:
Bonjour, mesdames et messieurs.
J'aimerais commencer en abordant brièvement quelques questions.
J'aimerais d'abord souligner que cette réunion constitue une prolongation d'une étude sur la sûreté nucléaire, incluant ce qui a trait aux questions de sécurité du réacteur nucléaire de Chalk River. Nous avons entamé cette étude il y a environ deux semaines. Nous avions invité deux témoins, qui avaient accepté de venir. Le premier était l'honorable Gary Lunn, ministre des Ressources naturelles. Le deuxième était Linda Keen, la présidente de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Elle avait accepté de venir, mais a annulé à la dernière minute.
Nous allons entendre trois témoins aujourd'hui. Le premier provient du Bureau du vérificateur général du Canada. Je vous expliquerai tout cela plus en détail tout à l'heure. Ensuite, nous entendrons Linda Keen, qui est membre de la Commission. Puis ce sera le tour de l'.
J'aimerais vous expliquer que, au cours de la dernière réunion, le comité avait décidé d'inviter trois témoins. Le greffier avait invité les témoins en question. Mais Michael Burns nous a envoyé une lettre — que vous devriez avoir sous les yeux — dans laquelle il a indiqué qu'il ne comparaîtrait pas et nous a expliqué pourquoi. Je crois que vous avez tous la lettre devant vous. Quand il est devenu évident qu'il y avait un trou à combler pour la réunion, j'ai décidé d'inviter le ministre de la Santé, l', à comparaître. Il était d'ailleurs le premier à figurer sur la liste de témoins envoyée par le Parti libéral. Alors voilà où nous en sommes.
Je vois que quelqu'un veut prendre la parole... J'aimerais d'abord terminer mes propos.
Puis nous allons passer aux témoins. La vérificatrice générale et les fonctionnaires de son bureau sont assis autour de la table. Je vois que quelqu'un veut d'abord prendre la parole, mais j'imagine qu'il s'agit d'un rappel au Règlement.
Madame DeBellefeuille.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord revenir à ce qu'a dit Mme DeBellefeuille. En effet, nous pourrions peut-être discuter jeudi des motions qui ont été déposées et des listes de témoins. Nous avons un temps limité avec nos témoins d'aujourd'hui et je crois que les députés seraient d'accord pour aborder ces autres questions jeudi.
Vous avez signalé que vous aviez invité M. Tony Clement. J'aimerais revenir à quelques citations de la transcription de notre dernière réunion. Mon collègue, M. Proulx, avait dit:
Aucune disposition du règlement n'oblige le comité à approuver tous les témoins proposés. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'un député veut convoquer 14 témoins que le comité va accepter.
Le président: Tout à fait.
M. Omar Alghabra: J'aimerais également citer une autre phrase que j'ai prononcée: « Examinerons-nous la liste — il s'agit de la liste des témoins — en comité pour choisir quels témoins nous allons inviter? » Le président a répondu oui.
Et ensuite, monsieur le président, vous avez déclaré:
Il se pourrait que le greffier, moi-même et disons deux membres du comité devions faire une sélection préalable si nous voulons aller de l'avant avec la séance du 29, mais nous ne pouvons pas obtenir la présence des témoins dont vous avez parlé.
J'ai répondu en disant: « Pourvu qu'on nous consulte au sujet de la liste des témoins ».
Et le président a dit: « Tout à fait. Le greffier s'en chargera. Est-ce que cela vous convient? »
J'aimerais souligner que l'on avait convenu explicitement que l'on ne pouvait pas ajouter un nouveau témoin à la liste sans en discuter au préalable avec les membres du comité. Il ne serait que naturel de répondre à un tel geste unilatéral en faisant de l'obstruction. Mais, puisque nous sommes des êtres responsables et que nous voulons entendre les témoins, nous allons l'accepter. Mais nous voulons que le compte rendu témoigne de notre opposition. Le président a fait quelque chose d'inadmissible. Je ne sais pas pourquoi on a ajouté un témoin, alors qu'on avait convenu explicitement de...
Nous avons un temps limité pour entendre les témoins aujourd'hui. J'aimerais que l'on s'engage à faire preuve de collaboration pour inviter Mme Keen de nouveau au comité, si elle est d'accord. Je pense que c'est comme cela que nous devrions procéder. Même si Mme Keen n'est avec nous que pendant une heure aujourd'hui, nous pourrions la réinviter si nous en ressentons le besoin.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de nous avoir invités à discuter de notre rapport d'examen spécial d'Énergie atomique du Canada Limitée de 2007. Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagnée aujourd'hui de Mme Nancy Cheng, vérificatrice générale adjointe, et de M. Jean-Pierre Plouffe, directeur principal, qui sont chargés de cet examen.
J'aimerais d'abord vous parler brièvement des examens spéciaux. Les examens spéciaux sont un élément clé du cadre de contrôle et de reddition de comptes des sociétés d'État fédérales. Notre mandat à l'égard de tels examens est énoncé dans la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques. La loi exige que l'examinateur donne au conseil d'administration une opinion impartiale, à savoir si les systèmes et les pratiques de la société lui fournissent l'assurance raisonnable que ses actifs sont protégés et contrôlés; que la gestion de ses ressources financières, humaines et matérielles est économique et efficiente; que ses activités se déroulent efficacement.
En vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, presque toutes les sociétés d'État fédérales font l'objet d'un examen spécial au moins tous les cinq ans et les résultats de cet examen doivent être communiqués au conseil d'administration de la société. Il revient au conseil de décider si le rapport d'examen spécial sera rendu public et quand il le sera. Même s'il n'existe aucune exigence législative à cet égard, le gouvernement souhaite que ces rapports soient rendus publics. Depuis mars 2004, la plupart des sociétés d'État affichent leurs rapports sur leurs sites Web.
[Français]
Bien que nos rapports d'examen spécial soient adressés au conseil d'administration des sociétés concernées, nous pouvons porter l'information qu'ils contiennent à l'attention du ministère de tutelle et du Parlement si nous le jugeons nécessaire.
Monsieur le président, laissez-moi maintenant traiter de l'examen spécial d'Énergie atomique du Canada limitée (EACL).
Nous avons présenté notre rapport au conseil d'administration de la société le 5 septembre 2007. Le 25 septembre, j'ai soumis un exemplaire du rapport au et au début d'octobre, j'ai rencontré le ministre afin de discuter du rapport. Le 9 janvier 2008, la société a affiché le rapport d'examen spécial sur son site Web.
Nous avons examiné, entre autres, la gouvernance, la gestion des risques, la recherche et le développement, la gestion des produits et des services, et les pratiques en matière d'environnement et de développement durable.
Nous n'avons pas vérifié les secteurs qui relèvent du mandat de l'organisme de réglementation de la société, soit la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). Nous n'avons pas procédé à une évaluation technique de la sûreté et de la sécurité des installations de recherche nucléaire de la société ni de ses pratiques de gestion des déchets. Nous n'avons pas non plus évalué la conception technique des produits ou des services de la société, qu'ils soient nucléaires ou non.
