CHPC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 9 juin 2005
· | 1315 |
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)) |
M. Peter Leitch (président, Motion Picture Production Industry Association of British Columbia) |
La présidente |
M. Peter Leitch |
· | 1320 |
La présidente |
Mme Julia Keatley (Keatley Film Ltd, Association canadienne de production de films et de télévision) |
Mme Trish Dolman (productrice, Association canadienne de production de films et de télévision) |
· | 1325 |
Mme Julia Keatley |
Mme Trish Dolman |
· | 1330 |
Mme Julia Keatley |
Mme Trish Dolman |
Mme Julia Keatley |
La présidente |
M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC) |
La présidente |
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ) |
· | 1335 |
M. Peter Leitch |
· | 1340 |
M. Marc Lemay |
Mme Julia Keatley |
M. Marc Lemay |
Mme Julia Keatley |
· | 1345 |
Mme Trish Dolman |
La présidente |
M. Gary Schellenberger |
· | 1350 |
Mme Trish Dolman |
M. Gary Schellenberger |
M. Peter Leitch |
Mme Trish Dolman |
M. Gary Schellenberger |
Mme Trish Dolman |
La présidente |
M. Mario Silva (Davenport, Lib.) |
· | 1355 |
L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.) |
Mme Trish Dolman |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Trish Dolman |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Peter Leitch |
Mme Julia Keatley |
¸ | 1400 |
Mme Trish Dolman |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Julia Keatley |
L'hon. Sarmite Bulte |
¸ | 1405 |
Mme Trish Dolman |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Trish Dolman |
Mme Julia Keatley |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Julia Keatley |
¸ | 1410 |
L'hon. Sarmite Bulte |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Trish Dolman |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Trish Dolman |
Mme Julia Keatley |
Mme Trish Dolman |
L'hon. Sarmite Bulte |
La présidente |
M. Gary Schellenberger |
Mme Trish Dolman |
M. Gary Schellenberger |
La présidente |
M. Gary Schellenberger |
Mme Julia Keatley |
M. Gary Schellenberger |
Mme Julia Keatley |
M. Gary Schellenberger |
La présidente |
M. Marc Lemay |
¸ | 1415 |
La présidente |
Mme Julia Keatley |
La présidente |
¸ | 1420 |
Mme Julia Keatley |
La présidente |
M. Peter Leitch |
La présidente |
La présidente |
¹ | 1530 |
M. Andrew Ooi (président, Echelon Talent Management) |
¹ | 1535 |
La présidente |
M. Neil Campbell (directeur des opérations, Landmark Cinemas of Canada) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
La présidente |
Mme Wendy Hill-Tout (présidente, Voice Pictures Inc.) |
La présidente |
Mme Wendy Hill-Tout |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
º | 1605 |
º | 1610 |
La présidente |
Mme Wendy Hill-Tout |
º | 1615 |
La présidente |
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD) |
M. Andrew Ooi |
º | 1620 |
Mme Libby Davies |
M. Andrew Ooi |
Mme Wendy Hill-Tout |
º | 1625 |
M. Neil Campbell |
La présidente |
M. Mario Silva |
Mme Wendy Hill-Tout |
M. Mario Silva |
Mme Wendy Hill-Tout |
M. Neil Campbell |
M. Mario Silva |
º | 1630 |
M. Andrew Ooi |
M. Mario Silva |
M. Andrew Ooi |
º | 1635 |
M. Mario Silva |
La présidente |
M. Gary Schellenberger |
M. Neil Campbell |
M. Gary Schellenberger |
M. Neil Campbell |
º | 1640 |
M. Gary Schellenberger |
M. Andrew Ooi |
M. Gary Schellenberger |
º | 1645 |
La présidente |
M. Marc Lemay |
º | 1650 |
M. Andrew Ooi |
º | 1655 |
M. Marc Lemay |
M. Andrew Ooi |
M. Neil Campbell |
Mme Wendy Hill-Tout |
» | 1700 |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Wendy Hill-Tout |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Wendy Hill-Tout |
» | 1705 |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Neil Campbell |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Neil Campbell |
» | 1710 |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Neil Campbell |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Neil Campbell |
L'hon. Sarmite Bulte |
Le vice-président (M. Gary Schellenberger) |
La présidente |
M. Dave Thomas (président et propriétaire, Maple and Palm Productions, à titre personnel) |
La présidente |
» | 1725 |
M. Nic Wry (à titre personnel) |
M. Dave Thomas |
La présidente |
M. Dave Thomas |
M. Marc Lemay |
M. Dave Thomas |
» | 1730 |
M. Nic Wry |
M. Dave Thomas |
» | 1735 |
La présidente |
M. Dave Thomas |
Mme Libby Davies |
» | 1740 |
M. Dave Thomas |
Mme Libby Davies |
M. Dave Thomas |
Mme Libby Davies |
M. Dave Thomas |
» | 1745 |
M. Neil Campbell |
M. Dave Thomas |
M. Nic Wry |
M. Dave Thomas |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Dave Thomas |
L'hon. Sarmite Bulte |
» | 1750 |
M. Dave Thomas |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Dave Thomas |
» | 1755 |
M. Nic Wry |
M. Dave Thomas |
M. Nic Wry |
M. Dave Thomas |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Dave Thomas |
M. Nic Wry |
M. Dave Thomas |
M. Nic Wry |
La présidente |
M. Marc Lemay |
¼ | 1800 |
M. Dave Thomas |
M. Marc Lemay |
M. Dave Thomas |
M. Marc Lemay |
M. Dave Thomas |
M. Marc Lemay |
¼ | 1805 |
M. Dave Thomas |
M. Marc Lemay |
M. Dave Thomas |
M. Marc Lemay |
M. Nic Wry |
M. Dave Thomas |
¼ | 1810 |
M. Nic Wry |
M. Dave Thomas |
La présidente |
M. Gary Schellenberger |
M. Nic Wry |
M. Gary Schellenberger |
M. Nic Wry |
M. Gary Schellenberger |
La présidente |
¼ | 1815 |
M. Gary Schellenberger |
M. Dave Thomas |
M. Nic Wry |
La présidente |
¼ | 1820 |
M. Dave Thomas |
La présidente |
M. Dave Thomas |
La présidente |
M. Dave Thomas |
La présidente |
M. Nic Wry |
M. Neil Campbell |
M. Nic Wry |
M. Neil Campbell |
¼ | 1825 |
M. Dave Thomas |
M. Neil Campbell |
M. Nic Wry |
M. Neil Campbell |
M. Dave Thomas |
Mme Libby Davies |
M. Dave Thomas |
M. Nic Wry |
M. Neil Campbell |
M. Dave Thomas |
M. Nic Wry |
La présidente |
M. Dave Thomas |
¼ | 1830 |
La présidente |
M. Dave Thomas |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 9 juin 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
· (1315)
[Traduction]
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)): La séance est ouverte. Le Comité permanent du patrimoine canadien poursuit son étude de l'industrie canadienne de la cinématographie.
Tout d'abord, je tiens à vous présenter mes excuses. Nous ne prévoyons jamais assez de temps pour le déjeuner et pour rappeler tous ceux qui nous ont appelés. Enfin, c'est fait. Je vous prie donc de nous excuser de vous avoir fait attendre. Je vous prie également de nous excuser de l'annulation que nous avons dû vous imposer il y a quelques semaines. Cela dit, nous sommes ravis que les choses se soient enfin arrangées, que nous ayons réussi à nous réunir cet après-midi pour vous entendre. Merci de votre patience et du temps que vous nous consacrez.
Qui commence? Le premier inscrit est Peter Leitch, président de la Motion Picture Production Industry Association of British Columbia. Peter, nous commencerons par vous.
M. Peter Leitch (président, Motion Picture Production Industry Association of British Columbia): Très bien, merci.
La Motion Picture Production Industry Association of British Columbia...
La présidente: Peter, je suis désolée de vous interrompre. Par respect pour les autres membres du comité, je dois apporter une précision. Vous devez supposer que nous avons lu votre mémoire. Nous vous prions donc d'être très bref. Nous avons constaté que ce qui est le plus productif et le plus utile, c'est la possibilité de dialoguer et de vous poser des questions auxquelles vous pourrez répondre. Par conséquent, à la demande des membres du comité, je vous prie de limiter votre exposé à cinq minutes et à vous concentrer sur ce que vous voudriez que nous fassions ou que nous recommandions. Je sais qu'il est frustrant de faire cela, lorsqu'on a consacré tant d'heures à réfléchir à chaque mot dans le mémoire, mais je vous prie de nous faire confiance, nous lisons les mémoires.
Merci.
M. Peter Leitch: Je ne suis pas sûr que vous ayez reçu un exemplaire de notre mémoire, mais peu importe, je serai bref.
Je disais donc que notre association, la Motion Picture Production Industry Association, est un groupe diversifié de cinéastes ainsi que de travailleurs et de fournisseurs de l'industrie du cinéma. Nous sommes assez représentatifs de l'industrie du cinéma en Colombie-Britannique. Nous aimons bien parler d'une seule voix, bien que pour les dossiers qui vous intéressent, il y a certes des opinions diverses même au sein de notre groupe.
Voici le texte de l'énoncé officiel concernant le Fonds du long métrage du Canada :
En vigueur depuis le 1er avril 2001, l'objectif principal du Fonds du long métrage du Canada est d'augmenter les auditoires pour les longs métrages canadiens en salle, de manière à atteindre 5 p. 100 de la part du marché national d'ici 2006. |
Ce que nous tenons à dire à ce sujet c'est que beaucoup moins de 50 p. 100 des recettes des longs métrages proviennent de la fréquentation des salles de cinéma, du fait de l'existence de tant d'autres possibilités de commercialiser les films. Nous ne croyons donc pas que les recettes en salles de cinéma soient nécessairement le meilleur critère pour mesurer le succès d'un film.
La clé de voûte de l'industrie du cinéma, c'est le développement. On ne consacre pas assez de temps et de ressources au développement. Les créateurs devraient pouvoir avoir de nombreux projets simultanés en cours de développement. Les projets parviennent à maturité à des moments différents pendant le processus de développement. Certains sont mis en production à toute vitesse, avant d'avoir atteint leur maturité, simplement parce qu'il faut que s'amorce l'étape de la production afin de continuer à recevoir du financement. Il doit également y avoir un mécanisme qui permette qu'un projet en développement soit mis de côté pour une certaine durée, ou carrément abandonné, sans que le créateur en soit pénalisé.
Le ministère du Patrimoine canadien devrait concentrer plus de ressources sur le développement et à la mise en marché. Il est essentiel que le soutien au marketing et à la promotion continue d'être présent pour les longs métrages canadiens afin qu'ils puissent trouver leurs auditoires, compte tenu du fait qu'une pléthore de films étrangers est disponible sur le marché.
L'autre aspect de la question, c'est que l'on ne peut pas recouvrer les frais de production au moyen des seules ventes au Canada. Pour recouvrer ces frais et pour que les maisons de production et les investisseurs réalisent un bénéfice, nous devons établir des marchés internationaux pour les productions canadiennes. Cela ne peut se faire qu'au moyen de ressources accrues consacrées à la mise sur pied de maisons de production solides qui pourront investir du temps et des ressources pour le développement de projet. Le développement de projet est la pierre angulaire sur laquelle repose une industrie de production prospère. Cela dit, tout le développement de projet ne sert à rien si le producteur ne peut pas mettre le produit en marché. Au bout du compte, ce sont les ventes qui importent le plus.
Il faudrait des fonds supplémentaires pour que les maisons de production canadiennes puissent nouer des relations d'affaires à l'échelle internationale. Une des questions les plus controversées aujourd'hui, c'est ce qui fait d'une production une oeuvre « canadienne ». Chaque groupe de pression offre sa propre interprétation, que ce soit 10 sur 10, neuf sur 10, etc. La réglementation actuelle du BCPAC, qui préconise six sur dix, est celle que nous appuyons, surtout en Colombie-Britannique, où l'industrie locale est en vérité encore en train de s'établir. L'an dernier, nous avons vu une baisse des dépenses totales dans le secteur du long métrage en Colombie-Britannique, puisque nous sommes passés de 1,4 milliard de dollars à 800 millions de dollars. Bien sûr, la plupart des compressions ont été ressenties dans l'industrie du service. Le fait que la Colombie-Britannique compte tant sur l'industrie du service est une source de problème. Nous sommes donc très intéressés à mettre sur pied une industrie locale, propre à la Colombie-Britannique. Cela sera difficile si la structure exige, par exemple, un critère de 10 sur 10.
Une autre question que nous voulons aborder est celle d'une collaboration—et nous n'avons pas vraiment décidé de la façon exacte de faire cela—pour trouver des options financières supplémentaires. Le budget fédéral de 2004 inclut une série de mesures visant à stimuler la productivité en offrant aux entreprises et aux travailleurs canadiens les outils dont ils ont besoin pour bâtir l'économie du XXIe siècle, y compris un accroissement des fonds de soutien au financement à risque, mesure qui entraînerait une augmentation de l'investissement du secteur privé. Nous nous intéressons donc beaucoup à l'idée d'attirer les investissements du secteur privé tout en maintenant ce que nous obtenons de Patrimoine canadien. Je crois que nous avons constaté que les fonds d'actions du secteur privé constituent désormais un mécanisme plus courant de financement des films partout dans le monde. Ce financement de risque déclenche d'autres investissements du secteur privé et joue un rôle essentiel pour stimuler la productivité.
Je crois que ce sont là les principaux axes de réflexion de notre association.
Merci beaucoup.
· (1320)
La présidente: Merci beaucoup de nous avoir fait quelques propositions bien concrètes en prenant peu de temps.
Madame Keatley, vous représentez Keatley Films...
Mme Julia Keatley (Keatley Film Ltd, Association canadienne de production de films et de télévision): En réalité, je représente l'ACPFT. Je suis présidente du chapitre des producteurs de Colombie-Britannique et ancienne présidente de l'association nationale. En outre, bien sûr, je suis membre du conseil.
Je vous prie de nous excuser pour toutes les modifications. Steve Hegyes et Christine Haebler, qui étaient censés comparaître avec moi, sont tous les deux en voyage d'affaires à Los Angeles. Toutefois, Trish Dolman, de Screen Siren Pictures, est présente et elle se joindra à moi. Elle est membre du conseil du chapitre local et elle vient de devenir membre du conseil national.
Comme vous le savez, l'ACPFT a comparu devant vous dans toutes les villes du pays où vous avez tenu des audiences. Pour cet exposé-ci, nous avons voulu nous concentrer plus particulièrement sur le rôle que jouent les distributeurs et les radiodiffuseurs dans le financement des longs métrages. Nous allons donc essentiellement parler du soutien qu'ils offrent. À deux ou trois exceptions près, nous ne croyons pas que les radiodiffuseurs ni les distributeurs en fassent assez pour soutenir l'industrie canadienne du cinéma.
À partir d'ici, je cède la parole à Trish.
Mme Trish Dolman (productrice, Association canadienne de production de films et de télévision): En qualité de productrice, j'ai constaté une tendance très particulière dans le marché. Prenons, par exemple, le cas de réunions tenues le mois dernier à Toronto pour des radiodiffuseurs qui, habituellement, s'occupaient de financement de longs métrages. Ils déclarent maintenant qu'ils se retirent de ce secteur et qu'ils vont se concentrer plutôt sur les séries dramatiques de télévision. Je crois que cela aura un impact considérable parce que, au Canada, contrairement à d'autres pays, les radiodiffuseurs jouent un rôle très important dans le financement des longs métrages.
Nous voulons particulièrement signaler l'exemple de CBC/Radio-Canada. Cela découle du fait que Patrimoine canadien a établi une politique pour créer un programme de production de longs métrages. Bien sûr, nous appuyons cela. Dès lors, il faut voir comment, de façon cohérente et en collaboration, les divers organismes qui relèvent de Patrimoine canadien participent également à la mise en place de cette politique.
Je prends donc l'exemple de la télévision anglaise de la Société Radio-Canada. Lors du renouvellement de son permis, en 2000, elle s'est engagée à investir 30 millions de dollars dans les longs métrages de langue anglaise. Simultanément, la télévision française de la SRC s'est engagée à investir 20 millions de dollars dans les longs métrages. Or la télévision française a respecté son engagement. Je crois qu'elle a dépensé environ 15 millions de dollars sur des productions et environ 5 millions de dollars pour la promotion et le marketing. Au Canada anglais, CBC n'a pas respecté son engagement parce que cela n'est pas exigé par le CRTC. Ce n'est pas une condition de la délivrance du permis. C'est simplement un engagement qu'a pris CBC.
En qualité de productrice, ayant déjà produit un film que CBC a soutenu bien modestement, je sais que l'injection de 30 millions de dollars dans l'industrie canadienne du long métrage de langue anglaise aurait une très grande importance.
Nous croyons donc vraiment que les radiodiffuseurs pourraient faire beaucoup plus pour soutenir les longs métrages. Pour l'avenir, je crois que nous constaterons une présence réduite des radiodiffuseurs non associés à Patrimoine canadien. Je songe, par exemple, à Showcase ou aux réseaux de télévision payante, qui traditionnellement ont apporté leur soutien à l'industrie du long métrage. Cela va diminuer et aura une incidence sur la capacité des producteurs de financer des productions.
Dans le cas de CBC, je voudrais vous fournir un exemple de ce qui s'est produit lors de la suppression de la saison de hockey. Il y a eu des lacunes de programmation qu'il fallait combler. Au lieu de les combler avec des longs métrages canadiens ou d'utiliser le segment Cinéma Canada comme auparavant, on a en fait comblé les trous de programmation avec des films hollywoodiens.
La question que je pose donc à votre comité est la suivante : pourquoi notre radiodiffuseur public ne présente-t-il pas des films canadiens ou ne fait pas la promotion de la culture canadienne et pourquoi préfère-t-il plutôt présenter des films hollywoodiens?
· (1325)
Mme Julia Keatley: Nous croyons également qu'un des aspects qui a un effet important, c'est la distribution internationale. Malheureusement, les sources internationales de financement sont à la baisse, le Royaume-Uni ayant adopté des modifications des mesures fiscales, divers traités de coproduction ayant été assujettis à des opérations de vente, de cession-bail et à d'autres réorientations et modifications, et l'argent en provenance d'Allemagne se faisant également plus rare. En fait, il y a même eu des baisses de financement de la part des sources états-uniennes.
Une des choses que nous voulons vraiment examiner, c'est la manière dont nos traités de coproduction et les divers incitatifs de notre système fonctionnent pour attirer du financement international pour nos projets. Dans le cas des longs métrages, la plupart de ces productions ne voient le jour que grâce à la participation de nombreux partenaires. Les recettes des salles de cinéma canadiennes ne sont pas tout. Ce qui compte également beaucoup, c'est le succès international de ces films, comme le sait toute personne qui assiste à des événements tels que le Festival du cinéma à Cannes, le Festival des films de Toronto ou le Festival de Sundance.
Nous cherchons donc également des moyens d'attirer le financement privé à notre industrie. Notre Comité national des longs métrages examine en fait plus particulièrement un certain nombre d'options, y compris des mesures telles que des études sur les actions accréditives en Colombie-Britannique, qui ont été conçues en particulier pour l'industrie minière. On peut également envisager d'autres mesures, telles que le recours à des fonds d'actions. Je crois que nous devons envisager diverses façons d'attirer du financement privé et ne pas nous contenter des seuls fonds offerts par le gouvernement. Il y va de notre progrès.
Dans notre mémoire, comme vous le savez, nous abordons également d'autres questions, telles que le secteur de la distribution canadienne et la possibilité de permettre à des distributeurs étrangers de pénétrer ce marché. En général, la position officielle de l'ACPFT est d'appuyer l'industrie canadienne de la distribution pour le marché intérieur. Cela ne signifie pas que nous ne nous associons pas à des agents de vente à l'étranger ni à des partenaires étrangers des États-Unis ou d'outre-mer. Toutefois, au sein de l'industrie canadienne, nous croyons que les droits devraient continuer d'appartenir à des distributeurs canadiens et que c'est la seule façon pour nous de continuer à avoir un certain succès. Il ne faudrait pas que les distributeurs étrangers viennent ici pour sélectionner les meilleures productions et celles qui ont le plus de retentissement.
Au sujet du secteur télévisuel, je trouve intéressant de constater que c'est en offrant une production très diversifiée et un vaste nombre de projets que l'on peut amener les spectateurs canadiens à voir effectivement des films canadiens. Je crois que cela est important. Il est important d'avoir une grande quantité de produits. Si les distributeurs canadiens n'ont pas accès à ces produits, la situation devient vraiment délicate.
De nouveau, je cède la parole à Trish.
Mme Trish Dolman: Comme je l'ai dit plus tôt, nous souhaitons encourager Patrimoine canadien à miser sur le secteur canadien-anglais en demandant à toutes les organisations qui participent au financement de longs métrages dans le cadre de l'entente de Patrimoine canadien à travailler de concert. C'est insensé qu'une institution mine les efforts d'une autre en n'appuyant pas une politique donnée. Voilà pourquoi nous préconisons le rétablissement du Comité consultatif sur le long métrage. Il a été démantelé récemment et nous estimons que pour avoir une politique fédérale relative aux longs métrages, il est très important que le gouvernement puisse compter sur les conseils d'un comité consultatif.
Ensuite, on fait très souvent des comparaisons entre le secteur des longs métrages au Québec et au Canada anglais. Ces deux secteurs sont très différents pour des raisons culturelles et linguistiques évidentes et en raison du fait que le marché de langue anglaise au Canada est en concurrence directe avec le marché américain. Nous souhaiterions que le nombre de films de qualité réalisés au Canada anglais grâce à l'appui de Téléfilm Canada soit augmenté par habitant à un niveau davantage comparable à ce qui se fait au Canada français, ce qui n'est pas actuellement le cas. Le cas échéant, l'industrie du long métrage au Canada anglais continuera de prendre de l'expansion et d'accumuler les succès comme lorsqu'elle a réussi à atteindre le cap des 5 p. 100 quand la politique relative aux longs métrages a été mise en place.
En ma qualité de cinéaste, je constate sur le marché international la présence grandissante des films réalisés au Canada anglais. J'étais récemment au Festival du film de Cannes et j'ai vu Atom Egoyan, David Cronenberg et un autre réalisateur canadien recueillir énormément d'éloges pour leurs films qui connaîtront certainement beaucoup de succès sur marché tant intérieur qu'international. Je crois que nous sommes à la veille d'une percée et j'aimerais que l'on continue de soutenir les films réalisés au Canada anglais. J'aimerais que nous trouvions des façons de soutenir l'industrie cinématographique du Canada anglais pour qu'elle puisse être concurrentielle et produire des films que les Canadiens iront voir.
· (1330)
Mme Julia Keatley: Je note avec intérêt que l'un des témoins qui nous suit est un exposant de Landmark Cinemas.
Si nous voulons améliorer le soutien des radiodiffuseurs et des exposants, et celui de nos amis les distributeurs aussi, nous devons essayer de trouver des façons d'accroître l'auditoire de ces longs métrages.
Je sais qu'il y a dix-huit mois, à ShowCanada, on a même envisagé d'obliger les cinémas à passer les bandes-annonces de films canadiens. Ce serait un des moyens que nous pourrions utiliser. Au lieu de les obliger à passer les films mêmes, nous pourrions les obliger à passer les bandes-annonces pour faire connaître les films. Les consommateurs sont libres de choisir les films qu'ils veulent voir mais s'ils n'en connaissent pas l'existence, ils ne choisiront pas de voir les films canadiens.
J'aimerais aussi que vous examiniez une initiative intéressante du secteur de la télévision. Je songe à ce qu'on appelle le fonds POP créé lorsque WIC a été rachetée par Global Television. Il s'agit du fonds de promotion de la programmation. Ce fonds a été créé et a été administré, à une certaine époque, par le Fonds canadien de télévision. Ce fonds est maintenant administré par Global Television.
Ce fonds finance essentiellement des campagnes de commercialisation des séries d'émissions de télévision au Canada anglais. Ce fonds a réussi à financer des campagnes de publicité sur panneaux d'affichage, des tournées pancanadiennes des acteurs de ces séries et autres activités de cette nature qui sont beaucoup plus difficiles à faire au Canada anglais. C'est l'un des défis que nous devons surmonter, par contraste au Québec, où le marché se résume essentiellement à Montréal. Nous devons utiliser des stratégies de publicité inter plates-formes et cela exigent une toute autre mise de fonds. C'est très important pour nous.
Mme Trish Dolman: Nous allons conclure rapidement.
Je souhaite faire un dernier commentaire sur la commercialisation en me reportant à mon expérience personnelle. J'estime que les cinéastes jouent un rôle central dans la commercialisation de leurs films parce que ce sont eux qui y croient le plus.
J'estime que c'est génial d'avoir une bonne relation avec un distributeur qui appuie le film. J'ai eu un film qui est sorti en salle à Vancouver, à Toronto et à Montréal. Il a été montré dans les cinémas pendant onze semaines à Vancouver, trois semaines à Toronto et deux semaines à Montréal. Je sais que ce succès est attribuable en grande partie au fait que nous avons été associés à la campagne de publicité. Nous nous sommes placés à l'extérieur des cinémas et nous avons distribué des circulaires. Nous avons fait une vaste campagne de commercialisation par courriel. On n'a pas retiré le film des écrans de cinéma parce qu'il n'atteignait pas les cibles de ventes de billets mais plutôt parce que les salles avaient été réservées pour d'autres films et qu'on n'avait jamais prévu que mon film resterait à l'affiche aussi longtemps.
J'estime donc qu'il serait bon de créer un fonds de commercialisation quelconque parce qu'à l'heure actuelle, Téléfilm Canada ne nous permet pas de puiser dans nos budgets post-productions pour financer les campagnes de promotion et de commercialisation. Il faut qu'une partie du budget soit réservée pour la publicité et la commercialisation, mais ces sommes doivent être dépensées dans le cadre de la réalisation pour l'embauche d'un publiciste ou la production de matériels publicitaires. Je peux vous dire, en ma qualité de cinéaste, qu'il ne reste plus rien à dépenser une fois le film terminé. On considère qu'il s'agit alors de frais de distribution. Ainsi, les festivals, etc. ne sont pas censés être financés à même le budget de réalisation.
Mme Julia Keatley: Enfin, et c'est un commentaire qui ne se rapporte pas strictement au secteur des longs métrages, nous estimons qu'il faut prendre des mesures ciblées pour accroître la compétitivité du secteur canadien de réalisation de films et favoriser un climat propice à une croissance soutenue et à l'innovation tout en faisant la promotion de la diversité des modes d'expression.
Nous sommes d'avis que la stratégie du gouvernement fédéral à cet égard devrait viser trois grands objectifs : renforcer le secteur de la réalisation de films indépendants, faciliter le financement des sociétés cinématographiques qui sont les créateurs de produits et de contenus, et rationaliser tous les organismes culturels et leurs pratiques.
Nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui et nous répondrons volontiers à vos questions.
La présidente: Merci de vos commentaires très touffus sur les enjeux et d'éventuelles solutions.
Monsieur Schellenberger.
M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC): Je vais céder mon tour à M. Lemay. Je vais lui donner la possibilité de poser les premières questions.
La présidente: Que vous êtes gentil.
[Français]
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Merci.
Merci beaucoup d'être là. Je trouve vos présentations et vos mémoires très intéressants. Personnellement, je les ai lus avec une grande attention, et ma première réaction est que vous ne devriez pas trop attendre Patrimoine canadien. Si le Québec avait attendu Patrimoine canadien, nous n'aurions pas l'industrie du film que nous avons. C'est mon petit message.
Vous pouvez compter sur Téléfilm Canada, vous pouvez vous disputer avec les gens qui sont là, qui ont un peu d'ouverture d'esprit, mais n'attendez rien. Il va falloir qu'on se batte et que vous vous battiez. Je vois que vous avez déjà commencé parce que vous vous êtes rassemblés. C'est à ce sujet que je voudrais vous poser quelques questions.
Monsieur Leitch, vous parlez des buts et des objectifs. Vous voulez travailler avec des partenaires, etc. J'aimerais que vous me parliez d'une réalisation concrète que vous avez menée à bien au cours des 12 derniers mois. C'est ma première question.
Je m'adresse maintenant à Mmes les productrices. C'est drôle, car il y en a beaucoup. Denise Robert en est une. Beaucoup de femmes sont très impliquées dans ce milieu. Vous nous avez parlé de la Section des producteurs de Colombie-Britannique de l'Association canadienne de production de film et de télévision, qui été créée en 1994 et qui compte actuellement plus de 75 sociétés affiliées. Je trouve cela très intéressant.
