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Merci, monsieur le président.
Bonjour, tout le monde. Je suis très heureux d’avoir été invité à m’adresser au comité au nom de l’industrie forestière, qui a toujours été le plus important secteur canadien de ressources orienté vers l’exportation. L’industrie a développé le tissu social du Canada et a fait partie de l’assise économique de la région de Prince Albert depuis plus de 100 ans. La Saskatchewan peut en fait s’enorgueillir des nombreuses réalisations de l’industrie forestière: la plus grande scierie du Commonwealth britannique se trouvait à Big River, la première scierie canadienne de panneaux à copeaux orientés a été établie dans la ville de Hudson Bay et la première usine de pâtes de feuillus en boucle fermée du Canada se trouve à Meadow Lake. La foresterie a créé non seulement des emplois stables et bien rémunérés pour les habitants, mais aussi des collectivités saines. Elle a droit au soutien national, au moins au même titre que d’autres industries.
Au cours de l’automne 2005, la société Weyerhaeuser a annoncé qu’elle fermerait l’usine de pâtes et papiers de Prince Albert. En janvier 2006, la division des papiers a été fermée définitivement et le 12 avril 2006, l’usine de pâtes a fermé ses portes.
En août 2006, la fusion de Weyerhaeuser et Domtar a été annoncée. Domtar a pris possession de la plupart des actifs de Weyerhaeuser situés à Prince Albert. Cela fait presque deux ans maintenant que l’usine a fermé et que des milliers d’emplois liés à l’industrie des pâtes et papiers, aux scieries et aux secteurs connexes ont été perdus dans ma ville et dans la province. La province entière s’est ressentie de la fermeture de l’usine de pâtes et papiers de Prince Albert et des pertes correspondantes d’emplois et d’activité économique. Il est certain que Prince Albert, Big River, Carrot River, Hudson Bay, Meath Park, Nipawin, Holbein, Green Lake et d’autres collectivités de toute la région forestière —où se trouvaient la plupart des emplois directs — ont été les plus touchés.
Les conséquences sociales de la fermeture sur les emplois, les familles, les institutions, les écoles, les services de santé, les organisations caritatives et autres sont très importantes. La ville de Prince Albert est touchée directement, car la majorité des employés y vivent. Les collectivités environnantes sont également touchées, parce que des employés y vivaient aussi et que des entreprises dépendantes et de soutien, comme les exploitants forestiers et de transport et les scieries, s’y trouvaient. Les effets se sont étendus à des collectivités extérieures à la région forestière où des entreprises de soutien avaient leur siège, notamment à Saskatoon et à Regina.
Sur le plan strictement économique, l’usine de pâtes et papiers de Prince Albert était un élément important de l’économie de la Saskatchewan, sa contribution au PIB provincial s’étant élevée à 0,5 ou à 1,2 p. 100, si on ajoute les scieries, les exploitants forestiers et les services de soutien. L’usine employait directement 690 personnes et soutenait 1 380 emplois indirects partout dans la province. Les effets ont été aussi importants dans le cas des scieries locales qui ont dû fermer leurs portes, occasionnant la perte de 1 883 autres emplois. Cela représente une perte totale de 3 953 emplois attribuable à la fermeture d’une seule usine.
La fermeture de l’usine a eu des retombées partout dans la province. Par exemple, l’entreprise de produits chimiques ERCO Mondial de Saskatoon, qui approvisionnait l’usine en intrants pour la production de pâtes et papiers et qui employait une centaine de personnes, a été très touchée par la fermeture. D’autres entreprises de Saskatoon et de Regina, qui fournissaient des produits et des services aux sociétés axées sur les ressources forestières, comme les entreprises de camionnage, d’emballage, de fournitures et de services consultatifs, ont perdu un gros client. Les conséquences sont très étendues, mais leur ampleur globale demeure encore inconnue.
La ville de Prince Albert a été durement touchée par la fermeture de l’usine. Elle doit perdre 1,7 million de dollars de recettes foncières et a déjà perdu 1,6 million de dollars en surtaxes d’énergie. Le manque total à gagner dépasse 3,3 millions de dollars par an. L’usine de pâtes et papiers contribuait pour 19 p. 100 au budget total de la ville.
Les écoles de la région ont aussi été durement touchées en raison du manque à gagner fiscal et de la baisse des inscriptions. D’après les calculs de la section locale 1120 du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, le système scolaire a perdu plus de 1 000 élèves.
Plusieurs organisations caritatives et d’autres groupes sont également atteints par la diminution de l’appui financier provenant du secteur forestier.
Un groupe de travail provincial a été formé le lendemain de l’annonce de la fermeture par Weyerhaeuser. Il est composé du maire de Prince Albert et de représentants des syndicats et des collectivités. De plus, des chefs d’entreprises locales ont formé le Comité d’action forestière de Prince Albert, qui fait du lobbying au nom des entreprises de Prince Albert, conseille le groupe de travail et s’occupe des communications avec la collectivité.
Malgré les conséquences de la fermeture, la ville n’a pas perdu espoir. Je n’ai pas perdu espoir. Il y a un avenir pour le secteur, mais nous devons prendre des mesures concrètes pour rebâtir cette industrie.
Les défis auxquels le secteur forestier est confronté sont à la fois mondiaux et locaux. La concurrence internationale s’intensifie dans les industries du bois de sciage et de la pâte de bois. Les arbres à croissance rapide et les coûts de main-d’œuvre moins élevés des pays de l’Amérique du Sud et du bassin du Pacifique sont trop attrayants pour que les entreprises forestières puissent les ignorer. Beaucoup d’entre elles ont délocalisé leur production de pâtes et papiers vers ces régions, en abandonnant leurs usines nord-américaines.
D’autres pays ont réagi plus rapidement que le Canada pour préserver leur secteur forestier. Les pays scandinaves, et surtout la Finlande, ont appuyé leur industrie au détriment de la nôtre. Une grande partie de leur croissance s’est faite aux dépens de l’industrie forestière canadienne, parce que leurs produits sont plus compétitifs que les nôtres sur le marché mondial.
Avec la diminution de la demande mondiale de papier, les droits qui frappent le bois d’œuvre résineux et le ralentissement des mises en chantier aux États-Unis, cette situation a des effets négatifs très prononcés sur l’industrie forestière canadienne.
La Saskatchewan fait face à des défis considérables qui lui sont propres, et notamment les changements climatiques. Tout semble indiquer que la forêt boréale de la Saskatchewan, telle que nous la connaissons à l’heure actuelle, est appelée à disparaître. La Saskatchewan est au centre des incidences des changements climatiques. Les forêts d’aujourd’hui devraient se déplacer vers le nord, mais nous ne savons pas exactement ce qui les remplacera et il ne restera pas beaucoup de temps pour développer des connaissances scientifiques à cet égard.
