Nous sommes réunis aujourd'hui pour poursuivre notre étude de la sûreté nucléaire, y compris en ce qui a trait aux questions de sécurité du réacteur nucléaire de Chalk River.
Les témoins que nous entendrons aujourd'hui sont M. Christopher O'Brien, ancien président de la Société canadienne de médecine nucléaire; M. Jean-Pierre Soublière, président de Anderson Soublière Inc.; M. Jatin Nathwani, professeur et titulaire d'une chaire de recherches de l'Ontario en politique publique et en gestion de l'énergie renouvelable, Faculté de génie et Faculté d'études environnementales, Université de Waterloo; et M. David McInnes, vice-président, Relations internationales, M. Grand Malkoske, vice-président, Technologies stratégiques et logistique globale, de MDS Nordion.
Nous aurons des périodes de cinq à sept minutes pour les exposés de chaque groupe, puis nous passerons directement à la période de questions. Nous suivrons l'ordre que nous avons à l'ordre du jour, en commençant par M. Christopher O'Brien, ancien président de la Société canadienne de médecine nucléaire.
Allez-y monsieur, vous disposez de cinq à sept minutes.
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Bonjour. Merci de m'avoir invité. C'est un plaisir pour moi que d'être ici.
Je suis Christopher O'Brien. Je viens de quitter la présidence de la Société canadienne de médecine nucléaire et je suis président de la Ontario Association of Nuclear Medicine. Comme je suis également directeur médical de trois hôpitaux communautaires de l'Ontario, j'apporte un point de vue sur ce qui s'est produit dans le milieu des hôpitaux communautaires en Ontario.
Les spécialistes de la médecine nucléaire suivent un programme de formation en résidence de cinq ans. Une bonne partie de ce programme de formation porte sur la sécurité radiologique et traite de notions sur la façon de protéger nos patients, de protéger nos travailleurs dans un contexte de médecine nucléaire et de protéger le public contre des rejets inopinés de rayonnement dans nos laboratoires. Nous recevons donc une formation importante. Plusieurs de nos médecins sont des agents de radioprotection en milieu hospitalier.
Nous sommes très familiers avec la notion ALARA, qui veut dire « niveau le plus faible qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre ». Il s'agit de la politique de radioprotection que nous suivons pour nous assurer que les soins donnés aux patients ne sont pas compromis par suite de l'utilisation par inadvertance de rayonnements et du concept raisonnabilité dans la philosophie sous-jacente que nous suivons.
Ce que nous voyons en milieu hospitalier communautaire diffère sensiblement de ce que vous verriez dans le centre-ville de Vancouver, de Toronto, de Hamilton, etc. Nous n'avons pas les ressources de ces plus grands centres et la médecine nucléaire y joue un rôle important dans la gestion des patients en milieu rural.
À titre de directeur médical de trois hôpitaux, j'ai été très affecté par la pénurie d'isotopes. Nous en avons entendu parler pour la première fois le 27 novembre et nous avons cherché à réunir des renseignements sur la façon dont cela pouvait affecter nos patients. Dès le 5 décembre, notre collectivité de la médecine nucléaire publiait sa première lettre de préoccupation sous forme de communiqué indiquant que plusieurs de nos hôpitaux en milieu communautaire étaient obligés de limiter l'accès aux soins de santé.
Au jour le jour, nous ne savions pas combien de patients nous pourrions traiter ni comment nous pourrions les aider. Au départ, nous avons été en mesure de maintenir nos services d'urgence, mais au fur et à mesure où progressait la crise — et il s'agissait bien d'une crise en milieu rural...
Je vous l'accorde, les répercussions ont été variables à l'échelle du Canada, certains centres étant moins affectés que d'autres, mais les collectivités rurales, là où je travaille — le Pembroke Regional Hospital, le Stratford General Hospital et le Brantford General Hospital — en ont été grandement affectés. Deux des hôpitaux où je travaille ont dû fermer pendant quelques jours faute d'isotopes disponibles.
Vers la fin de la crise, mon propre hôpital avait du mal à maintenir les services d'urgence et à la toute fin, il a été impossible de faire une intervention d'urgence sur deux de mes patients. Il était question de caillots sanguins sur les poumons, problème qui se traduit par un taux de mortalité important et élevé s'il n'est pas diagnostiqué de manière appropriée.
