RNNR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des ressources naturelles
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 28 février 2008
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous.
Nous allons aujourd'hui poursuivre notre étude de l'industrie forestière et examiner les possibilités et les défis uniques qui existent pour l'industrie forestière. Nous avons déjà consacré deux séances à cette étude. Nous avons eu un congé; nous sommes de retour aujourd'hui et nous avons hâte d'entendre les témoins.
Nous allons entendre Ian de la Roche, président-directeur général de FPInnovations, Pierre-Maurice Gagnon, président et Jean-Pierre Dansereau, directeur général de la Fédération des producteurs de bois du Québec, David Coles, président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Et ensuite, à titre personnel, Emilio Rigato, qui a déjà été directeur d'une usine de papier. Il nous en parlera peut-être dans son exposé. C'est à lui de décider.
Nous allons commencer par entendre des exposés d'une dizaine de minutes et nous passerons ensuite aux questions et commentaires.
Nous allons commencer par M. de la Roche.
Je vous invite à commencer, pour un maximum de dix minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je dois vous dire que je suis très heureux que ce comité consacre autant de temps et d'efforts à l'étude de l'industrie forestière et qu'il l'examine non seulement du point de vue de la crise que nous connaissons, mais de celui de l'orientation que cette industrie pourrait prendre. Je vous en félicite. Nous sommes très intéressés par les possibilités que tout cela offre. Je pense que, si toutes les parties étaient prêtes à aller de l'avant, et cela comprend le gouvernement, ainsi que l'industrie et les travailleurs, nous pourrions avoir un bel avenir. Je vais maintenant prendre quelques minutes pour vous faire part de mes réflexions sur ce sujet.
Je pense que vous avez tous reçu une copie en français et en anglais de notre mémoire « Technologie et innovation ». Je vais passer en revue les points essentiels de ce mémoire, mais j'espère vous donner, au cours des dix minutes qui suivent, le sentiment qu'il y a de l'espoir pour ce secteur et vous décrire certaines des mesures que vous pourriez prendre à titre de parlementaires.
Examinons tout d'abord le secteur forestier du point de vue de la recherche et développement et de ce que fait FPInnovations. Nous savons tous que l'industrie et les deux paliers de gouvernement cherchent, depuis plusieurs années déjà, à revitaliser le secteur forestier canadien. Je pense que l'on peut dire que nous n'avons obtenu jusqu'ici qu'un succès limité. En quoi la situation actuelle est-elle différente? Eh bien, nous constatons aujourd'hui que l'industrie et les gouvernements essaient vraiment de s'attaquer aux questions sous-jacentes dont dépend notre compétitivité.
Au cours de la séance qui a eu lieu il y a deux semaines, monsieur le président, Avrim Lazar ainsi que Hughes Simon et Michel Vincent vous ont parlé de certaines choses que faisait l'industrie et de certaines mesures qu'ils pensaient que le gouvernement devrait prendre. Je ne vais pas insister sur cet aspect, mais je vais peut-être prendre un peu de temps pour vous parler du rôle clé que joue la technologie.
Je pense que nous comprenons tous que, si nous voulons transformer ce secteur, il va falloir qu'il passe de son état actuel à l'état dans lequel nous souhaiterions qu'il se trouve à l'avenir. La technologie et l'innovation vont jouer un rôle essentiel dans cette transition. Je dois également dire que l'industrie forestière a déjà reconnu qu'il fallait modifier la façon dont se faisait la recherche. Vous avez entendu le terme silos ou celui de fragmentation de la communauté de la R et D et on vous a parlé de la nécessité de combiner nos ressources humaines pour qu'elles travaillent à la découverte de solutions susceptibles de régler les problèmes que nous connaissons actuellement.
C'est dans cet esprit qu'a été créé FPInnovations. Cet organisme a regroupé trois instituts nationaux, un du côté des pâtes et papiers, l'autre du côté de produits du bois et un autre qui travaillait dans le domaine de l'ingénierie et de l'exploitation de la forêt. Ces trois organismes ont été ainsi réunis. Avec cette réunification, nous avons ajouté une quatrième division, le Centre canadien de la fibre ligneuse, qui reflète une façon nouvelle pour un organisme de recherche du secteur public d'effectuer son travail. Je sais que Cassie Doyle et Jim Farrell vous en ont dit quelques mots lorsqu'ils étaient ici la dernière fois.
Cela veut dire, pour l'essentiel, qu'avec ses quatre divisions, notre organisation a un budget d'environ 100 millions de dollars et près de 675 employés. Nous sommes ainsi le premier organisme de recherche à but non lucratif au monde dans le domaine de la foresterie. C'est peut-être flatteur mais cela suscite également de nombreuses attentes. Nous ne voulons pas les décevoir. C'est pourquoi nous sommes à l'heure actuelle en mesure d'aborder des questions qui touchent l'ensemble de l'industrie et de la chaîne de valeurs, ce qui va de la génétique à la foresterie, de la production à la transformation, jusqu'au renseignement commercial, au développement de marché et à la performance des produits sur le marché.
