Nous sommes réunis aujourd'hui afin de poursuivre notre étude des possibilités uniques et des défis qui existent pour l'industrie forestière. Nous avons eu une première rencontre avec le sous-ministre mardi et aujourd'hui nous accueillons quatre témoins.
Nous accueillons M. Avrim Lazar, président et chef de la direction, de même que M. Tom Rosser, économiste en chef, de l'Association des produits forestiers du Canada; M. Michel Vincent, directeur, économie, marchés et commerce international, du Conseil de l'industrie forestière du Québec; et M. Hughes Simon, vice-président, Produits du bois à valeur ajoutée, d'AbitibiBowater Inc.
Je vous souhaite à tous la bienvenue et je vous remercie d'être parmi nous. Nous avons grand hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire relativement à cette étude.
Nous entendrons vos exposés — je suppose que chaque groupe en a un — et nous procéderons selon ce qui est indiqué dans l'ordre du jour.
Nous entendrons d'abord M. Avrim Lazar, président et chef de la direction de l'Association des produits forestiers du Canada. Allez-y, je vous en prie.
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Non, il n'est pas fait de pâte de bois. Mais le beurre, bien entendu, vient de troupeaux laitiers canadiens. Par conséquent, si cela ne contribue pas à votre santé, cela vous rendra plus patriotiques.
Mesdames et messieurs, il y a plusieurs choses que la plupart des gens connaissent au sujet de l'industrie forestière. La plupart des gens savent quelle est l'importance de cette industrie pour le Canada. Elle est source de 300 000 emplois directs et de 600 000 emplois indirects. C'est plus que le secteur de l'automobile et plus encore que le secteur du pétrole et du gaz. Nous sommes le plus gros employeur industriel au Canada.
La plupart des gens savent que plusieurs de ces emplois sont en milieu rural, où il est difficile de trouver un emploi, et la plupart savent également qu'il s'agit d'emplois dans la haute technologie qui sont assortis d'une rémunération 50 p. 100 supérieure à celle des salaires moyens au Canada. Ce sont de bons emplois. Plusieurs personnes savent également que nous sommes le plus gros employeur industriel d'Autochtones au Canada. Il s'agit donc de bons emplois dans des régions où il est difficile de trouver un emploi et ces emplois aident des groupes qui en ont vraiment besoin.
La plupart des gens savent également que nous sommes en difficulté. La taxe à l'exportation de résineux et les quotas, la diminution structurelle de la demande de papier journal et de papier, le dendroctone du pin et surtout l'augmentation sans précédent de la valeur de la devise canadienne font en sorte que nous avons beaucoup de difficulté à restructurer notre secteur, un secteur qui perd beaucoup d'emplois, qui connaît des fermetures d'usines et qui éprouve des difficultés considérables dans plusieurs collectivités du Canada.
Mais la plupart des gens ne savent pas que l'avenir est très prometteur pour l'industrie des produits forestiers du Canada. La plupart des gens ne savent pas que la demande mondiale de papier croît dans une proportion égale à toute la production annuelle du Canada. Ils ne savent pas non plus qu'au fur et à mesure que les populations d'Asie et d'Amérique du Sud abandonnent l'agriculture de subsistance pour joindre les rangs de la classe moyenne, leur demande de papier et de bois s'accroît d'année en année et que la demande nord-américaine de sciages se replacera. La plupart des gens ne savent pas que nos concurrents n'ont aucune façon de s'assurer qu'ils profiteront de cette demande accrue, qu'ils pourront s'approprier du marché mondial en croissance.
La Russie aimerait s'approprier ce marché, mais elle éprouve des problèmes d'infrastructure, de gangstérisme et de coupe de bois illégale. L'Europe aimerait également profiter de ce marché en croissance, mais elle éprouve de graves problèmes d'accroissement des coûts de structure, puisque les coûts de l'énergie et de la fibre en Europe ont augmenté à une vitesse fulgurante et que l'Europe a du mal à demeurer concurrentielle à ce chapitre. Le Brésil aimerait également participer à ce marché, mais le pays éprouve des problèmes avec l'utilisation des terres, surtout de la part de paysans sans terre qui cherchent à profiter de terres boisées, et aussi des problèmes d'exploitation forestière illégale et de stabilité économique.
Je pourrais faire le tour du monde et vous dire que plusieurs personnes aimeraient participer à ce marché. Personne ne le possède. Et le Canada a une place unique pour prospérer dans ce marché mondial de l'expansion de la demande parce que nous avons trois éléments que personne ne peut remplacer: nous avons les terres pour y faire pousser des arbres, nous avons l'eau et nous avons l'énergie. Nous avons une tradition de savoir-faire et d'entrepreneurship qui a fait de nous une des nations exportatrices de produits forestiers qui connaît le meilleur taux de succès au monde. Et nous avons une feuille de route en matière d'environnement qui fait l'envie de tous.
Le monde prend progressivement conscience du changement climatique, des menaces à l'environnement et de la déforestation. Par contre, l'industrie forestière du Canada ne connaît pas la déforestation. De plus, nous avons appliqué dans nos usines des mesures sept fois plus élevées que les exigences du protocole de Kyoto et nous nous sommes engagés à atteindre la neutralité en matière d'émissions de carbone d'ici 2015 et cela sans avoir acheté de crédits. En outre, toutes les activités des membres de l'APFC sont certifiées par une tierce partie en ce qui a trait à la viabilité, ce qui caractérise seulement 10 p. 100 des forêts du monde. Tout cela nous permettra de demeurer sur le marché de demain, alors que les ressources naturelles seront plus rares et que la qualité la plus prisée sera les références en matière environnementale.
Bien évidemment, nous traversons une période difficile, mais les marchés mondiaux sont en progression, la demande existe et nos concurrents ont leurs propres problèmes. Par conséquent, nous profiterons d'avantages uniques sur le marché que les autres concurrents n'auront pas.
Depuis un certain temps, notre compétitivité s'accroît très rapidement. L'industrie du bois du secteur de l'intérieur de la Colombie-Britannique est la plus productive au monde. Nous avons amélioré notre productivité plus que le reste du secteur manufacturier canadien et davantage que celui des États-Unis, et cela année après année. En matière de papier journal, le nombre d'usines qui se situent dans le quartile supérieur pour la compétitivité des prix a triplé ces dernières années. Nous nous structurons pour connaître du succès. Nous nous préparons pour le succès.
Entre-temps, nous traversons une période de transformation très difficile. Vous en êtes tout à fait conscients et plusieurs témoins vous le rappelleront. Mon intention première est de vous fournir une réponse aux questions suivantes: Quel est votre rôle? Que peut faire le gouvernement? Que peut faire le gouvernement fédéral? Quelle est la responsabilité des parlementaires pendant cette période de transformation difficile et douloureuse?
Nous aimerions suggérer au gouvernement fédéral de faire trois choses. Le premier élément s'inspire du code d'éthique de la médecine, c'est-à-dire « à tout le moins, ne causez pas de tort ». Nous vous recommandons donc de laisser la restructuration se faire, de laisser les fusions se matérialiser et de laisser l'industrie se structurer elle-même en prévision du succès.
Une des raisons qui explique qu'il y a eu un si grand nombre de fermetures d'usines en une si courte période est que les gouvernements — principalement le gouvernement provincial, mais il y a eu aussi des interventions fédérales — ont inhibé toute restructuration. La restructuration est terrible et douloureuse, mais elle est nécessaire pour avoir des emplois durables.
Malgré toutes les mises à pied, il y a toujours 300 000 emplois dans l'industrie et 600 000 autres emplois qui dépendent de l'industrie au Canada. Pour préserver ces emplois et pour bien répondre à la demande du marché, nous devons être autorisés à nous restructurer. N'intervenez pas et laissez les choses suivre leur cours. Il y aura quelques grandes compagnies, il y aura aussi quelques petites compagnies, mais c'est au marché de décider, et non au gouvernement.
Notre deuxième suggestion concernant le rôle du gouvernement est de créer un climat commercial qui attire les investissements au Canada et qui incite les gens à investir au Canada. Chaque jour quelque part dans le monde quelqu'un prend une décision d'investissement. Est-ce que je dois mettre les fonds que je réserve à l'industrie forestière dans une usine canadienne? Dois-je les investir en Georgie? Dois-je les investir en Uruguay? Dois-je les investir en Indonésie?