Ces personnes n'ont pu subir de tomodensitogramme parce qu'elles avaient des allergies à la substance de contraste et qu'elles présentaient des défaillances rénales. Quant à savoir si ces patients ont été exposés à des risques accrus, je répondrais oui. Est-ce que ces patients auraient pu mourir parce qu'ils n'ont pas pu recevoir les soins appropriés? Oui, tout à fait.
Il s'agissait d'une crise. Il s'agissait d'une situation au cours de laquelle vous évoluez dans les tranchées avec des technologues, du personnel de bureau, des infirmières et des médecins qui tentaient de composer tant bien que mal avec une situation très difficile afin de déterminer qui devait obtenir quel traitement et comment nous pourrions l'administrer.
Nous avons des patients qui dépendent de nous pour l'évaluation de leur coeur. S'ils sont en chimiothérapie, le service nous enverra fréquemment des réquisitions nous demandant d'intervenir de toute urgence. Nous devons savoir quel est l'état de fonctionnement du coeur afin de déterminer si le patient peut subir une chimiothérapie.
Nous avons reçu des demandes similaires de la part de chirurgiens orthopédistes qui nous disent devoir admettre un patient pour une chirurgie. Dans ces cas, nous devons savoir quel est l'état du coeur du patient. Il y avait des patients souffrant de cancer du poumon, de cancer du sein, de cancer de la prostate. Quand il s'agissait de déterminer le meilleur traitement approprié pour eux, nous étions incapables d'aborder la tâche en temps opportun. Nous nous sommes retrouvés dans une situation de crise.
Nous nous sommes retrouvés au bord du désastre, juste avant que le réacteur ne soit remis en marche. C'est à ce moment que dans mon propre hôpital, le Brantford General, nous avions deux patients dont nous n'étions pas capables de prendre soin de manière appropriée. Cela était très frustrant pour les patients et très frustrant pour le personnel de la salle d'urgence.
Ce sont des gens qui se présentent à la salle d'urgence; il ne s'agit pas de cas non urgents. Ces gens se présentent avec des douleurs aiguës à la poitrine. La possibilité qu'il s'agisse d'une crise cardiaque ou d'une embolie pulmonaire fait l'objet de nombreuses discussions. Il s'agit donc de situations critiques qui doivent être abordées de manière appropriée.
Que s'est-il produit? Nos médecins ont dû décider comment traiter ces personnes sans vraiment savoir ce qu'était le véritable problème. En tant que médecin, notre serment d'Hippocrate est de ne causer aucun tort comme vous le savez. Pour y parvenir, nous devons savoir exactement ce qui se passe chez le patient, afin de pouvoir lui offrir un traitement approprié. Nous nous sommes retrouvés dans la situation très inconfortable où nous risquions de causer plus de tort à nos patients en les traitant, parce que les traitements que nous appliquons ne sont pas sans risque. Quand vous voulez commencer à traiter ces personnes, il vous faut une bonne compréhension de ce que vous faites.
Heureusement, aucun patient n'est décédé, mais plusieurs se sont retrouvés dans des situations à risque plus élevé. S'ils avaient été traités de manière non appropriée, ces patients auraient pu décéder de complications découlant du traitement lui-même.
Je vous l'accorde, le milieu hospitalier communautaire varie à l'échelle du Canada. Dans l'Ouest, à Vancouver et en Alberta, les conséquences ont été moindres. Les provinces qui ont été les plus touchées sont l'Ontario, le Québec et les Maritimes. Pour avoir parlé à des collègues de Sudbury, je sais qu'à un certain moment ils en étaient à 25 p. 100 de leur capacité de traitement. À mon propre hôpital, le Brantford General, nous avions une capacité réduite de 25 p. 100. L'hôpital Stratford General avait des capacités réduites de 35 p. 100 et l'hôpital à Pembroke, d'environ 40 p. 100. Les répercussions ont été importantes selon mes collègues de Sydney, en Nouvelle-Écosse. Les exemples que je vous donne sont tirés du milieu rural, d'hôpitaux en milieu communautaire.
Nous étions très heureux que le réacteur revienne en service selon une procédure sécuritaire. Nous comprenons qu'il s'agit d'une remise en marche sécuritaire du réacteur et que, depuis, les isotopes sont de nouveaux disponibles. Nous en sommes maintenant à pleine capacité et les patients sont traités de manière appropriée.
Merci.
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Merci, monsieur le président et membres du comité. Je suis heureux d'être ici.
Je me limiterai à une brève description de mon point de vue en ce qui a trait à la gestion de risque dans l'intérêt public. Puis, je vous parlerai de la façon dont cela se rapporte aux questions de sûreté nucléaire et aux questions qui concernent Chalk River. En dernier lieu, je vous ferai certaines suggestions particulières concernant la gouvernance de la sûreté nucléaire et des améliorations futures.