C'est un véritable partenariat public-privé. Cet organisme est financé par les deux paliers de gouvernement — fédéral et provincial — ainsi que par l'industrie et son action est principalement concentrée sur la recherche appliquée et sur la mise en oeuvre de résultats de la recherche. Cette organisation est opérationnelle. Elle a déjà réalisé de grands progrès. Par exemple, si vous venez de l'île, la stratégie côtière qui est en train d'être élaborée sous l'impulsion de FPInnovations vous intéressera certainement. Nous pourrons en parler si vous le voulez un peu plus tard. Si vous êtes de Prince George, vous vous intéressez évidemment au dendroctone du pin, et nous avons fait de l'excellent travail sur cette question, et nous y travaillons en ce moment. Nous sommes donc très stimulés par toutes ces possibilités.
L'étape suivante de la stratégie que l'industrie et les gouvernements voulaient élaborer consistait à se demander, une fois mise en place la structure de FPInnovations, comment faire pour intégrer à nos activités la capacité de recherche des universités? J'ai mentionné que nous faisions de la recherche appliquée et du développement. Les universités privilégient la recherche fondamentale et la formation. Comment intégrer tout ceci? Nous essayons actuellement de... et quand je dis « nous », je parle du conseil d'administration de FPInnovations qui est composé de hauts fonctionnaires des gouvernements provinciaux, du gouvernement fédéral ainsi que de représentants de l'industrie. C'est donc ce que nous faisons à l'heure actuelle et ces progrès nous stimulent énormément.
Examinons de plus près cette industrie. Dans le passé, nous avons principalement vendu des produits de base. Cela veut dire que nous étions des preneurs de prix. Cela nous a rendus particulièrement vulnérables aux pressions exercées sur les prix par le marché et à la concurrence mondiale. Le monde a changé, mais en même temps, nous avons eu tendance, à cause de notre modèle d'affaires, à ne pas établir de rapports étroits avec nos utilisateurs finaux, nos clients. Je crois qu'aujourd'hui — et je peux le constater — l'industrie a reconnu qu'il fallait changer de modèle d'affaires et passer du commerce des produits de base, des deux par quatre à la construction de logement. C'est une approche tout à fait différente. Cette approche est davantage axée sur la connaissance, la technologie, la formation et l'innovation.
Nous savons que la population s'inquiète désormais des émissions de gaz à effet de serre, des changements climatiques et de l'épuisement de nos ressources non renouvelables. Ces préoccupations ont déclenché, comme nous le savons tous, un mouvement général vers la nouvelle bioéconomie, qui est basée sur des sources de fibres renouvelables. Les arbres captent le dioxyde de carbone. Ce gaz continue à y être entreposé lorsqu'on abat un arbre et qu'on en tire un produit, qu'il s'agisse d'un bureau en bois ou d'une maison construite en bois. En fait, une maison à ossature en bois contient entre 28 et 32 tonnes de dioxyde de carbone. C'est une quantité équivalente à celle qui est produite par une famille qui conduit un VUS pendant sept ou huit ans. À l'avenir, tous les pays vont rechercher des produits renouvelables pour l'énergie, le logement, le conditionnement, et même pour d'autres utilisations audacieuses comme celles des produits chimiques que nous produisons à l'heure actuelle à partir de carburants fossiles.
Nous travaillons également sur des nanomatériaux pour différentes applications et sur les biocomposites structuraux. Ceux qui viennent du sud de l'Ontario connaissent bien BioAuto et l'objectif qui consiste à fabriquer une voiture avec des matériaux dont plus de la moitié seront renouvelables, et la cellulose est la solution pour y parvenir. Où se situe donc le Canada? Nous parlons de faire des arbres les composantes de base d'une bioéconomie émergente. Nous avons une richesse extraordinaire. Nous avons un grand territoire, nous avons de l'eau et nous avons des fibres en abondance. En plus de tout cela, je pense que nous disposons de l'infrastructure et de l'expérience nécessaire pour transformer les arbres en produits et pour également être un chef de file mondial en matière de foresterie durable.
Il y a des obstacles à surmonter. Je pense que votre comité s'intéresse de très près à cet aspect. Il y a bien évidemment la résistance au changement. L'industrie forestière canadienne n'investit pas beaucoup dans la technologie et l'innovation. À cause de la mauvaise situation économique, nous avons connu des ralentissements, des congédiements dans le secteur des ressources humaines — les techniciens qui mettent en pratique la technologie dans les papeteries. Nous n'avons pas autant de techniciens qu'avant.
J'ai mentionné la fragmentation et la dispersion des services de R et D et d'une situation économique détériorée qui aggrave ces facteurs. Comment faire pour surmonter ces obstacles? Premièrement, je dois féliciter le gouvernement du Canada qui a récemment accordé des fonds pour l'innovation dans l'industrie forestière. Ce financement avait été annoncé l'année dernière — un investissement de 55 millions de dollars sur trois ans destiné à donner à FPInnovation les moyens d'aller de l'avant dans le domaine des technologies transformatives. C'est un bon début. Grâce à cette somme, nous avons réussi, par un effet de levier, à obtenir des montants considérables auprès des provinces et des sociétés qui ont accepté de participer à ce fonds.
Il faut faire davantage. Nous proposons la création d'un fonds national d'innovation dans l'industrie forestière canadienne qui aurait pour mission de transformer l'industrie grâce à des technologies et des applications transformatives, en ayant recours au même genre de partenariats publics-privés. L'investissement initial pourrait peut-être venir du gouvernement du Canada. Nous sommes convaincus qu'avec ce genre de leadership, l'industrie et les provinces accepteraient rapidement de participer à cet effort. En fait, elles ont déjà indiqué qu'elles le feraient.
