CHPC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 4 avril 2005
¸ | 1435 |
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)) |
M. Michael Burns (représentant de section, Saskatchewan, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists) |
¸ | 1440 |
Mme Wendy Anderson (conseillère nationale, Saskatchewan, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists) |
¸ | 1445 |
¸ | 1450 |
La présidente |
M. Claude Dorge (Membre, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists) |
¸ | 1455 |
¹ | 1500 |
La présidente |
M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC) |
¹ | 1505 |
M. Michael Burns |
M. Gary Schellenberger |
M. Michael Burns |
M. Claude Dorge |
M. Gary Schellenberger |
Mme Wendy Anderson |
M. Gary Schellenberger |
¹ | 1510 |
La présidente |
M. Maka Kotto (Saint-Lambert, BQ) |
M. Claude Dorge |
M. Maka Kotto |
¹ | 1515 |
La présidente |
M. Charlie Angus (Timmins—Baie James, NPD) |
Mme Wendy Anderson |
¹ | 1520 |
M. Charlie Angus |
Mme Wendy Anderson |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.) |
Mme Wendy Anderson |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Wendy Anderson |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Wendy Anderson |
¹ | 1525 |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Wendy Anderson |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Michael Burns |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mr. Michael Burns |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Michael Burns |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Michael Burns |
¹ | 1530 |
Mme Wendy Anderson |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Wendy Anderson |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Wendy Anderson |
M. Rob Macklin (membre, Manitoba, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists) |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Rob Macklin |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Rob Macklin |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Rob Macklin |
Hon. Sarmite Bulte |
M. Michael Burns |
¹ | 1535 |
La présidente |
Mme Bev Oda (Durham, PCC) |
¹ | 1540 |
Mme Wendy Anderson |
Mme Bev Oda |
Mme Wendy Anderson |
¹ | 1545 |
Mme Bev Oda |
M. Rob Macklin |
Mme Bev Oda |
M. Rob Macklin |
Mme Bev Oda |
M. Rob Macklin |
Mme Bev Oda |
M. Rob Macklin |
La présidente |
M. Mario Silva (Davenport, Lib.) |
M. Rob Macklin |
M. Mario Silva |
La présidente |
M. Mario Silva |
¹ | 1550 |
M. Michael Burns |
La présidente |
M. Maka Kotto |
Mme Wendy Anderson |
La présidente |
M. Charlie Angus |
¹ | 1555 |
Mme Wendy Anderson |
M. Rob Macklin |
La présidente |
º | 1615 |
La présidente |
Mme Susan Millican (directrice générale, Institut national des arts de l'écran) |
º | 1620 |
º | 1625 |
La présidente |
Mme Marci Elliott (directrice principale, Commercialisation, Institut national des arts de l'écran) |
La présidente |
Mme Shirley Vercruysse (Association de l'industrie du film de l'Alberta) |
M. George Baptist (Association de l'industrie du film de l'Alberta) |
Mme Shirley Vercruysse |
M. George Baptist |
º | 1630 |
Mme Shirley Vercruysse |
La présidente |
M. Gord Brown (Leeds—Grenville, PCC) |
Mme Susan Millican |
º | 1635 |
Mme Marci Elliott |
º | 1640 |
M. Gord Brown |
Mme Susan Millican |
M. Gord Brown |
Mme Susan Millican |
La présidente |
M. Maka Kotto |
Mme Marci Elliott |
º | 1645 |
M. Maka Kotto |
Mme Marci Elliott |
M. Maka Kotto |
Mme Susan Millican |
M. George Baptist |
º | 1650 |
Mme Susan Millican |
La présidente |
M. Maka Kotto |
La présidente |
M. Charlie Angus |
Mme Shirley Vercruysse |
M. Charlie Angus |
º | 1655 |
M. George Baptist |
M. Charlie Angus |
Mme Shirley Vercruysse |
M. Charlie Angus |
Mme Shirley Vercruysse |
» | 1700 |
M. Charlie Angus |
Mme Shirley Vercruysse |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Marci Elliott |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Marci Elliott |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Marci Elliott |
Mme Susan Millican |
Mme Marci Elliott |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Susan Millican |
L'hon. Sarmite Bulte |
» | 1705 |
Mme Marci Elliott |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Susan Millican |
Mme Marci Elliott |
Mme Susan Millican |
» | 1710 |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Susan Millican |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Susan Millican |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Susan Millican |
Mme Marci Elliott |
Mme Susan Millican |
Mme Marci Elliott |
L'hon. Sarmite Bulte |
La présidente |
Mme Bev Oda |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Bev Oda |
Mme Susan Millican |
Mme Bev Oda |
» | 1715 |
Mme Susan Millican |
Mme Marci Elliott |
Mme Bev Oda |
M. George Baptist |
Mme Bev Oda |
Mme Shirley Vercruysse |
Mme Bev Oda |
Mme Shirley Vercruysse |
Mme Bev Oda |
Mme Shirley Vercruysse |
Mme Bev Oda |
Mme Shirley Vercruysse |
» | 1720 |
Mme Bev Oda |
M. George Baptist |
Mme Bev Oda |
M. George Baptist |
Mme Bev Oda |
Mme Shirley Vercruysse |
Mme Bev Oda |
Mme Susan Millican |
Mme Bev Oda |
Mme Susan Millican |
La présidente |
» | 1725 |
Mme Bev Oda |
La présidente |
M. Maka Kotto |
Mme Susan Millican |
M. Maka Kotto |
Mme Susan Millican |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte |
» | 1730 |
Mme Shirley Vercruysse |
M. Charlie Angus |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Shirley Vercruysse |
M. George Baptist |
L'hon. Sarmite Bulte |
La présidente |
M. George Baptist |
La présidente |
Mme Shirley Vercruysse |
M. George Baptist |
Mme Bev Oda |
Mme Shirley Vercruysse |
Mme Susan Millican |
» | 1735 |
La présidente |
Mme Marci Elliott |
La présidente |
Mme Marci Elliott |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 4 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¸ (1435)
[Traduction]
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)): Bienvenue à l'ACTRA. Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui. Je pense que, partout où nous tenons nos audiences au Canada, la saga va se répéter. L'ACTRA va commencer à s'inspirer du premier exposé que nous avons entendu et nous donner du nouveau au fur et à mesure. Alors encore une fois merci d'être venus.
Monsieur Burns.
M. Michael Burns (représentant de section, Saskatchewan, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists): Madame la présidente, je vous remercie ainsi que les membres du comité de bien vouloir nous recevoir ici aujourd'hui, nous nous en félicitons.
Nous allons évoquer le document que notre organisme national a soumis au comité comme exposé de notre position. Nous allons essayer de le compléter du mieux que nous le pourrons en le ponctuant de renseignements d'intérêt local qui, nous l'espérons, pourront vous être utiles.
La section saskatchewanaise de l'ACTRA est toute petite, comptant environ 125 membres à part entière et moins de 100 apprentis, ce qui représente moins de 1 p. 100 de l'effectif national de notre organisation. Nous sommes donc tout petit. Et parmi ce petit nombre de membres, une poignée seulement sont en mesure de gagner leur vie en exerçant leur métier, un métier qu'ils ont souvent passé l'essentiel de leur vie à perfectionner.
Cela appelle donc les questions suivantes : Pourquoi quelqu'un d'intelligent et qui a du talent occuperait-il un emploi lui donnant un chèque de paie tous les quelques mois, pourquoi n'utiliserait-il pas ses formidables compétences ailleurs, dans une grande ville, qui lui offrirait de plus grandes possibilités d'avenir? En fait, la réponse à ces questions, c'est la passion, la passion du métier, la passion, le dévouement pour son art et la passion aussi de travailler là où on se sent chez soi, c'est-à-dire en Saskatchewan.
Je vais maintenant vous donner quelques exemples qui vous aideront à comprendre ce que cette passion représente pour notre collectivité toute entière, pas seulement le monde du spectacle, mais toute la collectivité saskatchewanaise. C'est une histoire qui débute en 1974, lorsque Donald Sutherland est venu dans notre province pour tourner un film intitulé Alien Thunder. Ce n'est pas particulièrement un bon film; il est tombé un peu en quenouille vers la fin et il ne bénéficiait pas d'un gros financement. Mais dans ce film, un jeune acteur cri du nom de Gordon Tootoosis, qui est né et à grandi en Saskatchewan, avait obtenu son premier rôle à l'écran. Par la suite, Gordon fit une très brillante carrière à l'étranger en tournant notamment avec des vedettes comme Anthony Hopkins et Brad Pitt, avec le réalisateur John Sayles et aussi avec des vedettes canadiennes comme Tantoo Cardinal et Gary Farmer. Il y a environ cinq ans, c'est lui qui tenait le premier rôle dans Big Bear, un téléfilm historique tourné pour la CBC. Son personnage le plus mémorable, il l'a incarné en jouant le méchant, Albert Golo, dans le feuilleton télévisé North of 60.
Faisons maintenant un bond en avant pour arriver à 2003, au moment où commençait à Régina le tournage d'un petit feuilleton réalisé pour l'APTN, une dramatique à connotation autochtone intitulée Moccasin Flats. Tous les acteurs étaient issus du quartier centre-nord de Régina, un quartier très glauque et économiquement défavorisé, un quartier essentiellement autochtone. Quatre acteurs inconnus étaient au générique : Mathew Strongeagle, Landon Montour, Candy Fox et Justin Toto. Tous ont décroché des premiers rôles.
Gordon Tootoosis était également au générique. Il a accepté de tourner pas pour l'argent, puisque cette production était financée par un budget minime aux termes de l'entente CIPIP, mais pour avoir la chance de travailler avec des jeunes acteurs. Deux ans plus tard, tous ces acteurs sont maintenant membres à part entière de l'ACTRA, ils travaillent régulièrement en Saskatchewan et ailleurs, ce qui est en grande partie dû au travail de mentorat exceptionnel de Gordon Tootoosis dont ils ont pu profiter.
Ce que Gordon a fait pour notre patrimoine culturel n'est pas passé inaperçu. Il y a peu de temps encore, il a été nommé à l'Ordre du Canada, suivant en cela sa soeur et son père. J'étais très impressionné de voir ainsi trois membres de la même famille décorés de l'Ordre du Canada.
Il est donc important de noter que Gordon a réussi à faire une carrière internationale aussi remarquable depuis sa ferme située près de Cut Knife en Saskatchewan. Il n' a jamais quitté la Saskatchewan pour cela. Il a eu la passion nécessaire pour le faire là où il se sent chez lui, en Saskatchewan.
¸ (1440)
Nous devons encourager et favoriser le développement de nombreux autres acteurs et modèles communautaires comme lui, à l'avenir. Nous espérons que Matthew Strongeagle ou Candace Fox soient les prochains mentors de jeunes acteurs autochtones ou autres.
Dans notre province, particulièrement dans la région de Regina, la production va à l'encontre de la tendance nationale depuis trois ou quatre ans, et va assez bien. La communauté s'est bien débrouillée aux auditions en présentant des performances de qualité, obtenant des critiques très positives de toute une série de producteurs, metteurs en scène et chefs de la distribution. Nos talentueux membres commencent à croire qu'il vaut la peine de rester en Saskatchewan. Très peu s'enrichiront vraiment en restant ici, mais pour beaucoup, la qualité de vie sera supérieure et ajoutera un élément de vérité local à la grande diversité d'histoires que l'on raconte dans notre province.
À la section saskatchewanaise de l'ACTRA, nous estimons avoir droit d'accès aux productions canadiennes, quelque soit leur taille. Pour cela, il nous faut l'aide du gouvernement. Grâce à des mesures législatives et politiques, vous pouvez faire pour le cinéma canadien ce qui a été fait pour le secteur de la musique il y a 35 ans, même juste cette semaine, avec l'annonce par la ministre Frulla qu'une nouvelle loi allait être présentée concernant le téléchargement des oeuvres musicales.
Hier soir, les Junos ont bien prouvé la maturité et la vitalité du secteur musical canadien. L'émission Corner Gas, le phénomène de codes d'écoute télévisuelle de la Saskatchewan, dont la vedette Brent Butt était l'animateur hier soir, montre bien ce que peuvent faire les réseaux de télévision même quand ça ne semble pas possible. Avec votre aide, on pourrait réussir de la même façon en présentant des récits canadiens dans de longs-métrages.
Je vais maintenant céder la parole à un de nos talentueux membres qui joue pour la Saskatchewan. Il s'agit de notre conseillère nationale, Wendy Anderson.
Mme Wendy Anderson (conseillère nationale, Saskatchewan, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists): Merci beaucoup.
À part le nombre de personnes dans la pièce, ceci ressemble beaucoup pour moi à une audition. J'ai les mains moites et...
Mesdames et messieurs, membres du Comité permanent du patrimoine canadien, c'est vraiment un plaisir pour moi de m'entretenir avec vous aujourd'hui. Vous avez déjà entendu Thor Bishopric et cette autre talentueuse Wendy de la famille de l'ACTRA, Wendy Crewson. Ce sont des membres compétents et précieux du chapitre national de l'ACTRA et je présume qu'ils vous ont déjà longuement parlé en faveur du mémoire adressé par l'ACTRA au comité permanent. Il serait donc inutile que je vous importune en réitérant ces nombreuses et judicieuses recommandations.
Vous vous demandez peut-être pourquoi tant de membres de l'ACTRA comparaissent devant vous. On l'a déjà dit. De même, vous devrez passer beaucoup de temps à écouter, sans doute avec plaisir, ce qu'ils ont à dire. La multiplicité de ces voix a une explication logique. L'ACTRA compte 21 000 membres, disséminés un peu partout dans notre grand pays. Chaque chapitre provincial a son propre point de vue à la fois précieux et unique, particulier à sa région.
Le regroupement de ces voix et leurs besoins divers donnent à l'ACTRA une excellente compréhension du secteur du cinéma et de la télévision ainsi que de ses incidences dans tout le pays. Les politiques et décisions prises au conseil national sont alimentées par les renseignements qui viennent de la base de l'organisation. Nous estimons que c'est un modèle qui est suivi par les comités et conseils créés pour prendre des décisions et les mettre en oeuvre dans le secteur de la télévision et du cinéma, comme le Comité consultatif sur le long métrage. La participation de tous les intervenants et la représentation adéquate des régions permettront d'éviter la prise de décisions qui avantagent le petit nombre en portant un coup brutal au grand nombre, comme la politique sur la télévision de 1999 du CRTC.
Je vais vous raconter une petite anecdote, si vous me permettez. Un bon ami à moi enseignait la scénarisation au Centre canadien du film depuis 1998. C'est une institution incroyable, dont nous devrions tous être très fiers. Même s'il est un défenseur acharné du talent canadien, il ne sait plus quoi dire à ses étudiants. Je le cite :
À mesure que se raréfient tous les ans les débouchés pour les rédacteurs de dramatiques dans le secteur canadien du cinéma et de la télévision, on ne sait plus quoi dire à nos étudiants, qui se lancent dans ce domaine. Au Canada, on ne peut pas vivre de la scénarisation d'un long métrage, même si on peut le faire en écrivant pour la télévision, surtout des dramatiques. Pour la plupart des coproductions américaines, on n'embauchera pas un canadien. Depuis quelques années, je ne sais plus que dire à mes élèves qui veulent faire plus qu'ébaucher des épisodes de télé-réalité, sauf peut-être de résister et de persévérer malgré tous les obstacles, ou de se trouver une façon de vendre leur talent chez nos voisins du sud |
Il faut que vous sachiez que la télévision est l'incubateur idéal pour l'ensemble du secteur du cinéma. Sans elle, seuls ceux qui ont vraiment de la chance pourraient survivre sans tirer le diable par la queue. C'est dans le cadre des calendriers de tournage à long terme de séries télévisées que les équipes se créent, que les compétences s'affinent et que des entreprises verticales peuvent s'épanouir. Nous pouvons en témoigner, en raison de notre expérience avec le Incredible Story Studio et notre joyau actuel, Corner Gas. Sans la production télévisuelle, le secteur serait paralysé.
Les membres de l'ACTRA croient en la créativité des Canadiens, en leur capacité de relater et de présenter leurs propres récits. Il faut que notre gouvernement y croit aussi, qu'il croit en notre capacité de narrer et de présenter notre propre histoire. Vous devez exhorter le CRTC d'être notre défenseur auprès des divers secteurs du gouvernement qui peuvent concrétiser cette confiance et en faire une réalité pour tous les Canadiens. Avec le soutien voulu, nous ferons le reste, et nous aurons d'autres réussites comme Comer Gas, The Newsroom de Toronto et l'irrévérencieux Trailer Park Boys.
Le pouvoir des histoires que nous racontons peut changer et a changé le tissu culturel qui nous entoure. Manifestement, on aurait tort de museler votre voix et de brader votre culture. Les réussites se multiplient pour attester du bien fondé de cette affirmation. La protection de notre culture et de ses méthodes de dissémination à la population doit être la priorité de Patrimoine canadien et du gouvernement. Autrement, on donnera a d'autres le moyen de nous subtiliser notre pays. La perte de sa culture mène à l'assimilation et on ne peut se protéger contre son destin.
¸ (1445)
Suite aux recommandations qui ont suivi cette étude, le gouvernement et Patrimoine canadien ont la possibilité de s'assurer que la culture distincte de notre pays et de toutes ses régions continuera à nous faire comprendre qui nous sommes et ce qui vaut la peine d'être préservé.
Il nous faut entendre les propos rusés de nos amis en bottes de caoutchouc de la côte Est. Entendre ce chant s'envoler vers le Québec pour y devenir badinage passionné ou vers l'Ontario où les paroles sont plus sèches, nous voulons l'entendre s'éparpiller de façon langoureuse dans les Prairies. Nous voulons l'entendre émerveillé acquérir le son mystérieusement guttural et rythmique qu'offrent nos frères autochtones. Le jour où nous ne pourrons plus entendre notre voix, où nous ne pourrons plus nous regarder dans le miroir pour y voir une réflexion de notre histoire, nous aurons alors perdu notre identité.
En Saskatchewan, il y a des histoires qui attendent d'être racontées, des histoires écrites par des auteurs de la Saskatchewan, des histoires qui devaient être mises en scène par des metteurs en scène de la Saskatchewan et, surtout, qui devaient être jouées par des acteurs saskatchewanais. Inutile de rendre hommage à une idée obscure de ce qu'est réellement la Saskatchewan. Il suffit que la province ait une solide présence dans la production de ces histoires et elles seront à coup sûr des histoires de la Saskatchewan.
L'organe national qu'est Patrimoine canadien, alors qu'il examine l'industrie du film et de la télévision, a une occasion en or de s'assurer que ses voix régionales sont entendues. Je crois que l'industrie saskatchewaine du film appuie toutes les recommandations présentées par l'ACTRA, à condition, surtout, qu'elles préconisent des chances égales pour tous et assurent que toutes les voix obtiendront un soutien équitable.
Si la nécessité évidente de protéger notre culture ne suffit pas à faire comprendre au gouvernement qu'il doit faire confiance à l'industrie du film et de la télévision et si certains peuvent penser que nous risquons de marginaliser le secteur des droits d'auteur, songeons simplement à l'économie. Les chiffres du U.S. Census Bureau l'année dernière indiquent que les recettes dans le secteur du film et des vidéos seulement ont augmenté de 6 p. 100 par rapport à 2002, pour atteindre 64 milliards de dollars. D'autres statistiques révèlent que les recettes de production et de distribution dans ce secteur ont augmenté de 7 p. 100 pour atteindre 48 milliards de dollars. Les recettes tirées de l'attribution de licences pour des films cinématographiques américains s'élevaient à 12 milliards de dollars et pour les émissions télévisées à 11 milliards de dollars. Les recettes des salles de cinéma ont augmenté de 12 milliards de dollars, soit de 6 p. 100. La présentation de longs métrages américains représentait 68 p. 100 des prévisions de 2003, soit 8 milliards de dollars alors que les ventes d'aliments et boissons représentaient 28 p. 100 des prévisions de 2003, soit 3 milliards de dollars. Les recettes de production et de distribution intégrées de disques restaient solidement à 10 milliards de dollars.