Je viens du nord du Québec, une région qui a bénéficié des actions accréditives. Vous avez effleuré le sujet tout à l'heure, mais j'aimerais en savoir davantage sur le système des actions accréditives en Colombie-Britannique. Cela s'est-il débloqué, ou est-on encore en train d'étudier le sujet avec la promesse de continuer à en parler plus tard? A-t-on fait des pas dans la bonne direction?
Je sais que vous avez beaucoup de problèmes avec les films et la distribution. Inutile de vous dire que nous en avons entendu parler de Halifax jusqu'ici. Que pensez-vous du long métrage documentaire? Est-ce en vogue actuellement? J'ai vu The Corporation, bien évidemment, et j'ai lu les remarques très attentivement. The Corporation est un bel exemple. Si on m'avait dit que c'était américain, je l'aurais cru, mais c'est vraiment un produit typiquement canadien. Y a-t-il d'autres films semblables à The Corporation à venir? Où en êtes-vous pour ce qui est du film documentaire?
Voilà mes questions. Je vous laisse y répondre, dans l'ordre ou dans le désordre.
J'aimerais que M. Leitch me donne une réponse.
· (1335)
[Traduction]
M. Peter Leitch: L'association professionnelle de notre secteur a eu au cours de la dernière année des réalisations fort intéressantes en Colombie-Britannique. Nous avons concentré nos efforts sur le grand marché cinématographique. Nous avons mis davantage l'accent sur les questions de fond. Quand l'Ontario a majoré le crédit d'impôt en décembre, nous avons travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement. Notre association a rencontré les représentants du gouvernement peu après et nous avons convaincu le ministre des Finances, à la mi-janvier, d'accorder les mêmes avantages que l'Ontario. À l'époque, entre novembre et février, nous connaissions le pire trimestre que j'aie vu en dix-sept ans. C'est donc devenu notre priorité.
J'ai abordé avec le gouvernement deux questions différentes. Il y avait d'une part les ventes provinciales qui étaient l'une des questions d'actualité à l'époque. Nous avons dans un deuxième temps discuté de la constitution de fonds de capital privé. C'était une proposition à laquelle nous tenions mais le gouvernement nous a répondu que nous devions choisir parmi les choses qu'il offrait, lui. Nous avons donc choisi les crédits d'impôt.
Je crois que l'on met davantage l'accent sur l'industrie nationale. Étant donné la concurrence internationale intense et l'instauration de crédits d'impôt dans les États américains, nous étions très conscients de la fragilité du secteur des services. Une part importante de notre infrastructure a pour socle le secteur des services. Quant à l'avenir, nous savons que si nous ne concentrons pas nos efforts sur des entreprises indigènes à la Colombie-Britannique ou au Canada, nous ne serons pas en mesure de contrôler notre propre destinée. Ainsi, notre association professionnelle commence à peine à explorer tous ces enjeux.
· (1340)
[Français]
M. Marc Lemay: Merci.
[Traduction]
Mme Julia Keatley: Merci de votre commentaire au sujet des femmes. En réalité, il y a dans cette industrie beaucoup de femmes qui tiennent des rôles importants. C'est vrai que nous sommes nombreuses à diriger nos propres entreprise, et nous sommes persévérantes. Je vous remercie du compliment.
La section de la Colombie-Britannique a été créée en 1994. Nous comptons parmi nos membres 75 sociétés. Nous sommes un groupe très diversifié qui va de la petite entreprise qui ne compte qu'une personne jusqu'aux grandes sociétés d'animation.
M. Marc Lemay: Pourriez-vous ralentir?
[Français]
Sinon, vous allez tuer ma traductrice.
[Traduction]
Mme Julia Keatley: Quant aux commentaires au sujet de la dépendance sur Patrimoine canadien, j'estime que l'industrie en Colombie-Britannique n'a pas eu la même dépendance en raison de la façon dont s'est fait sa croissance. Or, que cela nous plaise ou non, les politiques proposées par notre gouvernement, par nos gouvernements successifs, qu'ils soient conservateurs ou libéraux ou peu importe, ont eu un effet considérable sur nos entreprises. En outre, les politiques fédérales en place depuis 30 ans sont celles qu'ont adoptées les diverses provinces.
Nous vivons dans une province qui choisit d'imiter l'Ontario et qui considère que l'Ontario, plutôt que le Québec, est son principal concurrent. Nous avons souvent essayé de les encourager à s'inspirer plutôt des modèles québécois qui sont parmi les plus novateurs. Par ailleurs, étant donné notre accès au marché de Los Angeles, nous avons constaté, comme Peter l'a dit, un intérêt prépondérant pour l'industrie de Los Angeles ou de quelques autres centres aux États-Unis.
Nous croyons toutefois que pour assurer l'avenir, nous devons réellement nous concentrer sur l'industrie nationale ou locale. C'est de là que viendra la croissance. Quant à Patrimoine canadien et au ministère des Finances—les crédits d'impôt, les politiques que ces ministères proposent ont eu une incidence très lourde sur tous les aspects de notre activité. Il n'y a pas de dépendance mais nous croyons que nous devons travailler de concert avec le gouvernement pour que ces politiques soient maintenues. Il est très important pour nous que les divers mécanismes de soutien soient maintenus au Canada.
Pour l'anecdote, je suis à réaliser en coproduction un long métrage Royaume-Uni-Canada-Afrique du Sud, et l'Afrique du Sud a pris pour modèle le système canadien au cours des dernières années. Notre système est pris pour modèle dans le monde entier. D'ailleurs, quand on voit ce qui se fait en Australie et en Nouvelle-Zélande, toutes ces choses... cela vaut pour tous les secteurs de l'industrie. Nos crédits d'impôt ont donné d'excellents résultats, de telle sorte que les États-Unis et divers États avec qui nous sommes en concurrence ont copié notre formule.
Nous travaillons dans un milieu très compétitif tant au Canada que sur la scène internationale. C'est un secteur très dynamique. À titre de créatrice de contenu—ce que je suis, je planifie toujours deux à cinq ans d'avance lorsque je prépare mes futurs projets—quel partenaire je choisirai, quelle oeuvre je souhaite créer, quelles oeuvres attireront le public.
Nous devons trouver des façons d'accroître notre compétitivité. L'idée d'actions accréditives a fait l'objet d'un examen préliminaire seulement. Nous avons examiné l'idée au sein de la section de la Colombie-Britannique en nous inspirant du modèle des actions accréditives dans les secteurs minier, pétrolier et gazier. Nous avons réalisé l'étude de concert avec Price Waterhouse Coopers. Cette firme a officiellement réalisé l'étude au cours des six derniers mois. Comme je l'ai dit, notre Comité national du long métrage examine aussi la question.
Diverses règles relatives à l'investissement doivent être rationalisées et c'est ce que nous avons entrepris de faire au Bureau de certification des produits audio-visuels canadiens (BCPAC). Le problème, en bref, c'est que les règles ne permettent pas d'obtenir du financement privé pour un projet et semblent avoir d'importances conséquences négatives.
Trish.
· (1345)
Mme Trish Dolman: Je vous remercie de cette question.
Il y a deux choses. Tout d'abord, je pense que les gens comme Julie et moi sont des gens d'affaires. Dans notre domaine, il faut être passionné de télévision ou de cinéma. Au fond, on est en affaires et il n'est pas question de demander l'aumône au gouvernement ou d'en dépendre.
J'ai choisi de participer à de nombreux conseils d'administration parce que la politique gouvernementale au Canada a des retombées directes sur mon activité. C'est pour cela aussi que j'ai choisi de venir m'adresser à vous parce que je pense que c'est du temps bien utilisé.
En tant que femme d'affaires, j'examine toutes sortes de modèles pour faire prospérer mon entreprise et réaliser des films et des émissions de télévision à succès. C'est dans mon intérêt, et cela me passionne. Je veux faire de grands films ou de grandes émissions pour la télévision que les gens verront au Canada et dans le monde entier.
Il y a quelques mécanismes. À propos de ce que vous disiez sur le Québec, nous avons en Colombie-Britannique en particulier l'avantage remarquable de disposer d'un vaste bassin de talents. Nous avons une industrie en expansion qui a pris son essor à la fin des années 70 et dans les années 80. Il y a eu une explosion des productions utilitaires dans les années 90. Cette activité s'est ralentie ces dernières années, mais je pense qu'elle va rebondir avec l'abolition récente du fonds fiscal allemand. Je pense que le Canada est un des endroits le plus attrayant au monde pour tourner.
Cet essor a galvanisé notre industrie, nous a rassemblés et nous a fait comprendre qu'il fallait construire une industrie canadienne. Elle ne disparaîtra pas si elle a du succès. Depuis 12 ans que je suis en affaires ici, j'ai vu des entreprises prospérer, y compris la mienne. Au début, elles réalisaient des projets pour le Canada, et elles ont progressivement commencé à les vendre aux États-Unis ou en Europe. Ensuite, elles les ont réalisés directement pour les États-Unis, pour l'Europe et pour le Canada. C'est comme cela qu'on se retrouve tout d'un coup avec une entreprise qui exporte des réalisations à succès dans le monde entier.
Je crois que nous allons assister à la même chose pour le long métrage. Nous avons énormément de talent ici. Nous pouvons suivre le Québec sur la voie du succès, mais nous avons en plus la possibilité, puisque nous tournons en anglais, d'étendre nos succès aux États-Unis et dans d'autres pays anglophones, grâce au talent que nous avons ici.
Pour répondre à votre question sur les documentaires, je considère qu'un des moyens de bien gérer mon entreprise consiste à avoir un portefeuille diversifié. C'est pourquoi je réalise des longs métrages, des dramatiques pour la télévision, des séries documentaires et des documentaires ponctuels. J'ai travaillé sur The Corporation, et je discute actuellement d'un nouveau projet avec Marc.
Nous avons donc plusieurs documentaires. Au cours des deux dernières années, nous avons essayé de trouver des partenaires internationaux, parce que c'est un moyen d'amorcer un financement ou de réunir des budgets plus importants. Quand on tourne des documentaires, en particulier au Canada, c'est très souvent avec un très petit budget. Nous nous sommes donc mis en quête de partenaires, notamment au Royaume-Uni. Nous sommes en train de réaliser trois documentaires différents avec des réalisateurs de haut niveau à grand succès.
Vu l'appétit du marché pour les documentaires long métrage, je crois qu'il y a énormément d'occasions à explorer dans ce domaine. Je sais qu'il est question à Téléfilm de mettre sur pied un fonds pour la réalisation de documentaires long métrage. J'ai des idées sur la question si cela vous intéresse. Dans notre industrie, le Canada est connu traditionnellement pour ses documentaires. Si nous restons diversifiés et si nous jouons la carte des documentaires long métrage, je crois que nous allons continuer à avoir du succès.
Encore une fois, un film comme The Corporation doit son succès à une personne et à un réalisateur. Évidemment, beaucoup de personnes y ont travaillé, mais c'est à l'acharnement passionné d'une personne pendant sept ans que le film doit son succès. Elle s'est complètement polarisée sur ce projet pendant sept ans, et je crois que c'est en grande partie grâce à cela que le film a été un tel succès.
La présidente: Merci, monsieur Lemay. Je vous ai laissé déborder de votre temps, et je reviens donc à M. Schellenberger.
M. Gary Schellenberger: Merci.
Vous avez dit quelque chose de très intéressant à la fin. Que pensez-vous du fonds de Téléfilm pour les documentaires?
· (1350)
Mme Trish Dolman: Eh bien, j'étais au Festival Hot Docs, et il y a eu une journée de discussions sur la politique concernant les documentaires. Diverses personnes ont fait des exposés, notamment des représentants du Fonds canadien de télévision et de Téléfilm, et il y a eu tout un débat.
Personnellement, je pense qu'il y a environ cinq réalisateurs au Canada qui pourraient tourner un documentaire long métrage qui aurait un succès en salle aussi important que celui de The Corporation. Ce que je suggérerais, c'est qu'on établisse une enveloppe de réalisation à l'intention de réalisateurs expérimentés ou de haut niveau qu'on financerait au niveau de la réalisation. En sachant qu'ils vont tourner quelque chose pour le circuit commercial.
Deuxièmement, je verrais une autre cagnotte—et on ne parle pas de montants énormes, car il faut beaucoup moins d'argent pour réaliser un documentaire que pour faire un film ou une série télévisée—qui permettrait d'évaluer les possibilités de succès ou d'efficacité d'un documentaire dans le circuit commercial. On tâterait le pouls de l'industrie, s'il y a un distributeur, et on donnerait à ces distributeurs un appui promotionnel et une aide à la commercialisation de ces films. Voilà ce que je suggérerais.
Je pense qu'il faudrait agir très vite, car le marché peut tourner comme une girouette. Cet engouement pour le documentaire date d'il y a environ deux ans et nous avons déjà pris du retard. Il est temps d'agir très vite.
M. Gary Schellenberger: Monsieur Leitch, vous avez dit tout à l'heure qu'il n'y avait pas assez d'argent pour le développement, qu'il en faudrait plus. D'où sortirait cet argent? Est-ce qu'on peut le trouver quelque part, ou faudrait-il en rajouter?
M. Peter Leitch: C'est toujours la question à 100 $ : d'où vient l'argent?
Il s'agit de voir vraiment où on a besoin de financement. C'est difficile, parce que si vous demandez à quelqu'un que vous avez financé s'il a eu assez d'argent, il va toujours vous répondre que non. C'est pour cela qu'il faut essayer de trouver d'autres formules, en créant des bassins de capitaux privés. À ce moment, on pourra utiliser une partie de cet argent ailleurs, mais je sais bien qu'il y a une limite à ce que le contribuable peut subventionner.
Mme Trish Dolman: Il y a un exemple que vous connaissez peut-être, c'est notre agence de financement provincial British Columbia Film. Le gouvernement provincial actuel a réduit son budget opérationnel à environ 2 millions de dollars.
Les responsables de l'agence se sont donc demandé de quelle façon ils pouvaient aider le plus efficacement l'industrie en Colombie-Britannique. Ils sont allés discuter avec des représentants d'agences un peu partout dans le monde et ils ont trouvé certains modèles en Australie où l'on propose à des sociétés ce qu'on appelle du slate funding pour toutes les étapes préliminaires au tournage. Au lieu de faire une analyse projet par projet, ils ont donc pris l'essentiel de ces 2 millions de dollars et dit aux sociétés qu'elles pouvaient présenter une demande et se servir de cet argent pour toutes les étapes préalables au tournage de divers projets.
C'est l'an dernier que cela a commencé. Je crois que cette politique va permettre une croissance importante. Il ne s'agissait que de 2 millions de dollars, mais je crois que ces 2 millions de dollars par an vont énormément contribuer à faire progresser ce qu'on peut élaborer dans cette province.
Personnellement, j'ai l'impression que nous n'utilisons pas autant que nous le pourrions des choses comme la littérature canadienne. Ce sont des Américains et non des Canadiens qui ont tourné Le patient anglais. Nous avons un capital culturel extraordinaire que nous n'exploitons pas. C'est parce que cela coûte cher, qu'on est parfois en concurrence avec des studios comme Miramax, et qu'on ne fait pas le poids.
Je pense que ce serait une façon rentable de capitaliser les travaux préparatoires des entreprises de production.
M. Gary Schellenberger: Vous dites que cet argent va aux entreprises de production. Mais pour avoir cet argent, elles doivent proposer une liste de projets, et ensuite le gouvernement se retire et laisse ces entreprises poursuivre le travail elles-mêmes, n'est-ce pas?
Mme Trish Dolman: C'est exact.
En fait, le processus de demande est très rigoureux. La date limite pour cette année, c'est demain, et mon entreprise est en train de faire cette demande. On me demande tout un plan d'entreprise, et je suis bien d'accord, car je pense que c'est peut-être l'une des faiblesses de notre industrie, qui est plus guidée par la créativité que par la planification d'entreprise. Le document que nous allons soumettre doit faire une centaine de pages.
La présidente: Merci.
Monsieur Silva.
M. Mario Silva (Davenport, Lib.): Non, en fait c'est Mme Bulte.
· (1355)
L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci.
Madame Dolman, pourriez-vous me donner le nom de votre entreprise de production et le titre du film que vous avez diffusé dans tout le Canada?
Mme Trish Dolman: Ma compagnie s'appelle Screen Siren Pictures.
Vous parlez du long métrage sur lequel je travaillais?
L'hon. Sarmite Bulte: Oui.
Mme Trish Dolman: Il s'intitulait Flower and Garnet. Il est sorti il y a deux ans.
L'hon. Sarmite Bulte: Je vais me faire un point d'honneur d'aller le chercher au magasin de vidéos.
J'aimerais me concentrer sur deux choses, l'aspect international et aussi le financement.
Monsieur Leitch, vous dites que les réalisateurs ne font pas d'argent s'ils ne vendent pas à l'échelle internationale. Or certains de mes amis qui sont réalisateurs me disent qu'ils ont de plus en plus de mal à vendre leurs productions à l'échelle internationale. Les autres pays ont tendance à devenir très protectionnistes, c'est-à-dire qu'ils achètent plus de produits locaux que de produits internationaux. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet. Est-ce une anomalie, ou un constat d'ensemble pour ce secteur d'après vous?
Deuxièmement, et dans le même ordre d'idées, je crois que vous avez parlé de financement international, à moins que ce soit Mme Keatley, de la nécessité de trouver un financement. Là encore, j'ai assisté récemment à une conférence du Barreau à Toronto où l'on discutait du problème des droits d'auteur. Qui en est propriétaire? Y a-t-il un droit d'auteur pur et simple ou y a-t-il...? Peut-être pourriez-vous aussi nous en parler.
Enfin, quel est le rôle joué par Exportation et Développement Canada dans votre secteur, et si cet organisme n'a aucun rôle, pourquoi? La BDC a des fonds de capital-risque. En fait, dans le budget de 2003, elle a prévu un budget de 25 millions de dollars à la disposition des femmes entrepreneurs qui ont besoin de capital de risque. Donc, que fait la BDC, et si elle ne fait rien, pourquoi, et que pouvons-nous faire pour l'inciter à intervenir dans ce domaine?
M. Peter Leitch: Mes estimés collègues ici sont certainement plus experts que moi dans ce domaine, mais pour ce qui est des ventes internationales, notre situation en Colombie-Britannique est assez particulière parce que nous avons tendance à considérer notre activité commerciale dans un axe nord-sud plutôt qu'est-ouest. Je crois que c'est dû à notre géographie et dans une certaine mesure à notre culture.
Si vous prenez le public de la Colombie-Britannique, vous verrez que ce sont des gens qui regardent en général des réalisations internationales, surtout des réalisations américaines. C'est principalement avec ces réalisations que nous sommes en concurrence, et c'est sur ce vaste marché que nous devons pouvoir faire notre place.
Mme Julia Keatley: Pour ce qui est du marché international, je voulais parler de l'évolution des lois fiscales dans d'autres pays, par exemple les fonds fiscaux qui étaient naguère disponibles en Allemagne. Cette situation est en train d'évoluer. Le Royaume-Uni était notre principal partenaire pour la coproduction d'émissions télévisées et de longs métrages. Comme nous le savons, le gouvernement britannique a fait certains changements parce qu'il estimait qu'il y avait des abus dans ce domaine. Ils s'en sont pris particulièrement au Canada, comme vous le savez sans doute, en portant à 40 p. 100 le montant des dépenses à réaliser au Royaume-Uni dans le domaine des longs métrages.
Ils ont aussi exclu la télévision de la vente et de la cession-bail à cause des abus qu'il y avait eus, par exemple de vieilles émissions qui passaient... je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il y a eu des choses comme The EastEnders qu'on a fait passer en obtenant une vente et une cession-bail bien après leur réalisation. C'est assez compliqué.
Par exemple, pour ce qui est de créer quelque chose qui va pouvoir voyager, je peux vous parler de ma propre expérience. Je suis en train de réaliser une nouvelle série télévisée intitulée Godiva's, qui est sur CHUM. J'ai délibérément choisi de ne pas opter pour un distributeur canadien. Je me suis tournée vers le marché britannique. En fait, cela a été très intéressant et je me suis retrouvée avec un très important distributeur international appelé FremantleMedia, qui a accepté le projet.
Ils m'ont dit quelque chose d'intéressant : ils m'ont dit de me sortir du ghetto canadien. Ils estimaient que c'était un projet viable sur le plan commercial et qui pouvait se vendre dans le monde entier. Eux aussi s'inquiètent de voir divers marchés dans le monde se replier sur eux-mêmes.
Cette année, je suis en concurrence avec Desperate Housewives et Lost, un peu comme tout le monde. En tant que femme d'affaires, je n'ai pas le choix, c'est la concurrence que j'ai à l'échelle internationale.
En tout cas, quand nous réalisons quelque chose, que ce soit pour le cinéma ou pour la télévision, nous visons toujours le succès à l'échelle internationale. Je crois qu'il y a une composante de financement international dans la majorité des films qu'on réalise au Canada. C'est comme cela. En général, c'est aussi une façon de susciter plus d'intérêt au plan international.
Cela a été l'un des problèmes lorsqu'il s'est agi de déterminer l'objectif du fonds pour les longs métrages, parce qu'on se concentrait essentiellement sur la diffusion au Canada. Je crois qu'on ne tient pas tellement compte de la dimension du succès international. Il y a souvent eu des gens qui avaient un succès international remarquable, mais qui n'étaient même pas reconnus sur le marché intérieur. Pour le Canada anglais en particulier, c'est un énorme problème, parce que cela nous oblige à réussir constamment à l'étranger. C'est la réalité des choses.
¸ (1400)
Mme Trish Dolman: Je pense que vos amis ont raison de dire qu'il est de plus en plus difficile de vendre à l'étranger. Nous avons des statistiques. Nous étions justement en train de regarder, avant d'arriver ici, les émissions américaines et la participation américaine dans des longs métrages canadiens. Il y a une progression internationale. Sur le marché international, les Canadiens ont plus de difficulté maintenant que jadis à réaliser des préventes dans le domaine du long métrage. Les gens s'amusent à dire qu'on pouvait vendre un film avec une seule phrase à la fin des années 80 et au début des années 90. Les gens disaient : « Oui, j'achète ça à l'avance ». Cette époque est révolue. Le marché a été complètement déprimé après la bulle point-com, mais il remonte. Cette année et l'an dernier, le marché a été bien meilleur au Canada, comme pour l'AFM à Los Angeles.
Une fois qu'on a terminé quelque chose et qu'on le vend sur un territoire, on a 50 fois plus de chances de pouvoir vendre à l'avance son prochain projet sur ce territoire. Donc, plus les Canadiens vont réaliser des projets qui non seulement intéresseront les Canadiens, mais se vendront à l'échelle internationale, plus ils auront de débouchés sur ce marché international.
L'hon. Sarmite Bulte: Est-ce que nos consulats vous aident? Est-ce que le ministère des Affaires étrangères vous aide? Le ministère du Commerce international? J'aimerais aussi que vous répondiez à propos de la BDC et d'EDC.
Mme Julia Keatley: L'un de nos grands axes d'action, ce sont les exportations. Nous sommes maintenant le deuxième plus grand exportateur de réalisations télévisées au monde, après les États-Unis. Les gens me disent que quand ils allument leur télé n'importe où dans le monde, ils voient sans cesse des émissions canadiennes. C'est une de ces petites choses tout à fait remarquables. Je sais que j'ai entendu des gens me dire à propos de ma précédente émission Cold Squad : « je l'ai vu en Amérique du Sud, je l'ai vu en France ». C'est comme cela. Nous sommes très forts pour ce genre de choses.
Pour ce qui est du soutien que nous obtenons, le MAECI nous a assez bien appuyés. Il y a eu des programmes comme Routes de commerce. Nous avons organisé des missions conjointes dans d'autres pays, surtout des pays anglophones.
Sur le plan des exportations, il est difficile de faire des comparaisons. Nous ne fabriquons pas des trucs, nous faisons de la création. En fait, j'ai participé à un comité organisé par le ministère des Affaires étrangères dans le cadre des missions commerciales. C'est le ministère qui m'avait invitée à participer à ce groupe réunissant diverses industries. On remettait des prix pour récompenser les meilleurs exportateurs. Nous étions huit gens d'affaires qui examinions toutes ces entreprises de divers secteurs.
C'était intéressant. Il était difficile d'obtenir même une mention des entreprises de cinéma et de télévision. Nous avons quand même réussi à en proposer une, DECODE Entertainment, une société d'animation de Toronto. Cela vient en partie de la façon dont on nous compare aux autres industries quand on parle d'exportation. Je crois qu'il faut renforcer ce dialogue.
Nous n'avions pas entendu parler de cette affaire de BDC avant. Ce que nous faisons est difficile à mesurer. Ce n'est pas un marché où chaque élément a une valeur marchande précise. Donc il est parfois difficile de comprendre à quel point l'exportation est importante pour nos entreprises.
L'hon. Sarmite Bulte: Je crois qu'il y a un problème de classification des services dans l'industrie. Le gouvernement a du mal à définir qui exporte et qui n'exporte pas.
Je reconnais avec vous que la plupart de nos programmes sont encore axés sur la fabrication d'objets concrets, et non sur les services ou la propriété intellectuelle. En même temps, nous avons une volonté d'innovation et de créativité. Nos politiques ont tendance à rester prisonnières de cette notion de fabrication concrète de trucs et de machins. Vous avez raison de le souligner.
Madame Dolman, je crois qu'on a oublié les documentaires pendant très longtemps, même quand on a changé la définition de « programmation prioritaire ». Le CRTC a créé une catégorie documentaire. Mais il n'y a pas eu d'enveloppe pour les documentaires à Téléfilm. Quand vous parlez de ces fonds, une espèce de fonds de spectacles pour les Peter Raymonds et autres, d'après vous ce serait à Téléfilm? L'une des critiques que nous avons entendues à propos de Téléfilm, c'est que ce sont des bureaucrates et non des pairs qui jugent les projets. Qu'en pensez-vous?
¸ (1405)
Mme Trish Dolman: C'est toute une question.
Je pense que cela dépend des annonces concernant le Fonds canadien de télévision. Les documentaires sont principalement financés par la télévision. Ce que je suggérerais, et c'est de cela qu'il est question quand on parle de faire intervenir Téléfilm dans le domaine des longs métrages, parce qu'il y a une question de distribution en salle, ce serait de prévoir un petit montant pour la distribution de documentaires en salle. Je ne parle d'une enveloppe de réalisation des documentaires, mais d'un montant pour les films qui seraient diffusés en salle, pour qu'on puisse déterminer au départ les possibilités de succès commercial en salle et prévoir les fonds en conséquence. Parce que souvent il faut tourner ces films de façon différente. Il faut un format de qualité supérieure. Il y a un agrandissement. Il faut tenir compte d'un tas de choses dans le budget.
Voilà donc pour les documentaires. Quelle était votre autre question?
L'hon. Sarmite Bulte: C'était qu'à Téléfilm, ce sont des bureaucrates qui examinent les projets.
Mme Trish Dolman: C'est une question difficile.
Pour ma part, j'aime beaucoup les gens que Téléfilm emploie. Je pense que ce sont des personnes très intelligentes. Elles sont habiles et dévouées à l'entreprise. Je pense que la difficulté c'est la mise en oeuvre des politiques. Prenez le FCT dont les politiques et les lignes directrices changent quasiment chaque année parce qu'il essaie de trouver un moyen de faire fonctionner quelque chose. Pour un producteur, c'est un défi permanent et il n'y a pas de solution parfaite.
Alors l'ennui avec les analyses par des pairs ou par des jurys est qu'il s'agit d'un processus long qui prend beaucoup de temps. Par contre, je pense que... j'ai fait une analyse et j'espère n'insulter personne, mais travailler avec Téléfilm c'est un peu comme faire des films avec Postes Canada. C'est comme faire la queue à un guichet pour acheter des timbres et ensuite à un autre guichet pour poster la lettre. C'est comme cela que ça se passe. Et je finis par avoir des conversations insensées au sujet de la politique. Par contre, je reconnais avoir beaucoup de chance. Dans d'autres pays, le gouvernement n'a pas de politique culturelle et, franchement, je ne vois pas la solution. Je ne suis pas convaincue que l'analyse par un groupe de pairs soit le bon modèle. Il faudrait peut-être que les employés d'organismes comme Téléfilm comprennent mieux l'industrie. Il y a beaucoup de distributeurs qui ont fait faillite et qui se retrouvent dans la rue. Il faudrait peut-être que Téléfilm en embauche un pour faire une analyse de marché. Je ne sais pas.
Mme Julia Keatley: J'aimerais simplement ajouter que si on rétablissait le groupe consultatif sur la politique en matière de longs métrages, il pourrait y avoir des experts de l'industrie...