Nous avons un excellent dossier, comme vous le savez probablement, pour ce qui est de regrouper les intéressés et de favoriser la recherche dans l'industrie forestière en obtenant un effet de levier. Ce fonds appuierait la technologie et l'innovation dans les domaines utiles à l'industrie, favoriserait la diffusion de l'information et de la technologie, renforcerait la coordination de la recherche universitaire, appuierait des projets pilotes nationaux dans des endroits comme Thunder Bay ou Québec, ou dans la région de Saint-Félicien — ce sont là des projets qui sont à l'étude à l'heure actuelle — ainsi que la tenue de forums sur la technologie et l'innovation regroupant l'ensemble de l'industrie et organisés par elle; autrement dit, trouver les moyens de faire ressortir l'importance de la R et D et de ses applications et inciter l'industrie et les autres acteurs à investir davantage dans ce domaine.
Brièvement, quelques messages à retenir. L'industrie vit actuellement une crise sans précédent. La technologie et l'innovation sont des éléments clés qui nous aiderons à résoudre les problèmes actuels et qui nous donneront les moyens de profiter pleinement des nouvelles opportunités. Pour préserver nos lignes de produits actuelles et pour adopter de nouvelles applications et de nouveaux produits de pointe, nous avons besoin d'avoir accès à de nouvelles connaissances et à de nouvelles technologies. Le gouvernement du Canada peut aider l'industrie de plusieurs façons, comme je l'ai mentionné: améliorer la capacité de réception des entreprises, devenir un partenaire investisseur dans des initiatives touchant l'ensemble de l'industrie et dirigées par elle, inciter les entreprises à adopter les nouvelles technologies en prenant des mesures fiscales et réglementaires adaptées et créer un fonds national pour l'innovation. L'élément clé de la réussite consiste, bien évidemment, à établir un partenariat public-privé.
Notre industrie se trouve dans une situation très difficile, mais elle a un venir incroyablement prometteur si nous travaillons ensemble et si nous exploitons toutes les possibilités qu'offrent la technologie et l'innovation.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur de la Roche.
Nous allons maintenant passer à la Fédération des producteurs du bois du Québec, à M. Dansereau, directeur général, pour une dizaine de minutes.
Allez-y, je vous en prie.
[Français]
Merci, monsieur le président.
M. Gagnon, le président de la Fédération des producteurs de bois du Québec, et moi-même sommes heureux de répondre à votre invitation à vous parler des possibilités et des défis uniques qui existent dans l'industrie forestière. Nous sommes particulièrement heureux parce que nous représentons des propriétaires de forêt privée. Malheureusement, la voix des gens que nous représentons n'est pas suffisamment entendue en cette période de crise.
Il existe 450 000 propriétaires de forêts privées situées un peu partout dans toutes les provinces. Je suis secrétaire-trésorier de la Fédération canadienne des propriétaires de forêt privée, qui représente huit associations provinciales. Ces forêts privées touchent environ 10 p. 100 du territoire forestier du Canada et fournissent environ 15 p. 100 de l'approvisionnement industriel. Elles jouent donc un rôle économique important.
D'entrée de jeu, je m'excuse de ne pas vous présenter de texte écrit, de résumé de notre mémoire. Je vous demande de nous excuser et de voir là l'illustration des difficultés auxquelles nous faisons face actuellement. Nos ressources sont limitées et nous les étirons. Nous essayons d'éteindre les feux, et nous n'avons pas réussi à nous préparer suffisamment longtemps à l'avance pour vous présenter un document.
Les défis auxquels les propriétaires de forêt privée doivent faire face sont multiples.
D'abord, il faut traverser la crise actuelle. Les propriétaires que nous représentons font face à des pertes de marché et à des baisses de prix importantes. Cela a un impact important sur les familles, les communautés et les entreprises qui vivent de l'exploitation des forêts privées. Nous l'avons dit dans des communiqués de presse et des envois aux députés: les gens de la forêt privée sont des forestiers oubliés, the forgotten foresters. Il serait important de les aider à très court terme. Tout à l'heure, je vous parlerai de solutions auxquelles vous pourriez contribuer.
Ensuite, des défis se poseront lorsque cette crise s'estompera et que reprendront les activités du secteur forestier. On peut résumer cela en deux grands défis pour la forêt privée. Le premier est d'apporter une plus grande et une meilleure contribution à la société canadienne. Cette contribution peut prendre plusieurs formes: il y a la production des produits forestiers traditionnels tels que nous les connaissons; il y a également la nouvelle industrie dont M. de la Roche a parlé et qui aura besoin d'approvisionnement; et il y a tous les biens et services environnementaux procurés à la population canadienne sur le plan forestier.
On peut penser à la séquestration du carbone, que l'on a déjà mentionnée. C'est une chose que l'on ignore, mais les forêts que la plupart des Canadiens connaissent, parce que ce sont celles qu'ils voient et qu'ils fréquentent, sont des forêts privées. Les forêts privées sont généralement plus près des lieux de résidence des Canadiens.
Le deuxième grand défi spécifique est de mettre en place un cadre légal administratif et économique qui favorisera la mobilisation des propriétaires dans la mise en valeur et la gestion active de leur propriété et l'utilisation durable du territoire, particulièrement des ressources que celui-ci soutient. À cet égard, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle pour aider à développer ce cadre légal.