Chaque fois qu'une telle décision est prise, il y a soit création, soit perte d'emplois canadiens. Le gouvernement peut maximiser le nombre de décisions favorables aux usines canadiennes en prolongeant à cinq ans la période associée à la DPA pour l'amortissement au lieu de deux ans. Il n'est pas très utile que cela soit fait une ou deux années à la fois parce que le cycle de planification s'étale sur cinq ans. Si nous obtenons deux ans, puis deux ans et encore deux ans, nous n'arriverons jamais à un cycle de planification de cinq ans. Il nous faut une fenêtre garantie de cinq ans afin que les gens puissent investir.
Rendez remboursables les crédits d'impôt relatifs à la RS&DE. Dès que l'industrie a des difficultés, elle cherche à innover pour se sortir de ses problèmes, et cela signifie le remboursement de la RS&DE.
Joignez-vous à nous pour des partenariats visant le bien public, la recherche et le développement de marchés. Partout dans le monde, les gouvernements, ceux des États-Unis et les gouvernements européens établissent des partenariats avec l'industrie pour la recherche, la technologie, la transformation et le développement de nouveaux marchés. C'est un secteur où le gouvernement peut aussi aider.
Laissez la restructuration se produire, améliorez le régime fiscal afin que les gens qui veulent investir davantage puissent le faire et établissez des partenariats avec nous pour le bien public, la recherche et le développement de marchés.
J'ai une dernière demande à formuler. Nous traversons une période très politisée alors que les gens posent toutes sortes de gestes politiques dans le cadre d'un gouvernement minoritaire, mais les gens qui perdent leur emploi et ceux qui pourraient le conserver dépendent de votre capacité de faire abstraction de toute partisanerie et de produire un rapport qui sera endossé par tous les partis. Nous n'avons pas besoin de positionnement, nous avons besoin d'aide.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Notre intervention va se dérouler en deux parties; M. Simon va se charger de la deuxième.
L'industrie forestière du Québec a un chiffre d'affaires de 13 milliards de dollars par année et fournit de l'emploi, de façon directe, indirecte ou induite, à près de 200 000 personnes. Plus de 350 usines font partie du paysage de l'industrie forestière. Celle-ci donne du travail ou une raison d'exister à plus de 250 municipalités, dont plus de 100 en dépendent à plus de 100 p. 100.
Malgré cette force apparente, l'industrie forestière est présentement en péril. Plusieurs entreprises sont en train de fermer leurs portes, et si ce n'est pas déjà fait, elles en sont à décider lesquelles vont le faire. Depuis 2005, on a perdu plus de 20 000 emplois de façon directe et indirecte. La capitalisation boursière des entreprises publiques québécoises a baissé de 7,5 milliards de dollars au cours des deux dernières années. Nous accusons souvent la conjoncture économique d'être responsable de nos problèmes, et c'est vrai. Mais la conjoncture a ceci de particulier qu'elle s'applique à tout le monde. Pourquoi, alors, avec 10 p. 100 de la capacité de transformation dans l'industrie du sciage en Amérique du Nord, le Québec a-t-il assumé à lui seul plus de 30 p. 100 de l'effort de rationalisation en termes de diminution de la consommation à l'échelle américaine?
Au Québec, le problème se situe dans la structure même de l'industrie. Nous avons des problèmes spécifiques au Québec sur le plan structurel. Par exemple, le Québec est la province où la fibre est la plus dispendieuse au Canada. Cela étant dit, il faut ajouter que cette fibre est aussi la plus petite. On parle donc de la fibre à la fois la plus petite et la plus dispendieuse, qui est en plus celle qui génère le panier de produits le moins intéressant au Canada.
Pour ce qui est du coût de notre fibre, le problème est criant. Cette situation fait en sorte que les entreprises de pâtes et papiers au Québec sont celles qui achètent les copeaux au prix le plus élevé au monde. Par ailleurs, il s'agit du seul endroit où il n'existe pas diverses catégories de fibres. Dans une région donnée, peu importe qu'il s'agisse de petit ou de gros bois, le prix de la fibre est le même. C'est le seul endroit au monde qui fonctionne de cette façon.
Le coût est un autre problème structurel. La taille de nos usines est...
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Nos usines sont trop petites. Dans le domaine du sciage, l'usine moyenne du Québec est trois fois plus petite que celle de la Colombie-Britannique. Par conséquent, nos coûts fixes de fonctionnement sont beaucoup trop élevés, ce qui nous rend moins concurrentiels sur la scène mondiale. Enfin, au cours des sept dernières années, les entreprises forestières du Québec ont investi des sommes inférieures à celles déclarées en matière d'amortissement et de dépréciation. Il est évident qu'à court terme, il va falloir que le prix de la fibre soit adéquat et qu'il prenne en considération la taille des arbres ainsi que la taille et la qualité de notre fibre par rapport à celle de nos concurrents.
Au Québec, nous devons procéder rapidement à une restructuration de notre système de redevances afin d'obtenir un prix qui ne soit pas le même pour la fibre de qualité pâte et pour celle de qualité sciage. Nous devons cesser de dire qu'il faut consolider notre industrie: il faut le faire dès maintenant. C'est urgent. Nous avons pris du retard et nous nous sommes laissé distancer par nos concurrents. Trop d'usines sont trop petites.
Au Québec, il existe entre la forêt et l'usine un lien qu'on appelle en anglais appartenancy. Ça fait en sorte que les entreprises n'ont pas la possibilité de rationaliser leurs usines, de diminuer leur nombre et d'acheminer le bois vers celles qui continuent à fonctionner. On doit accélérer l'investissement pour compenser le retard. Comme le Fraser Institute nous l'a démontré il y a deux ans, le Québec est l'endroit où le climat est le moins propice à l'investissement. Les gouvernements se doivent d'agir pour pallier ce problème.
Finalement, avant de laisser la parole à M. Simon, j'aimerais proposer quelques pistes de solution. Une façon de venir en aide à l'industrie serait évidemment d'aider des associations comme le CIFQ. Nous sommes souvent le dernier recours des industriels dans des situations comme celle-ci, après toutes les mises à pied que subissent l'industrie. Il ne s'agit pas de se substituer aux entreprises en matière de cotisations, mais au moins de prendre en charge certains travaux assumés par des associations comme le Conseil canadien du bois, notamment, qui s'assure que les codes du bâtiment américain et canadien concordent et qu'ils ne constituent pas une entrave au commerce. On peut penser, par exemple, à une aide en matière de financement de la recherche. Jusqu'à 20 p. 100 des fonds de recherche sont assurés par les compagnies, ce qui est présentement très dur à soutenir.
Concernant la nouvelle réglementation sur la qualité de l'air, l'industrie demande que les efforts faits depuis les 15 dernières années soient pris en considération et que l'année de référence soit 1990 plutôt que 2006. Une partie importante de nos frais de fonctionnement est destinée au carburant en forêt. Nous pensons que l'élimination d'une partie de la taxe sur le carburant utilisé pour le transport du bois en forêt, donc à l'extérieur des routes, pourrait aussi nous aider. Nous pensons qu'avec des programmes comme le PATA, les entreprises pourraient garder à leur emploi leur main-d'oeuvre jeune et spécialisée sans nuire aux travailleurs plus âgés.
Nous pensons aussi à des mesures de soutien aux entrepreneurs de travaux sylvicoles et d'exploitation forestière. Présentement, un entrepreneur moyen fait face à des investissements de 1,2 ou 1,3 million de dollars, ce qui l'oblige à faire des versements importants. Vu la situation actuelle, ces entrepreneurs sont nombreux à remettre les clés de leur entreprise à la banque. Quand la reprise aura lieu, un problème majeur va se présenter.
Je pourrais préciser encore plusieurs points, mais je ne veux pas trop empiéter sur le temps de M. Simon. Je vais donc lui céder la parole.
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Je vous remercie de m'offrir l'opportunité de vous rencontrer.
Je suis Hughes Simon, vice-président, Produits du bois à valeur ajoutée chez AbitibiBowater.