L'hon. Sarmite Bulte: Pourquoi a-t-il été aboli?
Mme Julia Keatley: Nous ne le savons pas. Et s'il avait eu de véritables pouvoirs comme le conseil d'administration du FCT en a dans l'établissement de la politique... je pense qu'il est possible d'assurer le bon fonctionnement d'organismes en ayant un certain roulement du personnel et en faisant plus souvent appel aux experts de l'industrie plutôt que... Au Royaume-Uni, par exemple, les personnes qui occupent ces postes ont des mandats de cinq ans et sont recrutées dans l'industrie. Il y a donc un roulement, ce n'est pas un emploi garanti à vie. Je sais que parfois cela peut être difficile, mais je pense que ce serait un moyen d'assurer une certaine expertise dans l'élaboration des politiques.
Pour ma part, je constate que Téléfilm est en train de perdre ses experts. Trish a absolument raison de dire que Téléfilm a beau élaborer des politiques, elles ne sont pas vraiment appliquées et d'ailleurs ceux qui élaborent ces politiques ne connaissent pas vraiment l'industrie.
¸ (1410)
L'hon. Sarmite Bulte: J'aimerais un éclaircissement...
La présidente: J'ai déjà été très indulgente envers vous. D'habitude, vous êtes la dernière sur la liste.
L'hon. Sarmite Bulte: Je sais.
J'aimerais que vous m'expliquiez, madame Dolman, si le FCT finance à l'heure actuelle la production de documentaires?
Mme Trish Dolman: Oui, il y a un système d'enveloppes pour des diffuseurs, soit les arts du spectacle pour les enfants, les émissions de variétés et les documentaires.
L'hon. Sarmite Bulte: C'est donc une enveloppe. C'est bien le terme que vous avez utilisé?
Mme Trish Dolman: Oui, une enveloppe. Le système a été modifié il y a quelques années et les diffuseurs ont une enveloppe fondée sur le rendement antérieur qu'ils peuvent affecter à différents projets. Ils sont encore obligés de présenter une demande, mais ils peuvent choisir d'affecter une certaine somme de leur enveloppe du FCT à la programmation. Il y a un processus décisionnel et différent pour les séries dramatiques à la télévision, comme celle que produit Julia. C'est maintenant Téléfilm qui administre la programmation dramatique, que ce soit un long métrage ou une émission de télévision. Pour leur part, les documentaires sont financés par le FCT mais ce sont les diffuseurs qui décident s'ils veulent utiliser une partie de leur enveloppe du FCT dans leur structure de financement.
Mme Julia Keatley: Ce n'est pas pour les longs métrages documentaires. C'est plutôt les séries documentaires et autres émissions de télévision de ce genre.
Mme Trish Dolman: C'est à part des longs métrages documentaires.
L'hon. Sarmite Bulte: Très bien. Merci.
La présidente: M. Schellenberger aimerait poser une question rapide.
M. Gary Schellenberger: J'espère que ce sera rapide.
On a dit tout à l'heure que CBC avait promis 30 millions de dollars pour les longs métrages. Ai-je raison? Et la société n'a pas tenu cette promesse de verser 30 millions de dollars?
Est-ce que le CRTC, Téléfilm, CBC ou les diffuseurs privés ne suivent pas les règles? Y a-t-il des règles? C'est bien beau d'adopter des lois, des règlements, des arrêtés et des règles, mais si personne ne les respecte, il ne sert à rien. Parfois il suffit d'une règle simple que tout le monde suit.
Y a-t-il à l'heure actuelle des règlements qui s'appliquent à ces diverses entités et qui ne sont pas respectés?
Mme Trish Dolman: Pour ce qui est de CBC, la question s'est posée lors du renouvellement de leur licence du CRTC en 2000. Ce n'était pas une condition de leur licence. Lorsqu'il s'agit d'une condition, le CRTC dit : « Très bien, nous allons renouveler votre licence à la condition que vous fassiez ceci. »
Cependant, c'est un engagement qu'a pris CBC. Elle a dit qu'elle le ferait, mais elle ne l'a pas fait. Alors voici la difficulté. Comme ce n'était pas une condition de sa licence, nous n'avons aucun moyen de l'exiger. CBC a décidé qu'elle avait d'autres priorités et a utilisé l'argent ailleurs et non pas pour financer des longs métrages.
Je pense qu'au cours des cinq dernières années, CBC a contribué au financement de deux longs métrages, je crois. L'année avant que cela se produise, il y a donc cinq ans, CBC m'a donné 75 000 $ pour un long métrage.
M. Gary Schellenberger: Très bien, c'était la première partie de ma question. Et la deuxième partie?
La présidente: Est-ce que c'est la première courte partie d'une courte question?
M. Gary Schellenberger: Oui, et je n'aurai pas d'autres questions complémentaires.
Mme Julia Keatley: Voulez-vous que je réponde à la dernière partie de votre question?
M. Gary Schellenberger: Oui, s'il vous plaît.
Mme Julia Keatley: Les licences des autres diffuseurs ne sont pas assorties de conditions particulières au sujet des longs métrages, sauf les chaînes de télévision payante et même elles en font de moins en moins. Il y a diverses choses et ils ont participé à un certain nombre de longs métrages.
Il y a des diffuseurs comme CHUM qui ont participé à de nombreux longs métrages. Je ne pense pas que le CRTC leur ait imposé de faire cela—ne me citez pas—, mais je pense que c'est un peu plus délicat dans le secteur privé.
Bien sûr, notre principale préoccupation c'est cette promesse que CBC n'a pas tenue, surtout lorsqu'on sait que Radio-Canada a tenu son engagement. Nous parlons des succès de l'industrie québécoise comparativement à ceux de l'industrie du Canada anglais, et nous pensons qu'elle devrait... elle avait la chance cette année de diffuser des films canadiens étant donné le lock-out à la LNH.
C'est ce que nous pensons.
M. Gary Schellenberger: Merci.
[Français]
La présidente: Je vous accorde deux minutes parce que j'ai aussi des questions à poser.
M. Marc Lemay: Comme je n'ai que deux minutes, j'y vais d'un commentaire rapide.
J'ai un conseil à vous donner: il est temps d'intervenir auprès de la CBC parce que la SRC a investi 16 millions de dollars pour aider la production cinématographique au Québec, au Canada français, au cours des trois dernières années. Cela a permis au film Le Survenant de prendre la place des autres films dans les salles principales. C'est là qu'il a été présenté, alors que Star Wars a été relégué aux salles secondaires. Et surveillez bien Idole instantanée, qui sort en salle le 5 juillet, car il sera aussi présenté dans les salles principales. Je vous assure que c'est le temps d'intervenir.
Vous dites avoir des statistiques, ou peut-être était-ce Mme Dolman, qui comparent la présence des films américains à celle des films canadiens dans les salles. Ai-je bien compris? Si tel est le cas, j'apprécierais beaucoup que vous nous fassiez parvenir ces statistiques.
Merci.
¸ (1415)
La présidente: J'aimerais simplement appuyer ce que vous a dit M. Lemay. La semaine dernière, la télévision française de Radio-Canada a comparu devant ce comité, et nous avons pu constater que son programme d’aide aux longs métrages était très impressionnant.
[Traduction]
Savez-vous, nous recevrons des représentants de la chaîne anglaise CBC la semaine prochaine et je vais certainement leur poser la question et je suis très heureux que vous ayez mentionné leur engagement de 30 millions de dollars, car j'étais très impressionné. Maintenant, j'entendrai peut-être un son de cloche différent de la part d'entreprises québécoises, mais j'ai été très impressionné par leur façon d'aborder la question. Je pense que c'est un modèle qui montre comment la politique publique doit rassembler tous les éléments de l'industrie pour qu'ils travaillent ensemble.
J'aimerais vous poser quelques questions précises. Ce n'est pas nécessaire que vous me répondiez maintenant, mais j'aimerais que vous me fassiez parvenir votre réponse plus tard. Premièrement, je tiens à dire aux fins du compte rendu, comme je l'ai fait avant avec vous, Julia—que je suis très triste de ne plus pouvoir regarder Cold Squad (Brigade spéciale). Ça me fâche chaque fois que je vois cette imitation insipide provenant des États-Unis et je suis d'autant plus fâché que de temps en temps on présente des émissions de Cold Squad, mais je ne sais jamais quand elles seront diffusées. En tout cas, voilà c'était ma crise pour aujourd'hui.
J'aimerais vous poser une question. Lorsque vous parlez de films produits au Canada, anglais est-ce que cela comprend les films produits par les anglophones du Québec? J'ai posé la même question au sujet des films produits en français au Canada. Est-ce que cela veut dire seulement les films québécois ou est-ce que cela inclut le million de francophones qui vivent à l'extérieur du Québec, en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique, dans le Sud-Ouest de l'Ontario, dans l'Est ontarien, au Nouveau-Brunswick, etc., etc.? Et lorsque vous parlez de théâtre anglais, est-ce que vous voulez dire à l'extérieur du Québec ou tout ce qui se fait en anglais?
Mme Julia Keatley: Lorsque nous parlons du marché, l'une des difficultés, comme vous le savez peut-être, c'est qu'il y a beaucoup de cinéastes francophones qui ont beaucoup de succès qui ont commencé à produire des films en anglais également. Cela a causé beaucoup de pressions. Je pense qu'il s'agit de l'ensemble du pays, y compris le Québec. Je pense que lorsqu'on parle de films de langue anglaise, on parle aussi de leur présentation dans cette province. Lorsqu'on produit un film canadien de langue anglaise, c'est pour qu'il soit présenté dans l'ensemble du pays, ce qui inclut évidemment le Québec. C'est mon avis.
Lorsque nous parlons des marchés, et particulièrement des marchés asymétriques, nous voulons dire les marchés à l'extérieur du Québec, en raison des modes de diffusion et de rediffusion des longs métrages américains. Je ne suis pas sûre si c'est encore vrai. Je me rappelle qu'auparavant les longs métrages américains sortaient plus tard dans les cinémas québécois. Il n'y avait pas de règle à ce sujet, c'était simplement en raison du temps qu'il fallait pour le doublage, etc. Donc pour les super productions américaines diffusées au Canada, il y avait en général un retard dans les grandes campagnes de promotion.
Est-ce que cela...?
La présidente: Franchement, ce que je souhaite, lorsque nous parlons de l'avenir du cinéma dans ce pays, c'est que la minorité anglophone du Québec et que la minorité francophone hors Québec aient leur place. À l'heure actuelle, je ne pense pas que ce soit le cas.
¸ (1420)
Mme Julia Keatley: Non, ce n'est pas le cas. Au conseil national de l'Association canadienne de production de films et télévision, il y avait trois producteurs anglophones. Certains d'entre eux produisent des longs métrages, de sorte que nous représentons l'ensemble de l'industrie. Nous venons justement d'avoir une réunion à Montréal, il y a environ deux mois. Je ne suis...
La présidente: Je ne peux m'empêcher de dire qu'il faut joindre le geste à la parole.
J'aimerais passer un peu de temps avec Peter. Nous n'obtiendrons peut-être pas toutes les réponses, mais je pense qu'il est important que les questions de l'augmentation de l'investissement privé dans la production cinématographique aient été soulevées ce matin et cet après-midi. Je pense que c'est quelque chose que nous devrions examiner—pas pour remplacer l'investissement public, mais pour le compléter. Je ne sais pas au juste où en est rendue l'initiative relative au capital de risque annoncée dans le discours du Trône et le budget, mais je soupçonne qu'aucun de ceux qui sont responsables de sa mise en oeuvre ne songe à utiliser le capital de risque pour stimuler l'investissement privé dans la production de films. Je suis sûre qu'ils songent plutôt à l'aérospatiale et toutes sortes d'autres choses, mais pas cela. Donc, si vous pouviez formuler des recommandations visant à stimuler l'investissement privé, ce serait très utile.
J'ai été très intéressée également par ce que vous disiez au sujet des limites au développement et à la commercialisation. Pourquoi y a-t-il tant de restrictions, pouvez-vous nous expliquer cela davantage et nous dire ce qu'il faudrait corriger? Bien sûr, vous ne pouvez pas dépenser tout votre budget de commercialisation et de publicité pendant que le film est en production. C'est logique.
M. Peter Leitch: Oui. Je ne suis pas nécessairement la personne la mieux placée pour vous en parler, je le répète, mais Lions Gate me semblent être un exemple à suivre pour nos spectacles. Si je songe à deux de nos plus grosses productions, Saw et Monster's Bal, nous avons consacré beaucoup plus d'argent à la mise en marché qu'à la production elle-même, et il s'agit de productions internationales. C'est ainsi que cela se fait de nos jours.
Il est certain que des moyens de diffusion comme l'Internet nous aident énormément à faire parler de nous, et ce, beaucoup plus tôt qu'avant; et comme la mise en marché de nos produits exige beaucoup, cet organe de diffusion nous aide beaucoup auprès de la génération des plus jeunes.
Mais je ne devrais pas m'aventurer plus loin sur ce terrain, puisque d'autres que moi comprennent beaucoup mieux la situation.
Pour ce qui est de la source des actions accréditives, nous sommes en train d'aborder cette question. Je sais que Colleen Nystedt, de New City, a fait beaucoup de travail de recherche. Notre association professionnelle a même embauché un lobbyiste du gouvernement pour mettre la main à la pâte. Mais ce serait tout de même un peu prématuré de ma part de vous dire que nous avons quelque chose à vous envoyer.
Mais cela retient actuellement beaucoup l'attention. Ne serait-ce qu'au cours des audiences de ce matin, j'ai entendu à peu près la même information. Nous progressons actuellement, et nous pourrons sans doute vous soumettre d'ici quelques mois notre position officielle là-dessus.
La présidente: Bien.
Je crois que certains des témoins de la prochaine table ronde sont déjà arrivés. Mais les membres du comité ont besoin de faire une pause. Je crois que nous devrions prendre 45 minutes environ pour faire, entre autres choses, des appels téléphoniques, puisque la prochaine table ronde est prévue pour 15 h 30. Certains des témoins sont déjà ici, mais pas tous encore. La pause devrait nous permettre de communiquer avec nos bureaux de l'Est.
Merci à tous. Le moment que vous avez choisi pour nous faire part de vos préoccupations au sujet des investissements privés est parfait, car notre comité voudrait déposer un rapport intérimaire avant l'ajournement du Parlement. Mais notre rapport ne tirera pas de conclusions, et vous n'avez pas à craindre que les dés soient déjà jetés. Nous allons exposer la problématique en fonction de ce que nous aurons entendu et demander des renseignements supplémentaires à nos témoins en posant des questions spécifiques au cours de l'été. Cela devrait nous permettre de déposer un rapport final à l'automne. Vous voyez donc que le moment que vous avez choisi est parfait.
Merci beaucoup.
¸ (1425)
¹ (1526)
La présidente: Nous reprenons la séance du Comité permanent du patrimoine canadien.
Il y a ici quelqu'un qui ne figure pas à notre liste de témoins mais qui a assisté à la majeure partie des audiences de ce matin et à celle de cet après-midi. Il s'agit de Sauching Ng, qui dirige une entreprise appelée Moving Pictures. Il s'agit d'un festival mobile de films canadiens qui fait la tournée de la Colombie-Britannique, dans les petites et les grandes collectivités, en projetant des films complètement canadiens. Mme Ng a publié un livre sur la tournée 2005 appelée Moving Pictures, ce qui est très approprié. Elle m'a laissé un exemplaire de son livre à votre intention à tous. Par conséquent, avec la permission du comité, et malgré la politique que nous avons de ne distribuer les documents que s'ils sont dans les deux langues officielles, je ferai circuler un exemplaire de son rapport si vous acceptez.
Mme Ng m'a également laissé un documentaire d'une heure regroupant des entrevues effectuées auprès de divers réalisateurs canadiens, qui m'a l'air très intéressant. Je vais laisser ce documentaire auprès de nos attachés de recherche pour qu'ils le consultent, et nous déciderons peut-être d'en regarder quelques extraits lors d'une de nos séances. Ce documentaire s'appelle Weird Sex & Snowshoes, et je le cite :
Avertissement : On considère souvent à tort que le cinéma canadien est simplement de qualité mondiale, plein d'imagination, sans limites, à hurler de rire, et de bonnes histoires. Ne vous leurrez pas. En regardant ces films, soyez aux aguets pour ce qui suit : des images étranges et perverses, de l'humour déjanté, du sexe tordu, des idées risquées, des points de vue uniques, de l'imagination à vous couper le souffle comme vous n'en avez jamais vue et une beauté fracassante. Pour vous initier à cette liste de dangers, voyez Weird Sex and Snowshoes, documentaire de 60 minutes mettant en vedette les meilleurs talents cinématiques. |
Je laisse à Jacques le soin de faire circuler le rapport et à Joe et Sam le soin d'étudier le documentaire que nous voudrons peut-être voir nous-mêmes à un moment donné. Moi, en tout cas, je voudrais le voir.
Maintenant, bienvenue à nos témoins de la table ronde de 15 h 30. Nous n'aurons peut-être pas besoin de les garder jusqu'à 17 heures.
Nous accueillons Neil Campbell de Landmark Cinemas of Canada, qui n'est pas accompagné de Brian McIntosh.
Wendy Hill-Tout n'est pas encore arrivée.
Nous accueillons également Andrew Ooi, président de Echelon Talent Management.
Nous allons commencer par Andrew Ooi. Nous demandons à tous nos témoins de se limiter à cinq minutes environ. Soyez sûrs que nous avons lu tous les documents que vous nous avez envoyés avant la séance, mais que ce qui nous semble le plus précieux, c'est d'avoir une discussion avec vous. Par conséquent, ce qui serait le plus utile, ce serait que vous nous disiez qu'elles sont les recommandations que vous voulez nous faire.
¹ (1530)
M. Andrew Ooi (président, Echelon Talent Management): Voyons un peu ce que je peux faire.
Bonjour et merci de m'accueillir aujourd'hui. Je suis ravi d'être des vôtres, car je voudrais vous faire part de certaines préoccupations et de certaines problématiques. Je suis particulièrement inquiet du manque de diversité culturelle dans les longs métrages canadiens et dans les émissions de télévision diffusées ces temps-ci.
C'est une vraie farce. Les minorités surtout chinoises et indiennes du Canada—ici, au Canada, on parle des Indes orientales, mais ce sont véritablement des Indiens—représentent une très grande partie des Canadiens. Ils constituent de 13 à 14 p. 100 de toute la population canadienne, et pourtant, ils ne sont pas convenablement représentés dans les émissions télévisées ni dans les films canadiens.
Les choses se sont améliorées légèrement au cours des deux dernières années, grâce à des émissions comme Godiva's, dont certains des personnages sont d'origine ethnique, mais nous déplorons qu'en même temps, seulement deux des 14 personnages principaux de l'émission Corner Gas soient aussi des représentants des minorités ethniques. Et il y a aussi autre chose qui doit sortir bientôt et qui s'appelle Alice, I Think. Dans le cas de cette nouvelle émission, j'ai fait encore une fois mon petit calcul, et j'ai constaté que seulement un des dix personnages représentera une minorité visible. C'est très triste, car la situation ne reflète aucunement le véritable visage du Canada d'aujourd'hui, qui est une société très multiculturelle. Voilà un problème qu'il faut régler.
Un autre des problèmes à régler, c'est le système de vedettariat au Canada. Nous assistons à un exode des talents vers le sud et vers d'autres pays comme l'Inde, la Chine ou Hong Kong, ce qui nous enlève des acteurs qui devraient rester au Canada, car ils sont bourrés de talent.
Johnny To était l'un des metteurs en scène qui s'est rendu à Cannes cette année, car un de ses films y était présenté. Le fait qu'il est Canadien était un secret bien gardé, sauf pour ceux qui avaient fait le film avec lui.
Ching Siu-Tung, aussi connu sous le nom de Tony Ching, est un chorégraphe d'action et réalisateur très connu de Hong Kong. Il a réalisé des films tels que Naked Weapon et a chorégraphié les mouvements dans Hero et House of Flying Daggers. Il s'agit là d'un Canadien qui vit à Vancouver dans la jolie partie de Granville Street.
Pour ce qui est des acteurs, il y en a beaucoup qui ont quitté le Canada parce qu'ils devaient gagner leur vie. On a beaucoup cherché à aider les réalisateurs, les producteurs et les scénaristes, mais on a très peu fait pour aider les acteurs. Il faudrait corriger la situation, car ce sont eux qui sont devant la caméra et ce sont eux que les gens reconnaissent quand ils vont voir un film.
Je sais que beaucoup de spectateurs vont au cinéma parce que le scénario les attire, mais la plupart du temps, ils vont voir un film pour retrouver les acteurs. Si vous êtes un fan de Julia Roberts, vous irez voir le film dans lequel joue Julia Roberts. Ou bien, vous irez voir le dernier film de George Clooney.
Si bons soient nos films, au Canada, ils n'ont pas l'avantage d'avoir ces acteurs très connus. Pourtant, il y a quelques acteurs canadiens très connus au sud, à Los Angeles et à Hollywood, mais aussi en Chine et en Inde, que nous pourrions récupérer pour nos longs métrages canadiens. J'aimerais vous suggérer certaines façons d'utiliser ces acteurs pour faire augmenter le nombre de spectateurs de longs métrages canadiens.
Prenons comme exemple Echelon Talent, créé en 1994. Cela fait donc une dizaine d'années que nous existons, et nous sommes une agence d'artistes qui se spécialise surtout dans les acteurs asiatiques provenant de la Chine, de l'Inde et de Hong Kong. Nous les représentons dans toute l'Amérique du Nord, en Europe et ailleurs.
Nous comptons notamment parmi nos clients Christy Chung, qui a joué dans The Medallion et dans Samsara, acheté par Miramax. Ce film a été fort bien reçu sur les marchés étrangers et a gagné plusieurs prix. Christy Chung est canadienne. Lisa Ray, pour sa part, est une très grande actrice de Bollywood qui a joué dans Bollywood, Hollywood, et qui joue dans le nouveau film de Deepa Mehta, Water. Nous représentons aussi Edison Chen. Tous ces acteurs sont très connus. J'ai apporté ici des photos d'eux que vous voudrez peut-être faire circuler. Vous ne reconnaîtrez sans doute pas ces visages, mais ce sont des visages d'acteurs très connus dans le monde, mais qui passent sans doute inaperçus au Canada.
Il y a un marché à exploiter, mais comment faire pour l'exploiter et pour récupérer cet auditoire?
¹ (1535)
Ce que je suggère, notamment, c'est de créer un fonds comme le fonds FACTOR qui existe dans l'industrie de la musique. Il s'agit d'une fondation destinée à aider les talents canadiens qui endisquent. Ce fonds aide à la publicité et à la mise en marché des artistes du disque et, sauf erreur, Avril Lavigne et Michael Bublé ont bénéficié des fonds versés par FACTOR.
Pourquoi ne pas créer un fonds semblable destiné spécifiquement aux acteurs canadiens? Investissons dans leur publicité, mais en les cautionnant aussi en quelque sorte, pour les obliger à se produire éventuellement dans des films canadiens avec un cachet réduit. Ainsi, si ces acteurs deviennent célèbres et qu'ils gagnent, par exemple, 20 millions de dollars par année, s'ils sont cautionnés par le gouvernement, ils seront par la même occasion obligés de jouer dans cinq longs métrages canadiens à un cachet réduit de 100 000 $ ou de 250 000 $ par année—ce qui permettrait de réaliser des films à petit budget.
Ainsi, le Canada obtiendrait sa part des spectateurs, pas seulement de façon locale mais à l'échelle mondiale aussi. Cela me semble très important, puisque la part du marché mondial des films rétrécit relativement vite. Pour l'instant, le marché est mondial, et il faut agir pour que le film canadien se taille une place bien à lui dans le milieu cinématographique du monde entier. Et il y a beaucoup à faire, à mon avis.
Au Canada, on met beaucoup l'accent sur les coproductions avec l'Europe, et c'est une situation qui doit changer. En effet, la Chine et l'Inde sont deux des économies en expansion les plus rapides du monde, et il faudrait songer sérieusement à faire des coproductions avec des pays asiatiques. Les politiques linguistiques qui s'appliquent au cinéma canadien doivent être révisées afin que l'on puisse appuyer la production cinématographique dans des langues autres que simplement le français et l'anglais. Dès qu'un film n'est pas produit dans l'une ou l'autre de ces deux langues, il perd presque complètement la possibilité d'être financé. Il faudrait corriger la situation.
Voilà ce que j'avais à dire. Je vous remercie de votre attention.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Campbell.
M. Neil Campbell (directeur des opérations, Landmark Cinemas of Canada): Vous m'avez vu toute la matinée et j'ai entendu le rappel de faire court. J'ai donc barré une grande partie de mon texte.
Je veux que chacun sache que Landmark Cinemas est un exploitant de salles qui a son siège dans l'Ouest. C'est notre 40e anniversaire et nous en sommes très fiers. Nous exploitons 41 cinémas pour un total de 140 écrans. Nous sommes aussi propriétaires d'une compagnie appelée Theatre Agencies, et nous achetons et louons des films pour quelque 160 autres cinémas indépendants.
En une année, nous achetons et louons pour bien au-delà de 300 écrans dans l'ouest du Canada. Nous voyons une multitude de films. Nous achetons ceux qui à notre avis vont rapporter de l'argent à nos cinémas. C'est aussi simple que cela. Leur origine ou leur auteur ne compte pas. Le critère, c'est : « Va-t-il rapporter? Y a-t-il un public pour ce film? ». C'est cela, notre priorité.
Je ne vais pas parler de la concurrence; on vous en a parlé des centaines de fois. Dans la chaîne alimentaire, nous sommes au sommet et tout le monde nous suit. Plus nous prospérons, plus les autres prospèrent. En 2005, toutefois, on prévoit qu'entre 4 et 5 milliards de dollars seront volés aux entreprises par les téléchargements illégaux et les ventes illégales de DVD. C'est notre pain quotidien. Nous avons des programmes de fidélisation, des bandes-annonces, des « clings ». Nous avons tout l'attirail du battage publicitaire. Nous n'appelons plus cela le piratage parce que le mot a quelque chose de romantique; on appelle cela du vol, parce que c'est de cela qu'il s'agit.
Certains ont dit que le seul film canadien à l'affiche à Calgary ou dans toute l'Alberta cette semaine, c'est Hank Williams First Nation. Il y a à peu près un an, Aaron m'a téléphoné pour me parler de ce film. Après plusieurs rencontres, coups de téléphone, visites et festivals, il n'a réussi à trouver aucun distributeur. J'ai alors visionné le film. Il m'a plu et je lui ai dit que j'allais lui donner un coup de main. Nous avons participé au lancement du film. Nous l'avons lancé dans les endroits où il avait été tourné et il a eu un succès énorme, évidemment, parce que c'était un produit local.
Il passe maintenant ailleurs. Il a été à l'affiche à Edmonton, à Calgary, largement dans le marché de Vancouver, et à Victoria. Aaron et son film ont maintenant le vent dans les voiles et tous mes voeux de succès l'accompagnent. Mais le secret, c'était tout simplement de faire un film qui plaisait. Moi, j'ai vu les choses autrement parce que ma base est dans l'ouest du pays, pas dans l'est, et c'est un film sur l'Ouest. J'ai vu dans ce films des choses que j'ai comprises et appréciées et qui échappent sans doute aux gens de l'est. Ce n'est pas un défaut; c'est simplement la réalité. C'est la différence entre les cultures.
C'est donc dire que Landmark et les autres exploitants de salles en général ont décidé de faire les choses comme il faut quand il s'agit d'un produit canadien. Nous sommes très fiers de mettre à l'affiche des films canadiens mais c'est le produit lui-même qui vend les places, et c'est cela notre vocation. C'est cela qui paie les cinémas et c'est d'ailleurs le Canada qui a les meilleurs au monde. Honnêtement.
Pour ce qui est des festivals, notre compagnie ainsi que d'autres sont de chauds partisans du circuit des festivals de cinéma—ceux de Toronto, de Calgary, de l'Institut national des arts de l'écran à Winnipeg. Il y a certaines choses que j'aimerais corriger. On vous a dit ce matin que les films canadiens ne passent pas dans les petites villes. Le circuit du Festival du film de Toronto, avec lequel nous sommes activement associés, et qui inclut plus d'une vingtaine de nos cinémas, est un gros joueur. Même dans la petite ville où j'ai grandi, au Manitoba, c'est devenu un gros événement annuel. Les gens savent quand les films arrivent et de quels films il s'agit. Ce sont les gens de l'endroit qui choisissent les films à partir de la liste établie. Le but, c'est de ramener les gens devant les écrans. Bien sûr, ils ne sont pas tous canadiens, mais beaucoup le sont.