Toute une industrie était axée sur l’usine de pâtes et papiers de Prince Albert. Lorsqu’elle a fermé ses portes, elle a sonné le glas de notre industrie forestière. Sans autres usines de pâte à papier à proximité, beaucoup de scieries ont dû mettre fin à leurs activités parce qu’elles ne vendaient plus de copeaux. Malgré la grande qualité du bois et le fait que le prix du bois livré est le plus faible de l’Ouest canadien, il n’était pas rentable de poursuivre les opérations.
N’ayant pas été traitée avec équité aux termes de l’accord sur le bois d’œuvre résineux, la Saskatchewan a obtenu un quota bien inférieur à sa capacité. Le dernier accord ne lui a réservé que moins de 0,5 p. 100 du quota national, alors que la province peut répondre à environ 2 p. 100 de la demande du marché. De ce fait, de nombreuses scieries ont perdu l’accès au marché américain, à un moment où il avait atteint un niveau record.
Le financement récemment annoncé par Ottawa pour les collectivités durement touchées par des fermetures d’usines profitera à celles qui renoncent à la foresterie, mais d’autres efforts seront nécessaires pour aider les collectivités qui veulent continuer à exploiter leurs ressources forestières. Nous avons besoin de nouvelles initiatives pouvant maintenir le secteur jusqu’à ce que le marché de l’habitation reprenne aux États-Unis ou, ce qui est encore plus important, jusqu’à ce que l’industrie cesse d’être tributaire de la vente de produits de base à nos voisins du Sud.
L’histoire de l’industrie forestière est semblable à celle de plusieurs autres secteurs de ressources. Il fut un temps où on pouvait réaliser de gros bénéfices en vendant strictement des produits de base, mais la situation a changé, imposant d’adopter des approches différentes. Aujourd’hui, les sous-produits du bois peuvent servir à la fabrication d’explosifs, de produits pharmaceutiques et de polymères utilisés dans les vêtements et les pneus. On dispose de technologies pour automatiser la récolte du bois, optimiser la récupération du bois par détection aux rayons X et produire du papier « intelligent » à mémoire. D’autres technologies sont développées pour convertir la fibre ligneuse en éthanol et autres biocarburants. Bref, notre industrie doit s’écarter de la production à grand volume pour s’orienter vers une production de grande valeur. Il faut investir davantage dans la R-D pour exploiter à fond ces possibilités.
Pour apprendre à faire de notre industrie forestière un secteur de croissance compétitif à l’échelle mondiale, il suffit d’observer nos plus grands concurrents. La Finlande, dont les forêts n’occupent qu’un vingtième de la superficie des forêts du Canada, a exporté en 2005 des produits forestiers d’une valeur d’environ 17 milliards de dollars, par rapport à quelque 42 milliards de dollars pour tout le Canada. Alors que la Finlande possède trois des plus grandes entreprises forestières du monde, le Canada n’en a aucune. Les récentes fusions entre Abitibi et Bowater et entre Domtar et la division du papier de Weyerhaeuser ont commencé à créer des entreprises d’une certaine taille dans un secteur que le Canada devrait dominer.
L’industrie forestière finlandaise fait face aux mêmes problèmes mondiaux que celle du Canada. Alors, comment fait-elle pour réussir? La Finlande a donné un appui considérable à plusieurs priorités clés: elle a soutenu le regroupement de l’industrie pour augmenter les rendements et les économies d’échelle; elle a encouragé la formation de grappes d'entreprises forestières pour accroître l’efficacité en minimisant la manutention des produits; elle a développé le marché des produits forestiers en démontrant la supériorité du bois par rapport à l’acier ou au béton; elle a fait participer les syndicats à la restructuration du secteur; et elle a considérablement intensifié son appui au développement de nouvelles technologies et à leur transfert à l’industrie. Ce faisant, la Finlande a consolidé sa capacité financière et intellectuelle de développer son industrie et de l’aider à s’adapter à l’évolution de l’économie mondiale.
À titre de maire de la plus grande ville de la ceinture forestière de la Saskatchewan, je suis embarrassé. Comme pays, le Canada devrait également l’être quand un pays plus petit doté de ressources moindres est tellement plus avancé que nous. Alors, que pouvons-nous faire?
La science est notre meilleure arme face à ces défis. J’exhorte le gouvernement à utiliser à bon escient les connaissances scientifiques acquises.
Nous pouvons nous servir de ces connaissances pour réfuter les allégations des groupes environnementaux qui prétendent que nos forêts boréales sont mal gérées. Ce n’est pas le cas et nous pouvons le prouver.
Nous pouvons nous servir de nos connaissances scientifiques pour montrer que la gestion humaine fait partie du cycle naturel et peut contribuer au maintien de forêts saines. Le réchauffement de la planète change nos forêts, mais la science nous montre comment gérer ce processus dans l’intérêt économique et écologique du pays. Nous pouvons utiliser nos connaissances pour mieux sensibiliser le public au fait que nos forêts sont bien gérées.
Nous pouvons utiliser nos connaissances scientifiques pour développer des produits et des marchés et créer de nouveaux procédés industriels pouvant maintenir la compétitivité de notre industrie. Nous pouvons les utiliser pour accroître le potentiel des biocarburants, des granulats et de la cogénération au moyen de nos ressources forestières. Nous pouvons les utiliser pour augmenter la viabilité de nos essences forestières tant sur le plan économique qu’en fonction des changements climatiques.
Des organismes, comme le Centre forestier de la Saskatchewan peuvent diriger le développement d’une industrie axée sur des produits à valeur ajoutée, sur de nouveaux marchés pour ces produits et sur des coûts de livraison compétitifs.
De nouveaux marchés sont nécessaires. Il faut déployer des efforts pour développer les produits de nos forêts et leurs marchés. Nous avons besoin d’une plus grande coordination nationale pour développer des marchés en Chine et en Inde et pour établir un système d’échange de droits d’émission pouvant sensiblement modifier les paramètres économiques de la foresterie. Des forêts positives ou neutres en carbone pourraient réduire le déséquilibre du Canada en matière de dioxyde de carbone et constituer une source réelle de revenu pour l’industrie.
Nous devons appuyer le regroupement de l’industrie et le réinvestissement du capital. Les mesures annoncées dans le budget 2008 sont utiles, mais il faudrait davantage.
Nous pouvons adopter un objectif simple consistant à doubler la consommation et l’utilisation du bois par habitant. La Finlande l’a fait.