Laissez-moi vous présenter d'abord la compagnie. AbitibiBowater est le fruit d'une fusion entre Abitibi-Consolidated et Bowater, laquelle est survenue à la fin d'octobre 2007. Nous comptons 18 000 employés et nous générons des revenus annuels de 8 milliards de dollars. Nous gérons 53 millions d'acres de forêt, principalement des forêts publiques. Nous avons 28 usines de pâtes et papiers et 35 installations consacrées à des produits du bois dont 28 sont situées au Québec. Nous sommes la huitième compagnie de produits forestiers en importance dans le monde en ce qui a trait aux revenus et aux capitaux, et nous sommes le plus gros producteur de produits du bois à valeur ajoutée au Canada.
Permettez-moi de parler des débouchés. Quand il y a des défis, il y a aussi des possibilités. Nous produisons des fibres de très haute qualité au Canada et au Québec. C'est là un élément qui constituera un très bon avantage pour notre industrie dans le futur. Ce n'est pas pour aujourd'hui et nous verrons pourquoi un peu plus tard quand nous aborderons l'aspect économique. Mais nous sommes bien connus pour la qualité de notre fibre. Nous sommes aussi à proximité du plus grand marché du monde, celui des États-Unis. Nous expédions dans d'autres pays, mais gardons à l'esprit que les États-Unis sont notre plus gros marché. Présentement ce marché est en récession, mais il rebondira.
Nous sommes un leader en matière de certification de forêts. Je précise pour ceux qui ne connaissent pas aussi bien que nous ce qu'est la certification. Par exemple, 95 p. 100 des forêts gérées par AbitibiBowater le sont en vertu d'une certification par un tiers, ce qui signifie qu'un tiers indépendant s'assure que ce que nous faisons en matière de forêt l'est de manière telle que la forêt se régénérera et que nous travaillons de manière responsable. Le Canada est un leader dans ce domaine et c'est un élément dont nous sommes fiers. Nous devons en informer le monde.
En ce qui a trait aux défis qui se posent à l'industrie canadienne, vous savez sans doute que la consommation de papier — comme l'a dit M. Lazar — et de sciages s'est effondrée l'an dernier aux États-Unis. Le secteur de l'habitation des États-Unis qui avait construit deux millions d'unités n'en construit plus qu'un million aujourd'hui. Cela est important et vous en prendrez sans doute conscience lorsque vous verrez les résultats des compagnies. Il y a eu une baisse des prix, une baisse de plus de 30 p. 100, alors que la devise canadienne prenait de la vigueur. Il y avait donc là tous les éléments requis pour produire une tempête parfaite: une devise forte, une demande plus faible et des prix plus bas. Il ne faut donc pas s'étonner que l'industrie ait des difficultés et qu'elle demande de l'aide.
La dernière chose que je mentionnerai en rapport avec les défis qui se posent à tout le pays est l'augmentation considérable des coûts du soutien logistique. Bien entendu, lorsque nous expédions outre-mer, nous sommes affectés par l'augmentation des prix du pétrole. Lorsque nous livrons aux États-Unis, nous devons le faire à partir de régions éloignées où se trouvent la plupart des activités forestières et de nos usines de papier. Pour cela, nous dépendons des chemins de fer qui, comme vous le savez, sont un monopole. Vous savez aussi que les monopoles ne sont jamais bons pour les affaires. Cela se traduit par une augmentation des prix. Dans un marché comme celui d'aujourd'hui, qui est caractérisé par des fermetures d'usines, par une demande moins forte et par des livraisons moins importantes, les prix ne devraient pas augmenter, mais ils augmentent. C'est là un problème majeur et la question de ce monopole devrait être abordée.
Pour ce qui est de la province, je ne répéterai pas ce qu'a dit M. Vincent. L'attribution de bois se rattache à des usines en particulier. Par exemple, à plusieurs endroits — prenons la région du Lac-Saint-Jean — nous avons des usines qui fonctionnent selon deux quarts de travail ou qui ne fonctionnent que selon un quart, parce que le bois est attribué à des usines en particulier.
Le message est donc le même que celui de M. Lazar. Laissez l'industrie se consolider d'elle-même. Lorsque l'économie est faible, il est important de laisser les éléments les plus dynamiques prendre de la vigueur et laisser les plus faibles disparaître. C'est ainsi que vous obtiendrez une industrie plus productive et plus efficace.
Oui, notre fibre ligneuse est la plus coûteuse au monde. Cela a des répercussions considérables puisque le coût de la fibre est de loin le plus élevé dans la chaîne de production de sciages et qu'il constitue également un facteur très important dans la production de papier. Le système de valeur du bois sur pied n'est pas adapté dans la province de Québec à la qualité de la fibre. Comme l'a dit M. Vincent, si vous achetez une grosse bille, la valeur du bois sur pied est la même que si vous achetiez une très petite bille, alors que la valeur de la fibre n'est pas la même. Il y a des systèmes différents dans d'autres provinces qui sont plus adaptés, et c'est là une réalité à laquelle la province de Québec devra s'adapter.
Une des questions est de savoir comment nous pouvons aider. En ce qui a trait à la consommation, nous ne demandons à personne de nous aider sur le marché des États-Unis, mais nous vous demandons de jouer un rôle de leader au Canada et d'avoir une vision à long terme. Il y a plusieurs façons d'y parvenir. Vous pouvez faire la promotion du bois. Le bois est bon, le bois est une matière renouvelable et le bois est un éco-produit utilisé dans la construction.
Le gouvernement doit prêcher par l'exemple. Lors de la construction d'un édifice fédéral, le bois constitue une option favorable. C'est probablement une option moins coûteuse ou qui représente le même coût, mais il s'agit d'une option verte et d'un produit renouvelable. Cela ne se fait pas ici au Canada autant qu'en Europe, où certains gros édifices sont construits en bois.
Le gouvernement doit continuer de soutenir les associations. Quand nous disons qu'il faut aider à promouvoir les produits du bois et de la forêt, nous ne vous demandons pas de créer de nouvelles agences. Les organismes en place font du bon travail, mais il faut les aider davantage afin qu'ils puissent créer plus de développement et favoriser un meilleur accès aux marchés.
Le gouvernement devrait faciliter la certification des forêts pour les plus petits intervenants. Nous gérons 53 millions d'acres de forêts, surtout au Canada. Nos forêts sont certifiées à 95 p. 100 par des associations tierces. Les plus petits intervenants ne peuvent pas toujours se permettre cette approche. Une façon pour le gouvernement d'aider est de jouer un rôle de leader pour vendre ce modèle, un modèle canadien, et pour dire au monde que les forêts du Canada sont certifiées à 100 p. 100 par des tierces parties. C'est un bon outil de vente. Il importe de le faire et il importe que cela soit des organismes tiers qui le fassent et non un monopole. Il existe plusieurs organismes de certification et il est très important d'en avoir plus d'un, parce que la concurrence dans ce domaine est toute aussi importante que la concurrence en matière de logistique.
Nous ne vous demanderons pas de modifier la politique monétaire du pays. Quand la devise augmente aussi rapidement qu'elle l'a fait dernièrement, l'industrie n'a pas le temps de s'adapter. Si l'économie était en santé du côté des États-Unis, les répercussions ne seraient pas les mêmes. Tout de même, quand la demande est plus faible et les prix plus faibles et que le dollar est plus élevé, les conditions sont parfaites pour créer des problèmes.
Les compagnies perdent des millions de dollars et nous sommes en pleine restructuration. Le message est le suivant: laissez les compagnies se restructurer. Cela est sain et cela contribuera à créer de meilleures conditions pour le futur.
En ce qui a trait à l'aide accordée aux travailleurs, M. Vincent a dit que plusieurs usines sont en mode de fermeture au Canada. Il est important d'aider les travailleurs. Le marché du sciage se rétablira, et l'industrie se consolidera et aura besoin d'une main-d'oeuvre qualifiée.
Il y a des dangers lorsque vous consolidez et que vous mettez à pied des milliers de personnes en sachant très bien que la plupart des installations de l'industrie des produits forestiers sont situées loin des grandes villes. Les gens déménagent à Montréal, à Québec, à Toronto et à Ottawa. Quand nous avons des projets en marche, il est difficile de trouver de la main-d'oeuvre qualifiée en région. Il est donc essentiel de maintenir les programmes de formation de personnel dans l'industrie forestière. Comme l'a dit M. Lazar, l'avenir est prometteur mais assurons-nous d'abord que nous aurons une main-d'oeuvre qualifiée pour nous aider.