Les recettes combinées des industries touchées par le droit d'auteur aux États-Unis, soit 78 milliards de dollars, après une augmentation de 5 p. 100, étaient supérieures à celles de toute autre industrie manufacturière. Supérieure à celles des pièces automobiles, du secteur de l'automobile, des produits chimiques, de l'agriculture et, entre 1997 à 1999, même de la défense. Nos contributions à l'économie américaine dépassaient le PIB de pays tels que l'Australie, l'Argentine, les Pays-Bas et Taïwan. Aux États-Unis, seule l'industrie cinématographique connaît un excédent commercial avec tous les pays du monde. Il est évident que les industries touchés par le droit d'auteur, dans lesquelles le secteur du film et de la télévision ont un rôle important, sont d'énormes forces économiques.
Avec ce genre de recettes, et une hausse annuelle de 5 à 7 p. 100 l'année dernière, ne serait-il pas sage de nous intéresser à ce marché et d'essayer de trouver un marché intérieur qui puisse capter une fraction de la contribution de notre pays à ces 78 milliards de dollars américains? Ne serait-ce pas le moment, alors que les derniers chiffres indiquent que la part canadienne dans les émissions dramatiques américaines diminue, de faire quelque chose? Peut-être quelqu'un pourrait le dire aux radiodiffuseurs. Ne pourrait-ils pas affecter une portion des 382,1 millions de dollars qu'ils dépensent dans des émissions dramatiques étrangères à des émissions canadiennes auxquelles ils ne consacrent actuellement que 93,1 millions de dollars. Si l'industrie cinématographique à elle seule employait aux États-Unis 580 000 travailleurs, les politiques ne devraient-ils pas encourager une croissance analogue ici?
Jusqu'ici, il est admis que chaque dollar investi dans le secteur du film et de la télévision au Canada rapporte 6 $. Y a-t-il quelque chose que l'on ne comprend pas ici? De quoi a-t-on peur? Pourquoi ne triplons-nous pas les montants offerts à ces industries? Pourquoi protège-t-on en fait le marché américain?
Nous ne sommes plus une économie qui repose entièrement sur ses richesses naturelles. Il est temps d'oublier cette réalité historique. Aujourd'hui, avec les politiques et les moyens de soutien voulus, le Canada peut gagner plus que son poids, accéder au marché mondial et s'assurer, ici, un marché important qui permettra à tous les Canadiens de croire que nous sommes nous-mêmes capables de créer, de développer et de commercialiser notre propre voix.
¸ (1450)
Pour finir, j'aimerais pendant un instant revenir de nouveau sur les recommandations de l'ACTRA touchant le développement d'une industrie du film et de la télévision, solide et prospère. Le Fonds de financement des longs métrages devrait être maintenu et accru. Les crédits d'impôt devraient être accrus. L'aide au développement est cruciale. La politique concernant les longs métrages doit viser la promotion et la distribution. Une industrie de la télévision solide est essentielle au développement de longs métrages dramatiques canadiens.
Je remercie les membres du Comité permanent du patrimoine canadien de cette occasion de discuter de telles questions aujourd'hui. J'aimerais maintenant passer le micro à notre homologue du Manitoba.
La présidente: Merci.
M. Claude Dorge (Membre, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists): Je vous souhaite la bienvenue à Winnipeg, « la ville des Junos », cette année, au nom de la section manitobaine de l'ACTRA. J'espère que vous avez pu assister à la soirée d'hier qui a mis en vedette de nombreux membres de l'ACTRA.
[Français]
J'espère que vous aurez l'occasion, durant votre séjour, de faire un petit tour de l'autre bord de la rivière, comme on dit, c'est-à-dire à Saint-Boniface.
[Traduction]
Notre président, Wayne Niklas, n'a pas pu venir. Je le remplace et vous présente ses excuses. Pour éviter les répétitions, je passerai tout de suite à la page 4 de notre exposé et parlerai plus précisément du Manitoba.
ACTRA Manitoba est l'une des plus petites divisions de l'ACTRA mais s'est considérablement développée ces dernières années. Nous avons un peu plus de 200 membres et 125 apprentis. Nos interprètes sont des acteurs, des cascadeurs, des coordonnateurs de cascade, des danseurs, des chorégraphes, des chanteurs, des spécialistes de la voix, des comédiens et des marionnettistes. D'ailleurs, certains des plus drôles de nos membres passeront cette semaine au réseau anglais de la SRC à l'émission Winnipeg Comedy Festival.
On peut dire que l'industrie cinématographe au Manitoba a fait de gros progrès ces dernières années. Il y a plus de membres de l'ACTRA Manitoba qui travaillent, et ils travaillent plus souvent. Des interprètes du reste du Canada viennent également travailler ici. Nous croyons que c'est dû à l'appui que reçoit ce secteur de tous les ordres de gouvernement : le gouvernement fédéral qui accorde des subventions et des crédits d'impôt; le fonds d'actions de la province et le crédit d'impôt sur la main-d'oeuvre très généreux ainsi que la souplesse incroyable et l'attitude accueillante de la ville de Winnipeg. Mais ce n'est pas tout.
Nos entreprises de production, nos producteurs, réalisateurs et autres personnes de talent travaillent avec un acharnement incroyable à développer et à attirer de nombreux projets dans le secteur du film et de la télévision. En 2004, nos membres ont travaillé avec Original Pictures, Buffalo Gal Pictures, Frantic Films et Eagle Vision, et je sais que leurs efforts contribueront au succès de chacun de ces projets.
¸ (1455)
[Français]
Les Productions Rivard de Saint-Boniface sont une maison qui prend de plus en plus d'importance tout en se faisant une excellente réputation. Elle fête cette année son 10e anniversaire. Comme de raison, ces gens sont affiliés à l'Union des artistes et, bien qu'ils produisent surtout des documentaires, plusieurs de nos membres ont décroché des contrats chez eux. Ils ont terminé cet hiver une deuxième saison de Paul et Suzanne pour TFO. C'est une émission de marionnettes, une initiation au français de base pour enfants non francophones.
[Traduction]
Nous avons en effet de la chance au Manitoba. Les industries locales soutiennent le développement des talents dans tous les secteurs de production. En fait, les réalisateurs locaux ont été récemment très occupés. Guy Maddin a une réputation internationale et nous a donné des films intéressants et tout à fait uniques, comme The Saddest Music in the World et Cowards Bend the Knee ces dernières années. Gary Yates nous a donné Seven Times Lucky, qui est sorti dans les salles de cinéma la semaine dernière et Niagara Motel. De Jeff Erbach, The Nature of Nicholas, et de Sean Garrity,Inertia et bientôt Lucid, filmé l'automne dernier. Et nous avons évidemment aussi d'autres réalisateurs locaux.
Je signale en passant que l'un de nos jeunes apprentis était en Thaïlande l'année dernière et a vuThe Saddest Music in the World à Bangkok. Comme quoi, le monde est petit.
[Français]
Si vous me le permettez, je vous raconterai une petite anecdote. Si vous ne connaissez pas Guy Maddin, je peux vous dire que c'est un homme exceptionnel et de grand talent, un homme très aimable et doux. J'ai eu l'occasion de décrocher un rôle qu'on pourrait qualifier de juteux dans The Saddest Music in the World. Un jour, vers la fin du tournage, Guy m'a téléphoné. On a parlé de la pluie et du beau temps, mais il me semblait que quelque chose le dérangeait. Finalement, il m'a dit qu'il voulait que l'affiche se lise: « Claude Dorge dans The Saddest Music in the World, un film de Guy Maddin » et, en petites lettres au bas de l'affiche, « avec Isabella Rossellini », mais que cela n'avait pas été possible.
Je l'ai quand même remercié. C'est un homme exceptionnel.
[Traduction]
Comme je l'ai dit plus tôt, nos membres travaillent davantage qu'auparavant, mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Nos jeunes membres et les apprentis croient toujours qu'il leur faut s'installer dans les grands centres, comme Toronto et Vancouver, pour se faire remarquer, ou rien que pour acquérir plus d'expérience. Mais les choses changent. Ils sont plus nombreux à obtenir des rôles importants sur place, et certains trouvent du travail au cinéma et à la télévision dans les grands centres à partir de l'expérience qu'il ont accumulée au Manitoba.
En fait, l'un de nos membres—Jeff Skinner—joue ce soir dans Behind the Camera: Mork & Mindy à NBC. Jeff a obtenu une audition à Vancouver pour ce film à partir des rôles qu'il a joués au Manitoba.
Un autre de nos membres, Aleks Paunovic, a pu obtenir la même chose il y a quelques années, essentiellement à partir de son travail de cascadeur au Manitoba.
Nous venons tout juste d'apprendre que l'un de nos jeunes apprentis, Ryan Kennedy a obtenu un rôle vedette dans une série télévisée, A Student's Life, à Vancouver.
L'une de nos jeunes actrices, Melissa Elias, qui avait un rôle important dans Falcon Beach et Tamara l'an dernier, vient de tourner dans un film à Los Angeles.
Ces faits sont nouveaux. Les acteurs de cinéma du Manitoba sont pris au sérieux dans d'autres centres à partir de l' expérience qu'ils ont acquise ici. Nous avons fait beaucoup de chemin.
Les productions comprenaient aussi une série télévisée à ITV, qui a été tournée au Manitoba en 2001 et 2002. Un certain nombre de jeunes acteurs nouveaux sont sortis du rang, ont acquis une bonne expérience et sont restés dans le métier une fois la série terminée. Nombreux sont ceux qui sont devenus membres et continuent de chercher du travail. Malheureusement, un problème de financement au niveau du FCT a fait que la série s'est terminée.
Il y a une autre production, Tipi Tales, une série télévisée autochtone pour l'APTN. Cette émission en est à sa deuxième saison, et l'on planifie d'en faire davantage. Elle a assuré un travail bien rémunéré à un certain nombre d'artistes autochtones—acteurs et chanteurs—ainsi qu'à des artistes non autochtones.
Je ne crois pas que quiconque reste au Manitoba puisse gagner sa vie uniquement en jouant au cinéma et à la télévision dans la province. Certains peuvent gagner leur vie dans l'industrie générale en faisant autre chose dans des domaines connexes, dont le théâtre, l'enseignement et même la scénarisation—soit tout ce qu'ils peuvent trouver qui a un rapport avec le fait de jouer. Mais ils sont encore très nombreux, surtout nos jeunes membres, qui doivent faire n'importe quoi pour joindre les deux bouts, et leur horaire de travail doit être assez souple pour leur permettre de se présenter à des auditions et, espérons-le, obtenir un rôle devant la caméra.
On comprend que les acteurs changent souvent d'emploi, ce qui contribue au sentiment général d'instabilité qu'ils éprouvent dans cette industrie.
Ce qui m'amène au vif de mon sujet.
Nous sommes des artistes du spectacle, nous voulons travailler et travailler chez nous. Nous voulons travailler à des productions canadiennes. Nous voulons voir le talent du Manitoba se développer au maximum, et contribuer à la culture de notre grand pays.
Vous avez vu briller hier soir à la cérémonie des Junos une industrie de la musique qui est incroyablement robuste. Nous voulons voir les étoiles canadiennes aimées et encouragées par le public canadien. Nous devons viser à reproduire tout cet enthousiasme et tout ce succès dans l'industrie du film et de la télévision.
La production de longs métrages et de dramatiques télévisées est une expression importante de notre culture qui permet à tous nos concitoyens de profiter d'une expérience proprement canadienne. Voilà pourquoi il est important que le gouvernement maintienne son soutien et augmente son appui à la production de longs métrages et de dramatiques.
Vous avez vu et entendu d'autres membres de l'ACTRA et avez reçu un mémoire de notre organisation nationale, et vous venez d'entendre l'une de nos conseillères nationales, Wendy Anderson. Nous approuvons sans réserve leurs recommandations.
Thank you.
¹ (1500)
La présidente: Merci beaucoup. Thank you very much.
Qui est le premier?
Monsieur Schellenberger.
M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC): Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui.
J'ai un lien assez proche avec beaucoup d'acteurs, pas nécessairement de l'industrie cinématographique mais du théâtre. Le Festival de Stratford, en Ontario, se trouve dans ma circonscription. Je connais de nombreux acteurs et actrices, surtout bien des jeunes acteurs et actrices en herbe, étant donné que je possédais une maison quadri-familiale jusqu'à il y a un an de cela. Pendant de nombreuses années, j'en louais les appartements à des acteurs et à des actrices.
Je sais à quel point vous devez avoir une vie nomade. Même parfois au festival, il y a des acteurs et des actrices qui en sont à leur première production de l'année. Ils louaient l'un de mes appartements à partir de janvier ou février jusqu'à la fin juin ou juillet, puis ils déménageaient. Je sympathise avec ces personnes qui mènent ce genre de vie nomade, ce qui semble propre au théâtre ou au cinéma.
Il y avait aussi cet ancien metteur en scène qui avait été mon voisin à quatre portes de chez moi pendant 30 ans, et je sais qu'il allait à Winnipeg, puis à Charlottetown, puis il revenait à Stratford et il allait un peu partout. Je comprends certaines de ces choses, et je me demande comment l'on peut séparer ce nomadisme du métier.
En ce qui concerne certaines recommandations que j'ai entendues aujourd'hui, par exemple que l'on continue de subventionner les longs métrages avec un budget accru, je crois qu'il serait bon d'élaborer une politique qui encouragerait les investisseurs privés à s'engager dans l'industrie en partenariat avec le secteur public, avec des subventions gouvernementales. Il arrive trop souvent que le financement gouvernemental soit retiré dès que l'industrie privée vient donner un coup de main, et je crois que nous devons régler cela.
Pensez-vous qu'on a un rôle plus important à jouer, si nous pouvons adapter certaines de nos règles pour corriger la politique et faire en sorte que le public et le privé deviennent de meilleurs partenaires au cinéma?
¹ (1505)
M. Michael Burns: Je vais hasarder une réponse.
Oui, je crois qu'il y a un potentiel de ce côté. Même si je n'étais pas dans l'industrie cinématographique dans les années 70, je crois que l'expérience de la taxe de Porky, quand on se penche sur le riche patrimoine culturel des films très curieux qui ont été tournés dans les années 70 au Canada, sous l'égide de ce régime fiscal, nous invite cependant à la prudence. Il y a de toute évidence des questions qualitatives qui se posent quand le crédit d'impôt devient plus important que la qualité du film. C'est le problème structurel auquel vous faites allusion, mais cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas surmonter ce problème avec une politique gouvernementale prudente.
J'espère aussi vivement, quoique je demeure sceptique, que vos locataires payaient régulièrement leur loyer. S'ils étaient comme la plupart des comédiens que je connais, il devait probablement leur arriver de manquer d'argent.
M. Gary Schellenberger: Je peux vous répondre que mes loyers étaient bon marché et que je me payais sur la masse salariale.
M. Michael Burns: Cela me semble être aussi une bonne politique.
M. Claude Dorge: Je vous assure qu'un acteur nomade est un acteur heureux parce qu'un acteur nomade joue.
M. Gary Schellenberger: Je lis ici que l'on pourrait entre autres augmenter ce crédit d'impôt. Je sais que cela faisait problème auparavant, que des gens nous ont déjà dit aujourd'hui que l'argent devrait être avancé plus tôt afin d'encourager plus tôt le financement de la production et ce genre de choses. Je crois que c'est là une recommandation concrète; nous devons apporter de véritables changements pour encourager une plus grande participation financière du privé. J'espère que nous pourrons trouver certaines balises afin d'éviter les abus.
Mme Wendy Anderson: Je crois que toute l'industrie s'intéresserait à une participation privée, pour voir comment l'on pourrait lier cela au financement public. Ce serait merveilleux. Mais le fait est que les investisseurs privés ne vont pas là où ils ne peuvent pas faire d'argent ou obtenir des dégrèvements.
Je me rappelle avoir entendu la semaine dernière que l'ARC reprenait des déductions qui avaient été accordées en 1999-2000. Je ne peux me souvenir exactement de quoi il s'agit. C'était une sorte de déduction pour amortissement, et je sais que c'est différent de la structure à laquelle vous faites allusion. Mais il y a eu tellement de départs manqués et de frousses au fil des ans qu'il faut vraiment s'assurer que ce n'est pas nous qui allons nous retrouver avec la facture au bout du compte. L'investissement dans l'industrie du film au Canada a été marqué par deux grandes frousses.
Je dois dire aussi que les gens n'investissent pas dans des choses qu'ils ne peuvent pas voir. À moins de régler la question de la distribution du cinéma canadien et de faire en sorte qu'on montre ces films aux Canadiens, personne ne voudra financer une chose qu'on ne peut pas voir.
Je suis d'accord. Je suis sûre que l'industrie cinématographique est favorable à 100 p. 100 à l'idée d'un investissement privé. Oui.
M. Gary Schellenberger: Je veux faire une autre observation.
J'ai assisté la semaine dernière à l'inauguration d'un foyer pour personnes âgées dont la construction a été entièrement financée par des fonds privés. Dès que le gouvernement y est mêlé, il investit peut-être 10 p. 100 puis il vous dit à 100 p.100 quoi faire.
Il faut être vigilant de ce côté. Quand on se lance dans un partenariat comme celui-là, l'entente doit être bien faite. C'est la raison pour laquelle je ne crois pas que le privé voudra se mêler de ce genre de choses parce que, tout à coup, il doit se conformer à certaines règles. Quand tout est financé par le privé, il n'y a pas de règles à suivre.
¹ (1510)
La présidente: Monsieur Kotto.
[Français]
M. Maka Kotto (Saint-Lambert, BQ): Merci, madame la présidente.
Je commencerai par dire qu'on ne fait pas de musique sans musiciens. On ne fait pas d'omelettes sans oeufs non plus. Et le cinéma, à la base, ce sont des acteurs qui interprètent, mais force est de constater, qu'on soit ici ou dans l'Est, que ces personnes, jeunes ou moins jeunes, vivent dans la précarité.
J'aimerais savoir quelle est la situation réelle ici comparativement à celle du Québec, par exemple, où près de 60 p. 100 d'entre eux vivent sous le seuil de la pauvreté.
M. Claude Dorge:
Comme au Québec, la situation est très précaire. Comme je l'ai souligné dans mon témoignage, il est presque impossible de vivre uniquement du métier d'acteur ici. Quelques comédiens y arrivent, mais la grande majorité d'entre eux servent aux tables et travaillent dans des boutiques. Côté précarité, nous n'avons rien à vous apprendre, parce qu'un comédien est toujours à la merci du marché.
Pour nous, ce qui se passe au Québec est merveilleux. Vous avez une industrie du cinéma qui est pleine de vie. On reçoit la télévision de chez vous. Vous avez toutes ces émissions de télévision qui reflètent la vie québécoise, vous avez un système de vedettes. Il y a des vedettes chez vous. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que la situation est particulière au Québec: vous êtes une population francophone dans un continent anglophone, alors vous vous êtes pris en main et vous avez fait votre chemin. Vous avez créé votre cinéma et votre télévision.
Moi, je me demande toujours pourquoi l'équivalent ne se produit pas au Canada anglais. Vous, qui êtes francophones, aviez cette difficulté vis-à-vis des anglophones alors que nous, Canadiens, l'avons vis-à-vis des États-Unis.
Comment se fait-il que nous n'ayons pas pu créer un système canadien comme celui que vous avez au Québec? Je pose la question, mais je n'ai certainement pas la réponse.
M. Maka Kotto: C'est une bonne question; elle va probablement inspirer nos discussions subséquentes. Comparativement au modèle français, par exemple, le modèle québécois est à plaindre. Dans le contexte canadien, il demeure néanmoins une référence.