Nous avons signalé une lacune importante liée à des questions stratégiques non réglées, dont je vous parlerai dans un moment. Laissez-moi d'abord vous expliquer qu'une lacune est importante lorsqu'elle empêche l'organisation d'atteindre un ou plusieurs de ses objectifs de contrôle législatif à l'appui de son mandat ou qu'elle compromet gravement l'atteinte de ces objectifs. Comme je l'ai déjà mentionné, ces objectifs sont de protéger et de contrôler les actifs de l'organisation, de gérer ses ressources avec économie et efficience, et de mener ses activités efficacement.
Nous avons constaté et signalé trois questions stratégiques non réglées qui ont trait aux besoins financiers à long terme et qui, ensemble, pourraient empêcher la société de s'acquitter de son mandat. Voici quelles sont les questions stratégiques. D'abord, il s'agit de l'achèvement de l'installation de production d'isotopes ainsi que de l'obtention des permis nécessaires. Ensuite, il s'agit de la mise au point du réacteur CANDU avancé et de l'établissement de l'admissibilité à un permis, en temps voulu, pour répondre aux besoins du marché. Enfin, il s'agit du remplacement des installations vieillissantes aux Laboratoires de Chalk River.
[Traduction]
J'aimerais aborder chacune de ces questions stratégiques, en commençant par l'installation de production d'isotopes.
En 1996, la société a entrepris un projet visant la construction de deux réacteurs MAPLE et d'une nouvelle installation de traitement aux laboratoires de Chalk River pour un client en vue de produire des isotopes médicaux. Cette installation, appelée installation de production d'isotopes, devait remplacer le réacteur national de recherche universel en vue de produire des isotopes à des fins médicales. Ce dernier réacteur, qui a plus de 50 ans, a presque atteint la fin de sa durée de vie utile.
Au début, la société avait prévu produire des isotopes dans la nouvelle installation vers la fin de 2000. Or, il y a eu des retards et des dépassements de coûts et la société n'a toujours pas réglé certaines questions techniques. À la fin de mars 2007, des investissements importants étaient encore nécessaires. À la fin de notre examen, la société a indiqué qu'elle comptait respecter la date d'octobre 2008 pour la mise en service du premier réacteur MAPLE et celle de l'automne 2009, pour le deuxième, tel qu'il est stipulé dans l'entente révisée de 2006 qu'elle a conclue avec son client en vue de la production d'isotopes médicaux.
La deuxième question stratégique concerne la mise au point d'une nouvelle génération de réacteurs CANDU. En raison des conditions du marché, la société a modifié la conception du produit et opté pour un réacteur plus puissant. Cette nouvelle conception, les conditions d'octroi de permis plus strictes et une nouvelle méthode de gestion de projet ont entraîné une augmentation importante des coûts estimatifs. À la fin de mars 2007, les coûts d'achèvement de la conception du nouveau réacteur CANDU étaient estimés à 400 millions de dollars. De plus, l'organisme de réglementation, invoquant une pénurie de ressources, n'offrait plus à la société l'examen préalable à l'obtention d'un permis, ce qui plaçait celle-ci en situation de concurrence défavorable pour la mise en marché des nouveaux réacteurs.
La troisième question stratégique concerne le remplacement des installations vieillissantes de la société à Chalk River, connues sous le nom des Laboratoires de Chalk River. La société estimait qu'elle devait accroître ses dépenses d'exploitation et d'immobilisations de quelque 600 millions de dollars au cours des cinq prochaines années et d'environ 850 millions de dollars pour les 10 prochaines années. Elle pourrait ainsi corriger les lacunes au chapitre du code du bâtiment et de la sécurité en cas d'incendie, ainsi que des problèmes relatifs aux permis, à la santé, à la sécurité et à la sûreté. Le budget doit être augmenté de façon substantielle, mais la source des fonds n'a pas encore été trouvée.
Nous avons discuté de toutes nos observations et recommandations avec les membres de la haute direction et du conseil, et ils étaient d'accord avec nous.
Ces questions stratégiques, que nous avions relevées dans des rapports d'examen spécial antérieurs, datent de longtemps. De façon générale, le gouvernement doit disposer d'une stratégie en matière d'énergie nucléaire et donner à la société un mandat clair et des orientations stratégiques à cet égard. À plusieurs reprises, le gouvernement n'a pas approuvé le plan d'entreprise de la société, situation qui a aggravé l'absence d'orientation claire.
En 2002, nous avions signalé que son plan d'entreprise n'avait pas été approuvé pour les sept années précédentes. Dans le rapport de 2007, nous avions signalé que le plan d'entreprise pour 2007-2008 n'avait pas été approuvé. D'après ce que nous savons, il n'a pas encore été approuvé par le gouvernement.
[Français]
En conclusion, j'aimerais préciser deux points.
D'abord, en 2002, nous avons remis notre rapport d'examen spécial au conseil d'administration de la société. Nous avons également écrit au et lui avons remis un exemplaire du rapport. Le ministre nous a répondu, mais il a décidé de ne pas nous rencontrer. À l'époque, les rapports d'examen spécial n'étaient pas rendus publics, et il n'était pas habituel pour les ministres de demander des rencontres pour discuter des rapports.
Ensuite, comme je l'ai mentionné plus tôt, nous n'avons pas examiné le secteur qui relève du mandat de l'organisme de réglementation. Lors de notre examen de 2007, nous n'avons pas été informés de problèmes de conformité réglementaire liés à l'exploitation du réacteur national de recherche universel. À part la nécessité de remplacer le réacteur et le défi que cela impose, le rapport ne mentionne pas de problèmes qui pourraient être liés à la fermeture prolongée récente de ce réacteur.
Sur ce, je conclus ma déclaration d'ouverture, monsieur le président. Nous serons heureux de répondre à toutes les questions des membres du comité.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Mes commentaires portaient en grande partie sur l'indépendance dont doivent faire preuve les organismes de réglementation ou quasi-judiciaires. Bien entendu, je ne me prononcerai pas sur les événements qui se sont produits parce que les seuls renseignements dont je dispose sont ceux qui ont été transmis par les médias. Je préfère procéder à des vérifications avant de me prononcer sur ce genre d'événements.
Manifestement, je pense que des questions se posent au sujet de l'indépendance des organismes de réglementation, de la façon dont ils doivent être traités et de ce qu'est le protocole au sein du gouvernement. Le moins qu'on puisse dire, c'est que cette situation semble certainement manquer de clarté.
Je pense que nous sommes nombreux, agents du Parlement et autres, à travailler très fort pour garantir notre indépendance et la perception d'indépendance lorsque nous faisons notre travail. C'est sur cela que portaient les observations, puisque l'un peut influer sur l'autre.
Je pense qu'avec le temps — une fois, peut-être, que nous aurons eu davantage de faits à ce sujet — nous verrons la façon dont les organismes de réglementation sont traités.