Par exemple, il faudrait faciliter l'immigration au pays de travailleurs de l'industrie forestière. La même chose se produit dans le secteur agricole, qui accueille des travailleurs du Mexique durant l'été. Oui, les compagnies envisagent cette possibilité, mais si vous demandez un diplôme d'études secondaires dans certaines régions, vous ne trouverez personne qui en ait un. Quand vous devez embaucher des personnes moins instruites, vous n'obtenez pas toujours la même qualité de main-d'oeuvre.
L'accord sur le bois d'oeuvre résineux semble fonctionner. Cela fait tout drôle de le dire aujourd'hui, alors que les prix n'ont jamais été aussi bas. Toutefois, il ne faudrait pas que l'accord serve de bouc émissaire à l'effondrement du marché européen et à l'effondrement du marché du logement aux États-Unis.
Il est très important d'assumer un rôle de leadership et de penser à long terme. Il y a de nombreuses demandes pour les provinces qui ont l'option B, l'option selon laquelle des compagnies particulières ont des quotas. Certaines compagnies ne sont pas en mesure de livrer tout leur quota maintenant, parce qu'il y a un effondrement du marché ou parce qu'il s'agit d'une usine à coûts élevés ou pour toute autre raison.
N'essayons pas de protéger des compagnies en particulier, mais cherchons plutôt à protéger l'industrie. Accordons une aide aux entreprises qui ont besoin d'un quota plus important et laissez faire celles qui utilisent une petite partie seulement de leur quota. Lorsque l'accord a été signé, la période visée allait de 2001 à 2005. Les compagnies avaient obtenu un quota en fonction de leur niveau de production historique; éventuellement, il faudra refaite les calculs. Prenons le cas du Québec au cours des trois dernières années. Tenons-nous en à cela et assurons-nous que les compagnies les plus fortes deviendront encore plus fortes en période de difficultés parce que c'est la seule façon pour l'industrie de gagner en efficience et de survivre à plus long terme.
En terminant, j'appuie entièrement ce qu'ont dit l'APFC et le CIFQ. Il s'agit d'un problème d'industrie, et non d'un problème de compagnies. L'industrie a besoin d'aide, mais le soutien et le leadership doivent s'adresser au secteur des produits du bois et non à des compagnies en particulier. Il faut laisser ces compagnies se restructurer parce que c'est la seule façon d'en arriver à une industrie des produits forestiers forte au Canada.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bienvenue devant notre comité.
J'énonce mes questions, qui s'adressent à vous tous, ce qui laissera beaucoup plus de temps pour obtenir des réponses dans les délais prévus.
Notre comité avait voté à l'unanimité en faveur de mesures d'aide et est parvenu, à force d'encouragements, à convaincre le premier ministre d'offrir une aide d'un milliard de dollars à l'industrie forestière entre juillet et aujourd'hui. M. Lazar et M. Rosser, dans un premier temps, quelle assistance directe l'industrie forestière recevra-t-elle de ce montant? Deuxièmement, le sous-ministre des Ressources naturelles était ici mardi, mais il n'a pu nous fournir beaucoup de détails au sujet du processus et de la répartition de ce milliard de dollars. Avez-vous des détails et que savez-vous des conditions qui seront posées?
Monsieur Vincent, en ce qui a trait à l'élaboration de ce programme, comment vous et les autres associations de l'industrie ont-elles été consultées?
Monsieur Simon, quelle est l'ampleur des difficultés de l'industrie forestière de l'Alberta, et êtes-vous au courant de fermetures d'usines et de mises à pied dans cette province? À la lumière des solutions qui ont été proposées, que feriez-vous de ce milliard de dollars, ou d'un montant plus considérable, si l'argent devait être réparti selon la disponibilité?
Merci beaucoup.
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Malheureusement, il est très rare que les gouvernements qui cherchent à investir directement connaissent du succès, même s'ils sont bien intentionnés et qu'ils ont bien réfléchi à ce qu'ils veulent faire.
C'est pourquoi nous préférons, et c'est là un point de vue unanime parmi nos membres: pas de subventions, pas d'octrois directs aux compagnies ni aider à garder des installations en exploitation.
Mais il y a une façon de garder les usines ouvertes et c'est en favorisant les investissements. Par exemple, si la DPA était étalée sur une période de cinq ans, s'il y avait un amortissement rapide ou si les crédits d'impôt à la RS-DE étaient remboursables, les compagnies qui investissaient au Canada, et seulement elles, en profiteraient. Le choix de l'usine dans laquelle il faut investir se fera en fonction du marché et non en fonction de la politique des subventions du gouvernement.
Si une aide financière pour des usines données devait fonctionner, nous pourrions être intéressés. En vérité, c'est une des raisons pour lesquelles nous connaissons des difficultés: les gouvernements provinciaux ont cherché à dicter la structure de l'industrie et ont fini par créer une situation peu efficace. La politique fédérale sur les fusions a poussé le Bureau de la concurrence à ralentir les ardeurs des entités qui voulaient fusionner et nous a placés dans une situation peu efficace.
Oui, vous pouvez contribuer à maintenir les emplois au Canada. Vous pouvez faire en sorte qu'il y ait davantage d'investissement dans le nord de l'Ontario, non pas en ciblant votre appui, mais en faisant en sorte que votre soutien financier dépende des investissements dans des usines canadiennes sans pour autant préciser lesquelles. La meilleure façon pour que cet appui soit conditionnel à l'investissement est de recourir à la DPA, qui ne coûte rien à moins que quelqu'un n'investisse, ou de faire en sorte que le crédit d'impôt relatif à la RS-DE soit remboursable, ce qui ne coûte rien non plus à moins d'investir dans l'innovation. Il suffit d'accélérer le remboursement.
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Les conséquences négatives se situent sur le plan de l'administration. Les industriels comprennent bien que l'entente signée le 12 octobre a été mise en place rapidement. Cependant, on doit reconnaître l'effort qui a été fait pour mettre en place le système. Il s'agit effectivement d'un système qui demande énormément de gestion.
Évidemment, selon les provinces, la règle est différente, ce qui complique l'administration. Compte tenu du marché actuel, les intérêts particuliers des compagnies sont différents. Certaines compagnies opèrent et ont besoin d'un quota d'exportation plus élevé. D'autres compagnies n'opèrent pas et ont besoin d'un quota moins élevé, mais elles veulent tout de même conserver ce droit.
Cela génère un débat, comme M. Lazar le disait, sur l'aide à l'industrie en général et non aux entreprises individuelles. Présentement, des industriels du bois ont un quota trop bas et doivent donc restreindre leurs opérations, alors que d'autres ont des surplus et veulent conserver leur quota.
Les pertes d'emplois sont la conséquence directe de cela. Cela signifie une perte de revenu pour le gouvernement fédéral, puisque la taxe à l'exportation est un revenu canadien. Là se situe le problème.
Quant à l'entente, effectivement, elle n'est pas parfaite, mais compte tenu des prix d'aujourd'hui, je n'ose pas imaginer quel serait le scénario s'il n'y avait pas d'entente. Je pense que le choix du moment a quand même été relativement bon pour en arriver à une entente.
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L'exportation de billes constitue un très petit pourcentage de ce qui se passe au Canada et cette activité est visée par les règles de l'Accord sur les résineux. Il est donc assez difficile de changer quoi que ce soit.
La conclusion est assez simple: nous avons besoin d'un meilleur climat commercial afin que les industriels souhaitent faire de la transformation au Canada. Qu'est-ce qui fera que l'on investira dans l'usine de l'île de Vancouver? Premièrement, tout dépend du rendement de l'investissement. Si la province empêche les fusions et la rationalisation, les investisseurs ne seront pas très intéressés parce qu'il sera impossible de structurer l'entreprise pour qu'elle connaisse du succès. Un impôt sur l'investissement est plus faible — et j'en reviens à la fenêtre de cinq ans pour la DPA et au remboursement du crédit pour la RS-DE — et un allégement fiscal feront en sorte que vous voudrez investir sur l'île de Vancouver-Nord.