Qu'est-ce que cela peut représenter à court terme? Il est certain que l'une des premières choses à faire serait de simplifier la fiscalité pour assurer une déduction meilleure et plus facile des dépenses associées aux travaux sylvicoles.
Nous suggérons que la détention d'un plan d'aménagement forestier reconnu devienne la preuve d'un espoir raisonnable de profit. Pour ne pas entrer dans de longs détails, nous vous avons fait parvenir une copie du bulletin d'interprétation IT-373R2. J'espère qu'il est dans la documentation qui vous a été remise. Au point 7 de la page 3 de ce document, on voit que les autorités fiscales utilisent une dizaine de facteurs pour déterminer s'il y a un espoir raisonnable de profit.
Faire pousser du bois est une activité qui se déroule sur des décennies, et le système fiscal actuel n'est pas adapté à cette caractéristique. Il me fera plaisir de répondre à vos questions si vous voulez qu'on aborde de façon plus détaillée les problèmes que ça pose. Toutefois, nous vous suggérons une modification simple. Plutôt que de prendre en considération une dizaine de facteurs ou plus afin de déterminer s'il y a un espoir raisonnable de profit, il faudrait plutôt utiliser la détention et le respect d'un plan d'aménagement forestier reconnu. Il y a d'ailleurs un précédent. Nous vous avons fait parvenir des documents à ce sujet. Un règlement fédéral détermine quel est ce plan d'aménagement forestier reconnu et permet de l'utiliser quand vient le temps de faire un transfert intergénérationnel d'une propriété forestière.
La deuxième recommandation consiste à permettre l'étalement des revenus. Si les propriétaires de forêt privée sont limités en matière de déduction des dépenses, quand ils font des revenus, ils sont fortement imposés comparativement à d'autres contribuables, parce que le revenu consiste en une somme globale importante, un montant unique. Dans ces conditions, le niveau d'imposition atteint souvent le maximum. Il serait souhaitable que cette somme soit étalée, particulièrement quand il y a un choc de revenu, lorsque des épidémies ou des catastrophes naturelles obligent à liquider des forêts à court terme. L'infestation du scolyte du pin qui touche présentement la Colombie-Britannique en est un très bon exemple. Cette situation oblige nos collègues de là-bas à liquider des forêts, à couper en quelques années ce qui devrait représenter 10 ou 20 ans de production forestière.
Ce qui suit intéresse surtout la province de Québec, mais vous pourriez également y collaborer. L'impôt sur les opérations forestières est un mécanisme étrange dont l'origine est difficile à cerner. Il oblige les producteurs forestiers dont le revenu est de 10 000 $ ou plus à payer un impôt provincial et, par la suite, à demander un crédit d'impôt aux niveaux provincial et fédéral. Dans ce cas également, nous vous avons fait parvenir des documents, en l'occurrence un exemple du formulaire d'impôt. Celui-ci comporte plusieurs pages que chacun de ces producteurs doit remplir, souvent avec l'aide d'un comptable. On parle donc de coûts administratifs certains. Or, ce transfert d'impôt ne rapporte qu'environ 7 millions de dollars au gouvernement provincial. Il serait certainement intéressant et peu coûteux pour les deux ordres de gouvernement de procéder à une simplification administrative et, du même coup, de rendre la vie de certains contribuables beaucoup plus simple.
Pour ce qui est de la crise actuelle, une fiducie a en effet été créée, et des sommes importantes ont été consenties. Celles-ci doivent aider les communautés et les gens du secteur forestier qui sont touchés à traverser cette crise. Or, aucune aide n'est prévue ou accessible pour les propriétaires de forêt privée. Je ne peux pas vous donner de données pour l'ensemble du Canada, mais je peux vous dire que pour le Québec, les pertes économiques subies par les milliers de propriétaires de forêt privée au cours des deux dernières années sont estimées à près d'une centaine de millions de dollars. L'année 2008 s'annonce la plus difficile de toutes.
Si on veut que la forêt privée soit au rendez-vous et puisse contribuer à la reprise en fournissant des ressources, des services et des biens environnementaux, il serait important de la soutenir maintenant. C'est le temps, pendant que les marchés sont bas, d'investir dans le patrimoine forestier afin de pouvoir faire des travaux sylvicoles et d'aménagement. Ce sera une façon de s'assurer d'avoir accès à une ressource bien développée, de bonne qualité et en quantité suffisante. Ce sera pour les forêts privées la meilleure façon de contribuer à la reprise du secteur forestier.
Je vous remercie.
[Traduction]
Merci.
Nous allons maintenant passer au témoin suivant, tel qu'il figure à l'ordre du jour, et c'est M. David Coles du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier.
Bienvenue, M. Coles. Allez-y, vous avez 10 minutes.
Merci à vous et au comité de nous avoir invités.
Avant de commencer, je vais vous présenter Keith Newman, mon assistant, qui est assis à mes côtés. Il est également économiste et a passé les 20 dernières années à s'occuper des questions touchant l'industrie forestière et papetière pour notre syndicat et les syndicats qui nous ont précédés.
Certains d'entre vous connaissent une chose à mon sujet. Je suis le président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, mais je suis également un travailleur forestier de la quatrième génération, et je serai probablement le dernier. La plupart des membres de ma famille, qui sont venus d'Europe et de Grande-Bretagne, ont travaillé aux États-Unis et au Canada dans l'industrie forestière ou dans des usines de pâtes et papiers. J'ai moi-même travaillé dans des scieries, dans des usines de contreplaqué et pendant 18 ans, dans une usine de papier journal située sur l'île de Vancouver.
