ENVI Réunion de comité
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 10 juin 2003
Á | 1140 |
Le président (L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)) |
M. David McGuinty (président-directeur général et premier dirigeant, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie) |
Á | 1145 |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
Le président |
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne) |
M. David McGuinty |
 | 1200 |
M. Bob Mills |
M. David McGuinty |
 | 1205 |
M. Bob Mills |
Le président |
M. Julian Reed (Halton, Lib.) |
 | 1210 |
Le président |
M. Julian Reed |
M. David McGuinty |
M. Alex Wood (conseiller en politique, Écologisation de la fiscalité, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie) |
 | 1215 |
Le président |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
M. David McGuinty |
 | 1220 |
M. Paul Szabo |
M. David McGuinty |
M. Paul Szabo |
Le président |
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne) |
 | 1225 |
M. David McGuinty |
 | 1230 |
M. Gary Lunn |
Le président |
M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.) |
M. David McGuinty |
 | 1235 |
M. Alan Tonks |
M. David McGuinty |
 | 1240 |
M. Alan Tonks |
Le président |
 | 1245 |
M. David McGuinty |
 | 1250 |
Le président |
 | 1255 |
M. David McGuinty |
M. Alex Wood |
Le président |
M. David McGuinty |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'environnement et du développement durable |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 10 juin 2003
[Enregistrement électronique]
Á (1140)
[Français]
Le président (L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)):
Bonjour, mesdames et messieurs. Nous vous souhaitons la bienvenue à notre comité. Nous entendrons aujourd'hui des représentants de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie.
[Traduction]
Nous sommes très heureux que vous ayez pu venir aujourd'hui. Nous nous excusons de notre retard. Nous avons perdu une bonne demi-heure, mais nous allons essayer de nous rattraper. Sans plus tarder, nous vous invitons à prendre la parole.
Monsieur McGuinty, auriez-vous l'obligeance de nous présenter votre délégation? Après votre exposé, il y aura une et peut-être deux rondes de questions.
Encore une fois, je vous souhaite la bienvenue à notre comité.
M. David McGuinty (président-directeur général et premier dirigeant, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je suis ici aujourd'hui en compagnie d'Alex Wood, conseiller principal en politique de la Table ronde sur les enjeux relatifs à l'énergie, et Carolyn Cahill, qui travaille en étroite collaboration avec moi et qui a coordonné, pour ainsi dire, notre travail de conception d'indicateurs, que nous venons à peine de terminer et dont le produit vous est présenté dans le rapport dont vous avez tous reçu copie dans votre bureau, et dont nous avons apporté quelques exemplaires ici.
Avant d'aborder l'évaluation générale du contexte décisionnel relatif au changement climatique au Canada, j'aimerais prendre quelques secondes pour vous parler de la Table ronde nationale afin d'informer les députés qui ne nous connaissent pas beaucoup.
Notre organisme est le conseil consultatif du premier ministre. La Table ronde nationale a été créée en 1994 pour prodiguer des conseils au premier ministre.
[Français]
C'est maintenant un organisme de consultation fédéral indépendant. Ses 25 membres, nommés par le premier ministre, proviennent de l'ensemble du pays et représentent un vaste éventail de secteurs et de disciplines.
[Traduction]
Parmi nos membres, nous comptons des dirigeants d'entreprise, des écologistes, des dirigeants syndicaux, des chefs et des représentants des Premières nations et d'autres personnes qui unissent leurs forces dans un contexte neutre pour soulever et étudier les grandes questions entourant la notion de développement durable dans la société canadienne. Ils forment des équipes nationales, puis essaient de formuler des recommandations équilibrées, raisonnées et pratiques pour changer les choses.
Toutes nos activités se fondent sur le principe qu'un investissement en environnement en est un en économie. Nous nous appuyons sur l'idée qu'un dommage à l'environnement est une dépense déficitaire et qu'il y a beaucoup de failles à corriger absolument dans le marché canadien. En les corrigeant, nous accroîtrons notre efficacité économique et la qualité de l'environnement.
Cette idée transpire beaucoup dans notre travail, dont je veux vous présenter deux volets aujourd'hui, soit l'établissement d'indicateurs et l'examen de la politique fiscale dans le contexte du changement climatique. Ces deux volets se fondent également sur le fait que des écosystèmes sains sont particulièrement porteurs de richesses. La prospérité économique à long terme est un leurre si nous portons atteinte aux écosystèmes producteurs d'air pur, d'eau propre, de fibres, de pollinisation, de stabilité climatique et d'autres biens et services essentiels que nous ne pouvons plus prendre pour acquis et dont nous ne pouvons plus continuer de sous-estimer la valeur.
[Français]
En d'autres termes, il nous faut une nouvelle économie où la prise de décision rationnelle et avisée reposera sur l'expansion du cadre de référence sur lequel nous nous sommes appuyés jusqu'à présent. Il nous faut dorénavant tenir compte de l'information sur les effets à long terme de nos actions.
[Traduction]
Nous sommes loin de maîtriser ces données. Le Canada, comme bien d'autres pays, utilise divers indicateurs macroéconomiques comme le PIB, le produit intérieur brut, pour prendre des décisions en matière de développement économique. Toutefois, ces indicateurs économiques prépondérants ne nous renseignent aucunement sur la façon dont l'activité économique se répercute sur l'avenir des prochaines générations. C'est précisément en raison de ce déséquilibre que le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire de l'ancien ministre des Finances, Paul Martin, a demandé à la Table ronde nationale, il y a presque trois ans, de travailler avec Statistique Canada et Environnement Canada pour concevoir un petit nombre d'indicateurs nationaux qui ne viendraient pas remplacer le PIB et les autres indicateurs économiques, mais les complémenter.
L'une des plus grandes difficultés consistait à établir des indicateurs clairs, faciles à utiliser et pertinents sur le plan économique. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes concentrés sur la notion, le concept de capital, un terme économique qui désigne les éléments d'actifs dont nous avons besoin pour maintenir notre production dans l'avenir.
Plus particulièrement, nous nous sommes efforcés de concevoir des indicateurs pouvant nous renseigner sur l'état de notre capital naturel. Ce terme ne fait pas partie du lexique canadien, mais nous n'y avons toujours pas trouvé de substitut crédible. Il s'applique particulièrement dans le domaine des services liés à l'écosystème. Les indicateurs retenus mesurent, parfois pour la première fois à l'échelle nationale, des éléments importants et fondamentaux de notre capital naturel comme la qualité de l'air, la qualité de l'eau, les émissions de gaz à effet de serre et l'étendue de deux écosystèmes essentiels, les forêts et les terres humides.
Il y a un indicateur du capital humain, soit le niveau de scolarité. Il paraît dans la liste finale, parce qu'il nous indique comment nos investissements en formation de la main-d'oeuvre nous aideront à comprendre notre force concurrentielle potentielle au sein de l'économie internationale fondée sur le savoir.
Par conséquent, si on les combine aux indicateurs économiques conventionnels, ces indicateurs du capital vont enfin nous donner une vraie bonne idée de l'état de l'environnement, de l'économie et de la société au Canada—en d'autres termes, de l'état de santé et du niveau de richesse véritables de notre pays.
Notons que ces indicateurs sont d'importants outils stratégiques de gestion du changement climatique. Certains d'entre eux, comme les émissions de gaz à effet de serre, nous renseignent directement sur notre rendement annuel; d'autres, comme l'étendue des terres humides, nous aideront à évaluer les incidences du changement climatique. Bien sûr, l'indicateur du couvert forestier nous renseignera sur le piégeage du carbone. Comme je l'ai dit il y a un instant, le gouvernement du Canada en a justement parlé dans son budget de 2000.
Pour commencer, nous avons fait ce que nous faisons toujours : nous avons mis sur pied un comité d'orientation multipartite chargé de chapeauter nos travaux. Des experts des indicateurs, des fonctionnaires, des représentants du secteur privé, des banquiers, des écologistes et des dirigeants syndicaux de tout le pays sont venus partager leur expérience directe et inestimable des indicateurs et nous ont fait nous demander si les nouveaux indicateurs seraient vraiment significatifs pour les bons vieux travailleurs canadiens.
Pour élargir les consultations, nous avons tenu plusieurs conférences et ateliers. Quelque 1 600 Canadiens de toutes les régions, de tous les milieux, se sont penchés sur notre travail. Nous avons collaboré avec 70 chercheurs et statisticiens, qui nous ont aidés à créer des indicateurs crédibles sur le plan technique.
Pendant toutes ces délibérations, il est devenu limpide qu'il fallait lier les données sur tous les types de capital au système de comptabilité nationale du Canada, le système d'information dans lequel s'inscrivent les grands indicateurs macroéconomiques. Si l'inclusion de données sur le capital naturel, humain et social au système de comptabilité nationale vous semble être une proposition stratégique ésotérique, je vous garantis qu'en la suivant, vous ferez du Canada un chef de file mondial, le seul qui analyse les interactions entre l'environnement, l'économie et notre bien-être général en société. En fait, nous avons conçu l'une des théories les plus avancées dans ce domaine, à un moment où la Banque mondiale, l'ONU et l'OCDE commencent à peine à parler de l'urgence d'effectuer un meilleur suivi du capital naturel.