Je m'occupe de politique gouvernementale depuis 30 ans maintenant, et mon expérience a toujours été la même: quand le gouvernement cherche à forcer le jeu du marché pour qu'il se comporte comme il le veut — même s'il invoque les meilleurs motifs au monde, même s'il dispose des meilleurs renseignements et s'il fait diligence — il ne réussit à peu près jamais parce que le marché bouge trop vite. Ce qui avait de l'allure il y a deux ans n'en a plus tout d'un coup et le gouvernement ne peut modifier ses politiques aussi rapidement en raison des exigences de la démocratie et du processus à suivre. Même lorsque le gouvernement prend la bonne décision pour chercher à contourner les règles ou à diriger les investissements, trois ans plus tard elle ne l'est plus parce que le marché a évolué et que le gouvernement ne peut la modifier aussi rapidement. La seule façon de maintenir les emplois est de créer un climat qui attire les investissements. Une fois que l'investissement est fait, l'entreprise voudra rester et aider à corriger les problèmes.
Vous m'avez posé une question concernant la politique provinciale. Le régime des baux est un des secteurs de la politique provinciale qui fait l'objet d'un examen de plus en plus pointu. Si vous voulez qu'une personne investisse des milliards de dollars — parce qu'une usine de pâte et papier coûte un milliard de dollars — dans une région, cette personne doit savoir qu'il y aura un approvisionnement de fibres qui ne sera pas assujetti aux caprices politiques du moment.
Au Québec, cela se traduit par le fait que tel arbre va à telle municipalité et que tel autre va à une autre municipalité. C'est une fantaisie sociale bien intéressante, mais au plan économique et au plan du marché, cela signifie que l'investissement se fera plutôt en Géorgie ou en Uruguay.
Les gens n'investiront que s'ils estiment avoir une chance de succès. Si trois petites usines sont forcées de demeurer ouvertes en vertu de politiques pertinentes imposées par la province, la possibilité d'un investissement dans une grande usine de classe mondiale disparaît. C'est en partie le mal dont nous souffrons aujourd'hui. Il est bien que les gouvernements cherchent à extraire le maximum d'emplois de tout élément de fibre en adoptant des règlements que tous soient servis, mais cela ne fonctionne pas. Cette approche est vouée à l'échec et les gens qui en souffrent sont les travailleurs. Vous avez trois usines qui ne sont pas de classe mondiale et qui ont du mal à survivre parce que la province les oblige à demeurer ouvertes. L'usine de classe mondiale qui pourrait avoir employé des travailleurs au cours des 50 prochaines années n'est pas construite, et les lois du marché entraînent la fermeture de deux des trois usines. Il est alors trop tard pour obtenir l'investissement nécessaire et les gens qui en souffrent sont les travailleurs de ces municipalités. J'aimerais pouvoir dire qu'il est possible de faire de la microgestion pour que l'industrie demeure forte, mais cela ne fonctionne pas.
Nous sommes en présence de deux philosophies rétrogrades. L'une veut que nous puissions lutter contre la mondialisation si le gouvernement dépense suffisamment ou réglemente suffisamment. Cela n'est pas vrai. L'autre philosophie vieillotte est que si les gouvernements ne font rien, le marché nous sauvera. Cela n'est pas du tout vrai.
La position médiane, la véritable position, celle que vous pouvez observer en Finlande, en Suède, en Chine, à Singapour et en France est que si le gouvernement établit un partenariat avec l'industrie et en crée un climat commercial favorable, il y aura beaucoup d'emplois.
À quoi ressemble ce partenariat? Il s'agit d'un régime fiscal qui attire les investissements en recherche et en technologie, qui sont les biens publics, dans le développement de marchés qui portent la marque du Canada. Ce sont des éléments qui accélèrent le passage à l'écoénergie, et ainsi de suite.
Ce type de partenariat contribue à la création d'emplois. Il ne s'agit pas de subventions, ni d'aide financière, ni de microgestion, ni de réglementation, ni de laissez-faire. Le laissez-faire est tout aussi malsain que les subventions. En bout de ligne, vous verrez que les pays et les économies qui sont en pleine expansion — je pense ici à la Finlande, où le niveau de vie est élevé, où les valeurs sociales sont très élevées et où l'économie connaît beaucoup de succès — n'ont pas adopté la voie du laissez-faire et non pas vécu d'intervention du style des années 1960. C'est plutôt parce qu'on y trouve une notion de succès basée sur une alliance entre l'industrie et le gouvernement pour la création d'un climat commercial approprié, pour l'investissement en recherche, pour l'investissement en développement de marchés.
Vous avez demandé si le gouvernement fédéral devrait intervenir davantage. Je ne le pense pas.
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Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de commencer par quelques observations, après quoi je poserai trois questions.
Premièrement, je vous dirai que j'apprécie l'idée de créer un climat commercial. Vous avez raison, c'est important. Nous avons pris des mesures pour réduire les impôts et d'autres mesures semblables. Votre DPA est une bonne idée.
Vous m'avez conforté en ce qui a trait aux subventions directes, bien que cela me mette un peu mal à l'aise compte tenu que certaines des usines qui ont fermé leurs portes se trouvent dans ma circonscription. Je comprends que les subventions ne contribuent pas à régler le problème.
Toutefois, en ce qui a trait au dendroctone du pin, permettez-moi de remercier mon collègue, M. Harris, qui a été très tenace dans ce dossier jusqu'en 2005 et qui a contribué à l'engagement de notre gouvernement de verser une aide d'un milliard de dollars. Je pense que M. Harris a joué un rôle considérable dans ce dossier et qu'il a tout mené de main de maître. Je vous en remercie, monsieur Harris, et je vous remercie également d'avoir su me rafraîchir la mémoire à tous les jours au sujet du dendroctone.
En ce qui a trait au capital-actions, la lecture du rapport de groupe de travail sur la compétitivité m'a vraiment troublé. Selon les tableaux, même les usines qui suivent les meilleures pratiques ne sont pas véritablement rentables, à quelques exceptions près, plus particulièrement dans le Canada atlantique. Lorsque le dollar valait entre 68 ¢ et 75 ¢, est-ce que certaines compagnies qui étaient rentables ont manqué l'opportunité de réinvestir les profits? C'est ma première question.
Deuxièmement, les 127 millions de dollars de FP Innovations ont permis d'installer AV Nackawic dans ma circonscription, une entreprise qui produit de la pâte pour transformation chimique, un produit qui sert à fabriquer de la rayonne, un produit à valeur ajoutée. Comment pourriez-vous interagir avec FP Innovations pour qu'il y ait des améliorations en matière d'innovation?
Ma troisième question concerne l'optimisation de l'approvisionnement de bois. Quand je considère certains exemples de transformation du bois en copeaux qui servent à alimenter des chaudières ou autres choses ou qui sont exportés pour être brûlés, il me semble que nous perdons peut-être d'excellentes opportunités de transformer des grumes de placage et de fabriquer d'autres produits similaires pour ajouter de la valeur à nos produits. Pensez-vous que nous pourrions faire mieux? Pensez-vous qu'il y a place à l'optimisation pour ce bois?
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Ce sont de très bonnes questions.
Commençons par le dollar. Avons-nous perdu des débouchés à cause de la faiblesse de notre dollar? La réponse est oui. Nous avons perdu des opportunités, mais je tiens à préciser très clairement que c'est le gouvernement qui se cachait derrière la faible valeur de notre devise. Nous ne sommes pas devenus la nation la plus performante au monde en matière d'exportation de produits forestiers en ayant des gens qui manquaient de dynamisme et de talents d'entrepreneur. Il était très difficile d'investir dans les usines canadiennes lorsque le Bureau de la concurrence mettait un frein aux intentions de fusion et lorsque les gouvernements provinciaux n'autorisaient pas les initiatives de rationalisation. J'en reviens aux trois usines déficientes que la province a obligées à rester ouvertes et à l'impossibilité d'investir dans une usine de classe mondiale.
Aurions-nous pu être plus dynamiques lorsque la valeur de notre dollar était plus faible? Oui, mais il aurait fallu forcer la main du gouvernement. Même aujourd'hui, malgré toutes les mises à pied au Québec, le gouvernement ne semble pas bien comprendre la réalité du marché.