Dans mon cas, je peux vous assurer que je n'ai jamais eu l'impression que l'on attaquait l'indépendance du Bureau du vérificateur général ou qu'on tentait de l'influencer.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame la vérificatrice générale, je vous souhaite la bienvenue à vous ainsi qu'à vos collègues.
Pendant que vous présentiez votre exposé, j'ai pensé qu'il y a trois types de personnes: celles qui font que les choses se produisent, celles qui regardent les choses se produire, et celles qui disent: « Que s'est-il produit? » Je pense que les gens essaient de comprendre, par le truchement de notre comité, ce qui s'est produit.
Dans votre rapport, vous dites que lorsque vous avez fait votre examen en 2007, à votre connaissance il n'y avait pas de problème de conformité aux règlements en ce qui a trait à l'exploitation du réacteur NRU et que nulle part dans le rapport on mentionnait des problèmes liés à l'arrêt récent.
Ma question vise à tenter de prendre d'autres mesures pour déterminer qui est ultimement responsable. En d'autres termes, qui est responsable?
Vous avez indiqué plus tôt, en ce qui a trait aux conditions d'octroi de permis, que lors de votre examen, entre février et octobre 2006, certains problèmes avaient surgi en ce qui concerne l'octroi de permis. Vous avez dit par ailleurs que des mesures correctives opportunes avaient été prises pour corriger cette situation. Ma question est la suivante: si EACL et la CCSN avaient demandé que des changements soient apportés à la réglementation accompagnant la loi les régissant, est-il possible que si des mesures avaient été prises à l'époque, on aurait pu éviter l'arrêt du réacteur de Chalk River? Avez-vous joué un rôle en ce qui a trait au suivi dans cette affaire?
Comme je l'ai dit, madame la vérificatrice générale, si je pose la question c'est pour savoir quelles recommandations pourraient être faites afin de savoir qui est ultimement responsable. Ce n'est pas que je veuille pousser l'enquête trop loin ou quoi que ce soit du genre. Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Si vous n'avez pas le temps, je vous demanderais de faire parvenir des réponses aux questions par écrit au comité par la suite.
Monsieur le président, on nous dit que l'un des problèmes qu'EACL a eus avec le gouvernement précédent était son incapacité d'obtenir l'approbation d'un plan général. Cela a mené à un certain nombre de problèmes stratégiques qui n'ont pas été résolus, notamment le financement d'un réacteur de recherche de remplacement mentionné dans le rapport de 1998. La question a surgi encore une fois dans le rapport de 2002, dans lequel on disait qu'il n'y avait pas de consensus quant à la meilleure façon de gérer la plate-forme nucléaire, notamment pour appuyer la médecine nucléaire.
Donc, votre bureau a plus d'une fois mis le gouvernement précédent au courant des problèmes que connaissait EACL. Dans le rapport de l'examen spécial du conseil d'administration d'EACL en 2007, dans le chapitre qui porte sur les problèmes stratégiques non résolus et plus particulièrement l'achèvement des travaux de construction des installations pour les isotopes, il n'y avait pas le même sentiment d'urgence que l'on retrouvait dans le rapport de 2002. Comment le gouvernement du jour aurait-il dû répondre au rapport de 2002 — ce qui aurait permis d'éviter ce qui s'est produit en 2007?
En 2002, des milliards de dollars étaient consacrés aux fondations. Donc, des fonds de R et D étaient disponibles, mais pourquoi pas pour EACL?
Qu'est-ce qu'EACL faisait de mal pour ne pas être considérée comme un bon candidat pour ce que vos rapports considéraient comme une société d'État qui avait désespérément besoin de financement?
Votre bureau fait-il la vérification de la CCSN?
Et enfin, dans le rapport de 1998, on mentionnait les travailleurs qui ont trouvé un genre de gaz neuroplégique qui était enfoui à cet endroit. Pourriez-vous me dire exactement en quoi consistait cette substance et pour qui elle était enfouie là-bas?
C'est tout pour le moment. Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à vous, membres du comité, de me donner l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui.
[Traduction]
Les événements récents entourant les installations nucléaires de Chalk River et leur impact sur l'approvisionnement en isotopes médicaux ont soulevé de nombreuses questions chez les Canadiens.
[Français]
Les Canadiens et les Canadiennes veulent savoir, et avec raison, comment une telle situation a pu se produire. Ils veulent aussi savoir quel rôle la Commission canadienne de sûreté nucléaire a joué dans la suite des événements.
[Traduction]
Ce matin, j'aimerais répondre à ces questions et j'espère que l'information que je vous donnerai sera utile à votre comité dans ses délibérations.
Tout d'abord, pourquoi la CCSN n'a-t-elle pas tout simplement permis que le réacteur NRU fonctionne sans que le groupe électrogène d'urgence ne soit branché, étant donné qu'il y avait une crise médicale, et pourquoi la CCSN l'a-t-elle fermé?
Le rôle de la CCSN consiste à assurer la sécurité des Canadiens en réglementant les installations nucléaires au Canada. C'est notre travail, c'est notre responsabilité et c'est ce que prescrit la loi. D'aucuns ont laissé entendre qu'il y avait peu de risques d'accident nucléaire et que le réacteur était assez sûr. Sauf votre respect, assez sûr ce n'est pas suffisant. La sûreté d'une installation nucléaire doit répondre aux mêmes normes élevées auxquelles on s'attendrait dans le cas d'une navette spatiale ou d'un avion gros-porteur. Lorsqu'elle fait respecter un règlement et des normes, la commission ne fait pas uniquement que remplir des papiers; il s'agit vraiment de protéger des vies. C'est pour cette raison que lorsqu'on parle d'installations nucléaires, nous n'avons tout simplement pas la possibilité de ne pas tenir compte des exigences en matière de sécurité — jamais, au grand jamais.
Certains diront que le fonctionnement d'un réacteur comporte toujours certains risques, et c'est vrai. Il y a cependant des normes internationales soigneusement établies pour ce qui constitue un risque acceptable. Dans le cas d'une panne de l'élément combustible, la norme internationale de risque acceptable est d'un sur un million. Le risque qu'un tel événement se produise à Chalk River, que ces pompes soient ou non branchées au groupe électrogène d'urgence, était d'un sur 1 000. C'est 1 000 fois plus élevé que la norme internationale. N'oubliez pas que le NRU, qui a été construit et conçu il y a plus de 50 ans, ne pourrait obtenir de permis d'aucun organisme de réglementation dans le monde aujourd'hui.
On semble avoir l'impression que la CCSN a ordonné l'arrêt du NRU. En fait, Énergie atomique du Canada limitée l'a arrêté le 19 novembre 2007 pour un entretien de routine. C'est EACL qui a décidé d'arrêter le réacteur car, comme l'a déclaré le vice-président principal lors d'une séance publique de la CCSN le 6 décembre 2007:
la seule mesure prudente et sûre que je pouvais prendre à mon avis dans cette situation était d'arrêter — et de maintenir l'arrêt du réacteur et d'effectuer ces mises à niveau.