La gestion de risque dans l'intérêt public devrait être guidée par une évaluation équilibrée des avantages et des inconvénients. J'ai consacré environ 20 années de travail à cette question avec l'aide de professionnels, de spécialistes et de collègues de l'Université de Waterloo.
Nous avons tenté de promouvoir une base rationnelle pour la gestion de risque dans la société, particulièrement les risques reliés à la santé et à la sécurité des personnes et à l'environnement. Il s'agit d'un aspect difficile de la préparation de politiques publiques. Il y a eu manque de planification parce que les images de défaillance catastrophique intéressent les médias et le public. Cela contribue à déformer les perceptions et alimente la controverse publique. Les décisions sont donc largement influencées par des rapports sensationnels et les points de vue équilibrés ont tendance à s'effacer.
Le grand défi d'une approche rationnelle à la gestion du risque est d'aborder simultanément les besoins de publics divers ayant des valeurs diverses dans toutes les couches de notre société.
Dans ce contexte, mes collègues et moi avons restreint l'essentiel du problème à deux propositions clés.
Premièrement, les risques auxquels nous sommes tous exposés doivent être gérés afin d'en maximiser les avantages nets complets pour la société. Cette exigence constitue un guide suffisant et efficace pour appuyer les efforts de rationalisation visant à réduire le risque et à améliorer la santé et la sécurité.
Deuxièmement, les décisions prises dans l'intérêt public doivent être prises ouvertement et s'appliquer à l'ensemble des risques pour la vie et la santé dans le contexte d'une réglementation publique.
Plus simplement, toutes les décisions doivent être prises en tenant compte des avantages et des inconvénients. Après une évaluation complète, les retombées nettes pour la société devraient être positives en ce qui a trait au nombre de vies épargnées ou de vies prolongées. Cela s'applique tout autant à la sûreté nucléaire qu'à tout autre aspect de nos vies, où la sécurité est importante.
J'aborde maintenant la situation de Chalk River. Le réacteur NRU de Chalk River n'a jamais posé et ne pose pas de risque important du point de vue de la sûreté nucléaire. Une importante défaillance dans les communications entre la CCSN et EACL, le manque de clarté dans le processus d'attribution de permis et le manque de souplesse de la part de l'organisme de réglementation ont tous contribué à la création d'une crise inutile.
L'intervention rapide du Parlement a permis d'éviter des torts imminents à des patients et au bien-être des Canadiens. Je suis fier de la façon dont le Parlement a traité le problème. Essentiellement, le Parlement a décidé rapidement et de manière efficace quel était l'avantage net pour le Canada en ordonnant la remise en marche du réacteur, en dissipant les préoccupations concernant un très faible risque lié au fonctionnement du réacteur sans les deux pompes de réserve.
À mon sens, il y a eu manque de jugement flagrant de la part de la CCSN, l'organisme spécialisé. Il n'a pas fourni d'évaluation claire, complète et compréhensible du risque essentiel. Plutôt, l'organisme de réglementation a choisi de se cacher derrière un ensemble indéchiffrable de conditions de permis.
On a soutenu que le rôle de la CCSN se limite à l'examen de la sûreté et ne consiste pas à trouver d'équilibre entre les risques et les avantages. Je suis en désaccord avec une telle formulation parce qu'elle ne fournit pas d'évaluation réfléchie ou significative de la situation et, comme les actions du Parlement l'ont montré, l'organisme ne réussit pas l'épreuve décisive de raisonnabilité.
Plusieurs passages de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires prévoient des mécanismes pour que le jugement raisonnable et réfléchi soit à l'avant-plan. Je vous citerai les références aux articles de la loi afin que vous en preniez note sans pour autant vous donner lecture du texte, par souci d'économie de temps.
Les articles particuliers de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires sont les suivants: alinéa 3a), but de la loi, avec une insistance sur le mot « acceptable »; article 8, mission de la loi, avec insistance sur les mots « afin que le niveau de risque demeure acceptable »; et article 4 du Règlement sur la radioprotection, qui, dans une langue claire, vise à maintenir le degré d'exposition au rayonnement « au niveau le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre, compte tenu des facteurs économiques et sociaux ».
En plus de la loi, la politique d'application de la réglementation P-242 prévoit l'examen des coûts et des avantages lors de la prise de décisions.