Nous avons remis au greffier une copie de notre mémoire. Je vais vous lire des passages. Étant donné la gravité de la crise que connaît notre industrie, je tiens à être certain que votre comité dispose, pour le compte rendu, d'un document qui présente notre position au sujet de la situation de l'industrie forestière.
Le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier est le premier syndicat canadien de l'industrie forestière. Nous représentons 55 000 employés qui travaillent dans les usines de pâtes et papier, les scieries, les usines de fabrique de planches et de boîtes en carton et dans des exploitations forestières. La plupart de ces travailleurs vivent dans des petites collectivités qui dépendent de cette industrie. Notre syndicat représente également près de 100 000 autres employés qui travaillent dans différentes industries au Canada. Nous sommes un syndicat multisectoriel qui regroupe des travailleurs du secteur privé et du secteur public.
Nos forêts — les forêts du Canada et les forêts du Québec — sont à la base d'une industrie de 80 milliards de dollars qui fournit les emplois directs à près de 300 000 personnes. Plus de 300 collectivités ne vivent que de l'industrie forestière. Malheureusement, l'industrie est dans une très mauvaise situation. Nous avons déjà connu des hauts et des bas, mais cette fois-ci, la situation et différente.
L'industrie fait face aujourd'hui à toute une série de défis complexes: une vive concurrence du côté de l'Asie et de l'Amérique latine, une devise dont la valeur a dépassé toutes les prévisions et qui se situe à l'heure actuelle au niveau, ou légèrement au-dessus, du dollar américain, une diminution constante de la demande de papier journal, produit qui était, jusqu'à tout récemment, le principal produit de notre industrie, et cette diminution touche également l'Europe de l'Ouest, une réduction cyclique de la demande de bois d'oeuvre découlant de la crise du logement aux États-Unis — tout le monde a entendu parler, bien sûr, de la débâcle causée par les prêts à faible taux d'intérêt qui a dévasté le secteur du logement aux États-Unis — et comme le témoin précédent y a fait allusion, une pénurie de bois dans certaines régions, en particulier au Québec, où il y a une pénurie de fibres.
Des milliers d'emplois ont disparu depuis quatre ans, ce qui a mis en danger des douzaines de collectivités qui dépendent entièrement de l'industrie forestière. Depuis le milieu de l'année 2004, 17 papeteries représentées par le SCCEP ont fermé leurs portes, tout comme l'ont fait au moins 40 scieries et fabriques de planche. Il y en a à peu près autant qui ont réduit leurs activités. Au total, plus de 20 000 emplois de qualité ont été perdus.
Et ce sont là uniquement des chiffres qui nous touchent directement. Ils ne concernent pas les travailleurs non syndiqués, ni les travailleurs d'autres usines qui sont représentés par d'autres syndicats au Canada et au Québec; je parle uniquement des chiffres qui nous touchent. Ce sont là des chiffres conservateurs qui portent sur le nombre des emplois que nous avons perdus. SI nous ne faisons rien et attendons simplement que la crise passe, nous perdrons encore des milliers d'emplois et des douzaines de collectivités vont devenir elles aussi des villes fantômes.
Une crise est également synonyme de possibilités de changement. Nous devrions saisir cette occasion pour amener notre industrie à se tourner vers l'avenir. La plus grande richesse de cette industrie, ce sont nos forêts et elles sont renouvelables. Nous devrions être l'industrie verte idéale. Il est essentiel que notre industrie soit durable, tant sur le plan écologique qu'économique. Une forêt saine est la base sur laquelle doit reposer une industrie forestière dynamique et prospère, une industrie qui fournira des emplois stables dans nos collectivités.
Nous rejetons carrément l'idée que l'industrie forestière est une industrie finie. J'ai eu des conversations avec des représentants de l'industrie, et je peux vous dire aujourd'hui qu'il y a de plus en plus de présidents d'entreprises forestières au Canada qui sont d'accord avec nous sur ce point.
Si l'on veut avoir une forêt saine, il faut la gérer en harmonie avec les écosystèmes et assurer sa survie à long terme. La biodiversité et les besoins de ses divers utilisateurs sont des aspects importants. Nous devons respecter les traités internationaux qui assurent la protection de l'environnement — y compris ceux qui concernent le réchauffement climatique — ainsi que la Convention des Nations Unies sur la biodiversité qui prévoit la création de zones protégées qui représentent au total 12 p. 100 de notre territoire.
La population s'intéresse de plus en plus aux questions environnementales et la demande de produits verts augmente. Nous pensons que l'obtention d'un certificat écologique pour nos forêts constitue un avantage majeur pour vendre nos produits forestiers ici et à l'étranger.
Pour conserver nos forêts, le gouvernement fédéral doit, ou devrait, augmenter les fonds accordés à la recherche sur les écosystèmes forestiers et sur les événements naturels et ceux introduits par l'homme qui les perturbent. Il conviendrait de se donner comme priorité l'amélioration du contrôle des insectes, des maladies et, en particulier, des effets des changements climatiques. Le financement de la recherche sur les systèmes de gestion les mieux adaptés à nos divers écosystèmes forestiers devrait être renforcé, en consultation avec tous les intéressés, les premières nations, les écologistes et les autres. Le gouvernement fédéral devrait appuyer, dans l'ensemble du Canada, et du Québec, la certification des produits forestiers par des organismes indépendants ayant pour mission de protéger l'environnement.