Treed Murray a passé à Virden, au Manitoba. Ça n'aurait jamais été possible sans le circuit des films. On familiarise de plus en plus de gens au cinéma, aux films d'art, et on crée un public pour ce genre de films. Il est donc faux de dire que pour voir un film canadien, il faut habiter une grande ville.
Quelque chose d'autre a été dit à propos des films canadiens et de la période de l'année. Si j'étais distributeur canadien avec un film canadien, je ne pense pas que je le mettrais sur le marché actuellement, en concurrence avec Batman Begins. Ce serait de la pure folie.
¹ (1540)
Un bon distributeur va examiner les tendances de sortie des films. Il va chercher les créneaux adaptés à son film et se concentrer sur eux. Il ne va pas rivaliser de front avec les gros canons d'Hollywood ou, si son film est à ce point spécialisé, il va au contraire louer les salles à ce moment-là. C'est un art, mais c'est aussi une question d'affaires, et au bout du compte, chacun essaie de faire de l'argent parce que c'est ce qui maintient le secteur en vie.
Le distributeur malin est donc celui qui trouve le créneau dans le calendrier des sorties où son film se place le mieux.
Les invasions barbares—ce film me passionne parce que j'ai vu le premier. J'étais dans la distribution il y a 16 ans et nous nous occupons de beaucoup de films canadiens. Quand Les invasions barbares est sorti, je l'ai vu. J'étais follement enthousiaste parce que c'est un film magnifique. C'était se retrouver en pays de connaissance, de voir tous ces visages connus.
C'est Odeon qui avait le film. Ils voulaient le sortir à Noël dans l'espoir d'une candidature aux Oscar. On était d'accord avec eux. On leur a donné des cinémas à Winnipeg, Calgary et Victoria. On a réservé un écran pour sortir le film à Noël et on l'a projeté jusqu'aux mises en candidature. Tout le monde y trouvait son compte. Le film était super. Il a reçu des fleurs et enregistré des entrées au guichet et tout le monde était fier parce que nous étions tous pour quelque chose dans son succès.
Avec des films comme celui-là, on n'a pas de mal à mettre tout le monde de son côté pour faire du mieux possible et en faire un succès.
Le marketing, les bandes-annonces et les promotions. Je vais lire ce que j'ai écrit ici. Honnêtement, je ne peux pas croire qu'on se retrouve avec les mêmes problèmes qu'il y a des années. Les producteurs canadiens qui ont de l'expérience—pas tous—savent qu'il ne s'agit pas seulement de produire un bon film; encore faut-il produire les outils de vente dont le film a besoin. Où est la bande-annonce? Où sont les tracts? Où sont-ils livrés? Je suis allé à des festivals où le long métrage qui passait n'avait même pas de tract collé sur la porte. J'ai rencontré des producteurs et des acteurs qui déploraient le sort réservé à leur film parce que dans leur esprit, évidemment, ils avaient fait Autant en emporte le vent. Ils sont dans une salle comble pendant le festival et il n'y a même pas une affiche à la porte d'entrée.
Ça ne va pas. C'est cassé. Je ne sais pas quelle est la solution, mais il en faut une. Il faut une meilleure continuité et cela commence à la production. Il faut qu'ils puissent produire le matériel dont vous avez besoin pour réaliser les supports publicitaires dont tout le monde se sert. Si vous n'avez pas de tracts de qualité, vous vous nuisez à vous-même.
Quelqu'un a dit ce matin qu'on est incapables de faire une bande-annonce. Je ne vais pas entrer dans ce débat, mais je sais que matériellement, on en est capables. Il faut le faire. Il faut l'envoyer à l'exploitant suffisamment tôt pour qu'elle passe à l'écran. Beaucoup de groupes vont ont dit que les minutes de bande-annonce sont précieuses, et c'est vrai. Toutes les semaines, chacun me demande de mettre sa bande-annonce avant tel ou tel film, et notre travail d'exploitant de salles, c'est d'assortir au mieux bande-annonce et grand film. C'est nous qui essayons de vendre le prochain grand film au public cible. C'est notre travail et nous allons faire de notre mieux.
Les quotas et les prélèvements. Vous vous doutez bien de ce que j'en pense : non. Je vais vous dire pourquoi. Prenez le cas du Québec. L'industrie cinématographique québécoise connaît une expansion phénoménale. Pourquoi? La seule raison que les exploitants de salles ont pu trouver, c'est que les producteurs québécois ont pris le pouls de leur public. Ils font des films que les Québécois veulent voir et ont du plaisir à voir. C'est ce qu'ils font. Ils font un magnifique travail de marketing. Ils ont le luxe d'avoir leurs propres stars et de pouvoir monter tout un programme autour d'elles; mais d'abord et avant tout, ils font d'excellents films. Winnipeg a une grosse population francophone et nous avons un cinéma à Winnipeg. Parce qu'ils font des films de qualité, on fait maintenant venir à Winnipeg des films du Québec pour cet auditoire. Nous avons maintenant un festival du film français au cinéma Globe de Winnipeg à cause de la population de langue française qui s'y trouve.
Quand j'ai téléphoné à des amis à moi dans la distribution à Montréal et que je leur ai dit ce que je voulais faire, ils ont eu le souffle coupé. Je leur ai dit qu'il y a entre 70 000 et 90 000 francophones à Winnipeg et que personne n'avait jamais mis à l'affiche un film pour eux. « Tentons l'expérience et voyons ce qui se passe ». Ils pensaient que c'était un gros risque et que personne n'allait se pointer. Eh bien, les gens sont venus, et ça marche très bien. Il y a aujourd'hui un festival. Depuis, je passe une bande-annonce à Winnipeg qui n'est même pas doublée. En français seulement. Des gens me téléphonent pour me dire : « Vous avez passé une bande-annonce dans une salle à Winnipeg qui n'est pas doublée. Vous le saviez? On ne comprend pas. » Je réponds : « Eh bien, j'imagine que vous ne parlez pas français, parce que c'est aux francophones que le film s'adresse. »
¹ (1545)
Il y a là une population assez importante pour que je veuille prendre le risque de faire venir les meilleurs films québécois. On suit actuellement les recettes phénoménales enregistrées au Québec. Elles sont énormes. Cela fait partie du travail de mes agents de location. Le lundi, on s'arrache les cheveux à essayer de décider ce que l'on va mettre à l'écran le vendredi, tandis que pendant le reste de la semaine, on décide ce qui va passer le vendredi suivant, puis les vendredis d'après. On fait toutes nos recherches. On examine toute l'Amérique du Nord, pas seulement le Canada, mais aussi le Québec parce qu'il s'y fait tant de bons films et s'ils sont exportables, on veut les avoir.
Pour ce qui est du financement, je ne suis pas producteur et je ne vais pas me hasarder sur ce terrain, mais quand je regarde en arrière et que je vois le chemin parcouru par l'industrie, je pense qu'il faut absolument chercher le moyen d'injecter des capitaux privés en plus des fonds publics. Pour moi, c'est à ce moment-là que l'industrie va décoller : quand les investisseurs privés seront prêts à investir leurs capitaux.
Nous avons vraiment d'excellents producteurs. Je connais Wendy depuis qu'elle était toute jeune avec son premier film, mais elle a désormais un fonds. C'est un mot que vous entendrez souvent quand il sera question des studios—la valeur d'un studio repose sur son fonds cinématographique. Quand vous avez la chance d'investir dans quelqu'un qui a un fonds, qui a fait ses preuves, les gros investisseurs seront prêts à les cautionner.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci.
Wendy, soyez la bienvenue. C'est maintenant votre tour.
Mme Wendy Hill-Tout (présidente, Voice Pictures Inc.): Désolée, je n'ai jamais comparu devant ce genre de comité. J'ai rédigé un texte que je pensais lire. Je vais plutôt parler. Je consulterai sans doute mes notes un peu plus que d'autres, mais je vais essayer de ne pas baisser les yeux.
La présidente: Vous n'avez pas besoin de nous lire votre mémoire. Nous avons tous appris à lire. Ce que nous souhaitons vraiment, c'est discuter avec vous. Pouvez-vous insister sur les choses qui sont les plus importantes, en particulier les recommandations que vous aimeriez nous faire?
Mme Wendy Hill-Tout: D'accord. Je vous parlerai très brièvement de moi, simplement parce que c'est une bonne introduction à ce que je veux vous dire.
En fait, j'ai connu Neil il y a quelques années, quand j'ai fait un long métrage canadien, en 1991, pour lequel il m'a aidée.
Puis, il y a environ huit ans, quand mes enfants étaient tout jeunes, je n'ai fait que des documentaires, le domaine dans lequel j'avais d'ailleurs commencé, des documentaires sur des enjeux sociaux, surtout pour l'Office national du film, et les arts de la scène.
J'ai recommencé à faire des oeuvres dramatiques il y a environ trois ans. Ce n'est donc que depuis trois ans que je me consacre à ce genre, ce qui est très peu. Notre entreprise a probablement produit, cette année et l'an passé, des films d'une valeur allant de 50 à 60 millions de dollars. Au début, nous produisions deux ou trois films par année alors que maintenant, c'est sept ou huit longs métrages ou téléfilms par année.
J'ai très vite constaté que le système actuel ne nous permet pas d'aller où nous voulons aller avec notre entreprise. Certains aspects sont très bons, mais il y en a bien d'autres qu'il faudrait changer. J'ai probablement dix longs métrages en développement à l'heure actuelle, et il n'y en a qu'un seul qui reçoit du financement du Canada, autre qu'un crédit d'impôt ou quelque chose de semblable.
Nous travaillons surtout avec d'autres pays. Nous avons participé à quelques coproductions avec le Royaume-Uni. Des Allemands ont financé certains de nos films. Nous venons de terminer un téléfilm pour ITV avec ApolloMedia, une entreprise allemande de financement cinématographique. Dans la plupart de nos coproductions—qui regroupent parfois jusqu'à quatre pays—presque tous les fonds proviennent de l'étranger, probablement parce que nos entreprises s'intéressent surtout à la production de films commerciaux. Le système canadien n'a pas été conçu pour financer ce genre de films.
Nous produisons des films dans toute une gamme de genres avec des acteurs vedettes formidables. Je suis convaincue que nous pouvons faire tourner nos films au Canada. Ce serait vraiment étrange de ne pas le vouloir. Pourtant, beaucoup de gens m'ont souvent dit que ce n'était pas possible pour nous. Mais je ne les crois pas. Je continue de croire que nous devons produire des films que les gens veulent voir.
Cela ne signifie pas que je rejette le cinéma de répertoire. Ce genre de films est déjà produit au pays. J'arrive de Cannes où ont été présentés les films de deux réalisateurs canadiens. Nous connaissons déjà beaucoup de succès avec certains de nos films de répertoire qui ont reçu des prix et mérité l'attention du monde. Ces films de répertoire ont un auditoire, mais ce n'est pas le grand public canadien.
J'aimerais faire des recommandations qui pourraient nous aider en ce sens. Ma principale recommandation—j'abonde dans le même sens que Neil—porte sur la création d'un système privé de financement. Il nous faut attirer des investissements privés au Canada. Je sais qu'on a hésité à le faire en raison de ce qui s'est produit dans le passé, mais, à l'époque, notre industrie n'avait pas le même niveau de maturité que maintenant. Peut-être avons-nous tenté le financement privé trop tôt, de sorte que ces films n'ont pas connu de succès et que bien des gens ont perdu beaucoup d'argent. Notre industrie a beaucoup progressé depuis et est maintenant prête à tenter de nouveau l'expérience du financement privé.
D'autres pays le font. Au Royaume-Uni, pays avec lequel nous collaborons souvent, le U.K. Film Council, une organisation culturelle, consacre environ 78 millions d'euros à la production cinématographique chaque année. C'est un organisme culturel auquel s'ajoute toutefois un système privé, créé par les articles 48 et 42, et axé sur la fiscalité.
¹ (1550)
Nous venons de produire un long métrage canadien en coproduction avec le Royaume-Uni avec lequel nous collaborons régulièrement; on peut obtenir grâce à ces fonds 30 p. 100 du budget du film.
La même chose existe en Allemagne. Il y a un financement public de la culture, mais aussi des fonds privés qui jouissent d'un report d'impôt. L'un de ces fonds—nous travaillons avec Equity Pictures, en Allemagne—peut consacrer jusqu'à 100 millions de dollars par année à la production cinématographique. Ça représente le budget de Téléfilm. J'ignore quel est précisément le budget, mais ce n'est là qu'un fonds privé.
J'ai participé à une conférence parrainée par Téléfilm à Paris il y a quelques années. C'était très intéressant. J'y ai rencontré un jeune producteur français, d'environ 26 ans, dont le curriculum vitae était plus long que celui de la plupart des réalisateurs ou producteurs canadiens à la fin de leur vie. À un atelier un jour, un producteur canadien a dit en blaguant—en fait, peut-être qu'il ne blaguait pas—qu'au Canada, on ne peut réaliser qu'un seul long métrage tous les trois à cinq ans et que, cela étant, il lui restait probablement trois films à réaliser avant sa mort.
Le faible volume de productions est l'un de nos problèmes, et ce, à l'échelle du pays. J'ai vu bien de grands réalisateurs—c'est ce qu'on m'a dit aussi au Québec—qui ne peuvent réaliser un long métrage que tous les trois ans, environ. Pourquoi? C'est parce qu'il n'y a pas suffisamment d'argent pour leur permettre de réaliser un long métrage chaque année. Pour que notre talent s'épanouisse, il faut que nous travaillions. C'est en forgeant qu'on devient forgeron.
Je crois qu'il faut aussi produire un assez grand volume de films pour avoir du succès. La France l'a compris—je ne me souviens pas précisément des statistiques, mais le nombre de films qu'on produit en France est étonnant. Bien sûr, la langue doit être prise en compte, mais la France aussi a déjà été dominée par les films américains. Or, à l'heure actuelle, le nombre de productions françaises est énorme, bien supérieur à ce qui se fait au Québec. Le Québec fait pitié quand on voit le nombre de films français projetés dans les cinémas en France.
Cela s'explique. L'année où j'ai rencontré ce jeune homme qui avait déjà tant de réalisations à son actif, la France avait produit 500 longs métrages.
Quand le Canada produira 500 longs métrages par année, ou même 150 longs métrages par année, les films canadiens seront projetés sur les écrans. Il faut un certain volume, une masse critique pour obtenir ces succès commerciaux.
Notre objectif, avec notre entreprise, c'est de devenir un petit DreamWorks. Nous ne serons jamais DreamWorks, mais nous aimerions être une petite version canadienne de DreamWorks. Mais ce n'est pas possible ici. Ce n'est pas possible, car les fonds ne suffisent pas à produire le volume de films qu'il faudrait. Voilà pourquoi notre financement provient si souvent de l'étranger.
Une société anglaise d'investissement s'occupe à mettre sur pied pour moi une sorte de fonds de couverture, de fonds d'actions pour attirer des investissements privés dans la production cinématographique. Je siège aussi au conseil d'administration d'un fonds allemand. Le Canada doit cesser de craindre la domination. Nous craignons tant la domination par les autres que nous refusons de nous ouvrir au reste du monde, nous refusons d'ouvrir nos films au reste du monde. Je pourrais vous en donner bien des exemples, bien des cas que j'ai moi-même vus.
Non seulement je ne peux obtenir de financement pour mes films dans mon propre pays... je ne veux pas dire que je n'obtiens jamais d'argent; j'ai beaucoup de soutien de groupes comme Téléfilm Canada, mais Téléfilm ne peut m'aider à produire 10 films par année, parce que s'il le faisait, il ne pourrait financer personne d'autre, à part peut-être une autre entreprise.
En Allemagne, en échange des avantages fiscaux, vous devez céder vos droits d'auteur. Les Allemands exigent les droits d'auteur. Ce sont donc des fonds qui ne coûtent rien. Ces fonds sont là, disponibles pour tous. Les Américains y ont recours depuis des années puisque ce financement ne leur coûte rien.
Un de nos films n'a pu faire l'objet d'une coproduction en raison des règles canadiennes selon lesquelles nous devons garder une part des droits d'auteur. Les Allemands nous redonnent les droits après sept ans, mais les règles canadiennes sur les droits d'auteur sont telles qu'elles nous interdisent l'accès à ces fonds privés de l'Allemagne. Tous les autres pays du monde y ont accès.
Je siège actuellement au conseil d'administration d'un fonds allemand. Nous disposons cette année de 58 millions d'euros. Je ne peux financer de films canadiens avec cet argent—même si je siège au conseil d'administration à titre de partenaire canadienne—en raison de la réglementation sur le droit d'auteur.
Il y a d'autres problèmes. Nous avons voulu coproduire, avec le Royaume-Uni, un film à contenu canadien. Nous avions trouvé en France quelqu'un qui était prêt à investir 40 p. 100 du budget du film. Nous avions du capital, mais une bonne part du financement était précaire, il s'agissait de crédits d'impôt et d'argent de cession-bail. Le partenaire français était prêt à assumer 40 p. 100 du budget du film, ce qui équivalait à environ 80 p. 100 du capital du film, mais les règles nous permettaient de ne leur verser que 25 p. 100 des profits. Pourquoi auraient-ils voulu investir dans mon film à de telles conditions? Et bien évidemment, ils ont refusé.
Vous savez, je dois soutenir la concurrence de tous les autres pays du monde. Tous les producteurs de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et d'ailleurs cherchent du financement pour leurs films. Pourquoi s'intéresserait-on aux miens dans de telles conditions?
¹ (1555)
Deux choses me préoccupent. Premièrement, je crains qu'il n'y ait pas suffisamment d'argent au Canada pour financer les films que je produis actuellement, qui sont des projets merveilleux auxquels je tiens.
Deuxièmement, nos règles et règlements, qui sont beaucoup trop nombreux, m'empêchent d'obtenir des fonds gratuits dans d'autres pays. Encore une fois, nous craignons la domination à un point tel que nous nous mettons des obstacles... c'est un peu comme le libre-échange. On craignait tellement le libre-échange. Or, le Canada, en tant que pays, n'a pas disparu. J'aimerais bien que l'on assouplisse ces règles et qu'on permette ainsi la production de plus de films en partenariat, avec des investisseurs étrangers qui partagent notre vision, qu'on nous permette d'accéder à ces fonds, mais aussi de faire des films en dehors du carcan que représentent ces règles. Je vous donne l'exemple de Deepa Mehta qui, pendant des années, a préféré faire ses films en Europe.
À Cannes, je suis allée voir le film de Wim Wenders, un réalisateur allemand de films de répertoire qui vient de réaliser un film écrit par Sam Shepard. Assise au cinquième rang, j'ai ressenti une vague de tristesse en regardant ce film car je me suis dit que, si j'avais coproduit ce film, je n'aurais jamais pu le faire au Canada. Je n'aurais pu le faire au Canada, car le scénariste du film est américain et parce que ce film a été tourné aux États-Unis. Or, ce film présente la vision qu'a un réalisateur allemand de l'Amérique. C'est un film très allemand, que je n'aurais jamais pu coproduire avec lui à titre de partenaire canadienne.
J'espère sincèrement que nous cesserons de craindre la domination des étrangers et que nous ouvrirons nos frontières à ce nouveau monde véritablement international.
Prenons l'exemple du cinéma français. Les cinéastes français font des films un peu partout dans le monde. Ils font des films en Iran. Les cinéastes français vont en Iran pour faire des films sur l'Iran, ou vont en Inde ou ailleurs. Cela ne se fait pas au pays. J'aimerais que nos frontières s'ouvrent pour que notre pays profite de ces occasions, j'aimerais que nous soyons moins protectionnistes dans l'industrie du cinéma.
Il est aussi important de nouer ces relations parce que le cinéma est une industrie mondiale. Si nous nous replions sur nous-mêmes, nos films resteront inconnus ailleurs dans le monde. À mes yeux, il ne suffit pas de s'adresser à un auditoire canadien; il faut que nos films soient sur tous les marchés du monde.
J'aimerais maintenant parler de ce que nous réussissons. Il existe au Canada un grand nombre de traités de coproduction, et notre bureau de coproduction aide beaucoup les producteurs à collaborer avec d'autres pays.
Notre pays reçoit aussi beaucoup d'attention lors des festivals, et les bureaux régionaux de nos organismes culturels ont aussi beaucoup fait pour le pays. C'est important, car je ne crois pas que nous puissions faire entendre notre voix à l'échelle du globe à partir du centre du Canada, bien que j'estime que le centre du Canada ait sa propre voix. Je tiens à encourager ce genre de régionalisme.
Je suis aussi d'accord pour dire qu'il faut laisser la place aux autres cultures et aux autres voix du pays. Cela doit être encouragé à tous les niveaux, notamment parce que notre société est multiculturelle, mais aussi parce que nous vivons dans une société mondiale. Nos films iront plus loin dans le monde si nous présentons la diversité culturelle du pays sur nos écrans, car une fois qu'ils auront quitté le Canada et l'Amérique du Nord, et peut-être aussi la Grande-Bretagne, ils pourront être vus en Chine, au Japon, en Yougoslavie et ailleurs. C'est très important.
º (1600)
Neil a parlé du marketing. Nous avons travaillé à un fonds pour l'impression et la publicité, en Angleterre. Encore une fois, cela vient d'Angleterre, ce qui me chagrine beaucoup.
On ne peut pas seulement faire de bons films. Il faut les pousser à coup de marketing et d'argent. S'il y avait un mécanisme privé... C'est un chose qu'on envisage en Grande-Bretagne, pour la même raison. On estime là-bas ne pas voir suffisamment de films britanniques sur les écrans britanniques. On y envisage d'autres solutions d'impression et de publicité, comme dans le cadre d'un régime privé, où des investisseurs pourraient placer de l'argent destiné au marketing, aux impressions et aux publicités pour les films.
Il faut intensifier le marketing de nos films. Nous sommes confrontés aux géants états-uniens, qui ont des budgets de marketing de l'ordre de 180 millions de dollars. Nous venons de faire un projet de DreamWorks, Le cheval venu de la mer, dont vous avez peut-être déjà vu des publicités à la télévision. On le voit partout : dans Vanity Fair, même à Los Angeles et à Hollywood.
Le budget pour la série réalisée avec TNT et DreamWorks était de 50 millions de dollars US, et 50 millions de dollars sont allés au marketing, pour un téléfilm sur l'histoire de l'Ouest américain. Je ne sais pas si quelqu'un voudra le regarder, mais imaginez... Bien entendu, le public voudra le voir, à cause du battage médiatique, et même si ce n'est pas un film qu'il aurait voulu voir normalement. Ce sont des films très importants qui montrent, comme Spielberg aime bien le faire, lui qui va souvent à contre-courant, un point de vue très différent sur l'histoire américaine, ce qui est très intéressant. Dans l'un d'entre eux, on montrait à la fois le point de vue d'un Autochtone et d'un Blanc sur la colonisation de l'Ouest. Cela ne s'est probablement pas fait bien souvent.
Le marketing est important, et c'est ce qui vous intéresse. Considérez les chiffres : 50 millions de dollars pour la production et 50 millions de dollars pour la commercialisation. Comment en arrive-t-on là? Peut-être que grâce à un mécanisme privé, on pourrait trouver des fonds pour la commercialisation des films, plutôt que de simplement les réaliser, et les sortir sans autre forme d'appui.
Je vais vous donner quelques chiffres pour vous donner une idée des sommes... Le Royaume-Uni a une forte population aussi, mais grâce au U.K. Film Council, un organisme culturel, on a mis de côté 74 millions de livres sterling. Mais en plus, les articles 42 et 48 prévoyant des mesures incitatives ont fait grimper les dépenses de production cinématographique au Royaume-Uni à un sommet de tous les temps de 1,17 milliard de livres sterling en 2003, et fait augmenter de 77 p. 100 en 10 ans le nombre de travailleurs dans le secteur du cinéma. En Allemagne, en France et dans d'autres pays européens aussi, on donne un très bon soutien au cinéma, tant du côté culturel que du côté privé. Cela a certainement aidé ces pays et leurs longs métrages à être diffusés ailleurs dans le monde.
Je pense qu'il faut une excellente école de scénarisation au Canada. Je dois dire que les scénarios de films canadiens que je reçois, et j'en reçois des centaines, sont en général très mauvais. Je parle des scénarios en anglais, je ne connais pas la situation du côté français. En fait, au Canada français, vous avez probablement suscité des talents qui sont restés dans cette province. Pour nous, une partie du problème, c'est que les meilleurs éléments sont partis, parce que nous n'avons pas un volume de production suffisant pour les faire travailler. Il faut dire aussi que nous n'avons pas les établissements d'enseignement, ni les professionnels de l'industrie qui pourraient bien enseigner la scénarisation. Je peux vous dire que la qualité des scénarios que je reçois d'Angleterre est très nettement supérieure à celle des scénarios canadiens que nous recevons. Malheureusement, le scénario, c'est le point de départ de tout film.
º (1605)
Il a fallu commencer à obtenir des scénarios de scénaristes canadiens vivant à Los Angeles, faute d'en trouver au Canada. Je sais que c'est un travail à long terme, qu'il faut un programme de quatre ans ou de deux ans où ils ne font qu'écrire des scénarios, mais je vous le dis bien franchement, j'ai reçu des scénarios au Canada qui m'ont fait demander à mon responsable du développement d'appeler le scénariste pour lui demander s'il avait déjà lu un scénario. La réponse : non. Je trouve cela très triste.
J'aimerais pouvoir en faire plus avec les scénarios canadiens, mais c'est impossible : Ils ne sont pas assez bons. Encore une fois, je parle du Canada anglais. Il faut s'occuper de ce problème, peut-être dans les établissements d'enseignement. Je ne sais pas.
Nous avons connu de nombreux succès. Les gens se plaignent, mais je crois que Téléfilm a réussi à faire beaucoup sans avoir beaucoup de moyens. On veut que Téléfilm soit tout pour tout le monde, alors qu'il arrive à faire bien peu, faute de financement. Il est dans une situation intenable : On lui demande d'être tout, pour tout le monde. Il serait bon que Téléfilm reste une institution culturelle très forte, avec en parallèle un mécanisme privé pour attirer les investissements. Nous n'attirons pas d'investissement dans notre secteur. Ce sont les secteurs du pétrole, du gaz et de l'exploitation minière qui reçoivent les investissements et non celui du cinéma.
Je suis allée à Londres récemment et j'ai entendu quelque chose d'intéressant : un régime de déductions fiscales pour ceux qui investissent dans le cinéma. Ce régime a toutefois été affaibli par des compressions, ces deux dernières années, certains éléments ont été carrément éliminés et les règles ont changé. La situation est chaotique. Mais une chose intéressante en est ressortie. L'an dernier, tout semblait mort, mais depuis, on a assisté à la création d'un certain nombre de fonds privés. Quelqu'un qui travaille pour une société d'investissement m'a dit que les investisseurs ont pris goût au cinéma, et lorsque les mesures incitatives ont été abolies, leur intérêt est resté et ils ont dû trouver d'autres moyens d'investir. Beaucoup d'entre eux ont mis sur pied ce qui ressemble à des fonds spéculatifs états-uniens. Ils commencent à investir une part de leurs fonds dans des films, et le reste est consacré à l'immobilier et d'autres choses du genre.
Je pense que c'est un phénomène très intéressant, qui montre que ces régimes ne doivent pas être éternels. On peut peut-être aussi réduire le taux d'investissement ou resserrer les règles après un certain nombre d'années. À Calgary, il y a beaucoup de gens riches dans le secteur du gaz et du pétrole et je constate, quand je leur parle d'investissements privés, que c'est presque impossible. C'est très, très difficile. Mais ils s'y intéressent un peu. Ils voient qu'il y a peut-être quelque chose d'intéressant dans le secteur du cinéma, mais ils sont très craintifs. Si on pouvait créer un programme qui les initie à ce secteur, qui leur fasse faire un premier pas, je pense qu'avec quelques succès cinématographiques, ils pourraient décider d'y rester pour longtemps.
Je pense que l'aspect privé est aussi important pour le Canada parce qu'il faut inciter davantage les Canadiens à aller voir des films canadiens et que cela ne peut pas se faire de manière isolée. Avec ce genre d'investissement, on mettrait davantage en valeur l'existence des films canadiens. Il y aurait beaucoup de gens qui investiraient et qui prendraient cela à coeur.
º (1610)
La présidente: Excusez-moi, des membres du comité me signalent qu'ils ont hâte de participer à la discussion.
Mme Wendy Hill-Tout: Je pense que j'ai dit tout ce que j'avais à dire.