Vous pouvez appuyer le développement du port de Churchill comme deuxième voie d’exportation pour la Saskatchewan. Cela augmenterait considérablement l’accessibilité de nos produits et raccourcirait leur trajet vers l’Europe par rapport à la route du Saint-Laurent.
Les connaissances scientifiques du Canada peuvent servir à orchestrer une campagne de promotion du bois, qui mettrait en évidence sa supériorité, comme matériau de construction, par rapport à l’acier ou au béton. Nous pourrions doubler l’utilisation du bois et recourir à différents moyens pour augmenter sensiblement l’utilisation de la fibre ligneuse à l’échelle nationale. Nous pourrions commencer par établir un code national du bâtiment qui favorise l’utilisation du bois. Comme je l’ai mentionné, l’adoption d’un objectif national visant à doubler la consommation de bois serait une preuve de l’engagement du Canada envers le secteur. Il faudrait ensuite investir dans la recherche et le développement, encourager la formation de grappes d'entreprises forestières, favoriser le regroupement des entreprises, établir un système d’échange de droits d’émissions et promouvoir l’utilisation du bois à titre d’énergie verte.
Comme maire de Prince Albert, je suis prêt à contribuer de toutes les façons possibles au renouvellement et à la revitalisation de ce secteur dans ma ville et ma province. Je pourrai jouer mon rôle dès que les politiques de soutien seront en place.
Pour atteindre la plupart de ces objectifs, il faut de la coordination, du financement et de la détermination à l’échelle nationale. Les provinces sont peut-être responsables des forêts comme ressource, mais je crois que la nation en est responsable comme secteur d’avenir.
Merci.
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Ma présentation est en français et en anglais. Je vais la distribuer.
Bonjour à tous et merci pour cette occasion de partager avec vous mes réflexions concernant l'avenir de l'industrie forestière canadienne.
Je suis professeur à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, où se trouve une masse critique de spécialistes de la forêt et du développement local et régional.
Il semble que la zone de confort dans laquelle se trouvait l'industrie depuis des décennies est maintenant devenue suffisamment inconfortable pour que de plus en plus de gens du milieu en appellent à un profond changement de paradigme. Je suis heureux de pouvoir partager aujourd'hui le bâton de parole avec le chef Williams, puisque je pense que les premières nations ont beaucoup à nous apprendre sur la façon de vivre en forêt. En effet, nous avons oublié pendant trop longtemps que nous faisons partie intégrante de l'écosystème forestier que nous habitons.
Avant de parler des possibilités et des défis qui attendent l'industrie forestière, il convient d'abord de préciser — et je ne surprendrai personne en disant cela — que l'industrie forestière canadienne est en crise. Au Québec — et c'est sans doute vrai dans d'autres provinces —, cette crise est une des pires depuis la Grande Dépression des années 1930. La crise forestière a des répercussions majeures sur les collectivités canadiennes, à commencer par les communautés autochtones, les villes mono-industrielles et les petites collectivités isolées. Dans ces communautés, la crise se traduit, entre autres, par une érosion du tissu social, un exode vers les grands centres, une démotivation et une perte de leadership et de capacités.
Sans vouloir revenir sur le sujet maintes fois abordé des causes de la crise forestière, je pense tout de même opportun de faire ici une distinction qui aura une grande importance pour le reste de la discussion. Pour expliquer les crises forestières, on entend souvent parler des facteurs conjoncturels et structurels. En réalité, je pense que le déclenchement des crises — nous vivons la quatrième crise depuis les années 1970 — est généralement dû à des facteurs conjoncturels, c'est-à-dire externes à l'industrie elle-même, et donc hors de son contrôle immédiat.
Les facteurs conjoncturels les plus importants sont l'appréciation du dollar canadien par rapport à la devise américaine, l'augmentation du prix du pétrole et la baisse du prix des produits forestiers. Ce qu'il faut bien comprendre, à mon avis, c'est que la sévérité d'une crise, en termes de fermetures d'usines, de pertes d'emplois et de chute de profits s'explique principalement par des facteurs structurels, c'est-à-dire inhérents au fonctionnement même de l'industrie forestière. Comme chaque crise est pire que la précédente depuis au moins 40 ans, force est de constater que des problèmes structuraux majeurs tardent à être réglés.
Le facteur structurel par excellence est sans aucun doute le cantonnement de l'industrie forestière canadienne dans des produits de commodité — et donc de faible valeur — comme le bois d'oeuvre et le papier journal, de même que la concentration des exportations vers un seul marché: les États-Unis. Voilà donc deux défis de taille: diversifier les produits en insistant sur les produits à haute valeur ajoutée et les produits certifiés, et diversifier les marchés en diminuant la dépendance au marché américain et en considérant les pays en émergence comme d'immenses marchés potentiels plutôt que comme des compétiteurs. Dans ce genre d'initiative, il est important de miser sur nos forces. Outre sa concentration élevée en personnel hautement qualifié, le Canada est aussi reconnu comme un leader mondial en termes de certification environnementale. Le marché des produits certifiés suit une évolution exponentielle depuis une dizaine d'années, et le Canada est en très bonne position pour avoir la part du lion de cette croissance.
Parmi les solutions envisagées à la crise, on entend souvent que la consolidation, c'est-à-dire le regroupement en compagnies toujours plus grosses, est inévitable et même souhaitable. Mes observations m'amènent pourtant à penser exactement le contraire. Sans nier le rôle socioéconomique important des grandes entreprises, ce sont les entreprises de taille moyenne qui réussissent le mieux à tirer leur épingle du jeu en période de crise, parce qu'elles ont une résilience et une stabilité uniques. Les petites entreprises sont forcées de fermer parce qu'elles n'ont pas les reins assez solides pour affronter la crise, et les grandes entreprises, souvent des multinationales, choisissent de tourner le dos au Canada en attendant le retour à des conditions plus clémentes. Seulement voilà: on ne devrait pas pouvoir éteindre et allumer des communautés à volonté, comme on peut le faire avec une lumière ou une télévision.
Il faut se détourner de la production massive de commodités, qu'on pousse vers le marché, indifféremment de la demande, ce qui entraîne souvent des chutes de prix, et plutôt optimiser la chaîne de production pour que l'industrie soit plus flexible et réponde plus rapidement et plus efficacement aux besoins et aux fluctuations du marché.
En fait, on peut voir la crise sous deux angles complémentaires, mais différents. On peut voir des travailleurs qui perdent leur emploi et des communautés qui perdent leurs usines ou on peut voir des compagnies qui perdent de l'argent ou, à tout le moins, qui n'en font pas assez. Les solutions envisageables pour régler l'un ou l'autre de ces aspects du problème ne sont pas nécessairement les mêmes et je pense qu'il faut cesser de tenter de faire pousser de l'argent dans les arbres, mais plutôt s'assurer de créer et de maintenir des emplois stables et de qualité dans des communautés saines, vivantes et prospères. Il faut revenir à une foresterie plus près des gens et laisser aux communautés locales et aux régions le loisir de choisir l'usage qu'elles jugent le plus sensé de leurs forêts, en tenant compte à la fois de la durabilité environnementale, de l'acceptabilité sociale et de la viabilité économique.