Plutôt que d'être accusé d'avoir lu ces documents de manière sommaire, j'en viens simplement à la conclusion que la loi offre suffisamment de latitude et que si la CCSN avait choisi de l'interpréter de manière utile, elle aurait pu en venir à une conclusion différente et n'aurait pas eu à forcer le gouvernement et le Parlement à intervenir pour gérer la situation de crise. Il y a eu une lacune importante en matière de jugement et de devoir.
Le risque à Chalk River est faible. La commissaire Linda Keen a mentionné à votre comité l'existence d'une norme internationale qui exige que la fréquence des défaillances du combustible dans un réacteur nucléaire soit d'une sur un million. Une telle norme n'existe pas.
De plus, elle a indiqué que la probabilité d'un tel événement au réacteur de Chalk River est d'une sur mille. Cela signifie que le réacteur de Chalk River affiche un facteur de mille. Cela est tout à fait faux et incorrect. Il ne s'agit que d'une déclaration de fréquence de séisme et ne tient pas compte des dispositions de sécurité qui sont en place, ce qui, par le fait même déforme la représentation du risque.
Aucune conclusion significative ne peut être tirée d'une telle affirmation. Le fait de choisir de manière arbitraire une partie de l'équation de risque et de la comparer à une norme qui n'existe pas ou qui n'est pas applicable dans cette situation n'aide certainement pas.
Malheureusement, l'affirmation a créé une exposition internationale négative inutile pour le Canada. Je trouve la situation troublante et je suis sûr que la plupart des Canadiens la trouvent insatisfaisante.
Permettez-moi de revenir à mon dernier point. Que pouvons-nous tirer de cette expérience? J'ai sept suggestions à formuler pour améliorer la gouvernance en matière nucléaire.
La première suggestion est de modifier la Loi sur la sécurité et la réglementation nucléaires afin que lors du processus de prise de décisions la CCN tienne compte des coûts, des avantages et des risques associés à la décision et s'assure que la décision est conforme à une détermination des avantages nets pour le Canada. Une telle modification est également entièrement compatible avec la directive du Cabinet sur la simplification de la réglementation, directive émise en 2007.
Deuxièmement, il faudrait un règlement particulier pour mettre en oeuvre ce changement clé. Il aiderait le personnel et les titulaires de permis de la CCSN, et il contribuerait également à établir un processus d'évaluation riche qui tienne véritablement compte du désir de servir l'intérêt public. Il faudrait, en outre, en arriver à une pondération pleine et entière des avantages et des risques qui reflète bien les connaissances et l'information au sujet du problème en cause.
Troisièmement, il faudrait améliorer la clarté concernant ce qui n'est pas une exigence de permis pour régler les lacunes du processus de réglementation.
Quatrièmement, il faut réduire le risque d'un exercice d'autorité arbitraire en matière de réglementation en mettant l'accent sur la transparence du processus de prise de décisions. Cela s'impose pour promouvoir un meilleur dialogue entre le personnel de la commission et les titulaires de permis.
Cinquièmement, il faut établir une distinction entre la fonction de président, de chef du personnel et de président de la commission, pour éviter tout conflit entre les divers rôles.
Sixièmement, il faut établir un processus de médiation pour contribuer à résoudre les problèmes en cas d'impasse.
Septièmement, il faut améliorer l'efficacité et la prévisibilité du processus d'établissement de la sûreté nucléaire et d'attribution de permis. Cela est essentiel si le Canada veut établir des conditions appropriées pour le développement de la technologie nucléaire et s'il tient à respecter les enjeux en matière de changement climatique et à contribuer à la réduction des gaz à effet de serre dans l'ensemble de son économie.
En terminant, je crains que la réputation du Canada en tant que pays ayant un organisme de réglementation du nucléaire fort et crédible n'ait été atteinte à la suite de ce malheureux incident. Selon moi, les Canadiens s'attendent à ce que le Parlement se retire des petits problèmes de politique et contribue à rétablir la confiance, la crédibilité que nous avons face à notre système de réglementation du nucléaire.
Je vous remercie de votre patience. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour. Je suis Grant Malkoske, vice-président, Technologies stratégiques et logistique globale chez MDS Nordion. Je suis accompagné de M. David McInnes, vice-président, Relations internationales. Nous aimerions vous remercier de l'invitation que vous nous avez transmise de témoigner devant votre comité sur cette question très importante.
D'entrée de jeu, j'aimerais vous dire que nous avons été incapables, malheureusement, de faire traduire nos observations en français en raison du très court préavis de comparution qui nous a été communiqué.