Mme Anderson parlait plus tôt des réalités que nous n'aurions pas connues, n'eut été cette volonté de montrer des images à contenu canadien. Il est vrai que dans ce domaine, si on n'investit pas les efforts nécessaires, on se dirige tout droit vers l'aliénation culturelle, voire l'acculturation. Le domaine du cinéma, je le rappelle, a un effet sans pareil sur l'inconscient collectif, surtout en ce qui a trait aux plus jeunes. Lorsque leur personnalité psychique est en formation, ceux-ci cherchent des modèles auxquels ils peuvent s'identifier.
Au début, M. Burns parlait de Gordon Tootoosis. Il est vrai que ces communautés sont un exemple très pertinent. S'ils n'ont pas de modèles d'identification à leur image, leurs jeunes n'en trouveront jamais et se référeront alors aux modèles restreints dans leur milieu, qui ne sont pas toujours idéaux.
Je voulais mettre en relief l'importance de l'interprète dans la communauté, autant à une petite qu'à une grande échelle. Cette réalité n'est pas toujours perçue. Sur le plan canadien, quand il s'agit de vendre et de distribuer des films ou encore de mettre sur pied des festivals, on donne généralement la priorité à la production, à la distribution et au marketing. À mon avis, l'instrument de base essentiel qui est exploité n'est pas valorisé. Je tenais à vous signaler qu'on est plus ou moins sur la même longueur d'onde concernant cette question. Le comité a en effet été saisi de cela sur le plan national, avec les arguments que vous avec soulevés ici aujourd'hui. C'est un volet du dossier qui sera bien défendu. Je crois que le comité y est sensible. Je ne vous poserai pas d'autre question parce que ce serait redondant.
Merci.
¹ (1515)
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Angus.
M. Charlie Angus (Timmins—Baie James, NPD): Merci.
Je vais commencer cet après-midi en faisant ce que j'ai fait avec tous nos témoins aujourd'hui. Je vais commencer par une métaphore musicale, étant donné que nous sommes au lendemain des Junos. L'un des plus grands mensonges ou fausses perceptions dans l'industrie musicale, c'est qu'une bonne chanson finit toujours par se faire se remarquer. On donne à croire qu'il existe une sorte de talent divin, que la chanson mourante se fera toujours entendre, et c'est de la foutaise. Des tas d'orchestres formidables ont disparu et personne n'a plus jamais entendu parler d'eux. Il y a des tas de chansons fantastiques qu'on n'entend jamais à la radio, et il y a des tas de chansons médiocres qui deviennent des légendes.
Je vais commencer avec John Candy, par exemple. Je me rendais en voiture à Toronto l'autre jour et j'ai entendu un gars de Coronation Street—j'oublie son nom. C'est une grosse pointure, il est célèbre, j'imagine, il est de Grande-Bretagne... Il disait que l'acteur qu'il aimait le plus dans le monde était John Candy. Il était surpris d'apprendre que John Candy était Canadien et il ignorait tout du fait que M. John Candy incarnait Second City TV.
Je vais formuler une série d'hypothèses. Si John Candy n'avait pas connu plusieurs années d'incubation avec une production télévisuelle à faible budget, est-ce que John Candy serait devenu une vedette internationale? Je n'aurais pas parié 10c. là-dessus. Si John Candy jouait dans un film indépendant ici et qu'on essayait de faire entrer ce film dans notre système de commercialisation, est-ce que John Candy serait en mesure de parfaire son talent? Je ne crois pas que ce soit possible.
Donc on a mis fin à ce que faisait Second City TV, et je crois que Second City TV serait un meilleur modèle pour nous que Corner Gas.Je n'ai rien contre Corner Gas, mais c'est un succès fortuit. Quand on voit ce qu'a faitSecond City TV, avec pendant plusieurs années une émission de télévision à budget très bas, où un certain nombre d'acteurs comiques ont perfectionné leur talent... Est-ce que Mike Meyers serait devenu une vedette internationale si Second City TV n'avait pas établi ces liens à New York? Essentiellement, nous avions déjà bâti un vedettariat à partir de ce que l'équipe de Second City TV faisait.
La question que je vous pose porte sur ce phénomène d'incubation. Si nous n'avons pas notre propre télévision pour créer ces émissions d'une demi-heure, pour créer des débouchés pour ces acteurs et ces comiques extraordinaires qui sont là... L'expérience qu'on acquiert au théâtre ne se compare en rien à l'expérience qu'on peut acquérir devant la caméra, et cela vous le savez beaucoup mieux que moi. Dans quelle mesure doit-on s'inspirer de la télévision, pour ce qui est des règles que le législateur peut imposer, si besoin est, pour trouver une structure quelconque où la télévision servira d'incubateur aux vedettes de demain? Dans quelle mesure tout cela est-il relié?
Mme Wendy Anderson: C'est absolument essentiel. Cela revient à l'argument que j'ai avancé tout à l'heure, selon lequel s'il n'y a pas d'industrie de la télévision canadienne, l'industrie elle-même va s'effondrer. L'existence de la télévision est nécessaire, et pas seulement pour les comédiens. Il est indispensable d'avoir des créateurs de tous les domaines : auteurs, réalisateurs, comédiens; c'est indispensable pour que nous progressions, tout comme il est indispensable d'avoir les équipes de télévision de même que les secteurs verticaux. À eux seuls, les longs métrages ne peuvent assurer notre survie, à moins que votre comité et le ministère du Patrimoine canadien n'interviennent pour nous permettre de créer une solide industrie cinématographique. Voilà nos recommandations; nous espérons qu'on trouvera le moyen d'y donner suite.
Il faudrait cependant qu'on fasse la même chose du côté de la télévision parce que celle-ci favorise, par exemple, l'immersion prolongée des scénaristes et dans le milieu et leur perfectionnement tout au long d'une saison; les auteurs peuvent alors se perfectionner et apprendre comment rédiger une bonne blague, comment faire avancer l'intrigue et développer le caractère des personnages tout en les faisant évoluer dans le récit. Cela vaut aussi pour les acteurs : cela leur permet d'approfondir leur métier. On peut travailler sur tous les différents aspects d'un film, mais lorsqu'on participe à une série tout entière, le travail est beaucoup plus approfondi; c'est très différent et cela vous apprend les bases, en quelque sorte. Cela vaut aussi pour les membres de l'équipe : pour un machiniste, c'est une chose de travailler sur un film et de devoir attendre quelques mois pour voir le fruit de son travail mais c'est une tout autre chose de devoir travailler tous les jours sans exception pendant 12 heures sur un plateau de télévision. On apprend beaucoup plus.
Dans le passé, la télévision a probablement fait davantage pour créer un... il suffit de signaler ce qui se fait dans les grands centres, même si nous détestons le faire dans les régions. Il y a sans doute à Toronto et à Vancouver des équipes de télévision très compétentes, et c'est probablement parce qu'elles travaillent davantage dans ce domaine et plus longtemps pendant la saison sur une série télévisée. Elles acquièrent une expérience précieuse.
¹ (1520)
M. Charlie Angus: Je suis très préoccupé par cette question à cause du coût astronomique de production d'un film. Comment se préparer, quand on peut réaliser des émissions de télévision relativement peu coûteuses comparativement au cinéma? Comment acquérir les connaissances nécessaires pour savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas, en ayant une marge d'erreur plus large? Dans le cas d'une télésérie qui compte 28 épisodes, on a la possibilité de se reprendre, alors que si on rate son coup lors du tournage d'un film, on vient de couler le Titanic.
Mme Wendy Anderson: Effectivement. J'aimerais cependant rappeler que personne n'aime faire des erreurs coûteuses pour qui que ce soit; voilà pourquoi il serait avantageux de financer davantage le développement. On pourrait créer des laboratoires qui réuniraient les auteurs et les comédiens, et tous les autres créateurs; cela permettrait d'éviter des erreurs qui pourraient se révéler très coûteuses... Si on soutient ces centres de développement, les gens auront l'assurance d'être vraiment prêts. Cela coûtera beaucoup moins cher que si l'on essaie de faire de petites économies au chapitre du développement tout en espérant ardemment que tout se passera bien au moment de la production. Dans le secteur du film et de la télévision, on dit toujours que ce qui ne figure pas sur la page ne figurera pas sur l'écran. C'est à cette étape-là que cela se passe. Et il faut pour cela organiser des ateliers à l'attention des acteurs.
Je pense que tous les réalisateurs souhaiteraient pouvoir discuter avec l'équipe de rédaction et les créateurs, afin de s'assurer de partir sur des bases solides. Mais cela n'existe tout simplement pas au Canada.
La présidente: Merci, monsieur Angus.
Je donne la parole à Mme Bulte, pour son premier tour de questions.
L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci d'être des nôtres.
J'aimerais tout d'abord souligner que nos témoins sont des gens très dévoués aux arts. Dans votre document, vous dites au départ que vous vous êtes posé la question suivante : « Pourquoi quelques hommes politiques avisés ne préconiseraient-ils pas une croissance semblable dans ce domaine? » En fait, c'est notre gouvernement qui a créé le Fonds de financement de longs métrages canadiens en 2000. Nous le revoyons en ce moment. C'est nous, les membres du comité qui avons décidé d'essayer d'améliorer les choses, de manière à ce que ce Fonds canadien de télévision reste viable. Vous avez fait pression pour que l'on renouvelle Un avenir en art, et il a été renouvelé.
Voilà pourquoi, sauf le respect que je vous dois, je dirais que nous avons réalisé beaucoup de choses. Nous avons collaboré avec votre organisme et, très sincèrement, je suis offensée par cette déclaration dans votre exposé. Je trouve qu'elle est fausse. Nous sommes ici pour essayer de trouver des solutions, mais il est injuste envers les membres du comité qui siègent ici autour de cette table et qui s'efforcent d'aider votre industrie, de dire que jusqu'à maintenant nous n'avons rien fait du tout.
Cela dit, nous aurons besoin de certaines précisions au sujet de ce que vous appelez les « secteurs d'activité liés au droit d'auteur ». J'ai toujours ardemment défendu le droit d'auteur et je ne comprends pas le sens de cette expression. Veuillez éclairer ma lanterne.
Mme Wendy Anderson: Permettez-moi tout d'abord de vous présenter des excuses si certains de mes propos vous ont offensée. C'est une question que je posais. Je ne fais partie de l'organisme international que depuis très récemment et je n'y étais probablement pas encore au moment de ces revendications. Nous vous sommes évidemment très reconnaissants pour le Fonds canadien de télévision et nous nous réjouissons du rétablissement de ces fonds. Nous vous remercions aussi des efforts que vous avez déployés dans ces domaines.
Encore une fois, je vous présente mes excuses si je vous ai offensée. Ce n'était absolument pas mon intention. J'ai posé cette question d'une façon générale; je ne pensais pas aux membres d'un seul parti mais à ceux de tous les partis.
L'hon. Sarmite Bulte: Vous avez parlé d'une façon générale.
Mme Wendy Anderson: C'est vrai. Je suis sincèrement désolée si j'ai blessé qui que ce soit.
Et votre deuxième question?
L'hon. Sarmite Bulte: Qu'entendez-vous par les industries du droit d'auteur?
Mme Wendy Anderson: C'est un terme utilisé aux États-Unis.
¹ (1525)
L'hon. Sarmite Bulte: J'aimerais bien savoir ce qu'il signifie.
Mme Wendy Anderson: Le Census Bureau des États-Unis a un excellent site Internet qui présente toutes ces statistiques. On y utilise le terme « industries du droit d'auteur », qui recouvre les secteurs de l'enregistrement sonore, du cinéma, de la vidéo et aussi de l'édition.
L'hon. Sarmite Bulte: Il y a un sujet que vous n'avez pas abordé... et j'en ai discuté avec vos homologues à Toronto. Le problème ne se pose peut-être pas ici. Nous discutions des dossiers importants pour l'ACTRA, notamment de la ou des décisions de l'Agence des douanes et du revenu traitant du statut d'entrepreneur indépendant par opposition au statut d'employé. À mon avis, quand on invoque toutes ces difficultés, comme l'a fait M. Burns...
Les acteurs et actrices ont choisi leur métier parce qu'ils l'aiment passionnément. Beaucoup d'entre nous font un travail qui les passionne sans être dédommagés convenablement.
Pourriez-vous parler de cette question, parce que je crois qu'il s'agit d'un aspect important dont pourtant on parle peu. Je sais qu'une coalition qui prépare un sommet sur les arts se penche sur cette question, mais le problème existe-t-il ici, tant au Manitoba qu'en Alberta?
M. Michael Burns: Ce sujet préoccupe beaucoup de gens au Manitoba et en Saskatchewan...
L'hon. Sarmite Bulte: Oui, plutôt en Saskatchewan.
Mr. Michael Burns: ... des conséquences fiscales de cette distinction. Les décisions récentes de Thunder Bay nous permettent d'espérer que le ministère va permettre le maintien du statu quo et les acteurs et actrices pourront conserver leur statut de travailleur indépendant. S'ils deviennent employés, on va faire peser un régime fiscal très onéreux sur des revenus parfois très maigres.
Vous avez raison, c'est un géant endormi. Notre organisme national a eu plusieurs rencontres avec les gens du bureau de M. Goodale. C'est lui qui nous représente à Régina. Nous faisons aussi ce genre de tentative, en particulier en période électorale... et jusqu'à maintenant, nous avons obtenu un certain succès.
Nous sommes donc préoccupés, mais nous avons bon espoir, compte tenu de la décision récente, que le ministère va continuer à nous appuyer sur ce point.
Par ailleurs,nous avons amorcé en Saskatchewan des discussions sur le statut de l'artiste. Le gouvernement est en train de se prononcer, et la question a donc été soulevée également dans ce contexte.
L'hon. Sarmite Bulte: J'aimerais vous poser une question précise. Ce matin, des témoins nous ont dit pourquoi il fallait, à leur avis, réviser certains aspects des lignes directrices de la politique des longs métrages, ou mettre en place des critères différents. Est-ce que votre association a des recommandations à ce sujet? On nous a dit qu'en Saskatchewan, les artistes n'avaient pas accès au fonds de financement de longs métrages canadiens, du moins pour ce qui est des arts du spectacle.
Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Michael Burns: Nous avons vu les recommandations de nos bons amis de SaskFilm, qui s'écartent résolument de la ligne préconisée jusqu'à maintenant par l'ACTRA. Nous ne pensons pas que l'on puisse constituer un vedettariat en acceptant simplement de laisser les Américains venir ici en grand nombre. C'est même tout à fait l'opposé de notre politique de création d'un vedettariat. Ce n'est pas de cette façon qu'il faut procéder.
L'ACTRA fait preuve de souplesse, étant entendu que les films de type utilitaire nécessitent un minimum d'entrées, mais nous voulons des films qui soient des productions canadiennes, et même des productions entièrement canadiennes, selon notre formule. Nous voulons que le plus grand nombre de Canadiens y travaillent.
L'hon. Sarmite Bulte: Ce matin, j'ai trouvé particulièrement intéressant ce qu'on nous a dit de cette nouvelle formule voulant que l'ACPFT mette des Canadiens au travail. Est-ce que vous y participez?
M. Michael Burns: Oui.
¹ (1530)
Mme Wendy Anderson: Nous n'avons pas encore traité de la question au niveau national, mais je crois que nous avons prévu une réunion vendredi prochain pour en parler.
L'hon. Sarmite Bulte: Mais vous avez au moins participé à la démarche.
Mme Wendy Anderson: Je n'en suis pas certaine. Je ne peux pas vous répondre à ce sujet, mais dès que je me serai renseignée, je vous le ferai savoir.
L'hon. Sarmite Bulte: Il est important que tout le monde soit satisfait des nouvelles propositions. Je sais qu'on ne peut pas toujours plaire à tout le monde, mais il est certainement possible de dégager un consensus au sein de l'industrie.
Mme Wendy Anderson: Je vous remercie beaucoup de ces intentions, que nous partageons tout à fait.
M. Rob Macklin (membre, Manitoba, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists): Nous n'en avons entendu parler qu'aujourd'hui.
L'hon. Sarmite Bulte: Je n'en ai entendu parler que ce matin. C'est tout à fait nouveau.
M. Rob Macklin: Il y a parfois un décalage dans la transmission de l'information entre Toronto et Ottawa, et sans doute aussi entre Winnipeg et Régina, mais je suis sûr qu'on en aura bientôt les détails.
J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit des exposés de ce matin par l'industrie de la Saskatchewan et du Manitoba. Ce qui importe pour les artistes canadiens que nous sommes, c'est que la production canadienne reste exclusivement canadienne. C'est pourquoi nous nous inquiétons de la possibilité qu'on ouvre toutes grandes les portes.
L'hon. Sarmite Bulte: Pourriez-vous me donner un exemple précis? Il est important d'avoir des éléments concrets si l'on veut apporter des améliorations.
M. Rob Macklin: Je pensais à ce qui arriverait si on permettait aux artistes de traverser la frontière souvent sans problème. Vous avez parlé plus tôt des règlements au sujet du contenu. Si on faisait abstraction de l'artiste, comment faire pour créer ou garder uniquement canadiennes notre industrie et notre culture? Je pense que c'est ce que vous disiez. Il me semble qu'il faut être très prudent : il ne faut pas renoncer à notre souveraineté culturelle. Notre population est un dixième de celle des États-Unis et notre économie aussi.
Il faudrait peut-être chercher des exemples de réussite en Europe, quand les petits pays existent côte à côte des grands, pour voir comment ils gardent une culture indigène viable et une industrie prospère.
Le gouvernement ne peut pas tout faire; je ne pense pas que ça soit notre position. Nous ne voulons pas que le gouvernement fasse tout. Nous voulons encourager le développement du talent de bien des façons. Nous aimerions beaucoup que les investisseurs privés fassent davantage au Canada. Ce serait une des meilleures choses possibles pour le secteur. Mais je pense qu'il faut veiller très attentivement à notre souveraineté culturelle.
L'hon. Sarmite Bulte: Si vous avez des exemples de ce que font d'autres pays, monsieur Macklin, vous pourriez peut-être les transmettre au greffier. Tous les renseignements que vous pourrez nous donner nous seront très précieux.
M. Rob Macklin: Je le ferai volontiers. Je vais regarder ce que nous avons dans nos notes.
Hon. Sarmite Bulte: Je vous exhorte à essayer de dégager un consensus au sein de votre secteur pour aider les décisionnaires à prendre la bonne décision, une décision adaptée à vos besoins.
M. Michael Burns: J'aimerais ajouter quelque chose. Il va sans dire que lorsque nous parlons de l'ACPFT et l'ACTRA, il s'agit de deux groupes différents. L'un est un groupe d'entrepreneurs et l'autre un groupe d'artistes. L'ACTRA existe pour les artistes canadiens et nous défendons la culture canadienne. L'ACPFT est un groupe de producteurs. Nous sommes d'accord avec ce groupe sur beaucoup de questions. Nous concluons une entent tous les trois ans, et il s'agit d'une entente très importante. Mais nous ne sommes pas d'accord sur tout. Si l'ACPFT trouve une façon de faire plus de bénéfices qui laisse un peu pour compte la culture canadienne, je pense que cela lui conviendrait très bien. Mais cela ne nous conviendrait. Nous voulons que les acteurs et actrices canadiens aient du travail car nous jugeons que c'est la meilleure façon de faire connaître la culture canadienne.
¹ (1535)
La présidente: Merci.
Le temps accordé a été très généreux, mais je voulais ajouter quelque chose aux remarques de Mme Bulte. Tout ce qui précède les observations qu'elle a trouvé choquantes—et j'ai eu un peu la même réaction moi même—concerne le marché américain. Et vous, Robert, vous parlez de préserver notre identité canadienne et la souveraineté canadienne. Je pense pouvoir dire au nom de tous les membres du comité que nous ne faisons pas cette étude pour des raisons économiques. Même si je sais que dans certains contextes il est important d'avancer des arguments économiques—que quelque chose est plus avantageux pour l'économie canadienne que pour l'économie américaine—ce n'est pas la raison pour laquelle tous les membres du comité ont convenu à l'unanimité de faire de cette étude un priorité.