La responsabilité de la commission était de s'assurer qu'EACL effectuait ces mises à niveau. Avant l'adoption du projet de loi , ces mises à niveau n'avaient pas été faites.
La deuxième question était pourquoi la CCSN n'a pas tenu compte des conséquences d'un arrêt sur la production d'isotopes médicaux. C'est là une question importante qui est directement liée au mandat de la CCSN.
Comme je l'ai mentionné, notre principale responsabilité dans le cas de ces installations est de protéger les Canadiens en s'assurant que les installations nucléaires fonctionnent de façon sécuritaire. Aux termes de la loi, la commission n'avait pas le pouvoir de tenir compte de la question des isotopes pour prendre sa décision jusqu'au 10 décembre. En effet, dans sa directive du 10 décembre 2007, le gouvernement a reconnu de façon implicite cette limite du mandat de la commission en tentant d'élargir son pouvoir afin d'inclure le fait qu'elle devait considérer la disponibilité d'isotopes. Cela n'aurait pas été nécessaire si la commission avait déjà eu cette responsabilité. Le fait est qu'elle ne l'avait pas.
Cela dit, la CCSN a toujours été très sensible à l'importance de ces isotopes. La communauté médicale comptait sur eux et les patients en avaient besoin; c'est pourquoi la commission a pris toutes les mesures possibles en vertu de la loi pour alléger la situation. En tant qu'organisme chargé d'octroyer les permis d'utilisation d'isotopes médicaux aux hôpitaux et aux cliniques, la commission était en mesure de modifier les permis sur demande en moins de 24 heures afin de permettre l'utilisation d'autres isotopes et d'en augmenter le stock. Cela faisait partie de notre mandat.
EACL a elle-même reconnu ces efforts dans une lettre à la commission en date du 7 décembre 2007 dans laquelle elle disait:
Nous sommes d'avis que le milieu médical et le grand public ont été rassurés du fait que la CCSN s'est montrée sensible à l'importance de l'utilisation bénéfique des radioisotopes...
Afin d'atténuer davantage le problème des isotopes, la commission a par ailleurs accepté d'accélérer une demande complète d'EACL afin de remettre le réacteur en marche, en acceptant de rencontrer cette dernière dans un délai de 24 heures plutôt que le délai habituel de 60 jours. Par ailleurs, la commission a avisé EACL que ses effectifs étaient prêts à faire tout en leur pouvoir pour aider et ce, 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
La troisième question: pourquoi la CCSN a-t-elle autant insisté sur son indépendance?
Eh bien, monsieur le président, l'indépendance est importante lorsqu'il s'agit de réglementation d'installations nucléaires. Elle est importante car les réacteurs nucléaires se trouvent dans des collectivités où vivent des Canadiens.
Les habitants de Chalk River, de Clarington et de Bécancour dépendent tous de la CCSN pour assurer la sécurité de leurs familles. Ils ont besoin de savoir que la commission prendra ses décisions pour de bonnes raisons. En effet, le Parlement délègue les pouvoirs décisionnels à des organismes indépendants comme la CCSN précisément en vue de préserver la confiance du public en ce qui a trait à l'équité du processus et de la sécurité des installations. Aux termes de la loi, c'est ainsi que les choses sont censées fonctionner. La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires crée la CCSN en tant qu'organisme quasi judiciaire, en tant que tribunal d'archives, et comme un tribunal, devant être libre de toute ingérence.
Le gouvernement a lui-même reconnu l'importance d'une telle indépendance dans son document Pour un gouvernement responsable: Guide du ministre — 2006:
La nature de la relation entre un ministre et un tribunal administratif appelé à rendre des décisions indépendantes ou à exercer des fonctions quasi judiciaires est particulièrement délicate. Les ministres ne peuvent s’ingérer dans les décisions de ces organismes.
Donc, l'importance de l'indépendance n'est pas une question à laquelle je me suis intéressée uniquement récemment, parce que cela faisait mon affaire.
[Français]
C'est pourquoi, avant chaque audience publique — et j'ai présidé plus d'une centaine de réunions en tant que présidente de la CCSN —, je lis à voix haute une déclaration décrivant l'indépendance de la commission.
[Traduction]
Donc, je ne m'y suis pas intéressée uniquement récemment. Ce n'est pas parce que cela fait mon affaire; c'est un principe sur lequel j'ai insisté.
La quatrième question, comment la CCSN a-t-elle réagi à la décision du Parlement de légiférer la remise en marche du réacteur NRU?
Eh bien, monsieur le président, le Parlement est suprême, un point c'est tout. Ni moi ni aucun autre Canadien ne pouvons remettre en question le droit du Parlement d'agir comme il l'a fait.
Le Parlement se trouvait devant deux intérêts concurrentiels: la sûreté nucléaire d'une part, et le besoin d'isotopes médicaux d'autre part; ce n'était pas une décision facile, et c'est une décision qui a été prise comme il se doit par les représentants des Canadiens.
Depuis l'adoption de ce projet de loi et aussi longtemps que j'ai été présidente, la CCSN a fait tout en son pouvoir pour s'assurer de respecter ce projet de loi. J'ai par ailleurs lancé une étude qui a été menée par des experts internationaux sur les leçons tirées, et la commission espérait que cette étude s'inscrirait dans le cadre d'un examen gouvernemental plus général.
Monsieur le président, la situation qui s'est développée à Chalk River n'aurait pas pu être prévue, et en fait très peu l'avaient prévue. Différents intervenants avaient différents rôles à jouer et différentes responsabilités dont ils devaient s'acquitter. Je crois que la CCSN a toujours agi conformément au mandat qui lui a été confié par le Parlement, en tant qu'organisme chargé d'assurer la sûreté nucléaire.
Au-delà de cela, monsieur le président, j'espère que nous allons mettre l'accent sur les leçons tirées de notre expérience à Chalk River afin que cette situation ne se reproduise plus jamais. Les Canadiens n'auraient pas dû être obligés de choisir entre la sûreté nucléaire et les isotopes médicaux; ils auraient dû être assurés d'avoir les deux.
Pour ce faire, nous devons être certains d'avoir les systèmes appropriés en place et que les rôles et les responsabilités sont clairement définis. Les Canadiens ne s'attendent à rien de plus et ne méritent rien de moins.
Cela dit, je vous remercie, monsieur le président.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je suis maintenant disponible pour répondre aux questions.
:
Merci, monsieur le président.
Madame Keen, merci d'être venue aujourd'hui.
Avant de poser mes questions, j'aimerais vous présenter mes excuses pour la façon dont le gouvernement conservateur vous a traitée. Je ne vous connais pas personnellement, mais d'après ce que j'entends, d'après les renseignements qui sont dans le domaine public, je sais que vous avez été et que vous continuez à être une fonctionnaire engagée, qui est dédiée à son travail et qui prend ses responsabilités très sérieusement.