Est-ce que cette politique était bonne lorsque le dollar valait 70 ¢? Oui, la politique était excellente. Elle permettait de maximiser les emplois et la production de fibres générait des retombées sociales pour les travailleurs du secteur.
Lorsque le dollar est à parité avec la devise américaine, la politique est désastreuse. Elle a mené à des mises à pied, à des fermetures d'usine, permanentes dans les deux cas.
Les politiques du gouvernement n'évoluent pas très rapidement. Lorsque le dollar a pris de la vigueur, l'industrie s'est véritablement activée. Si vous regardez les chiffres cités dans ce rapport, vous verrez que le nombre d'usines qui se situaient dans le quartile supérieur de la productivité a triplé depuis parce que nous nous sommes adaptés à la valeur du dollar et que nous avons agi rapidement. La politique du gouvernement a évolué beaucoup plus lentement.
J'en reviens au gouvernement fédéral. Un régime fiscal qui avait de l'allure lorsque le dollar valait 70 ¢ n'a plus sa place lorsque la valeur du dollar augmente. L'industrie a dû s'adapter aux nouvelles conditions de la demande lorsque la valeur du dollar a augmenté. Aujourd'hui, il est impossible de rester à ne rien faire et à nous plaindre « Réparez donc les pots cassés pour nous », parce que nous n'avons pu le faire. Nous avons pris les mesures correctives qui s'imposaient, nous avons procédé à des fusions, nous avons rationalisé nos activités et nous avons accru notre productivité année après année, plus que ne l'ont fait les Américains. Nous avons travaillé d'arrache-pied.
Le gouvernement doit également s'adapter. Un régime commercial, un régime fiscal, un régime de réglementation qui étaient acceptables avec un dollar à 70 ¢ deviennent désastreux lorsque le dollar atteint la parité. Nous avons le plus profond respect pour ce que votre gouvernement a fait pour réduire l'impôt des sociétés de manière générale, mais il faut admettre qu'il est lent comparativement à la vitesse à laquelle évoluent les marchés. Le dollar s'apprécie de 36 p. 100 en quelques années et les impôts diminuent fort peu sur une période de cinq ans. La concurrence sur le marché mondial s'accroît considérablement chaque année alors que le régime fiscal évolue très lentement.
La DPA et le remboursement du crédit pour la RS-DE seraient des mesures utiles. Dans l'ensemble, nous agissons rapidement vue l'urgence de la situation. Pendant ce temps, les améliorations au climat commercial se font de plus en plus lentement. Nous savons que le gouvernement comprend la situation, mais c'est maintenant qu'il nous faut ces modifications et il faut que le gouvernement agisse plus rapidement et avec plus de détermination, parce que nous perdons des opportunités incroyables.
Les économistes du ministère des Finances me disent que le cycle rapide de DPA exigera des fonds que nous n'avons pas. Chaque fois que quelqu'un investit en Uruguay, en Caroline ou en Indonésie, nous perdons de l'argent que nous ne reverrons jamais. Vous n'aurez pas à offrir d'amortissement accéléré pour ce type d'investissement parce qu'il n'est pas fait au Canada. Lorsque les gens disent que les crédits pour la RS-DE sont trop coûteux, et que le Trésor n'a pas d'argent, sachez qu'il en coûte tout de même quelque chose lorsque les gens n'investissent pas dans la technologie au Canada. N'ai-je pas raison? Qu'est-ce qu'il en coûte si une usine ferme ses portes parce qu'elle n'a pas accès à un crédit d'impôt qu'elle pourrait obtenir trois ans plus tard?
La relative aisance avec laquelle tout cela nous est communiqué nous rend très mal à l'aise parce que nous sommes dans un marché mondial, dans un marché difficile, concurrentiel et que nous ne percevons pas que le climat commercial change aussi rapidement.
Je passe maintenant à votre deuxième question, celle qui concerne l'innovation en matière de produits forestiers. Vous nous avez accordé des fonds, et c'est très bien. Ces fonds nous aident. Nous avons regroupé nos quatre instituts en matière d'innovation en un seul pour en tirer le maximum. L'industrie paie la plus grande part des coûts dans ce domaine. Une des meilleures façons dont le gouvernement pourrait nous aider serait d'accroître son investissement dans l'institut.
J'aurais une idée particulière pour vous. À l'heure actuelle, nous manquons de capacité réceptrice dans les usines. L'institut d'innovation propose une nouvelle technologie, mais étant donné que nous avons tellement de difficulté à rester en affaires, nous n'avons pas la capacité nécessaire pour recevoir de nouvelles idées. Si le programme de l'institut d'innovation en matière de produits forestiers du gouvernement fédéral pouvait s'étendre aux usines, celles-ci disposeraient d'un puissant levier pour attirer les investissements en technologie.
En ce qui a trait à l'optimisation à l'approvisionnement de bois, une des meilleures façons d'y parvenir serait de modifier la politique concernant les baux afin que la fibre puisse être utilisée selon sa meilleure valeur. Aujourd'hui, des billes brutes sont expédiées en Europe sous forme de granules, ce qui met en lumière les conséquences des subventions accordées pour les biocarburants. Notre approche aux énergies renouvelables au Canada a été beaucoup plus lente à élaborer que celle des Européens.
Nous ne sommes pas d'avis qu'il soit intéressant au plan économique ou environnemental d'abattre des arbres et de les brûler pour procurer de l'énergie, mais nous pensons que ce serait une excellente idée d'utiliser les sous-produits, les déchets, la sciure de bois et l'écorce pour alimenter nos usines. L'initiative écoÉNERGIE actuelle est à cours de fonds et le simple fait de réinjecter de l'argent dans cette initiative accélérerait la transition des usines qui veulent passer des hydrocarbures à des carburants renouvelables. Il s'agit d'une façon rentable d'obtenir un avantage au plan environnemental et au plan économique.
Si je puis me le permettre, j'ajouterai à l'intention de Mme DeBellefeuille que nous avons réduit nos gaz à effet de serre de 44 p. 100 depuis 1990. Aucune autre industrie n'y est arrivée et il serait tout à fait respectueux de reconnaître l'année 1990.
Merci.
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Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec mon collègue de Thunder Bay—Rainy River.
J'ai quelques questions qui s'adressent probablement à vous, monsieur Lazar.
Vous me dites très clairement et de manière très structurée que vous désavouez toute intervention future du gouvernement, et c'est ma façon à moi de l'exprimer plutôt que la vôtre. J'aimerais que vous me parliez de l'état des règles du jeu à l'échelle mondiale, que vous nous disiez dans quelle mesure le secteur des forêts en Russie et en Europe bénéficie d'un soutien — et c'est une façon de parler — sinon d'une protection de la part des gouvernements respectifs.
Deuxièmement, je crois comprendre d'après votre troisième recommandation, qui concerne le Bureau de la concurrence, que ce bureau a fait preuve d'une certaine timidité face aux fusions. J'aimerais savoir si vous pensez également que le bureau a été trop timide à cet égard et, le cas échéant, s'il y a des cas précis ou des exemples de cette timidité, et en quoi ces cas ont-ils été nuisibles pour le secteur.
En terminant, une approche plus dynamique ou plus ouverte de la part du Bureau de la concurrence entraînera une diminution plutôt qu'une augmentation de la présence d'intérêts canadiens dans l'industrie forestière.
J'aimerais entendre ce que vous avez à dire.
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Ce sont d'excellentes questions.
Il n'y a pas de règles du jeu équitables sur le marché mondial. J'aimerais pouvoir vous dire que le libre marché suppose des règles équitables, mais il n'y a pas de règles du jeu équitables. Nos concurrents offrent à leurs industries forestières un pourcentage beaucoup plus important d'investissements en recherche. Prenez par exemple les pays scandinaves. Ils dépensent beaucoup plus en recherche et en technologie pour soutenir leurs industries forestières que nous ne le faisons. Nous pourrions très facilement le faire.
De plus, nos concurrents sont beaucoup moins timides, beaucoup moins modestes en ce qui a trait au marquage de leurs produits sur le marché international. Nous y allons comme Canadiens et, d'une certaine façon, nous nous condamnons avec de modestes éloges alors que nos concurrents sont assez dynamiques face à leurs propres produits. Voilà un autre partenariat avec le gouvernement qui serait très utile.