Il faut voir la forêt comme un tout et sortir de la logique qui veut qu'une forêt ne soit qu'un entrepôt de matières ligneuses. Les nombreux écoservices et produits forestiers non ligneux fournis par la forêt boréale devraient être mis en valeur, et les collectivités devraient pouvoir en tirer des bénéfices socioéconomiques. Il est donc grand temps de changer de paradigme forestier et de se tourner vers l'aménagement forestier durable et la gestion intégrée des ressources. À ce sujet, il est déplorable que le financement de plusieurs forêts modèles du réseau canadien ait été interrompu puisque les forêts modèles avaient, entre autres, le mandat de développer des cadres régionaux, des critères et indicateurs d'aménagement forestier durable. Ces cadres sont essentiels à l'évaluation des pratiques forestières et à l'atteinte éventuelle des objectifs de développement durable.
La conservation d'écosystèmes forestiers sains devrait être au centre de la stratégie canadienne sur les forêts. Des chercheurs de l'Université de l'Alberta ont développé une façon intéressante et originale de voir les choses. Ils appellent cela la matrice inversée. Ainsi, plutôt que de voir les aires protégées comme des îlots isolés dans une matrice dominée par l'activité humaine, il faudrait envisager des îlots d'activité humaine dans une matrice dominée par l'environnement naturel. La conservation des écosystèmes, notamment par l'augmentation des superficies protégées — je rappelle que le Canada est à seulement un peu plus de la moitié de la moyenne mondiale de superficies protégées —, permettra de garder une marge de manoeuvre face aux changements climatiques, aux fluctuations des marchés mondiaux et à l'incertitude inhérente à la gestion d'écosystèmes complexes comme les forêts canadiennes. Tout ça, sans compter les raisons éthiques de préserver l'une des dernières grandes forêts intactes de la planète.
Les changements climatiques constituent un autre défi de taille pour la gestion durable des forêts au Canada. D'une part, la fréquence et la sévérité des épidémies d'insectes et de maladies risquent de s'intensifier. Déjà, le dendroctone du pin a réussi en certains endroits à franchir la barrière géographique des Rocheuses et menace de s'attaquer au pin gris et d'ainsi ravager le pays a mari usque ad mare. De plus, les changements climatiques entraîneront de toute évidence l'apparition de types forestiers aujourd'hui inconnus, puisque chaque espèce d'arbre, de plante ou d'animal répond de façon individuelle au changement. Les types forestiers ne vont dont pas simplement migrer au nord en blocs monolithiques. Par ailleurs, la migration de certaines espèces sera grandement compliquée par la fragmentation du paysage due à l'activité humaine, notamment le changement d'affectation des terres.
Concernant les premières nations, bien que la foresterie autochtone soit un de mes thèmes de recherche principaux, je pense que le chef Williams saura exprimer ce point de vue beaucoup mieux que moi. Néanmoins, je crois qu'il est important d'insister sur les besoins énormes des communautés autochtones en matière de formation et d'augmentation des capacités humaines et financières. Sans cela, leur participation à la planification et à la gestion des forêts demeurera marginale. La participation pleine et entière des premières nations nécessitera que des mesures strictes soient mises en place afin d'assurer la protection de la propriété intellectuelle et le partage équitable des retombées économiques des projets. Enfin, des efforts supplémentaires devront être consentis afin d'accélérer le règlement des litiges territoriaux qui durent déjà depuis trop longtemps.
Comme professeur d'université, vous me permettrez d'insister sur les besoins énormes de financement de la formation et de la recherche et développement. Tous les défis que j'ai pu mentionner précédemment vont nécessiter des efforts titanesques en ce sens. Il faut, d'une part, redonner le goût aux jeunes d'entreprendre une formation en foresterie, notamment par l'octroi de bourses ciblées. D'autre part, des sommes massives doivent être investies en recherche et développement, non seulement par le gouvernement — qui fait déjà beaucoup à cet égard mais qui pourrait faire plus —, mais aussi par l'industrie. À titre d'exemple, les compagnies américaines et fennoscandinaves réinvestissent de trois à quatre fois plus de leurs profits bruts en recherche et développement que les compagnies canadiennes.
En terminant, je dirais que les défis sont nombreux et de taille. Il n'existe pas de solution magique, mais plutôt un ensemble de solutions; certaines qu'on connaît déjà et d'autres qui restent à trouver. Une seule solution appliquée mur à mur ne repoussera l'échec que de quelques années, au mieux. Il faut plutôt aborder courageusement le problème sur tous les fronts en même temps.
Je nous souhaite bonne chance à tous.
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Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je m’appelle Len Compton. Je suis le maire de Kenora, en Ontario.
Kenora est la municipalité qui est située le plus à l’Ouest de l’Ontario, entre le lac des Bois et l’autoroute transcanadienne, à 50 km à peine de la frontière du Manitoba. Kenora compte 15 177 habitants et assure des services à quelque 20 000 personnes. En été, Kenora et le lac des Bois accueillent des propriétaires de chalets du Manitoba et du Midwest américain, ce qui a pour effet de doubler sa population.
Je vois que M. Comuzzi et M. Boshcoff sont présents aujourd’hui. Ils connaissent très bien notre région. Je suis heureux de les voir ce matin.
Permettez-moi de commencer par vous donner un bref aperçu de l’état actuel de l’industrie des produits forestiers à Kenora.
Depuis 2005, nous avons eu à supporter la fermeture de l’usine de pâtes et papiers d’Abitibi Consolidated, qui a entraîné la perte de 361 emplois, la fermeture de la scierie Devlin Timber, qui a occasionné l’élimination de 50 emplois, la mise à pied de 40 travailleurs à l’usine iLevel Weyerhaeuser et, plus récemment, la réduction des activités à l’usine Kenora Forest Products, qui a causé la perte de 105 emplois. Cela représente au total plus de 550 emplois perdus.
La tendance est la même dans l’ensemble du Nord-Ouest de l’Ontario. Les fermetures, les mises à pied et les compressions dans l’industrie des produits forestiers ont eu des répercussions sur Sioux Lookout, Dryden, Atikokan, Thunder Bay, Red Rock, Nipigon, Greenstone, Wawa et plusieurs autres collectivités du Nord-Est de l’Ontario. Le ralentissement actuel du marché américain de l’habitation, la vigueur du dollar canadien et les coûts élevés de l’énergie et de la construction des routes dans le Nord-Ouest de l’Ontario sont autant d’éléments qui ont contribué à provoquer la « tempête parfaite » pour cette industrie.
