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SPRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON PRIVATE MEMBERS' BUSINESS OF THE STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

SOUS-COMITÉ DES AFFAIRES ÉMANANT DES DÉPUTÉS DU COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 31 mars 1998

• 0938

[Traduction]

La présidente (Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.)): Nous allons commencer.

Vous avez cinq minutes pour nous expliquer... Rappelez-vous que le but de tout ceci est de vous permettre de nous dire pourquoi à votre avis votre projet de loi devrait faire l'objet d'un vote. Certains députés commettent l'erreur de nous expliquer pourquoi nous devrions voter pour leur projet de loi lorsqu'il passera à la Chambre. En fait, vous êtes ici pour nous dire pourquoi votre projet de loi est suffisamment intéressant pour qu'il puisse bénéficier de trois heures de débat à la Chambre. D'accord?

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): D'accord.

Le Programme de contestation judiciaire, je vais vous l'expliquer, est une entité indépendante qui a son siège à Winnipeg. Elle reçoit chaque année 2,75 millions de dollars de deniers publics qu'elle redistribue à des groupes d'intérêts afin de leur permettre de faire valoir leurs principes d'action devant les tribunaux. Ma motion aurait pour effet de mettre fin au financement de ce programme, et elle est donc relativement simple.

J'estime que cette motion mérite d'être prise en considération par la Chambre. Les gouvernements précédents se sont toujours directement intéressés au programme et la question qui se posait était donc de savoir s'il fallait ou non le financer.

En 1992, le gouvernement précédent a fait exactement ce que ma motion se propose de faire, et il a cessé de financer le programme. Deux ans plus tard, une entente de contribution financière a été conclue avec le gouvernement, entente qui devait rester en vigueur jusqu'au printemps 1998. Le moment est donc propice pour soumettre cette motion à la Chambre, au mois d'avril.

Ma motion est conforme aux 11 critères cités par Beauchesne pour les affaires émanant des députés, mais il y a au moins trois raisons supplémentaires qui militent à l'appui de cette motion.

• 0940

Pour commencer, le Programme de contestation judiciaire n'a pas tenu sa promesse à l'endroit du gouvernement et ne lui rend plus compte. D'abord, l'objectif général du programme n'a pas été respecté. L'accord de financement de 1994 précisait bien que «Le programme a pour objectif de clarifier les droits et libertés garantis par la Constitution», mais en réalité, le programme a été peu enclin à financer des contestations judiciaires permettant précisément aux juges de faire la lumière sur la signification de la Charte.

De fait, les responsables du programme ont milité vigoureusement pour défendre certaines positions de principe en n'accordant des subventions qu'aux groupes qui se ralliaient à ces mêmes positions, au lieu d'adopter un juste milieu en donnant les mêmes facilités aux deux camps. L'accord de financement dit en effet ceci: «Le programme devra subventionner une large palette de groupes et d'individus».

Ce manque d'impartialité se constate également lorsqu'un juge ou un tribunal ne rend pas le jugement souhaité. À ce moment, les publications du programme s'empressent de clamer que la décision est une parodie de la justice.

Il devrait donc s'agir d'offrir un juste milieu en donnant aux deux camps en présence la possibilité de se défendre.

En second lieu, le Programme de contestation judiciaire est directement responsable de la montée du militantisme judiciaire, de l'impérialisme judiciaire comme certains l'ont appelé, ce qui en réalité a porté gravement préjudice au rôle des représentants élus du Parlement comme vous et moi.

Nous savons tous à quel point les tribunaux ont gagné en influence depuis 1982, en ce sens que divers mouvements ont passé outre les parlementaires fédéraux et provinciaux en présentant directement leurs causes devant les tribunaux, devant les juges. Cela n'a pas été sans semer l'inquiétude un peu partout au Canada, et en particulier dans les rangs de la magistrature, et les juges, bien souvent, lorsqu'ils abandonnent leurs fonctions à la Cour suprême par exemple, ne manquent pas de le faire savoir sitôt après.

Ce que je veux faire valoir ici c'est que le Programme de contestation judiciaire y a été pour beaucoup dans la coloration politique du système judiciaire. Les documents publiés sous couvert de ce programme donnent immanquablement l'impression que les tribunaux sont ni plus ni moins un moyen permettant aux divers mouvements de faire valoir leurs causes dans tel ou tel domaine de politique. D'ailleurs, une partie du budget du programme sert précisément à faire connaître l'existence de ces financements, dans l'espoir que certaines catégories prédéterminées de personnes et de mouvements vont ainsi être incités à demander un concours financier. Ainsi, au lieu de se limiter à préciser les dispositions constitutionnelles sous l'angle de la Charte, le Programme de contestation judiciaire a bien souvent pris l'initiative en décidant quels sont les grands dossiers de politique sociale qui vont être soumis aux tribunaux.

Troisièmement, beaucoup de gens au Canada estiment que ce programme utilise l'argent de leurs impôts à leur détriment, avec pour résultat une levée de boucliers contre le gouvernement.

Pour revenir au tout début de l'année, lorsqu'une dame de la Saskatchewan a reçu une subvention du Programme de contestation judiciaire pour soumettre aux tribunaux la question de la fessée et contester la validité de l'article 43 du Code criminel, cela avait fait les manchettes du plus important quotidien de Saskatoon. Cela avait provoqué un abondant courrier à la rédaction, de nombreuses interventions à la radio et dans d'autres médias.,

La population tient beaucoup à savoir comment les deniers publics sont dépensés, et il y a beaucoup de gens à Saskatoon et dans les environs qui sont révoltés à l'idée de devoir payer une contestation devant les tribunaux qui risque d'avoir pour effet de limiter l'autorité parentale. Après tout, c'est aux parents qu'il appartient d'élever les enfants.

Étant donné cette cause et bien d'autres encore que je pourrais citer, il est parfaitement légitime de se demander si cela est précisément ce qu'on entendait rendre possible grâce au Programme de contestation judiciaire et si l'intention initiale a bien été respectée.

Ce programme était destiné à l'origine à protéger les droits linguistiques minoritaires, mais il s'est transformé depuis, et cela d'une façon qui étonnerait peut-être ses auteurs au gouvernement.

Je pense qu'un débat conduit à la Chambre à ce sujet et qui se terminerait par un vote serait utile non seulement aux contribuables mais à tous les députés, en nous permettant de mieux comprendre quelle était l'intention initiale poursuivie lors de la création de ce programme. Ce serait un service à nous rendre ainsi qu'à la population.

Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie beaucoup. Y a-t-il des questions?

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Je voudrais vous demander si vous avez reçu des lettres ou des messages télécopiés pour réclamer votre attention sur la question, outre le fait bien sûr que les médias en ont fait état. Des gens vous ont-ils téléphoné pour vous dire que c'est là une question qui leur tient à coeur?

M. Maurice Vellacott: Effectivement. Nous avons eu une bonne dose de manifestations, d'irritation et de consternation à l'époque où cette cause faisant intervenir le Programme de contestation judiciaire a été relatée par les médias, et je pense que c'était en décembre et en janvier dernier. Beaucoup de gens nous ont rejoint pour nous dire: «Pourquoi l'argent de nos impôts devrait-il servir à notre détriment?»

La question en l'occurrence, l'abrogation de l'article 43 du Code criminel, est le seul moyen de défense qu'ont les parents lorsqu'il s'agit d'utiliser, judicieusement bien sûr, les châtiments corporels, en d'autres termes, donner une bonne fessée sur l'arrière-train du petit. Si cet article disparaît, tous les parents pourraient être poursuivis en justice. Je pense que cela serait la conséquence. Il y a donc beaucoup de gens qui pensent que leur argent est utilisé à leur détriment et à l'encontre des intérêts des parents dans le cadre de leurs obligations familiales.

• 0945

M. Ken Epp: Parfait, ce sera tout pour moi.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): J'aimerais savoir en quoi cette loi mine le rôle des députés. Vous avez parlé d'impérialisme de la magistrature. J'aimerais que vous m'expliquiez davantage le parallèle que vous faites entre cela et la limitation du rôle des élus.

[Traduction]

M. Maurice Vellacott: Essentiellement, notre système parlementaire copié sur le modèle britannique est tel que la politique sociale doit être décidée par les législateurs, les parlementaires. Il ne s'agit donc pas simplement de jeter la lumière sur tel ou tel élément juridique, c'est toute la question de confier l'orientation de la politique sociale aux tribunaux. Lorsqu'on en arrive à discuter de cela à la Chambre des communes et en comité, cela reviendrait à contourner en quelque sorte le système, à faire fi des représentants élus pour demander directement aux tribunaux de se prononcer, ce qui bat en brèche le rôle même des représentants élus et du gouvernement. Cela répond-il à votre question?