Les meilleures politiques de gestion du changement climatique qui en découleront sont un exemple concret des avantages de l'élargissement de notre système de comptabilité nationale. Pour évaluer les options stratégiques dans ce domaine, nous avons besoin de renseignements sur les effets du changement climatique, les activités économiques qui le provoquent et les coûts de réduction des émissions qui l'accentuent. Nous avons déjà des données sur tous ces éléments, mais pour l'instant, il est loin d'être possible de les combiner pour brosser un tableau général cohérent. Nous ne pouvons tout simplement pas lier l'environnement et l'économie d'un point de vue statistique, mais nous devons apprendre à le faire et le faire vite.
Á (1145)
Grâce à ce rapport, Statistique Canada a établi un plan à long terme détaillé sur la façon dont il faudrait élargir la comptabilité. Il l'a présenté au comité permanent le 20 mars. Cependant, le ministère a reconnu ouvertement que c'était une chose que de créer un modèle de comptabilité et une autre que de fournir des données pour chaque élément. Cela me porte à l'une des plus grandes conclusions de ce processus de trois ans.
Lorsque nous avons cherché à déterminer quels indicateurs nous recommanderions dans notre rapport, nous avons été sidérés du manque de renseignements nationaux de bonne qualité et à jour sur les enjeux environnementaux les plus fondamentaux. Nous vivons dans un pays d'arbres et d'eau, mais nous n'avons même pas encore les données dont nous avons besoin sur les forêts et l'eau. Quoi qu'il en soit, les participants au programme ont réussi à créer des indicateurs solides dans ces domaines, mais ceux-ci se démarquent du reste. Nous allons devoir bâtir et parfois même rebâtir notre système d'information dans le domaine de l'environnement. C'est pour cette raison que nous appuyons vivement le projet du Système canadien d'information sur l'environnement, qu'a conçu Environnement Canada pour catalyser la création d'un système qui nous permettrait de recueillir les données adéquates, de les partager et de les rendre accessibles à tous les Canadiens.
Nos travaux sur les indicateurs, le système de comptabilité nationale de Statistique Canada et le Système canadien d'information sur l'environnement suivent tous une vision intégrée qui nous aidera à préserver notre prospérité dans l'avenir. Cette vision nécessite une grande collaboration entre les ministères, comme celle qu'Environnement Canada et Statistique Canada ont commencé à tisser et qu'ils sont déterminés à maintenir. Nous aidons maintenant ces deux ministères à présenter nos recommandations au cabinet. Le ministre de l'Environnement, David Anderson, s'est engagé à conseiller ses collègues du cabinet sur la façon de répondre aux propositions que nous vous présentons aujourd'hui.
J'aimerais vous poser une question simple avant de passer à la politique fiscale. Nous vous posons une question simple qui, à notre avis, fera écho chez tous les Canadiens, partout: vivons-nous au-dessus de nos moyens environnementaux et sommes-nous en train de compromettre le droit des générations futures de jouir d'une grande qualité de vie? Les dommages à l'environnement ne devraient-ils pas être perçus et comptabilisés comme des dépenses déficitaires? Les citoyens s'attendent dorénavant à ce qu'on évite complètement les déficits partout, mais pour ce qui est de la nature, sommes-nous en train de créer un déficit écologique? Pouvons-nous nous le permettre?
Au chapitre du changement climatique et de la politique fiscale, j'aimerais attirer votre attention sur ce que nous voyons comme trois défis pour le Canada dans la mise en oeuvre de ses engagements en matière de changement climatique. Le premier est l'absence de stratégie claire à long terme sur notre futur énergétique dans le contexte de ce que nous savons de nos engagements en matière de changement climatique.
Bien entendu, le comité sait que le gouvernement britannique a récemment produit un livre blanc intitulé Our Energy Future—Creating a Low-Carbon Economy. Ce document présente une analyse de l'approvisionnement énergétique au Royaume-Uni et de la demande jusqu'en 2050, le tout suivi d'engagements pour réduire les émissions de dioxyde de carbone. Beaucoup, beaucoup d'autres pays de l'OCDE ont fait de même.
Ce guide a pour énorme avantage de donner au grand public, aux décideurs et au gouvernement une idée de la façon dont des éléments aussi diversifiés que le transport, l'agriculture, l'innovation, l'éducation et l'environnement, pour n'en nommer que quelques-uns, sont interreliés lorsqu'il s'agit d'énergie et de changement climatique. Cela orientera la façon dont les investissements publics seront faits. On y présente clairement les attentes qui transparaîtront dans la planification et les investissements financiers à long terme. C'est un véritable cri de ralliement que les Canadiens pourront comprendre au fur et à mesure que nous avançons et que nous leur demandons d'apporter des changements dans leur vie.
Rien de tel n'a été entrepris au Canada jusqu'à maintenant. L'Office national de l'énergie a tenté d'établir des scénarios sur la demande et l'approvisionnement énergétiques au Canada jusqu'en 2025, mais le résultat est beaucoup plus descriptif que prescriptif. Récemment, le ministre Anderson a souligné la nécessité pour le Canada de se doter de plans à long terme sur l'énergie et le changement climatique. Nous sommes donc optimistes, car il semble que la nécessité de cet exercice commence à se faire sentir aux paliers les plus élevés de notre gouvernement.
Le deuxième grand défi vient de l'absence d'une architecture décisionnelle coordonnée. En dix ans de pratique—et non de théorie—nous avons vu à répétition dans le cadre de notre travail qu'il y avait toujours dissonance implicite entre les principes de gestion horizontale et le processus décisionnel relatifs au développement durable et à la structure de base de la prise de décisions publiques au Canada. C'est un enjeu très, très complexe. Nous ne voyons aucun groupe pouvant à lui seul résoudre le problème. Nous espérons toutefois étudier en profondeur quelques-unes de ces questions dans le cadre d'un programme que nous sommes en train de mettre sur pied pour étudier la gouvernance et la durabilité.
Á (1150)
Le troisième défi que j'aimerais souligner porte sur l'utilisation d'outils économiques et fiscaux pour atteindre les objectifs liés au changement climatique. La vérité—et je sais que cela ne surprendra pas notre président d'aujourd'hui, qui l'a déjà dit—c'est que nous arrivons terriblement de mal à utiliser nos outils fiscaux et économiques pour lutter efficacement contre le changement climatique. Selon la Table ronde, cette situation signifie que les gouvernements canadiens—et j'insiste sur le pluriel—n'ont pas tiré profit de l'effet potentiel important d'une utilisation novatrice et concertée de la politique fiscale pour lutter contre le changement climatique.
J'aimerais vous parler de deux programmes directement liés à la question dont le comité est saisi: l'un porte sur l'écologisation de la fiscalité et la viabilité urbaine et l'autre, sur l'écologisation de la fiscalité et l'énergie.
La viabilité urbaine, bien entendu, est d'une importance cruciale, car le transport urbain, le tissu urbain et l'utilisation de l'énergie, entre autres, ont des incidences directes sur le changement climatique. Nous venons tout juste de publier un rapport dans lequel nous faisons des recommandations sur la façon dont on peut utiliser la politique fiscale pour favoriser la viabilité urbaine et, par la même occasion, aider le Canada à lutter contre le changement climatique.
Il y a quatre grandes priorités: diriger en prêchant par l’exemple; appuyer l’utilisation des transports en commun; promouvoir une infrastructure écologiquement viable et encourager une utilisation efficace de l’énergie et du sol . Par exemple, on pourrait modifier la déduction pour amortissement accéléré afin d'y inclure les systèmes énergétiques des collectivités. Nous serons ravis de vous fournir de plus amples détails sur ce rapport pendant la période de questions.
Nous avons également un programme portant l'écologisation de la fiscalité et l'énergie. Nous nous demandons comment on peut utiliser la politique fiscale à long terme pour favoriser les réductions d'émissions de gaz à effet de serre dans les systèmes énergétiques canadiens, à la fois en termes absolus qu'en termes de proportion du PIB.
Pour ce faire, nous allons examiner trois secteurs différents qui nous semblent susceptibles de contribuer très favorablement à la décarbonisation à long terme, mais dans lesquels il reste divers obstacles qu'on pourrait éliminer grâce aux outils fiscaux et économiques. Ces trois secteurs sont ceux de l'hydrogène, de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables.
L'objectif final de ces études de cas consiste à formuler des recommandations solides, pragmatiques, pratiques et fondées sur des faits, que nous pourrons présenter au gouvernement en général et plus particulièrement au ministère des Finances. Nous essayons de favoriser l'avancement dans ces secteurs en même temps. Nous espérons aussi arriver à tirer des leçons générales de ces études de cas en ce qui concerne le cadre stratégique dont le Canada devra se munir pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre à long terme.