Encore une chose. Quand j'ai vu que vous tiendriez des audiences, ce que je craignais... il y a quelques années, on a dit aux agences qu'il fallait obtenir davantage d'écrans canadiens, autrement il y aurait des compressions, etc. On leur a dit d'obtenir 5 p. 100 des écrans, ce qui n'est presque rien, en fait, mais nous n'en avions qu'un pour cent. Depuis, il y a eu une légère augmentation.
J'espère qu'au bout de ces séances, vous ne vous direz pas : maintenons le statu quo, ou alors, ils ont encore peu de succès, on les a encouragés à en obtenir, sans toutefois leur donner davantage de ressources.
Pour réussir, il faut investir davantage de ressources. Elles ne doivent pas nécessairement venir du gouvernement, vous le savez, j'ai proposé un régime privé parallèle.
Mais j'espère qu'après ces audiences, vous serez inspirés par ce que nous pouvons faire au Canada, par ce que nous pouvons créer. Je crois vraiment qu'on peut mettre nos films à l'affiche. Nous pouvons faire des films qui auront du succès.
Peut-être que certains en doutent, mais moi, j'y crois. J'y crois vraiment, du fond du coeur. Et je crois que c'est important pour nous, pour notre pays, puisque si nous voulons être une nation, il faut qu'on parle de nous sur nos écrans. Si nous ne parlons pas de nous-mêmes, comment pouvons-nous exister, comme pays? J'y crois vraiment.
Je vous encourage. J'espère que vous serez inspirés par ce que nous avons fait jusqu'ici, sachant que nous pouvons en faire davantage si vous nous en donnez la possibilité.
º (1615)
La présidente: Merci.
Pour être juste, je vais donner la parole à Libby, puisqu'elle n'était pas ici. Je vais lui donner la possibilité de parler, puis nous ferons un tour de table.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup.
Tout d'abord, merci beaucoup d'être venus. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements. Je ne suis pas habituellement membre du comité, je dois donc faire du rattrapage, mais je crois que vous avez très bien présenté la situation.
Wendy, vous avez parlé d'investisseurs privés et du besoin d'en avoir. À ce moment-là, tous les trois, en fait, non, c'était quand Neil parlait, tous les trois sembliez d'accord, ce qui montre que vous êtes sur la même longueur d'onde.
Ma question se rapporte au rôle du gouvernement fédéral. Vous avez parlé d'investisseurs privés, de leur importance, de la nécessité d'intensifier les efforts. Il semble que d'après vous, si cela se produisait, d'autres résultats suivraient, qu'il y aurait davantage de spectateurs et une meilleure commercialisation.
Mais voici la question: Quel rôle le gouvernement fédéral peut-il jouer pour qu'on en arrive là? Des critiques ont déclaré que cette insistance sur le développement de l'auditoire n'était peut-être pas efficace. J'ai lu les mémoires d'autres témoins, qui disent que pour que la production canadienne soit forte, ce qui compte vraiment, c'est la compétence, le savoir-faire. Vous dites que ce sont les investissements.
Il y a donc deux choses. Qu'est-ce qui suscitera les investissements? Si les investisseurs vont ailleurs, que peut-on faire pour qu'ils voient dans les productions canadiennes une occasion intéressante? Quel rôle le gouvernement peut-il jouer pour les encourager, de manière directe ou indirecte? Je pense que c'est une question intéressante à laquelle chacun de vous peut envisager de répondre.
M. Andrew Ooi: Une des choses les plus importantes est, comme l'a dit Wendy, le système allemand, qui permet aux investisseurs d'investir effectivement dans des fonds en visant un objectif fiscal. Un de ces fonds, le fonds des films à Oscar, vise la fiscalité de succession. Cela prend sept ans; on y met son argent, on en prend une part pour investir dans le cinéma et le reste est laissé dans le fonds. Avec le temps, par les taux d'intérêt et les investissements sages effectués par les banques qui le gèrent, cela remonte à 100 p. 100. En attendant, une portion de cet argent peut être utilisée pour investir dans des longs métrages. L'investisseur a la certitude que ce qui a été investi, disons un million aujourd'hui, représentera encore un million sept ans plus tard. Il peut donner cela à son fils ou à sa fille libre de tout impôt sur la succession et sur les gains en capital, tout en laissant une partie de cet argent à la disposition des cinéastes. Cela a été très utile dans le système allemand.
Je connais d'autre part un certain nombre d'autres personnes qui veulent financer des films au Canada mais qui ne le font pas parce qu'elles préféreraient financer des films américains. Elles estiment qu'avoir un film américain est plus sûr. On a l'impression que les films canadiens sont ennuyeux. Je constate que beaucoup d'investisseurs canadiens disent cela : « Pourquoi investir dans des films canadiens? Pourquoi ne m'offrez-vous pas quelque chose de plus engageant que le public voudra regarder aujourd'hui? »
º (1620)
Mme Libby Davies: Nous avons toutefois entendu dire qu'il y a des exemples de grands succès.
M. Andrew Ooi: En effet, mais ils sont rares et espacés. Je répète que je crois que c'est un problème de masse critique.
Mme Wendy Hill-Tout: Puisque vous parlez des fonds allemands, que je connais, il y a en effet un système de report d'impôt. Je ne crois pas qu'ils soient tous pareils, mais ceux que je connais permettent essentiellement aux gens de reporter leurs paiements d'impôt de sept ans, jusqu'à leur retraite, lorsqu'ils gagneront moins. C'est l'idée générale, ils peuvent reporter ces paiements d'impôt à une date ultérieure où leur taux d'imposition sera moindre. C'est pourquoi il leur faut les droits d'auteur pendant sept ans, parce que cela s'accompagne de toutes sortes de règles fiscales.
Le système allemand est très bon. Je ferais toutefois une mise en garde. Ils ont commis une très grande erreur en ne disant pas qu'il fallait investir quoi que ce soit dans des éléments allemands et cela a été très critiqué. Je crois qu'ils sont en train de changer et je ne sais pas quel résultat cela donnera, mais ils se sont trouvés à financer beaucoup de films américains. Dans bien des cas, ils finançaient des films d'Hollywood. Ils ont certainement aussi financé des films allemands, mais cela n'a pas donné les résultats escomptés pour le cinéma allemand.
C'est pourtant très facile à faire, il suffit d'imposer que 50 p. 100 du budget doit être investi au pays, ou 30 p. 100, peu importe. On indique un pourcentage, comme au Royaume-Uni. Dans ce pays, il y a aussi un impôt.
Pour répondre à votre question, il est certain que pour attirer des investisseurs, il faut atténuer les risques. Il n'y a qu'une façon de le faire pour le moment et c'est d'accorder un genre de déduction d'impôt ou autre pour qu'on ne risque pas de tout perdre chaque fois qu'on investit dans un film. Il faut créer un système qui rapporte quelque chose, comme on le fait pour le pétrole, le gaz et les mines, où il y a un système d'actions accréditives comme en Alberta. Je sais que certains ont suggéré les actions accréditives pour le cinéma et je ne m'y connais pas suffisamment pour en parler, mais je sais qu'on étudie la question.
Au Royaume-Uni, ils ont ce que l'on appelle un système de cession-bail, semblable au système de location utilisé pour les automobiles. Ils cofinancent un film pendant de longues années—c'est ainsi que cela marche. Je crois que cela donne d'excellents résultats. Beaucoup d'investisseurs se prévalent de ce système et l'on a maintenu ce programme. Ils sont en train de changer un des autres programmes, mais je pense que celui-ci pourrait réellement fonctionner ici.
Ce qui est intéressant, c'est que cela aiderait aussi beaucoup les films culturels, les films d'art, les films de Denys Arcand, les films d'Atom Egoyan, et tout le reste, parce qu'ils pourraient peut-être accéder à de l'argent culturel mais qu'il est très difficile de trouver 100 p. 100 du budget d'un film. On pourrait peut-être ainsi trouver 20 p. 100 dans des investissements privés.
Cela devrait aller de pair, non seulement avec les investissements dans le cinéma mais avec les investissements dans la mise en marché des films, parce que c'est là que l'on doit parvenir à ce rapport 50-50. Ici, il serait bien d'avoir un rapport de dix à un pour la mise en marché, mais il faut attirer aussi cet argent pour la mise en marché, parce que si l'on veut qu'un film sorte, il faut le mettre en marché. Il faut qu'on en entende parler.
Je me rappelle quand mon premier film est sorti à un Cineplex à Toronto. Il y avait peut-être 16 cinémas et ce petit film canadien minuscule que j'avais réalisé pour environ 500 000 $, dont personne n'avait entendu parler, croyez-moi. Je suis allée à la marquise et j'ai constaté qu'il y avait 15 films de Spielberg et d'autres et le mien. Je puis vous dire qu'il n'y avait pas un grand public pour le mien et c'était compréhensible. Il faut faire de la mise en marché.
Si vous mettez sur pied un système qui ne servira qu'à aider à la réalisation de films, ce sera mieux que rien, mais cela ne donnera pas les résultats souhaités. Il faut également prévoir certains investissements dans la mise en marché même si c'est à un degré moindre. C'est la façon de faire. Il faut offrir un genre d'incitatif fiscal et cela marchera.
Je répète que ce qui est intéressant au Royaume-Uni, c'est que l'on a éliminé certaines de ces déductions fiscales, mais que les investisseurs continuent à investir dans le cinéma. Je crois que c'est parce qu'ils y ont pris goût, qu'ils investissent dans un certain nombre de choses et qu'ils veulent investir un peu dans le cinéma. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir quelque chose d'éternel.
º (1625)
M. Neil Campbell: Si Wendy n'est pas très au courant, je le suis encore moins parce que, dans mon secteur, nous n'avons pas d'argent pour aller chercher des investisseurs. Toutefois, tous ceux à qui j'ai parlé de la question conviennent que c'est la façon de faire. Wendy a raison en disant qu'il faut avoir suffisamment d'argent et que cela ne peut être des fonds publics. On ne peut pas continuer à doubler et tripler les subventions. Il faut aller trouver de l'argent sur le marché pour élargir la masse critique, mais il faut savoir que sur dix films, il y en a sept qui perdent de l'argent, deux qui équilibrent leur budget et un qui rapporte des bénéfices. Je suis là-dedans depuis 30 ans et ces chiffres n'ont jamais changé. Donc, si l'on n'a pas la masse critique, on peut rester dans la catégorie des sept films qui perdent de l'argent pendant longtemps avant d'équilibrer son budget et de pouvoir espérer faire des bénéfices.
En tant que distributeurs, nous espérions toujours faire des bénéfices parce qu'un film qui rapporte de l'argent paie pour tous les autres. Il faut d'abord de temps à autre une vache à lait, mais il faut avoir une masse critique suffisamment importante pour pouvoir faire des bénéfices. Comme le dit Wendy, quand on fait un film tous les trois à cinq ans, on peut attendre longtemps avant de gagner de l'argent.
J'aimerais corriger un certain nombre de choses. À propos de ce matin, les films de Gary Burns ont toujours trouvé des cinémas partout au pays. Je m'en suis occupé pendant un certain temps. On les passait dans tous les grands centres du Canada et ils étaient dans le circuit.
Les chaînes d'exploitation au Canada sont toutes canadiennes, à l'exception de Famous Players, qui est à vendre. Je suppose que d'ici un mois, nous saurons qui l'aura achetée et ce sera peut-être une chaîne canadienne.
À propos des cinémas vides, nous en avons autant que les autres mais lorsqu'on a une licence conventionnelle, quel que soit le film, et que l'on a garanti qu'on le passerait pendant un temps donné, si le film fait salle vide, nous entrons dans des négociations difficiles pour révoquer la licence et remplacer le film par un autre. Toutefois, nous ne mettrions jamais un film le lundi pour l'abandonner le vendredi. Ce serait un suicide. On ne peut le faire et on ne le fait pas.
Dernière chose que j'aimerais clarifier ce matin : Saint Ralph. Tout le monde semblait vouloir parler de Saint Ralph ce matin. J'ai fait un ou deux appels parce que nous avons présenté Saint Ralph qui était distribué par Odeon Films, le distributeur bien connu et respecté au Canada. Ils ont présenté ce film il y a plus d'un an ici à Vancouver à ShowCanada. Tous les exploitants présents l'ont vu. Le film est sorti en avril dernier.
On a fait un excellent travail de marketing parce que nous avons fait deux projections de bouche à oreille plus deux projections promotionnelles dans notre cinéma de Calgary pour plus de sécurité... nous savions que le film existait et qu'il plaisait à tout le monde. Nous l'avons présenté pendant trois semaines à Calgary et trois semaines à Winnipeg. Nous en avons eu deux à Kelowna, une à Abbotsford et une à Kamloops. Vous avez tous adoré ce film.
Je ne veux pas dire que ce film aurait passé à la télévision, mais c'est là que vous l'avez tous vu, n'est-ce pas? Vous ne l'avez pas vu au cinéma. Je dis simplement que même lorsqu'on fait tout comme il faut, il n'y a pas de garanties.
La présidente: Merci.
Monsieur Silva.
M. Mario Silva: Merci de cet exposé.
Nous avons tous entendu parler de ce genre de préoccupations et de thèmes. Toutefois, avant de vous poser réellement une question, j'aimerais un éclaircissement sur ce qu'a dit Wendy. Elle a dit qu'en France, il y avait 500 longs métrages par an. Or, l'un de nos témoins au début de la semaine nous a dit qu'aux États-Unis, il y en avait 400 par an. Cela signifie-t-il que la France produit plus de longs métrages que les États-Unis? Ces chiffres sont-ils exacts?
Mme Wendy Hill-Tout: Demandez-vous si la France réalise plus de films que les États-Unis?
M. Mario Silva: Oui.
Mme Wendy Hill-Tout: Je ne connais pas les chiffres pour les États-Unis. Ce qui m'a surprise, c'est d'apprendre que les grands studios ne produisent que 150 films par an, ce qui n'est pas beaucoup.
M. Neil Campbell: Aux États-Unis, on produit environ 400 films par an. Les grands studios en réalisent habituellement moins de 200. On en sort environ 200 sur 400. L'Inde en produit beaucoup plus.
M. Mario Silva: Je sais.
J'ai été réellement surpris par ce chiffre et c'est pourquoi je voulais que ce soit confirmé avant que je ne pose ma question.
On nous a beaucoup parlé de la pénurie de scénarios, de la nécessité d'investir davantage dans le marketing, parce qu'il ne s'agit pas simplement d'investissement, mais de savoir où investir. Il me semble que si l'on met tout dans la production, rien dans le marketing et rien dans la bande-annonce et qu'il n'y a pas d'incubateur ou de réseau pour des scénarios, on a de gros problèmes. Nous le savons car ce n'est pas la première fois qu'on en parle.
J'aimerais entraîner Andrew dans cette discussion à propos des minorités. Je les appelle les communautés culturelles de notre pays, mais j'en fais partie moi-même n'étant pas né ici. Toronto est un exemple parfait de ville où 50 p. 100 de la population est née à l'extérieur du pays. Je crois que c'est la tendance au Canada, le nouveau visage du Canada, des gens du monde entier. C'est ce qui fait la grandeur, la diversité et la beauté de notre pays.
Vous avez raison. Ces gens du monde entier ne sont pas non plus présentés dans nos films ni dans les films distribués. Il y a là une réserve de talents excellents qu'il serait très important d'exploiter.
À Toronto, nous avons des tas de festivals du film différents, qu'il s'agisse du Festival du film juif ou du Festival du film italien ou encore du Inside Out Lesbian and Gay Film and Video Festival. Il y a tous ces créneaux que nous ciblons et qui sont de grandes réussites. C'est donc une façon de faire, mais je crois que l'on pourrait faire bien davantage.
Vous avez raison. Ce ne sont pas simplement les films. Ce sont des choses comme la SRC. Ce sont toutes les institutions que nous finançons. Il suffit de regarder l'administration à Ottawa, et je puis vous dire qu'elle ne reflète pas du tout ce qu'est effectivement le Canada. C'est très homogène à Ottawa et c'est là que l'on prend les décisions concernant les institutions culturelles de notre pays.
º (1630)
M. Andrew Ooi: Je suis d'accord avec vous. On pourrait certainement faire davantage à propos de la diversité. Je me rappelle avoir assisté à une audience du CRTC, quand je témoignais pour CHUM qui essayait d'obtenir une licence pour Vancouver, et tous les membres du comité étaient des blancs d'âge mûr. Je ne vous en veux pas, mais ici c'est la même chose. C'est ce que je vois.
Je pense d'autre part que les communautés ethniques doivent elles-mêmes se faire entendre. C'est la raison pour laquelle je suis ici, dans l'espoir que ce que je dis puisse être représentatif de ce qu'elles veulent. Il y a tellement de gens talentueux. Les festivals du film sont excellents mais ils durent très peu de temps.
Au Festival du film pour gais et lesbiennes à Vancouver ou à Toronto, c'est la même chose. Il y a toujours plein de monde. On y va et on ne peut jamais trouver de places parce que tout le monde veut voir ces films et qu'il n'y a jamais assez de places et que ces films ne passent pas régulièrement dans les salles.
Même chose si on va au Festival du film de Vancouver. La série Tigres et dragons est l'une des plus populaires de ce festival. Ce sont tous des films asiatiques, de l'Inde, de la Chine, du Japon, de la Corée, de la Thaïlande ou de Singapour. Les files d'attente sont ahurissantes parce que les gens savent ou pensent que s'ils ne voient pas ces films tout de suite, ils ne les verront jamais. Certains films sont très beaux et certains ont des réalisateurs canadiens qui ne sont pas nés au Canada mais on ne le sait pas, on ne sait pas que ce sont des Canadiens.
J'ai été vraiment choqué de voir que lorsque Donnie Yen, qui a réalisé SPL, était à Cannes, tout le monde disait: « Oh oui, c'est un réalisateur de Hong Kong ». Un instant. Il est aussi canadien mais personne ne le sait.
M. Mario Silva: Dans le film Water, l'acteur était-il Chang Tang?
M. Andrew Ooi: Water est un film qu'a fait Deepa Mehta. On peut espérer qu'il sortira cette année à Toronto. C'est ce que j'espère. Notre cliente Lisa Ray fait partie de la distribution. Il a fallu cinq ans pour le réaliser. Je crois que ce sera un très beau film sur l'Inde, sur les problèmes qu'a connus l'Inde. C'est une histoire qu'il faut raconter et je suis heureux qu'un réalisateur canadien le fasse. Le problème, c'est que Lisa est tellement connue en Inde—elle est parmi les 10 actrices indiennes les plus populaires, si je ne m'abuse, alors qu'il y a 1,08 milliard d'habitants en Inde, mais qu'au Canada on la connaît à peine.
Christy Chung, actrice de Hong Kong très célèbre, qui a déménagé à Beijing, est considérée comme la femme la plus sexy en Asie par les lecteurs de FHM, si c'est une référence. Son film Samsara a remporté de nombreux prix. Elle est Canadienne. C'est la première actrice nord-américaine à passer dans une série télévisée en Chine. Le titre est The Beauties of Jiang Hu et cela va maintenant sortir en septembre au canal 8 de CCTV, en heure de pointe en Chine. Cela signifie environ 770 millions de spectateurs.
Corner Gas, d'après les chiffres que j'ai, ne fait pas le poids étant donné que la Chine a une population beaucoup plus nombreuse. Au Canada, on a Corner Gas, Train 48. La part du public canadien âgé de plus de 2 ans entre le 3 janvier et le 7 juin pour Train 48 était de 189 000 en moyenne. My Fabulous Gay Wedding a eu 363 000, pour le premier épisode—je crois que c'était juste la semaine dernière—ce qui est extraordinaire; Corner Gas, 1,232 million pour de nombreux épisodes; Canadian Idol, 2,1 millions, pour quatre épisodes.
C'est une actrice qui est tellement connue à l'étranger. Imaginez ce qui se produirait si elle paraissait dans un long métrage canadien et qu'on faisait les investissements de marketing nécessaires. Vous avez déjà tout un public à l'étranger. Si l'on pouvait lui créer un public en Amérique du Nord et au Canada, excusez-moi, mais c'est une vache à lait.
º (1635)
M. Mario Silva: Très bien. Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Schellenberger.
M. Gary Schellenberger: Je sais qu'il faut un bon scénario pour avoir un bon film. Je sais aussi que j'ai été dans le secteur de la décoration pendant 40 ans et que ce qui m'agaçait, c'était que l'on me demande d'aller quelque part et que les gens me disent comment ils voulaient décorer l'endroit. C'était parfait, évidemment, mais ensuite, quand je leur disais ce qui n'allait pas et ce qu'il fallait faire, ils me répondaient que je n'y connaissais rien. J'ai bien écouté tout ce que l'on a dit aujourd'hui.
Je sais qu'il y a une chose qui revient sans arrêt, c'est l'idée qu'il faut avoir un plan d'entreprise. Qu'il ne faudrait jamais commencer un film sans savoir qui sera le public et comment on fera la promotion du film. La promotion, c'est très important. Je le dis sans arrêt et je l'entends beaucoup dire; on peut réaliser le meilleur film du monde avec les meilleurs acteurs et actrices et la meilleure traduction, mais si l'on ne fait pas de promotion, il reste dans les archives et personne ne le voit.
Je sais le problème qu'ont les cinémas. Il doit être extrêmement difficile d'essayer de choisir les films qui attireront du monde. Je sais que lorsqu'on parle de bande-annonce, il doit être horrible de voir un bon film et de s'apercevoir tout d'un coup qu'il n'existe pas de bande-annonce, qu'il n'y a pas de pancarte à mettre en vitrine, qu'il n'y a rien pour la promotion. C'est perdu avant de commencer.
Une chose que j'ai entendue aujourd'hui—et je ne sais pas, une fois encore, si c'est vrai ou pas—mais quelqu'un a dit qu'à Calgary et j'oublie le cinéma, lorsque Star Wars est sorti, c'est sorti sur 12 écrans. N'est-ce pas ce que j'ai entendu aujourd'hui?
M. Neil Campbell: Quelqu'un l'a dit, et c'était faux.
M. Gary Schellenberger: D'accord. Parce que je me disais que si c'était sur 12 écrans et que tout était plein le premier jour ou la première fois après la sortie, et qu'une semaine plus tard ça avait baissé à 10 p. 100 par écran, ne pouviez-vous pas réduire graduellement le nombre d'écrans et faire la promotion de quelque chose d'autre?
Votre stratégie ne serait-elle pas de réduire—même si c'était sur deux ou trois écrans—au fur et à mesure que le temps passe pour pouvoir passer quelque chose d'autre sur certains des autres écrans?
M. Neil Campbell: Vous avez tout à fait raison.
Le Paramount à Calgary—le plus gros cinéma de la ville—a sans doute commencé avec six copies de Star Wars. Selon le succès obtenu, la deuxième semaine, ç'aurait pu être cinq, puis quatre. Il y aurait ensuite eu sans doute pas moins de deux écrans, pour une période d'à peu près huit semaines. La décision serait prise le lundi en fonction des recettes du week-end.
Nous avons ouvert avec trois copies à Brandon en nous attendant à ce qu'il n'y en ait que deux à la troisième semaine. Le film a si bien marché à Brandon que rendu à la troisième semaine, la troisième copie marchait toujours, ce qui nous a amenés à nous quereller avec un autre distributeur qui m'a dit: « Dans votre complexe à neuf salles, je suis votre choix numéro dix ». Je lui ai répondu: « Oui, c'est bien ça ».
J'avais mal prévu mon coup. Qui aurait cru qu'à Brandon la baisse de fréquentation aurait été la moins forte de tous les cinémas du pays?
Oui, cela fait partie du marketing. On va commencer avec plus d'une copie de Batman dans les endroits où c'est possible, mais la deuxième copie ne sera pas à l'affiche aussi longtemps que la première et on échelonne les écrans pour maximiser la capacité chaque semaine.
º (1640)
M. Gary Schellenberger: Nous sommes une société multiculturelle et il a été question de doublage.
La semaine dernière, quand on a parlé à la représentante de Radio-Canada, elle a dit qu'elle n'aime pas le doublage. Elle préfère les sous-titres. Moi, je préfère le doublage, parce que même si je m'endors pendant la projection, je peux écouter un peu avant de m'endormir.
Je sais que c'est un art. Je sais que c'est une technique très spécialisée de synchroniser la parole avec le mouvement des lèvres. Nous avons rencontré des gens qui font du doublage; parfois il se fait ici, d'autres fois en France ou ailleurs.
Est-ce qu'il ne serait pas utile de doubler plus de produits multiculturels? Sauf que s'ils ne sont pas produits ici, il n'y a rien à faire, n'est-ce pas?
M. Andrew Ooi: D'abord, le doublage est la solution pour beaucoup de gens. Personnellement, je ne peux pas regarder un film doublé; il me faut les sous-titres.
Je vous donne pour exemple Tigres et dragons. J'ai été horrifié quand je l'ai vu. C'était au cinéma. Je l'ai vu à Toronto au moment de la première, à l'ouverture du festival, puis une autre fois à bord d'un avion—je ne me souviens plus où je me rendais—en version doublée. Dans la scène du combat de Zhang Zi Yi dans la maison de thé, tout le monde avait un accent différent.
Il y avait un type au teint sombre qui avait la voix d'un Noir puis un autre barbu qui avait la voix et l'accent d'un Allemand. Ça m'a tout à fait décontenancé.
J'ai grandi en lisant des sous-titres. Je viens de Singapour, où les émissions sont en anglais et où au bas de l'écran se trouvent les sous-titres en chinois; ou encore, vous regardez une émission en malais sous-titrée en anglais, ou en tamoul sous-titrée en anglais. J'ai grandi en lisant des sous-titres. Peut-être est-ce une préférence personnelle.
J'ai aussi parlé à des gens qui eux préfèrent le doublage précisément pour les mêmes raisons. C'est une façon de faire voir le film à un plus grand public.
Il y a une autre façon de faire. J'en fais l'essai actuellement avec un film que nous produisons. Je produis aussi des films. C'est de faire deux versions. Pour un film que nous voulons tourner en anglais et en chinois, en mandarin et en anglais, où 40 p. 100 du dialogue est en mandarin et 60 p. 100 en anglais. Comme nous avons des stars de Hong Kong très connues, on doublera peut-être ces 60 p. 100, parce que les acteurs sont bilingues, nous ferons deux prises, une en anglais et l'autre en chinois pour être diffusées dans les deux marchés.
Je ne sais pas. Nous allons tenter l'expérience. Nous verrons si elle réussit.
M. Gary Schellenberger: En ce qui concerne les actions accréditives, personne n'y comprend vraiment quoi que ce soit, parce que c'est aujourd'hui que j'en ai entendu parler pour la première fois. Je n'y comprends rien, mais je suis curieux d'apprendre. Ce que le comité doit faire—j'espère qu'il le pourra—, c'est d'exaucer vos voeux : vous écouter puis vous dire comment c'est censé se faire, ou ne rien faire. J'espère donc que l'on réussira quand on préparera notre document.
Tout au long de nos déplacements dans le pays, j'ai appris beaucoup de choses et j'espère... On ne peut pas se contenter d'y investir de l'argent. C'est un mauvais pli, la pire chose à faire. S'il y a un problème, corrigeons-le. Je pense que c'est possible.
Quand vous parlez de financement, il y a... Comme vous l'avez dit, même en Allemagne, on a fait une erreur; ils ont oublié une chose. Ils ont oublié que ça devait être pour des films allemands, pour l'essentiel en tout cas.
Voyons donc ce qu'il faut faire pour aider l'industrie au lieu de lui nuire. Modifions la loi en collaboration avec les intéressés, pas contre eux, c'est ce que j'essaie de faire ici.
Ce sont toutes les questions que j'ai à poser pour l'instant, madame la présidente.
º (1645)
La présidente: Monsieur Lemay.
[Français]
M. Marc Lemay: Bonjour. J'aimerais d'abord vous remercier. Je vais poser toutes mes questions, et de cette façon, la chose sera réglée. Ma première s'adresse à M. Ooi.
J'aimerais que vous m'expliquiez la phrase suivante, qui se trouve au deuxième paragraphe de la page 2 de votre mémoire, en l'occurrence ce qui suit:
Ma suggestion et mon raisonnement sont simples. Investissons dans la commercialisation, sur tous les marchés, d’un groupe trié sur le volet de comédiens de diverses ethnies. |
La traduction a probablement été mal faite ou j'ai peut-être mal lu. Quoi qu'il en soit, j'aimerais que vous m'expliquiez ce que vous entendez par « la commercialisation, sur tous les marchés, d'un groupe trié sur le volet ».