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Êtes-vous conscient que chaque jour, les tribunaux rendent des jugements qui ont une incidence directe sur notre mode de vie et sur nos interactions sociales? Quasiment tous les jugements rendus par les tribunaux sous-tendent ce genre de pouvoir quasi parlementaire, et ils font ainsi précédent. Le précédent demeure jusqu'au moment où il y a contestation, appel et éventuellement invalidation. S'agissant des organisations quasi judiciaires, c'est une responsabilité qu'assume la société démocratique. Si les jugements ne sont pas bons, on peut interjeter appel. La seule façon de s'en défaire est d'interjeter appel devant les tribunaux pour les faire invalider.

Dans le cas qui nous occupe, l'organisme en question, que je ne connais pas bien, engage des contestations devant les tribunaux dans l'espoir de pouvoir ainsi—et je ne connais pas les antécédents des responsables—corriger une injustice. Il me semble que cela est tout à fait conforme à la façon de faire les choses au Canada. Ce contre quoi vous en avez, c'est que l'organisme est financé à même les deniers publics. Voilà comment je vois la situation.

Je ne pense pas que vous puissiez jamais empêcher les gens de contester des décisions devant les tribunaux.

M. Maurice Vellacott: Vous avez parfaitement raison, John. Je crois que nous sommes tous deux d'accord pour dire que la Cour suprême, comme il se doit, fait preuve de retenue dans ses décisions—autrement dit, si le législateur ne s'est pas prononcé souvent, elle retourne l'affaire au législateur en le priant de prendre une décision pour fixer les orientations à suivre. Il convient par ailleurs de signaler que l'aide juridique finance actuellement quelque 75 p. 100 des contestations engagées en vertu de la Charte et ce, en sus du financement accordé au titre du Programme de contestation judiciaire.

L'aide juridique est un mécanisme plus équitable, car elle est accordée en fonction des moyens dont on dispose. Par contre, ceux qui font appel au Programme de contestation judiciaire ont parfois des revenus qui dépassent 100 000 $. Bien souvent, ce programme se fonde davantage sur des considérations idéologiques que sur le besoin financier en tant que tel.

Dans le cas du plaignant dans cette contestation qui se poursuit à l'heure actuelle où il est question de châtiments corporels—aux termes du Programme de contestation judiciaire, le plaignant est censé être nommé. Or, aucun enfant ni plaignant n'a été nommé. Pourtant l'affaire est censée être entendue.

M. John Richardson: Il s'agit là d'une démarche générique où personne n'est identifié. C'est tout simplement la nature de la contestation.

M. Maurice Vellacott: C'est juste, mais grâce à l'aide juridique, 75 p. 100 des contestations devant les tribunaux sont à l'heure actuelle... L'accès est quand même assuré aux pauvres, aux opprimés qui n'ont pas les moyens d'en appeler aux tribunaux, et il y a aussi d'autres mécanismes.

M. John Richardson: Merci.

La présidente: Monsieur Matthews, vous avez une question?

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Je n'en ai pas, merci.

La présidente: D'accord.

Merci beaucoup. Votre exposé était très clair. Le comité délibérera demain. Vous saurez ce qu'il en est après que la question aura été soumise au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre jeudi.

M. Maurice Vellacott: D'accord. Merci d'avoir bien voulu m'écouter.

La présidente: Merci.

• 0950

Monsieur Bernier, soyez le bienvenu.

M. Gilles Bernier (Tobique—Mactaquac, PC): Merci de me donner cette occasion de témoigner devant votre comité aujourd'hui pour discuter de ma motion d'initiative parlementaire sur le logement coopératif.

La motion M-193 a pour but d'engager un débat national sur la nature du logement coopératif et d'examiner les moyens par lesquels le gouvernement canadien peut contribuer à maintenir la viabilité de cet instrument d'importance capitale dans le domaine du logement.

Le gouvernement fédéral appuie le logement coopératif au Canada depuis 25 ans, et il le fait depuis un certain temps sous l'égide de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Les coopératives d'habitation sont une solution proprement canadienne dont profitent 250 000 personnes vivant dans 60 000 maisons et appartements.

En mars 1996, la SCHL a annoncé qu'elle s'efforcerait de transférer aux provinces et aux territoires la gestion des ressources fédérales existantes en matière de logement social. Les deux années qui ont suivi ont été marquées par la signature d'ententes avec la Saskatchewan, Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et les Territoires du Nord-Ouest, en vertu desquelles ces gouvernements assumeraient la responsabilité du logement public, du logement privé sans but lucratif ainsi que des coopératives d'habitation.

De manière générale, j'appuie le transfert aux provinces de la gestion du logement social. J'ai toujours été partisan de l'approche voulant que ce soit le palier de gouvernement qui soit le plus en mesure de servir les besoins de ses clients qui gère le programme en question. Cependant, l'inclusion du logement coopératif dans ce transfert de responsabilités crée de graves problèmes pour les membres des coopératives d'habitation.

Deux problèmes les préoccupent tout particulièrement. La perte de pouvoir et la perte de sécurité financière. Les coopératives sont radicalement différentes des autres types de logement social. Tout d'abord, on y trouve généralement des personnes dont le revenu va de modeste à moyen. Ces variations dans le revenu des membres des coopératives font en sorte qu'il est possible d'y éviter beaucoup des problèmes qui se présentent souvent quand des résidents à faible revenu sont tous groupés ensemble dans d'importants parcs de logement public.

Deuxièmement, les résidents veillent eux-mêmes à leurs affaires, ce qui contribue à leur fierté de propriétaire sur le plan tant individuel que collectif.

Enfin, les coopératives d'habitation sont les moins coûteuses de tous les programmes fédéraux de logement social, à cause de l'engagement et du dévouement de leurs membres.

Dans bien des provinces, on s'est engagé dans un processus d'harmonisation des programmes. Au fur et à mesure que les provinces assumeront la gestion du portefeuille du logement et mettront les coopératives d'habitation sur le même pied que les autres types de logement social, le principe de l'autogestion qui distingue les coopératives se trouvera érodé. Par conséquent, les avantages que procurent les coopératives d'habitation seront aussi érodés.

En Saskatchewan, par exemple, le gouvernement propose d'apporter des changements aux coopératives d'habitation qui réduiraient la responsabilité et l'autorité des membres de ces coopératives pour ce qui est des frais de logement exigés, des budgets et du nombre de ménages subventionnés.

À l'heure actuelle, les coopératives d'habitation fédérales ont des ententes avec la SCHL qui leur assurent une source de financement sûre et leur permettent d'établir des plans à long terme. Les ententes signées jusqu'à maintenant obligent les gouvernements provinciaux et territoriaux à se conformer à ces dispositions de financement. Malheureusement, le financement garanti expirera au même moment qu'expireront les ententes. Si la SCHL va de l'avant comme il est proposé, les fonds fédéraux consacrés aux coopératives d'habitation seraient ramenés graduellement à zéro d'ici quelques années.

Il y a toutefois une autre solution. Au début d'avril, la Fédération de l'habitation coopérative du Canada, la FHCC, doit rencontrer le ministre responsable de la SCHL et proposer la création d'un organisme non gouvernemental qui serait chargé de gérer les ententes en matière d'habitation coopérative. Si cette proposition était adoptée, le nouvel organisme pourrait économiser au bas mot 2 millions de dollars par an aux gouvernements, soit plus de 50 millions de dollars sur les 20 années à venir. Il répondrait aussi à l'objectif du gouvernement fédéral de transférer la gestion de l'habitation coopérative tout en conservant les éléments clés de son succès: le contrôle par les membres et la gestion décentralisée.

Permettez-moi de dire, en conclusion, que, même si la motion M-193 conduisait au réexamen de l'actuelle politique gouvernementale, elle ne se veut empreinte—et j'insiste là-dessus—d'aucun parti pris politique. Comme je l'ai déjà indiqué, j'approuve dans l'ensemble ce que fait le gouvernement dans le domaine du logement social. Le débat que je lance vise à optimiser la structure gouvernementale pour qu'elle serve le mieux possible les besoins des Canadiens.

Étant donné que l'approche en matière d'habitation coopérative semble présenter des problèmes et qu'il y aurait des solutions possibles, et étant donné par ailleurs que le ministre responsable cherche peut-être une nouvelle approche, il est tout à fait approprié que les députés puissent tenir un débat en bonne et due forme sur cette question et qu'ils puissent, par un vote, exprimer leur appui à l'habitation coopérative dans un contexte où la FHCC est prête à travailler avec le gouvernement afin de trouver une solution qui satisfera tout le monde.

• 0955

Merci encore d'avoir bien voulu m'écouter. Je serai heureux de répondre aux questions que vous voudrez me poser.

La présidente: Merci beaucoup.

Y a-t-il des questions?

Madame.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur Bernier, quand je lis le libellé de votre motion, je me pose une question. Vous parlez d'assurer la viabilité des coopératives, ce qui peut être très long. On sait que tout ce qui touche la philosophie de la coopération vise effectivement à favoriser la prise en charge des individus par eux-mêmes. En assurant la viabilité des coopératives, à long terme je suppose, ne relève-t-on pas monsieur ou madame qui fait partie d'une coopérative de logement d'un certain nombre de responsabilités?