Depuis un siècle, l'industrie forestière a principalement axé ses activités sur l'exportation de produits de base comme la pâte commerciale, le papier journal et le bois d'oeuvre. La concurrence sur ces marchés est devenue féroce et de nombreux pays sont maintenant en mesure de les produire à un coût moindre qu'au Canada. Pour survivre dans ce nouvel environnement commercial, l'industrie doit élaborer de meilleures synergies entre l'industrie et les sous-traitants de façon à pouvoir utiliser de façon plus efficace l'ensemble des ressources. Les déchets provenant d'une activité doivent être la matière première de la suivante. L'industrie devrait s'orienter davantage vers les produits à haute valeur ajoutée destinés aux scieries, à l'industrie des pâtes et papier, aux meubles, aux portes, aux fenêtres, aux maisons préfabriquées, à l'isolation à base de bois, aux produits sanitaires, etc.
Il faudrait également investir dans de l'équipement neuf pour renforcer l'efficacité de la production, par exemple, les installations de cogénération pour la production d'électricité et l'achat d'équipement de pointe, de façon à réduire la pollution de l'air et de l'eau.
Pour appuyer une industrie forestière dynamique et prospère, le gouvernement fédéral devrait ou doit offrir des incitations financières pour la recherche en biotechnologie, en nanotechnologie, dans le domaine des produits de construction novateurs et la bioénergie de façon à développer de nouveaux produits à base de bois.
Il doit également renforcer les incitations financières destinées au développement commercial de nouveaux produits et à la mise en application de nouvelles technologies de production qui permettent aux entreprises qui fabriquent des produits forestiers de pouvoir vraiment se prévaloir des incitations existantes.
Il devrait mettre en place des incitations ciblées pour accélérer le renouvellement du capital. Ceux d'entre vous qui connaissent bien l'industrie savent que notre industrie est très ancienne et en exagérant à peine, on peut dire que nos usines les plus modernes seraient de vieilles usines ailleurs. Nous devrions adopter des processus qui réduisent les émissions de matières polluantes en diminuant le taux d'imposition réel sur les nouveaux investissements de capitaux, en prévoyant l'amortissement accéléré de l'équipement et des dépenses de développement.
Nous devrions élaborer une stratégie en matière d'énergie renouvelable qui prévoirait des incitations visant à accélérer le passage des carburants fossiles à l'énergie verte de la biomasse. Nous devrions aider l'exportation et la création de nouveaux marchés pour les produits forestiers canadiens. Nous devrions arrêter de fabriquer les produits de peu de valeur et commencer à nous orienter vers des produits de très haute qualité, donnant de grosses marges bénéficiaires.
J'aimerais dire quelques mots de l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux. Il faut également réviser l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux conclu avec les États-Unis. Avec la situation économique actuelle, de nombreuses scieries ont réduit leurs opérations ou ont cessés leurs activités en attendant que la situation s'améliore. Avec le système de quota prévu par l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux selon lequel les quotas non utilisés sont perdus, les entreprises vont perdre leur quota pour l'année prochaine. Nous savons que certaines sociétés de bois d'oeuvre achètent du bois d'autres producteurs pour le vendre aux États-Unis dans le seul but de préserver leur quota. Cela nous paraît tout à fait illogique et devrait être corrigé.
Je crois savoir qu'en Ontario, il y a la Buchanan Lumber Company, pour laquelle nous avons obtenu un certain nombre de certifications. Elle a cessé ses activités. Nous avons été informés du fait que cette entreprise risquait de perdre tous ses quotas parce qu'elle ne pouvait se permettre de les utiliser, elle est au bord de la faillite. L'Accord sur le bois d'oeuvre résineux est mal conçu.
J'aimerais également dire quelques mots des collectivités et des travailleurs. Notre syndicat essaie d'aider les travailleurs forestiers et leurs collectivités. Lorsqu'une usine ferme, nous faisons tout ce que nous pouvons pour essayer de trouver un nouvel acheteur qui soit disposé à moderniser l'usine ou à fabriquer un nouveau produit.
À partir de vendredi — et je crois que c'est un aspect qu'il est important que le comité comprenne — nous allons rencontrer des représentants d'AbitibiBowater, le premier producteur de papier journal au Canada, dans le but de chercher des façons d'assurer la sécurité de nos membres et de l'industrie. Nous démarrons les négociations avec un an d'avance pour tenter de trouver une solution avec AbitibiBowater. Notre syndicat a pris certaines mesures et fait ce qu'il peut pour trouver une solution.
L'ampleur de la crise vient toutefois grandement limiter ce que nous pouvons faire et ce que les employeurs peuvent faire. Pendant un siècle, cette industrie a fait vivre des centaines de collectivités rurales; elle est maintenant sans défense.
Il faut prévoir, en cas de fermetures d'usines, des programmes spéciaux qui accordent une aide financière aux travailleurs, en particulier aux travailleurs âgés, et à leurs collectivités. Il faut également donner la priorité à un fonds de transition conçu pour aider les collectivités à diversifier leur économie.