MDS Nordion est une compagnie de sciences de la vie établie à Ottawa et qui compte plus de 700 employés dans des installations à Laval, Québec, Vancouver et en Belgique. En tant que fournisseur de pointe d'isotopes à des fins médicales, nous apprécions cette opportunité de vous donner notre point de vue sur la pénurie d'isotopes survenue en 2007.
Cet incident a eu des conséquences importantes sur la production d'isotopes à des fins médicales et sur notre capacité de fournir des radio-isotopes à la collectivité de la médecine nucléaire. À cause de cela, cette collectivité n'a pu fournir de services aux hôpitaux, aux médecins et aux patients. Cet incident a grandement nui à la réputation mondiale du Canada en tant que fournisseur de la communauté de la médecine nucléaire du monde et de notre pays.
Il importe de comprendre qu'il y a une série de mesures dans la chaîne d'approvisionnement d'isotopes à des fins médicales avant que les patients ne soient traités dans les hôpitaux. Ces mesures supposent un réacteur, un transformateur, un fabricant de produits radiopharmaceutiques et un hôpital ou une radiopharmacie.
Le réacteur NRU d'EACL est notre principale source d'isotopes à des fins médicales. MDS Nordion transforme ces isotopes dans ses installations d'Ottawa. Il importe de noter que MDS Nordion n'est pas le fournisseur direct des hôpitaux. Nous distribuons les isotopes à des fins médicales à nos clients, aux compagnies de produits radiopharmaceutiques, qui sont à l'extérieur du Canada. Nos clients fabriquent les produits radiopharmaceutiques et les distribuent aux hôpitaux et aux radiopharmacies au Canada et partout dans le monde. Il y a deux compagnies américaines qui font partie de notre clientèle et qui fournissent tous les produits radiopharmaceutiques du Canada.
Chaque jour, les isotopes à des fins médicales produits par le NRU et MDS Nordion permettent d'administrer quelque 5 000 tests de diagnostic en médecine nucléaire et en traitement des cancers au Canada seulement. En outre, les isotopes produits au Canada à des fins médicales servent à approvisionner plus de 50 p. 100 des besoins mondiaux en isotopes, ce qui permet de poser quelque 60 000 actes médicaux par jour.
Un aspect important de cette situation d'approvisionnement est la capacité de production mondiale. Le réacteur NRU est le réacteur le plus fiable au monde pour la production d'isotopes à des fins médicales. La fiabilité de l'approvisionnement dépasse 97 p. 100. Il n'y a que trois autres sources d'approvisionnement en cas de pénurie: en Afrique du Sud, en Belgique et dans les Pays-Bas. Si un des autres réacteurs était mis en état d'arrêt, la production du NRU pourrait être rapidement augmentée afin de répondre à 100 p. 100 de la demande supplémentaire. Toutefois, l'inverse n'est pas vrai comme nous avons pu le constater en novembre et en décembre.
Si le NRU est en état d'arrêt pendant plus de sept jours, aucun autre réacteur étranger ni aucune combinaison de réacteurs étrangers ne peut répondre pleinement au manque à produire du NRU. Même si les autres réacteurs du monde augmentaient leur capacité, il y aurait tout de même une pénurie d'isotopes d'environ 35 p. 100 à l'échelle mondiale. La pénurie se serait prolongée si le réacteur NRU était demeuré hors service.
Dans la soirée du 21 novembre dernier, nous avons appris que le réacteur NRU ne serait pas remis en marche après l'arrêt prévu. À ce moment-là, nous ne savions pas vraiment quand le réacteur pourrait reprendre la production d'isotopes. Il importe de comprendre que les renseignements qui nous étaient communiqués faisaient partie des options de solutions et des calendriers de redémarrage.
Malgré cela, nous avons immédiatement amorcé le protocole d'urgence pour des situations semblables. Avec des stocks de deux jours seulement, nous avons immédiatement avisé nos clients affectés, les fabricants de produits radiopharmaceutiques. Nous avons maintenu un lien de communication étroit avec eux tout au long de la période d'arrêt du réacteur.
Le matin du 22 novembre, lors d'une réunion avec EACL, nous avons été informés de la durée potentielle de l'arrêt du réacteur NRU. Nous avons avisé EACL que cet arrêt entraînerait une pénurie à l'échelle mondiale de l'ordre de 30 p. 100.
Dans l'après-midi du 22 novembre, nous avons assisté à une réunion prévue organisée par EACL avec Ressources naturelles Canada. À cette occasion, nous avons réitéré les répercussions estimatives de cet arrêt sur l'approvisionnement mondial.