D'après ce que je vois, pour des raisons purement politiques, votre nom et votre réputation ont malheureusement été traînés dans la boue par le premier ministre. Cela a dû être une expérience terrible pour vous et pour votre famille.
Je veux vous assurer que le , et que le , ne parlent pas en mon nom en tant que député du Parlement. Je veux vous présenter mes excuses. D'après moi, les fonctionnaires qui ont consacré 20 ans de leur vie à servir le public ne devraient pas être traités de cette façon. Encore une fois, je vous remercie d'être venue.
Si je ne m'abuse, vous avez été congédiée la veille de comparaître devant notre comité, assez tard dans la soirée. Pouvez-vous nous donner quelques détails? Pouvez-vous expliquer au comité comment cela s'est passé?
:
Merci, monsieur le président.
Merci, madame Keen, de votre témoignage.
D'abord, je joins ma voix à celle du porte-parole libéral pour vous dire qu'en aucun temps le Bloc québécois n'a douté de votre jugement et de votre compétence, même s'il a appuyé projet de loi, le 11 décembre dernier. Entre deux maux, nous avons pensé choisir le moindre. Nous nous dissocions des déclarations du ministre selon lesquelles nous aurions donné notre appui à cette loi parce que nous étions d'accord avec lui pour dire que vous manquiez de jugement et de compétence.
Vous êtes un haut fonctionnaire et une femme, et il n'y en a pas beaucoup. En tant que femme députée, je suis solidaire et j'éprouve de l'empathie pour votre situation. Je crois que votre feuille de route est sans tache. Vous pouvez être assurée qu'en aucun temps nous n'avons douté de votre compétence et de votre jugement.
Plus on en apprend sur la situation, plus il est clair qu'il y a eu ingérence politique auprès de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Il est de plus en plus clair que le ministre des Ressources naturelles et le ministre de la Santé avaient d'autres moyens à leur disposition pour éviter la crise que nous avons connue.
Nous croyons sincèrement que le gouvernement s'est trompé de cible en vous congédiant d'une manière cavalière et grossière. Il transmet le message à la population qu'on peut s'attaquer à un organisme indépendant qui a pour seule mission de protéger les Québécois et les Canadiens en ce qui a trait à la sécurité nucléaire.
En tant que citoyenne et députée, je ne trouve certainement pas rassurant que l'on se trouve face à un gouvernement qui bafoue assez facilement l'indépendance d'un organisme comme celui que vous dirigiez.
Un journaliste du Soleil disait: « Le nucléaire est si dangereux qu'il exige la plus grande transparence et le maximum d'informations et de débats publics sur la question. » J'ai parcouru les procès-verbaux et toute la documentation de toutes les discussions qu'il y a eues et, en aucun temps, je n'ai eu l'impression que la CCSN n'offrait pas à EACL tout le soutien et l'énergie — vous avez dit 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 — afin d'accélérer l'étude du dossier pour qu'on puisse, en toute sécurité et dans le respect des conditions du permis d'opération, redémarrer le réacteur.
Madame Keen, étant donné la façon dont le gouvernement conservateur s'est comporté avec vous et la manière dont il a bafoué un organisme indépendant, avez-vous l'impression qu'il transmet un message négatif aux Québécois et aux Canadiens en donnant peu d'importance aux hauts fonctionnaires et aux organismes comme le vôtre ainsi qu'à leur rôle, pourtant si important, dans la sécurité des Canadiens?
[Traduction]
Je crois que la question de l'honorable députée porte sur deux aspects particuliers.
Tout d'abord, comme je l'ai indiqué dans ma lettre du 8 janvier dernier adressée au ministre, j'étais convaincue que la Commission canadienne de sûreté nucléaire était un organisme indépendant et que nous savions ce que c'était qu'être un tribunal quasi judiciaire. J'étais la présidente de cette organisation quasi judiciaire. Je comprenais ce que cela représentait, et je savais quelles étaient nos responsabilités.
J'ai fait état dans ma lettre de la chronologie de cette affaire, et j'y ai pensé bien sérieusement, et j'ai également songé à l'appel que j'ai reçu du ministre le 8 décembre — vous vous souviendrez que c'était un samedi — à la maison, et la lettre que j'ai reçue par la suite le 10 décembre, dans laquelle on me demandait de justifier les mesures... Puis, puisqu'on en parle en employant des termes juridictionnels, la commission a été saisie de l'affaire des modifications qu'on songeait à apporter à la loi régissant EACL, et pour cette raison, à mon avis il s'agissait d'une proposition qui dépassait le mandat du ministre.
Quant à la deuxième partie de votre question... Encore une fois j'ai signalé dans ma lettre du 8 décembre que je suis convaincue que cette mesure, y compris la lettre que le ministre m'a fait parvenir le 27 décembre, lorsqu'il m'a demandé de justifier pourquoi je ne devrais pas être congédiée... Ce n'est pas simplement le congédiement, il s'agit des mesures qui ont été prises les 8 et 10 décembre, dont on a déjà fait état, et la lettre du 27 décembre. Puis il y a eu le congédiement. C'est la première fois qu'on a discuté de ce qui figurait dans cette lettre. Je crois que cela continuera à jeter un froid et à inquiéter toutes ces organisations quasi judiciaires.
Je peux dire en toute honnêteté que les appels que je reçois en soirée des gens qui m'appellent à la maison — et pas de leurs bureaux... Ils m'appellent à la maison pour m'appuyer ou ils m'envoient une petite note à mon courriel personnel. Ils ne l'enverront pas à ces... Je suis également directrice du Conseil des tribunaux administratifs canadiens, et on a récemment discuté de la question.
Il est inévitable que les gens regarderont cette situation et se demanderont quel impact cela pourra avoir pour eux et pour leur mandat.
C'est mon opinion.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais effectivement prononcer des remarques liminaires.
[Français]
Avant de répondre aux questions, je passerai en revue les mesures prises par mon ministère quand il a pris connaissance de l'arrêt prolongé des réacteurs NRU de Chalk River et de la pénurie d'isotopes médicaux qui a suivi.
[Traduction]
Évidemment, c'est en ma qualité de ministre fédéral de la Santé, monsieur le président, que j'aborde ce problème puisqu'il est de mon mandat d'aider à protéger, à maintenir et à améliorer la santé des Canadiens et des Canadiennes.
Comme le savent les membres du comité, le réacteur de Chalk River est une importante source d'isotopes médicaux au Canada et dans le monde entier. Ces isotopes servent à diagnostiquer et à traiter le cancer et les cardiopathies. Des établissements de santé du Canada et du monde entier en dépendent.
Au Canada seulement, environ 30 000 patients par semaine subissent un scintigramme par balayage. Par ailleurs, chaque jour, 76 000 tests sont effectués un peu partout dans le monde grâce aux isotopes produits par le réacteur de Chalk River. L'arrêt du réacteur NRU du 18 novembre à la mi-décembre a réduit considérablement la quantité d'isotopes disponibles au Canada et à l'étranger. MDS Nordion estime que l'approvisionnement en isotopes a diminué de 65 p. 100 au Canada pendant cette période.