Allez-y, s'il vous plaît, madame Oda
Mme Bev Oda (Durham, PCC): Merci. Je souscris à cela. Cependant, je tiens à m'assurer que nous utilisons pleinement le processus.
Je sais que vous nous avez donné des renseignements et ajouté un contexte particulier quant à l'expérience dans les provinces de l'est, mais le processus nous permettra, espérons-le, de nous donner des idées que nous pourrons approfondir au cours de nos consultations d'un bout à l'autre du pays. Même si vous venez du Manitoba ou de la Saskatchewan, comme nous l'avons entendu de la part de votre représentante nationale, nous espérons que vous pourrez enrichir ce qui a été dit à notre première consultation.
Si je vous demandais une seule faveur, ce serait de transmettre nos messages à votre organisation nationale, de manière que durant la suite de nos travaux—car je sais que nous entendrons de nouveau des représentants de l'ACTRA dans d'autres régions du pays—, on ne nous parlera pas seulement du contexte de chacune des régions. Chacun de ces exposés nous aide à enrichir des idées spécifiques. Étant donné que nos travaux seront suivis par les producteurs et d'autres intervenants qui s'y intéressent, nous pourrons aussi jauger les réactions aux propositions que nous envisageons. Donc, au bout du compte, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne voulons pas seulement une liste d'éléments sur lesquels nous devrions nous pencher. Il faut espérer qu'à l'issue de cette démarche, nous les aurons approfondis et nous serons en mesure de formuler des recommandations précises, pas seulement une liste de sujets à étudier. Si vous pouviez transmettre ce message à votre organisation nationale, je sais qu'il y aura une certaine coordination nécessaire à cet égard.
Les propositions ou recommandations formulées par l'ACTRA la dernière fois que nous avons rencontré ses représentants étaient des propositions générales applicables à l'ensemble du secteur. Ce que je voudrais que vous me disiez, au nom de l'ACTRA dans son ensemble, c'est s'il y a des idées précises, des changements précis, des défis particuliers auxquels l'ACTRA est confrontée, et je vous invite à parler au nom des gens que vous représentez. Par exemple, le régime de crédit d'impôt aide certains éléments, mais il ne cible pas spécifiquement l'ACTRA. Je reconnais sans réserve que si nous n'avions pas l'ACTRA, nous n'aurions aucune voix aux États-Unis, ce qui est essentiel. Dois-je comprendre d'après les propositions de l'ACTRA que votre association n'a aucune recommandation précise à formuler autre que celles qui s'appliquent à l'ensemble de l'industrie? C'est la question fondamentale que je pose à votre association.
Deuxièmement, je voudrais savoir si vous avez autre chose à dire dans ce contexte de la législation régissant les artistes, puisque je crois que votre principale cible est le système de vedettariat. Nous avons là l'occasion d'en discuter de votre point de vue, parce que c'est également lié à la question de savoir où nous allons trouver l'argent pour investir dans la promotion et la commercialisation, dans le but de créer au départ, parce que c'est ainsi qu'on fabrique un système de vedettariat—en multipliant les contacts entre les vedettes et le grand public qui apprend à mieux les connaître, etc.
Nous avons parlé de distribution à l'étranger et je vais vous poser une question hypothétique, qui est aussi une question tendancieuse, et je vous invite à présenter des arguments là-dessus, s'il y a lieu. Si vous aimeriez avoir les nombreux millions de dollars dont vous nous avez parlé et que les studios et distributeurs américains investissent dans la distribution et la commercialisation, si nous devions ouvrir toute grande cette porte et si vous, madame Anderson, saviez que vous pouvez compter sur ce puissant outil promotionnel, pas seulement sur l'Internet mais aussi à l'émission Entertainment Tonight, et pas seulement en Amérique du Nord mais partout dans le monde... Il existe actuellement des règles qui interdisent cela, qui ferment cette porte. Pourriez-vous nous dire, au nom de l'ACTRA, quels seraient les avantages si nous envisagions d'ouvrir la porte aux distributeurs étrangers? Quelles sont les difficultés ou les précautions à prendre, ou peut-être n'est-ce pas tellement une bonne idée?
¹ (1540)
Mme Wendy Anderson: C'est une très bonne question. Je pourrais peut-être commencer par vous raconter une histoire.
Cela se passait ici, en fait, à Winnipeg. Je crois que c'était en 1998 ou 1999. C'était un petit festival du film appelé Local Heroes. On présentait en première mondiale un film auquel j'avais travaillé. J'ai pensé que j'assisterais à la plus grande partie de la conférence, ce que j'ai fait. Je me rappelle que j'étais assise au milieu d'une foule de 150 personnes qui avaient toutes des scénarios et qui espéraient réaliser un film.
La discussion était animée par une femme, et c'était un groupe représentant des studios des États-Unis. Les participants étaient tous des lecteurs. L'animatrice était une charmante personne. Elle s'est levée et a déclaré : « Vous autres, Canadiens, vous faites des films tellement beaux, qui racontent des histoires tellement excellentes que personne ne verra jamais parce que nous ne le permettrons pas ». On a entendu des exclamations étouffées dans la salle. On aurait dit que tout le monde, collectivement, avait reçu en même temps un coup de poing à l'estomac.
Il semblait donc exister une volonté en ce sens. Peut-être que ce n'est plus le cas, je ne sais pas—c'était il y a longtemps. Je pense qu'on craint que si nous ouvrons toutes grandes les portes, il est probable qu'ils ne vont tout simplement pas le faire, qu'ils ne voudront pas distribuer de films canadiens, sinon certains films qui ont déjà du succès, qui se taillent déjà une place sur le circuit des festivals ou qui ont du succès auprès d'un auditoire particulier. Il y aurait alors un intérêt à distribuer ces films-là.
Je pense que collectivement, nous craignons, et c'est aussi ma crainte, que cela ne se ferait pas. De plus, je pense que nous espérons créer notre propre industrie et aussi notre propre réseau de distribution.
Mme Bev Oda: Quand vous dites que vous craignez que cela ne se fasse pas, est-ce parce que ce sont des films canadiens? Nous savons tous et nous reconnaissons tous que nous savons raconter de belles histoires. Nous avons de grands scénaristes. Nous avons du talent. Ils s'en vont à Los Angeles. On vient les chercher pour qu'ils s'en aillent à Los Angeles. Alors pourquoi ces projets ne seraient-ils pas attrayants et pourquoi ne les appuieraient-ils pas s'ils le pouvaient?
Mme Wendy Anderson: Il y a beaucoup de mythes qui circulent dans le secteur du film et beaucoup sont profondément ancrés. Je pense qu'il pourrait y avoir bien des raisons. Je viens d'en mentionner une, à savoir que les Américains ne pensent pas que la population américaine va s'intéresser à des histoires canadiennes, à des films canadiens.
J'ai entendu sur des plateaux de tournage des gens dire : « Nous ne pouvons faire ça parce que les Américains ne l'accepteraient pas, ils ne le croiraient pas », ou quelque chose du genre. Cela fait partie de l'explication. Ils font des films d'une certaine manière et nous ne suivons pas les mêmes règles. La manière dont ils font les choses aux États-Unis est tellement différente de ce que nous faisons ici. Ils ont souvent une floppée de scénaristes. Ou bien, si l'on a une belle histoire...
Il y a eu un autre moment mémorable, brillant au festival Local Heroes. C'était durant une réunion en petits groupes, et l'intervenant était bombardé de questions. Ce type a dit : « Voici comment ça marche. Vous m'apportez un magnifique scénario. Je le trouve super. Je l'adore. Je vous invite à dîner dans un restaurant de grande classe. Je vous fais signer un contrat qui ne vaut pas un clou et ensuite je vous congédie. Ensuite, j'embauche quelqu'un d'autre pour récrire le scénario de la manière qui me convient . »
¹ (1545)
Mme Bev Oda: Vous m'avez peut-être mal comprise, parce que nous parlions de la participation d'un distributeur étranger seulement dans le rôle de distributeur, pas de producteur.
M. Rob Macklin: Je voudrais ajouter quelques mots là-dessus. Les distributeurs ont leur mot à dire sur la teneur d'une production, souvent parce qu'ils y investissent de l'argent, et l'argent donne du poids, surtout si c'est de l'argent américain, car les dollars américains sont pesants.
J'en reviens à ce que Wendy disait. Je connais plus d'un producteur de la région qui a créé une excellente production locale et qui n'arrive pas à la vendre aux États-Unis parce qu'il ou elle s'est fait dire sans ménagement que la production est trop canadienne. Les producteurs n'arrivent pas à faire distribuer leurs films aux États-Unis. Parfois, en Australie ou en Grande-Bretagne ou dans d'autres pays, ils arrivent à le faire distribuer; ils n'y parviennent pas aux États-Unis. Cela me semble très bizarre puisque nous sommes si proches des États-Unis, mais c'est néanmoins le cas.
Si nous permettons aux Américains de distribuer les films au Canada, il ne faut pas oublier qu'ils vont quand même penser au marché mondial et essayer d'en tirer le plus d'argent possible. Ils ont de l'argent à investir au départ. Il n'y a aucun doute qu'ils vont influencer le contenu de la production en l'orientant de la manière qui leur semble susceptible d'ouvrir des portes dans le plus grand nombre possible de marchés.
Mme Bev Oda: Mais un distributeur canadien ne devrait-il pas envisager la question sous le même angle?
M. Rob Macklin: Mais à quel prix?
Mme Bev Oda: Si les distributeurs canadiens sont les seuls à pouvoir participer à un projet canadien, et s'ils envisagent seulement le marché canadien, est-ce que nous exploitons au maximum le potentiel international de ces projets?
M. Rob Macklin: Je ne crois pas que les distributeurs canadiens envisagent seulement le marché canadien?
Mme Bev Oda: Ont-ils les mêmes impératifs pour ce qui est d'exploiter le potentiel du marché international?
M. Rob Macklin: Je pense qu'ils ont à l'esprit le marché international, mais que le système à l'intérieur du Canada influe moins sur l'aspect créateur de la production que ce qui se passe lorsque la distribution est financée par les Américains.
La présidente: Merci.
Il nous reste du temps pour quelques autres questions de la part d'une personne.
Monsieur Silva.
M. Mario Silva (Davenport, Lib.): J'ai une question. Mais avant de la poser, si j'en ai le temps, je voudrais faire des observations sur toute cette question de la distribution.
Quand j'étais en France, l'émission la plus populaire, du moins parmi les jeunes, était Degrassi Junior High.L'émission The Littlest Hobo est également très célèbre dans le monde entier. Il y en a une autre à laquelle je pense—je pense qu'elle s'appelle Due South—qui est également très populaire.
Franchement, dans le contexte européen, et peut-être aussi asiatique, les gens ne font pas la différence entre ce qui est américain et canadien. Les émissions sont doublées de toute manière, de sorte que ce n'est pas un facteur important. Ne sommes-nous pas obnubilés par le marché américain alors qu'il y a une foule d'autres marchés où les gens se fichent franchement de savoir d'où vient l'émission? Si c'est bon, c'est bon, et ces gens-là vont l'acheter avec plaisir et la doubler dans leur propre langue.
M. Rob Macklin: Je pense que vous avez raison. Cela arrive effectivement. Je songe notamment à Trailer Park Boys. La dernière fois qu'on m'a dit dans combien de pays c'était distribué, j'ai été renversé. C'est diffusé partout dans le monde. Il est évident qu'il y a quelqu'un qui fait du bon travail quelque part.
M. Mario Silva: J'ai d'autres questions, mais je pense que d'autres députés veulent en poser aussi.
Est-ce que j'ai le temps, madame la présidente?
La présidente: Je vous accorde une autre question et ensuite une autre à M. Kotto.
M. Mario Silva: Nous en avons parlé tout à l'heure—et la présidente a également mentionné la raison de notre présence ici, à savoir de discuter de l'importance de la culture et pas seulement du point de vue économique et je suis entièrement d'accord avec cela.
Mais je dois dire que quand je siégeais au comité de liaison du film, à titre de conseiller municipal à Toronto, pendant 10 ans, nous n'avions pas à nous inquiéter des questions culturelles—cela relevait davantage du gouvernement fédéral—, mais nous nous intéressions à l'aspect économique. Nous discutions des raisons pour lesquelles l'industrie du film était tellement vitale pour l'économie de la ville. C'était une industrie d'un milliard de dollars et nous avons beaucoup insisté là-dessus et nous avons obtenu que tous les services municipaux collaborent et travaillent avec acharnement à ce dossier.
Je me demande donc parfois, puisque nous craignons de discuter des aspects économiques, si nous ne trahissons pas l'industrie du film de notre pays. Je voudrais vos observations là-dessus.
¹ (1550)
M. Michael Burns: Je pense simplement qu'on peut avoir les deux et nous en donnons la preuve. Les émissions Trailer Park Boys et Corner Gas montrent bien que non seulement nous pouvons créer des produits culturels qui vont faire de l'argent, mais que le reste du monde va les apprécier. C'est la bonne nouvelle dans cette équation. La mauvaise nouvelle est que nous n'avons pas de mécanisme durable pour mettre cela en oeuvre à long terme.
Par exemple, Corner Gas est plus ou moins un coup de chance—c'est un succès. C'est arrivé parce que CTV était tenue par ses conditions de licence de consacrer de l'argent à des émissions canadiennes. Ils ont alors dit : « Très bien, prenons ce projet, qui s'appelle Corner Gas, quel qu'il soit, et mettons de l'argent là-dedans ». Ils ont donc mis de l'argent dans ce projet pendant deux ans. C'est la seule émission que CTV a réalisée avec son propre argent pendant cette période. Ils l'ont financée entièrement et, résultat, l'émission est un grand succès et leur rapporte beaucoup d'argent, à leur grande surprise, à vrai dire. Cela n'enlève rien à l'excellente équipe de production qu'on avait mise en place pour réaliser l'émission.
Nous en sommes maintenant au point où CTV n'a plus d'engagement à tenir pour ce qui est d'injecter de l'argent dans Corner Gas. Aujourd'hui, Corner Gas doit rivaliser avec toutes les autres émissions au Canada qui se battent pour obtenir des miettes, les minuscules sommes d'argent qui permettront de réaliser une demi-douzaine ou une douzaine d'émissions au Canada cette année. Plusieurs émissions qui étaient réalisées sur place en Saskatchewan ou dans d'autres régions vont disparaître parce que Corner Gas va s'emparer de cet argent. Cela va éliminer toute chance pour eux d'avoir du succès l'année prochaine.
La présidente: Merci.
M. Kotto peut maintenant poser une question.
[Français]
M. Maka Kotto: Merci, madame la présidente.
Je veux reparler de cette volonté de pénétrer le marché américain. Cela reviendrait, de façon caricaturale, dans la configuration des Américains qui veulent pénétrer le marché indien. C'est un marché très ferme. Les Français ont tenté la chose aux États-Unis, ils ont dépensé des millions et des millions de dollars. On a fait un festival au sein même de ce marché, et cela n'a jamais fonctionné. Les Français qui ont été intégrés à l'appareil de production et de distribution américain ont été subordonnés à la réalité, à l'imagerie, à l'onirisme américain. Il n'était pas question qu'ils fassent du français chez les Américains. Il y a un protectionnisme culturel fort. Ce n'est pas inscrit sur du papier, mais il est là, c'est la réalité.
Je pense que vous devriez nous aiguiller sur d'autres moyens comme, par exemple, l'idée de développer des réseaux numériques, ce qui, par effet domino, réduirait le coût des productions. Peut-être avez-vous aussi d'autres solutions. Cependant, je serais très étonné que les Américains viennent jouer aux humanistes du haut de leurs multinationales.
[Traduction]
Mme Wendy Anderson: Je suis d'accord. Nous n'avons pas d'illusions là-dessus.
La présidente: Monsieur Angus.
M. Charlie Angus: Il y a une chose que je retiens de notre étude sur le film... Je n'ai pas vraiment décidé si nous avons peur que nos voisins érigent des murs infranchissables simplement pour faire de l'argent. Je n'ai pas entendu quiconque jusqu'à maintenant déclarer : « Voici ce que nous faisons, nous le faisons très bien et nous allons le montrer au monde entier ». On ne semble pas avoir une telle assurance.
Je veux revenir à la question de... [Note de la rédaction : Inaudible]. Ils ne vont pas pénétrer le marché américain... [Note de la rédaction : Inaudible] les petits marchés créneaux américains adorent ce que nous faisons et nous pourrions vendre beaucoup de... [Note de la rédaction : Inaudible] pourquoi ne le faisons-nous pas dans le domaine du film? Les États-Unis ne sont pas un monstre. Il y a tout le littoral de l'Atlantique, avec 60 millions d'habitants... [Note de la rédaction : Inaudible] nous parlons de laisser les Américains s'occuper de la distribution internationale ou de la distribution tout court, mais il semble qu'en bout de ligne, si nous ne pouvons pas nous tailler une place sur des marchés créneaux aux États-Unis, peu importe combien d'argent nous engloutissons... [Note de la rédaction : Inaudible].
Je ne sais pas, c'est seulement mon impression. Comment vous percevez-vous, vous autres?
¹ (1555)
Mme Wendy Anderson: Oui, nous le pouvons. Je pense que nous avons le bon produit. Je pense que nous avons du talent. Absolument, nous pouvons y arriver. Je ne sais pas quelles structures sont en place pour nous permettre de le faire. C'est la question que je pose.
Les Américains protègent farouchement cette industrie numéro un qui est la leur. Cela nous a durement frappés au fil des années. Je me rappelle d'avoir déjeuné avec Wayne Clarkson il y a quelque temps, et il a dit carrément qu'il n'y avait aucune volonté politique d'imposer des quotas sur les écrans au Canada. Cela n'arrivera tout simplement pas. Les Américains possèdent ce marché et ils ont d'autres armes. C'est ce qu'on nous dit.
Je suis sûre qu'il y a une réponse à la question de savoir comment nous pouvons obtenir des débouchés. Je sais que Trailer Park Boys est maintenant diffusé aux États-Unis. Ils ont apporté des changements à leur création pour la rendre plus acceptable aux yeux des Américains. On leur a demandé de le faire et ils l'ont fait. Des émissions britanniques comme The Office sont de grands succès. Mais les Américains ont tendance à prendre un modèle et à créer ensuite une version américaine d'une production, plutôt que de diffuser des produits étrangers.
M. Rob Macklin: C'est au Festival du film de Toronto que The Saddest Music in the World, de Guy Maddin, s'est trouvé un distributeur américain, et ça c'est une bonne nouvelle. Par contre, on a l'impression que ce film sera destiné à un public restreint. Le nom de la société de distribution m'échappe, mais je sais qu'elle est présente partout aux États-Unis, en tout cas dans les grandes villes. Donc, un des moyens de vendre notre produit, c'est par le biais de festivals. C'est comme ça qu'on fait connaître nos produits.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous allons rencontrer d'autres représentants de l'ACTRA dans d'autres villes.
Monsieur Burns, il y a une partie de vos propos qui m'a particulièrement intéressée : vous dites que le public cible de nos histoires canadiennes doit être élargi, à l'instar de notre musique, nos musiciens et nos chansons. Dites-nous ce qu'on pourrait faire concrètement pour y arriver.
De plus, il y a toute la question de l'augmentation du financement qui ne se résume pas à une simple augmentation d'un facteur de deux, cinq, voire cent. La question financière ne se résume pas aux sommes d'argent versées. Il faut également savoir comment elles sont dépensées. Dans votre résumé, vous parliez du montant, des objectifs visés ainsi que de la manière dont les fonds seront dépensés. L'aide accordée au développement est cruciale, plus importante que celle qui vise la promotion ou la distribution. Il va falloir que nous cernions mieux ce qui est exigé.
À partir du moment où vous, les producteurs de films et d'émissions télévisées canadiens, n'êtes pas en mesure de vous entendre sur certaines questions, ça veut dire que la responsabilité de déterminer à qui appartient le bébé nous revient à nous, les politiciens. Et nous risquons de ne pas toujours être aussi sages que l'était le roi Salomon.