Pourrions-nous faire davantage pour équilibrer les règles du jeu? La réponse est oui. Nous pourrions faire beaucoup plus. Y a-t-il des limites? Oui, il y a des limites et vous constaterez que les pays qui connaissent du succès n'ont pas visé des compagnies particulières mais plutôt des secteurs. Le modèle finlandais est brillant parce qu'il a créé un partenariat qui permet aux secteurs de réussir dans le cadre de conditions commerciales et non en versant des subventions — en créant des conditions gagnantes.
Le qualificatif « timide » n'est probablement pas le mot que j'utiliserais dans le cas du Bureau de la concurrence. Selon moi, il est tout sauf timide. Selon nous, il y a deux problèmes concernant le bureau. L'un concerne son mandat statutaire, qui consiste à se demander si la diminution de la concurrence entraînerait une augmentation des prix. Le maintien de prix faibles au Canada est un bien public, mais ce n'est qu'un seul bien public. Si vous devez fermer cinq villes pour y parvenir, vous devriez plutôt chercher un équilibre entre les deux biens publics.
Contrairement au système qui a cours au sein d'un cabinet, il s'agit d'un régime de réglementation n'ayant qu'un seul bien public comme point de référence. À cet égard, le bureau ne tient pas compte des répercussions économiques de ses décisions. Nous pourrions nous en accommoder, sauf que ce mandat est souvent basé sur un modèle économique périmé. Le bureau suppose que s'il y a consolidation, les prix augmenteront. Pour tout vous dire, nous exportons la plupart des produits que nous fabriquons. Nous prenons le prix mondial et peu importe qu'il y a fragmentation ou consolidation, le prix mondial est celui que le Brésil ou la Chine cherche à imposer. Il y a davantage de consolidation chez nos clients au Canada et partout en Amérique du Nord qu'au sein de notre industrie. Par exemple, si deux compagnies unissent leurs efforts et trouvent des économies à faire, pensez-vous que nos clients nous épargnerons? S'il y a moyen d'économiser 3 ¢ la tonne, on cherchera à économiser 3,5 ¢ parce que les clients sont plus consolidés et ont davantage de pouvoir sur le marché que nous n'en n'avons. Il est tout à fait faux de dire que les prix augmentent en cas de consolidation parce que le marché vous ramène toujours à la baisse. Nous sommes en désaccord avec l'approche économique du bureau, et des études empiriques montrent que la simple consolidation entraîne des synergies et des réductions de prix.
Est-ce que cela entraînerait un plus grand niveau de propriété par des entités étrangères? Au contraire, tel ne serait pas le cas. Si vous êtes une compagnie basée au Canada et que vous cherchez à acquérir des actifs canadiens, vous trouverez le Bureau de la concurrence sur votre chemin parce qu'il ne veut pas qu'il y ait de consolidation au Canada. Par conséquent, vous devez investir aux États-Unis ou en Europe pour faire des acquisitions. Si vous investissiez au Canada, le bureau vous dirait qu'il y aura trop de consolidation. Il a fallu lutter contre le Bureau de la concurrence pour bureau vous dit de ne pas prendre trop d'expansion au Canada. Prenez de l'expansion en investissant à l'étranger.
Je ne crois pas que ce soit là ce que nous voulons. Nous voulons plutôt des investissements au Canada.
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Merci, monsieur le président.
C'est la première fois que j'ai la chance de siéger à ce comité. Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue. Je fais également du coq-à-l'âne et je vous souhaite une très joyeuse Saint-Valentin, de même qu'aux collègues réunis autour de cette table.
Je me sens plus à l'aise avec l'aspect humain des choses et les ressources humaines. Je représente une circonscription qui se trouve au nord de Montréal, Laurentides-Labelle. Au nord de cette circonscription, il y a une petite MRC mono-industrielle qui est frappée de plein fouet par la crise forestière. La majorité des scieries sont fermées, et depuis janvier 2007, 1 500 personnes ont été mises à pied.
J'ai aussi eu le bonheur de parrainer un projet de loi à la Chambre, le projet de loi qui visait à bonifier, à améliorer le régime d'assurance-emploi, et à permettre ainsi à plus de chômeurs de se qualifier pour se prévaloir de prestations. Ce qui est dommage, c'est que ce projet de loi est mort au Feuilleton parce que les conservateurs n'ont pas voulu lui accorder la recommandation royale. C'est très désolant. Vous savez que le Bloc québécois avait mené une longue bataille pour faire adopter le projet de loi C-269.
La deuxième bataille que nous livrons touche la création d'un programme d'adaptation pour les travailleurs âgés. Nous faisons des pressions auprès du gouvernement actuel à cet égard. Si ce programme était en place, il permettrait aux travailleurs âgés de faire le pont entre le moment où ils perdent leur emploi et celui où ils prennent leur retraite, grâce aux prestations dont ils pourraient se prévaloir. Cela permettrait à une région comme la mienne de conserver une main-d'oeuvre jeune et qualifiée. Présentement, nous vivons un exode. Notre jeune génération quitte la région, et notre population est très âgée. C'est très difficile de diversifier une économie et de mettre en place d'autres mesures quand on vit un exode comme celui-là.
Quelqu'un peut-il commenter cela? Monsieur Vincent, je vous écoute.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie messieurs d'être venus témoigner devant notre comité. Jusqu'à maintenant la matinée a été riche en information. J'apprécie les connaissances sur l'industrie forestière que vous apportez, particulièrement parce que nous obtenons le point de vue de l'industrie des pâtes et papiers, de l'ensemble de l'industrie du Québec et, bien entendu, de l'industrie des produits du bois de M. Lazar.
J'ai bien aimé ce que contenaient vos mots d'ouverture. La plupart des gens pensent d'abord que l'industrie forestière est dans une très mauvaise passe à l'heure actuelle, qui frôle la récession, et qu'il y a beaucoup de pessimisme. Je ne partage pas cette approche selon laquelle le ciel nous tombe sur la tête.
Monsieur Lazar, vous avez utilisé un grand mot — le mot « transformation ». Vous avez raison. Comme je vis dans la région intérieure de la Colombie-Britannique depuis à peu près 50 ans maintenant, j'ai pu observer des transformations considérables dans l'industrie forestière. Lorsque je suis allé à Prince George en 1959, il y avait quelque 600 petites scieries employant un nombre x de personnes dans la région. Vingt ans plus tard, il y avait environ 30 ou 40 scieries de plus grande taille employant le même nombre de personnes. Vingt ans plus tard, il n'y avait plus que huit ou neuf grandes scieries à Prince George qui employaient davantage de personnes que les 600 scieries d'antan. La transformation n'a pas automatiquement entraîné une diminution du nombre d'emplois. De fait, l'expérience montre qu'elle a contribué non seulement à une augmentation du nombre d'emplois, mais aussi à la progression de la technologie dans l'industrie forestière, une technologie nécessaire pour demeurer en tête au plan mondial. C'est bien ce qui se produit, me semble-t-il.
Je suis heureux de vous dire que ma circonscription compte probablement les scieries les plus avancées au monde au plan technologique. Elles sont situées dans la région du centre de la Colombie-Britannique, et elles comprennent West Fraser et Dunkley Lumber et Canfor, comme vous le savez. Ces usines et des compagnies comme AbitibiBowater et d'autres ailleurs au pays se sortiront de cette période de transformation parce qu'elles ont fait ce qu'elles avaient à faire au cours des années de croissance. Elles s'en sortiront.
Les transformations se poursuivront, et nous avons maintenant une meilleure idée de ce que vous attendez du gouvernement et du rôle de partenaire que nous pouvons jouer. Cela ne signifie pas nécessairement de donner un paquet d'argent à l'industrie parce que, premièrement, ce n'est pas nécessairement la réponse à fournir et, deuxièmement, nous pourrions nous exposer à des contestations concernant les sciages de résineux dès que les Américains s'apercevraient ou flaireraient que nous aidons directement l'industrie.