M. Gilles Bernier: Absolument pas. Cependant, si le gouvernement fédéral confie les coopératives de logement aux provinces, comme il a déjà commencé à le faire, cela pourra se produire. Les ententes entre le fédéral et les provinces couvrent les huit à dix prochaines années. Après cette période, les provinces auront l'entière responsabilité de l'administration des logements sociaux, ce qui comprend les coopératives de logement.

Rien ne nous garantit que les provinces continueront à appuyer les coopératives de logement et qu'elles ne se limiteront pas strictement à un programme de logements sociaux. Au Nouveau-Brunswick, d'où je viens, la Société d'habitation du Nouveau-Brunswick gère des habitations à loyer modéré à l'intention des gens qui sont bien pauvres. Je suis un entrepreneur et j'ai beaucoup travaillé dans ces maisons. Le gouvernement provincial paie leur entretien, tandis que les coopératives de logement assument elles-mêmes de tels coûts.

Si j'étais locataire d'un logement d'une coopérative, je paierais comme tout autre locataire, mais ce serait quasiment ma maison. J'assumerais les frais reliés aux réparations nécessaires et je tondrais le gazon. C'est pour cette raison qu'il serait souhaitable que les coopératives de logement soient administrées par le fédéral. De nombreux députés ont dit que cette responsabilité demeurerait au niveau fédéral, tandis que certains autres semblent croire qu'elle ira aux provinces. On constate que quatre ou cinq provinces ont déjà signé une entente avec le fédéral et que cette responsabilité leur incombera. C'est ce qui nous fait peur. On veut que ça reste entre les mains des coopératives.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Vous souhaitez que les électeurs et les citoyens soient protégés de la gestion des provinces. Est-ce que les électeurs n'exercent pas assez de pressions sur leurs provinces?

M. Gilles Bernier: Pas nécessairement. Les coopératives veulent tout simplement garder leurs locataires et conserver leur autorité. Selon moi, ce n'est pas une question politique. Les coopératives ont toujours administré leurs propres logements. Les coopératives regroupent des membres qui souhaitent que ça reste comme ça. Ils ont des beaux logements. Il y a à la fois des maisons unifamiliales et des appartements.

Ce ne sont pas que des ménages à faible revenu qui y habitent. Il y a aussi des gens de la classe moyenne, des gens qui se débrouillent assez bien. Ils habitent de beaux logements. Ils aimeraient qu'on maintienne les coopératives et que ces dernières conservent leur autorité face à leurs locataires. J'appuie leur point de vue.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Dans quelle mesure les gens de votre circonscription et d'autres circonscriptions s'intéressent-ils à votre démarche?

M. Gilles Bernier: Nous avons reçu beaucoup de communications à ce sujet des électeurs de ma circonscription, de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique. Ils sont tous d'accord pour dire que le financement actuellement accordé par le gouvernement fédéral et tous les aspects de l'habitation coopérative qui relèvent du gouvernement fédéral devraient continuer à être de la responsabilité fédérale.

M. Ken Epp: Recevez-vous ces communications parce que vous êtes le porte-parole de votre parti pour ce qui touche à Travaux Publics et Services gouvernementaux, le ministère compétent, ou parce qu'il y a un intérêt à la base pour cette question dans votre circonscription?

M. Gilles Bernier: Non, je crois que c'est parce que je suis le porte-parole pour ce portefeuille.

M. Ken Epp: C'est tout.

La présidente: Avez-vous constaté qu'il y avait un intérêt pour cette question pendant la campagne électorale?

M. Gilles Bernier: Pas dans ma circonscription, non.

La présidente: D'accord, mais dans ma circonscription, on s'y intéressait.

• 1000

Y a-t-il des questions de ce côté-ci?

M. Gilles Bernier: Je sais que c'est une question importante, mais dans ma circonscription, il n'y a à peu près pas de coopératives d'habitation. Les logements relèvent surtout de la Société d'habitation du Nouveau-Brunswick, qui est géré par le gouvernement provincial et qui représente la Société canadienne d'hypothèques et de logement ici, au niveau fédéral. Voilà la situation dans ma circonscription, mais je sais qu'il s'agit d'une question controversée.

La présidente: Monsieur Matthews.

M. Bill Matthews: Vous craignez donc que, dans le cas des ententes qui ont été conclues avec quatre ou cinq gouvernements provinciaux, la province pourrait mettre fin à l'entente et que les habitants des coopératives ne seraient donc plus protégés?

M. Gilles Bernier: Non. Le fait est que, quand le gouvernement fédéral conclut une entente avec la province, la province s'engage à maintenir l'entente jusqu'à son expiration, soit huit ou dix ans après la signature. Après dix ans, on ne sait pas du tout ce qui se produira. Voilà ce qui nous inquiète.

M. Bill Matthews: D'accord. Alors, c'est ce que vous craignez—qu'il n'y aura plus de protection après l'expiration de ces ententes de huit ou dix ans.

M. Gilles Bernier: Exactement.

M. Bill Matthews: La province pourrait décider de ne pas renouveler l'entente et de ne pas continuer à appuyer le logement coopératif.

M. Gilles Bernier: Exactement, et il n'y aura plus de fonds fédéraux une fois que l'entente aura pris fin.

M. Bill Matthews: Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Breitkreuz. J'ai bien prononcé votre nom.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Oui, vous l'avez prononcé à l'anglaise. C'est Breitkreuz.

La présidente: Désolée.

M. Garry Breitkreuz: Non, ça va.

La présidente: Je persisterai sans doute à mal prononcer votre nom de toute façon.

M. Garry Breitkreuz: D'autres le massacrent encore plus.

La présidente: Que diriez-vous si je vous appelais Garry?

M. Garry Breitkreuz: Je n'y verrais pas de problème.

M. Ken Epp: En fait, il est Allemand, et c'est Pâques qui approche. Son nom veut dire «croix lumineuse».

La présidente: Merci d'avoir éclairé notre lanterne. Que ferions-nous sans M. Epp?

M. Garry Breitkreuz: En tous cas, merci beaucoup de bien vouloir écouter ma requête pour que ma motion puisse faire l'objet d'un vote. Je reconnais l'importance du travail que vous faites.

La motion M-33 que je propose invite le Parlement à modifier l'article 7 de la Charte des droits et libertés pour que soient reconnus: a) le droit fondamental des personnes de mener leur vie de famille librement sans ingérence indue de la part de l'État et b) le droit fondamental, la responsabilité et la liberté des parents de décider de l'éducation de leurs enfants, et à exhorter les assemblées législatives des provinces à agir en ce sens.

J'ai vérifié, et la motion est conforme à toutes les lignes directrices du comité. Je n'entrerai pas dans le détail à ce sujet, mais si vous vous reportez aux lignes directrices, vous verrez que la motion ne porte pas atteinte à la compétence des provinces ni quoique ce soit de ce genre. En fait, elle recevra l'approbation des provinces.

Avant de vous expliquer pourquoi la motion devrait pouvoir faire l'objet d'un vote, je veux simplement préciser que, si cette motion sur le droit et la responsabilité des parents est approuvée par le Parlement, le texte de la résolution serait ensuite envoyé aux assemblées législatives des dix provinces pour y être débattu et mis aux voix. Si sept des assemblées provinciales représentant au moins 50 p. 100 de la population approuvent la résolution, la Charte serait modifiée. Tout cela est prévu dans la formule de modification. Trois provinces tout au plus pourraient refuser la proposition de modification et, si plus de trois provinces s'y opposaient, la modification n'aurait pas l'appui des deux tiers comme le veut la formule et serait rejetée. Voilà la procédure qui serait suivie.

Pourquoi cette motion devrait-elle pouvoir faire l'objet d'un vote? Bien des parents estiment que leurs droits et leurs responsabilités sont menacés par les efforts du gouvernement pour appliquer intégralement la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Il s'agit d'une charte des Nations Unies qui n'a jamais été approuvée par le Parlement canadien, et il me semble que le moment est tout indiqué pour engager le débat sur cette question.

Les parents craignent que leur droit et leur responsabilité d'user de mesures disciplinaires raisonnables pour corriger le comportement de leurs enfants ne soient menacés par les mesures que prend le gouvernement à cet égard. Au nombre de ces mesures, il convient d'inclure le financement de recherches et de contestations judiciaires par des groupes d'intérêts spéciaux, comme celui dont un des témoins qui m'a précédé a parlé—qui souhaitent abroger l'article 43 du Code criminel. Nous devrons prendre une décision à cet égard, et j'estime qu'il vaut mieux être prêts et commencer à discuter de la question dès maintenant.

Les parents que cette convention inquiète craignent que, si elle est appliquée intégralement, le gouvernement et les tribunaux auront le pouvoir absolu de déterminer où est l'intérêt de l'enfant et que les parents seront impuissants. Les parents ont besoin de mesures de sauvegarde pour les protéger contre l'ingérence inutile de la part des fonctionnaires, et les enfants ont besoin de la protection que cette résolution leur apporterait en renforçant dans le droit le principe de la responsabilité parentale.