Merci beaucoup de votre présence et de vos interventions.
º (1600)
º (1613)
º (1615)
La présidente: Désolée du retard.
On a demandé que je répète une annonce que j'ai faite un peu plus tôt aujourd'hui. On va essayer de procéder plus rapidement que ce matin.
Nous accueillons évidemment des témoins, mais il y a aussi des observateurs, et j'aimerais bien savoir qui ils sont. Si vous êtes arrivés cet après-midi et que vous n'êtes pas témoins, ça veut dire que vous ne vous êtes pas inscrits. Nous aimerions bien savoir qui sont les observateurs qui s'intéressent à nos audiences, et nous vous demandons donc de nous donner vos coordonnées. Ça nous intéresse beaucoup.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant accueillir nos prochains témoins de l'industrie cinématographique de l'Alberta, l'Institut national des arts de l'écran et l'Association de l'industrie du film de l'Alberta. Merci beaucoup d'être venus.
Qui va commencer? Je suppose que ce sera l'Institut national des arts de l'écran, ce qui donnera à l'Association de l'industrie du film de l'Alberta le mot de la fin.
Mme Susan Millican (directrice générale, Institut national des arts de l'écran): Merci.
Je m'appelle Susan Millican et suis directrice générale de l'Institut national des arts de l'écran. Mme Marci Elliot, directrice principale de la commercialisation, m'accompagne. Merci de nous avoir invitées à comparaître aujourd'hui.
La politique cinématographique canadienne a joué un rôle primordial dans le développement de l'industrie cinématographique canadienne. C'est également grâce à cette politique qu'on a pu élargir le public ici comme ailleurs. Nous en sommes très reconnaissants. Mais, comme c'est le cas de toute réglementation qui existe depuis quelque temps, nous pensons qu'il serait judicieux d'y apporter quelques modifications et améliorations.
L'Institut national des arts de l'écran est la plus ancienne école financée par le gouvernement fédéral offrant de la formation aux auteurs, producteurs et réalisateurs dans les domaines du cinéma, de la télévision et des nouveaux médias. Nous sommes experts en formation. D'ailleurs, 80 p. 100 de nos diplômés travaillent dans le secteur. Neuf de nos derniers 18 longs métrages ont été produits. La politique cinématographique canadienne nous touche de très près tout comme les personnes que nous formons.
L'INAE maintient sa réputation au niveau national et international en ne cessant de consulter les professionnels clés du secteur. En vous reportant à notre rapport annuel, vous constaterez que nos administrateurs sont des stars de l'industrie cinématographique et télévisuelle. Nos anciens nous ont également aidés à mettre en place une vision qui permettra l'évolution de la politique cinématographique canadienne.
Voici nos quatre recommandations.
Premièrement, il faut que soit accordé un financement fiable et soutenu aux écoles nationales de formation. Le financement devrait être partagé par le secteur privé et le secteur public. À défaut de recherche et de financement fiable et soutenu, l'ensemble des écoles nationales de formation seront incapables de s'acquitter des tâches importantes que sont l'ajustement des programmes et des budgets et la formation d'avant-garde axée sur les marchés. Nous devons continuer à former des artistes qui sont capables de répondre aux besoins de l'industrie nationale et internationale, des diplômés qui pourront raconter des histoires canadiennes et contribuer à notre économie. Pour ce faire, nous devons savoir avec certitude que nous bénéficierons de financement de longue durée.
Il y a un collègue qui a dit que d'être dans l'une des écoles nationales de formation, c'était presque comme être politicien, sauf que nous tenons des élections tous les ans. Nous passons beaucoup de temps à recueillir les fonds dont nous avons besoin pour continuer nos activités. Je pense qu'il serait plus utile qu'on consacre notre temps aux questions de formation au Canada. Donc voilà une de nos préoccupations principales.
Actuellement, les fonds destinés à la formation sont divisés entre les ENF et plusieurs autres institutions et groupes de petite taille. Nous travaillons en étroite collaboration avec ces écoles de formation, avec l'Institut national de l'image et du son et le Centre canadien du film, et nous estimons tous qu'en consolidant le financement et la formation de l'ensemble des écoles nationales de formation, on gagnerait non seulement en efficacité mais en droits de scolarité assumés par les étudiants.
Lorsqu'il est question de nouvelles initiatives en matière de formation qui ne sont pas déjà prises en charge par les écoles nationales de formation, on devrait demander à ces écoles de faire une offre. C'est ainsi que certaines écoles pourraient assumer une nouvelle formation—un peu comme ce qui s'est passé dans les derniers mois pour le programme Déclic Prise I de Téléfilm. Téléfilm a lancé un appel d'offres, toutes les écoles de formation ont fait une offre et heureusement c'est maintenant nous qui sommes responsables de la formation dans le cadre de Déclic Prise I.
Nous estimons que ce genre de chose alimente un climat sain de concurrence entre les différentes écoles de formation. Ça permet également de raffiner les procédures de budget et de maintenir les normes d'excellence à un très haut niveau.
Malheureusement, la fin des ensembles d'avantages sociaux s'annonce pour l'ensemble des écoles nationales de formation. Étant donné que les diffuseurs sont souvent les bénéficiaires des productions canadiennes, qu'il s'agisse de cinéma, de télévision ou de nouveaux médias, il conviendrait d'instaurer un mécanisme par le biais duquel les diffuseurs verseraient une petite cotisation annuelle aux écoles nationales de formation. Les cotisations ne seraient pas aussi importantes que les ensembles d'avantages sociaux, mais contribueraient dans une certaine mesure à assurer la pérennité des programmes de formation, sans lesquels l'industrie ne pourrait pas continuer à évoluer.
Je vous dis ceci à titre de directrice générale d'un institut de formation mais également à titre d'ancienne diffuseure. J'ai travaillé comme vice-présidente d'un réseau de télévision féminin et, par conséquent, je sais quelles sommes d'argent sont dépensées pour le développement et pour les dépenses canadiennes. Tout ce que nous demandons, c'est qu'un petit pourcentage de ces sommes soit envoyé aux écoles nationales, car pour nous cela ferait toute la différence du monde et pour les diffuseurs ça ne changerait pas grand-chose.
º (1620)
Un financement garanti nous permettrait également de nous intéresser aux marchés internationaux en plus des besoins de formation. Si nous bénéficiions d'un financement à plus long terme, nous pourrions regrouper toutes les informations dont nous avons besoin pour prouver à Patrimoine canadien que l'industrie cinématographique canadienne en vaut la peine et contribue à notre économie.
Deuxième recommandation, nous devrions accorder beaucoup plus d'attention au marketing de films canadiens. Nous l'avons tous dit, et c'est logique : nous y croyons. Nous avons essayé d'identifier les moyens qui nous permettraient de le faire. Les films canadiens à gros budget commencent à bénéficier d'un budget de marketing plus important, qui n'est pas seulement assumé par les distributeurs, mais les films à petit budget font toujours face à un défi de taille.
Il y aurait peut-être lieu d'encourager les distributeurs à investir dans les films à 100 p. 100 canadiens en leur proposant des formules de recouvrement plus avantageuses pour leurs imprimés et leur publicité.
De plus, si le prix des licences des diffuseurs canadiens diffusant ces films était augmenté, ça encouragerait les distributeurs à accepter les films canadiens.
Il faut également que les films canadiens passent plus longtemps dans les cinémas au pays. Nous ne pouvons pas demander aux Canadiens de connaître nos films s'ils ne passent que pendant une journée et demie!
Troisièmement, nous devons accorder plus d'attention à la formation axée sur les marchés, sans toutefois exclure le cinéma d'art. Nous mettons maintenant l'accent sur le fait qu'il est important que les films produits attirent un public; dans les écoles nationales de formation, nous sommes maintenant devenus experts en la matière. Dans le cadre de notre formation, nous traitons de l'aspect créatif de l'industrie mais également de l'aspect business. Nous expliquons comment rédiger un scénario et créer un film qui attirera un maximum de personnes. Il faut donc qu'on mette l'accent là-dessus sans évidemment perdre de vue l'importance du cinéma d'art, source de tous les nouveaux talents et de toute la créativité de ce pays. Nous les aimons bien, ces jeunes gens créatifs.
Quatrièmement, nous devons accorder plus d'attention aux artistes des médias émergents et aux producteurs au Canada. Après tout, ce sont eux l'avenir de cette industrie et nous avons confiance en eux.
La preuve, c'est le succès de notre festival du film canadien FilmExchange, qui se déroule en mars à Winnipeg. À l'Institut national des arts de l'écran, nous avons toute une série de programmes. FilmExchange, ça demande beaucoup de travail, mais en même temps on est bien récompensé. Cette année, le nombre de spectateurs a augmenté de 41 p. 100; en effet 5 000 personnes ont participé au festival.
Nous sommes le seul festival du film à 100 p. 100 canadien au pays, mais pas uniquement parce que nous passons des films canadiens. Pour les jeunes cinéastes canadiens, c'est l'occasion de diffuser leur travail—on a présenté six longs métrages et 45 courts métrages—et en plus, nous offrons toute une série de cours de maître, qui sont tellement populaires qu'on ne peut offrir de places assises. Le nombre de personnes ayant participé à ce festival indique clairement sa nécessité. C'est l'occasion pour les jeunes artistes émergents de rencontrer les artistes connus du pays.
Nous ne lâcherons pas. Notre défi principal, c'est d'obtenir du financement à long terme, mais je ne parle même pas de dix ans. Même si nous pouvions débloquer du financement sur une période de trois ans, au lieu de devoir en demander chaque année, ça changerait bien des choses dans les écoles nationales de formation, surtout à l'Institut national des arts de l'écran.
Merci.
º (1625)
La présidente: Madame Elliott, aviez-vous quelque chose à ajouter ou préférez-vous attendre les questions?
Mme Marci Elliott (directrice principale, Commercialisation, Institut national des arts de l'écran): Non, je préfère attendre qu'on pose des questions.
La présidente: Pour ce qui est de nos autres témoins, qui va prendre la parole en premier, ou allez-vous intervenir tous les deux?
Mme Shirley Vercruysse (Association de l'industrie du film de l'Alberta): Tous les deux.
Merci.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je m'appelle Shirley Vercruysse. Je suis ici aujourd'hui en ma qualité de membre du conseil d'administration de l'Association de l'industrie du film de l'Alberta connue sous le sigle d'AMPIA, en ma qualité de membre de son comité du long métrage et de productrice de cinéma indépendante.
Je suis accompagnée du producteur de cinéma indépendant George Baptist, Albertain comme moi. Ensemble, nous souhaitons vous présenter la position de l'AMPIA au sujet de la politique nationale du long métrage.
L'Association regroupe 245 membres et représente un échantillon de plus de 3 000 professionnels de l'industrie : producteurs, metteurs en scène, acteurs, auteurs, techniciens, distributeurs, radiodiffuseurs, fournisseurs et présentateurs. Ce sont eux qui animent l'Association et déterminent son mandat pour assurer la croissance de l'industrie albertaine du cinéma à tous les niveaux. Depuis 30 ans, l'AMPIA travaille assidûment pour entretenir un environnement favorable à la création et à la production de longs métrages sous le contrôle créateur et financier des Albertains.
Comme nos collègues, qui ont comparu devant vous aujourd'hui, nous estimons que les quatre objectifs de la politique du long métrage de 2000 sont pertinents et fournissent un cadre utile à l'examen des améliorations possibles de la façon dont les longs métrages sont faits, distribués et projetés au Canada. Vous trouverez dans notre mémoire, qui a déjà été remis au comité, des recommandations précises à ce sujet. Dans notre exposé, nous rappellerons les grands principes qui, à notre avis, doivent présider à la révision de la politique actuelle.
M. George Baptist (Association de l'industrie du film de l'Alberta): L'industrie canadienne du long métrage est une industrie essentielle à la culture. Elle donne au public canadien l'occasion de voir des films faits à partir d'un point de vue canadien. C'est une digue contre une influence culturelle étrangère déferlante. Pour que notre industrie continue d'avoir de la pertinence et puisse croître et prospérer, il faut que nos films soient vus par les Canadiens au cinéma, sur DVD ou à la télévision.
Actuellement, les longs métrages de langue anglaise n'attirent pas le public qu'ils méritent comme plusieurs vous l'ont déjà dit. Pour faire recette, il nous faut des scénaristes, des producteurs, des metteurs en scène, des cinéastes, des acteurs et des techniciens de premier plan. Il nous faut un ensemble complet de programmes et d'initiatives de tous les ordres de gouvernement ainsi que du secteur privé afin de soutenir tout le potentiel du secteur. Les cinéastes canadiens doivent pouvoir produire des films à gros budget d'une qualité de production de premier ordre et possédant des éléments de commercialisation reconnaissables, mais il faut aussi être capables de faire des films à petit budget avec les moyens du bord et tout ce qui peut s'imaginer entre ces deux extrêmes. Il faut encourager et promouvoir nos films pour que nos cinéastes puissent grandir et gravir les échelons. Nos jeunes talents doivent être bien formés et avoir l'occasion de travailler à tous les niveaux de la production cinématographique.
Mme Shirley Vercruysse: Le principal instrument de l'application de la politique nationale du long métrage est Téléfilm Canada. L'AMPIA appuie vigoureusement le renforcement et la croissance des bureaux de Téléfilm dans toutes les régions. Le bureau de l'Ouest assure des services essentiels aux Albertains.
Dans notre mémoire, nous formulons des recommandations précises au sujet du Fonds du long métrage du Canada, notamment d'inclure les longs métrages documentaires aux projets admissibles au financement, d'augmenter le financement des projets régionaux, de mieux équilibrer les budgets de performance et d'enveloppes sélectives, d'accorder un recrutement préférentiel aux producteurs et d'augmenter le financement de Téléfilm pour embaucher et former des spécialistes de la commercialisation. Chacune de ces recommandations permettra de créer une politique du long métrage plus inclusive et plus efficace.
L'appui accordé par Téléfilm au long métrage doit continuer de reposer sur le concept qu'il faut récompenser les cinéastes qui ont du succès tout en reconnaissant que les oeuvres majeures proviennent de tous les horizons. Les entrées au guichet ne sont qu'un indicateur parmi d'autres. Il faut doser les fonds entre la performance et le sélectif, entre le national et le régional.
M. George Baptist: L'élément clé qui détermine le succès est, encore une fois, l'auditoire. Pourquoi est-ce si difficile pour les longs métrages canadiens anglais d'attirer un auditoire? L'AMPIA est d'avis que pour répondre à cette question, il faut revoir et analyser tout le modèle de distribution et de présentation. Dans notre mémoire, nous discutons des questions qu'on pourrait examiner et nous proposons également des pistes de solution.
L'AMPIA est d'avis que toutes les parties intéressées doivent miser davantage sur la mise en marché, la promotion et la présentation de longs métrages canadiens. Si Téléfilm analyse un plan de mise en marché d'un distributeur et l'autorise à aller de l'avant, alors Téléfilm doit exiger du distributeur qu'il rende compte de son plan. Les diffuseurs doivent être encouragés à diffuser des films canadiens, et les réalisateurs doivent avoir accès à du financement pour les aider à vendre leurs films au Canada et à l'étranger.
º (1630)
Mme Shirley Vercruysse: La plupart des recommandations et des suggestions que nous avons faites ne pourront être réalisées que par le biais d'un financement accru. L'AMPIA reconnaît que les fonds publics destinés à la réalisation de films sont limités et que le secteur privé n'est pas vraiment encouragé à investir dans le développement et la production de longs métrages. Nous devons donc nous tourner vers d'autres méthodes de financement pour faire croître notre industrie. L'AMPIA recommande fortement de revoir le manque d'incitatifs pour l'investissement privé dans l'industrie du cinéma. Nous sommes persuadés qu'il faut développer un mécanisme pour encourager le secteur privé à investir pour compléter l'investissement public.
Nous sommes d'avis que l'industrie du cinéma canadien a aujourd'hui un système de poids et de contrepoids qui pourrait encourager davantage l'investissement privé sans menacer la valeur de l'investissement public. Nous pourrions éviter les problèmes liés aux abris fiscaux qui existaient auparavant, mais l'introduction de mécanismes favorisant l'investissement privé ne doit pas se traduire en un méli-mélo de structures fiscales complexes et d'abris fiscaux bizarres. Tout nouveau mécanisme devra être clair, précis, efficace et s'aligner sur le programme fédéral des crédits d'impôt.
L'objet principal doit être d'encourager la production de films canadiens, et non d'embaucher une armée d'avocats fiscalistes, de comptables et de spécialistes en capital de risque. Ce doit être un système qui ne nuit pas aux petites productions ni aux petits producteurs. Le système doit s'imbriquer avec les multiples mécanismes de financement régionaux. Les méthodes de financement des producteurs devraient se compléter mutuellement et non toujours s'annuler mutuellement.
En conclusion, la politique cinématographique doit avoir une vision globale de l'industrie du film au Canada. Elle doit encourager et promouvoir les cinéastes à chaque étape et attirer des auditoires au Canada et à l'étranger. Si nous voulons atteindre ces objectifs, nous devrons élargir le système actuel et chercher de nouvelles méthodes pour financer la distribution et la présentation.
Le Canada peut être fier de ses films, très fier même. Nous devons nous assurer que cette industrie culturelle ait un avenir prometteur.
Au nom de l'AMPIA, je vous remercie chaleureusement de nous avoir accordé l'occasion de vous parler en personne. Nous avons hâte de discuter avec vous.
La présidente: Merci beaucoup.
Vous allez commencer, monsieur Brown? Parfait.
M. Gord Brown (Leeds—Grenville, PCC): Oui. Merci, madame la présidente.
Nous avons entendu ici deux groupes, et je vais donc aller de l'un à l'autre. Tout d'abord, l'Institut national des arts de l'écran. Je pense que l'un des principaux défis consiste à intéresser les jeunes à ce secteur d'activité. J'ai un neveu qui a 12 ans; il habite à Toronto et il passe beaucoup de temps à se renseigner sur l'industrie du cinéma. Nous devons tenir des audiences à Toronto cette semaine et je vais peut-être lui faire faire l'école buissonnière pour qu'il sache ce que nous faisons. J'ai l'impression qu'en dehors de Toronto et des grandes villes, le cinéma n'intéresse guère le milieu éducatif, en particulier au niveau primaire, mais même au niveau secondaire et postsecondaire. En dehors de quelques grandes villes canadiennes, on ne propose pas aux jeunes de s'y intéresser.
Comment pourrait-on remédier à cette situation et intégrer davantage le cinéma aux programmes d'enseignement dans l'ensemble du Canada?
Mme Susan Millican: Voilà une réflexion intéressante. En 1986, nous avons lancé un programme intitulé Movie Camp, qui visait exclusivement à former les jeunes. Pendant l'été, nous proposions un programme de formation sur la façon de réaliser un film. Nous avons constaté qu'à l'exception du Nord canadien et des très petites villes, les enfants avaient déjà appris tout cela à l'école, à tel point que notre camp de cinéma était en quelque sorte redondant.
Je pense qu'on se tromperait en disant que des villes comme Winnipeg, Saskatoon et Regina ne forment pas leurs jeunes à la production de films et de vidéos. C'est le contraire qui est vrai. Nous avons constaté que les besoins en formation concernaient d'autres groupes de jeunes, et pour remplacer le camp sur le cinéma, nous avons mis au point un programme de formation de jeunes Autochtones.
Nous avons actuellement deux projets concernant les Autochtones. Le premier est en cours actuellement; nous avons choisi 12 jeunes scénaristes, producteurs et metteurs en scène autochtones, auxquels nous avons proposé une possibilité de formation de classe internationale : ils suivent d'abord un mois de cours, et font ensuite un stage en emploi de trois mois, et ils sont rémunérés pendant les quatre mois. À l'Institut national des arts de l'écran, nous avons considéré qu'il y avait une lacune dans ce domaine et que seuls les jeunes des écoles ordinaires recevaient de la formation.