Je tiens à porter à votre attention un article paru dans le Globe and Mail, article que j'ai trouvé très intéressant et qui va dans le sens de ce que vous dites. L'analyste des marchés mondiaux de la CIBC, M. Don Roberts, fait d'excellents commentaires sur les opportunités de l'industrie forestière, particulièrement en ce qui a trait aux pâtes et papiers, dans ce qu'il appelle la « convergence des marchés mondiaux pour les aliments, le carburant et les fibres ». Il laisse entendre que dans les pays en développement, la forte croissance de la demande pour une production accrue d'aliments et une production accrue de biocarburants exigera de plus en plus de terres pour faire pousser des arbres. Par conséquent, la quantité de fibres ligneuses disponibles pour les pâtes et papiers diminuera, ce qui placera nos usines et notre industrie dans une bien meilleure position mondiale, une position qui devrait continuer de s'améliorer.
Je ne sais pas si vous avez lu cet article, mais si vous l'avez fait vous verrez qu'il contient des passages très édifiants. Peut-être pourrions-nous commencer par entendre des commentaires à ce sujet. Je l'apprécierais.
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Je pourrais commencer, sans doute parce que je connais bien le travail de M. Roberts.
Il s'agit d'une thèse fort simple. Si vous voulez savoir où les gens feront de l'argent, vous devez vous demander où il y aura pénurie. Est-ce que ce sera chez les titulaires d'un Ph.D. et chez les ingénieurs? Je ne pense pas, parce que la Chine et l'Inde peuvent produire de tels diplômés à un rythme beaucoup plus rapide que ce que peut faire le monde industrialisé à l'heure actuelle. La rareté sera dans le domaine des ressources naturelles et la rareté la plus importante sera dans les terres consacrées à la production de fibres, dans la production d'énergie et l'approvisionnement en eau.
Mes collègues qui ont des usines très modernes en Afrique du Sud se font dire par leur gouvernement qu'il ne faut pas prendre d'expansion, parce que pour faire pousser les arbres, il faut prendre l'eau nécessaire pour l'agriculture. Mes collègues du Brésil envisagent de transformer leurs plantations d'eucalyptus pour produire de la canne à sucre afin de répondre à une demande considérable de la part des États-Unis pour des biocarburants, et cela dès qu'il y aura un nouveau régime politique, pour tenter de répondre aux objectifs en matière de changement climatique.
Il ne fait aucun doute qu'il y aura une demande. Nous serons bien placés, mais il est tout à fait possible de manquer le bateau. Nous ne sommes pas les seuls. D'autres cherchent aussi à arriver au même résultat. International Paper, une des plus grandes compagnies de produits forestiers au monde — je ne sais pas si c'est la plus grande au monde, mais c'est assurément la plus grande en Amérique du Nord — compte 40 p. 100 de ses installations en Russie. Pourquoi voudrait-elle aller en Russie où il y a un problème considérable de gangstérisme, une absence d'infrastructure et une structure commerciale peu fiable? La réponse est que la Russie a exactement ce qu'a le Canada: des fibres, de l'eau et de l'énergie. International Paper a déterminé qu'il s'agit de facteurs de succès essentiels, des facteurs de pénurie qui prévaudront dans le futur.
Notre travail au sein de l'industrie est de nous assurer que nous sommes bien structurés et que nous serons en mesure de profiter d'une éventuelle croissance considérable du marché et de la capacité réduite des concurrents d'occuper ce marché. Le travail des gouvernements est de créer des conditions favorables pour nous aider à y parvenir. C'est d'abord et avant tout notre travail, mais les dépenses en recherche et en technologie, les dépenses d'établissement de notre réputation sur le marché et les dépenses pour créer un climat propice aux investissements qui attirera les investisseurs sont des éléments qui nous permettront de profiter de cette opportunité. Si nous ne faisons pas le travail, si nous ne nous transformons pas pour être prêts à en profiter, quelqu'un d'autre le fera à notre place.
Pouvons-nous concurrencer? Oui, mais nous devons le faire.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être venus aujourd'hui.
Le comité profite assurément de vos témoignages pour mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain et pour l'aider à formuler des recommandations qu'il pourra présenter au gouvernement, au public et à l'industrie sur ce qui doit être fait ou mis en oeuvre.
Je suis d'accord avec une foule de choses que j'ai entendues aujourd'hui. Il a été question de la nécessité de trouver un terrain d'entente. Il est impossible de supposer que des subventions directes permettront de régler le problème. Ce seront des solutions à court terme, mais inefficaces. Nous ne pouvons non plus supposer que le fait de laisser le marché régler ces problèmes constituera une solution parce que, malheureusement, d'autres pays du monde n'agissent pas de la même manière. Si nous regardons ailleurs pendant une courte période, nous risquons de perdre l'industrie au Canada. Nous devons trouver une position mitoyenne, nous devons créer un climat commercial — il s'agit d'une terminologie que vous avez tous utilisée aujourd'hui — et trouver une façon pour le gouvernement fédéral de créer un partenariat avec les intervenants de l'industrie ou avec des parties intéressées en vue de surmonter les difficultés de cette période de transition.
Pour nous aider à formuler des recommandations, je me dois de vous lancer quelques idées basées sur ce que vous avez dit. Vous pourrez me dire si cela devrait fonctionner ou non. J'aimerais avoir des observations de chacune des trois organisations qui sont représentées ici.
Une des idées qui a été lancée aujourd'hui est de créer des incitatifs pour les investissements privés, qu'ils soient étrangers ou intérieurs. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle pour créer ces incitatifs, peu importe qu'il s'agisse d'allégements fiscaux ou de partenariats. Comment nos témoins réagissent-ils à cela?
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Vous n'aurez pas grand mal à me lancer sur ce sujet.
En matière de finances et d'investissements internationaux, la chose n'est pas aussi compliquée que vous pourriez le penser. Supposons qu'il y ait tout un groupe de personnes assises dans une salle, et au milieu de la table se trouve un paquet d'argent, des capitaux qui sont à la disponibilité de la compagnie. Le type qui est responsable de l'exploitation en Uruguay dira « Je puis vous offrir tel type de rendement ». Celui qui dirige les opérations aux États-Unis dira « Je ne puis vous donner tout à fait ce rendement, mais je puis vous assurer qu'il y aura davantage de stabilité. Vous n'aurez pas à vous inquiéter des questions de politique ». Le Canadien dit « Eh! bien, je puis vous offrir tel rendement, et... ».
Par conséquent, nous devons améliorer la donne, améliorer les arguments que le champion canadien des usines apporte à cette table. Tous ces gens doivent parler d'une foule de choses. Par exemple, pouvez-vous faire confiance au climat d'investissement? Une bonne partie de cette question relève d'une réglementation provinciale. Aurons-nous toujours accès au bois? Pourrons-nous apporter les changements nécessaires pour faire de l'argent? Est-ce que nous savons dans quel sens ira la réglementation sur le changement climatique? Ce sont là des incertitudes et le dollar en fait également partie. Est-ce que nous savons à peu près ce que le taux de change pourrait être? Est-ce qu'il demeurera dans les limites d'une telle fourchette?
Je tiens à féliciter M. Flaherty qui a parlé d'une fourchette raisonnable. Je crois que cela envoie un très bon signal au marché. La fourchette dont il a parlé se situe à 10 ¢ au-dessus du niveau où le dollar devrait être, mais je crois que la nation de fourchette est une idée merveilleuse.
Il y a tout cela, et il y a aussi des calculs simples: avec quelle rapidité pourrons-nous redonner quelque chose à nos actionnaires? Le calcul de l'investissement en recherche est très difficile parce qu'il dépend du remboursement du crédit pour la RS-DE. Si vous avez une usine qui perd de l'argent, vous ne serez pas en mesure d'utiliser de crédit d'impôt. Par contre, vous savez que si vous avez mis au point une nouvelle technologie, vous pourriez garder cette usine en exploitation. Le fait que le crédit est remboursable change considérablement l'approche. Puis, l'application de la déduction pour amortissement accéléré change encore une fois la donne. Ce n'est donc pas une illusion, mais un simple calcul mathématique — par exemple, pour quelqu'un qui veut faire une analyse de rentabilisation, tel investissement est plus intéressant que tel autre.
Est-ce que cela modifiera l'ensemble du tableau? Je ne le pense pas, mais il y aura des changements importants. Quand le ministère des Finances vous dit qu'il ne peut se le permettre, il a tout à fait tort. Vous ne pouvez vous permettre de ne pas le faire parce que l'investissement ira dans un autre pays, et qu'il n'y aura pas d'impôt sur le revenu.