[Français]
Dès l'annonce de cette nouvelle le 5 décembre dernier, nous nous sommes immédiatement mis à la recherche d'une solution. Nous avons tout d'abord collaboré avec les responsables des provinces et territoires et avec nos partenaires du système de santé pour déterminer l'envergure de la pénurie et trouver des pistes de solution.
[Traduction]
Nous avons communiqué avec des spécialistes en médecine nucléaire pour trouver la meilleure façon de réduire l'incidence de la pénurie sur le système de santé et les patients. Nous avons communiqué avec 773 établissements de santé des quatre coins du pays, dont 245 centres de médecine nucléaire, pour évaluer la gravité de la pénurie. J'ai communiqué avec les ministres provinciaux et territoriaux de la Santé et les fonctionnaires de mon ministère ont collaboré étroitement avec leurs homologues provinciaux et territoriaux afin de suivre de près la situation.
Nous avons également contacté des organismes internationaux pour connaître l'incidence mondiale de l'arrêt de la production. Nous avons rapidement réuni un groupe d'experts en oncologie, en cardiologie et en médecine nucléaire ainsi que des représentants de l'Association médicale canadienne et de la Société canadienne de médecine nucléaire.
J'aborderai maintenant les renseignements que nous avons reçus de ce groupe. Certaines personnes semblent penser qu'il n'y avait pas vraiment de crise dans le secteur de la santé et que notre réaction était excessive. Je puis vous dire que, selon les renseignements que nous a fournis notre groupe consultatif, ces personnes se trompent. Le groupe a indiqué clairement à notre gouvernement que nous nous trouvions aux prises avec une crise croissante dans le secteur de la santé et qu'il fallait réagir. Le groupe a estimé qu'environ 10 p. 100 des patients touchés faisaient face à des décisions de vie ou de mort. Et dans 30 à 40 p. 100 d'autres cas, les médecins risquaient de rendre un diagnostic inadéquat et de prendre des décisions inappropriées en matière de traitements à cause d'un manque de matériel. Bref, monsieur le président, la situation était inacceptable et ne pouvait plus durer.
[Français]
En prenant connaissance de l'ampleur de la pénurie, l'Association médicale canadienne a déclaré que les centres de médecine nucléaire étaient maintenant rationnés d'un bout à l'autre du pays; que les patients étaient privés d'un accès en temps opportun à des tests diagnostiques essentiels; que la santé des patients était mise en jeu car cette pénurie retardait les diagnostics, les chirurgies et la planification des traitements; et que la décision de fermer le réacteur pour une période prolongée avait déjà forcé les médecins à prendre certaines décisions cruciales sur le plan médical, et le nombre de patients touchés n'aurait fait qu'augmenter tant que le réacteur ne serait pas remis en marche.
[Traduction]
La pénurie s'est surtout fait sentir dans les petites collectivités rurales et éloignées, en particulier dans les provinces de l'Atlantique. Les dirigeants d'un hôpital de Terre-Neuve m'ont dit que la plupart du personnel de médecine nucléaire s'est trouvé en congé forcé car il n'y avait plus d'isotopes. Le dernier générateur de l'hôpital a cessé de fonctionner le 7 décembre, à midi, et on n'avait aucune source de rechange. Tous les rendez-vous ont été annulés et on refusait les patients à l'urgence. Pour la santé des Canadiens et des Canadiennes, la production normale devait reprendre, afin d'empêcher une pénurie dans d'autres hôpitaux. À court terme, la situation menaçait des vies. Sans notre intervention, à long terme, elle aurait pu coûter des vies.
Compte tenu des conséquences graves pour la santé des Canadiens et des Canadiennes, il nous incombait de demander à la Commission canadienne de sûreté nucléaire de nous fournir des renseignements sur des moyens de régler la crise croissante dans le secteur de la santé. Nous voulions savoir s'il était possible de tenir une audience rapidement pour examiner les mérites du dossier de sécurité d'EACL, sans influencer de quelque façon que ce soit la décision prise par la commission. Il n'y a pas eu d'audience.
Notre gouvernement a émis une directive stipulant que les décisions de la commission devraient prendre en considération la santé des Canadiens et des Canadiennes dont le traitement nécessite des substances nucléaires. Cette directive n'a eu aucun effet. Par conséquent, notre gouvernement a dû prendre une mesure décisive le 12 décembre en présentant le projet de loi au Parlement. Après l'adoption du projet de loi par tous les partis, le réacteur a été remis en marche le 19 décembre et les livraisons d'isotopes ont repris pendant la période des fêtes.
Nous avons agi de manière à tenir compte à la fois de l'éventualité d'un incident nucléaire et de la certitude — la certitude — d'une grave crise dans le secteur de la santé. L'Association médicale canadienne et la Société canadienne de médecine nucléaire ont remercié publiquement le premier ministre, les députés de tous les partis et moi-même d'avoir agi avec tant de célérité.
Maintenant, certains disent que nous aurions pu obtenir un approvisionnement supplémentaire de sources internationales. En fait, nous avons immédiatement entrepris des démarches auprès des quatre autres fournisseurs en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Afrique du Sud. Nous avons communiqué avec des fournisseurs européens qui ne pouvaient malheureusement accroître leur production que de 10 à 15 p. 100, ce qui n'aurait pas suffi à la demande au Canada. Aussi, durant cette période, les réacteurs de la France et de l'Afrique du Sud faisaient l'objet d'un entretien courant et ne pouvaient servir à combler la pénurie au Canada. En outre, le temps était un facteur important pour la production et le transport des isotopes, surtout compte tenu de leur faible durée de vie. Bref, monsieur le président, il était impossible de répondre à la demande canadienne en faisant appel à des fournisseurs de l'étranger, surtout que Chalk River produit plus de la moitié des isotopes dans le monde.
Maintenant que la production et la livraison des isotopes ont repris, des fonctionnaires de mon ministère continuent de travailler avec les membres du groupe consultatif d'experts pour élaborer un plan d'urgence, en cas de perturbation de l'approvisionnement à l'avenir. Ils se penchent entre autres sur la possibilité d'aller vers d'autres sources d'isotopes médicaux et de recourir à des méthodes diagnostiques différentes au besoin. Ils étudient également la possibilité d'une collaboration internationale accrue pour coordonner l'approvisionnement. Le groupe consultatif préparera son évaluation initiale en février. À ce moment-là, j'ai l'intention de réunir des professionnels de la santé, des représentants des provinces et des territoires et d'autres experts pour discuter des leçons apprises et des travaux du groupe d'experts.