Cette partie de notre travail ne pourra se faire que dans quelques années. Par conséquent, j'aimerais maintenant vous parler de façon plus générale de la politique fiscale.
Le modèle existant est faible. Il existe diverses mesures fiscales, des programmes de dépenses et des projets ayant des incidences indirectes sur la question. Les mesures actuelles sont cependant cloisonnées. Elles ne visent pas le consommateur canadien en tant que tel. Elles ne sont pas suffisantes pour fournir le cadre fiscal nécessaire en matière de vente en gros qu'on retrouve dans d'autres parties du secteur de l'énergie. Nous n'avons encore aucune preuve que les mesures ciblées annoncées par le gouvernement dans le cadre de son plan de lutte contre le changement climatique seront mises en oeuvre.
Je vais conclure en revenant à la nécessité de nous doter d'une vision concertée. La politique fiscale ne s'harmonise pas explicitement au grand défi que pose le changement climatique. Étant donné l'importance fondamentale de notre secteur énergétique pour la santé de notre économie et l'ampleur des problèmes liés au changement climatique, cette situation nous préoccupe énormément.
Je vous remercie beaucoup.
Á (1155)
Le président: Merci, monsieur McGuinty.
Nous allons commencer par M. Mills.
[Français]
M. Mills sera suivi par M. Bigras.
[Traduction]
Nous céderons ensuite la parole à M. Reed, puis à M. Szabo.
Monsieur Mills.
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Votre exposé semble très bien et très bureaucratique. Je suppose qu'il faut se demander comment, concrètement, on peut convaincre les gens du qu'il vaut la peine d'adopter ce type de politique. Vous avez en quelque sorte abordé la question des incitatifs que l'on pourrait utiliser, des incitatifs économiques.
Toutefois, si je regarde ce qui se passe dans notre environnement, qu'il s'agisse des sites contaminés ou de mon projet numéro un, celui de la vallée du Fraser et de Sumas, je vois très peu de participation du gouvernement.
Par conséquent, comment allez-vous parvenir à vos fins, concrètement? Comment allez-vous inciter les Canadiens à utiliser moins de carbone, à se soucier de la conservation, du smog et de tout le reste? Avez-vous des idées concrètes?
M. David McGuinty: Je vous remercie de votre question.
Le mandat de la Table ronde consiste à favoriser les principes et pratiques de développement durable dans la société canadienne. C'est un mandat immense assorti d'un budget très limité. Notre travail se concentre principalement sur la conception systémique, sur les éléments de l'architecture que nous devrons changer dans notre façon de gouverner si nous voulons, par exemple, avoir les bons indices de prix sur le marché.
Ainsi, nous jugeons la notion de capital naturel compréhensible pour les Canadiens. Lorsque nous avons consulté les Canadiens pour établir nos indicateurs—durant le processus, je devrais dire—nous avons découvert que les Canadiens comprenaient le concept de capital naturel comme ils comprennent celui d'un compte de banque, de son capital et de ses intérêts. Ils comprennent instinctivement qu'on ne peut réduire sans cesse son compte en banque et vivre des intérêts. La notion de capital naturel, les mots « capital naturel », comme je l'ai dit, ne font pas partie du lexique canadien. Nous devons les y introduire.
Le Protocole de Kyoto nous a permis d'avancer beaucoup grâce à un résultat tout simple : il confère au carbone une valeur monétaire. Lorsque j'ai expliqué le Protocole de Kyoto au propriétaire de la flotte de taxis d'Ottawa et que je lui ai dit qu'il devrait payer pour obtenir le droit de rejeter des émissions pour que l'atmosphère continue de traiter ses déchets, un traitement qui a toujours été considéré gratuit, il a compris.
Pour ce qui est de mobiliser les gens, je répète constamment dans la grande bulle d'Ottawa—en mon nom et non en celui de la table ronde—que nous avons besoin d'un cri de ralliement. Si l'on veut que ce soit Kyoto, d'accord. Disons-le et faisons-le. Les Canadiens attendent qu'on les mobilise. Je ne crois pas qu'on les mobilise de façon significative depuis 25 ans en faveur du développement durable. Selon le Ottawa Citizen d'aujourd'hui, les gens ne comprennent toujours pas ce à quoi correspond une réduction d'une tonne. Ils s'imaginent qu'il s'agit d'un plan d'amaigrissement.
Il faut déployer des efforts énormes pour créer un cri de ralliement unique, et je crois que pour ce faire, il faut utiliser des termes que les gens comprennent. Il faut dire aux gens que l'environnement est lié à leur économie. Ils le savent, ils s'en préoccupent, et si nous trouvons les bons boutons, je crois que nous y arriverons.
 (1200)
M. Bob Mills: D'accord, reportons-nous aux véritables problèmes.
Par exemple, il y a un problème de gestion des déchets à Toronto. C'est maintenant de notoriété publique depuis la crise du SRAS et depuis que des déchets envoyés au Michigan ont été bloqués à la frontière. Le fait est qu'ailleurs dans le monde, on gère les déchets différemment d'ici, au Canada.
J'ai visité divers sites de traitement des déchets depuis les années 70 et je me suis toujours opposé à leur enfouissement. Je ne vois personne à Toronto se lever—peut-être M. Tonks pourrait-il le faire—pour dire aux gens d'aller voir ce qui se fait ailleurs dans le monde; pour leur dire: allez à Berlin voir comment on y gère les déchets. Allez dans diverses capitales européennes voir ce qu'elles font. Elles les incinèrent, mais mon Dieu, cette grande fumée noire et toutes les toxines qui s'échappent dans l'air... Mais ce n'est pas le cas. Aujourd'hui, l'incinération génère moins de 1 p. 100 d'émissions, et 99 p. 100 des gaz demeurent à l'intérieur du système.
Il n'y a donc plus de grosse fumée noire, mais les Canadiens doivent en être informés. Il faut leur dire. Les députés élus doivent en être informés, parce qu'ils semblent résignés à affirmer qu'il faut les enfouir dans le sol. Non, il ne le faut pas, et nous n'avons pas d'espaces illimités pour enfouir nos déchets. Ce n'est qu'un exemple.
J'ai également mentionné l'exemple de Sumas sur la qualité de l'air. Si M. Comartin était ici, il nous parlerait certainement du sud de l'Ontario et des problèmes qu'on y rencontre. Nous ne nous en occupons pas. Personne ne semble s'en occuper.
Lorsque j'essaie de parler de déchets, les gens du gouvernement fédéral me disent qu'il s'agit d'une sphère de compétence totalement provinciale. Si l'on pose la question au gouvernement provincial, on vous répond que c'est une sphère de compétence totalement municipale. Si l'on interroge le gouvernement municipal, celui-ci répond qu'il n'a pas d'argent pour faire de la recherche et qu'il va continuer de faire ce qu'il a toujours fait. Par conséquent, personne ne fait quoi que ce soit, et la qualité future de l'environnement est comme une bombe à retardement qui menace nos eaux souterraines. Ce sera un problème énorme pour les générations futures. Comment pouvons-nous y remédier?
M. David McGuinty: Je crois que l'une des premières choses à faire, c'est de reprendre la notion de développement durable en des termes que les Canadiens comprennent. Ils comprennent le problème des déchets. Ils comprennent les problèmes liés à la qualité de l'air. Ils veulent pouvoir ouvrir le robinet et donner l'eau qui en sort à leurs enfants en toute confiance. Je dirais donc qu'il faut commencer par décomposer la notion de développement durable en des termes que les Canadiens comprennent, comme ceux des déchets.
Vous avez fait mention d'une immense barrière fondamentale, contre laquelle nous luttons depuis 10 ans. Nous en parlons sans cesse, car il serait peut-être temps de songer à une nouvelle union dans notre pays. Nous avons une union économique de nature constitutionnelle. Nous avons une entente-cadre sur l'union sociale. Il serait peut-être temps de conclure une nouvelle entente environnementale. Il serait peut-être temps de conclure une nouvelle union environnementale.
Vous ne serez pas surpris d'apprendre que dans le cadre de notre travail sur les indicateurs, nous nous sommes rendu compte qu'Environnement Canada devra dorénavant, s'il reçoit suffisamment de financement pour le Système canadien d'information pour l'environnement, collaborer avec les provinces pour que les villes et les provinces ne recueillent pas les mêmes données que le gouvernement fédéral. Imaginez, nous devons reconnaître que nous ne partageons même pas les mêmes données. Il y a énormément de chevauchement. Le budget de chaque ministère du pays a été comprimé d'au moins 40 p. 100 dans les provinces et de 60 p. 100 à Terre-Neuve. Le ministère fédéral de l'Environnement a subi des compressions. Maintenant, nous nous disons qu'il serait peut-être temps de rebâtir cette relation. C'est une priorité inestimable pour nous, qui aura des incidences à long terme sur notre économie. Peut-être faudrait-il envisager une nouvelle entente de ce type, recommencer à neuf et en mieux.