L'autre projet autochtone que nous avons élaboré s'adressait aux scénaristes, producteurs et metteurs en scène autochtones canadiens déjà reconnus, des gens qui avaient déjà obtenu un certain succès au Canada, mais qui n'avaient jamais pu faire valoir leurs oeuvres au niveau international. Nous en avons sélectionné un groupe qui a pu se rendre en Australie et en Nouvelle-Zélande pour faire de la promotion et rechercher des perspectives de coproduction. Marci faisait partie du groupe. Grâce à cette mission, certains d'entre eux ont pu réaliser des coproductions.
Au cours de notre festival du film dont j'ai parlé tout à l'heure, le mois dernier, nous avons fait venir des délégués autochtones, aborigènes et maoris à Winnipeg, où ils ont été très appréciés. Des gens comme Cliff Curtis, la vedette de Whale Rider, Blow et Collateral Damage, sont venus à notre festival et participé à tout ce bouillonnement autochtone. Ce fut une merveilleuse expérience.
Mais je comprends votre raisonnement, car lorsque je suis arrivée l'Institut national des arts de l'écran, je pensais moi aussi que de très nombreux enfants avaient besoin de formation—et j'ai moi-même des enfants qui sont plus âgés que les vôtres. Tous ces enfants ont grandi en se servant de caméras vidéo. Ce sont eux que nous souhaitons maintenant faire participer à notre programme Drama Prize. Une fois qu'ils ont terminé leurs études secondaires, comme votre neveu, et qu'ils savent se servir d'une caméra, il faut leur apprendre comment faire un court métrage.
Le festival du film proposait également un autre programme intitulé National Exposure, qui s'adresse à des jeunes comme votre neveu ou à tous ceux qui n'ont jamais fait de film, même si ce ne sont plus des enfants. Nous avons eu plus de 500 inscriptions l'année dernière, des gens venus de toutes les régions du pays, qui sont allés dans ces petites...
º (1635)
Mme Marci Elliott: En fait, notre but est d'informer les jeunes, par le biais des établissements scolaires, des possibilités existantes. Nous avons effectué des recherches afin de découvrir quels établissements postsecondaires au Canada, ainsi que des écoles secondaires qui, vers la fin du secondaire, offrent des... Mais c'est une préoccupation moins grande aujourd'hui, car cela ne fait pas vraiment partie de notre mandat actuel.
Nous avons communiqué avec certains collèges et universités pour savoir lesquels offrent des programmes de cinéma et d'arts de la création. Lorsque nous avons été autorisés à le faire, nous avons donné des présentations sur l'INAE et avons demandé aux étudiants de soumettre des projets pour nos concours National Exposure ou Drama Prize, ou les deux. Nous avons enfin bouclé la boucle. Mais si, par exemple, nous avions davantage de ressources, nous pourrions travailler à beaucoup plus grande échelle.
Nous avons donc communiqué avec ces établissements d'enseignement. Leurs étudiants ont participé au concours National Exposure pour le meilleur vidéoclip de cinq minutes. C'est normalement l'auditoire qui choisit le clip le plus populaire, et le gagnant reçoit un prix. Mais avant que le prix ne soit décerné, les finalistes font l'objet d'une présélection, qui détermine ensuite la liste restreinte. Il y a 12 finalistes qui réalisent un court métrage amateur. Cela peut leur ouvrir la porte au programme de court métrage à l'Institut national des arts de l'écran. Ils auront donc un produit tangible entre les mains.
Ils savent comment réaliser un film. Notre site Web offre des pistes de formation. Ce sont des conseils de base, mais ça complète le tout.
À mon avis, étant donné l'existence des mécanismes d'éducation et des établissements qui offrent des programmes, il doit y avoir une façon de rassembler ces éléments pour que les étudiants puissent transiter vers les écoles nationales de formation. Là, ils acquerraient de l'expérience et sortiraient avec un produit en main, que ce soit un court métrage ou un projet prêt à être réalisé.
º (1640)
M. Gord Brown: Je m'intéresse au soutien du secteur privé, puisque cela pourrait être une façon pour vous en ce moment d'encourager...
Mme Susan Millican: Comme je l'ai déjà mentionné, notre conseil d'administration est hors pair, et il travaille très fort pour obtenir des fonds pour nous. Actuellement, 50 p. 100 de notre financement provient du secteur privé. Il s'agit de CanWest Global, Radio-Canada—qui, j'en conviens, n'est pas vraiment du secteur privé—CTV, Alliance Atlantis, Warner Brothers, Lions Gate, etc., mais notre financement vient surtout du fonds.
Nous avons reçu une somme d'argent très généreuse de CanWest Global lors de l'acquisition de WIC. CanWest nous a généreusement fait un don encore cette année, mais nous sommes passés de 250 000 $ par année à 30 000 $.
Cette baisse a un impact direct sur la formation que nous pouvons offrir. C'est pourquoi nous avons suggéré, entre autres, que s'il y avait une autre façon dont les diffuseurs—mes amis dans l'industrie de la diffusion m'étrangleraient s'ils m'entendaient parler comme cela—pourraient donner aux écoles nationales de formation une partie des dépenses qu'ils doivent faire pour les productions canadiennes, puisqu'ils doivent dépenser x millions de dollars... Au lieu de dépenser toute cette somme pour des productions, s'ils pouvaient en donner un petit pourcentage aux écoles nationales de formation, ils pourraient remplacer en partie l'argent qu'on ne recevra plus. En effet, même si les diffuseurs sont généreux, il n'est pas réaliste de penser qu'ils vont nous donner autant d'argent s'ils ne sont pas obligés de le faire.
Et nous explorons de nouvelles possibilités. Marci travaille très fort dans le domaine des nouveaux médias, elle cherche d'autres sources de revenu, et elle essaie de trouver de nouvelles idées qui pourraient nous aider à obtenir de l'argent.
M. Gord Brown: Merci.
Quelqu'un d'autre va devoir poser cette question à nos amis de l'Alberta.
Mme Susan Millican: Merci pour vos questions, qui sont très bonnes.
[Français]
La présidente: Monsieur Kotto.
M. Maka Kotto: Merci, madame la présidente.
Mme Millican parlait tout à l'heure de marketing relativement à la distribution. Il faut encourager la distribution par différents moyens, essentiellement financiers. Il faut trouver un public et l'amener à voir ce cinéma qui n'est plus à l'affiche après une semaine ou deux s'il n'a pas atteint les objectifs de recettes escomptés. Or, on entend beaucoup de gens du milieu depuis un moment déjà, mais personne ne met l'accent sur ce public.
Le public anglophone se présente à mes yeux comme un public déjà aliéné aux productions américaines parce que ce sont des productions qui ont façonné la psyché de plusieurs générations. Les enfants ont hérité des références de leurs propres parents. Pendant ce temps, il n'y a pas eu grand-chose à introduire dans l'imaginaire de cette génération de relève.
Ne serait-il pas avisé de mettre les enfants face à l'imagerie canadienne dès la petite école? Si oui, que pouvez-vous suggérer sur ce plan? En effet, un public se façonne. Cela prend du temps. C'est un peu comme un arbre rare en forêt aujourd'hui, compte tenu de la difficulté de rivaliser avec les Américains. Donc, est-ce une idée farfelue que de penser à former le public à partir de la maternelle, par exemple?
[Traduction]
Mme Marci Elliott: Oui, je crois que cela devrait se faire. Il y a deux ou trois commentaires que je voudrais faire. D'abord, il y a eu de très bonnes recherches au Québec qui ont démontré que ce sont les gens de ma génération, de mon âge, qui préfèrent les films américains. Ce ne sont pas les adolescents ni les jeunes adultes. Nous avons grandi au moment de l'explosion de la culture américaine et des films américains, et nos préférences sont fortement influencées par cela. Les jeunes adultes n'ont pas subi ces mêmes influences et ils représentent un auditoire potentiel très intéressant pour les films, la télévision et la culture canadienne. Il y a là un très grand potentiel.
Deuxièmement, le Québec a très bien su préserver sa culture. Cette culture est léguée d'une génération à l'autre. Les jeunes y sont plongés dès leur naissance. Les Québécois ont beaucoup de respect pour leur culture canadienne française, et le Canada anglais doit envisager des moyens pour appliquer ce modèle chez nous.
Comme je viens du secteur privé, je vais employer une analogie avec laquelle nous sommes tous familiers : le joyeux festin de McDonald. La compagnie a lancé le joyeux festin pour attirer la loyauté des très jeunes enfants, qui deviendraient plus tard des consommateurs assidus des produits de McDonald et qui inculqueraient les mêmes habitudes à leurs enfants. C'est un cycle qui s'entretient.
Il faut appliquer le même principe à la culture canadienne au Canada anglais, mais on doit d'abord la reconnaître. On ne peut pas s'attendre à ce que les gens commencent à s'y intéresser quand ils sont déjà adultes. Il faut commencer très jeune. Il faut stimuler cet intérêt dès le début, à la maternelle, à l'école primaire, etc. Dans les écoles où on fait cela, même ici à Winnipeg, on voit que les jeunes qui ont été exposés à la culture canadienne tout au long de leurs études assistent nombreux à nos festivals et à nos films amateurs. C'est juste qu'il faut généraliser cela.
Nous devons examiner notre système d'éducation et voir comment l'utiliser pour faciliter l'épanouissement de la culture, puisque nous savons pertinemment que la culture a beaucoup de retombées sur les plans économique et intellectuel. Elle permet au Canada de conserver le capital intellectuel mais aussi de mettre en vedette notre identité et nos réalisations, de montrer que nous sommes à la fine pointe dans le domaine de la culture, que nous sommes distincts et que nous avons beaucoup de créativité.
º (1645)
[Français]
M. Maka Kotto: Je suis nouveau dans ce cercle. L'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui a probablement déjà été fait par le passé.
À quel rythme voyez-vous ce genre de consultations, étant donné le caractère instable des enjeux culturels mondiaux aujourd'hui? Je dis cela à la lumière, par exemple, de ce qui se passe à l'UNESCO avec l'avant-projet de convention internationale concernant la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques.
Est-ce que vous pensez que ce genre de consultations devrait avoir lieu souvent, et à quelle fréquence? Il s'agit là d'un contact avec le milieu.
[Traduction]
Mme Marci Elliott: Oui, je pense qu'il faut en parler constamment. Il n'est pas réaliste de...
Je veux m'assurer que je comprends bien votre question, mais si vous me demandez si nous...
[Français]
M. Maka Kotto: Le sens de ma question est inspiré par une réalité mouvante, instable, où Hollywood domine, avec 85 p. 100 des recettes mondiales en matière de cinéma et de musique. Ils en veulent plus.
J'évoque cela parce la convention, si convention il y a, entrera en vigueur au mois d'octobre 2005 pour protéger les expressions culturelles et nationales à l'intérieur même des nations et entre les nations. Cela va nous amener dans une autre configuration de la situation, où tout ce qui est dit aujourd'hui sera peut-être remis en cause. C'est pourquoi je pose la question.
Dans cette perspective instable, est-ce qu'il est nécessaire de se voir souvent pour réactualiser, pour adapter nos approches, nos visions?
[Traduction]
Mme Susan Millican: Pour moi, il ne s'agit pas de légiférer pour obliger les gens à regarder les films canadiens. Je pense qu'il faut amener les gens à vouloir regarder nos films, afin que des jeunes Canadiens soient fiers que le film qu'ils sont en train de regarder est réalisé par des Canadiens, qu'il leur raconte une histoire canadienne. Je ne crois pas qu'on puisse imposer cela aux gens.
M. George Baptist: Je vous donnerai comme exemple un film que la plupart des gens n'ont pas nécessairement vu mais qui a été réalisé en Alberta. Il s'intitule Fubar. C'est un film qui n'est pas passé par la filière habituelle. Il a été conçu et réalisé indépendamment par trois jeunes gens. Ils l'ont vendu à un distributeur, qui l'a distribué à l'échelle nationale. Le film a beaucoup plu aux jeunes Canadiens qui se sont retrouvés dans le thème et dans l'histoire racontée. Ils se sont identifiés avec ce qu'ils voyaient. Le fait que le film était une production canadienne leur était, j'en suis sûr, d'une importance secondaire.
À mon avis, il est essentiel non seulement que les enfants et les jeunes apprennent à comprendre les films et le langage des films, mais aussi qu'ils puissent les voir naturellement, comme on voit d'autres films. Je ne m'attends pas à ce que les jeunes un jour recherchent volontairement des films canadiens, mais il est fantastique d'entendre dire « J'ai aimé ce film, il est canadien, il est excellent »—mais tout d'abord « J'ai aimé ce film ».
º (1650)
Mme Susan Millican: Vous l'avez dit beaucoup plus éloquemment que moi, mais nous voyons cela dans la formation que nous donnons, où nous prenons ces jeunes et travaillons avec eux sur leurs scripts jusqu'à la réalisation du film. Shirley dirigeait anciennement un de nos programmes de longs métrages, où elle a fait un travail brillant. Nous avons eu, et nous continuons d'avoir, beaucoup de succès. Notre dernier grand succès s'intitule Seven Times Lucky, qui a découlé de notre programme Features First. Il a été voté un des dix meilleurs films au Festival Sundance l'an dernier. On vient de le mettre sur les écrans ici; c'est un très bon film, et c'est canadien.
Je ne crois pas que cela puisse continuer, à moins de poursuivre nos investissements dans le jeune talent. Ils seront toujours en concurrence; nous serons toujours en concurrence avec les Américains, et il faut donc investir le temps et l'énergie nécessaires dans ces jeunes Canadiens, afin qu'ils puissent réussir et contribuer à notre économie.
La présidente: Question d'être juste, je donnerai la parole maintenant à M. Angus.
[Français]
M. Maka Kotto: Oui, mais je n'ai pas eu de réponse à ma question.
[Traduction]
La présidente: Je vais revenir à vous, Maka.
Monsieur Angus.
M. Charlie Angus: Merci.
Vous avez fait deux excellentes présentations. Comme je n'ai que cinq minutes, je vais me concentrer sur les recommandations d'AMPIA, qui m'intéressent et m'interpellent.
Ma question porte sur l'objectif de qualité no 3, qui dit que Téléfilm devrait avoir les ressources nécessaires pour recruter et former des agents de commercialisation qui connaissent bien le marché. Je constate, cependant, qu'il n'y a pas du tout d'argent prévu pour la commercialisation dans l'ouest du Canada. Il faut avoir des connaissances bien poussées si on veut commercialiser des films sans y mettre de l'argent.
Mme Shirley Vercruysse: Ce que nous voulons dire par là, c'est que ce qui se passe invariablement lorsque nous vendons nos productions, au tout début, pour pouvoir obtenir de Téléfilm un financement exigeant plus d'un million de dollars, parce qu'il y a quatre ou cinq... Je suis par exemple en train de faire la préproduction d'un film de 8 millions de dollars. Nous devons pouvoir fournir le plan de commercialisation de notre distributeur, et ce plan doit préciser que le scénario, la combinaison de tous les éléments, sont tels qu'à notre avis, nous pouvons réaliser un chiffre d'affaires d'un million de dollars au Canada. À ce moment-là, le plan est envoyé à Téléfilm qui en fait l'évaluation.
En toute déférence, je connais bien les gens de Téléfilm et je les respecte, j'ai beaucoup travaillé avec eux, mais je dois également vous dire que ces gens sont inondés de travail. Ils sont tellement occupés, on s'attend d'eux qu'ils soient à la fine pointe et qu'ils puissent analyser ces plans de commercialisation et nous donner un feu vert ou un feu rouge, que sais-je encore. Honnêtement, je ne crois pas qu'ils aient les compétences nécessaires et je ne crois pas non plus qu'il y ait à Téléfilm suffisamment de gens ayant les compétences voulues. Il y a un type à Toronto qui a travaillé jadis pour une compagnie de distribution, et c'est principalement à lui qu'il faut s'adresser pour évaluer ces plans de commercialisation. Il y a au Canada deux femmes, qui ont travaillé jadis pour des distributeurs et qui agissent maintenant en tant qu'expertes en marketing. Il y en a peut-être d'autres encore, mais ce sont les deux seules que je connaisse. Mais elles ne travaillent pas pour Téléfilm. Elles travaillent à la demande. N'importe quel producteur peut les engager pour qu'elles lui fassent également un plan de commercialisation.
Ce que nous voulons dire par là, c'est que si Téléfilm veut pouvoir évaluer les plans et faire partie du processus, il faut que cet organisme ait les compétences nécessaires pour le faire et le faire bien.
M. Charlie Angus: Mon propos ici, c'est que je cherche un dispositif qui devrait permettre aux investisseurs privés d'investir dans des longs métrages. Vous voulez dire que cela n'existe pas pour l'instant?
º (1655)
M. George Baptist: Il y a bien quelque chose—ce n'est pas vraiment un dispositif, il y a bien des investissements privés. Il n'y a rien qui oblige à refuser un investissement privé dans le domaine cinématographique. Les investisseurs privés sont toujours libres d'investir dans un long métrage canadien. Jadis, s'il y avait investissement privé, il n'était pas possible de demander un crédit d'impôt fédéral. Mais cette restriction vient d'être levée, de sorte que nous pouvons effectivement solliciter les investissements privés. Mais il n'y a rien de plus qui encourage les capitaux privés à affluer dans cette industrie qui est extrêmement coûteuse et qui présente des risques très élevés.
Nous avons créé des dispositifs pour l'industrie du pétrole et du gaz et pour d'autres industries aussi, des dispositifs qui permettent aux investisseurs de franchir l'obstacle le plus facilement, c'est-à-dire voir l'industrie cinématographique canadienne en se disant pourquoi diable investir là-dedans? Trente pour cent seulement des films américains produisent des bénéfices, même si nous devons supposer que ce chiffre est supérieur à cela en réalité. Au Canada, on fait de moins en moins de films. Nos chances de produire un film à grand succès et de récupérer notre investissement sont d'autant plus faibles. Il faut que nous ayons la possibilité, par un genre d'abri fiscal ou autre, d'attirer l'attention des investisseurs sur nos projets afin qu'ils voient un certain intérêt à l'éventualité d'un investissement...
M. Charlie Angus: En voyant cela, si j'avais à investir dans un film de huit millions de dollars—je ne sais pas, vous voudriez peut-être que j'investisse deux ou trois millions de dollars—il faudrait que je sois dingue pour investir dans un film canadien. S'il faut aller à Téléfilm et passer par cette personne qui va peut-être regarder le plan de commercialisation, et ensuite, comme nous l'avons déjà entendu lors d'autres séances, aller voir des distributeurs qui n'ont pas de plan de marketing pour faire passer ce film... S'il n'y a pas de stratégie du secteur privé pour commercialiser ce film... si j'investis trois millions dans l'industrie du disque, je pourrais acheter Billy Talent tout rond et engager Shania Twain comme choriste, leur faire faire le tour du monde pendant cinq ans et engranger un bénéfice phénoménal. Comment pourrais-je espérer un bénéfice s'il n'y a pas de plan de commercialisation sérieux? Faut-il que le secteur privé défonce la porte afin de pouvoir le faire?
Mme Shirley Vercruysse: Puisqu'il s'agit de plans de commercialisation, si Téléfilm avait les compétences et s'il y avait là du personnel à la hauteur, ce serait faisable.
Pour parler des investisseurs privés, à l'heure actuelle, nous pouvons toujours obtenir des préfinancements, ce que nous faisons d'ailleurs déjà. Il y a des Américains qui offrent des préfinancements, mais l'intérêt qu'ils prélèvent, et qui est leur bénéfice, est pris sur nos budgets. Ces gens existent, ils nous prêtent de l'argent, mais ils exigent des garanties à n'en plus finir. Ils existent et ils le font parce qu'ils voient bien qu'ils peuvent en tirer un bénéfice.