Kenora a adopté un plan de développement économique, une stratégie de relance de la région, qui est menée de façon dynamique. Notre plan mise sur les atouts axés sur les ressources de notre collectivité dans l’industrie des produits forestiers ainsi que sur les attraits naturels de la région, afin de faire de Kenora une destination pour les nouveaux résidents permanents et saisonniers comme pour les visiteurs.
Nous nous orientons vers la diversification, mais nous devons également protéger le fondement de notre bien-être économique. L’élimination complète du secteur forestier serait tout simplement impossible à gérer. En d’autres temps et dans d’autres provinces, le gouvernement fédéral serait intervenu assez tôt en proposant différentes formes d’assistance, mais cela ne s’est pas produit.
L’annonce, en janvier, par le gouvernement , de l’injection d’un milliard de dollars dans la fiducie nationale pour le développement communautaire est certainement la bienvenue, mais l’aide doit parvenir aux collectivités le plus rapidement possible. De bien des façons, nous avons presque l’impression qu’elle arrive trop tard.
Afin de nous préparer pour cette rencontre, nous avons tenu des réunions avec des représentants de nos entreprises forestières locales et avons pris contact avec plusieurs organismes régionaux et nationaux. Nous considérons qu’il incombe à l’industrie de parler de cette situation. J’ai donc le plaisir de vous présenter Bill Candline, le directeur de l’usine TimberStrand d’iLevel Weyerhaeuser, à Kenora.
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Merci, monsieur le maire.
Je m’appelle Bill Candline. Je suis le directeur général de l’usine TimberStrand de Kenora, qui est une division d’iLevel Weyerhaeuser.
iLevel s’intéresse essentiellement au marché de l’habitation. La société Weyerhaeuser a en fait regroupé toutes les entreprises qu’elle avait acquises et développées au fil des ans sous la bannière iLevel pour concentrer ses efforts sur le marché de l’habitation, principalement en Amérique du Nord. Les produits fabriqués comprennent les panneaux à copeaux orientés, le bois débité, le contreplaqué, le bois de copeaux lamellés — comme à l’usine de Kenora —, le bois en placage stratifié, les poutrelles en I, etc.
L’usine de Kenora a ouvert en 2002. Nous avons produit notre premier panneau en octobre 2002. C’est une nouvelle usine très moderne où nous produisons du bois d’ingénierie à valeur ajoutée. Elle est l’une des deux seules installations du monde à fabriquer ce produit spécialisé fait de copeaux lamellés.
C’est un produit fabriqué à partir d’essences auparavant sous-utilisées comprenant principalement du peuplier et un peu de bouleau. Nous utilisons entre autres une technologie allemande consistant en une presse à injection de vapeur pour produire une énorme billette de 64 pieds de longueur, 8 pieds de largeur et jusqu’à 3,5 pouces d’épaisseur, pouvant peser 7 500 livres. La billette passe ensuite par une espèce de scierie traditionnelle pour produire des poutres, des chevêtres et même des colombages. C’est donc un procédé vraiment unique.
Notre société a investi 300 millions de dollars dans l’usine de Kenora. Nous avons actuellement 160 associés et un effectif très diversifié comprenant 25 p. 100 de femmes et 25 p. 100 d’Autochtones.
Nous avons travaillé sans cesse, depuis 2002, pour réduire nos coûts et accroître le rendement de nos opérations. Comme la plupart des établissements du Canada, nous avons été très touchés par le ralentissement du marché américain de l’habitation. Il y a trois ans, le nombre des mises en chantier en Amérique du Nord dépassait largement les 2 millions. Nous en aurons probablement un million cette année. Nous fonctionnons actuellement à la moitié de notre capacité. En même temps, nous sommes fiers de dire que notre usine est restée ouverte l’année dernière pendant que Weyerhaeuser fermait une usine semblable, juste de l’autre côté de la frontière, au Minnesota. La fibre ligneuse représente la plus grande partie de nos coûts, ce qui signifie que notre situation économique est étroitement liée à la politique provinciale relative aux ressources naturelles.
Mon exposé portera principalement sur cinq grands domaines: la fiscalité, les marchés, les gaz à effet de serre, le système de quotas et les partenariats avec les Autochtones.
Au chapitre de la fiscalité, notre industrie souhaite que les crédits d’impôt à la recherche scientifique et au développement expérimental soient entièrement remboursables, afin de soutenir l’innovation et la recherche dans les entreprises canadiennes, et que l’amortissement sur deux ans s’applique pendant une période minimale de cinq ans. Le dernier budget fédéral n’a pas donné suite à ces recommandations.
L’usine de Kenora est, selon moi, l’exemple parfait de développement novateur qui mérite d’être soutenu par ce programme. Nous avons obtenu des crédits pour les innovations et les progrès techniques que nous avons intégrés dans la nouvelle usine TimberStrand. Nous avons également obtenu de l’aide pour les activités de développement entreprises au niveau des procédés lorsque nous nous sommes efforcés d’étendre la gamme de produits fabriqués à l’usine de Kenora. Bien que l’usine ait bénéficié de ce programme dans le passé, elle ne fait plus actuellement de travaux de développement.
Je crois que notre message au sujet de Kenora est très clair. C’est le genre d’opération qui découle du soutien à la recherche scientifique et au développement expérimental. Ce programme ne prévoit aucun soutien lorsqu’une industrie fonctionne au ralenti. Dans ces conditions, il n’a pas une grande valeur et ne stimule pas l’innovation et le développement dont l’industrie a besoin pour s’engager sur la voie de la reprise.
Nous devons avoir accès à de nouvelles technologies afin de permettre à nos entreprises du secteur forestier de rivaliser avec les entreprises concurrentes de la Scandinavie. Un soutien est nécessaire pour encourager la recherche, développer de nouveaux produits, ajouter de la valeur aux entreprises existantes, étudier des options énergétiques moins coûteuses et créer des marchés ailleurs qu’aux États-Unis.
Au chapitre des marchés, le Canada est bien placé pour rehausser l’image de marque de l’industrie des produits forestiers à l’étranger. Nous avons des fibres et des produits qui comptent parmi les meilleurs du monde. Nous souhaitons donc recommander le lancement et le financement d’une campagne pluriannuelle nationale visant à faire connaître nos forêts et notre industrie des produits forestiers dans un certain nombre de marchés importants. Nous croyons savoir que le dernier budget fédéral prévoit 10 millions de dollars pour financer une campagne d’information de ce genre. C’est une mesure positive dont nous félicitons le gouvernement.