 (1205)
M. Bob Mills: Merci.
Le président: Allons-y pour un deuxième tour. Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Vous vous adressez en fait à une personne ultra-convertie. Je me préoccupe personnellement de cet enjeu depuis 25 ans. Je suis donc tout à fait d'accord avec les conclusions de la Table ronde.
Il y a toutefois certaines choses que j'aimerais voir consignées au compte rendu, si je peux me le permettre. Premièrement, j'aimerais vous mettre en garde contre les système d'énergie à hydrogène. L'hydrogène est une forme secondaire d'énergie et non une forme primaire, donc à moins de recourir à une source primaire verte, la source secondaire n'a pas beaucoup d'importance. On semble mettre la charrue devant les boeufs dans ce cas-ci.
Il y a aussi quelques obstacles dont nous n'avons pas parlé. Pensons d'abord à la tarification de l'énergie. Quel est le coût réel de l'énergie que nous consommons? La tarification de l'énergie est bidon, vous le savez bien. Le prix de l'électricité en Ontario est faux depuis 25 ans. Que faisons-nous pour inciter les investisseurs à choisir des énergies vertes en Ontario dans l'entente fiscale en vigueur actuellement? Rien.
Pour le moment, l'appui des énergies renouvelables est inégal. Une forme d'énergie renouvelable est propulsée en avant, alors qu'on ne fait rien pour en favoriser une autre. C'est un autre obstacle.
Avec le temps, j'ai également observé que beaucoup de processus d'approbation de la recherche visant à développer de nouvelles énergies vertes dans la province que je connais bien se fondent sur des principes pseudo-scientifiques et des préjugés. Par conséquent, même ceux qui aimeraient aller de l'avant en ce sens sont bloqués.
Il y a aussi toute la question des rapports entre le gouvernement fédéral et les provinces. D'une façon ou d'une autre, nous devons suivre votre recommandation. Il serait bien d'établir un terrain commun entre les provinces qui ont une certaine forme d'énergie à vendre et celles qui n'en ont pas ou celles qui ont d'autres énergies et tout le reste. Je me demande comment nous pouvons tous en arriver à utiliser les mêmes dénominateurs, si l'on veut.
Je pense notamment au plus grand producteur de pétrole, l'Alberta, et au plus grand producteur d'hydroélectricité, le Québec. Comment peut-on les amener à s'unir autour d'un thème commun et à exercer un leadership que les provinces appuieraient? J'aimerais pouvoir trouver une solution.
Je suis content que vous ayez parlé des outils économiques et de la nécessité d'en tenir compte. Un comité du caucus se penche actuellement sur la question. Nous allons faire des recommandations sur les outils susceptibles de stimuler l'investissement.
J'aimerais également préciser qu'à l'heure actuelle, au Canada, il est très difficile de stimuler des investissements normaux, ordinaires—de créer des sources de capitaux—dans l'énergie verte et tout le reste. C'est très difficile en raison de la structure économique fausse qui existe actuellement. Nous devons surmonter cet obstacle avant de pouvoir aller plus loin. Si nous pouvions remédier à certains de ces problèmes, nous pourrions peut-être jeter les assises de progrès.
 (1210)
Enfin, je crois que lorsqu'on fait des choix importants en faveur de l'énergie verte, il faut nécessairement sortir les gens de leur zone de confort, qu'il s'agisse de leur zone de confort économique, de ce qu'ils perçoivent comme leur zone de confort en matière de revenu ou de leurs habitudes de longue date. J'espère que nous trouverons un moyen de stimuler l'imagination des citoyens. La situation s'observe à certains endroits en Europe actuellement, où les citoyens rivalisent avec leurs voisins en installant des batteries solaires sur leurs toits. C'est le genre de choses qu'il nous manque. Nous avons le problème des déchets et de la façon dont ils sont gérés. En réalité, on a présenté cette technologie à la ville de Toronto il y a 25 ans.
Le président: Monsieur Reed, prévoyez-vous laisser du temps à nos témoins pour réagir à vos observations?
M. Julian Reed: Je suis désolé, je ne veux pas prendre tout le temps alloué, mais je tiens à vous faire part de ces réflexions par sympathie avec ce que vous faites.
M. David McGuinty: Je vais répondre brièvement, puis demander à M. Wood de poursuivre pour nous parler de l'énergie.
La problématique que vous dégagez correspond précisément à l'objectif de notre travail. Je vais vous donner un exemple. Nous venons tout juste de publier le rapport ASEG. Le gouvernement fédéral offre une réduction d'un tiers de la TPS lorsqu'on achète une maison neuve. La plupart des maisons sont bâties dans les banlieues, et principalement dans les grandes régions de Toronto, de Vancouver, de Montréal et dans quelques autres corridors, dont celui d'Edmonton-Calgary. La majorité sont construites sur des terrains vierges ou agricoles. Par ailleurs, la province de l'Ontario offre une réduction sur les droits de cession immobilière à l'achat d'une nouvelle maison, mais si l'on achète un triplex au centre-ville de Toronto et que l'on décide de le convertir en propriété R-2000 ou que l'on garde trois unités de logement dans le centre de Montréal et que l'on investit plus de 100 000 dollars en rénovations, on n'obtient aucun incitatif.
Toute grande ville de notre pays a pour politique officielle d'accroître la densification et de mettre un frein à l'installation de tuyaux ultra-subventionnés dans les champs agricoles, ce qui ne se reflète pas sur les prix de l'eau. C'est le parfait exemple illustrant qu'il faut étudier en détail la façon dont la fiscalité s'organise dans notre pays. Quels sont les signaux que nous lançons relativement aux prix et au marché?
On freine sans cesse l'écologisation de la fiscalité, que les Allemands, par exemple, sont en train de mettre en oeuvre très activement chez eux.
Pour ce qui est de l'énergie, pourquoi ne pas laisser Alex vous répondre.
M. Alex Wood (conseiller en politique, Écologisation de la fiscalité, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie): Monsieur Reed, je vais aborder la question de l'hydrogène à la toute fin, mais je vous dirais que les diverses questions que vous avez soulevées, qui vont des sphères de compétence à l'investissement, sont autant de signaux que nous captons au fur et à mesure que nous avançons. Nous parlons aux investisseurs potentiels dans les énergies renouvelables, par exemple, et ils voudraient en faire davantage, mais trouvent—comme vous l'avez dit—que le contexte politique est très peu favorable à ce type d'investissement.
Pour nous, la situation met en relief l'absence d'un plan directeur donnant une idée de la situation prévisible aux investisseurs et aux entrepreneurs intéressés à investir dans les énergies renouvelables, l'amélioration du rendement énergétique—même en hydrogène— et les technologies de l'énergie. Les investisseurs ont besoin de savoir qu'il y a un plan et que le pays s'engage dans une certaine voie en le suivant. D'après ce qu'ils nous disent, il n'existe rien de tel.
Pour ce qui est de l'hydrogène, nous abordons la question avec la même prudence que vous. Ce n'est pas moins un excellent exemple de secteur dans lequel notre pays a injecté beaucoup de fonds publics pour stimuler la recherche et le développement. Dans certaines parties de ce secteur, nous en sommes aux premiers stades de commercialisation de produits. Il y a maintenant d'autres États du monde qui commencent à injecter de grandes sommes dans ce domaine et à créer de grands incitatifs à l'essor de l'hydrogène, entre autres. L'avantage que nous tirons des mesures novatrices que nous prenons dans ce secteur demeure précaire. Le président Bush a décidé que l'hydrogène était le carburant de la liberté pour les Américains; les Européens investissent de grandes sommes dans le domaine, de même que les Japonais.
Le cas de l'hydrogène nous porte à nous poser de très bonnes questions sur les débouchés qui s'offrent à notre pays dans le contexte du changement climatique, non pas seulement sur les aspects négatifs, mais sur les aspects positifs. Le secteur de l'hydrogène en est un dans lequel nous pourrions devenir un chef de file mondial et bâtir une industrie solide si nous nous dotons du cadre stratégique adéquat dès maintenant pour inciter les promoteurs de ce secteur à demeurer au Canada et à investir suffisamment au Canada. Toutefois, les gens du domaine nous disent ne pas avoir l'impression d'assister à l'émergence d'un tel cadre au Canada. Ils le voient toutefois émerger ailleurs.
Voici donc un exemple des coûts pour notre économie de l'absence d'un cadre politique et d'un plan—comme c'est le cas maintenant—et des incidences qu'elle pourrait avoir sur notre compétitivité mondiale.
 (1215)
Le président: Merci, monsieur Reed.