Si vous lisez notre mémoire, vous verrez qu'il parle beaucoup de l'aide qu'il convient d'accorder aux travailleurs.
J'aimerais terminer en disant qu'il est nécessaire que le gouvernement fédéral convoque un sommet national auquel seraient invités tous les intéressés au Canada — l'industrie, les travailleurs, les collectivités — dans le but de parler de la crise. C'est ce que nous avons demandé au premier ministre; je lui ai parlé personnellement. Il faut que tous les intéressés participent à un tel sommet pour que nous puissions trouver une issue à cette crise. Nous refusons de parler d'industrie finie. Nous sommes convaincus qu'en réfléchissant à ces problèmes tous ensemble, nous pourrons trouver le moyen de rajeunir notre industrie et d'aller de l'avant.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur Coles.
Nous allons maintenant passer à Emilio Rigato, qui comparaît à titre individuel. Vous avez dix minutes. M. Rigato.
Je vous remercie. Je suis très heureux d'être ici.
Lorsque j'ai reçu l'avis de comparution, je dois vous avouer que j'ai pensé que nous pourrions finalement faire connaître notre point de vue. Mais j'ai fait un petit peu de recherche et j'aimerais vous parler de l'industrie d'un point de vue un peu différent. Je dois admettre que vous m'avez obligé à examiner la situation d'une autre perspective. Je vais donc prendre quelques minutes pour vous dire comment je vois les choses.
Au cours des quelque 30 années que j'ai vécu, j'ai constaté que l'industrie connaissait régulièrement des cycles. C'était des cycles de trois à cinq ans. Ils se succédaient constamment. Ces cycles étaient reliés à des négociations au Canada ou aux États-Unis, à des conventions collectives, et à l'inventaire de 30 jours que les éditeurs se gardent. Lorsqu'ils voulaient faire baisser les prix, ils faisaient passer l'inventaire à 45 jours. À cette époque, c'était le producteur qui commandait. La demande de papier journal augmentait de 1,5 à 2 p. 100 par an, de sorte que nous avons résisté aux différents cycles et nous avons fait ce que nous devions faire.
En ce temps-là, il y avait cinq fabricants de machines à papier au Canada. L'industrie du papier journal a été inventée au Canada dans les années 1900. Toutes les machines à papier utilisées en Amérique du Nord, les machines originales, ont été construites entre 1908 et 1918 et 1920. La réunion spécialisée sur les pâtes et papier qui se tenait au Canada attirait 15 000 personnes dans les années 1960 et les années 1970. Les marges bénéficiaires étaient à deux chiffres et commençaient par des deux ou des trois.
Tout a commencé à changer dans les années 1970. Le pouvoir — si je peux parler de pouvoir — est passé au consommateur et le consommateur était également l'acheteur. Il n'y a en fait que 12 ou 13 personnes en Amérique du Nord qui achètent 75 p. 100 du papier journal produit au Canada. Les éditeurs sont devenus protectionnistes, à cause des cycles, et ils ont commencé à construire leurs propres usines.
Il y a aussi le fait qu'avec des marges aussi importantes, le papier journal et le papier étaient des produits vendus FOB au quai de l'acheteur. Qu'est-ce que cela voulait dire? Nous expédions nos produits n'importe où en Amérique du Nord, en assumant le coût du transport. Mais n'oublions pas qu'en Amérique du Nord, l'infrastructure est construite d'est en ouest et nos activités commerciales vont du nord au sud. Cela représente un coût très élevé. Il en coûte trois fois plus d'expédier un produit à San Francisco qu'au Japon.
Au cours des années 1970, le groupes écologiques ont commencé à demander de la pâte sans chlore élémentaire, du papier journal recyclé, et l'abandon de l'utilisation des produits sulfurés. On a donc construit des usines thermomécaniques. À cette époque, la technologie se trouvait en Scandinavie et en Europe. L'industrie n'avait qu'une soixantaine d'années et déjà la technologie était passée en Europe. Nous sommes tous allés en Europe et en Scandinavie pour acheter nos nouvelles machines à papier.
La politique — si l'on peut parler de politique au Canada — consistait à faciliter l'extraction de la ressource ligneuse. J'en parle avec une touche d'ironie parce que j'ai participé à ce processus. Nous avons obtenu des prêts pour les dépenses de capital et des subventions pour augmenter la production. Au palier provincial, l'idée était que nous avions à notre disposition la meilleure fibre au monde, en quantité suffisante pour un siècle, un produit renouvelable, et qu'il fallait donc l'utiliser. À cause des subventions et à cause des pressions environnementales, le programme de création d'emplois a été créé sur le principe suivant: « Adoptons une politique sur la façon d'utiliser cette fibre. Nous allons la faire travailler par les scieries de façon à mieux l'utiliser et cela va créer des emploi. » On a donc mis sur pied, dans les années 1970, un programme qui prévoyait l'indexation de la valeur du bois sur pied sur le prix du produit et sur la façon dont il était utilisé. Cela a rapporté beaucoup d'argent aux gouvernements provinciaux. Cela a créé des emplois. Cela a créé de la richesse. Ces années-là, on construisait 24 machines à papier journal en Amérique du Nord par année, et chacune d'entre elles coûtait près de 200 millions de dollars. C'était une industrie très importante, tant sur le plan des emplois que sur celui des immobilisations. Il y avait de la fibre en abondance.