Pour ce qui est de ma deuxième question, j'aimerais savoir si vos acteurs, qui sont très connus en Asie, le sont autant au Canada, dans leurs communautés culturelles respectives. Vous m'avez montré des photos de certains d'entre eux, mais je vous avoue très sincèrement n'en connaître qu'un seul. Je ne connais aucunement Mme Ray, mais j'aimerais la voir plus souvent au Canada. Arrive-t-il à ces gens de venir au pays? Est-ce que des séances d'autographes, par exemple, sont organisées dans leurs communautés respectives?
Monsieur Campbell, vous vous opposez comme moi aux quotas, et j'espère que vous le crierez haut et fort. Je suis d'accord pour dire qu'imposer des quotas de façon à ce que les salles de cinéma présentent uniquement des films canadiens à certaines heures crée un effet de ghetto. Je suis contre les quotas, et nous nous rejoignons à ce sujet.
Vous êtes représentant de Landmark Cinemas of Canada. Or, j'aimerais savoir s'il serait possible d'accroître dans vos salles la présentation de bandes-annonces relatives à des films canadiens. Je vous donne ici l'exemple de films tels que Saint Ralph, que nous avons vu, Les Invasions barbares et Le Survenant. Je ne vous demande pas d'augmenter le nombre de salles, ce qui serait complètement utopique; je parle ici de faire en sorte que les bandes-annonces soient diffusées plus souvent. Comme ce fut le cas pour l'épisode III de Star Wars, on saurait quels films s'en viennent et on pourrait alors commencer à faire de la publicité à ce sujet.
Madame Hill-Tout, il faudrait faire en sorte que vous rencontriez Mme Robert. Vous pourriez parler sérieusement de financement. Je sais que nous n'en avons pas le temps ici et que c'est très compliqué, mais j'aimerais savoir s'il vous serait possible de nous faire parvenir des documents ou des études. Vous semblez en connaître très long sur les ententes de coproduction entre le Canada et l'Allemagne, entre autres. En vous écoutant, je me suis posé une question.
º (1650)
Vous parlez de cession-bail au Royaume-Uni. Je veux comprendre ce qu'est la cession-bail.
Pour ce qui est des actions accréditives, si vous avez besoin d'un cours, je pourrai vous en donner un. Je viens d'une région minière où les actions accréditives ont été très importantes pour l'exploration minière. Je pense qu'on va essayer de voir si on ne pourrait pas appliquer cela au cinéma. Je connais bien cela.
J'aimerais vous entendre là-dessus. Je ne veux pas que nous entrions trop dans les détails pour savoir comment cela fonctionne en Allemagne et quelles erreurs ont été faites. Cependant, si vous avez des études ou des textes de loi, j'aimerais bien que vous nous les fassiez parvenir pour compléter votre rapport. Je pense que vous parliez d'un article 43 ou 48. Je me trompe peut-être.
Je sais que vous avez travaillé énormément dans ce domaine. Vous faites comme Mme Denise Robert, que je connais bien. Vous êtes des génies sur la manière dont on travaille avec les Allemands, les Irlandais et les Français. Si vous avez quelque chose là-dessus, j'aimerais bien l'avoir par écrit.
Je voudrais vous entendre sur la cession-bail pour comprendre comment cela fonctionne.
Voilà, j'ai posé mes questions. Je ne sais pas qui va commencer.
[Traduction]
M. Andrew Ooi: Monsieur Lemay, merci infiniment de votre question.
La première question touchait le fait de mettre de côté une certaine somme d'argent, afin de publiciser un groupe tout particulièrement sélectionné d'acteurs d'origines ethniques différentes. Je suggère la création soit d'un fonds de commercialisation, soit d'une bourse qui se concentrerait sur des acteurs bien établis et expérimentés, qui sont connus dans l'ensemble du Canada pour avoir du talent, de mettre de l'argent de côté, disons 50 000 ou 100 000 $ par acteur, et d'utiliser cet argent pour embaucher un publiciste ou une équipe de commercialisation pour vendre ces acteurs dans les films où ils jouent. C'est ce que je voulais dire.
Quand je parle de diversité, je ne veux pas simplement dire des acteurs ethniques comme Christy Chung, Lisa Ray ou Harbhajan Mann, qui est considéré comme le roi de la musique pop du Punjabi. Je parle d'acteurs français ou d'acteurs tchécoslovaques qui sont très réputés en Tchécoslovaquie, qui peuvent traverser les frontières culturelles et travailler dans des longs métrages canadiens. Il n'y a rien à dire contre le fait que le rôle principal d'un film canadien soit confié à une actrice asiatique, à moins que ce rôle soit si particulier qu'il ait quelque chose à voir avec l'origine ethnique. Mais supposons qu'il s'agit d'un film tourné à Toronto, où le rôle principal est une médecin en péril qui essaie de sauver son petit ami—je viens juste d'inventer cette histoire. Mais il est évident que cette actrice principale pourrait être asiatique, indienne ou à demi-indienne.
Ce que je suggère, c'est de constituer un fonds et de réserver un certain montant pour la commercialisation, argent qui serait mis de côté pour aider à commercialiser ces acteurs—disons, par exemple, une partie du fonds de commercialisation de Téléfilm ou quelque chose du genre. En échange, les acteurs signeraient un accord, disant qu'ils ont accepté la somme de 50 000 ou de 100 000 $ pour la commercialisation de leur nom—appelez cela « la société nom de l'acteur ». Vous mettriez ces fonds dans cette société et les acteurs auraient l'obligation de satisfaire aux exigences de ce 100 000 $ s'ils devaient être célèbres et quand ils le deviendraient.
C'est concurrentiel, mais en même temps il s'agit d'un pari. Il y a de meilleures chances que ce pari rapporte, parce qu'ils seraient déjà connus dans leur propre communauté et les gens seraient intéressés à voir les films auxquels ils participent. Ils signeraient un accord indiquant qu'ils acceptent que si vous investissez de 50 000 à 100 000 $ pour les commercialiser, à ce moment-là, ils devraient faire de trois à cinq longs métrages canadiens, disons en cinq ans. Même si leur cachet pour une production américaine pourrait se situer autour de 1 ou 2 millions par film, l'acteur devrait travailler à un taux très négocié, disons 100 000 ou 200 000 $, quelque chose de plus raisonnable pour le budget d'un long métrage canadien. C'est à cela que je pensais.
Est-ce que cela répond à votre question?
º (1655)
M. Marc Lemay: Oui.
M. Andrew Ooi: Excellent.
Maintenant, pour répondre à votre seconde question en ce qui concerne ces acteurs, oui, ils sont bien connus en Asie, et oui, ils sont aussi très bien connus dans leur propre communauté ici, très bien connus.
Chang Tseng, par exemple, qui a joué dans le film Long Life Happiness & Prosperity, a 60 ans d'expérience en Asie, en Chine et à Hong Kong. Là-bas c'est un acteur très connu. Il vient ici et il est connu. Vous vous balladez avec lui à Richmond ou vous allez à Toronto et les gens le reconnaissent. Les gens l'arrêtent dans les aéroports pour obtenir son autographe ou pour se faire prendre en photo avec lui. C'est la même chose pour Christy Chung. Si Edison Chen de Hong Kong venait à Vancouver, la même chose se produirait.
SUCCESS, l'organisation qui aide les nouveaux immigrants à s'installer au Canada, fait une collecte de fonds chaque année autour du Nouvel an chinois et fait venir des vedettes très connues d'Asie pour donner des spectacles. On récolte des millions de dollars chaque année. Le nom d'Edison ajouterait de la valeur à ce spectacle, parce que les gens le connaissent. Les gens le réclament à corps et à cris. Les gens le poursuivent dans la rue. Il doit porter des lunettes de soleil foncées partout où il va, simplement pour cela.
Oui, ils sont tous très connus dans leurs propres communautés ici au Canada, et pas seulement au Canada, mais également au Royaume-Uni et aux États-Unis.
J'espère que cela répond à votre question.
M. Neil Campbell: Eh bien, Marc, vous avez encore posé une question agréable. Est-ce que je donnerais plus de temps de projection à des bandes-annonces? Plus un film va avoir du succès, plus je veux m'assurer que les bandes-annonces passent à l'écran, mais je n'ai qu'un temps limité avant chaque film pour programmer ces bandes-annonces. L'astuce serait de trouver les bonnes bandes-annonces au début de la bobine du film.
Pour les Invasions Barbares, nous avons passé la bande-annonce dans presque chacune des salles de cinéma, parce que nous avions l'impression que ce film avait la possibilité de toucher plus que les centres importants et de se propager un peu partout, ce qu'il a fini par faire. Nous l'avons joué partout.
Les bandes-annonces de Saint Ralph—je ne sais pas exactement quelle en était la disponibilité, mais nous ne les aurions programmées que dans les centres importants pour obtenir le passage initial, parce que ce film n'allait pas partout. Il ne sortait pas du Canada avec 400 ou 500 impressions. Il aurait probablement été exporté avec 20 ou 30 copies.
Une fois le film à l'affiche, il faut travailler sur la disponibilité des copies. Alors, vous avez le luxe et le temps de vous assurer que les bandes-annonces passent là où vous voulez qu'elles passent, là où le film va suivre. Ce n'est pas la peine d'avoir des bandes-annonces à Whitehorse, si le film ne va jamais à Whitehorse.
Mme Wendy Hill-Tout: Je peux parler des questions concernant les articles 42 et 48 des régimes de cession-bail et de financement privé du Royaume-Uni, mais il vaudrait mieux avoir un vérificateur directement du Royaume-Uni qui puisse nous l'expliquer en langage simple et envoyer une page ou deux expliquant précisément comment cela fonctionne.
En ce qui concerne la cession-bail elle-même, généralement le net que vous récupérez par rapport à votre budget se situe entre 12 et 15 p. 100. C'est comme la location-vente d'une voiture, c'est juste qu'ils font une location-vente d'un film pendant 15 ans. Le producteur doit garder le compte ouvert au Royaume-Uni pendant 15 ans et déposer des rapports financiers. C'est tout comme s'il louait votre film, à l'aide d'un système de location. Mais je sais qu'ils pourraient nous l'expliquer beaucoup mieux que je ne le fais.
Il existait deux choses distinctes. La première s'appelait une vente et cession-bail. Le deuxième, l'article 48, est comme un incitatif fiscal privé. Au Royaume-Uni, vous pouviez utiliser les deux et regrouper pratiquement 42 p. 100 du budget d'un film, qui est un montant conséquent. Ils ont éliminé ce qu'ils appelaient la double déduction. Ils ont pris des mesures répressives à ce sujet l'an dernier. Maintenant vous ne pouvez utiliser que l'un ou l'autre. Ils avaient l'impression de dépenser trop d'argent ou de donner trop d'incitatifs fiscaux. Ainsi, ils ont effectué des compressions. À l'heure actuelle, vous pouvez utiliser soit l'un soit l'autre et ils sont tous les deux utilisés différemment. Mais je serais très heureux de trouver quelqu'un au Royaume-Uni pour décrire la façon dont ça fonctionne et de vous le faire parvenir.
En ce qui concerne les actions accréditives, je participe au Film Commission Advisory Council en Alberta, qui se rencontre dans le bâtiment de l'assemblée législative tous les deux mois. Les producteurs de l'Alberta ont demandé quelque chose de privé et ils recherchent toutes sortes d'autres possibilités. Quelqu'un a considéré plus spécialement les actions accréditives et cela a été proposé au gouvernement de l'Alberta. Puis, nous avons découvert qu'il s'agissait d'une compétence fédérale, tout ce qui concernait le système d'actions accréditives du pétrole et du gaz. Vous pouvez imaginer pourquoi l'Alberta a pensé à cela, parce que c'est ce que nous avons en Alberta et cela fonctionne très bien. Il me semble donc que c'est un modèle intéressant. Mais je n'en sais pas suffisamment, vous en savez beaucoup plus que je n'en sais à ce sujet.
Nous avons également discuté de plusieurs autres options privées. Il y a une chose que j'ai oublié de mentionner, quelque chose de nouveau qui provient des États-Unis. Ce qui est intéressant c'est ce chiffre de 400. Il est choquant qu'aux États-Unis ils ne fassent que 400 films par an. Et vous savez pourquoi? J'ai été choqué que les studios n'en faisaient que 150. Ce n'est pas beaucoup pour tous ces studios. Mais il n'existe pas une énorme industrie indépendante et une partie de la raison pour cela est qu'ils ne possèdent pas d'incitatifs.
Il y aura un autre incitatif l'an prochain en vertu duquel il vous faudra dépenser 75 p. 100 de votre budget de film ou de votre budget de tournage aux États-Unis, mais il s'agit d'un incitatif privé. Ils ont essayé de garder plus de films aux États-Unis. L'une des solutions est l'incitatif fiscal, au niveau local. Ils ont aussi proposé ce projet de loi, pour lequel il s'agit d'un incitatif privé. Je pense que cela va être énorme. Autrefois, les Européens l'ont beaucoup fait, avec quelques-uns de ces fonds fiscaux. Tout cela va changer.
Aujourd'hui, nous parlons de Canadiens allant aux États-Unis pour faire des films. Je vais vous dire pourquoi. C'est à cause de l'arrivée de ces nouveaux incitatifs privés, aux États-Unis, qui exigent que vous fassiez la majorité du tournage là-bas. Mais cela va changer la situation des cinéastes indépendants américains, parce qu'ils vont pouvoir avoir accès à un financement privé pour leurs films et n'auront pas simplement à aller au studio. Je n'en sais pas suffisamment à ce sujet, parce que c'est tout nouveau. Mais je vais obtenir de la documentation là-dessus également. Il s'agit d'un autre incitatif privé qui doit être considéré. Dites-moi simplement où je dois envoyer cette documentation.
» (1700)
L'hon. Sarmite Bulte: Merci à tous d'être venus.
Monsieur Campbell, nous vous félicitons de votre réussite pour la promotion de films dans l'ouest du Canada.
J'ai été un partisan important du circuit de film international de Toronto et je suis ravi. Je savais qu'il existait un partenaire précis, mais je ne savais pas que c'était vous. Je vous en félicite également.
Je trouve tout cela fascinant. Je n'ai pas arrêté de dire aux attachés de recherche que c'est la première fois que j'entends parler de ce programme anglais de vente et de cession-bail. Vous avez parlé de l'article 42 et de l'article 48 de quelle loi du Royaume-Uni? Quel est le nom de cette loi? S'agit-il d'une loi fiscale?
Mme Wendy Hill-Tout: Il s'agit d'une loi fiscale. C'est Inland Revenue qui s'en occupe, c'est-à-dire l'équivalent de Revenu Canada ici.
L'hon. Sarmite Bulte: Très bien, ainsi il s'agit d'une loi fiscale. Quant aux actions accréditives, c'est la première fois que nous en entendons parler. Mais ce n'est pas la première fois que j'entends parler du financement en Allemagne.
En fait, j'ai participé à un séminaire du barreau présenté par les avocats du divertissement en Ontario, où ils ont parlé du modèle allemand. La question était de savoir si oui ou non... Les avocats essaient de trouver un moyen afin de pouvoir céder le droit d'auteur pur, puis quand même de garder le droit de contrôler et le droit de produire. Je sais que tout cela était quelque peu litigieux, mais nous cherchons des moyens de contourner cette échappatoire.
Si je comprends bien, cependant, on ne vous interdit pas de recevoir cet argent en provenance d'Allemagne. Cela signifie simplement que vous n'êtes pas admissible, si vous cédez votre droit d'auteur aux Allemands et alors vous n'avez pas le droit de faire une demande pour un financement canadien. Est-ce exact?
Mme Wendy Hill-Tout: Les producteurs bénéficient de crédits d'impôt s'ils tournent un film ici. Or, nous avons produit un film qui constitue un précédent dans une certaine mesure, c'est-à-dire que nous avons pu obtenir le financement grâce au CRTC. Il a fallu huit mois. J'ai dû prouver que nous exercions un contrôle sur tous les aspects de la production. On m'a demandé d'envoyer des courriers électroniques précisant notamment l'endroit où les artistes susceptibles de tenir les rôles du film avaient été sélectionnés. Ainsi, ils ont agi uniquement comme bailleurs de fonds. C'était fantastique. Les fonds leur sont parvenus deux mois avant le début du tournage. Cela ne se produit jamais au Canada. Nous avons dû nous conformer à toutes les étapes du processus et préparer un dossier juridique, ce qui a entraîné des coûts. Mais nous avons obtenu le financement par l'entremise du CRTC.
Je ne sais pas si une telle démarche s'est répétée, mais nous avons réussi à obtenir... Nous avons dû recourir au crédit d'impôt relatif aux services étrangers, mais nous répondons aux exigences de contenu canadien parce que nous avions des contrats de licence au Canada, alors nous craignions de les perdre, et nous étions aussi préoccupés par le financement que nous avions déjà obtenu de la part des diffuseurs canadiens.
Notre démarche a porté fruit, mais, pour ce qui est des coproductions, on ne permet pas... J'ai participé à des conférences téléphoniques avec Robert Soucy du Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens, puisque les coproductions relèvent du BCPAC, et avec le fonctionnaire de Revenu Canada qui se prononce sur toutes ces questions. Lors d'une conversation téléphonique avec Michael Prupas, un Montréalais qui travaille pour la société Muse Entertainment Enterprises, après avoir été avocat en droit du divertissement, nous avons décidé que la seule façon d'atteindre nos objectifs consistait à nous préparer à une action en justice, ce qui supposait des frais d'environ 35 000 $, voire même plus, et des délais d'au moins trois mois. J'ai bien failli donner mon accord à cette possibilité, mais il fallait tenir compte du fait qu'il est extrêmement difficile d'obtenir du financement. Lorsqu'on tente de réunir 20 millions de dollars, on ne peut se permettre d'attendre trois mois, car tous les fonds provenant de crédits d'impôt sont assortis de conditions relatives aux délais. Les fonds doivent être dépensés à une certaine date, le film doit être tourné dans certains délais, et livré à un moment précis, sous peine d'exclusion. Je ne sais pas encore si j'intenterai une action en justice, mais on m'a dit que c'était la meilleure façon de procéder.
Cela tient au fait que selon notre régime, c'est Revenu Canada qui régit la détention des droits d'auteur, même si, en réalité, les droits d'auteur ne revêtent aucune importance. En effet, c'est la question de savoir qui détient les droits qui interviennent à la fin du processus qui compte réellement. Il est curieux de constater qu'au Royaume-Uni, le régime fait en sorte que la vente et la cession-bail sont assorties d'une condition : il faut posséder le disque père. Or, il arrive que l'on obtienne un contretype négatif qui entre au Canada. La définition de contrôle repose sur la propriété du disque père. En réalité, tous ces éléments n'ont aucune importance. Il ne s'agit pas du tout de contrôle.
Sur le plan juridique, j'ai discuté de ces questions avec des avocats de Toronto, et je sais que le bureau de coproduction veut modifier ces normes et les assouplir, mais je crois que cela exigera du temps.
» (1705)
L'hon. Sarmite Bulte: Mais je crois qu'il est possible d'étudier ces questions, de demander au ministère des Finances d'en faire un examen. Car il a été question d'une section du droit d'auteur proprement dit qui permettrait de conserver le droit à un paiement et le droit de contrôler la production. On établit une distinction entre les deux. Par conséquent, je crois qu'il est possible que nous nous dirigions vers un nouveau domaine du droit et, bien que ça ne vaille peut-être pas la peine pour vous de présenter cet argument devant les tribunaux, le ministère pourrait étudier cette possibilité.
Je voudrais faire écho aux propos de M. Lemay qui a demandé non seulement de s'entretenir avec Mme Robert de toutes ces questions, mais également d'obtenir des détails sur la vente et la cession-bail afin que nous nous penchions sur ces autres options. M. Lemay a aussi invoqué la possibilité d'étudier le régime qui s'applique à ces fonds ainsi que les exigences de Revenu Canada et du gouvernement fédéral au chapitre des fonds financés à partir de capital de risque, afin de déterminer s'il vaut la peine d'envisager de recourir à la Banque de développement du Canada, dont la raison d'être consiste précisément en de tels capitaux de risque.
J'aimerais aborder deux autres questions brièvement. Madame Tout, ou peut-être était-ce M. Campbell, lorsque vous avez parlé de l'inclusion du financement privé, vous avez dit que l'industrie n'était pas aussi mûre lorsqu'on a introduit les abris fiscaux. Si les abris fiscaux n'ont pas permis d'obtenir les résultats escomptés, c'est à cause des intermédiaires qui jouaient un rôle, et c'était... Ainsi, le système n'était pas parfait. Je crois que nous devons l'admettre et passer à l'étape suivante, car j'estime que ces abris fiscaux ne seront jamais rétablis.
M. Neil Campbell: Tout à fait. Nous nous entendons tous sur le fait que le modèle original n'a pas fonctionné. En revanche, il existe un modèle qu'on pourrait et qu'on devrait remettre en vigueur pour que nous puissions bénéficier à nouveau de ce type de financement, car tout le fardeau ne doit pas reposer sur les épaules du gouvernement.
L'hon. Sarmite Bulte: Je suis d'accord avec vous.
Monsieur Campbell, j'ai été très intéressée de vous entendre dire que vous cherchiez notamment à déterminer si vos films rejoignaient un auditoire. Comment faites-vous cette évaluation? Selon votre expertise, comment décidez-vous si un film sera populaire ou non?
Vous avez également parlé des tendances pour ce qui est de la diffusion en salle et du moment où un film devrait être lancé. D'ailleurs, les tendances concernant les lancements de livres sont également intéressantes. En effet, on dit que les livres doivent être lancés avant l'attribution du prix Giller et avant Noël, car il faut se conformer au plan établi.
Vous avez suscité mon intérêt quand vous avez indiqué avoir diffusé en salle Les Invasions Barbares. Je me suis dit que c'était aussi un film; d'ailleurs, je l'ai vu au Festival du film, juste avant qu'on annonce les finalistes pour les Oscars. Il s'agit encore une fois d'une décision intéressante : Pourquoi avoir prévu la sortie en salle avant l'annonce des finalistes aux Oscars? Avez-vous même envisagé de lancer le film avant que ne soient connus les finalistes aux prix Génie ou bien cela fait-il automatiquement partie des critères? J'adresse cette question à un vous collectif, qui comprend tous les intervenants avec lesquels vous êtes en contact. Qu'en est-il de l'Académie britannique? Elle remet aussi des prix. Qu'en est-il à l'échelle internationale...
M. Neil Campbell: Aucun événement n'a autant d'importance que les Oscars. Les Golden Globes arrivent juste derrière, mais ce sont les Oscars qui sont les plus rentables. Si votre matériel publicitaire indique que vous avez été finaliste dans quatre, dix, onze ou douze catégories de prix, votre nom devient rapidement connu de tous. C'est la clé, c'est l'objectif qu'il faut atteindre.
» (1710)
L'hon. Sarmite Bulte: C'est la réalité.
M. Neil Campbell: Oui, c'est la réalité.
J'ai une question à vous poser. Comme l'a dit M. Lemay, y a-t-il quelqu'un parmi vous qui n'est pas certain de comprendre mon opinion sur les quotas et les taxes et les motifs qui expliquent cette opinion?
L'hon. Sarmite Bulte: Non, nous n'allons même pas aborder ce sujet.
M. Neil Campbell: Très bien. Merci.
L'hon. Sarmite Bulte: Merci.
Le vice-président (M. Gary Schellenberger): Nous en sommes donc à la fin de cette partie de notre séance.
Je remercie infiniment nos témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. J'ai beaucoup apprécié tous vos témoignages. Merci beaucoup.
Nous allons prendre une pause de cinq minutes, et nous nous préparerons à entendre nos prochains témoins.
» (1711)
» (1724)
La présidente: Nous reprenons nos travaux.
D'abord,unes annonce.
Les membres du comité et d'autres ont maintenant fait connaissance avec les parents de Sam Bank. J'ai décidé que nous allions lui donner son congé formel pour la soirée afin qu'elle puisse profiter d'un bon repas et d'une bonne soirée en compagnie de sa mère et de son père. Au revoir, Sam.
Nos derniers témoins de la journée, qui comparaissent à titre personnel, sont M. Thomas and M. Wry. bienvenue.
Vous représentez Maple and Palm Productions?
M. Dave Thomas (président et propriétaire, Maple and Palm Productions, à titre personnel): Oui, bien que...
La présidente: Je dois dire que c'est le nom de M. Wry qui figure le premier à l'ordre du jour.
Je vais vous expliquer de quelle façon nous avons encouragé les autres témoins à procéder. Si vous nous avez remis un mémoire, abstenez-vous de le lire. En effet, nous savons tous lire, et la plupart d'entre nous les ont lus. Nous préférons avoir plus de temps pour échanger avec vous. Donc, mettez l'accent sur les points qui sont vraiment importants, en particulier vos recommandations.
» (1725)
M. Nic Wry (à titre personnel): David et moi comparaissons ici comme membres d'une même équipe.
M. Dave Thomas: Pourquoi ne passons-nous pas immédiatement aux questions. Il est tard, votre séance dure depuis un bon moment et je suis certain que vous avez hâte à votre repas. En outre, personne ne veut rester ici jusqu'à 20 heures pour nous entendre pontifier au sujet de l'industrie cinématographique canadienne...
La présidente: Alors je vous demande d'amorcer le dialogue.
M. Dave Thomas: Très bien.
Il y a quelques années, Nic et moi avons produit un film financé en partie par Téléfilm qui nous a accordé, me semble-t-il, sa contribution maximale. Il s'agissait d'une comédie intitulée Intern Academy dont le budget s'élevait à 5 millions de dollars. J'estime que ce film est un cas type, qui est très pertinent au regard des questions dont vous discutez aujourd'hui, car ce n'est ni un film d'art, ni un documentaire.
Il est clair pour tout le monde que le Canada sait faire de bons films. Les Oscars l'ont reconnu en accordant des prix aux productions de l'Office national du film. Ainsi, cela ne fait aucun doute. Il convient plutôt de nous demander comment s'y prendre pour vendre ces films aux Canadiens et attirer un vaste auditoire.
Je ne crois même pas que la qualité entre en ligne de compte, du moins si l'on se fie au modèle des films américains. En effet, les Américains ont compris comment totaliser des ventes à tout casser de leurs productions, même les plus minables, grâce à un énorme appui à la mise en marché, et ils savent être efficaces lorsqu'il s'agit de convaincre les gens de venir voir leurs films. Même s'il s'agit de mauvais films, dont la critique a été négative, et que les gens qui ont vu le film l'ont trouvé mauvais, il y a toujours un auditoire. Pourquoi n'obtenons-nous pas les mêmes résultats? Pourquoi les gens ne viennent-ils pas voir nos mauvais films? Tout repose sur la mise en marché, et vous l'avez entendu à satiété.
Paradoxalement, j'ai l'impression qu'on a mis en place deux maillons d'une chaîne qui en compte trois en réalité. Grâce à Téléfilm, les producteurs reçoivent des fonds pour faire leurs films. Ensuite, Téléfilm verse des fonds aux distributeurs pour compenser pour leurs coûts de distribution. Mais, les exploitants de salles de cinéma qui diffusent les films ne reçoivent rien. Par conséquent, les films disparaissent de l'affiche après deux semaines. C'est là où le bât blesse. Pourquoi se donner la peine d'offrir les deux premières mesures de financement si on abandonne à la troisième étape?
En effet, c'est l'étape où les films canadiens éprouvent des difficultés, c'est-à-dire dans les salles de cinéma, au niveau des exploitants. Comment faire en sorte que les films canadiens demeurent à l'affiche?
J'insiste sur le fait que ce n'est pas une question de qualité; d'ailleurs, les Américains l'ont démontré. Ils sont capables de vendre n'importe quel film et d'attirer des foules. Ainsi, c'est la mise en marché efficace qui importe réellement. Je ne prétends pas avoir toutes les réponses, mais je crois avoir cerné le problème... et, afin d'être certain que vous me suivez, je répète qu'on a mis en place deux des trois maillons de la chaîne : Téléfilm accorde du financement aux producteurs pour leur permettre de faire des films, ensuite, on verse de fonds aux distributeurs pour rembourser leurs coûts de distribution mais on ne donne rien aux exploitants de salles de cinéma qui diffusent les films, et c'est là où tout s'écroule. Les films canadiens sont retirés des écrans après deux semaines.
Je dois préciser que ces propos ne s'appliquent pas au Québec, comme tous les autres témoins vous l'ont dit. Le Québec n'est pas touché par la situation que je décris. En effet, les Québécois appuient leurs productions cinématographiques.
M. Marc Lemay: C'est différent au Québec.
M. Dave Thomas: Ils semblent encourager leurs propres productions.
Nous avons produit un film, une comédie de 5 millions de dollars. Nous avions des comédiens suffisamment connus pour que le public soit intéressé. Dan Aykroyd, de Saturday Night Live, Dave Foley, de The Kids in the Hal, et Matt Frewer notamment, figuraient parmi ces comédiens. Notre film était destiné aux adolescents. Or, considérant l'exemple d'American Pie, un film joué par Eugene Levy et un groupe de jeunes inconnus, nous aurions dû être en mesure de vendre ce film aux Canadiens.