Monsieur Szabo, puis ce sera le tour de M. Tonks, du président, puis de M. Lunn pour la deuxième ronde.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Bienvenue messieurs, bienvenue madame.
La semaine dernière, il y a eu un bref débat à la Chambre des communes sur un rapport des pêches portant sur l'état de santé des Grands Lacs. L'une des principales choses que je dégage de ce rapport, c'est que le comité a observé une frustration unanime devant l'absence de plan d'action. On a beaucoup parlé du problème, mais très peu de la solution.
Je crois avoir senti un peu la même chose dans les propos de M Reed, qui nous disait que tout cela était très bien, mais qu'il fallait aussi peut-être travailler à concevoir des indicateurs et une stratégie à long terme sur notre avenir énergétique et tout le reste pour dégager les faits. Nous n'avons plus besoin de preuves : nous avons besoin d'une promesse de plan d'action, parce que chaque jour d'immobilisme est un jour perdu.
La semaine dernière, nous avons aussi rencontré des représentants de la Commission mixte internationale, qui nous ont notamment entretenu des 160 espèces exotiques qu'on y trouve et de leurs incidences. J'ai été étonné d'apprendre que les effets économiques et autres des perturbations dans les Grands Lacs dépassent en importance les effets économiques du SRAS et de la maladie de la vache folle et de voir que ces deux enjeux soulèvent des débats à la Chambre des communes, mais pas l'état des Grands Lacs. Cela me trouble beaucoup, parce qu'on n'établit pas de priorités relatives. Nous vous demandons donc où cela va s'arrêter. Quand en arrivons-nous au point de non-retour où nous devrons faire quelque chose?
Pour vous donner une idée, j'ai leur posé la question à savoir pourquoi nous n'appliquons que des lignes directrices volontaires au traitement des eaux de ballast par lesquelles les espèces exotiques s'introduisent plutôt que d'imposer un règlement obligatoire?
Je me demande si les pressions économiques des entreprises ou des groupes ayant d'autres intérêts sont telles qu'ils ne peuvent changer les choses. Par conséquent, sommes-nous confrontés aux mêmes obstacles pour régler les problèmes que vous soulevez aujourd'hui?
M. David McGuinty: C'est une grande question à laquelle il m'est difficile de répondre. Nous n'avons pas étudié la situation des Grands Lacs.
De toute évidence, on fait un suivi de l'évolution des espèces envahissantes. Nous nous sommes penchés sur la notion de cogestion il y a cinq ans. Je crois que l'absence d'ententes de cogestion sur la côte est a beaucoup contribué—et je crois que les gens là-bas l'admettent—à l'effondrement des stocks de morue du Nord. J'aime cette notion, mais nous n'avons toujours pas d'analyse suffisamment détaillée des coûts. Quels sont les coûts réels de l'aide aux collectivités de la côte est depuis l'effondrement des stocks?
Une partie du problème—et je suis certain que vous le savez—vient de notre méthode digne de bombardiers furtifs de gérer les dommages causés à nos écosystèmes. Où est la limite? Quel est le seuil théorique? Quand sera-t-il le tour des Grands Lacs?
L'IGAC essaie de combattre grâce à ses critères indiquant si l'eau est potable, baignable et propre à la consommation, des indicateurs que les citoyens des alentours peuvent comprendre. Mais je crois qu'une bonne partie du problème est lié à l'internalisation des coûts externes. Vous en avez probablement déjà entendu parler.
Imaginez un instant que lors de l'annonce du prochain budget fédéral, le ministre des Finances se lève et qu'en présentant son budget, il commente également l'état de notre capital naturel et dise aux Canadiens que la qualité de l'eau est en baisse. Le PIB est peut-être en hausse, le taux de chômage est peut-être en baisse, mais la qualité de l'eau est en baisse. Ce serait un premier pas intéressant que de faire le parallèle entre une forme de capital—les ponts, l'infrastructure, le capital financier—et une autre forme de capital—le capital naturel et notre capacité de nous en préoccuper. Peut-être cela mettrait-il en évidence ce que les Canadiens comprennent déjà, selon moi.
Voilà le type de changement systémique que nous voulons. Selon cette vision, on verrait le traitement des eaux des Grands Lacs sous un tout autre jour. Les Grands Lacs ne seraient plus simplement des bassins pouvant absorber des déchets, abriter une foule d'espèces envahissantes, faire l'objet de surpêche ou accueillir un nombre de bateaux excessif, qu'ils soient motorisés ou pas.
J'aimerais être plus précis dans ma réponse sur le problème des Grands Lacs, mais cela vous donne tout de même une idée de notre réflexion.
 (1220)
M. Paul Szabo: Pour terminer, je me demande s'il faut changer notre vocabulaire ou s'il faut nous secouer pour cesser d'évaluer la situation en nous contentant de parler des problèmes, mais non des solutions.
Pour ce qui est de la gestion des déchets à Toronto, par exemple, nous connaissons la capacité de recyclage totale de certaines technologies. Dans la région de Toronto, il y a la Super Blue Box Recycling Corp., la SUBBOR. Il y a également un établissement à Guelph, qui a été évalué par les Américains, mais Toronto n'en a pas voulu en raison de l'entente à long terme que la ville a avec le Michigan. La SUBBOR n'a pas eu de chance, mais si on faisait la promotion de cette technologie... Le gouvernement a déjà financé des projets pilotes.
Comment se fait-il que des projets viables comme celui de la SUBBOR ou que des options d'énergie alternative proposées par le comité spécial de M. Reed ne peuvent recevoir suffisamment d'appui en ce moment pour abattre les obstacles à la prise de mesures environnementales importantes comme celles-ci?
M. David McGuinty: Je ne peux vous donner de réponse définitive. Je ne sais pas qui le pourrait, mais voici ce que je peux vous dire.
Nous consacrons beaucoup de temps à interagir avec le public, comme vous le faites en tant que députés élus. Nous le faisons dans une mesure différente. Il apparaît clairement que la plupart des Canadiens associent le développement durable ou les enjeux environnementaux à la douleur, aux embêtements et aux coûts. Nous essayons de modifier cette perception. Les Canadiens devraient tous songer aux nouveaux débouchés économiques, environnementaux et sociaux.
Par exemple, lorsque nous avons tenté de faire valoir notre point de vue dans la tour d'ivoire d'Ottawa, au gouvernement fédéral et ailleurs, que nous avons essayé d'expliquer au gouvernement fédéral pourquoi il devrait s'intéresser davantage aux villes, tout a été très difficile jusqu'à ce que Mike Harcourt et moi nous présentions à la Banque mondiale, fassions les calculs et déterminions qu'il existait un marché d'infrastructure urbaine d'une valeur d'un billion de dollars et que le Canada n'en retirait que 1 p. 100. Nous avons découvert que la plupart des contrats qu'il obtenait se résumaient à la consultation et non à la vente concrète de systèmes ferroviaires ou hydrauliques, à la conception et à tout le reste. Lorsque nous sommes revenus avec ces chiffres à l'appui, tout le monde a tendu l'oreille et six semaines plus tard, le premier ministre annonçait la mise en place de l'Initiative des villes durables, dont il a doublé le financement à Johannesbourg.
Ainsi, si nous pouvons mettre en valeur les avantages économiques incroyables du réaménagement, de l'assainissement, de la récupération et de la préservation, les choses pourraient changer. Sa perspective pourrait changer.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Je m'excuse monsieur Tonks. Nous allons d'abord laisser la parole à M. Lunn, puis à M. Tonks et au président.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je dois également intervenir à la Chambre. Merci de votre patience, Alan.
J'ai quelques observations à faire. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'un investissement en environnement peut être un investissement dans l'économie. Je le vois dans certaines industries, notamment dans l'industrie forestière au sein de laquelle j'ai travaillé. Les usines s'amélioreraient et utiliseraient les ressources plus écologiquement. Elles se débarrasseraient des fours wigwam. Elles utiliseraient les déchets de combustibles pour générer l'énergie nécessaire aux fours. Bien souvent, leurs résultats nets s'amélioreraient grâce à ces nouvelles techniques. C'est une hausse de coûts considérable, mais elles économiseraient en bout de ligne. C'était une observation générale, mais je vais revenir au thème principal.
Je me disais exactement la même chose que M. Szabo. D'après ce qu'on me dit—et je crois que cela reflète bien l'opinion publique—on parle peu de solutions. Nous mettons uniquement l'accent sur les problèmes, mais ne proposons pas souvent de solutions concrètes. Je vous le dis. Je suis impatient d'entendre votre réponse parce que vous, les membres de la table ronde sur l'environnement, êtes là pour écouter. Je vous dis qu'on devrait davantage mettre l'accent sur les solutions.