Nous voudrions également recommander une prolongation du financement des initiatives en cours tendant à développer de nouveaux marchés et de nouvelles utilisations des produits canadiens du bois.
Le troisième domaine est celui des gaz à effet de serre. L’industrie des produits forestiers a investi des milliards de dollars au cours des 15 à 20 dernières années pour réduire les émissions de ses usines. Nous aimerions que le gouvernement fédéral reconnaisse les réalisations de l’industrie à ce chapitre. Nous vous exhortons également à collaborer avec l’industrie pour que la réglementation gouvernementale sur la qualité de l’air soit mise en œuvre en tenant compte de la situation économique actuelle de l’industrie.
Parmi les autres considérations environnementales, il y a lieu de mentionner la compensation des gaz à effet de serre. Le gouvernement fédéral a commencé à examiner le bien-fondé et les modalités de mise en œuvre d’un système de compensation. Ce système mettrait en évidence les possibilités de réduction des émissions de gaz à effet de serre produites par les usines non réglementées et par la séquestration biologique.
L’Association des produits forestiers du Canada met au point sa position à ce sujet. Un système de compensation bien conçu pourrait assurer d’énormes avantages à l’industrie forestière. En ce qui concerne Kenora, un système de ce genre permettrait de compenser les émissions en réduisant la consommation de combustibles fossiles grâce à l’utilisation de combustibles de remplacement. Sur le plan de l’exploitation forestière, la compensation pourrait prendre la forme d’opérations de boisement, de reboisement, de prévention du déboisement et de gestion des forêts.
La reconnaissance des efforts que nous avons déployés jusqu’ici est également essentielle. De plus, nous appuyons la position de l’Association des produits forestiers du Canada et de la Coalition forestière concernant la soustraction du secteur des produits du bois aux cibles d’émissions de composés organiques volatils. Nous appuyons aussi la position de l’Association et de la Coalition préconisant d’appliquer les cibles d’émissions particulaires uniquement aux unités de combustion des produits du bois.
Le quatrième domaine concerne les quotas de bois d’œuvre résineux.
Avant d’aller plus loin, je dois admettre que je ne suis pas un expert des différends relatifs au bois d’œuvre résineux. Heureusement, l’usine de Kenora n’est pas touchée par le dernier accord conclu avec les États-Unis. Toutefois, la façon dont l’accord est géré peut avoir d’énormes répercussions sur Kenora et la région environnante.
Le système initial de quotas visant les résineux avait été conçu avant que les marchés ne connaissent la situation imprévue et sans précédent qui règne actuellement. Les prix et la demande de produits du bois n’ont jamais été aussi faibles aux États-Unis. L’industrie ontarienne a travaillé très fort pour persuader tous les intéressés d’accepter un changement de deux ans du système provincial de quotas afin de permettre aux usines de prendre des décisions économiques rationnelles au sujet de l’approvisionnement du marché, sans porter préjudice à leur capacité de redémarrer à la suite d’une réduction.
[Le témoin s’exprime dans sa langue maternelle.]... le First Nations Forestry Council de la Colombie-Britannique.
Je voudrais vous remercier de nous avoir offert cette occasion unique de passer en revue les défis auxquels toute l’industrie des produits forestiers est confrontée.
Je voudrais en particulier parler du dendroctone du pin ponderosa qui attaque actuellement les forêts de la Colombie-Britannique. Le dendroctone menace de façon immédiate 103 collectivités autochtones. Nous avons besoin de mesures préventives.
M. David Porter a attiré l’attention du monde sur la crise de nos forêts à Bali, en décembre dernier. L’information commence donc à circuler. M. Porter était à Ottawa en décembre. Malheureusement, les réunions qui se sont tenues dans la capitale nationale n’ont abouti qu’à de belles paroles de la part du ministre des Forêts. Le dernier budget fait totalement abstraction de la crise en Colombie-Britannique, qui est maintenant considérée comme la pire catastrophe naturelle de l’histoire de la province.
Nous espérons que votre comité pourra sonner l’alarme et susciter des mesures concrètes pour remédier à la situation en Colombie-Britannique. Ne vous y trompez pas: des vies, des moyens d’existence et la survie de collectivités entières seront en jeu dans les prochains mois. Je veux parler d’écoles et de maisons.
La région dont nous parlons compte 103 collectivités autochtones où vivent 100 000 personnes. Ces collectivités sont dispersées sur un immense territoire de l’intérieur de la Colombie-Britannique, qui est maintenant couvert de pins morts et mourants. Les collectivités autochtones commencent à vivre dans la peur parce que la saison des incendies de forêt, qui va de juin à septembre, s’approche rapidement.
Le territoire dont nous parlons a une superficie de 13 millions d’hectares. Il est plus étendu que la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick réunis. Si vous préférez le comparer à un pays, il est à peu près de la taille de la Grèce.
Cette dernière comparaison convient particulièrement parce que nos forêts mortes risquent de donner lieu à des incendies autrement plus dévastateurs que ceux qui ont ravagé la Grèce l’année dernière.
Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de voir des photos de ce qui s’est produit dans la vallée de l’Okanagan il y a cinq ou six ans. Les flammes, qui montaient à 25 à 50 mètres de hauteur, avaient englouti un millier de maisons dans l’Okanagan. Dans notre secteur, ce serait deux à trois fois plus grave. Les dégâts seraient énormes.
Les dommages sont irréversibles. Même le confinement sera extrêmement difficile à réaliser. Pour le moment, notre priorité est de survivre. Comment pouvons-nous survivre à un incendie de forêt dans ces conditions? Il est curieux de penser que l’absence d’incendies pendant des années, combinée aux températures élevées résultant du réchauffement de la planète, a donné lieu à cette crise du dendroctone du pin. En effet, un incendie serait l’un des moyens par lesquels la forêt pourrait se guérir elle-même, mais il risquerait en même temps de détruire des collectivités et des vies.
Le problème, c’est que 103 collectivités autochtones se trouvent au milieu de la zone qui serait touchée. Il y a 300 réserves autour desquelles il faudrait créer une zone pare-feu complètement dégagée d’une largeur minimale de deux kilomètres pour empêcher les flammes de les anéantir. Les incendies progressent rapidement. La majorité de nos collectivités ont des écoles, des maisons et des bâtiments communautaires et sont isolées. Les évacuer serait difficile, sinon impossible.
Nous avons besoin de zones de protection contre l’incendie et de bons plans d’évacuation. Cela coûtera cher. Nous estimons actuellement qu’il faudra compter environ 1 000 $ par hectare et que la superficie à dégager autour des 300 collectivités autochtones totalisera 135 041 hectares. Le prix total s’élèvera donc à 135 millions de dollars.