Le 23 novembre, nous avons communiqué avec d'autres fournisseurs en Afrique du Sud, en Belgique et aux Pays-Bas pour tenter d'obtenir un approvisionnement d'urgence. Tout au long de la durée de l'arrêt du réacteur, nous avons été en contact quotidien avec ces autres fournisseurs d'isotopes.
Nous avons aussi pris d'autres mesures pour tenter de faciliter l'approvisionnement en isotopes. Nous avons obtenu de la U.S. Food and Drug Administration l'approbation de combiner tous les stocks de réserve, dans toute proportion possible. Nous avons communiqué avec l'organisme de réglementation nucléaire de Belgique pour valider la situation de pénurie et obtenir une dispense spéciale pour augmenter la capacité de traitement dans les installations belges; et nous avons expédié des conteneurs autorisés à nos fournisseurs dans le monde pour faciliter l'acheminement immédiat au Canada de tout matériel qui pourrait être disponible.
Malgré des tentatives répétées d'obtenir des stocks de réserve, nous n'avons obtenu qu'une quantité minimale d'isotopes de l'étranger, c'est-à-dire environ 20 p. 100 de nos besoins.
Tous les stocks de réserve reçus par MDS Nordion avant l'adoption du projet de loi , le 12 décembre, venaient d'Afrique du Sud. Nous n'avons rien pu obtenir d'Europe.
Nous estimons avoir agi rapidement et avoir fait preuve de diligence pour aborder la pénurie d'isotopes à des fins médicales découlant de l'arrêt du réacteur. Toutefois, il n'y a pas de source d'approvisionnement de réserve qui puisse répondre à une pénurie mondiale découlant d'un arrêt prolongé du réacteur NRU. De toute évidence, il est impératif que le gouvernement, l'industrie et le milieu de la médecine nucléaire se concertent pour trouver une solution à long terme à l'approvisionnement fiable en isotopes produits au Canada.
Je vous remercie de m'avoir fourni l'opportunité de m'exprimer sur cette question. Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins de nous aider à aller au fond des choses pour savoir ce qui s'est produit. Il est très important que nous puissions formuler des idées pour éviter ce genre de chose.
Plusieurs témoins nous ont livré des témoignages contradictoires, mais il y a un fil commun qui se dégage de tous ces témoignages: il y a eu rupture du lien de communication à un moment donné. C'est ce sur quoi je voudrais m'attarder aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. O'Brien. Je tiens à vous remercier de votre exposé et vous dire qu'en bout de ligne, nous n'avons aucun doute qu'il y a bel et bien eu crise et que cette situation était bien inutile.
J'en reviens à une de vos observations livrées en entrevue le 6 décembre. Vous disiez alors que vous tentiez de gérer un problème et que vous éprouviez des difficultés: « La semaine a été éprouvante et la semaine prochaine pourrait être catastrophique ». Dans la phrase suivante, vous dites « Tout cela est très frustrant parce qu'il y a eu rupture du lien de communication entre le gouvernement fédéral et le milieu médical, et nous avons de la difficulté, même sur une base quotidienne, à déterminer ce que nous pouvons faire ». Ainsi, vous semblez reconnaître qu'il y a eu rupture des communications.
Cela étant dit, j'en reviens au déroulement des événements. Le 22 novembre, un courriel a été envoyé aux responsables de Ressources naturelles Canada et à un fonctionnaire du Cabinet du ministre des Ressources naturelles. Ce document nous a été fourni par , qui nous a dit dans son témoignage: « [...] pour vous aviser que l'arrêt prévu pour l'entretien du réacteur sera prolongé. » Nous avons donc ce document qui est daté du 22 novembre.
Puis, cinq jours plus tard, vous avez été informé par vos fournisseurs qu'il y avait un problème mais qu'il n'était pas catastrophique. Puis, huit jours plus tard, il y a une lettre de préoccupation...
Est-ce une lettre que vous avez envoyée? Je vous pose la question pour me rafraîchir la mémoire.
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Je confirme que j'ai participé à ces travaux. À l'époque je travaillais avec les services publics, je présidais le groupe, et j'étais tout à fait conscient de toutes les modifications apportées au Règlement sur le contrôle de l'énergie atomique et aussi des changements qui ont été apportés et qui ont débouché sur la création de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Je suis donc très au courant des tenants et aboutissants. Il y avait même le désir de commencer à élargir, si vous voulez, les notions de risques et d'avantages et de trouver la façon de gérer tout cela d'une manière qui donne une image plus complète.