Je pense à ce que j'entends dans la vallée du Fraser. Je me suis beaucoup préoccupé du projet de Sumas II, que vous connaissez très bien. Les gens de la vallée du Fraser s'inquiètent beaucoup de ce projet, qui sera lancé dans leur cour. Il s'agit du deuxième bassin hydrographique ou atmosphérique le plus pollué au Canada. On s'apprête maintenant à démarrer un grand projet dans leur cour, et les gens s'en inquiètent beaucoup. Faites-vous quelque chose à cet égard? Je crois qu'ils doutent sérieusement que le gouvernement en fasse assez dans de telles circonstances.
J'obtiens le même son de cloche aux îles Gulf, parce qu'on envisage de construire un gazoduc de 16 pouces directement dans le Parc national des îles Gulf, juste au sud de l'île Saturna. Les résidents sont très inquiets. Ils sont d'ailleurs des écologistes très crédibles et très respectés.
Je vous donne quelques exemples. C'est la même chose à Toronto. Vous avez parlé de votre expérience depuis 1994. M. Caccia en sait davantage que moi sur le sujet, parce que je ne vis pas dans cette région, mais mes commettants me disent que le smog empire à Toronto. Le nombre de jours de smog augmente plutôt que de diminuer. Corrigez-moi si je me trompe, mais c'est ce qu'on m'a dit.
Voilà donc ce que j'ai à vous dire. Nous devons nous concentrer sur les solutions concrètes, puis y attribuer des ressources. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
 (1225)
M. David McGuinty: Je ne suis pas bien placé—comme tout le monde ici, d'après moi—pour m'exprimer sur les problèmes régionaux dont vous nous parlez.
Pour revenir au smog, j'aimerais bien savoir si nous avons déjà eu un seul indicateur national de la qualité de l'air que les Canadiens comprennent, un indicateur adapté à la population comme l'est celui que nous recommandons. Nous pourrons dorénavant dire aux Canadiens que la qualité de l'air diminue vraiment.
Je vous garantis que toutes les réalisations de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie sont axées sur les solutions. Nous ne nous concentrons pas sur les problèmes, mais sur les solutions. Il y a beaucoup de groupes—et ils assument un rôle très important—qui se concentrent sur les problèmes.
Chaque rapport que nous publions contient des recommandations de changements prescriptives, qui se fondent sur des analyses des faits et des coûts. Il peut s'agir de recommandations de dépenses. Nous pouvons recommander des mesures fiscales discrètes. Nous pouvons recommander des changements. Prenez n'importe lequel des rapports que nous vous avons remis ou qui sont sur la table et vous verrez... Par exemple, si vous jetez un coup d'oeil à notre stratégie nationale de réaménagement des friches industrielles, vous verrez qu'elle est peu commune. Il s'agit d'un plan d'action visant à surmonter trois obstacles systémiques afin de nettoyer 30 000 sites contaminés dans nos villes et de créer une nouvelle industrie au Canada ou de repenser celle que nous avons déjà. Dans le cadre de nos recherches sur les villes, nous faisons onze recommandations principales, qui concernent tantôt les dépenses, tantôt les impôts, par lesquelles nous indiquons que le système est déconnecté de la réalité. Dans notre rapport sur les indicateurs, nous recommandons une révision complète du système de comptabilité nationale. Toutes ces recommandations sont axées sur des solutions.
Je dois toutefois vous dire que nous nous sentons parfois très seuls, parce que beaucoup de travail semble être fait pour souligner toujours davantage l'urgence du besoin plutôt que de servir à concevoir des outils, des méthodes ou des mesures qui pourraient vraiment changer la façon dont notre État gouverne.
J'aimerais seulement que votre comité se rappelle, dans l'exercice prébudgétaire et après, qu'il y a des besoins énormes. Les présidents des comités des finances m'ont demandé à maintes reprises ce que nous voulions vraiment pour écologiser la fiscalité. Je leur donne toujours la même réponse: dix équivalents temps plein chargés de trouver des idées de changements axées sur des faits, parce que les élus méritent plus que ce qu'ils obtiennent. Si nous commencions à accroître l'investissement dans les équipes chargées de se demander ce que nous pouvons faire et ce que nous ne pouvons pas faire pour renverser l'ordre des choses, je crois qu'il y aurait de nouvelles options.
Pour ce qui est des questions à savoir comment gérer le problème de la Colombie-Britannique et celui de Toronto en matière de déchets... J'ai personnellement un conflit d'intérêt relativement à la gestion des déchets à Toronto. J'ai un petit-cousin qui veut importer tous les déchets dans le nord de l'Ontario et les enfouir dans un grand trou, mais c'est le mouton noir de la famille.
 (1230)
M. Gary Lunn: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je dois m'excuser. Merci.
Le président: Merci, monsieur Lunn.
Monsieur Tonks, allez-y.
M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je ne sais pas si vous avez vu le cahier supplémentaire du Globe and Mail qui portait sur l'hydrogène et la planète. L'article faisait état de tous les domaines dans lesquels le Canada pourrait investir massivement et en retirer beaucoup, comme vous l'avez dit dans votre observation sur la valeur ajoutée de la R-D.
On y trouve toutefois une citation mettant en lumière ce qui est souvent un obstacle à la transformation des stratégies. « Fuel cells are a disruptive technology ». Selon Jane Dalziel, les piles à combustible ont des effets néfastes.
J'aimerais placer cette déclaration dans un contexte d'élaboration de politiques. Dans l'économie environnementale, diverses technologies s'offrent à nous pour parer à ce que vos indicateurs nous disent en matière de qualité de l'air, de qualité de l'eau etc., mais il faut remédier aux problèmes. Dans le choix des technologies, si l'on n'adopte pas une vue d'ensemble très large, toutes, si elles sont prises isolément, peuvent avoir des effets néfastes. Toute technologie choisie pourrait nuire à une autre.
J'aimerais revenir à ce que vous avez dit sur la transformation qui doit s'opérer dans nos rapports politiques, avant tout. Je félicite la Table ronde d'avoir conçu ces indicateurs et de mettre en oeuvre l'initiative des villes durables, mais si vous le voulez bien, j'aimerais que vous nous parliez davantage du concept de l'union environnementale.
Vous avez parlé de notre cadre d'union sociale. On pourrait très bien qualifier les résultats de cette union sociale de discutables. Nous sommes toujours en train d'essayer de trouver les bons mots et d'établir des principes; nous sommes loin de plans d'action.
J'aimerais vous demander ce que nous devrions faire à partir de maintenant. Comment la Table ronde voit-elle son rôle dans le projet d'union environnementale? Qu'est-ce que le comité pourrait faire pour favoriser ce type d'initiative?
M. David McGuinty: Merci beaucoup, monsieur Tonks.
Pour être honnête, nous ne savons pas exactement ce que nous allons faire dans ce domaine de gouvernance. Nous sommes toujours en train de nous interroger sur la portée de notre mandat avec des membres de la Table ronde. Nous discutons avec les responsables en place, des dirigeants d'entreprises, des anciens membres, des députés et diverses personnes pour le définir.
Voici ce qui se dégage de ces discussions en général. Les relations entre les administrations fédérale, provinciales et municipales sont inefficaces sur les plans économique et environnemental. La commissaire à l'environnement et au développement durable du Canada a participé à des séances plénières de la Table ronde à trois reprises. Elle nous a dit que la Table ronde devait faire la lumière sur cette question d'architecture, sur le processus décisionnel.
S'il y a une chose que le Protocole de Kyoto et la lutte contre le changement climatique ont apprise au centre du gouvernement officiel, soit au Bureau du Conseil privé, au Conseil du Trésor et au ministère des Finances, c'est la suivante: la répartition des responsabilités par ministère responsable ne convient pas pour gérer cet enjeu. Je crois que c'est l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement n'avance pas. Qui assumera la responsabilité du dossier? Environnement Canada? RNCan? Le BCP? Les gens du BCP vous diront qu'ils sont des coordonnateurs, mais qu'ils ne travaillent pas sur le terrain. Je crois que le centre du gouvernement fédéral commence enfin à prendre conscience de la nature profondément horizontale de cet enjeu.
Toute la question de l'architecture décisionnelle va beaucoup plus loin. Quel est le rôle du Conseil canadien des ministres de l'Environnement? À quel point est-il efficace? À quel point les stratégies de développement durable sont-elles efficaces? Nous ne nous proposons pas de nous interroger en ce sens, mais nous estimons que ces questions font partie du casse-tête.
Voilà où nous en sommes dans notre propre réflexion. Divers membres comprennent bien cette notion d'union, parce qu'ils viennent d'un bout à l'autre du pays. Une chose est sûre. Il n'y a pas consensus sur la façon de changer notre structure de gouvernance, mais il y a nettement consensus sur la nécessité de nous y attaquer.
 (1235)
M. Alan Tonks: Monsieur le président, puis-je poser une autre question? Je risque de couper l'herbe sous le pied du président.