Cela dit, je ne suis pas vraiment à la fine pointe de la chose, mais que je sache, au Québec, la FIDEC offre ce genre de préfinancement. À ma connaissance, la FIDEC va commencer à s'implanter hors du Québec. S'il y avait au Canada des gens prêts à offrir des préfinancements, cela nous aiderait beaucoup parce qu'ils comprennent bien le système dans lequel nous travaillons.
Il faut que je vous dise que lorsqu'on travaille avec une compagnie américaine qui investit dans un long métrage... Il faut qu'elle apprenne très vite. On nous demande toujours comment fonctionne ce machin, Téléfilm.
Mais ils sont ici, ils travaillent déjà au Canada. Les types avec lesquels nous travaillons ont déjà investi dans un ou deux autres films cette année. Ils voient un créneau et ils en profitent. Nous ne sommes pas obligés, mais si nous faisons cela, c'est parce que c'est la seule façon de boucler notre financement. Mais cela nous prive également d'une partie de notre budget, ce qui nuit à tout le monde, non? Il faut plus d'avocats, plus de ceci, plus de cela. Mais c'est là où nous en sommes.
Je pense donc que si la FIDEC s'implantait à l'extérieur du Québec et si nous pouvions commencer à travailler avec elle, ce serait fantastique. Je ne sais pas si c'est la solution et s'il y en a une autre.
M. Charlie Angus: Mais j'imagine qu'il y a également la question—où trouver ces compétences externes? À mon avis, l'idée de s'adresser à un organisme fédéral pour faciliter la mise en marché...
Mme Shirley Vercruysse: Je suis on ne peut plus d'accord avec vous—si c'est possible.
Ce que nous essayons de faire en mettant quelques-uns de nos oeufs dans ce panier, ce n'est pas seulement faire de la provocation, c'est simplement d'essayer de dire que nous avons un bon système, un système qui nous aide, qui nous aide en nous donnant des garanties, mais que nous avons quand même certains problèmes, alors n'essayons pas de continuer à chercher des solutions comme nous l'avons fait jusqu'à présent, regardons un peu plus loin. Qu'il s'agisse de Téléfilm ou de l'accès à Téléfilm, il faut plus de moyens pour Téléfilm qu'il s'agisse d'un spécialiste du marché qui serait engagé à l'extérieur ou de quelqu'un qui est en poste.
» (1700)
M. Charlie Angus: Je vous remercie.
Mme Shirley Vercruysse: Mais de rien. Merci à vous.
La présidente: Merci.
Madame Bulte
L'hon. Sarmite Bulte: Merci à tous d'être venus cet après-midi.
Je vais d'abord poser ma question à l'Institut national des arts de l'écran. Vous dites que votre financement—non, vous n'avez pas dit d'où venait votre financement. Vous affirmez être une école nationale. Est-ce que vous recevez des fonds de RHDCC, du ministère du Patrimoine canadien ou des deux ministères? Vous n'en recevez pas du Fonds de financement de longs métrages canadiens.
Mme Marci Elliott: Nous recevons de l'argent de Téléfilm Canada. Nous avons quatre principaux programmes. Chacun correspond à une demande distincte pour des sommes qui proviennent du Fonds de financement de longs métrages canadiens. Une partie vient de l'élément marketing international puisque nous avons un programme de marketing international. De plus, notre festival est financé par le Fonds de financement de longs métrages canadiens. Avec le programme-vitrine et les quatre programmes clés, il y en a deux qui sont financés par le Fonds de financement de longs métrages canadiens, ce qui fait trois, au total.
L'hon. Sarmite Bulte: Pourquoi ne recevez-vous pas d'argent du Fonds national de formation, comme l'École nationale de ballet?
Mme Marci Elliott: Nous recevons aussi de l'argent de ce fonds. En outre, nous faisons une demande distincte à RHDCC, je sais que cela fait beaucoup de formules à remplir, pour le financement de l'élément communication avec la jeunesse de notre festival, ce qui représente une somme d'environ 60 000 $. Je le répète, cela représente énormément de travail. Il faut le redemander chaque année. D'une année à l'autre, on ne sait jamais si on l'obtiendra ou pas. C'est comme la roulette russe : on ne sait jamais si un programme marchera ou pas.
Certaines de nos initiatives d'échanges culturels internationaux, par exemple les routes commerciales, sont financées grâce à Patrimoine canadien, mais il y a aussi le projet de RHDCC pour les jeunes Autochtones, pour lequel nous sommes passés par le guichet unique autochtone. De RHDCC, pour cela, nous avons reçu un peu plus de 100 000 $. Ce sont toutes des demandes distinctes, un tas d'autres formules à remplir, et cela, chaque année. Chaque fois que nous mettons en marche ce programme, et parfois plus d'une fois par année, il faut tout refaire. C'est pire s'il y a quelqu'un de nouveau pour étudier notre dossier. Or, ce que j'ai vu, c'est qu'en trois ans, trois personnes différentes se sont occupées du festival de communication auprès des jeunes. Même si nous présentons notre demande tôt, il nous a fallu chaque fois mettre la personne qui en était saisie au courant de notre dossier. Tout est dans le dossier, c'est entendu, mais si la personne n'est pas obligée de le lire, elle ne le fera pas, on le comprend. Nous savons tous que cela représente beaucoup de travail.
Il devrait y avoir une meilleure façon de procéder, plutôt que de toujours remplir cette paperasse, toujours avoir à dire les mêmes choses à une nouvelle personne qui s'occupera du dossier, pour l'aider à comprendre. Nous venons de terminer le breffage de quelqu'un de nouveau, la dernière fois que nous avons eu ce programme. Le programme n'a pas tellement changé, mais c'est la personne responsable de notre dossier qui est nouvelle, et nous faisons encore une fois une demande. C'est un processus vraiment étonnant.
L'hon. Sarmite Bulte: Je répète ma question : Pourquoi n'obtenez-vous pas un financement de base pour votre école nationale?
Mme Marci Elliott: Nous obtenons un financement de base, mais cela ne représente qu'une partie du budget.
Mme Susan Millican: Nous consacrons plus de 2 millions de dollars par an à la formation.
Mme Marci Elliott: Sur cette somme, 45 p. 100 provient du financement de base.
L'hon. Sarmite Bulte: J'ai une autre question. Vous avez parlé d'améliorer vos relations avec les secteurs public et privé, pour ce qui est des commandites. Quand vous dites recevoir de l'argent du secteur privé, est-ce qu'il s'agit notamment de dons de particuliers? Est-ce un marché où vous êtes présents ou s'agit-il uniquement de dons de sociétés?
Mme Susan Millican: Pour l'instant, il ne s'agit que de dons de sociétés, mais l'an prochain, pour notre 20e anniversaire, nous songeons déjà à créer un fonds de dotation.
L'hon. Sarmite Bulte: Il existe des fonds de dotation dans le cadre du programme Un avenir en art. C'est là-dessus que porte ma question. Avez-vous eu accès à ces fonds, ces fonds de contrepartie? Je sais qu'il y a eu des problèmes lorsque l'École nationale de ballet a voulu obtenir des fonds de contrepartie alors qu'elle bénéficiait déjà de financement en vertu du programme des écoles de formation.
» (1705)
Mme Marci Elliott: C'est ce que nous essayons de faire. En fait, les négociations aboutissent. Nous avons cerné un donateur privé qui, nous l'espérons, nous offrira une somme d'argent considérable qui nous donnera un coup de pouce, mais rien n'est garanti. Encore une fois, nous nous en remettons au hasard. Ce n'est pas que nous n'avons pas monté un très bon dossier, mais plutôt que nous ne sommes pas les seuls à l'avoir fait.
J'ai même fait appel à une société professionnelle de levée de fonds, pour voir ce que ça pourrait donner. Les avantages dont on bénéficie vont disparaître, et ça, ça veut dire que des centaines de milliers de dollars dont on dispose actuellement disparaîtront du jour au lendemain. Elle n'a pas accédé à notre demande, celle de l'Institut national des arts de l'écran, car, et je résume, nous n'avons pas de capital sentimental. On n'a pas de capital sentimental parce qu'on n'a pas besoin d'un rein ni d'aide pour secourir un enfant qui meurt du cancer. Tout ce qu'on a à faire, c'est continuer à demander, voulez-vous soutenir la culture canadienne?
L'hon. Sarmite Bulte: Une de vos recommandations portait sur les quatre écoles de formation et sur le financement consolidé. Pourriez-vous nous en dire davantage?
Mme Susan Millican: Je suppose que mon explication n'a pas été très claire, j'en suis désolée. Il y a différentes façons de procéder. Il suffit de penser à toute la formation financée par Téléfilm. Je pense que cet argent devrait être donné aux écoles nationales de formation. On pourrait faire des économies si la formation était standardisée, si la formation offerte aux auteurs, aux producteurs et aux metteurs en scène était centralisée dans les écoles nationales de formation. Comme je l'ai dit, j'estime que s'il y a de nouveaux besoins en matière de formation, on devrait demander à l'école nationale de formation de faire une offre et le contrat devrait être attribué au meilleur candidat, comme dans le cadre du programme Déclic Prise 1. Les diffuseurs devraient assumer une partie des coûts de formation dans l'avenir.
Mme Marci Elliott: Ils disent qu'elle se donne à l'extérieur des écoles nationales de formation, auprès de personnes ou de sociétés indépendantes. Bien que je ne mette pas en doute la qualité de cette formation, il n'en demeure pas moins que ça morcelle le financement que nous devons tous nous partager. Plus il y a de personnes qui prétendent qu'elles assurent telle ou telle chose... Je ne mets pas en doute leur crédibilité, mais il est impossible de financer tout le monde.
Si nous avons effectivement des écoles nationales de formation qui sont censées regrouper l'expertise nécessaire, si nous sommes en mesure de démontrer, en nous appuyant sur des données et sur la situation de nos diplômés, que 80 p. 100 de nos anciens étudiants travaillent dans le secteur, et si nous sommes en mesure de démontrer à quel point nous contribuons à l'économie en effectuant des études d'impact économique, pourquoi ne financeriez-vous pas tout ça par le biais des écoles nationales de formation?
Si quelqu'un se croit bon formateur, Il devrait offrir ses services à une école nationale de formation au lieu de passer par Téléfilm qui se met alors à assurer la formation, parce qu'à ce moment-là Téléfilms dépense de l'argent qui aurait pu ou aurait dû passer par une école nationale de formation. La question fondamentale, ce n'est pas vraiment le montant d'argent mais plutôt la façon dont l'argent est dépensé.
Mme Susan Millican: Je ne prends que le cas du Ballet national. Je ne pense pas qu'une partie quelconque de la somme affectée à l'école de ballet aboutisse à d'autres petits établissements de formation du pays. Il n'y a personne à Regina qui prétende pouvoir former de jeunes ballerines et qui demandent du financement à ce fonds. En revanche, c'est bien ce qui se passe dans le cas du cinéma et de la télévision : les fonds sont fragmentés. Beaucoup de gens en reçoivent. Cela ne va pas aux écoles nationales.
Cela se fait ici parce que les gens—je ne parle pas de vous, mais des gens en général—ne comprennent pas vraiment ce que sont les écoles nationales de cinéma et de télévision. Quand on—ma famille y compris—me pose des questions, je réponds que l'Institut national des arts de l'écran s'apparente au Ballet national ou à l'École nationale de théâtre mais pour les scénaristes, les producteurs et les metteurs en scène du cinéma et de la télévision. Du coup, ils comprennent ce que je fais chaque jour.
À l'Institut national des arts de l'écran, nous avons eu beaucoup de succès, mais nous n'avons pas suffisamment pavoisé. Nos budgets ont toujours été serrés et tout l'argent va à la formation. Nous sommes dans la même situation que l'industrie du cinéma. Nous n'avons pas d'argent pour la mise en marché. Nous sommes un peu désavantagés. Il y a du bon et du mauvais.
Le bon, en ce qui concerne le Centre canadien du film, c'est qu'il est magnifiquement logé et organise un barbecue sans pareil. Le mauvais pour Wayne, c'est que malgré ses installations et son barbecue magnifique, il doit recueillir 9 millions de dollars pour le faire fonctionner. L'Institut national des arts de l'écran a son siège dans un petit bureau de la rue Arthur à Winnipeg, mais la formation se donne partout au pays, à moins que ce soit à Toronto, où c'est Shirley qui s'en occupe, ou à Vancouver. Le programme Drama Prize se donne ici, mais nous n'avons pas de bâtiment. Il y a bien une école virtuelle, mais pas de grand barbecue. L'avantage, c'est que nous n'avons pas à recueillir autant de fonds; le désavantage, c'est que les gens disent : « l'Institut de quoi? »
» (1710)
L'hon. Sarmite Bulte: Oui, j'en suis. Évidemment, j'ai entendu parler de l'École de théâtre de Montréal et de l'École nationale de ballet de Toronto, que je chéris énormément, mais je n'avais aucune idée de ce qu'était l'Institut national des arts de l'écran. Comme je l'ai dit, il a fallu en fait une Américaine, Shelley Blaine Goodman, de la chaîne Arts & Entertainment, pour m'apprendre combien vous êtes merveilleux.
Mme Susan Millican: Ne vous en faites pas. Je travaille dans le secteur de la télévision depuis l'âge de 20 ans et je ne savais pas non plus ce qu'était l'Institut avant d'en prendre la direction. C'était presque il y a trois ans. Ils essayaient de me convaincre d'accepter le poste et je disais : « Minute, l'Institut national des arts de l'écran, qu'est-ce que c'est que cela? »
L'hon. Sarmite Bulte: Il y a donc une évolution.
Mme Susan Millican: Nous avons maintenant pignon sur rue. Les gens commencent à savoir qui nous sommes parce que nous avons eu beaucoup de succès... et parce que Marci et moi sommes plutôt fortes en gueule.
L'hon. Sarmite Bulte: Dans chacun de vos exposés, vous avez parlé des manières dont on pourrait mettre à contribution les radiodiffuseurs. Je pense tout haut. Quand le Fonds canadien de télévision a été créé, les radiodiffuseurs et les télédistributeurs ont commencé à y contribuer. Le gouvernement fédéral s'est aussi mis de la partie, ce qui l'a transformé en organisme privé et public. Peut-être pourriez-vous y réfléchir. Une formule comme celle-là pourrait-elle répondre à vos besoins?
Je sais qu'au Fonds canadien de télévision, il y a une petite partie des fonds qui vont au cinéma mais y aurait-il moyen, soit au Fonds, soit au moyen d'un nouvel élément qu'il comporterait, de répondre à vos besoins? Un groupe de radiodiffuseurs a déjà pris un engagement. C'était permanent... eh bien, on ne sait pas si c'est permanent parce qu'ils ont toute discrétion. Mais le gouvernement fédéral joue effectivement un rôle ici, et cela semble être une belle réussite.
Mme Susan Millican: Absolument.
Mme Marci Elliott: Comme l'a dit Susan, établissez un pourcentage—peu importe que ce soit 0,5 ou 1 p. 100—des budgets de développement pour les diffuseurs qui y serait affecté, et faites passer ce financement par Téléfilm. Cela étant, cet argent doit aller directement à la formation. Il ne peut pas servir à l'administration ou à quoi que ce soit d'autre à Téléfilm, cet argent doit être acheminé par Téléfilm. À ce moment-là, lorsque nos diplômés quittent...
Pour utiliser la télévision comme exemple, quatre des cinq derniers diplômés de notre programme Totally Television ont obtenu des subventions de développement. Qu'est-ce qui ne marche donc pas chez les diffuseurs? Ils ont tout à gagner à pouvoir faire passer en ondes ces bouts d'essai dès leur sortie et sitôt qu'ils auront été acclamés. Il y en a déjà quelques-uns qui ont bien réussi comme Tipi Tales, Wapos Bay, etc.
Mme Susan Millican: Dans le cadre de notre programme Totally Television, nous prenons de jeunes réalisateurs canadiens—entre le moment où ils commencent à travailler et le moment où ils se sont bien établis—qui ont déjà fait quelque chose au Canada, mais qui n'ont jamais réalisé un feuilleton en 13 épisodes, et nous leur apprenons à tourner 13 épisodes.
Tous les membres de notre dernière cuvée ont décroché des subventions de développement avant de partir à Banff. Ils étaient censés aller à Banff pour faire leur publicité, mais tous avaient déjà obtenu des contrats. L'un d'entre eux en avait obtenu un de la CBC, de l'APTN—tout cela avait été une réussite éclatante.
Mme Marci Elliott: Alors pourquoi ne pourraient-ils pas faire quelque chose pour la formation? Pourquoi ne pourrait-on pas les y obliger? Ils ne vont pas aimer cela, c'est sûr, personne n'aime cela, pas vrai? Mais au bout du compte, si ce sont eux qui en profitent...
L'hon. Sarmite Bulte: Et si on songe que c'est la télévision qui alimente tout cela, on pourrait presque... J'essayais de penser à tout ce que nous avons dit au sujet de l'utilité qu'il y a de travailler ensemble.
La présidente: Vous avez déjà dépassé vos dix minutes. Pourrais-je passer à quelqu'un d'autre? Je sais que c'est frustrant, qu'il y a tellement de questions à poser, mais Mme Oda et Maka ont voulu revenir à cette question, qui a été un peu mal interprétée, j'en conviens, et le temps commence à nous manquer.
Mme Bev Oda: D'accord. Je vous donnerais bien une partie de mon temps, mais je vais me montrer un peu égoïste.
L'hon. Sarmite Bulte: Vous pourrez toujours poser vos questions après.
Mme Bev Oda: En fait, je m'interroge parce que vous avez dit que vous reconnaissiez les quatre écoles nationales—d'ailleurs, je faisais partie à l'époque du conseil d'administration de l'INAÉ lorsque cet institut devait composer avec le fait que nous n'étions pas reconnus comme une école nationale. Avez-vous jamais envisagé de vous constituer en association, de vous doter de vos propres critères minimums en matière de formation et ainsi de suite, pour en quelque sorte présenter un genre de fait accompli?
Mme Susan Millican: C'est ce que nous faisons. Nous nous sommes déjà réunis plusieurs fois—trois ou quatre fois—et nous allons aller à Ottawa ensemble pour demander la normalisation de la définition d'une école nationale et des services qu'elle doit offrir. Je pense qu'il s'agit là d'un pas en avant extrêmement important...
Mme Bev Oda: Il ne nous est pas facile de devoir nous adresser à quatre personnes différentes, alors que vous êtes les experts; vous ne voudriez pas que ce soit nous qui établissions les critères minimums et qui dictions ce qu'une formation doit comporter. Par ailleurs, peut-être faudrait-il également que cela reste ouvert, ou considéré comme tel, en ce sens que si d'autres groupes ou organismes sont disposés à respecter ces normes, ils pourraient être intégrés. Mais ce n'est qu'une suggestion de ma part.
» (1715)
Mme Susan Millican: En fait, sur le plan national, nous avons effectué...
Mme Marci Elliott: Effectivement, nous avons fait un tour d'horizon de la formation qui est dispensée au Canada. Au départ, il s'agissait d'un document interne parce que de toute évidence, nous voulions voir quels étaient les dédoublements mais aussi les carences—si les courts métrages étaient déjà couverts, nous aurions bouché les trous.
Mme Bev Oda: Je suis bien consciente du temps dont je dispose, et je m'assurerai d'avoir couvert...
L'autre élément intéressant, c'est la perte d'argent et la façon dont cela se répercuterait sur les quatre écoles nationales dans le... On vient de nous dire aujourd'hui qu'un de vos ensembles d'avantages avait été réduit de 250 000 $ à 30 000 $. Pourriez-vous nous donner une idée des répercussions de cette perte?
Je voudrais aussi vous demander—vous pourrez nous fournir les informations plus tard—quel genre de plan stratégique vous avez à part venir dire au gouvernement que vous avez besoin de trouver une façon de remplacer cet argent. Vous savez, même les agriculteurs ont été obligés de se trouver un autre travail pour compenser leur perte de revenu; ils montent un café-couette ou ils font du fromage ou autre chose.