Mais notre distributeur, TVA, y a consacré 250 000 $ à la télévision. Je ne connais pas la somme totale qu'ils ont consacrée aux médias, mais le budget de mise en marché s'élevait à environ 750 000 $. C'est ce que TVA nous a dit. Or, j'ai découvert qu'un budget de 250 000 $ pour la publicité à la télévision ne signifie presque rien. En effet, la diffusion de messages publicitaires de 30 secondes pendant l'émission The Simpsons coûte entre 12 et 14 000 $ au Canada. Vous n'avez qu'à faire les calculs. Notre budget équivalait à 20 messages publicitaires.
Pour vendre leurs films, les Américains bombardent le marché d'une tonne de messages publicitaires. Nous ne pouvons en faire autant, alors nous devons trouver une façon d'être efficaces et de vendre nos films aux Canadiens ou, à tout le moins, de faire connaître aux Canadiens l'existence de nos films.
Neil, qui travaille pour Landmark Cinemas, a dit que mon film était un non-événement, c'est-à-dire que personne ne savait qu'il était à l'affiche. Si les chiffres indiquent que les recettes de salles de cinéma ont décliné après la première fin de semaine de sortie d'un film, cela signifie que l'auditoire n'a pas aimé le film. Par contre, si personne ne vient voir le film la fin de semaine de sa sortie, si cette première fin de semaine est un non-événement, cela signifie que personne n'avait entendu parler du film, et c'est ce qui s'est produit dans notre cas.
Comme je l'ai dit, une campagne publicitaire de 250 000 $ pour un film commercial d'intérêt général ne représente pas grand-chose. Le distributeur aurait mieux fait de garder son argent, de l'investir dans des obligations et d'en faire don à ses enfants. C'était un gaspillage.
Alors, comment réussir à vendre ce genre de films au Canada, soit les films commerciaux? Comment rejoindre le public? Comment leur faire connaître notre production? Selon Wendy Hill-Tout, on pourrait faire appel aux investisseurs privés ou accorder des incitatifs fiscaux aux producteurs. Neil est contre les systèmes de quotas, mais il faut prendre des mesures pour inciter les exploitants à diffuser nos films suffisamment longtemps.
Si le gouvernement est prêt à financer les producteurs et les distributeurs mais pas les exploitants de salles de cinéma, alors il faudra tenir compte de cette lacune dans les réflexions sur la mise en marché et sur les moyens à prendre pour faire en sorte que les films canadiens demeurent à l'affiche assez longtemps pour que le public en entende parler. En effet, les films doivent être diffusés pendant une période assez longue pour que les Canadiens sachent où aller les voir. Il doit y avoir des solutions.
» (1730)
M. Nic Wry: Nous avons pris une initiative qui illustre ces problèmes. Nous avons demandé à la société Decima de mener un sondage auprès de 1 000 Canadiens branchés à un réseau numérique et 90 p. 100 des répondants ont dit qu'ils n'avaient pas vu Intern Academy et qu'ils n'en avaient jamais entendu parler. Ils ont dit n'avoir vu aucune publicité faisant mention du film. On est donc bien loin d'une campagne publicitaire monstre qui aurait pousser ces répondants à voir notre film. Je souligne que ce sont les résultats d'un sondage tout à fait conforme mené par Decima.
M. Dave Thomas: Ne croyez pas qu'il s'agisse du bilan de l'échec d'un film. Ce n'est pas l'objectif de mes propos. Je crois plutôt que c'est un bon exemple qui permet de cerner les difficultés qu'éprouvent les comédies commerciales visant un grand public au Canada. Comment financer ces films et comment convaincre les gens de les voir?
Il existe d'autres exemples, tels que Without a Paddle, un navet qui a connu un grand succès, avec 60 millions de dollars de recettes en salles pour l'Amérique du Nord, et plus de 65 millions de dollars en revenus provenant des vidéocassettes. À cela s'ajoutent les recettes des marchés étrangers, les ventes à des réseaux de télévision, le réseau HBO et la télévision gratuite aux États-Unis.
J'ai analysé les franchises de Lorne Michaels—Paramount. Vous les connaissez probablement. Il a fait des films à partir des sketches de Saturday Night Live et, comme elle le fait d'habitude, Paramount a fixé à 15 millions de dollars le montant maximum des budgets de production. De façon générale, ils consacreraient probablement... ils prétendraient dépenser pour le moins; c'est le grand mythe des studios, ce qu'ils consacrent et ce qu'ils prétendent avoir consacré. De façon générale, il y a un budget de publicité et de copie équivalant au budget de production, ce qui, dans ce cas-ci, représente 15 millions de dollars. Ainsi, on parle de 30 millions de dollars pour ces franchises. Il s'agit de films comme Wayne's World, A Night at the Roxbury et Coneheads, tous inspirés de sketches de Saturday Night Live.
Lorne est canadien. Il travaille aux États-Unis et connaît beaucoup de succès. Ses films génèrent en moyenne des recettes totales de 105 millions de dollars. Par conséquent, si l'on soustrait des dépenses de 30 millions, on obtient 70 millions de dollars de bénéfices en moyenne, avec des résultats meilleurs pour certains films et moins bons pour d'autres. Comme vous le savez, Wayne's World a été beaucoup plus populaire que certaines autres de ses productions.
Ainsi, il est possible de trouver des solutions. Au Canada, compte tenu du régime en vigueur, il est impossible d'obtenir des résultats satisfaisants pour les films d'intérêt général. Je le répète, mes propos ne concernent pas les films d'art ni les documentaires, qui ont montré au monde entier que nous pouvions produire d'excellents films dans ces créneaux. Alors, nous n'en tiendrons pas compte.
Donc, il y a des films comme les Invasions Barbares. Je ne sais si on pourrait qualifier cette production de film d'auteur, mais j'imagine que c'est le cas. Il se trouve toujours des films qui connaissent un succès exceptionnel sans que personne ne sache l'expliquer. Il y a tellement de variables pour expliquer pourquoi des millions de personnes décident d'aller au cinéma une fin de semaine donnée, et de ne pas y aller la suivante.
Quoi qu'il en soit, il y a une industrie florissante en Californie, une industrie qui vit au jour le jour et qui dépend du succès de chaque film ou de chaque spectacle. Cette industrie est si prospère qu'elle finance la construction de parcs d'amusement et qu'elle compte parmi ses rangs des multinationales des médias qui dominent le monde. Cela étant dit, nous devons trouver une façon de réussir à bien vendre nos films au Canada. Je crois que nous n'y arrivons pas. Pour résumer très brièvement mon point de vue, j'estime que nous n'appuyons pas suffisamment les exploitants de salles de cinéma, ce qui est une faiblesse déterminante.
Je sais qu'aucun financement ne semble être suffisant aux yeux des entreprises de distribution pour leur permettre de faire une bonne mise en marché de nos films. En outre, il faut faire respecter les règles, ce qui est une tout autre question. Quoi que le gouvernement fasse, il ne sera jamais totalement efficace car il y aura toujours des arnaqueurs qui trouveront un moyen d'empocher l'argent, de remplir des formulaires, d'obtenir des fonds et de faire des profits. Cela se produira.
Il vous appartient de trouver des façons de rendre les films canadiens plus rentables et d'en faire de plus grands succès commerciaux. Il doit exister un moyen d'intervenir auprès des exploitants pour atteindre cet objectif, que ce soit par l'entremise d'incitatifs fiscaux pour les budgets de publicité et de copie... Si le gouvernement ne peut investir des fonds publics... et je le comprends. Le budget total de Téléfilm s'établit à près de 100 millions de dollars. De nombreuses personnes ont affirmé que c'était très peu, qu'un tel montant ne permettait pas de financer tous les films que le Canada pourrait produire. Par conséquent, nous n'avons pas assez de marge de manoeuvre pour créer un modèle d'affaires qui soit efficace.
» (1735)
Alors, comment s'y prend-on? J'aimerais aborder cela. Posez-nous des questions. Nous vous dirons ce que nous pensons. Nous savons ce que c'est que d'être en première ligne et de se faire conspuer par le public, d'être attaqués de plein front. Nous vous dirons tout ce que nous savons. Demandez-nous tout ce que vous voulez.
La présidente: Bien. Nous allons faire preuve de favoritisme local et allons d'abord accorder la parole à Libby.
M. Dave Thomas: Pourquoi?
Mme Libby Davies: Parce que je suis de Vancouver.
Je ne m'y connais pas autant que les autres membres du comité, car je viens à peine de m'y joindre, mais je m'efforce de rattraper très vite le temps perdu.
Si je me reporte à ce que vous avez dit et aux autres témoignages de cet après-midi, les Canadiens vont au cinéma. C'est bien cela? Or, il est question ici du cinéma canadien. Je suppose que nos concitoyens réagissent à la commercialisation massive en provenance des États-Unis.
Maintenant, par rapport à ce que Andrew disait au sujet de comédiens canadiens bien connus à l'étranger mais à peine dans leur pays, je me suis demandé s'il y a d'autres endroits où l'on connaît le même genre de choses.
La taille du marché est certainement un facteur important. Notre marché ne se compare tout simplement pas à ceux de la Chine, de l'Inde, de la France ou des États-Unis. Il est de taille beaucoup plus modeste.
Qu'en est-il toutefois de l'Australie? Nous avons la perception qu'il y a là-bas une industrie cinématographique florissante. C'est tout au moins la mienne, mais j'ignore comment le cinéma australien est perçu dans son propre pays, et s'il fait face aux mêmes problèmes que nous ici.
Est-ce qu'on nous connaît mieux à l'étranger, surtout pour nos films d'art et nos documentaires, bien qu'ici, les gens soient à peine au courant de leur existence? Y a-t-il un autre modèle vers lequel nous puissions nous tourner? Je suis curieuse de savoir si l'Australie a privilégié une démarche très différente pour soutenir son marché national jusqu'à un niveau qui pourrait nous faire envie, ou bien est-ce que ce pays fait face aux mêmes problèmes que nous, est-ce que des vedettes australiennes sont plus connues à l'étranger que dans leur pays d'origine?
Je ne sais pas. Je suis novice dans cela, alors j'aimerais savoir si vous êtes au courant.
» (1740)
M. Dave Thomas: En fait, je crois que vous avez vous-même répondu à votre question.
Mme Libby Davies: Vraiment?
M. Dave Thomas: Vous venez de dire que les Canadiens sont connus pour leurs documentaires et leurs films d'art.
Tout le monde a vu Les Invasions barbares remporter un Oscar. Au fil des ans, l'Office national du film a produit plusieurs excellents films couronnés par un Oscar, et cette récompense est le signe de reconnaissance internationale.
Je crois que notre perception de l'Australie est probablement assez semblable à celle qu'on a de nous là-bas. Pour les Australiens, nous sommes ceux qui ont réalisé les Invasions barbares et qui ont... Mais ça ne répond pas à la question comment faire du cinéma une véritable entreprise. Comment en fait-on une industrie rentable pour que les équipes de tournage du Canada puissent continuer à travailler et que les acteurs canadiens puissent rester ici plutôt que de s'exiler en Californie? Comment en fait-on une entreprise qui fonctionne bien?
Mme Libby Davies: Accordez-vous plus d'importance à la commercialisation et au développement à l'échelle internationale qu'à l'échelle nationale? Que fait-on en Australie? J'ignore si là-bas les gens sont nombreux à aller voir leurs propres films. J'en ai l'impression, mais je n'ai pas de certitude appuyée par des faits. Tout de même, on a l'impression que le cinéma australien connaît beaucoup plus de succès.
Est-ce à nous de faire connaître le cinéma canadien et d'en faire quelque chose d'international plutôt que de nous concentrer sur le marché relativement modeste du Canada? Devrions-nous faire les choses en grand, et voir les avantages de faire croître notre industrie au Canada? Je ne sais pas. J'essaie de comprendre comment on doit s'y prendre.
M. Dave Thomas: Franchement, je ne connais pas la réponse à cette question. Tout de même, à mon avis, encourager le cinéma canadien exclusivement sur la scène internationale ne résoudra aucun de nos problèmes au pays; j'ai donc des doutes sur l'utilité d'une telle stratégie. Elle ne fournirait pas assez de travail aux Canadiens et aux équipes de tournage du Canada, et elle ne me semble donc pas nécessairement représenter la solution. Nous avons déjà atteint un certain niveau de reconnaissance internationale, alors pourquoi faudrait-il recommencer?
L'essentiel ici, c'est que toutes les ventes sont liées, et cette question est entièrement liée aux ventes. Par conséquent, si un film fait de bonnes recettes au Canada, les agents de vente pourront se servir de ces chiffres pour vendre le produit sur d'autres marchés, à l'échelle internationale. Les recettes locales servent donc de référence pour tous. C'est un outil de vente dont se servira le producteur canadien pour vendre son film partout, avec plus de succès que si son produit n'est à l'affiche que pendant une semaine.
Ce dont il est question ici, c'est de l'échec du modèle canadien auprès des auditoires du pays. Pourquoi les Canadiens ne vont-ils pas voir de films canadiens? À mon avis, c'est une question de commercialisation. Ils ne savent pas que ces films sont à l'affiche. C'est aussi une question de préjugé—tout au moins au Canada anglais—en raison du fait que dans le passé, le cinéma canadien s'incarnait surtout dans des films d'art. Je parle ici du soutien auprès du grand public—les adolescents. Les adolescents ne vont pas aller voir un petit film d'art. Ils veulent voir les comédies populaires et les films d'action à grand succès commercial, les suites à La guerre des étoiles et ce genre de choses.
Sur ce terrain-là, nous ne pouvons pas concurrencer les autres, mais nous pouvons quand même faire concurrence. C'est pourquoi j'ai parlé du modèle du genre de Lorne Michaels. Nous pouvons être concurrentiels dans le créneau des films plus modestes mais efficacement mis en marché et qui rejoignent notre public cible. Les producteurs canadiens pourront ensuite s'en servir comme tremplin pour encourager les ventes à l'étranger et créer une industrie.
À l'heure actuelle, je crois que le maximum accordé par Téléfilm est de 3,5 millions de dollars par film. Supposons que cela corresponde à 50 p. 100 du budget du projet le plus coûteux. Supposons aussi que la somme de 7 millions de dollars représente le maximum qu'on puisse consacrer à un film au Canada. C'est quand même suffisant pour réaliser beaucoup de bons drames, de bons films d'action plus modestes, et certainement plus qu'assez pour tourner une bonne comédie. Le vrai problème, c'est qu'on a besoin d'un montant correspondant pour commercialiser le produit auprès des Canadiens, ou d'un mécanisme qui vous donne l'équivalent. Si vous n'êtes pas en mesure d'accorder 5 millions de dollars comme on l'a fait dans le cas de Men With Brooms... Les quelques films canadiens qui ont bénéficié de fonds de mise en marché...
Quel était le titre de ce film—de CHUM?
» (1745)
M. Neil Campbell: C'était un film d'errance.
M. Dave Thomas: CHUM a lancé un film d'errance d'adolescents il y a un an. C'est un grand radiodiffuseur, et il a consacré le maximum d'argent à la mise en marché de ce long métrage. Or les recettes ont atteint 1,5 million de dollars à l'échelle nationale, ce qui est un bon résultat par rapport au budget.
M. Nic Wry: Le titre du film était Going the Distance.
M. Dave Thomas: C'était Going the Distance.
Il y a une corrélation absolue et irréfutable entre les sommes dépensées au titre de la commercialisation et les recettes au guichet. Ces recettes mènent ensuite aux ventes de vidéos au pays et à l'étranger. Ce sont d'excellents auxiliaires à invoquer auprès des distributeurs américains lorsqu'on cherche à conclure une entente avec eux pour faire distribuer un film aux États-Unis.
Un modèle de recette, ça commence d'abord chez soi. On peut construire ultérieurement une entreprise à partir de ces films, si on réussit d'abord à les mettre en marché au Canada.
Si vous n'êtes pas en mesure d'affecter 7 millions de dollars ou même 5 millions de dollars à la mise en marché, alors que faire? Eh bien, il y a les allègements et les abris fiscaux, le contingentement, les ententes avec les radiodiffuseurs, qui leur rapporteront des dégrèvements d'impôt en contrepartie d'un certain nombre de messages publicitaires favorables aux films canadiens : On sait d'avance qu'on se fera duper sur toute la ligne, mais si on met en place suffisamment de mécanismes—c'est vrai, ça arrivera. Telle est la nature de l'entreprise. Les gens vont contourner les règles, profiter des largesses gouvernementales au maximum à leur propre avantage. Cela dit, il y a des années, les règles relatives au contenu canadien dans l'industrie du disque ont eu des répercussions positives sur l'industrie canadienne de la musique, en dépit des escrocs qui les ont utilisées et manipulées. Si l'on met en place suffisamment de règles, vient un moment où elles deviennent efficaces.
Pour résumer notre position, car je ne veux pas être trop long, là où le système s'effondre, c'est au niveau de l'exploitation. C'est le point névralgique. Si l'on obtient de bonnes recettes au Canada, on peut en tirer des ventes de vidéos, des ventes aux États-Unis et à l'étranger, et on est en mesure de concevoir un modèle d'exploitation rentable pour le producteur et qui lui permettra de faire prospérer son entreprise. Il pourra ensuite financer le tournage de trois films par année plutôt que d'un seul aux trois ans, tout en demeurant efficace.
La présidente: Madame Bulte, la parole est à vous.
L'hon. Sarmite Bulte: Merci.
Monsieur Thomas, je dois avouer être une de vos admiratrices, et je raffole de ce que fait Lorne Michaels. J'ai d'ailleurs étudié à la faculté de droit avec sa soeur, Barb Lipowitz, il y a de cela une vingtaine d'années.
M. Dave Thomas: Alors vous connaissez son vrai nom. S'il l'a changé, c'est pour des raisons propres au monde du spectacle.
L'hon. Sarmite Bulte: À mon avis, ce qu'il y a d'unique dans le cas de Lorne Michaels, c'est qu'il est allé aux États-Unis et en a profité pour favoriser la célébrité d'acteurs canadiens, pour en faire les vedettes que nous connaissons aujourd'hui. Pour ma part, j'aime bien American Pie avec Eugene Levy.
Cela dit, j'ai écouté vos propos au sujet des exploitants de salles de cinéma, et c'est chez eux que semble se situer le problème. Cependant, lorsque vous demandez qu'on leur accorde des avantages fiscaux, ce qui me vient immédiatement à l'esprit, ce sont nos accords commerciaux avec les États-Unis et ce qu'ils signifieront pour les films américains. Faudra-t-il que nous accordions notre traitement national aux Américains, que nous leur donnions les mêmes avantages?
Cela dit, à mes yeux, une part du problème vient de notre dureté envers nous-mêmes. Notre industrie cinématographique est encore relativement jeune, et si nous voulons que les Canadiens aillent voir ses films, nous leur disons qu'ils ont été réalisés par Atom Egoyan ou David Cronenberg, car ces derniers sont de véritables vedettes. Même Robert Lantos—si on voit un film de Robert Lantos, on reconnaît son nom. Ce ne sont pas seulement les comédiens qui comptent à cet égard, mais aussi les réalisateurs. Denys Arcand aussi—on tient à aller voir ses films. On tient à aller voir le long métrage qui pourrait remporter le prochain Oscar, parce qu'on connaît son auteur de nom, et parce que la renommée de ce dernier a été créée et appuyée.
Je conviens avec vous qu'il semble y avoir problème au niveau de l'exploitation, mais que pouvons-nous faire d'autre? Je pense que nous devons aussi créer nos vedettes au Canada afin que le public cherche à les voir, comme il veut aussi voir les cinéastes. Aux États-Unis, si un réalisateur que tout le monde aime sort un nouveau film, les gens vont aller le voir, que ce soit ou non un navet. Il va attirer des spectateurs la première fin de semaine, des gens qui voudront se faire une idée.
Je vais maintenant vous relancer. D'après vous, que pouvons-nous faire pour favoriser l'avènement d'un système de vedettariat au Canada, plutôt que de nous en remettre à Lorne Michaels pour rendre des Canadiens célèbres?
» (1750)
M. Dave Thomas: D’abord, l’industrie cinématographique n’est pas nouvelle au Canada, les Canadiens n’étaient pas à l’âge de pierre lorsqu’on a inventé la caméra. Nous avions les moyens et le droit de nous en servir comme tout le monde, tout comme certains Canadiens ont fait œuvre de pionniers de l’industrie de l’informatique et d’Internet. Le directeur de Macromedia est un Canadien.
Pendant toutes ces années, les Canadiens étaient au courant de l’existence du cinéma et y ont été exposés. Ce que vous avez dit à propos de réalisateurs connus comme Denys Arcand est toutefois vrai, mais Denys Arcand serait plus rapidement devenu une grande vedette… De toute façon ce n’est pas un exemple approprié, parce que je voudrais exclure le Québec de cela...
L'hon. Sarmite Bulte: David Cronenberg.
M. Dave Thomas: Bien.
Le Québec appuie ses talents. Son cinéma est florissant. Il y a quelque chose qui se passe là-bas mais pas ailleurs au Canada. Par conséquent, laissons tomber Denys Arcand et parlons plutôt de David Cronenberg.
David Cronenberg serait devenu une plus grande vedette, et beaucoup plus vite, s’il avait reçu l’appui d’une grosse machine médiatique comme ce fut le cas pour Demi Moore. Soyons réalistes, c’est ce qui crée la célébrité de ces gens-là. Vous savez, lorsqu’on parle d’un film, la première chose que tout le monde va vous demander, c’est « Qui joue dedans? » Vous avez dû en faire l’expérience vous-mêmes. Si vous dites à quelqu’un : « J’ai vu un excellent film », on vous répondra : « Ah oui, qui jouait dedans? » C’est la première chose que tout le monde demande. Ces acteurs ont déjà joué dans nombre de films; je vais donc aller les voir dans ce film-ci.
Par conséquent, comment le faire avec des Canadiens quand l’industrie canadienne du cinéma n’existe pas, du fait que personne ne sait qui en sont les artisans? L’artillerie lourde des médias ne les soutient pas assez. Prenez le cas Ashton Kutcher. Ça fait au moins dix fois plus longtemps que David Cronenberg réalise des films, mais je vous assure qu’on financera un projet d’Ashton Kutcher plus vite qu’un autre de David Cronenberg, simplement parce qu'il a le soutien de la grosse machine médiatique.
Je n’ignore pas que nous ne pouvons rivaliser avec ce que font les États-Unis. Notre situation géographique est cependant intéressante, surtout au Canada anglais, où 90 p. 100 des gens vivent à une centaine de miles de la frontière américaine. Les Américains vont affecter 50 millions de dollars à la réclame d’un film, et cette publicité débordera du côté canadien de la frontière, rejoindra les Canadiens. De plus, les Américains vont dépenser un autre cinq millions de dollars pour cibler le marché canadien, parce qu’ils tiennent à ce que les gens d’ici aillent voir leurs films.
Maintenant, au sujet de votre désir d’éviter une guerre commerciale avec les États-Unis, ce genre de conflit ne se produira pas. On aurait beau construire un mur de 100 pieds de hauteur entre nos deux pays, que les Américains enverraient quand même leurs produits ici. Lorsque Jack Valenti était président de la Motion Picture Association of America, il a menacé le Canada : « Si vous contingentez les films, nous allons bloquer le produit américain ». Eh bien, cela durerait à peu près une demi-heure, car Universal lui dirait de laisser tomber, qu’elle ne ferait pas cela, quand de 25 à 30 millions de gens sont prêts à payer pour voir les films américains. On le ferait taire et on lui dirait qu’on va quand même envoyer les films américains au Canada. Et c’est ce qui se passera.
Par conséquent, ni le gouvernement, ni les autres intervenants de notre pays ne peuvent empêcher l’entrée des films américains ici. Nous pouvons cependant protéger notre industrie au maximum, faire tout en notre pouvoir pour que les films canadiens soient montrés dans nos salles, chez les exploitants d’ici.
Encore une fois, il ne suffira pas de prendre une seule mesure, même s’il s’agissait d’une loi. Pour être efficace, il faudra deux, trois, ou encore plus de mesures que cela. Il faut veiller à annuler l’effet des escroqueries et de l’inefficacité associés à certaines de ces mesures au moyen deux ou trois autres mécanismes. Il pourrait s’agir, par exemple, d’allègements fiscaux considérables aux investisseurs privés, de mesures fiscales accordées aux fonds de production, de dégrèvement pour les exploitants de salles afin qu’ils montrent des films canadiens, ou encore d’avantages fiscaux à l’intention des diffuseurs pour qu’ils fassent de la réclame à ces mêmes films. Si toutes ces mesures étaient prises, cela représenterait une rentrée importante de capitaux pour l’industrie cinématographique canadienne.
» (1755)
M. Nic Wry: J'ai parlé aujourd'hui avec Dave au sujet des raisons pour lesquelles nous n'avons pas de système de vedettariat ici. Je lui ai demandé si tout le monde va à Los Angeles pour gagner plus d'argent. Il m'a répondu qu'on y va parce qu'on ne peut pas gagner sa vie ici. Si les gens vivaient vraiment bien de leur métier ici, ils n'iraient pas nécessairement à Los Angeles.
M. Dave Thomas: C'est vrai, mais ce n'est pas la seule chose.
M. Nic Wry: Non.
M. Dave Thomas: C'est aussi dans l'ordre des choses lorsqu'on veut se développer. Lorsqu'on réussit ici, on veut aller là-bas, puis on veut franchir telle étape puis une autre. Pour un artiste, il n'y a rien de mieux que d'atteindre l'échelon suivant. Y a-t-il moyen d'inciter ces artisans du cinéma à revenir au Canada pour y tourner un film?
Peut-on persuader Mike Myers de revenir ici pour un faire un film? Pouvez-vous obtenir de très grandes vedettes américaines qu'elles reviennent au Canada? Tout cela se ramène à l'argent.
L'hon. Sarmite Bulte: Très brièvement, parlons de la comédie au Canada. Certaines des émissions à grand succès de la CBC, comme Air Farce ou This Hour Has 22 Minutes, sont vraiment super. Les scénarios sont excellents. Les gens se reconnaissent aussi. C'est le fait de se retrouver à l'écran, de se reconnaître dans les histoires qu'on vous montre. Nous avons de fameux scénaristes. Encore une fois, c'est la CBC qui sert de vitrine. Il y a aussi Train 48 qui est une bonne émission. Les gens la regardent, non parce qu'elle est canadienne mais qu'ils la trouvent bonne. Ils s'y reconnaissent. Comment peut-on transposer ce modèle-là au cinéma?
M. Dave Thomas: Je l'ignore. Le modèle des émissions télévisées est différent du modèle plus théâtral du cinéma. Dans ce dernier cas, les enjeux sont plus grands, il y a plus d'argent et les mécanismes réels sont différents.
En cinéma, il y a trois étapes distinctes, la production, la distribution et l'exploitation. Les trois nécessitent un montage financier tandis que lorsqu'on travaille à la télévision, on finance et on diffuse. c'est plus simple. À mes yeux, on peut difficilement comparer ces deux formes de spectacle et difficilement emprunter à l'une pour s'en servir dans l'autre. Je ne sais pas comment on peut le faire.
M. Nic Wry: Toutefois, si vous... Oh, excusez-moi, allez-y.
M. Dave Thomas: Non, allez-y.
M. Nic Wry: J'allais simplement répéter ce que j'ai déjà dit cet après-midi, à savoir que sans la création de la Société Radio-Canada par le gouvernement, les Américains, qui avaient déjà construit leurs tours et disposaient déjà de leur réseau, auraient fait avec la télévision ce qu'ils ont fait avec le cinéma; ils auraient intégré le marché télévisuel canadien à leur propre marché. Le gouvernement du Canada a dit non, nous tenons à notre propre télévision. S'il ne l'avait pas fait, je suis sûr que nous discuterions aujourd'hui selon le même modèle au sujet de la télévision. Nous demanderions pourquoi nous ne pouvons pas voir davantage nos émissions sur les ondes de la NBC. Par conséquent, vous savez...
La présidente: C'est bien, monsieur Lemay. J'essaie simplement de varier les plaisirs afin que personne ne s'endorme. De temps en temps, vous avez l'occasion de passer après les autres pour tirer les choses au clair.
[Français]
M. Marc Lemay: Monsieur Thomas, je vais vous dire une chose: on ne vous connaît pas au Québec. Est-ce que cela vous surprend?