Le président a déjà fait allusion au fait—et de façon plutôt convaincante—que le terminologie que nous utilisons est plutôt souple lorsque nous parlons d'indicateurs. Les indicateurs semblent laisser entendre que nous ne savons pas où nous nous en allons. Si nous ne savons pas où nous nous en allons, trouvons des indicateurs qui vont nous le dire. Mais comme vous venez de le mentionner, il y a un vaste consensus pour dire que quelque chose ne tourne pas rond dans la façon dont nous nous organisons et dont nous galvanisons notre public grâce à coups de plans d'action.
Si l'Institut canadien de l'analyse statistique dont vous avez parlé existait et qu'on appliquait les indicateurs établis par la Table ronde, si on devait intervenir pour lutter contre le changement climatique, le smog, les problèmes de gestion des déchets des villes et qu'on devait concevoir des méthodes d'assainissement de l'air, si on disposait de mesures claires, comment nous répartirions-nous le travail? À mon avis, c'est ce que le public veut savoir. Le public veut être certain que nous choisissons les meilleures données scientifiques et les meilleures techniques possibles pour ajouter de la valeur à notre vie économique et à notre qualité de vie sur le plan de l'environnement.
Mais comment déterminons-nous qui s'occupe de quelle partie du plan d'action? Il me semble que dès que nous avons des outils de mesure, que nous établissons un échéancier, nous pouvons clore le dossier, en quelque sorte. Celui-ce n'est pas interminable, parce que nous cessons, à un moment donné, de nous interroger sur la meilleure technique et que nous pouvons prévoir un peu son évolution.
Ma question est la suivante : comment pouvons-nous déterminer qui met en oeuvre quelle partie du plan d'action et à quelle vitesse pouvons-nous le déterminer?
M. David McGuinty: C'est ce que nous essayons d'éclaircir dans le cadre de ce programme de gouvernance. Je ne peux en prévoir les résultats, mais ce pourrait simplement être question de leadership. Peut-être faudrait-il organiser une conférence des premiers ministres afin qu'ils fixent un programme plutôt que de se concentrer, comme c'est souvent le cas, seulement sur les soins de santé ou sur le commerce entre les provinces. Peut-être faudrait-il revoir le rôle, les pouvoirs et l'objectif réel du Conseil canadien des ministres de l'Environnement.
J'aimerais pouvoir articuler une solution plus précise, mais je n'ai pas de solution. Ceci dit, nous aimerions vraiment inciter les bonnes personnes à y réfléchir et à se poser les bonnes questions.
Pour ce qui est de ce que ce comité peut faire, le comité peut faire beaucoup simplement en reconnaissant l'urgence d'agir, en soulevant le problème à la Chambre, en exerçant des pressions sur le caucus et les autres députés, sur les ministres du cabinet. Nous sommes convaincus d'une chose, et je reviens à ce que vous avez déjà dit—je suis certain que M. Szabo sera d'accord en tant que CA. Si on ne peut mesurer une chose, on ne peut la gérer. C'est précisément pourquoi nous vous demandons de mesurer le capital naturel.
Nous avons trouvé un petit groupe d'indicateurs supplétifs, qui nous semblent sensés, que les gens comprennent. Ils ne sont pas complets, rien n'est jamais complet, et peut-être seront-ils élargis. Peut-être trouverons-nous un jour un indicateur parfait du bien-être humain. Peut-être trouverons-nous un jour un indicateur parfait du progrès réel. Mais aux fins de la tâche que nous a confié le gouvernement, nous devions en trouver un petit nombre qui s'ajouterait au PIB plutôt que de le remplacer.
M. Martin a dit une chose très intéressante, lorsqu'il était ministre des Finances, dans un discours que nous avions organisé pour lui sur la rue Bay. Il y a trois ou quatre ans, lorsque le projet des indicateurs a été lancé, il avait affirmé qu'il n'y avait pas vraiment de cri de ralliement entourant la question environnementale au Canada comme nous en avions un sur la question de l'élimination des déficits. Il a même dit que si quelconque au gouvernement ou ailleurs lui avait dit il y a dix ans que l'élimination du déficit deviendrait un terme commun dans les foyers, la plupart d'entre nous aurait trouvé cette idée saugrenue, et elle l'est probablement.
Si nous pouvions créer ce cri de ralliement... Je me répète, si cela doit être Kyoto, d'accord, allons-y.
Par ailleurs, il serait important que ce comité aide le gouvernement à réfléchir sur ses deux priorités, ses deux ou trois priorités dans l'avenir, parce que je ne crois pas que nous puissions nous attaquer à tous les problèmes d'un coup.
J'espère que cela vous aide.
 (1240)
M. Alan Tonks: Merci.
Le président: Merci.
En fait, peut-être y a-t-il eu un cri de ralliement dans le monde des affaires. Je n'ai entendu aucun cri de ralliement pour l'élimination des déficits chez les gens de ma circonscription, bien honnêtement, mais nous abandonnerions vraiment le rôle du gouvernement, qui consiste à s'occuper de l'intérêt public sans attendre de cri de ralliement, si nous en n'attendions un sur Kyoto. La plupart des gens sont occupés à leurs activités et à tenter de joindre les deux bouts. Ainsi, je ne crois pas qu'il serait très intelligent d'espérer un cri de ralliement pour passer à l'action et mettre de l'ordre dans la grande maison fédérale.
Je trouve votre sous-titre « Diriger en prêchant par l'exemple » très bon. C'est également un excellent rapport sur les villes canadiennes.
Vous aurez compris, par le ton des questions de ce matin, que la plupart des députés s'interrogent sur le rôle pratique de la Table ronde et qu'ils ne sont pas très portés sur la théorie. C'est compréhensible parce que nous nous occupons surtout du côté pratique des problèmes et de la recherche de solutions. Vous nous avez dit que vous ne vous concentriez pas sur la recherche de problèmes, mais sur la recherche de solutions. C'est une très bonne réponse.
Il est également encourageant d'entendre que depuis le mois d'avril dernier, vous cherchez particulièrement à réduire l'intensité des émissions de dioxyde de carbone. Le mot «intensité» me dérange un peu, parce qu'il me rappelle le jargon de Washington et que ce n'est pas vraiment ce que nous... Je ne crois pas que nous voulons réduire l'intensité; nous voulons réduire les émissions. Ce n'est qu'une petite observation.
En bout de ligne, il faut surtout nous demander si, lorsque nous aurons tous les indicateurs du monde, nous aurons les outils nécessaires pour créer une volonté politique. J'ai de grands doutes. Je verrais plutôt la Table ronde étudier à la loupe les politiques actuellement en vigueur et les évaluer en fonction de certains objectifs, dont celui de Kyoto. Oui, ce serait utile, parce que je saurais que vous surveillez le ministère des Finances attentivement pour vérifier si les politiques fiscales vont à l'encontre de nos objectifs nationaux et internationaux. Je suppose que c'est le but de l'écologisation de la fiscalité dans le domaine de l'énergie et de votre autre initiative.
Bon nombre d'entre nous seraient bien heureux que vous examiniez à la loupe certaines politiques du ministère des Transports afin de déterminer si, par exemple, son programme de consommation efficace de carburant, qui est sur la glace depuis que le projet de loi assorti n'a pas été sanctionné en 1981, sera toléré à la lumière des objectifs du protocole de Kyoto.
J'aimerais que vous examiniez à la loupe les politiques de la SCHL, parce qu'on en a justement parlé il y a peu de temps, et que vous exprimiez une opinion sur son habitude de favoriser toujours la construction de nouveaux quartiers dans les zones rurales et les lotissements, de poursuivre l'étalement urbain plutôt que de renverser la tendance. Vous nous aideriez à prêcher par l'exemple, mais vous risquez de chercher des indicateurs éternellement. Nous aurons des indicateurs.
 (1245)
Croyez-vous, comme la Table ronde le dit dans son rapport, que le ministère des Finances va exercer un leadership en s'engageant à utiliser les indicateurs proposés et en contribuant à l'établissement de priorités pour modifier système de comptabilité nationale? N'y pensez même pas. Le ministère s'est toujours fait tirer de force dans le siècle précédent, pas même dans le siècle actuel.
Bien sûr, Statistique Canada sera tout disposé à faire ce qu'on attend de lui et Environnement Canada aussi, mais toute la stratégie de conception d'indicateurs, à mon avis, est gravement en péril en raison de cet état de choses. Elle ne se concrétisera pas, j'en mettrais ma main au feu. Je vous prierais donc de prêcher par l'exemple, si vous le pouvez, et de nous donner un coup de main.
Quelqu'un a également demandé, il y a quelques instants, qui assurerait le leadership dans la gestion horizontale. C'est une question très importante. À moins d'un miracle au BCP, je crains que cette quête ne soit très frustrante elle aussi parce qu'aucun ministère, à lui seul, se verra confier cette responsabilité pour des raisons politiques internes. À moins qu'un organisme interne, déterminé et puissant, qu'on appelle le BCP, ne s'en occupe. Le Conseil du Trésor ne s'en occupera pas non plus. À moins que le BCP soit très fort, la gestion horizontale sera très difficile à effectuer.