Les risques sont connus depuis quelques années déjà. Lors des dernières élections fédérales, nous espérions obtenir du financement. Le gouvernement libéral d’alors avait déjà fourni 100 millions de dollars pour aider la Colombie-Britannique à affronter la crise du dendroctone. Au cours de la campagne électorale, il avait promis d’avancer un milliard de dollars supplémentaires. Les conservateurs avaient fait la même promesse. Nous les avions pris au mot. Le programme des nouvelles relations avec les Autochtones du premier ministre Campbell prévoyait d’offrir aux premières nations 20 p. 100 du milliard de dollars — soit 200 millions — pour affronter la crise. Nous continuerons à collaborer avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, mais nous n’avons pas ce qu’il nous faut pour faire face à la crise.
Contrairement au gouvernement libéral précédent, le gouvernement conservateur refuse de transférer directement de l’argent aux collectivités autochtones. Il choisit les projets qu’il souhaite financer. Il y a, par exemple, un projet destiné à agrandir un aéroport. Même si la collectivité voisine en a probablement besoin, le projet ne l’aidera pas à affronter la crise du dendroctone.
Les premières nations n’ont pas reçu beaucoup d’argent jusqu’ici. D’après les chiffres les plus récents du ministère des Ressources naturelles, moins de 5 millions de dollars ont été dépensés ou engagés depuis 2006 au profit des collectivités touchées des premières nations.
Nous connaissons les menaces et les défis à affronter, mais nous avons besoin de ressources pour aider nos collectivités et sauver nos maisons, nos écoles, nos aînés et nos enfants.
Huychexwa. Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé.
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Bonjour, monsieur le président.
Bonjour, membres du comité. La Corporation agro-forestière Trans-Continental remercie le Comité permanent des ressources naturelles de lui donner l'occasion de se prononcer sur le défi que l'industrie forestière devra relever. Les principaux enjeux, dans un contexte de mondialisation, sont d’ordre économique, social et environnemental.
Dans un premier temps, je voudrais mentionné que je n'ai pas précisé l'impact économique au Québec des fermetures d'usines et des milliers d'emplois perdus. M. Asselin l'a mentionné plus tôt. Puisque le temps est limité, je ne l'ai pas précisé dans mon mémoire. J'ai beaucoup plus parlé des actions qu'on devrait prendre pour corriger la situation.
La Corporation agro-forestière Trans-Continental est un organisme de gestion en commun, communément appelée un groupement forestier, qui regroupe sur une base volontaire plus de 450 propriétaires et actionnaires. Donc, c'est une entreprise « collective ».
Notre mission consiste en l’aménagement intensif des ressources du territoire tant en forêt privée que publique, ainsi qu'en la création et en l’augmentation des activités socioéconomiques générées en milieu rural par les ressources naturelles, plus particulièrement par le maintien et l’accroissement d’emplois de qualité. De plus, nous sommes partenaires des usines de sciage du Groupe NBG et de feuillus durs de Bégin & Bégin. Ces deux usines appartiennent à plus de 50 p. 100 à des propriétaires de lots boisés. C'est une chose rare au Québec et au Canada. Ce sont les communautés et les propriétaires de lots boisés qui sont les propriétaires à plus de 50 p. 100 de cette usine.
Je vais vous préciser les termes que je vais utiliser. Les objectifs sont l'aménagement intensif de nos forêts, la main-d’oeuvre, le développement industriel et la certification forestière.
Débutons par l'aménagement intensif de nos forêts. L’industrie forestière est fondée sur sa ressource principale: le bois. Pour qu'une industrie soit compétitive, elle doit avoir un approvisionnement en bois de qualité et en quantité suffisante pour répondre à la demande du marché. L’aménagement intensif de nos forêts sur les territoires à haut potentiel de production ligneuse permettrait d’augmenter la productivité de nos forêts en protégeant les autres ressources. De plus, une forêt en santé permet d’augmenter le captage du carbone. Ce n'est pas une chose à dédaigner. Il est prouvé scientifiquement que si on produit plus de matières ligneuses, les gaz à effet de serre diminuent.
La forêt privée du Québec contribue à plus de 20 p. 100 de l’approvisionnement des usines. C’est une forêt proche des communautés et des usines. Il y a donc une économie au chapitre du transport et une réduction des gaz à effet de serre. On a parlé plus tôt des gaz à effet de serre. Si on transporte du bois sur de longues distances, cela crée des problèmes en ce sens. Cette forêt possède le potentiel de production le plus élevé, et les travailleurs sylvicoles peuvent gagner dignement leur vie.
Toutefois, il est essentiel que le financement affecté à la forêt privée soit augmenté afin d’atteindre les objectifs visés par une sylviculture intensive. Une étude sur l'impact des investissements publics en forêt privée a été faite par l’Université Laval en collaboration avec le Réseau canadien de forêts modèles. Elle démontre que les dépenses publiques pour l’aménagement de la forêt privée sont des investissements structurants pour le gouvernement. Cette étude se trouve sur le site Internet du Réseau canadien de forêts modèles. J'ai en main une copie de cette étude.
Pour ces raisons et bien d’autres, nous recommandons au ministère des Ressources Naturelles du Canada d’investir dans un programme d’intensification de l’aménagement des forêts privées au Canada. Au Québec, il existe un programme adapté à la forêt privée. Cependant, des sommes additionnelles sont nécessaires pour répondre aux objectifs visés, soit d’accroître en quantité et en qualité un approvisionnement stable à des prix compétitifs à nos industries forestières. Le coût de la fibre constitue une grande partie des coûts de production de l'industrie. Si on diminue le coût de la fibre, les coûts diminueront également. Pour ce faire, il faut accroître la possibilité forestière de nos territoires.
Concernant la main-d'oeuvre de l'industrie forestière, j'ai traité d'un seul aspect: les travailleurs âgés. On a de bons programmes de formation. Cependant, il faut avoir une relève et aider les jeunes à retourner sur les bancs d'école pour recevoir de la formation dans le domaine de la forêt. Présentement, au Québec, comme partout ailleurs, la crise forestière a causé un grand désistement. Il n'y a plus de jeunes qui retournent sur les bancs d'école.
Les travailleurs forestiers, tant en usine qu’en forêt, sont la pierre angulaire de l’industrie. Nous sommes tous conscients que la crise actuelle fait des ravages dans le secteur industriel: fermetures temporaires ou définitives, consolidation, changements technologiques, etc. Généralement, cette main-d’oeuvre est très expérimentée et l’âge de celle-ci est souvent supérieur à 55 ans. Cependant, la majorité des travailleurs, surtout en forêt, n’ont aucun fonds de retraite. Ils doivent donc travailler plus longtemps. Le métier d'ouvrier sylvicole, tel que celui d'abatteur manuel et de débroussailleur, demande des efforts physiques considérables. Ceux-ci auront besoin d'une aide particulière pour continuer à développer cette richesse collective qu'est la forêt.