Mais il y a des gens du secteur privé qu'on voit tout le temps. Vous savez, inscrivez-vous à cette école de radiodiffusion ou autre. Quel autre plan stratégique avez-vous pour trouver des revenus...? Cela ne vous permettra peut-être jamais de remplacer les grands ensembles d'avantages précédents, mais pour l'avenir, peut-être... Je vais vous demander de répondre à tout cela par écrit, car j'ai aussi une question pour les représentants de l'Association de l'industrie du film de l'Alberta.
On parle beaucoup de commercialisation, mais je tiens à remercier cette association pour son mémoire écrit très complet et pour toutes les suggestions qu'il comporte. Dans la dernière recommandation, il est question du FCT et de revoir les critères d'admissibilité aux subventions pour les longs métrages. Mais j'ai beau essayer de trouver des suggestions concrètes au sujet du FCT et de ses critères d'admissibilité aux subventions dans votre mémoire écrit, je ne trouve rien ou alors je suis passé à côté. Vous pourriez me montrer quelque chose de précis?
M. George Baptist: Non. L'admissibilité au programme de complément des droits de licence pour les films à long métrage, un programme créé dans le cadre du FCT pour compléter...
Mme Bev Oda: Pouvez-vous nous dire dans quel paragraphe de votre mémoire vous décrivez cela.
Mme Shirley Vercruysse: Nous disons simplement que c'était une omission. Ce n'est pas expliqué dans notre texte, mais nous pouvons vous répondre par écrit.
Mme Bev Oda: Si cela ne vous dérange pas, ce serait utile.
Mme Shirley Vercruysse: Certainement, et je peux vous expliquer en deux secondes de quoi il s'agit. Si vous demandez moins d'un million de dollars à Téléfilm, vous ne pouvez pas demander de complément au Fonds canadien de télévision, ce qui est extrêmement problématique pour la réalisation des films à petit budget. Nous vous enverrons cela.
Mme Bev Oda: Si vous voulez avoir accès à ces fonds, lors de l'évaluation, si vous avez une lettre d'autorisation de radiodiffusion, vous êtes admissible à demander à bénéficier de divers fonds, etc.
Pourquoi quand Téléfilm exige de voir vos plans de commercialisation—et nous venons de parler avec M. Angus de votre manque de ressources et d'expertise dans ce domaine—tient-il absolument à examiner ces plans de commercialisation et à en faire un élément intégral de son évaluation?
Mme Shirley Vercruysse: C'est une question à laquelle nous aimerions tous bien avoir la réponse.
Mme Bev Oda: Quelle serait votre recommandation? C'est nécessaire ou c'est inutile?
Mme Shirley Vercruysse: Je pense qu'on considère que c'est nécessaire pour avoir une référence plus tard. Quels étaient vos plans? À quoi pensiez-vous? Vous voulez que nous investissions 2 millions, 3 millions, 4 millions de dollars dans ce film. À qui s'adresse-t-il? Comment allez-vous le vendre?
Je pense que ce sont là des questions tout à fait pertinentes à nous poser et à poser à notre distributeur. Qu'est-ce que vous voulez faire de cet argent? Que va devenir ce film?
C'est simplement que...
» (1720)
Mme Bev Oda: Mon analogie serait ici que s'ils ne font pas venir le diffuseur pour lui dire à quelle heure, quel jour et quel semaine du lancement d'automne ou de la période d'établissement de la cote vous allez diffuser cette émission... Par conséquent, si d'une part, pour les émissions de télévision, le diffuseur sait si c'est vendable ou non, nous allons lui donner une licence pour lui permettre... Et c'est ce que j'avais l'habitude de faire. J'avais un projet sur mon bureau. Je téléphonais au bureau des ventes pour lui dire que j'avais ce projet, et lui demander s'il pourrait intéresser les publicitaires. Même si on ne faisait que nos frais... À ce moment-là, nous savions qu'il fallait aller défendre ce dossier pour une raison autre que financière.
Pourquoi Téléfilm exigerait-il, et je parle ici des longs métrages, une discussion approfondie sur les plans de commercialisation—où cela va-t-il être diffusé—alors qu'il ne le fait pas pour les diffuseurs? Et que recommanderiez-vous? Pour moi, il s'agit là d'un manque d'équité.
M. George Baptist: Lorsqu'on a une licence de diffuseur, il y a une condition au niveau le plus fondamental, en l'occurrence un engagement à diffuser une émission à un certain moment, à une heure de grande écoute, et combien de fois. Oui, c'est peu de choses. C'est assurément très différent de ce qu'on exige des distributeurs de longs métrages. Il ne faut pas nécessairement avoir une licence de diffuseur pour s'adresser à Téléfilm afin d'obtenir un financement pour la production d'un long métrage. Pour le FCT oui, effectivement, c'est le cas, pour pouvoir bénéficier d'un financement, de sorte que c'est à vous à avoir les licences nécessaires. Jadis, c'était le cas partout. Mais maintenant, cela ne vaut que pour les projets qui vont devant le comparatif national pour obtenir plus d'un million de dollars.
Par conséquent, tous ces grands plans de marketing qui sont présentés sont souvent considérés par les diffuseurs comme un vecteur de marketing pour eux—non, les diffuseurs. Les diffuseurs regardent plutôt... Il faut que la production prenne l'affiche à grand renfort de publicité dans cinq villes du Canada...
Mme Bev Oda: Ce que vous me dites, c'est que cela n'est pas une condition imposée par Téléfilm, c'est plutôt une condition du diffuseur pour obtenir la lettre d'approche directe?
M. George Baptist: C'est cela, et le FCT exige...
Mme Bev Oda: Mais à ce moment-là, pourquoi faut-il que ce soit les gens de Téléfilm, ces gens d'expérience et de talent, qui doivent évaluer l'aspect marketing? J'essaie de voir, dans vos propos, où est la logique?
Mme Shirley Vercruysse: À l'heure actuelle, pour pouvoir s'adresser au FCT, il faut avoir un de ces gros projets qui obtiennent plus d'un million de dollars. Pour pouvoir obtenir ce million de dollars, il faut présenter un plan de marketing prouvant que cette production fera recette et auquel souscrit Téléfilm. À ce moment-là, une fois que Téléfilm a donné le feu vert, nous investissons l'argent, puisque le projet réclame plus d'un million de dollars, et Téléfilm se contente de transmettre le dossier au FCT, pourvu que vous ayez une licence de diffuseur, et puis vous obtenez votre financement. Il ne faut même plus présenter une demande directement au FCT. C'est donc là que vous avons besoin d'aide, ou alors qu'on nous débarrasse de ces jolis petits plans de marketing.
Mme Bev Oda: Étant donné son expérience de la question, Mme Millican pourrait peut-être enrichir un peu la discussion.
Mme Susan Millican: Ce qui se passe à mon avis dans le milieu de la diffusion, c'est qu'il faut mettre en ondes des émissions canadiennes. Votre licence précise que vous êtes canadiens à 60 ou à 80 p. 100, de sorte que vous devez acheter autant de productions canadiennes que possible. Un bon diffuseur—et il y en a—essaie d'acheter toutes les meilleures productions canadiennes sur lesquelles il peut mettre la main. On ne peut pas uniquement se rabattre sur des productions américaines pour faire sa cote d'écoute si on peut n'en mettre en ondes que 10, 20 ou 30 p.100, de sorte qu'on va aller chercher des bonnes productions canadiennes et qu'on doit les acheter. Parfois, les diffuseurs ne sont pas prêts à dépenser autant d'argent qu'ils le devraient pour cela car ils préfèrent garder leur budget pour acheter des films américains à grand succès.
S'il était possible d'encourager les diffuseurs canadiens à augmenter leurs droits de licence pour les films canadiens...
Mme Bev Oda: Mais je vous parlais plutôt du marketing, de l'évaluation des plans de marketing effectuée par les organismes de financement. D'après ce que je sais, on ne fait pratiquement jamais l'évaluation des plans de marketing et de promotion des diffuseurs. D'après ce que j'ai entendu dans les milieux du cinéma, c'est plutôt le contraire, on évalue et on examine les potentialités du marché. Pourquoi cette différence?
Mme Susan Millican: Eh bien, peut-être est-ce dû au fait que le plan de marketing n'est pas entre les mains du réalisateur du produit canadien. S'il s'agit d'une émission de télévision, on jette des hauts cris parce que le diffuseur ne dépense pas suffisamment d'argent pour mousser la production, il préfère consacrer son temps à faire la publicité d'un film américain à grand succès qui s'en vient.
La présidente: Je vais devoir vous interrompre ici si cela ne vous dérange pas. C'est quelque chose que nous allons devoir approfondir.
Une raison que je puis voir, c'est que l'un des objectifs de la politique n'est pas simplement la réalisation de films, c'est également de faire en sorte que ces films puissent être vus par les Canadiens. Lorsqu'on finance un film, on veut avoir la garantie qu'il y a également un plan pour sa diffusion. C'est la seule raison à laquelle je puisse penser, mais je pense que nous allons...
» (1725)
Mme Bev Oda: C'est donc au diffuseur qu'on fait confiance. Pourquoi ne pas faire également confiance aux distributeurs canadiens ou discuter plus à fond de cette question avec eux?
La présidente: Je pense que nous allons devoir reprendre cette discussion peut-être autour d'une bouteille de vin après cette séance.
Monsieur Kotto.
[Français]
M. Maka Kotto: Merci, madame la présidente.
Je reviens à ma question de tout à l'heure, parce que je crois qu'elle n'était pas claire. Il y a un contexte. Le dossier entourant le projet de Convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques qui a lieu en ce moment à l'UNESCO vous est-il familier?
Parallèlement, il y a des débats à l'OMC, surtout relativement au volet qui tendrait à intégrer la culture comme un service, le but des Américains étant, dans cette entreprise, de déréglementer le dossier culturel afin que ce soit une marchandise comme une autre. Cela vous est-il familier?
C'est ce qui m'a inspiré ma question, car il y a un débat sur ce projet de convention. Toutefois, à la lumière des données et des discussions entourant le projet, il m'apparaît qu'il n'y aura pas une convention solide pour protéger les identités nationales ou la diversité des expressions culturelles dans les nations et dans leur interaction, ce qui fragilisera la souveraineté culturelle canadienne et québécoise, en l'occurence.
C'est pourquoi je vous demande si, à l'avenir, à l'instar de la réunion qu'on a ici aujourd'hui, il serait intéressant qu'on se revoie. Si oui, à quelle fréquence devrait-on se revoir pour ajuster le tir relativement au soutien ou pour affirmer ou infirmer le rôle de l'État par rapport à la culture? Vous me suivez?
[Traduction]
Mme Susan Millican: Je pense devoir...
[Français]
M. Maka Kotto: Cela ne concerne pas que vous. Est-ce une bonne idée pour l'ensemble du milieu que le Comité permanent du patrimoine canadien tienne ce genre de réunion sans intermédiaire, sans contact direct avec le milieu? Cela serait-il judicieux, dans l'hypothèse où on entre dans une ère d'incertitude au niveau de la gestion de la culture?
[Traduction]
Mme Susan Millican: En mon nom personnel mais aussi en ma qualité de directrice de l'Institut, je pense que c'est une occasion en or.
L'une des difficultés avec lesquelles nous devons composer, c'est que nous devons être en mesure d'expliquer pourquoi, à notre avis, il est tellement important de dépenser de l'argent pour former nos talents canadiens. Au fond de mon coeur, j'ai la conviction que si on ne donne pas à ces talents en devenir—je pense aux auteurs, aux réalisateurs et aux metteurs en scène de notre pays—cette potentialité de formation permanente, nous allons comme vous le dites nous affaiblir et devenir beaucoup plus vulnérables à l'influence américaine qui est très forte. La seule chose qui va nous permettre de faire la différence et de préserver la culture canadienne, c'est cette formation que nous donnons aux jeunes gens au Canada et qui nous permettra de les garder ici au Canada au lieu de les voir partir à Los Angeles ou à New York pour pouvoir y travailler. Nous connaissons tous des gens, nous avons tous des enfants qui ne vivent plus ici dans le monde des arts parce qu'ils sont allés travailler à l'étranger.
Par conséquent, tout ce que nous pouvons faire à l'Institut national des arts de l'écran, et je suis sûre que mes collègues pensent la même chose que moi, pour plaider notre cause et faire valoir nos besoins est fort apprécié. Nous ne venons pas ici en pensant que nous devons à tout prix présenter quelque chose. Nous venons ici pour dire d'accord, nous devons vendre notre salade, comme vous l'avez probablement constaté.
La présidente: Madame Bulte, voudriez-vous encore une minute ou deux pour terminer?
L'hon. Sarmite Bulte: Je voudrais revenir à ce que disait M. Angus à propos du préfinancement.
M. Angus a dit, je crois, que nous ne devrions pas utiliser un organisme public pour faire ce genre de chose. Or, c'est exactement ce que nous faisons avec Exportation et développement Canada. Nous garantissons les comptes à recevoir. Nous aidons les gens à exporter. Alors je me demande simplement quels sont les besoins en matière de préfinancement dans votre cas. J'essaie de penser à la façon dont nous pourrions avoir la certitude que ce soit canadien et non pas... Le gouvernement pourrait peut-être ainsi même gagner un peu d'argent, tout comme avec l'EDC et la BDC.
» (1730)
Mme Shirley Vercruysse: Si je ne me trompe pas, vous ne parliez pas tant du préfinancement que du sens des affaires des organismes publics.
M. Charlie Angus: Oui, parlez aux services de commercialisation. Regardez ce qui se passe dans l'industrie de l'enregistrement. Nous ne nous tournons pas vers FACTOR pour commercialiser les disques; nous le faisons pour aider les compagnies de disque à sortir leurs enregistrements, à élaborer le produit puis nous comptons sur des gens d'une compétence extraordinaire pour le diffuser.
C'est ce que je dis constamment—à savoir qu'il nous faut un processus d'examen. Il ne fait aucun doute que Téléfilm doit examiner un projet afin de voir s'il sera vraiment diffusé, mais il me semble que dans les organismes d'investissement du secteur privé, on manque de gens qui connaissent bien le marché...
L'hon. Sarmite Bulte: J'aimerais cependant parler du crédit-relais.
Vous allez aux États-Unis pour obtenir du financement-relais, et si je vous ai bien compris, ce serait une bonne chose que nous puissions offrir ce genre de choses aux Canadiens. Par conséquent, comment...? Quels sont les besoins? Quels sont vos besoins?
Mme Shirley Vercruysse: Selon le projet, mais de façon assez typique, on s'adresse à une source de financement-relais pour couvrir quelque 20 p. 100 du budget. Évidemment, chaque projet est différent, mais supposons qu'il en soit ainsi. Ces bailleurs de fonds sont tout simplement des gens qui disposent d'argent et qui ont choisi cette activité. Leur gagne-pain, c'est de nous prêter de l'argent, et ils le font avec profit.
Quant à savoir qui fait cela au Canada? À l'heure actuelle, je ne sache pas qu'aucune personne ou compagnie le fasse, à moins que... Eh bien, il y a Rogers, mais je ne pense pas que cette société va nous donner quelques millions de dollars. Je pourrais toujours me tromper. Cela dit, c'est pour cela que l'organisme qui est déjà en exploitation au Québec, la FIDEC, pourrait s'établir à l'extérieur de la province parce qu'elle aussi... J'ai rencontré des consultants qui travaillent pour la FIDEC, des Américains. Cela fait quelque temps déjà qu'ils ont créé ce système et le font fonctionner. C'est un avocat-fiscaliste qui m'a parlé de cette possibilité.
Par conséquent, oui, si un groupe de gens ou même une seule personne souhaite lancer une entreprise de financement-relais des longs métrages au Canada anglais, je crois que c'est une brillante idée, compte tenu de la conjoncture.
M. George Baptist: Je me demande s'il n'y a pas un malentendu ici, car le crédit-relais n'est pas un investissement. Le financement-relais fait vraiment partie du financement provisoire, et Rogers accorde justement du financement provisoire, et, oui, nous pourrions combler le manque à gagner par cette forme d'aide, et c'est bien la seule chose dont il est question ici. Au Canada, les banques n'accordent pas ce genre de prêts parce qu'ils sont à risque trop élevé. Les spécialistes du crédit-relais accordent des montants seulement en fonction des ventes à venir projetées. C'est une activité à risque très élevé, une bête curieuse que...
L'hon. Sarmite Bulte: J'essaie de voir quelles sont les caractéristiques d'un crédit-relais, et vous me donnez beaucoup de...
La présidente: Pourquoi est-ce que les Américains accordent ce genre de prêts mais pas les Canadiens?
M. George Baptist: Parce qu'ils peuvent percevoir des intérêts extrêmement élevés.
La présidente: Oui, mais il me semble que les Canadiens voudraient obtenir le même avantage eux aussi.
Mme Shirley Vercruysse: Ces gens-là ont déjà passablement d'argent. C'est aussi leur secteur d'activité. Si je me reporte aux gens avec qui nous faisons affaires, ils sont très attirés par certains projets. On ne peut même pas attirer l'attention d'un spécialiste du crédit-relais à moins que les projections soient considérables... qu'on prévoie des ventes à l'étranger assez élevées pour justifier leur prêt.
M. George Baptist: Alliance Atlantis a été active dans le financement-relais assez longtemps, mais l'entreprise a été achetée.
Mme Bev Oda: Me permettez-vous de poser une question?
Mes excuses, madame la présidente. Ce matin, lors d'une discussion, on a formulé une proposition qui, à mon avis, serait peut-être la solution à ce problème de financement provisoire, pas nécessairement toutefois du crédit-relais, et qui consiste en fait en une avance sur le paiement du crédit d'impôt. Avez-vous des remarques à faire là-dessus?
Mme Shirley Vercruysse: Absolument, c'est une idée brillante. La banque accorde déjà des prêts de cette façon, ce qui les garantit. Cela serait extrêmement utile car une bonne partie des problèmes que nous rencontrons sont des problèmes de liquidités. Nous dépensons tellement, c'est tout à fait disproportionné, tous les investisseurs dépensent tellement en frais de financement, de cautionnement et frais juridiques. C'est ridicule. Tout ce qui peut nous aider à réduire cela et accroître nos liquidités est fantastique. D'ailleurs, la politique touchant les longs métrages par laquelle on a révisé les systèmes de prélèvement a beaucoup aidé les producteurs. Nous obtenons beaucoup plus de fonds au départ et c'est merveilleux.
Mme Susan Millican: Je voulais juste dire une chose. Une des façons dont nous essayons d'aider les producteurs en matière de financement, c'est en ne percevant rien à la fin d'une production qui passe par l'Institut national des arts de l'écran, qu'il s'agisse de Drama Prize, Totally Television, Global Marketing, Features First, tous nos projets autochtones. Nous ne prélevons rien. Tout ce que les producteurs, auteurs et metteurs en scène gagnent, ils le gardent, ce qui n'est pas le cas dans d'autres écoles de formation. Si l'on réalise un film avec l'aide du Centre canadien du film, c'est lui qui en est propriétaire. C'est notre façon d'essayer d'assurer que tout le monde puisse continuer à travailler sans se retrouver serveur toute sa vie.
» (1735)
La présidente: Nous avons dépassé l'heure et cela montre combien tout ce que vous aviez à dire nous intéressait. Merci beaucoup.
Je sais que c'est peut-être difficile à accepter pour vous, tout comme pour nous, car nous n'avons jamais assez de temps pour tout explorer et bien comprendre. Toutefois, je vous invite, si vous pensez que vous auriez aimé préciser ou ajouter certaines choses, à ne pas hésiter à prendre contact avec nous.
Mme Marci Elliott: Nous vous envoyons une réponse écrite. Je crois que nous avons certaines réponses à envoyer à Mme Oda. Par qui doit-on passer?
La présidente: Envoyez cela au greffier pour que tous les membres du comité puissent le recevoir.
Mme Marci Elliott: Comme pour le mémoire, d'accord.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci à vous.
La séance est levée.