C'est ce que j'avais à ajouter à la discussion, et j'ai bien hâte d'entendre vos réactions. Nous appuyons tous vivement la Table ronde, mais il nous arrive de nous demander si elle a vraiment raison.
M. David McGuinty: Merci beaucoup, monsieur le président, de vos observations et de vos conseils. Je vais essayer d'y répondre dans l'ordre.
Pour commencer, laissez-moi vous assurer que lorsque nous disons qu'il faudrait un cri de ralliement dans la société canadienne, aucun membre de la Table ronde nationale ou de son personnel ne s'attend à ce que le peuple canadien se lève, se rallie et qu'il exige un changement quelque part. Je crois plutôt que nous voyons la nécessité d'en arriver à une décision délibérée et de communiquer avec les Canadiens de façon insistante, significative et compréhensible pour qu'ils se rendent compte que leur gouvernement les dirige dans la bonne voie en les incitant à agir sur un ou deux fronts. Je suis donc certain de m'être mal exprimé en ce qui concerne le cri de ralliement.
Deuxièmement, pour ce qui est de nous concentrer sur les solutions—et vous avez justement parlé d'évaluation et d'examen de l'ordre existant au sein du gouvernement fédéral—c'est précisément ce que nous faisons dans le cadre de chaque programme que nous entreprenons. Nous ne pouvons faire de recommandations sur la voie à suivre sans examiner longuement, sérieusement la façon dont nous faisons les choses actuellement.
Si vous regardez notre stratégie de réaménagement des friches industrielles, vous verrez qu'elle se fonde sur l'ordre existant, auquel elle propose des changements qui déclencheraient l'émergence d'un nouveau marché fort et influent.
Si vous prenez nos travaux sur l'égalité environnementale des villes canadiennes et le rôle du gouvernement fédéral, nous examinons surtout l'architecture urbaine existante et nous nous demandons vers quoi nous pouvons nous diriger. Quelles subventions devraient être éliminées? Quelles barrières devraient être abattues? Le programme des indicateurs n'est qu'un parmi tant d'autres dont s'occupe la Table ronde et un que le gouvernement du Canada a explicitement commandé à la Table ronde nationale après l'avoir financé en conséquence. Il y a donc quelqu'un, quelque part, un groupe ou une administration qui, dans sa sagesse, a décidé que ce serait un élément important du changement systémique à long terme dont nous avons besoin.
Nous avons examiné la politique du transport il y a quatre ou cinq ans. Nous avons étudié attentivement la question du transport durable et avons préparé les premières lignes directrices canadiennes sur la viabilité du transport pour la ministre de l'Environnement d'alors, Sheila Copps, document dont s'est inspiré l'OCDE pour établir ses principes et son code sur le transport durable.
Pour ce qui est des politiques de la SCHL, nous avons déjà fait des commentaires sur les prêts que la SCHL octroie. Nous avons recommandé notamment que la SCHL envisage de gérer les hypothèques en fonction de l'emplacement du bâtiment en se fondant sur l'expérience de l'établissement de crédit Fanny Mae, aux États-Unis, qui récompense les emprunteurs qui vivent à proximité du centre-ville, de l'infrastructure de transport public en leur accordant des concessions ou des avantages hypothécaires. Nous faisons des recommandations concrètes. Nous allons plus loin. Nous faisons des recommandations sur la façon dont la SIC, la Société immobilière du Canada, s'occupe des propriétés canadiennes.
Pour ce qui est du ministère des Finances et de son engagement à appliquer les indicateurs que nous leur présentons, nous comprenons tout à fait qu'il existe une vision économique néoclassique bien établie sur la façon dont on administre le pays. Il y a parfois de la résistance. Un SMA du ministère des Finances participe à ce projet depuis le tout premier jour. Il fait constamment rapport au sous-ministre. Nous avons informé le ministre des Finances lui-même de la façon dont les indicateurs fonctionnent. Nous attendons maintenant de voir comment les choses vont se placer au gouvernement pendant la transition en termes de leadership et de structure. Je crois qu'il n'est pas exagéré de dire que M. Martin appuie officiellement vivement cette initiative. Il a cité nos travaux à deux reprises lors de deux débats différents dans les trois ou quatre dernières semaines. Il a été cité dans les journaux pour avoir dit qu'il avait la ferme intention de mener ce projet à bien. Nous allons donc continuer de travailler avec le ministère des Finances, le Conseil du Trésor, le BCP et le CPM, dont découle une partie de notre mandat, pour voir si nous pouvons vraiment vendre notre projet au ministère des Finances.
Pour ce qui est du rôle du BCP et de l'appui de cet organisme central puissant, je ne saurais être plus d'accord avec vous. Vous avez absolument raison. Nous avons tenu un forum des dirigeants sur le développement durable il y a cinq ans pour Mel Cappe, qui était alors greffier du Conseil privé. Pour la toute première fois, nous avons réuni 25 sous-ministres et sous-ministres adjoints dans une même pièce, de même que 40 dirigeants externes provenant de la société canadienne, des ordres religieux, du monde des affaires, du monde environnemental et des syndicats. Nous avons eu un échange très fructueux.
Au bout du compte, un PDG a levé sa main pour dire qu'il était très impressionné de tout le travail effectué sur les stratégies, le développement durable et huit questions de portée générale, mais qu'il n'avait qu'une seule question : qui chapeaute tout cela? C'était très révélateur. Je crois que la question a pris par surprise de nombreux sous-ministres présents dans la pièce. Pendant cinq ans, nous avons discuté de la possibilité d'établir un sous-secrétariat du cabinet pour le développement durable. La responsabilité reviendrait donc au BCP.
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J'ai déjà dit que je croyais que les organismes centraux avaient finalement compris à quel point la question du changement climatique était complexe. Je crois que nous y arrivons. La ratification du Protocole de Kyoto est une percée remarquable et elle pourrait nous mener vers un changement systémique.
Je vous remercie de vos observations.
Le président: Voulez-vous vous exprimer brièvement sur les conséquences de l'absence d'un plan national sur l'énergie?
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M. David McGuinty: Monsieur le président, je n'ai personnellement aucune crédibilité pour m'exprimer à cet égard. Nous n'avons pas travaillé à ce dossier. Peut-être mon collègue, M. Wood, peut-il vous donner une idée de ce que nous avons conclu jusqu'à maintenant à la lumière des travaux de l'Office national de l'énergie, par exemple.
M. Alex Wood: Pour établir la portée de notre travail, les limites de notre rôle dans la préparation du programme sur le rendement énergétique, nous avons examiné attentivement ce que les autres pays de l'OCDE faisaient et la façon dont ils s'organisaient à 10 000 mètres au-dessus du sol pour régler les problèmes visés par Kyoto et lutter contre le changement climatique. Nous avons également étudié les scénarios, pour ainsi dire, envisagés au pays par des organismes comme l'Office national de l'énergie et des organismes privés comme la Shell Energy Services Company.
Le point commun, c'est que tous présument, reconnaissent et soulignent explicitement qu'il faut nous doter d'un cadre public solide, d'une vision publique ferme sur la façon dont un pays ou une société peut remédier aux problèmes liés à l'énergie et au changement climatique.
Nous avons fait allusion à la stratégie britannique. Celle-ci lie explicitement les mesures que le gouvernement britannique s'engage à prendre pour réduire ses émissions de CO2 d'ici 2050 à l'évolution qu'il prévoit en matière d'approvisionnement énergétique, soit la hausse de la demande pour le pétrole de la mer du Nord, tandis que le pays qui achève sa transition d'une industrie de charbon à une industrie de gaz naturel et qu'il devient exportateur d'énergie nette.
Il a donc compilé tous les besoins dans un même document: les choix difficiles qu'il devra faire pour respecter ses engagements en matière de changement climatique, les décisions stratégiques qu'il devra prendre pour investir dans les différentes technologies énergétiques et les rapports qu'il devra établir avec d'autres pays exportateurs d'énergie nette. Toutes ces choses figurent dans un seul document, une stratégie qui lui permet—de façon imparfaite, il faut l'admettre—de comprendre et d'articuler publiquement sa vision de l'énergie dans le contexte du changement climatique .
C'est ce à quoi nous pensons lorsque nous disons qu'il faut nous doter d'une vision au Canada. Il ne s'agit pas d'une vision de l'énergie en tant que telle, mais d'une vision de l'énergie par rapport au changement climatique, parce que ces deux enjeux sont intimement liés, de toute évidence.
Le président: D'accord. Il est maintenant temps de mettre fin à notre discussion. Mes collègues et moi tenons à vous remercier de nous avoir écoutés. Continuez votre bon travail. Nous espérons vous revoir bientôt. Merci beaucoup.
M. David McGuinty: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Le président: La séance est levée jusqu'à nouvelle convocation de la présidence.