• 1005

La question suscite beaucoup d'intérêt, comme en témoigne la pile de pétitions que j'ai reçues récemment, 122 pétitions signées par plus de 2 872 citoyens inquiets qui appuient expressément ma motion sur les droits et les responsabilités des parents. En outre, pendant cette session, j'ai déjà reçu 31 pétitions portant exactement 2 559 signatures—que j'ai présentées à la Chambre—et s'opposant précisément aux changements qu'il est proposé d'apporter à l'article 43 du Code criminel, souvent appelé «Loi de la fessée». Il s'agit là d'un problème particulier qui touche au droit des parents.

En comparaison, pendant la 35e législature, deux pétitions seulement ont été présentées à l'appui de l'abrogation de l'article 43. Vous pouvez donc constater que les parents souhaitent que le Parlement les appuie sur cette question.

Ma motion, si elle était adoptée, ferait beaucoup pour assurer aux familles canadiennes que le gouvernement n'interviendrait dans les affaires privées des parents que s'ils manquaient à leur obligation de s'acquitter de leurs responsabilités fondamentales à l'égard de leurs enfants—en omettant, par exemple, de leur assurer les nécessités de la vie. Le gouvernement peut intervenir dans ce cas-là, et son pouvoir à cet égard ne serait pas touché.

Inclure les droits, les responsabilités et la liberté des parents dans la Charte assurerait l'équilibre qui convient entre la liberté fondamentale des parents en ce qui concerne l'éducation de leurs enfants et le rôle du Parlement pour ce qui est de protéger les enfants quand les parents ne s'acquittent pas de leurs responsabilités comme il convient. J'insiste là-dessus, nous aurions ainsi un juste équilibre et il faut que cet équilibre soit maintenu dans notre société.

En conclusion, les parents doivent être libres de décider ce qui est dans l'intérêt de leurs enfants. Si les gouvernements estiment que les parents ont tort, l'article 1 de la Charte prévoit qu'ils ne peuvent intervenir que «dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique».

Ma motion vise donc à établir un juste équilibre, et j'invite les membres du sous-comité à avoir la sagesse de permettre que la motion M-33 puisse faire l'objet d'un vote. Les pétitionnaires ont montré à quel point la question est importante pour eux. Elle suscite beaucoup d'intérêt au Canada aujourd'hui et j'estime qu'elle doit pouvoir faire l'objet d'un débat en bonne et due forme au Parlement. Tous les partis politiques considèrent que la question est importante. Il ne s'agit pas d'une question dont un certain parti politique a fait son cheval de bataille.

Je suis sûr que tous les députés reçoivent des communications, peu importe leur formation politique. Il ne s'agit pas d'une question droite-gauche ni de rien comme ça. Nous n'avons pas jusqu'à maintenant eu l'occasion d'en débattre au Parlement, et je vous exhorte à faire en sorte que ma motion puisse faire l'objet d'un vote.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci.

Monsieur Matthews, avez-vous des questions?

Monsieur Richardson.

M. John Richardson: Dans chaque province, il y a une société d'aide à l'enfance qui enquête sur les cas de sévices contre des enfants qui leur sont signalés. Je n'ai pas...

La présidente: D'accord.

Madame.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Vous savez qu'au Québec, on a une Loi sur la protection de la jeunesse depuis près de 20 ans. Cette loi a été reconnue comme étant une très bonne loi. Une des valeurs qu'elle véhicule, c'est que la violence à l'endroit des enfants et des femmes est inacceptable.

Quand je lis «le droit fondamental de mener leur vie de famille librement», ça me paraît très large. Est-ce qu'un amendement comme celui que vous proposez risquerait de porter la Loi sur la protection de la jeunesse du Québec devant la Cour suprême?

[Traduction]

M. Garry Breitkreuz: Merci pour votre question, qui est excellente.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci. J'en suis très heureuse.

M. Garry Breitkreuz: Je suis heureux que vous l'ayez soulevée. En fait, vous vous engagez déjà dans le débat, si bien que nous sommes un peu en avance.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: En avance sur vous.

M. Garry Breitkreuz: Je le reconnais.

J'estime qu'il faut poursuivre le débat et que le débat devrait se poursuivre au Parlement. À mon avis, il n'y aurait pas atteinte à la protection que l'État doit donner aux enfants.

N'oubliez pas que l'équilibre est là, que les parents doivent assumer davantage de responsabilités. Nous avons fait pencher la balance tout à fait de l'autre côté. Il faut maintenant rétablir l'équilibre de telle sorte que les parents doivent assumer une plus grande responsabilité à cet égard. Le système judiciaire en est touché. Les services sociaux, les services de bien-être social des provinces, doivent supporter un fardeau beaucoup plus lourd. Les provinces doivent assumer ce fardeau parce que l'équilibre a été perdu. Je pourrais parler de l'éducation et d'autres domaines où il y aura un impact.

• 1010

En fait, les provinces trouveront ainsi plus facile d'appliquer les lois existantes. J'aimerais pouvoir discuter plus longuement de cet aspect—je crois que c'est ce qui se passera au cours du débat—, mais les provinces trouveront ainsi un appui pour ce qui est d'assurer l'équilibre voulu. Les provinces ont des problèmes parce qu'il n'y a pas de disposition de ce genre dans la Charte. La question est donc très bonne.

La présidente: Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Merci.

Garry, je voudrais vraiment savoir dans quelle mesure votre proposition recueille l'appui général. Je vous aurais demandé combien d'intérêt elle suscite à l'échelle du pays et le reste, mais vous avez déjà répondu à cette question en parlant des pétitions que vous avez reçues.

Quel est le degré d'intérêt parmi les parlementaires? Je voudrais aussi que vous nous disiez si des parlementaires d'autres formations politiques que la vôtre ont exprimé un intérêt quelconque.

M. Garry Breitkreuz: Oui, et c'est ce que j'ai essayé de faire ressortir à la fin de mon exposé. Il ne s'agit pas d'une question qui concerne uniquement notre parti, le Parti réformiste. La question est soulevée par les députés de toutes les formations politiques. J'ai eu des contacts officieux avec eux, et ils reçoivent les mêmes commentaires que je reçois moi-même.

En réponse à la première partie de votre question pour ce qui est de l'appui général, les pétitions que j'ai reçues viennent de l'Ontario, de l'est du Canada, de Mississauga, en Ontario, de l'ouest du Canada. Elles arrivent de toutes les régions du pays et sont le signe que la proposition recueille l'appui général. La population est préoccupée par cette question, et j'estime qu'il serait bon que le Parlement se penche là-dessus.

La présidente: J'ai une petite question à vous poser. Avez-vous dit que vous en aviez reçue une de Mississauga?

M. Garry Breitkreuz: C'est un des noms qui figurent sur la pétition.

La présidente: Je suis seulement curieuse. Si la question intéresse, non pas seulement un parti, mais toutes les formations politiques, je me demande pourquoi je n'ai rien reçu. Nous sommes deux députés de Mississauga dans la salle.

M. Garry Breitkreuz: Bon, d'accord, mais c'est une ligne seulement. Il y a les autres villes dont j'ai parlé, mais il se trouve que mes yeux se sont portés sur cette ligne-là. Je n'ai peut-être pas choisi la bonne.

La présidente: Oui, vous avez fait le bon choix.

M. Garry Breitkreuz: Je passe à la ligne suivante. On voit ici Creston, en Colombie-Britannique. Je suis tombé sur celle-là. C'est tout. Je suis désolé.

La présidente: D'accord, ça va.

Monsieur Matthews.

M. Bill Matthews: J'ai une seule question à vous poser. Vous avez parlé de «mener leur vie de famille librement sans ingérence indue de la part de l'État». Qu'est-ce qui constituerait de l'ingérence indue de l'État selon vous?

M. Garry Breitkreuz: L'abrogation de l'article 43 du Code criminel. C'est ce qui inquiète beaucoup de parents, le fait que le gouvernement leur dira quels sont les moyens qu'ils peuvent utiliser. Je ne parle pas de sévices contre les enfants. C'est de cela que parlait madame ici. Le gouvernement devra continuer à protéger les enfants, mais on s'inquiète qu'il limite ou qu'il abroge certaines dispositions qui... Savez-vous ce que dit l'article 43? On appelle cet article la «Loi de la fessée», car il autorise les parents à donner la fessée.

M. Bill Matthews: C'est ce qu'on veut supprimer.

M. Garry Breitkreuz: D'après ce qu'on nous dit, la question est à l'étude au ministère de la Justice. Certaines personnes en ont eu vent et s'en inquiètent effectivement.

La présidente: Comme il n'y a plus de questions, je vous remercie beaucoup.

M. Garry Breitkreuz: Merci.

La présidente: Je vous demanderai ce nom tout à l'heure.

M. Garry Breitkreuz: D'accord.

La présidente: Je blaguais.

M. Garry Breitkreuz: L'information sera publique.

La présidente: Monsieur Borotsik, soyez le bienvenu.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Merci, madame la présidente. Je suis heureux d'être ici.