Bien sûr, l'échange rapide de l'information entre les différentes parties demeure la question cruciale. Pour faire connaître le plus rapidement possible les problèmes susceptibles de nuire à l'approvisionnement à l'avenir, nous avons établi un protocole de notification entre EACL, Ressources naturelles Canada et Santé Canada. Le protocole précise clairement les personnes à contacter et à quel moment. Il indique également que toute information concernant le fonctionnement du réacteur de Chalk River et, par conséquent, l'approvisionnement en isotopes médicaux, sera communiquée sur-le-champ.
Dans le cadre du nouveau protocole, dès que mon ministère sera informé d'une situation pouvant nuire à l'approvisionnement, un processus s'enclenchera afin de contacter les provinces, les territoires et les experts compétents pour évaluer la situation et mettre en oeuvre des stratégies d'intervention. Nous surveillerons également de près l'information provenant des fournisseurs, les essais cliniques et les demandes de permis d'importation pour tout signe précurseur de problèmes possibles d'approvisionnement en isotopes médicaux.
Voici un exemple. Santé Canada reçoit couramment des demandes de permis spéciaux d'importation. Ces demandes proviennent d'entreprises, dont les fournisseurs d'isotopes médicaux, qui veulent combler une insuffisance des approvisionnements. Ces demandes n'ont rien d'inhabituel. En fait, nous en avons reçu une le 3 décembre d'une société qui avait déjà fait deux demandes semblables l'an dernier.
[Français]
Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons agi de façon responsable dès que nous avons pris connaissance de la pénurie d'isotopes au début du mois de décembre dernier. Je tiens à remercier les députés des partis libéral, néo-démocrate et bloquiste, de même que mes collègues du Parti conservateur, à la Chambre des communes et au Sénat, d'avoir adopté la loi si rapidement.
[Traduction]
En terminant, j'aimerais réitérer mon point principal. Nous devions intervenir. Les demandes répétées que nous avons présentées à l'organisme de réglementation en vue de tenir rapidement une audience sont demeurées sans réponse. Par conséquent, avec l'appui de tous les partis représentés au Parlement, nous avons adopté la mesure législative nécessaire. L'Association médicale canadienne et la Société canadienne de médecine nucléaire nous ont remerciés d'avoir pris cette mesure.
Je vais m'arrêter ici et dire simplement que sans égard aux considérations partisanes, notre travail à tous est de veiller aux considérations plus importantes que sont la santé et le bien-être de la population. C'est dans cet esprit que nous avons agi selon la logique.
:
Je vous remercie de votre question.
En réponse, je dirai deux choses. Tout d'abord, je suis ministre de la Santé au Canada depuis près de cinq ans. Je sais que le député n'a pas connu cette expérience extraordinaire, mais je suis en mesure d'affirmer qu'en dépit des meilleurs plans, il se produit toujours des événements inattendus auxquels il faut réagir. Même si l'on intervient toujours dans l'intérêt supérieur de nos électeurs, les Canadiens, il s'en trouve toujours pour dire après coup que l'on est allé trop loin, que notre réaction a été excessive. Il y en a toujours d'autres également pour dire que l'on a fait trop peu. C'est le prix à payer.
Je suis néanmoins convaincu que nous avons agi immédiatement lorsque nous avons appris que cette fermeture imprévue aurait des effets d'une telle ampleur et nuirait à l'approvisionnement en isotopes. En pareil cas, il faut commencer par recueillir de l'information, et c'est ce que nous avons fait. En fait, la conversation que j'ai eue moi-même avec les fournisseurs européens a eu lieu le samedi 8 décembre — pas le 10 décembre, comme vous le dites. Il s'agissait d'une discussion avec le PDG de AREVA, à Paris. En outre, il y a eu bon nombre d'échanges avec les fonctionnaires de Ressources naturelles Canada le vendredi 7 décembre, lorsque nous avons été informés de l'ampleur du problème auquel nous étions confrontés.
Donc, lorsqu'on est informé de la possibilité d'une crise, il faut d'abord recueillir de l'information, et c'est ce que nous avons fait. Nous avons commencé par communiquer avec les hôpitaux, puis nous avons dressé un plan.
:
J'approuve la décision. Cette décision a été prise par le conseil exécutif, et cela répond à la question.
En ce qui concerne les preuves de la nécessité du changement, je vous les ai données dans ma déclaration liminaire.
Pour moi, il ne fait aucun doute que si l'on avait permis que cette crise se poursuive — ce qui semblait en tout cas l'option adoptée par la présidente à ce moment-là de la Commission canadienne de sûreté nucléaire — nous n'en étions plus qu'à quelques jours d'une catastrophe pour la santé humaine, pas seulement au Canada mais aussi partout au monde, et il y aurait eu pertes de vie. Je ne saurais être plus clair, monsieur le président.
J'estime que nous avons pris la bonne décision. J'estime que la Commission canadienne de sûreté nucléaire a erré.
La commission s'est montrée réticente quand nous avons tenté de réunir les parties. Je suis sûr que mon collègue, , vous l'a déjà expliqué.
Tout ce que je puis vous dire, c'est qu'en ma qualité de ministre de la Santé, il m'incombe de défendre au cabinet la santé et la sécurité des Canadiens. J'estime que le Parlement a pris la bonne décision, et je crois que nous avons maintenant de meilleurs protocoles et une meilleure relation tant avec la commission qu'avec la nouvelle direction d'EACL de façon à pouvoir réagir plus efficacement à des problèmes futurs.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, merci de comparaître devant nous aujourd'hui.
J'ai de nombreuses questions à vous poser en me fondant sur votre témoignage, mais aussi sur l'information que j'ai moi-même recueillie et les notes que j'ai prises durant le témoignage du ministre Lunn, lors d'une réunion précédente.
Voici la toile de fond. Le 30 novembre, Ressources naturelles Canada a été informé par EACL des conséquences qu'aurait une interruption prolongée de l'approvisionnement en isotopes. Le ministère savait déjà à cette date qu'il y aurait une interruption prolongée. J'aimerais savoir pourquoi il a fallu attendre au 5 décembre pour que ce renseignement vous soit communiqué. Ces cinq jours-là auraient pu servir à garantir que l'approvisionnement soit rétabli.
Dans les documents que vous nous avez fournis, je lis que vous avez modifié vos mécanismes de rapport. C'est très important, à mon avis, car ce sont là les premières questions que je me suis posées quand tout cela a été annoncé. Pourquoi en est-on arrivé à cette crise, et pourquoi a-t-il fallu tant de temps pour que les ministres soient informés? D'où vient le problème? De toute évidence, certains mécanismes de rapport manquaient, ou alors certains n'ont pas joué leur rôle.
Je trouve cela très troublant, car c'est une importante question, et les parlementaires sont placés dans l'eau bouillante, lorsqu'il faut prendre une telle décision. Cette décision, nous l'avons prise en toute bonne conscience, pour la santé et la sécurité des Canadiens et pour toutes sortes de bonnes raisons. Mais il faut d'abord examiner comment nous nous sommes retrouvés avec cette crise, pour commencer.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence parmi nous et de la précision que vous avez apportée.