À partir de la Fiducie nationale pour le développement communautaire, nous recommandons de créer un fonds adapté aux ouvriers sylvicoles et aux travailleurs d'usine qui n'ont pas de fonds de pension, afin de leur permettre de se rendre dignement à leur retraite, vu les efforts qu'ils ont déployés. Ce programme devrait être réalisé avec chaque province pour répondre aux besoins de cette clientèle. Ce programme n'a pas pour but de les mettre complètement hors du circuit, mais de les aider à traverser la crise actuelle, parce que présentement, ils ont de la difficulté à travailler un nombre de semaines suffisant pour avoir droit à des prestations d'assurance-emploi.
Je vais maintenant parler du développement industriel. L'industrie de la transformation des ressources forestières est un secteur très important pour le développement économique de plusieurs communautés. Des milliers d'emplois y sont directement reliés, tant en usine qu'en forêt. Plusieurs autres y sont indirectement reliés, comme le transport et la fabrication de machinerie de transformation des produits ligneux.
Dans un contexte de mondialisation et de compétition des pays émergents, nous devrons relever le défi d'accroître la productivité de l'industrie en nous dotant d'une stratégie de développement axée sur des produits à forte valeur ajoutée. Pour ce faire, il faudra avoir une complicité très étroite avec toutes les provinces.
Il faut bien comprendre que ce n'est pas la consolidation de l'industrie qui va régler tous les problèmes, au contraire. Comme l'a dit M. Asselin, chez nous, ce sont les petites usines qui sont encore ouvertes. Les grandes usines sont quasiment toutes fermées, pour toutes sortes de raisons: leurs coûts de production sont trop élevés et bien souvent, elles vont chercher leur bois trop loin. Idéalement, il faudrait investir dans les petites communautés locales pour qu'elles puissent vivre de cette industrie.
Nous recommandons les mesures suivantes: adapter les programmes d'investissement aux petites et moyennes entreprises; donner des crédits d'impôt remboursables aux entreprises du secteur de la transformation des ressources, surtout celles qui se dirigeront vers la valeur ajoutée; développer la filière bois, la filière énergétique à base de biomasse forestière et celle du bioraffinage; et accroître l'utilisation du bois comme matériel écologique, notamment dans les bâtiments publics et commerciaux, en lieu et place des matériaux plus énergivores, non renouvelables ou plus polluants.
Un des enjeux qui permettront à l'industrie forestière de se démarquer au niveau mondial sera d'avoir une forêt qui respecte les critères de développement durable. Plusieurs pays exigent que le bois utilisé dans la construction de bâtiments publics respecte ces critères. La certification forestière permet de répondre à ces exigences. Nous croyons qu'il revient à chaque province de faire certifier ses forêts publiques. Cependant, les coûts que l'industrie doit assumer pour respecter les normes de certification sont très élevés. En forêt privée, les propriétaires de lots boisés doivent se regrouper pour diminuer les coûts de la certification. Il est très difficile de faire certifier la forêt privée, parce que les coûts sont trop élevés. Il faut donc que les propriétaires se constituent en groupement forestier.
À cet égard, nous recommandons les mesures suivantes: la création d'un programme de crédits d'impôt remboursables afin que l'industrie puisse procéder à la certification forestière; la mise sur pied d'une assistance technique adaptée à chaque région pour répondre aux critères de certification; la création d'un programme de financement pour les propriétaires privés de petites superficies, afin de diminuer les coûts de la certification.
En conclusion, l'industrie de l'aménagement forestier et de la transformation des ressources forestières est et sera un pilier important de l'économie du Canada et de ses provinces. Présentement, on traverse une crise. On sait que celle-ci est temporaire; le bois va se revendre sous forme d'autres produits à valeur ajoutée. Cependant, les industriels et les petites communautés doivent se prendre en main et il leur faut de l'aide pour ce faire. La crise forestière nécessitera de grands changements dans notre industrie. Le gouvernement du Canada doit soutenir cette industrie pour qu'elle fasse ce passage essentiel de la tradition à l'innovation.
Merci beaucoup.
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Très bien, j’ai dû manquer quelque chose.
Monsieur Asselin, il y a un passage de votre exposé qui résume bien la situation actuelle. Vous y dites en substance que la zone de confort de l’industrie forestière est devenue inconfortable. Cela revient à admettre, comme beaucoup l’ont fait, que l’industrie a connu de beaux jours, dont tout le monde a profité, mais qu’elle est confrontée aujourd’hui à de nouveaux défis assez lourds de conséquences.
Cela suscite une question. Il y a eu ces derniers temps beaucoup de critiques, non dans vos exposés, mais dans les médias. La plupart du temps, c’est le gouvernement fédéral et les provinces qui sont blâmés pour la situation dans laquelle nous nous trouvons. Mon point de vue à cet égard est partagé par beaucoup d’autres. Pendant les beaux jours, les usines — aussi bien les papetières que les scieries — ne se fatiguaient pas trop pour trouver de nouveaux produits parce que tout allait très bien.
Monsieur Scarrow, vous avez envoyé une lettre — que j’ai bien reçue, merci — parlant du manque de papiers minces en Chine et des avantages qu’il y aurait à convertir l’usine de Prince Albert pour répondre à la demande de ce marché. Je suis bien d’accord avec vous, mais voici un exemple. Cette pénurie de papiers minces en Chine existe depuis une quinzaine d’années, à ma connaissance. À un moment donné, pendant que l’usine de Prince Albert fonctionnait, il aurait été possible de profiter de cette situation, mais rien ne s’est fait parce que les choses allaient bien. Nous devons en subir les conséquences aujourd’hui et trouver des moyens de nous en sortir.
Je vous laisse réfléchir à cette question. J’y reviendrai dans quelques instants. Pour le moment, j’ai quelques autres questions à poser.
Monsieur Compton, la plupart des gens disent que la fiducie pour le développement communautaire est une très bonne chose. Vous avez exprimé certaines préoccupations au sujet des moyens d’y accéder. Je crois savoir que cinq bons projets communautaires, y compris des projets réalisés par les premières nations, sont actuellement en cours dans le Nord-Ouest de l’Ontario. Je ne sais pas si vous êtes au courant de ces projets, mais, si vous ne l’êtes pas, vous voudrez peut-être en discuter avec les maires intéressés pour savoir comment ils ont réussi à obtenir les fonds nécessaires.