La présidente: Étant donné que vous avez déjà vous-même siégé de ce côté-ci de la table, votre exposé devrait être excellent.

M. Rick Borotsik: Je sais à quel point il est difficile de prendre ces décisions parce que j'ai eu l'occasion de siéger à la place qu'occupe mon collègue M. Matthews. Je dois avouer que j'ai bien aimé tout ce que nous avons fait au comité, et je suis à même d'apprécier l'effort qu'exigent les décisions.

À ce propos, je tiens tout d'abord à dire comme je suis heureux de me présenter devant le comité pour parler de ma motion d'initiative parlementaire M-323. La motion dont vous êtes saisis n'a peut-être pas un effet aussi exaltant ou accrocheur que certaines des autres motions que vous avez déjà entendues, mais j'ai appris il y a de cela longtemps que, pour bien présenter une motion, il faut en parler avec passion. Je puis vous assurer que la motion que je vous présente me passionne effectivement. Ayant déjà siégé comme représentant élu à un conseil municipal, je sais que la question à l'étude est sans aucun doute une des plus cruciales que nous ayons eu à examiner relativement à l'infrastructure.

• 1015

La motion en tant que telle est très simple. La voici:

    Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait affecter une partie des recettes fiscales tirées des ventes de carburant à l'entretien du réseau routier rural du Canada.

Je puis vous dire que le gouvernement fédéral préconise de jouer un rôle à cet égard en ce qui a trait au programme d'infrastructure, non pas seulement pour les réseaux routiers ruraux, mais bien entendu, pour ce qui est des réseaux routiers qui sillonnent l'ensemble du territoire de toutes les provinces canadiennes.

Il suffit de remonter un peu dans l'histoire pour se rendre compte à quel point les transports ont joué un rôle capital dans les communications qui ont permis d'unir le pays il y a de cela bien des années, au début de la Confédération. Franchement, les transports sont d'une importance tout aussi capitale aujourd'hui, sinon plus encore, si nous voulons développer notre économie canadienne. À l'époque de la mondialisation, il nous faut avoir des réseaux routiers ruraux et des réseaux routiers tout court qui nous permettent d'assurer le transport de la majorité des biens que nous produisons ici au Canada. De toute évidence, ces biens sont vendus à d'autres régions, non pas seulement du pays, mais du monde.

Récemment, le gouvernement fédéral a dit que, pour chaque dollar d'excédent prévu, 50c. seraient consacrés à de nouvelles priorités. Ces priorités, à mon humble avis, devraient être d'aider le Canada rural par l'adoption de ma motion. La motion invite le gouvernement fédéral à prendre un engagement réel à l'égard du Canada rural. Le système routier rural est un élément vital pour les Canadiens d'un océan à l'autre, mais l'Ouest canadien en particulier n'a pas été traité de façon juste et équitable.

Je vais parler de l'Ouest canadien, mais je voudrais que le comité reconnaisse que je pars d'une perspective nationale. C'est un besoin national que de consacrer des fonds à notre programme d'infrastructure et au réseau routier. Je connais davantage l'Ouest que les autres régions, comme je l'ai dit tout à l'heure. Cela s'explique par ce que je faisais avant de venir à Ottawa, et par le fait que je connais très très bien ce domaine en particulier.

D'après les prévisions actuelles, l'Ouest canadien recevra moins de 2 p. 100 de tous les fonds que le gouvernement fédéral investira dans l'infrastructure routière au cours des cinq années à venir. Les prévisions financières de Transports Canada indiquent que, sur ces cinq années, le gouvernement fédéral contribuera quelque 900 millions de dollars à la construction de routes dans l'Est du Canada, tandis que l'Ouest ne recevra que 13 millions. Sur ce montant, le Manitoba ne recevra rien, la Saskatchewan recevra deux millions, l'Alberta ne recevra rien, la Colombie-Britannique recevra six millions, le Yukon, quatre millions, et les Territoires, 900 000 $. De toute évidence, les gouvernements municipaux ne pourront pas continuer à assumer le fardeau financier lié au maintien de l'actuel réseau routier.

Je vous parlerai du cas du Manitoba, uniquement parce que c'est celui que je connais. Je connais aussi un peu le cas de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, et je suis certainement en train de me familiariser avec l'est du Canada.

À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral perçoit quelque 140,7 millions de dollars de taxes d'accise sur le carburant au Manitoba. C'est ce montant que le gouvernement fédéral a perçu au Manitoba en 1996-1997. Comme il n'a pris aucun engagement financier à l'égard du réseau routier du Manitoba pour l'exercice financier 1998-1999, le gouvernement fédéral se trouvera en fait à prendre 141 millions de dollars du Manitoba sans rien affecter au réseau routier de la province.

Entre 1992 et 1996, le gouvernement fédéral a en moyenne affecté 6,4 millions de dollars par année pour l'entretien des routes du Manitoba, même s'il avait perçu en moyenne 124 millions de dollars par année sous forme de taxes d'accise sur le carburant. Enfin, le gouvernement fédéral n'a investi dans les routes du Manitoba que 4,8 p. 100 de l'argent qu'il a obtenu des utilisateurs du réseau routier de cette province. Je parle du Manitoba, parce que, comme je l'ai dit plus tôt, je connais bien la situation dans cette province.

Je peux vous dire que cette question est très importante pour les régions rurales du Canada.

Monsieur Epp, j'ai des douzaines de lettres qui m'ont été écrites à la suite de résolutions adoptées par les conseils municipaux, me demandant à moi ainsi qu'au gouvernement fédéral de songer sérieusement à mettre sur pied un programme et à affecter des ressources pour les réseaux routiers ruraux.

Dans les régions rurales du Canada, on ne fait plus l'entretien des routes. De plus, la circulation routière sur ces routes est toujours plus grande pour diverses raisons, y compris l'abandon de certains tronçons ferroviaires.

Quand il y a abandon du système ferroviaire comme c'est le cas actuellement, ce qui se produit, dans ma région et dans celle de M. Epp, et dans l'ensemble de l'Ouest canadien—notre principale activité économique est l'agriculture. Lorsqu'on a aboli le tarif du Pas du Nid-de-Corbeau—c'était la meilleure décision qu'on ait pu prendre—, il y a eu une expansion agricole industrielle dans les régions rurales du Canada. Les produits doivent être transportés, et en raison de l'abandon du réseau ferroviaire, ils doivent être transportés par des camions sur pneumatique. Ces routes se détériorent. Elles ne sont pas entretenues par les municipalités en raison de la situation financière dans laquelle elles se trouvent. Ce qui se produira c'est que notre économie dans ces régions sera durement ébranlée et n'atteindra pas son plein potentiel en raison des problèmes dans le domaine du transport.

Je peux également vous dire, monsieur Epp, que j'ai reçu des lettres de toutes les associations de l'Ouest canadien, j'en ai d'ailleurs une sous les yeux. Elle vient d'une association que je commence à connaître assez bien. Ça s'appelle la PARM, soit la Prairie Association of Rural Municipalities. Elle regroupe l'UMM, la SARM, ainsi que les municipalités rurales de l'Alberta. Ces associations ont manifesté leur mécontentement face aux piètres investissements que l'on fait dans l'infrastructure rurale dans l'Ouest canadien; elles exhortent le gouvernement fédéral à réaffecter une partie des recettes provenant de la taxe d'accise dans un solide plan d'infrastructure.

• 1020

Comme je l'ai dit un peu plus tôt, madame la présidente, ce n'est pas un sujet exaltant ou accrocheur. Cependant, il est question du coeur même des petites collectivités des régions rurales canadiennes. Si le gouvernement n'assume pas la responsabilité de ses gestes et ne veut pas se faire le partenaire des régions rurales dans un tel programme, nous nous retrouverons sous peu dans une situation fort précaire.

Je voudrais que l'on choisisse cette motion pour un vote pour que les députés de tous les partis, de toutes les régions du pays, puissent s'exprimer avec passion à ce sujet, tout comme moi d'ailleurs.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci. J'aimerais vous poser une question. Vous avez dit que les municipalités ne pouvaient s'occuper de l'entretien des routes en raison de ce que vous avez appelé leur situation financière précaire. Qu'entendez-vous par là?

M. Rick Borotsik: Actuellement, nombre de travaux d'entretien de certaines routes municipales ne sont plus assumés par les provinces mais sont transférés plutôt aux municipalités. Les provinces ont décidé d'investir leur argent... Permettez-moi de remonter en arrière. Au Manitoba et en Saskatchewan—je connais bien leur situation—les sommes que l'on investit dans le réseau routier sont supérieures à celles que l'on titre des taxes d'accise. Ces provinces s'acquittent donc de ces responsabilités. Elles s'occupent également de ce que nous appelons les routes nationales, c'est-à-dire les grandes routes comme le Route 1, la Transcanadienne, et les autres routes désignées nationales dans les provinces.