Exception faite de ce que vous aviez à nous dire aujourd'hui, je ne pense pas que nous ayons appris grand-chose de nouveau, mais j'ai l'impression qu'on a assisté à des tentatives de plus en plus désespérées de la part de l'opposition et de certains autres pour déceler un problème dans toute cette affaire.
Comme vous vous en souvenez, ils ont commencé, je crois, par essayer de mêler les dates afin de semer la confusion. Le ministre des Ressources naturelles est venu ici et il a remis les événements dans l'ordre. Ensuite, l'opposition a essayé d'établir de fausses relations entre le rapport de la vérificatrice générale et la centrale de Chalk River. Après la comparution du ministre, et celle de la vérificatrice générale aujourd'hui même, on voit qu'il n'y a de toute évidence aucune relation entre les rapports de la vérificatrice générale et ce qui s'est passé en novembre et en décembre à Chalk River.
Il est malencontreux et sans doute très déconcertant que l'opposition entreprenne maintenant de réécrire les événements de la nuit du 11 décembre. Nous faisions face à une véritable situation d'urgence. À cette occasion, l'opposition nous a apporté un appui sans réserve. Mais ensuite, quand tout a été fini, ils ont sauté du train en marche et maintenant, ils essaient d'exploiter les événements à des fins politiques. Les voilà qui prétendent que ce n'était pas du tout un problème.
Lors de notre dernière rencontre avec le ministre des Ressources naturelles, M. McGuinty a dit que ces préoccupations de santé étaient fabriquées de toutes pièces, que cette crise sanitaire était entièrement artificielle. Du reste, ses propos contredisaient ceux du leader adjoint, qui a affirmé que d'après les estimations de l'Association canadienne de médecine nucléaire, 50 000 Canadiens allaient subir chaque mois des retards dans leurs examens médicaux. Il a parlé d'une crise sanitaire nationale, disant aussi que cette situation menaçait la vie de millions de Canadiens. Voilà la situation dans laquelle nous étions.
Par ailleurs, j'ai trouvé très curieux de voir aujourd'hui M. Alghabra, apparemment très en colère, dire que vous n'aviez pas agi assez vite, mais ensuite, nous avons passé une heure à nous faire dire qu'il n'aurait pas fallu intervenir du tout, qu'il aurait fallu rester totalement à l'écart de cette affaire. Voilà une autre incohérence de la part de l'opposition.
Hier, on a porté une autre accusation étrange contre vous lorsqu'on vous a reproché de nuire aux approvisionnements en isotopes. Je voudrais vous demander de réagir à ces propos, et deuxièmement, j'aimerais apporter une précision. L'Association médicale canadienne, l'Association de médecine nucléaire, le gouvernement, le leader adjoint des libéraux, tous les partis d'opposition ont reconnu qu'il y avait une situation d'urgence, une crise sanitaire. J'aimerais que vous nous disiez si c'était véritablement une crise sanitaire ou si les craintes ont été fabriquées de toutes pièces, comme l'a dit M. McGuinty.
:
Permettez-moi de répondre tout d'abord à cette question. La crise était réelle, d'après l'évaluation des experts et d'après notre propre groupe consultatif d'experts. Ce sont des professionnels de la médecine nucléaire, des cancérologues et des cardiologues.
Au moment où le Parlement a adopté le projet de loi, les approvisionnements canadiens en isotopes avaient déjà diminué de 65 p. 100 et nous étions sur le point de passer d'une situation de simple inconvénient à des questions de vie ou de mort. C'était très sérieux. Le Parlement a parfaitement reconnu la gravité de la situation.
Je peux vous dire que rien de tout cela n'a été orchestré. Ce n'est pas moi qui le dit, ce sont les experts en la matière, les gens à qui je fais confiance. Je me rends sur le terrain. Je respecte les fonctionnaires avec lesquels je travaille, et ils m'ont invité à juste titre à me rendre sur place, dans les hôpitaux, dans les cliniques, pour recueillir le point de vue des experts. Voilà ce que je voulais dire tout d'abord.
Deuxièmement, je rejette catégoriquement les accusations selon lesquelles nous aurions essayé de fermer la porte aux fournisseurs étrangers. Au contraire, nous nous sommes adressés à eux. Un ministre ne prend pas le téléphone à la légère un samedi matin pour appeler le président de l'organisme homologue d'EACL à Paris. Il n'agit pas ainsi s'il veut fermer la porte aux approvisionnements de remplacement. Nous avons cherché ces approvisionnements de remplacement. C'est exactement ce que j'ai fait, et c'est ce qu'ont fait également conjointement les fonctionnaires des Ressources naturelles et de Santé Canada.
Ce sont donc de fausses accusations. Les choses ne se sont pas passées ainsi. Je suis formel, les ministères, le gouvernement du Canada et tous ceux qui sont intervenus dans ce dossier n'ont écarté aucune possibilité pour trouver la meilleure façon de relancer les approvisionnements.
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Si vous voulez bien, je vais répondre en anglais, parce que dans ce dossier, mes notes sont en anglais et qu'il importe d'être précis.
La chronologie détaillée, que je suis prêt à déposer devant le comité, indique que tous les jours — et je ne veux pas entrer dans les détails, mais il y a des indications presque pour chaque heure, sous réserve de quelques lacunes au niveau des heures — on a recueilli des informations nouvelles et on a pris des décisions en fonction de l'information recueillie.
Santé Canada est d'abord intervenu le 5 décembre; je l'ai indiqué très clairement. Le 6 décembre, la collecte d'informations était en cours et nous avons fait le point des fournisseurs de remplacement éventuels. C'est à ce moment-là que nous avons pris contact avec l'Afrique du Sud pour apprendre que ses réacteurs étaient fermés eux aussi.
Le 7 décembre, les fonctionnaires de RNCan se sont adressés au ministère des Affaires étrangères, qui est chargé des tractations internationales, et nous avons commencé à envoyer des avis à nos missions canadiennes dans le monde entier pour qu'elles prennent contact avec les principaux fournisseurs.
Le 8 décembre, qui était un samedi, je me suis adressé moi-même à celle qui dirige l'une des plus grosses entreprises productrices au monde, la Société parisienne AREVA, et cette personne s'est déclarée prête à nous aider. Je l'ai donc mise en contact avec nos services.
Le 9 décembre, les missions canadiennes ont commencé leur démarche auprès des producteurs, des transformateurs et des autorités gouvernementales.
Le 10 décembre, nous avons organisé, comme je l'ai dit, un appel-conférence avec tous les producteurs européens pour faire le point, pour recueillir des renseignements supplémentaires et pour tenter d'obtenir leur appui.
Comme vous le voyez — et je vous invite à ne pas vous fixer sur un jour en particulier — si vous regardez l'ensemble de la période, vous verrez qu'au fur et à mesure de l'arrivée de l'information et des prises de décision sur la meilleure façon de faire face à la crise, il a fallu prendre des mesures de plus en plus nombreuses.