Lors des discussions qui ont eu lieu à cette époque, la commission, ou la CCEA, ne voulait pas que cela fasse partie de la loi, mais proposait plutôt d'élaborer une politique qui permettrait d'atteindre l'effet désiré, c'est-à-dire de parvenir à trouver un équilibre raisonnable pour toutes les questions en cause. Par conséquent, la politique deux pour deux qui avait été rédigée faisait partie de cette négociation. La commission devait rédiger une politique pour assujettir ses décisions à la considération des coûts et des avantages.
Je ne suis plus aussi près que je l'étais de cette question. Je crois comprendre que l'on n'y a pas accordé une grande crédibilité. La question n'a pas été examinée avec la rigueur et l'exhaustivité que j'aurais souhaitées, d'où l'idée que cette situation malheureuse nous a probablement enseigné quelque chose. S'il un élément était incorporé à la loi pour obliger la commission à faire une telle détermination, il serait beaucoup plus facile de réfléchir clairement à la façon de prendre des décisions complexes, à la façon de faire face à l'incertitude, à la façon d'examiner les deux côtés d'une équation concernant le risque, et ainsi de suite. En bout de ligne vous en arriveriez à la décision que le Parlement a dû prendre à la hâte. Cela me surprend, d'ailleurs. Sans faire de calcul, le Parlement y est arrivé alors que la commission n'a pu le faire, parce que, disait-elle, il s'agissait d'une condition de permis.
C'est la raison pour laquelle je propose quelque chose à cet effet, quelque chose que l'on pourrait incorporer à la loi avec l'espoir que cela établirait un processus plus approfondi, plus mûr, plus raisonnable et plus solide.
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite que l'on prenne note du fait que ma collègue vous a demandé de donner les noms des hauts fonctionnaires avec qui vous avez eu des contacts le 21 novembre, quand vous avez été avertis, et le 22 novembre, quand vous avez eu une réunion. J'aimerais que vous transmettiez cela au comité.
Ce qui nous intéresse, ce sont les isotopes qui pouvaient sauver les gens qui en avaient besoin au Canada, et non pas votre marché qui correspond à 50 p. 10 du marché mondial. Nous parlons du Canada. Vous revenez toujours sur le fait qu'ailleurs, on ne pouvait pas produire la quantité que vous vendez. Nous ne mettons pas cela en cause. Nous nous interrogeons à savoir s'il était possible de commander ailleurs les isotopes nécessaires au Canada.
Le 10 décembre dernier, une conférence téléphonique a été organisée. Ce fut la première et la dernière, la seule conférence téléphonique qui s'est tenue entre le gouvernement canadien, donc le ministère des Ressources naturelles, et les producteurs d'isotopes européens. M. Bernard Ponsard est le physicien responsable de la production d'isotopes au réacteur BR-2. À la suite de cet appel, il a dit textuellement: « Les radioisotopes produits par le réacteur BR-2 peuvent alimenter le marché canadien. » Il a également déclaré: « Les autorités canadiennes ont dit à ce moment que la crise serait très courte et qu'il n'y aurait pas de manque à long terme. » En effet, le lendemain de l'appel, le 11 décembre, le gouvernement a déposé une loi d'urgence obligeant la remise en fonction du réacteur.
Je voulais simplement vous rappeler que le réacteur belge était, au moment de la crise canadienne, en arrêt de routine. Il aurait suffi de le reprogrammer pour augmenter sa production à compter du 18 décembre. La loi d'urgence conservatrice n'a fait gagner que deux jours sur cet échéancier, puisque Chalk River a redémarré le 16 décembre.
Étiez-vous au courant du fait que la Belgique et la Hollande pouvaient combler les besoins du Canada?
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Merci, monsieur le député.
Permettez-moi d'aborder la question des isotopes au Canada, qui est votre sujet de préoccupation, puis j'aborderai votre demande de report, si vous le voulez bien.
Premièrement et comme je l'ai mentionné, il faut reconnaître que les isotopes sont produits dans un réacteur mais qu'ils ne vont pas directement aux patients. Ils suivent une chaîne de production: ils passent par un fabricant de radiopharmaceutiques avant d'être administrés aux patients. Peu importe que les isotopes viennent du réacteur NRU du Canada, du réacteur BR2 de Belgique, du réacteur Osiris de France ou du réacteur Petten des Pays-Bas, c'est toujours le même processus.
