation n'est pas adoptée, tout s'arrête. Rien ne se passe.
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Merci, madame la présidente.
C'est vraiment un honneur pour moi d'être ici avec vous. C'est la première fois que j'ai l'occasion de siéger au Comité permanent de la santé.
[Traduction]
C'est une journée marquée par d'incroyables coïncidences. Je viens de terminer pour mes électeurs un document consacré exclusivement à la santé, et c'est la première fois que je rencontre le Dr Ling, même si nous nous sommes souvent parlé.
C'est aussi la première fois, docteur Ling, que je sors ma chemise Terry Fox que Judith Fox m'a donnée avant mon départ pour Taïwan. J'ai offert la même au président Ma Ying-jeou de Taïwan. Il appuie fermement l'Institut Terry Fox. Il a dirigé l'organisation de la course Terry Fox à Taïwan pendant des années, jusqu'à la dernière, il y a quelques années. Il veut relancer cette activité.
Je suis très heureux de vous rencontrer. Je crois me faire l'interprète de tout le monde si je dis que nous sommes tous très fier de Terry Fox et de sa mémoire. Nous sommes ravis que vous contribuiez à perpétuer cette mémoire.
Vous avez parlé d'une organisation virtuelle. Il est excellent que vous ayez pu obtenir près de 600 millions de dollars pour une organisation virtuelle et que vous puissiez continuer à innover.
Dans un monde où on a tendance à juger des gens et des organisations d'après leur expérience, leurs études ou leur bilan, vous mettez l'accent sur la collaboration, et la collaboration internationale. À Taïwan, j'ai entendu parler de quatre scientifiques qui travaillent avec l'Institut Terry Fox à Taïwan. Ils s'intéressent au cancer du poumon, à la leucémie et, je crois, au cancer du foie.
Dans quelle mesure nous, Canadiens, innovons-nous dans l'utilisation de nos relations, tant au Canada que dans le reste du monde? Y a-t-il là une certaine originalité?