¼ (1800)
[Traduction]
M. Dave Thomas: Non.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
M. Marc Lemay: On commence sur une note humoristique. En répondant à ma question, vous avez cerné tout le débat. C'est cela, le débat. Est-ce qu'on a besoin de connaître Dave Thomas au Québec? Ma réponse est non. On doit connaître ce que fait M. Thomas. Peu importe qu'il soit Canadien ou Britannique, qu'il vienne de Nouvelle-Zélande ou d'Australie, ce qui m'intéresse, c'est ce qu'il fait et sa contribution à la culture canadienne.
Vous parlez de films. Actuellement, on est en train de faire une étude importante sur l'avenir du cinéma, et je me pose de sérieuses questions. Est-ce qu'il y a une culture canadienne-anglaise? J'ai eu une réponse cet après-midi et je la retiens. La différence entre le Canada et les États-Unis repose sur le fait que les Canadiens sont multiculturels, alors que les États-Unis sont un melting-pot: on doit se fondre dans la masse. Je pense que cet essor multiculturel n'est pas assez exploité au Canada. Il y a un sérieux problème sur lequel il va falloir commencer à se pencher.
Connaissez-vous le film Manners of Dying ? C'est le nouveau film de Roy Dupuis. Il vient de sortir et il est promis à un bel avenir.
Je me pose des questions et je vais vous en faire part. Vous me dites que vous ne savez pas trop ce que vous allez faire, mais qu'il faut absolument que vos produits soient attrayants. Comment allez-vous faire pour créer des produits attrayants, que les Canadiens auront envie de voir au cinéma? Quelle est la recette? Ne me parlez pas de fiscalité, car j'en ai déjà entendu parler. La recette d'un bon gâteau au chocolat, je la connais, mais quels sont les ingrédients pour faire un bon film que les Canadiens voudront aller voir? Ma question est-elle trop large?
[Traduction]
M. Dave Thomas: Je comprends fort bien votre question, mais je ne crois pas que cela dépende du gâteau ni de la qualité du gâteau. Il s'agit au départ de découvrir qu'il y a un gâteau, et c'est là que réside le problème, comme j'ai essayé de vous l'expliquer pendant toute la soirée. J'ai expliqué, par exemple, que les Américains sont prêts à vendre au public toutes sortes de mauvais gâteaux, et qu'ils attendront comme des loups affamés pour dévorer ces gâteaux parce qu'ils en ont entendu parler et en connaissent l'existence.
Je ne peux rien répondre au fait que vous ne me connaissiez pas, et je ne peux rien dire de différence entre le Canada anglais et le Québec. J'admire ce que fait le Québec, et j'aimerais bien en faire partie, car je profiterais énormément de l'énorme capacité qui existe là-bas, des mécanismes en place et du dynamisme québécois qui permet à des gens comme Charlebois de devenir millionnaires car les Québécois vont acheter ses disques. Je sais que parler de lui ne me rajeunit pas, mais je connais très bien ce dont je parle.
Cela ne se fait pas au Canada anglais, et c'est pourquoi lorsque j'ai dit au départ que je voulais exclure le Québec de la problématique, je ne le faisais pas de façon négative. Si j'ai exclu le Québec, c'est parce que celui-ci a déjà prouvé qu'il savait comment faire de bons gâteaux au chocolat, comment informer la population que le gâteau était prêt à être mangé et comment attirer des hordes d'affamés.
[Français]
M. Marc Lemay: Si je vous comprends bien, les bons gâteaux au chocolat existent aussi au Canada anglais, au Canada. Le problème, et vous le cernez, consiste à les vendre ou à inviter les gens à les manger. C'est cela? Pour vous, c'est là que le problème se situe?
[Traduction]
M. Dave Thomas: Tout à fait.
[Français]
M. Marc Lemay: Je vous suggère fortement de parler haut et fort à la CBC. En effet, son pendant québécois a investi 12 millions de dollars dans des films faits au Québec et dans leur promotion. La CBC ne l'a pas fait et elle a 30 millions de dollars.
Votre partie commence à m'intéresser. Vous dites qu'il faut vendre, qu'il faut inviter les gens à venir manger. J'aime bien l'allégorie, je la trouve intéressante.
¼ (1805)
[Traduction]
M. Dave Thomas: Je vois bien. Vous me donnez faim.
[Français]
M. Marc Lemay: N'y aurait-il pas une façon de créer une alliance entre des sociétés comme CTV et Alliance Vivafilm, par exemple, pour vendre le gâteau?
[Traduction]
M. Dave Thomas: Mais vous parlez de grandes sociétés. Si vous voulez vraiment essayer de raisonner Ivan Fecan, je vous souhaite bonne chance, mais ces gens-là veulent faire de l'argent.
Laissez-moi vous dire ce que je pense—et je suis sûr que je vais me rendre très impopulaire auprès d'eux: À mon avis, les distributeurs canadiens, dans les salles de cinéma et à la télévision, sont là pour vendre les produits américains au Canada. Ils font semblant, pour la forme, de respecter leur mandat de diffusion de films canadiens, simplement pour que le CRTC renouvelle leur permis, et simplement pour obtenir de Téléfilm les sommes dérisoires qu'ils investissent dans des films canadiens. C'est uniquement pour la forme, car leur but, c'est de vendre des produits américains aux Canadiens. C'est cela qui rapporte, et vous vous bercez d'illusions si vous espérez qu'ils acceptent de mettre la main à la pâte, pour continuer avec votre analogie de gâteau. Vous n'y parviendrez pas, pas plus que je n'y parviendrai moi-même.
L'important, pour ces gens-là, c'est de faire de l'argent. Ils savent qu'ils peuvent en faire beaucoup en vendant les produits américains aux Canadiens. Regardez la programmation de la CBC: On y trouve toutes sortes d'émissions américaines comme Friends.
[Français]
M. Marc Lemay: Mais il n'y a pas eu de hockey de la Ligue nationale. Pourquoi? Vous avez le droit de poser cette question. Pourquoi la CBC n'a-t-elle pas diffusé de films canadiens? Au Québec, on a diffusé des films canadiens le samedi soir pendant les heures de La Soirée du hockey, ou je ne sais pas quoi. Au Québec, on a présenté des films québécois, ou même canadiens puisqu'on a vu Le Violon rouge.
[Traduction]
M. Nic Wry: C'est parce que le volet anglais de la Société d'État impose d'être rentable, et que la seule façon d'aller chercher autant d'argent que s'il s'agissait d'une soirée de hockey, c'est en diffusant des grands films américains à succès. C'est d'ailleurs ce que la SRC nous a dit carrément lorsque nous l'avons rencontrée, puisqu'elle nous a confirmé qu'elle ne diffusera pas de films canadiens car ceux-ci n'attirent pas autant de publicité. Or, la SRC a besoin d'argent, et c'est pour ça qu'elle remplacera la soirée du hockey par trois longs métrages américains, ce qui ne nous aide en rien.
On peut se demander alors à quoi sert la SRC. Si elle diffuse des films américains, pourquoi voudrait-on continuer à y investir 1 milliard de dollars par année?
Mais je m'empresse d'ajouter que j'ai beaucoup de respect pour elle.
M. Dave Thomas: Non, non, mais il ne s'agit pas de la SRC. Quel que soit le problème que vous ayez avec elle, ou que j'aie avec elle—je ne crois pas lui avoir vendu quoi que ce soit depuis 25 ans—ce n'est donc pas vraiment la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous sommes ici pour parler de cinéma et de notre expérience particulière avec le film que nous avons réalisé, du fait que ce film a été mal reçu par le public canadien et qu'il est alors devenu pour nous un problème.
Nous avons essayé de trouver un distributeur canadien qui en retarderait la sortie au Canada avant que nous n'ayons signé quelque chose aux États-Unis et nous n'avons pas réussi parce qu'ils voulaient que cela figure dans leurs livres pour qu'ils puissent récupérer l'argent de Téléfilm pour l'année. C'est comme ça qu'ils fonctionnent. Pas besoin d'autre explication. Le fait qu'Alliance Atlantis ait cessé toute production pour se limiter maintenant à la distribution est assez éloquent. Ils ne s'inquiètent pas de faire la promotion de produits canadiens; ce qui les intéresse, c'est de tirer une bonne part de leurs recettes de la distribution de produits américains.
Il faut que nous trouvions un moyen de rendre cela économiquement intéressant pour les Canadiens au lieu d'essayer d'en faire quelque chose d'artistique ou autre. Il faut qu'un exploitant canadien puisse dire : « Je vais garder ce film dans mon cinéma parce que le gouvernement va me donner des allégements fiscaux ou autres pour cela ». C'est la raison pour laquelle les distributeurs canadiens font même le peu de production canadienne qu'ils font actuellement, c'est parce qu'ils tirent de l'argent de Téléfilm. Je puis vous garantir que s'ils ne recevaient rien de Téléfilm, ils cesseraient totalement. S'ils n'étaient pas obligés de faire de la production canadienne, ils n'en feraient pas du tout.
C'est la même chose avec les radiotélédiffuseurs. Ils ne diffuseraient aucune émission canadienne, pas même le Royal Canadian Air Farce, toutes ces émissions excellentes—This Hour has 22 Minutes—si le CRTC ne leur imposait pas.
Il nous faut donc trouver un moyen économique, financier, de les inciter à garder ces films dans les cinémas suffisamment longtemps pour que le gens les découvrent, ou donner un statut fiscal préférentiel pour cette publicité afin que des gens soient prêts à investir 5 millions de dollars pour commercialiser un film canadien. Cela coûte 5 millions parce qu'ils savent que cela va rapporter et que, sinon, ils bénéficieront d'un allégement fiscal, et pourront amortir ce montant.
¼ (1810)
M. Nic Wry: La bonne nouvelle est qu'il y a de bons films. Si nous avions eu le même budget de publicité que les Américains pour sortir ce film, je suis convaincu, d'après les projections que nous avons faites et toutes les réactions que nous avons reçues, qu'il aurait remporté du succès. Ce n'est pas désespéré. Il y a de bons films mais, si l'on n'en fait pas la promotion, nous devrions nous contenter des vidéos et de la télévision et déclarer que cela ne peut passer dans les cinémas parce que nous ne pouvons tout simplement pas y mettre les budgets de mise en marché nécessaires car, quand on les met, cela marche. J'ai dit à quelqu'un que peut-être seuls les radiodiffuseurs devraient être autorisés à réaliser des longs métrages parce qu'ils peuvent ensuite en faire la promotion sur leurs propres ondes.
M. Dave Thomas: Mais, comme je le disais, ce n'est pas une question de films. Nous avons déjà prouvé que le Canada est capable de faire de bons films. Nous avons d'excellents films artistiques. D'excellents documentaires. C'est une question économique. Comment gagner de l'argent avec des spectacles au Canada? Comment ajouter l'élément économique? Comment en faire une industrie? Comment rendre cela intéressant pour les investisseurs, pour ceux qui ont l'argent, afin que nous puissions réussir à mettre notre production sur le marché?
La présidente: Nous allons revenir à cet aspect particulier mais maintenant c'est le tour de M. Schellenberger.
M. Gary Schellenberger: Merci.
Et je sais qui vous êtes, Dave.
Des voix: Oh, oh!
M. Gary Schellenberger: Cela montre peut-être un peu mon âge mais lorsque j'étais petit, une de mes émissions préférées était The Red Skelton Show. J'adore la comédie. Je n'ai jamais vu un film Star Wars. Je ne regarde pas ce genre de chose. Mais je pense qu'il est bon pour tout le monde de rire un bon coup de temps en temps et je ne puis donc que vous applaudir. Tenez-vous en à la comédie et nous allons essayer de voir si nous ne pouvons pas faire quelque chose pour améliorer la situation.
Vous avez parlé des trois maillons et de celui qui manquait. J'ai réfléchi longtemps. C'est quelque chose que nous ont dit les exploitants il y a longtemps. C'est comme dans toute entreprise, il faut bien qu'ils gagnent de l'argent. Je pense aux exploitants. Peut-être qu'on pourrait avoir un programme... Et je pense toujours au nombre de spectateurs. On pourrait envisager un crédit d'impôt pour les exploitants de cinéma canadien selon le nombre de spectateurs venus dans la soirée. Là encore, il faut que les gens soient très honnêtes dans la façon dont ils remplissent les formulaires.
Si vous aviez un crédit d'impôt, qui portait sur un écran spécifique dans un cinéma à plusieurs salles, ou une ou deux fois par mois... J'essaye de penser à des choses un peu originales. Ce pourrait être une façon d'aider les exploitants. En les aidant pour certaines choses, on aide l'industrie du cinéma. Cela aide à montrer ces films.
Si je ne m'abuse, Téléfilm a un maximum pour la promotion. Est-ce que je me trompe?
Une voix: Les fonds pour la mise en marché peuvent atteindre 75 p. 100. La norme n'est pas si élevée mais cela peut atteindre 75 p. 100, sachant que les fonds sont plafonnés.
M. Gary Schellenberger: Oui, c'est trois millions de dollars.
M. Nic Wry: Donc, dans notre cas, c'était 750 000 $.
M. Gary Schellenberger: Cela aurait pu être 750 000 $?
M. Nic Wry: Le budget total de promotion et publicité était de 750 000 $. On a mis 250 000 $ pour la télévision, et vous pouvez nous dire combien vous avez subventionné cela, n'est-ce pas?
Une voix: Probablement environ 75 p. 100. Nous aurions eu assez pour atteindre 75 p. 100 du fonds de mise en marché à l'époque.
M. Gary Schellenberger: Là encore, nous avons entendu cela dans tout le pays, c'est toujours promotion, promotion, promotion.
La présidente: Excusez-moi. Si nous devons avoir des commentaires de l'autre table, il serait préférable de vous inviter à celle-ci afin que les interprètes puissent vous entendre. Si vous avez quelque chose à dire, allez-y.
¼ (1815)
M. Gary Schellenberger: Je crois, comme je l'ai déjà dit... On parle toujours de promotion. Ce n'est pas équitable. Vous n'avez pas de budget de 15, 30 ou 100 millions de dollars pour faire la promotion d'un film. Ce ne serait pas raisonnable ici et l'on pourrait remonter les plafonds et insister davantage sur la promotion... On nous l'a dit. C'est cela. Là encore, je reviens à l'idée d'une forme de crédit d'impôt ou autre pour les exploitants, dans certaines circonstances.
On a mentionné d'autres choses... Je sais qu'il y avait autrefois les mardis à 2 $ mais, avec 2 $, on ne va plus très loin. Peut-être qu'un mardi à 2 $ et un crédit d'impôt, un commanditaire dans les médias, pourraient aider à faire de la promotion. Ils pourraient peut-être même en retirer quelque chose. Il y a des recettes, ce n'est pas gratuit. C'est simplement pour faire connaître les films ou pour les garder une semaine de plus. C'est juste quelque chose...
Est-ce que ce serait une idée?
M. Dave Thomas: Pourquoi pas ça? Pourquoi ne pas dire aux journaux canadiens qu'on leur accorderait un rabais ou un genre de crédit d'impôt pour les annonces qu'ils passeront pour des produits canadiens? Autrement dit, ne pas seulement viser un marché. Il faudrait qu'il s'agisse d'un programme complet qui couvre tout le secteur de la mise en marché, qui inclurait la télévision, la radio et la presse écrite—toutes les formes de promotion et de médias.
Nous savons bien qu'il n'y a personne au Canada qui va mettre 100 millions de dollars dans la promotion d'un film. C'est ridicule; ce n'est pas du tout ce que nous suggérons. Nous disons simplement que quand il y a un film qui coûte 5 millions de dollars, si l'on met 5 millions de dollars dans la mise en marché, c'est compatible, à ce niveau, avec ce que l'on fait pour la mise en marché aux États-Unis où la mise en marché fonctionne très bien, comme nous le disions tout à l'heure en prenant l'analogie du gâteau: mauvais gâteau, bon gâteau, pas de gâteau, ils viennent de toute façon.
C'est ce qu'il nous faut: une sorte de mécanisme. On en abusera; vous pouvez en être sûrs. Il faut en tenir compte, car il n'existe aucune assistance gouvernementale que le secteur privé, dans un système de libre entreprise, ne va pas utiliser de façon abusive. On trouvera un moyen de contourner les règles. C'est la raison pour laquelle il faut un programme complet qui comporte plus d'un mécanisme, sinon, ce ne serait pas efficace, du moins à mon avis.
D'ailleurs, si ce ne doit pas être efficace, pourquoi le faire?
M. Nic Wry: La réalité, c'est que ça peut être efficace, parce que des films comme celui de CHUM à 2 millions de dollars de promotion, et certains autres de cet ordre, surtout avec l'appui des radiotélédiffuseurs... Il faut des sommes de cette ampleur mais, ce n'est pas exhorbitant, quand on considère le reste. Pour le Canada, il faut un montant de quelques millions.
Dans le cas d'un film à succès, le radiodiffuseur est impliqué. Pour Men With Brooms, la SRC a mis, d'après les gens que je connais et à qui je fais confiance, 2 millions de dollars, si l'on compte tout, avec le temps d'antenne pour faire la promotion de Men With Brooms. Ils avaient en fait acheté tout le créneau et ne se sont pas fait payés et ce fut un grand succès; ils voulaient vraiment que ça marche. Quand CHUM a eu son propre film, on a recommencé.
Il est donc évident que, ce qu'il faut, c'est trouver un incitatif pour ces gens-là. Le CRTC doit renouveler les permis dans deux ans et je puis vous dire que les trois grands réseaux—la SRC, CTV et Global—ont dit : « Nous ne voulons pas de longs métrages commerciaux. Nous ne les achèterons pas. » Lors de conférences et autres, ils ne se cachent pas et ils disent simplement : « Nous n'achèterons pas de films commerciaux. Nous achèterons des choses qui sont faites directement pour nous et nous n'avons pas l'intention d'acheter de films commerciaux ». On peut espérer qu'à un moment ou à un autre, le CTRC les encourage d'une certaine façon à le faire.
La présidente: J'aimerais revenir où vous avez commencé, monsieur Thomas, parce qu'alors que vous parliez d'un système en trois parties, vous confirmiez ce que je ressens depuis le début de nos audiences et ce n'est pas spécialement positif. J'ai tracé ce diagramme qui montre la production, l'exploitation et, au milieu, les distributeurs qui sont liés aux deux. Il me semble que c'est en fait là où le maillon est faible.
M. Campbell va montrer un film s'il fait venir du monde qui achètera du popcorn, c'est aussi simple que cela. Cela va marcher si on a fait la publicité, si la distribution a été bien faite, si les bandes annonces sont bonnes, s'il y a une affiche et si les distributeurs ont fait leur travail—et il me semble que la publicité et les annonces, c'est à eux de les faire.
Je ne sais pas s'il nous faut donner des incitatifs aux exploitants si on leur donne un produit qui va leur rapporter. Cela me ramène à l'autre chose que je voulais dire. D'après vous, il nous faut créer un modèle d'entreprise, mais il faut alors le faire avec toutes sortes d'incitatifs ou subventions de l'État.
¼ (1820)
M. Dave Thomas: En mettant nos distributeurs au milieu, vous avez modifié la chaîne alimentaire et un peu déformé le tableau d'ensemble. Je m'explique. La production, c'est le point de départ: elle ne peut commencer sans scénario et ne sera terminée que quand le film sera fini. La distribution, c'est le niveau suivant; la façon dont ces films seront financés dépend de la distribution, car un télédiffuseur et d'autres organismes de financement sont tous liés à la distribution. Enfin, il y a l'exploitant qui, sur une ligne allant de gauche à droite, se trouve à l'extrémité droite.
C'est au niveau de l'exploitant que tout dérape. Vous avez tout à fait raison: M. Campbell serait très heureux de projeter un film dans ses salles de cinéma, s'il a des affiches, s'il a la bande-annonce six mois d'avance et s'il peut le mettre en tête d'affiche de ses autres films et s'il sait qu'il y aura une bonne publicité à la télé, à la radio et dans la presse écrite.Toutefois, s'il n'y a pas de publicité, ce qui est le cas... Tout cela est lié à l'argent. Si vous n'avez pas les moyens de faire de la publicité, vous devez offrir autre chose à M. Campbell. Sinon, quand le film n'aura attiré que cinq personnes, il lne le montrera plus dans ses salles.
La présidente: Mais même en prévoyant des incitatifs pour lui, si personne n'achète de billet pour voir ce film, l'incitatif seul ne suffira pas, et si le problème se situe au niveau intermédiaire...
M. Dave Thomas: Attendez. Qu'est-ce qui vous dit que cet incitatif ne suffira pas? Nous n'avons pas encore déterminé quelle solution il nous faut. Nous ne lui avons pas encore fait une offre qu'il ne pourrait refuser. Vous comprenez?
Avant d'affirmer que cet incitatif ne suffit pas, il faut se demander quelles sont les solutions possibles. Quels sont les incitatifs qu'on pourrait lui offrir?
La présidente: Mais si personne ne sait que ce film est à l'affiche, peu importe combien de temps il y reste, n'est-ce pas?
M. Dave Thomas: Non, parce qu'au bout du compte, certains finiront par savoir qu'il est à l'affiche, un peu comme les jeunes arrivent à trouver les sites Internet les plus étranges ou les émissions de télévision...
Allez-y.
La présidente: Monsieur Campbell, peut-être voudriez-vous intervenir aussi. Il nous reste environ sept minutes.
M. Nic Wry: Très bien. Faisons-en bon usage.
M. Neil Campbell: J'abonde dans le même sens que la présidente. Ce n'est pas parce que le film est à l'affiche...
C'est comme lancer un caillou dans l'eau. Si les ondes ne se rendent pas jusqu'à la rive, s'il n'y a pas suffisamment d'intérêt pour le film—car c'est le bouche à oreille qui vend les films, qui vous donne cette deuxième semaine à l'affiche—s'il n'y a pas suffisamment de gens qui en parlent, personne n'ira le voir.
Je vous donne l'exemple d'un film qui a réussi contre toute attente. Mariage à la grecque. Le distributeur avait ce film qu'il n'arrivait à placer nulle part. Il a réussi à le placer dans quelques cinémas et, parce que c'était à une certaine période de l'année, le film y est resté et s'en est assez bien tiré. La deuxième semaine a été meilleure que la première, la troisième meilleure que la deuxième et ainsi de suite.
Mais on ne peut pas dresser un plan commercial à partir d'un film comme celui-ci, car il a enfreint toutes les règles. C'était un très bon film et on lui a donné le temps de se faire connaître, de se trouver un auditoire la troisième semaine.
M. Nic Wry: Mais Dave n'a pas dit que l'exploitant continuerait de présenter le film même si vous ne faites aucune promotion, n'est-ce pas? Il faut faire les deux.
M. Neil Campbell: En effet, ce n'est pas la première fois que nous en parlons. Moi, je recommande un suivi de la distribution jusqu'à l'exploitation, et nous le faisons régulièrement avec certains studios.
Combien de gens ici présents connaissent le film Zig Zag, l'étalon zébré? C'est un film à propos d' un zèbre qui veut être un pure-sang. Ah, j'ai piqué votre curiosité.
¼ (1825)
M. Dave Thomas: Vous souvenez-vous de l'image du zèbre?
M. Neil Campbell: C'est un film de la Warner Brothers qui a aussi produit Harry Potter. Nous, nous n'avons pas choisi Harry Potter. Nous sommes allés à la Warner Brothers à qui nous avons proposé de nous aider à réaliser ce petit film sur Zig Zag.
Warner Brothers a livré la marchandise. Elle a organisé des concours de coloriage pour nous. Elle a offert des prix. Elle a trouvé de l'argent en espèce pour le programme d'incitatif à l'intention de nos gestionnaires dans tout notre circuit. Tous ceux qui faisaient un peu de promotion additionnelle et qui renvoyaient la trousse recevaient quelque chose automatiquement. Nous avons remis 3 000 ou 4 000 $ en prix en argent. C'est ce que nous avons fait avec Warner Brothers pour Zig Zag, l'étalon zébré.
Tout le monde est ravi de faire la promotion d'Harry Potter. Mais pour un tel film, il suffit d'ouvrir les portes du cinéma pour que les gens y viennent, car Warner Brothers a déjà tout prévu.
Zig Zag, l'étalon zébré est un petit film qu'il fallait aider. Le mois de janvier est le pire moment de l'année. J'ai trouvé plutôt idiot qu'on choisisse ce moment pour mettre le film à l'affiche, mais, au bout du compte, ça a été une bonne idée et nous avons tous été gagnants. Nous avons tous été ravis.
M. Nic Wry: Mais la vérité, c'est que nous sommes tous au courant de Zig Zag, l'étalon zébré.
M. Neil Campbell: C'est vrai.
M. Dave Thomas: Madame la présidente, nous ne disons pas que la seule solution—et, d'ailleurs, je l'ai indiqué au niveau linéaire, c'est au niveau de l'exploitant,-- est de donner des crédits ou allégements fiscaux aux exploitants.
Je répète, il faut mettre en place un certain nombre de mécanismes, trouver un moyen d'augmenter la publicité dans les médias.
Il faut faire connaître les films mais il y a des films—et vous le reconnaîtrez—pour lesquels on ne sait pas trop si on doit les garder une autre fin de semaine ou non. S'il y avait un incitatif fiscal, on dirait peut-être : « D'accord, j'essaie une autre semaine ».
Je dis simplement qu'il faut un certain nombre de mécanismes, quelque chose qui incite les investisseurs à mettre de la publicité dans les journaux et autres médias et à créer ainsi une industrie artisanale au Canada pour faire la promotion des films et les mettre en marché.
Ça existe ailleurs. Ça existe aux États-Unis et en Europe. Il y a des groupes indépendants qui s'en chargent et c'est intéressant pour les radio-télédiffuseurs, ils ont droit à certains allégements fiscaux ou à autre chose, lorsqu'ils passent plus fréquemment de la publicité pour le produit national.
Je répète que pour tous ces mécanismes, il y aura certains abus mais, plus il y en a, plus on a des chances de trouver une formule qui permette aux Canadiens de découvrir ces films canadiens—là encore, je parle du Canada d'expression anglaise, j'exclue le succès du Québec—de se renseigner sur ces films et d'aller les voir, puis d'en parler à leurs amis et de faire le bouche-à-oreille nécessaire pour créer un succès et peut-être bâtir un modèle d'entreprise qui permettra aux producteurs canadiens de...
Mme Libby Davies: L'analogie du gâteau au chocolat est bonne mais la façon dont nous nous faisons élire s'applique tout aussi bien. Il faut avoir un bon produit—un scénario, quelque chose—la distribution voulue mais il faut aussi sensibiliser la population. Nous ne devrions donc pas avoir de mal à comprendre cela parce que c'est exactement le même cas pour nous.
M. Dave Thomas: Ma foi, je crois que nous avons sur la scène politique canadienne une blonde qui a fait un coup de théâtre et qui va très bien réussir parce qu'elle a beaucoup d'argent.
M. Nic Wry: Donc, essentiellement, madame la présidente, il dit que vous aviez raison en lui posant votre question.
M. Neil Campbell: Il y a un défi à relever et, c'est la distribution qui doit le relever—ce n'est pas une question d'argent. J'ai été distributeur canadien. Nous avons eu nos plus gros succès en faisant des choses très simples. Quand on a pas d'argent, on devient tout d'un coup très créateur et si une entreprise veut s'en donner la peine, elle le peut.
M. Dave Thomas: Ce n'est pas que nous ne pensons pas que vous soyez capable de créer une formule compliquée. Nous avons rempli les formulaires de Téléfilm. Nous savons très bien que vous pouvez couvrir tous les détails.
M. Nic Wry: Si j'étais vous, je n'irais pas plus loin.
La présidente: Nous espérions en quelque sorte que vous nous suggéreriez ce plan compliqué et qu'il nous suffirait de le recommander. On pourrait ensuite vous critiquer pour ce qui ne marche pas et nous féliciter pour ce qui donne des résultats.
M. Dave Thomas: En résumé, même si ça peut sembler bizarre, il devrait y avoir des avantages pour les exploitants, comme des allègements fiscaux, des avantages pour les radiotélédiffuseurs qui passent fréquemment certaines annonces, et certains avantages fiscaux pour les fonds de publicité et annonces, afin qu'on crée au Canada un secteur de marketing.Ces trois choses entraîneraient des tas de pages de formulaires soigneusement libellés à remplir.
¼ (1830)
La présidente: Je pense que nous avons tous l'impression qu'il y a beaucoup plus de questions que de réponses à ce sujet.
Nous vous remercions beaucoup de votre temps et de vos efforts.
M. Dave Thomas: Merci de nous avoir reçu. C'est maintenant l'heure du gâteau.
La présidente: Merci.
La séance est levée.