Ainsi, toutes les sommes qui sont perçues par les provinces servent à financer le programme de remise en état des autoroutes, et il faudrait encore davantage de fonds. Les provinces se déchargent de leurs responsabilités pour certaines routes rurales sur le dos des municipalités. Le coût d'entretien, de reconstruction et de réfection de ces routes est faramineux, et les municipalités rurales ne perçoivent pas de taxes foncières aussi élevées que les centres urbains. Elles n'ont pas les taxes payées par les entreprises ou les secteurs commerciaux ou institutionnels. Essentiellement, le gros de leurs taxes proviennent des taxes foncières et des taxes agricoles.

Elles n'ont pas non plus le loisir d'augmenter le montant des taxes à un niveau suffisant pour assurer l'entretien de ces routes. Ainsi, madame la présidente, l'état de ces routes se détériore à tel point qu'elles deviennent impassables.

Il faut pourtant que quelqu'un trouve les fonds nécessaires et voilà pourquoi cette motion propose de consacrer un pourcentage de la taxe d'accise actuellement prélevée par le gouvernement fédéral au financement d'un programme visant à aider les municipalités à entretenir les routes.

La présidente: Permettez-moi de vous poser une deuxième question et ensuite je donnerai la parole à d'autres.

Je profite du fait que je suis présidente pour ouvrir le bal.

Des voix: Ah, ah!

La présidente: Quand nous avions le programme d'infrastructure en 1993 et 1994, les municipalités n'ont-elles pas pu reconstruire ces routes grâce au système de répartition par tiers?

M. Rick Borotsik: Oui. Beaucoup de municipalités se sont prévalues de ce programme, madame la présidente. Je signale en passant que je suis un fervent partisan du programme d'infrastructure et, si le gouvernement souhaite renouveler ce programme, je serai le premier à vous accorder mon appui au sein de mon caucus.

Beaucoup de municipalités ont effectivement profité de ce programme, mais n'oubliez pas, madame la présidente, qu'étant donné les critères de ce programme d'infrastructure, beaucoup de municipalités, en raison de leur taille, ont reçu des sommes minimales, entre 50 000 $ et 100 000 $. La reconstruction d'une route dans ces municipalités pourrait bien dépasser le cap du million de dollars. Le budget du programme d'infrastructure était insuffisant.

Mais c'était un excellent programme. Si c'est ce qu'envisage de faire le gouvernement, il pourra certainement compter sur mon appui.

La présidente: D'accord. Nous allons maintenant faire un tour de table.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Vous avez parlé de la taxe d'accise. Vous voulez parler plus expressément de la taxe sur l'essence, n'est-ce pas?

M. Rick Borotsik: La taxe sur l'essence, oui. Je suis désolé, monsieur Epp, vous avez raison. Il s'agit de la taxe sur l'essence qui est de 8,5c, je crois, à l'heure actuelle.

M. Ken Epp: Le litre.

M. Rick Borotsik: Oui.

M. Ken Epp: Comme vous le savez, cette somme est versée directement à Ottawa. Mais à part cela, il y a de nombreuses taxes que nous envoyons directement à Ottawa mais j'essaie en fait de bien saisir ce que vous proposez. L'un de mes critères lorsqu'il s'agira de décider si votre motion fera l'objet d'un vote ou non sera le degré d'intérêt et de soutien qu'elle aura dans tout le pays et vous touchez certainement une corde sensible avec moi puisque j'ai eu les mêmes échos que vous.

Malheureusement, le programme d'infrastructure permettait aux municipalités d'obtenir des fonds seulement si elles pouvaient apporter une contribution égale. Certaines ont dû s'endetter pour pouvoir participer au programme. Si elles s'y refusaient, elles perdaient les parts de la province et du fédéral, c'est-à-dire les deux tiers du financement. Ce qui n'allait donc pas avec le programme d'infrastructure, d'après ce que m'ont dit les municipalités de ma circonscription, c'est qu'elles perdaient tout contrôle sur leur budget. Elles étaient soudain contraintes de participer à un programme à un moment qu'elles n'auraient peut-être pas choisi. Elles auraient souhaité qu'on leur donne les fonds et qu'elles puissent les utiliser à leur gré.

• 1025

La présidente: Pouvez-vous revenir au sujet?

M. Ken Epp: C'est une question.

Je voulais savoir plus particulièrement quel pourcentage des recettes de cette taxe d'accise vous souhaiteriez récupérer.

M. Rick Borotsik: Le chiffre le plus souvent mentionné est 2c. De fait, l'Association automobile canadienne a parlé du financement d'un programme autoroutier national financé avec 2c. de la taxe d'accise. Je crois que si 2c. de cette taxe d'accise étaient versés à un fonds de financement de ce projet, la situation serait bien meilleure qu'elle ne l'est actuellement.

J'aimerais faire valoir un autre point, monsieur Epp. Si ces 2 c. sont disponibles, ce serait déjà beaucoup plus que la contribution versée par le gouvernement fédéral et les fonds pourraient certainement être versés à chaque gouvernement provincial expressément pour l'entretien des routes rurales. À l'heure actuelle, les gouvernements provinciaux injectent une partie de leurs fonds dans l'entretien des routes rurales mais ce n'est pas assez. Nous en sommes conscients. Ils pourraient certainement réaffecter une partie des fonds et les investir dans d'autres programmes d'infrastructure s'il y avait un programme autoroutier et davantage de fonds proviendraient non seulement de la province, mais aussi du gouvernement fédéral pour l'entretien du réseau de routes rurales.

En passant, monsieur Epp, j'ai assisté récemment à une réunion de la Union of Manitoba Municipalities à Brandon à laquelle participaient un grand nombre des élus des municipalités rurales. Leur principale préoccupation, c'était les routes. Je vous prie de me croire que les conseillers des municipalités rurales ont beaucoup d'autres préoccupations, mais leur priorité, hors de tout doute, c'était le réseau routier. Ce n'est pas une source de préoccupation à court terme pour eux puisqu'ils sont assez intelligents pour savoir que si l'on n'agit pas très bientôt, dans cinq ans ils se représenteront à la table pour se plaindre du fait que le délabrement de l'infrastructure en place freine le développement de leurs économies.

Ne nous y trompons pas: l'ouest du Canada est à la veille d'un boom économique, pour ainsi dire, en raison de l'activité du secteur agricole. Je ne voudrais pas parler uniquement de l'ouest du pays, cependant, parce que les mêmes problèmes existent en Nouvelle-Écosse, au Québec, en Ontario, en fait dans tout le Canada rural. Nous devons veiller à ce que chaque programme garantisse l'équité, l'égalité et la passion.

Merci.

La présidente: Vous êtes la seule personne que je connaisse qui puisse parler de passion et de bitume dans la même phrase.

M. Rick Borotsik: Voyez-vous, c'est là le problème.

La présidente: Il va falloir que j'en touche un mot à votre épouse.

Madame, aviez-vous des questions? Non? Monsieur Matthews ou monsieur Richardson?

M. John Richardson: Oui, j'aimerais enchaîner.

C'est un thème qui revient souvent dans tout le pays. Je ne sais pas comment font les agriculteurs. Ils n'ont certainement droit à aucune subvention comme c'est le cas dans l'ouest du Canada. Ma circonscription compte plus de 100 000 personnes et je dirais que 60 p. 100 des routes sont bitumées, et pourtant elles s'en plaignent. Si vous leur dites qu'elles pourraient se retrouver avec des routes de gravier, elles poussent les hauts cris et disent qu'elles sont prêtes à payer plus pour avoir des routes bitumées.

Les régions rurales du Canada, du moins en Ontario, ont accueilli avec empressement le programme d'infrastructure. Les fonds ont servi surtout à financer l'entretien du réseau routier et des ponts. Dans certains cas, si l'on avait négligé l'entretien, l'infrastructure était reconstruite. C'était les trois principales catégories de projets.

Je ne sais pas. Les fonds que nous percevons sont censés financer l'entretien de l'autoroute transcanadienne. Le gouvernement fédéral joue certainement un rôle important dans l'entretien de cette autoroute.

M. Rick Borotsik: Si vous me permettez, le gouvernement joue un rôle insignifiant dans la construction et l'entretien de l'autoroute transcanadienne, et je sais de quoi je parle pour ce qui est de l'ouest du Canada. J'ai été l'un des membres fondateurs de la Highway Number One West Association auquel participaient toutes les municipalités situées le long de l'autoroute transcanadienne. La contribution du gouvernement fédéral était minime, voire inexistante. La Saskatchewan, l'Alberta et le Manitoba étaient responsables de l'entretien de ce réseau autoroutier.

M. John Richardson: N'est-ce pas la même chose pour la Colombie-Britannique?

M. Rick Borotsik: Je ne connais pas le cas de la Colombie-Britannique. Je suis désolé, je ne connais pas la réponse à cette question.

M. John Richardson: Je sais qu'il y a des fonds pour l'autoroute transcanadienne en Ontario en raison de la longue boucle dans l'arrière pays.