Je tiens également à vous informer que nous avons été en contact constant avec l'IRE en Belgique, l'exploitant de l'installation Mol à BR2. De fait, notre président leur a adressé une lettre le 30 novembre pour les implorer de fournir des produits au Canada. Comme je l'ai dit dans mon témoignage, malgré des discussions constantes avec eux et malgré que nous les ayons implorés avec beaucoup d'insistance, nous n'avons rien reçu avant le 14 décembre, c'est-à-dire deux jours après l'adoption de la loi.
J'aimerais également aborder ce que vous avez dit au sujet du redémarrage du réacteur NRU. Le réacteur se trouvait en était d'arrêt prévu pour un entretien quand nous avons été informés de la situation le 21 novembre. C'est à moment-là, ou à peu près, que le réacteur NRU aurait dû être remis en marche, après l'arrêt prévu d'entretien. Nous étions en pénurie d'isotopes, situation qui a commencé aux environ du 21 novembre, et cela a duré jusqu'à ce que le Parlement décide de réactiver le réacteur, soit une période de trois semaines.
Je ne sais pas ce que M. Ponsard a pu vous dire, ce que M. Ponsard a laissé entendre, mais je sais que M. Ponsard est une des personnes avec lesquelles nous avons échangé pour tenter d'obtenir des isotopes de la Belgique.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à préciser certaines choses pour le bénéfice de M. Alghabra, qui semble confondre certaines choses.
Le déroulement des événements qui vous a été communiqué aujourd'hui est exactement le même que celui qui a été communiqué par le ministre. Dans le témoignage qu'il vous a livré, il parle du 18 novembre comme étant la date d'arrêt du réacteur et du 22 novembre comme étant la date à laquelle EACL a envoyé un bref courriel envoyé à son haut fonctionnaire. Ce jour-là, EACL, MDS Nordion et un haut fonctionnaire de Ressources naturelles Canada se sont rencontrés à l'occasion d'une réunion de travail régulière. Je suppose qu'il s'agit là de la réunion à laquelle vous faisiez allusion ce matin.
Il parle d'un courriel qu'il aurait reçu le jeudi 29 novembre et d'un courriel reçu d'EACL le 30 novembre concernant les répercussions de ce qui est décrit comme un arrêt temporaire de l'approvisionnement d'isotopes à des fins médicales. Dans ce courriel, EACL précise son intention de redémarrer le NRU au plus tard au début de décembre.
Tout cela est conforme à ce qui a été entendu aujourd'hui. Je vous ai entendu dire, monsieur Malkoske, que même le 30 novembre personne ne savait vraiment à quel moment le NRU serait remis en marche.
Je suis encouragé par le fait que tout le monde parle de la même chose et que manifestement, les renseignements ont été donnés aux gens assez tôt, et qu'ils peuvent s'y fier.
J'aimerais poser quelques questions. Est-il exact de dire qu'il y a eu un arrêt prolongé en 2006 — un arrêt de dix jours qui s'est prolongé au-delà de la durée d'un arrêt normal?
Si vous cherchez bien, vous verrez que cela s'est bien produit. Il n'y a pas eu de situation d'urgence. Chacun a réagi comme il le fallait et les choses sont allées rondement. Est-ce exact?
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Merci, monsieur le président.
Messieurs Malkoske, McInnes et O'Brien, je ne peux pas dire, en tant que députée et citoyenne, que vos témoignages m'ont rassurée sur la gestion de la crise, que ce soit sur le plan organisationnel ou sur celui de la communication entre les autorités concernées et la communauté médicale. Ce qu'on a entendu aujourd'hui est assez effrayant. En effet, malgré que nous soyons dépendants à ce point des réacteurs, très peu de prévisions et de plans de communication se font.
Ma question s'adresse aux gestionnaires de MDS Nordion.
Bien des questions sont posées, dans les médias, au sujet du réacteur MAPLE. On parle de grosses difficultés en perspective. Certains affirment même qu'il ne verra jamais le jour. Le fait est que le réacteur de Chalk River a 52 ans. Même si des mises à niveau ont été faites, il reste qu'il est vieux et qu'on va devoir le remplacer. Or, compte tenu de ce qui est disponible, son remplacement est loin d'être assuré.
Notre dépendance envers ce réacteur est maintenant plus que confirmée. Que va-t-il se passer si le réacteur subit un bris prolongé et que le réacteur MAPLE n'est pas prêt? Arriverez-vous à compenser la pénurie aussi efficacement que lors de la dernière crise? C'est très inquiétant pour les Québécois et les Canadiens.