M. Rick Borotsik: Oui, je crois que c'est vrai pour les tronçons du nord. En passant, il y a de sérieuses lacunes aussi pour ce qui est de cette boucle dans le nord, mais au Manitoba, le gouvernement fédéral ne verse aucune contribution pour l'entretien de la Transcanadienne. D'ailleurs, au cours des quatre prochaines années, le gouvernement fédéral versera une contribution totale de 13 millions de dollars au Manitoba qui consacre 120 millions de dollars par an à son programme autoroutier.

M. John Richardson: Merci.

M. Rick Borotsik: Merci.

La présidente: Comme il n'y a pas d'autres questions, je vous remercie.

M. Rick Borotsik: La passion, n'oubliez pas la passion.

La présidente: Oui, la passion.

M. Rick Borotsik: Merci.

La présidente: Monsieur Matthews, allez-vous être membre permanent du comité ou êtes-vous suppléant? M. Richardson est-il un suppléant?

M. Bill Matthews: Non, je remplace M. Harvey aujourd'hui.

La présidente: D'accord.

• 1030

Je dois remercier les députés du Bloc. La suppléante est ici aujourd'hui et elle pourra voter intelligemment demain. Très bien. Je l'apprécie.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: C'est une de nos qualités, ma chère.

Des voix: Ah, ah!

La présidente: Vous êtes merveilleuse, ma chère.

Madame Guarnieri, c'est un moment historique.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Dieu m'accompagne.

La présidente: Trois trèfles!

Mme Albina Guarnieri: Voyons maintenant si le comité est pour moi.

La présidente: Le même projet de loi—vous ne voyez pas d'objection, je crois, à ce que je communique ce renseignement—a été choisi trois fois au cours des quatre dernières années.

Mme Albina Guarnieri: Je suis la seule au cours de cette législature qui propose des peines consécutives.

Des voix: Ah, ah!

La présidente: Et le tirage consécutif des projets de loi.

Mme Albina Guarnieri: Comme l'a dit la présidente, c'est la troisième fois que je comparais devant ce comité pour demander que mon projet de loi d'initiative parlementaire sur les peines consécutives fasse l'objet d'un vote.

Mon projet de loi propose une pratique bien établie aux États-Unis et introduite récemment en Écosse et en Irlande. Il repose sur le principe que chaque crime commis exige une sanction afin qu'aucune victime ne se fasse dire: «Comme vous êtes la quatorzième victime de Bernardo ou la vingt-deuxième victime de Rohipnol, violeur de Toronto, donc inutile de porter des accusations contre l'accusé puisque la peine serait purgée concurremment».

[Français]

Le prix de gros pour la violence et les meurtriers, c'est la loi au Canada aujourd'hui. On appelle cela les peines concurrentes. Cela signifie que les prédateurs en série peuvent purger leur peine pour des crimes multiples en même temps et sortir après avoir purgé seulement une petite partie de leur peine totale.

Les peines concurrentes font peu de cas de la vie des victimes individuelles. Les souffrances, les peines et la mort des deuxième, troisième et onzième victimes n'ont pas de conséquences pour les tribunaux. La peine minimum s'applique toujours, même pour les assassins les plus prolifiques.

[Traduction]

Mon projet de loi imposerait des peines consécutives et des périodes consécutives d'inadmissibilité à une libération conditionnelle pour le meurtre et l'agression sexuelle. Il ne propose aucune augmentation de la peine pour quelque crime que ce soit mais vise à faire en sorte que les peines prononcées pour chaque crime soient appliquées de façon rigoureuse.

Peu après ma première comparution devant ce comité, une tragédie a été évitée de justesse à Mississauga, à 10 minutes de chez moi, et cela m'a convaincue que le système actuel de peines concurrentes est non seulement injuste mais menace la sécurité des Canadiens. Pendant l'été de 1996, deux coupables de meurtres multiples étaient en libération conditionnelle à Mississauga. Les peines concurrentes équivalent à une escompte de volume accordée à ceux qui commettent plus d'un meurtre. Dans le cas de John Lyman Kehoe, le deuxième enfant qu'il a tué n'a pas entraîné une peine plus longue si bien qu'il a été libéré et a tué une troisième victime.

Le 2 juillet 1996, Kehoe et un autre meurtrier récidiviste en liberté conditionnelle ont attiré dans un guet-apens un agent immobilier du nom de Wendy Carrol, lui ont tranché la gorge et l'ont abandonnée la croyant morte. Elle a survécu, mais ce n'est pas grâce à notre système judiciaire ou à la Commission des libérations conditionnelles qui ont ouvert toutes grandes les cages de ses assaillants. Wendy Carrol a failli perdre la vie parce que notre système de détermination de la peine oublie les victimes. Si John Kehoe avait purgé une deuxième peine consécutive sans possibilité de libération conditionnelle pour le deuxième enfant qu'il a assassiné—c'est l'une des modifications que je préconise—il n'aurait pas été libre de faire de Wendy Carrol ou toute autre personne sa victime.

Je n'ai même pas eu à faire de recherche pour trouver le cas d'un meurtrier récidiviste libéré avant d'avoir purgé toute sa peine qui a attaqué une autre victime. Cela s'est produit à cinq minutes de chez moi à peine deux semaines après que j'aie eu de nouveau déposé ce projet de loi.

Peu de temps après, j'ai reçu la visite d'un Canadien de renom qui a décidé d'aller s'installer avec toute sa famille aux États-Unis à cause de cette affaire des peines concurrentes. Il s'appelle Don Edwards. Vous vous souvenez sans doute qu'il a joué pour Équipe Canada lors de la Coupe Canada de 1981.

Quelque temps après la fin de sa carrière comme joueur de hockey, sa soeur a été victime d'une agression sexuelle. Son attaquant a même menacé de tuer les membres de sa famille si elle s'adressait à la police. Typiquement, son agresseur a été arrêté mais il a été immédiatement libéré sous caution. Il s'est rendu directement à la maison familiale de Don Edwards et il a tué ses parents. Le procureur de la Couronne, bien entendu, n'a même pas porté d'accusation d'agression sexuelle contre le criminel puisque cela n'aurait rien changé à la peine prononcée contre lui.

• 1035

Pire encore, aucune mention ne peut être faite de cette agression sexuelle lors de son audience en vue de la libération conditionnelle. Don Edwards n'était pas disposé à exposer les autres membres de sa famille à la menace que représentait pour eux la remise en liberté éventuelle du meurtrier de ses parents. Comme l'audition prévue à l'article 745 allait avoir lieu dans à peine sept ans, M. Edwards m'a dit qu'il allait installer toute sa famille aux États-Unis parce que les douaniers américains pourraient peut-être les protéger en refoulant ce criminel avéré à la frontière.

Don Edwards a perdu ses parents parce que les tribunaux n'avaient pas à coeur la sécurité de ses parents et ont remis en liberté ce meurtrier. Les rabais au volume que représentent les peines reportées l'ont contraint à quitter le pays lui aussi.

Après ma deuxième comparution devant ce comité, j'ai eu l'occasion d'assister à l'obscène spectacle de l'audition de Clifford Olson en vertu de l'article 745. Les propos qu'il a tenus m'ont confirmée dans mon intention de redéposer ce projet de loi.

L'un des moments les plus alarmants pendant l'audition d'Olson est survenu lorsque Olson a lu à haute voix la lettre de son avocat lui conseillant d'admettre tous ses meurtres en même temps. L'avocat faisait savoir à Olson qu'en agissant ainsi, il pourrait profiter au maximum du régime des peines concurrentes.

Olson s'est moqué de nous dans cette cour en disant que le tribunal ne pouvait faire autrement que de prononcer des peines concurrentes. Ce jour-là, il s'est moqué de nous.

Depuis lors, beaucoup de gens sont devenus conscients de la folie du système actuel qui accorde des rabais au volume aux violeurs et aux meurtriers.

Quand on a proposé l'automne dernier de modifier la procédure de choix des affaires émanant des députés pouvant faire l'objet d'un vote, j'ai demandé à mes collègues parlementaires d'appuyer ma démarche. Vous vous rappelez sans doute qu'il faut 100 signatures au minimum pour qu'un projet de loi puisse faire l'objet d'un vote.

Eh bien, j'ai recueilli la signature de plus de 166 députés. J'ai remis ces signatures à Robert Marleau. J'ai réuni l'appui de députés de tous les partis. Ils m'ont dit que ce projet de loi devait faire l'objet d'un vote à la Chambre.

J'ai non seulement l'appui de ces députés, mais j'ai aussi depuis longtemps déposé auprès du comité des lettres d'appui de tous les principaux groupes de défense des intérêts des victimes et des lettres d'appui de Debbie Mahaffy, Wendy Carrol, Sharon et Gary Rosenfeldt, pour n'en nommer que quelques-uns.

La véritable question qu'il faut trancher est la suivante: combien d'années faudra-t-il attendre pour obtenir deux heures de débat et un scrutin de 15 minutes?

M. Ken Epp: Je n'ai pas de question. Elle a répondu à toutes mes questions.

La présidente: Vous êtes excellente.

Mme Albina Guarnieri: La première fois que j'ai comparu, personne n'a dit quoi que ce soit.

M. Ken Epp: Pourquoi devrions-nous vous interroger? Vous avez bien présenté vos arguments. Vous avez déjà répondu aux questions que je pose habituellement.

Quelqu'un veut-il...

La présidente: Nous ne faisons que poser des questions pour l'instant; nous ne sommes pas en train de louanger le témoin.

M. Ken Epp: Y a-t-il de l'appui parmi les autres députés? Vous avez certainement obtenu cet appui, alors merci.

La présidente: J'aimerais apporter une correction—la Chambre sera apparemment saisie de ce projet de loi après le congé de deux semaines—100 signatures vous permettent d'éviter le tirage, mais ne garantissent pas automatiquement que le projet de loi pourra faire l'objet d'un vote.

Mme Albina Guarnieri: Le rapport a été déposé, mais n'a pas été accepté.

La présidente: Non, je comprends. Je voulais juste le préciser. Le projet de loi ne fait pas automatiquement l'objet d'un vote. J'aimerais bien que ce soit le cas, mais ce ne l'est pas.

Y a-t-il des questions?

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Le rapport, accompagné des 100 signatures, a-t-il été adopté par la Chambre?

[Traduction]

Le président: Non, pas encore. On devait l'envoyer à la Chambre juste après la relâche en avril.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: D'accord.

Le président: Monsieur Matthews. M. Richardson.

M. John Richardson: Heureusement, vous gagnez sur tous les tableaux, Albina.

Le président: Madame Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Ce sujet a fait l'objet de l'étude du comité à plusieurs reprises, mais il n'a jamais été retenu. Est-ce exact? Quelles sont les raisons pour lesquelles on ne souhaite pas débattre de cette question en Chambre?

Mme Albina Guarnieri: Je voudrais qu'on tienne un vrai débat là-dessus. Ce matin même, je regardais un dossier sur Internet et je constatais qu'il y avait 19 000 articles sur des gens qui avaient tué plus d'une fois.

• 1040

Chaque fois qu'on libère une centaine de prédateurs sexuels, il y a au moins une trentaine de femmes et d'enfants qui sont violés. Cela n'a aucun sens. Nous devons nous pencher sur cette question et étudier le projet de loi sérieusement.

Mme Christiane Gagnon: Je voulais plutôt savoir pourquoi le comité n'avait jamais accepté d'en débattre. D'autres sujets s'avéraient-ils plus intéressants?

[Traduction]

La présidente: Je voudrais interrompre. Mme Guarnieri ne connaît pas la réponse puisque les débats ont lieu en privé. Ils l'étaient lors de la dernière session. Il suffit de dire que toute la question des poursuites au criminel et de la détermination de la peine faisaient l'objet d'une étude à l'époque. À ma connaissance, ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Les circonstances étaient différentes, la législature était autre.

Mme Albina Guarnieri: Merci.

Le président: Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysboroug, PC): Madame la présidente, membres du comité, la motion dont vous êtes saisis et mes commentaires portent sur la motion M-342 et je vous demande de la choisir comme affaire qui ferait l'objet d'un vote à la Chambre.

Comme vous voyez, M-342 dit que la Chambre estime que le dernier dimanche de septembre devrait devenir officiellement, à partir de cette année, la journée nationale de la police et des agents de la paix afin d'honorer la mémoire des agents qui ont perdu la vie dans l'exercice de leurs fonctions.

Madame la présidente, depuis 1978, des policiers et autres responsables de l'application de la loi se réunissent ici à Ottawa à la fin septembre pour rendre hommage à leurs camarades qui ont perdu la vie dans l'exercice de leurs fonctions. Au fil des ans, le nombre de participants s'est accru à tel point que ce service commémoratif revêt maintenant une importance nationale et internationale.

Plusieurs journées sont désignées de la même façon. Nous en connaissons sans doute un bon nombre notamment la journée des Anciens combattants, le jour de l'Armistice ou le jour du Souvenir, la journée de la femme, la journée de l'enfant, la journée pour l'élimination de la discrimination raciale, qui s'est tenue au mois de mars, et celle de la violence contre les femmes le 6 décembre.

Je ne veux pas vanter les mérites de chacune ou en comparer l'importance, mais je trouve que ces journées ont certainement une valeur, tout comme ma proposition.

Madame la présidente, au service commémoratif de 1984, un livre commémoratif en l'honneur des policiers et des agents de correction qui ont perdu la vie dans l'exercice de leurs fonctions a été présenté officiellement par le Bureau du Solliciteur général et l'Association canadienne des chefs de police.

En 1994, le Premier Ministre, accompagné de plus de 700 policiers et membres des familles des policiers tués, s'est rendu derrière les Édifices du Parlement pour assister à l'inauguration par l'Association canadienne des policiers et l'Association canadienne des chefs de police du nouveau pavillon commémoratif de la police canadienne ici sur la Colline parlementaire. On trouve sur le socle de granit sur lequel repose le pavillon les noms de plus de 200 agents tués dans l'exercice de leurs fonctions depuis 1979, ainsi que les noms des agents de la paix qui ont subi le même sort.

Il est certes grand temps qu'à titre de parlementaires nous nous mettions au diapason pour reconnaître officiellement cette cérémonie importante que les policiers reconnaissent déjà. Si M-342 devient une affaire faisant l'objet d'un vote, ce comité enverrait un message de respect et de reconnaissance à nos agents de la force publique qui ont fait l'ultime sacrifice pour la sécurité publique. Cela montrerait aussi que nous pensons aux familles et aux amis qui ont perdu des proches, ainsi que les hommes et femmes qui assurent le maintien de l'ordre public et mettent leur vie en danger chaque jour.

J'ai revu les 11 critères qui doivent être respectés pour qu'une affaire puisse faire l'objet d'un vote ainsi que cette liste préparée en octobre 1987 par le Comité permanent de l'époque responsable des affaires émanant des députés. À mon humble avis, cette motion, M-342, répond à ces 11 critères.

La motion est claire, constitutionnelle et unique au Feuilleton. Elle est objective et non discriminatoire, et en tant qu'affaire choisie pour faire l'objet d'un vote, elle permettra aux députés de s'élever au-dessus des enjeux politiques habituels et de rendre hommage à l'une des professions les plus importantes et exigeantes de notre société.

Avec l'appui du comité, la motion M-342 permettrait à la Chambre de témoigner le respect que méritent les responsables de l'application de la loi, qui n'estiment pas l'obtenir pour le moment de la part des députés. Il est facile de choisir cette affaire pour faire l'objet d'un vote et ce serait un geste éloquent, qui enverrait un message très important et encourageant aux préposés à l'application de la loi.

• 1045

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Y a-t-il des questions?

[Français]

Mme Christiane Gagnon: J'aimerais savoir ce qui qui vous a motivé à déposer une telle motion. Je ne suis pas contre, mais je voudrais savoir ce qui vous a incité à le faire. Éprouvez-vous une sensibilité quelconque à l'égard des agents de la paix ou vous ont-ils demandé de proposer cette journée spéciale?

M. Peter MacKay: Je regrette, mais ma connaissance du français est plutôt limitée.

Mme Christiane Gagnon: Parlez en anglais. J'ai mes écouteurs.

[Traduction]

M. Peter MacKay: J'ai été procureur de la Couronne en Nouvelle-Écosse, j'ai donc été en contact dans mon travail avec les policiers. J'en connais qui ont perdu la vie dans l'exercice de leurs fonctions. Moi-même j'ai participé au service sur la Colline parlementaire ainsi qu'à d'autres cérémonies semblables en Nouvelle-Écosse. Je siège actuellement au Comité de la justice, c'est donc une question qui me touche personnellement et qui me tient à coeur. Ce n'est rien de nouveau pour moi; je trouve que c'est là une occasion de promouvoir l'importance du rôle que jouent les policiers au Canada.

La présidente: Y a-t-il d'autres questions?

Pensez-vous recevoir des demandes semblables de la part des pompiers, et croyez-vous qu'il s'agit vraiment d'un cas unique? Je me demande si vous pouvez combiner les deux.

M. Peter MacKay: C'est une très bonne question. Je ne sais pas s'ils tomberaient... Pour l'instant, les pompiers ne sont sûrement pas considérés comme des agents de la paix.

La présidente: Non, mais ils mettent leur vie en danger pour le bien de la communauté.

M. McKay: C'est vrai.

La présidente: J'ai posé la question par curiosité. C'est tout.

M. Peter MacKay: Très franchement, je n'y avais vraiment pas pensé.

La présidente: Puisqu'il n'y a plus de questions, je vous remercie.

M. Peter MacKay: Merci.

La présidente: Nous nous excusons de vous avoir fait attendre si longtemps.

M. Peter MacKay: Ça va.

La présidente: Nous nous réunirons encore demain pour entendre le reste des délibérations. Je vous remercie encore d'avoir assisté aux deux réunions. Il est important d'entendre tous les exposés avant de pouvoir établir les priorités, alors nous l'apprécions beaucoup. Je voudrais également remercier les deux remplaçants pour les Libéraux et les Conservateurs.

La séance est levée.