Il est ensuite survenu un petit problème, et le problème était l'Amérique du Sud.
Nous avons inventé la pâte de feuillus dans le nord de l'Ontario, croyez-le ou non. C'est une des premières régions au monde où l'on a utilisé le peuplier pour fabriquer de la pâte. Les Américains du Sud ont découvert ce procédé tout de suite et, immédiatement, parce que la technologie voyage plus rapidement que les gens aujourd'hui; ils ont construit des usines de papier qui étaient deux fois plus grosses que les nôtres. Cela a exercé des pressions sur les prix.
Dans les années 1980, l'industrie a réagi. Dave a tout à fait raison; elle a réagi avec des contrats de cinq ans. La production était multipliée par deux et par trois. On a augmenté notre capacité de production pour baisser le coût unitaire. C'est la façon dont le Canada a réagi. L'industrie a commencé à connaître des fusions. Pour la première fois, on a importé de la pâte à papier en Amérique du Nord. La plupart des usines ont dû se transformer à cause de problèmes d'énergie; le coût de l'électricité était instable. On a commencé à construire des usines dans tout le Canada et les États-Unis. Il y avait le protectionnisme américain. Il y avait une solution: un fabricant canadien devait avoir une usine aux États-Unis et c'est ce que nous avons tous fait.
Le problème est qu'au milieu des années 1980, les entreprises n'arrivaient plus à récupérer le coût de leurs investissements. Les rendements étaient à un seul chiffre et toujours inférieurs à dix. Au cours des années 1990 et 2000 — et je vais terminer là-dessus — il a fallu abandonner l'idée que l'on disposait d'un approvisionnement en fibres qui durerait un siècle. À cause de l'Amérique du Sud, le prix de la pâte est tombé à son plus bas. Les cycles étaient désormais d'un et deux ans. Les fusions et le retour aux activités essentielles sont devenus la norme. Les éditeurs se sont retirés de l'industrie et la demande de papier journal a commencé à diminuer, sans jamais s'arrêter. Chaque année, à partir du milieu des années 1990, la demande a baissé de 2 p. 100. Ces dernières années, elle a en fait diminué davantage, à 2 et 3 p. 100.
La Chine a commencé à construire deux machines par an et sa capacité de fabriquer le papier journal est presque deux fois supérieure à celle de l'Amérique du Nord. L'Europe et la Scandinavie ont repensé leurs activités; elles ont abandonné le papier journal et ont commencé à diversifier les catégories de papier produites. Leurs politiques nationales favorisant la compétitivité grâce à l'innovation, les radiations et l'appui technique sont toutes intégrées. Tous les fabricants nord-américains de machines à papier ont disparu au cours des années 1990. Cette technologie était vraiment l'apanage de la Scandinavie et de l'Europe. L'Amérique du Nord s'est entièrement attachée à réduire les coûts, à sous-traiter, à adopter des pratiques de travail flexibles, à allonger les contrats et à recycler 25 p. 100 — toutes les choses qui ont fait baisser nos prix — mais au Canada et aux États-Unis, toutes les usines, sauf quelques-unes, sont passées du côté droit de la courbe des coûts. Nous avons commencé une glissade qu'il est impossible d'arrêter.
J'aimerais maintenant dire que l'industrie des pâtes et papier est ce qu'elle est. Nous devons utiliser nos points forts; notre point fort est que nous avons la meilleure fibre au monde. Personne ne peut nous enlever cela. Non, nous ne pouvons pas faire concurrence aux Asiatiques et au sud-Américains. Leurs usines n'ont que dix ans; les nôtres en moyenne ont sans doute 50 à 60 ans. Nous ne pouvons pas leur faire la concurrence sur les coûts. L'électricité ne coûte plus 3,5¢; elle coûte 6,5¢ partout.
Dave a tout à fait raison et je le félicite pour ce qu'ils ont fait. Il fallait auparavant cinq heures de travail pour fabriquer une tonne de papier journal; nous sommes maintenant passés à près de deux, de sorte que les travailleurs ont beaucoup progressé.
À l'avenir, il faudra, je crois, à la fois une politique nationale et une politique provinciale pour l'industrie forestière. Il suffit de prendre l'exemple de l'infestation du dendroctone du pin en Colombie-Britannique. C'est la pire qu'ait connue l'industrie nord-américaine. Il existe une technologie qui permet de contrôler cette infestation; mais elle n'est pas utilisée.
Dans cinq à sept ans, on enregistrera probablement une diminution de 20 à 30 p. 100 de la possibilité de coupe pour la seule Colombie-Britannique. Le Québec a diminué sa possibilité de coupe de 30 p. 100. L'Ontario — il y a là aussi une petite touche d'ironie — aimerait beaucoup réduire sa possibilité de coupe mais elle ne l'a pas encore annoncé. Mais cette diminution sera probablement de l'ordre de 20 à 25 p. 100.
Grâce à leurs politiques nationales, les Scandinaves arrivent à faire pousser deux à trois fois plus de fibres que nous sur le même hectare; même climat, même topographie.
Il nous faut une politique nationale qui vise à transformer notre industrie des pâtes et papier en une industrie de la biofibre. Les entreprises canadiennes ne pourront y parvenir seules; leur bilan ne leur permet pas. Tout au mieux, elles pourront amortir leurs immobilisations — et il y en a en fait certaines qui le font — mais elles ne pourront pas seules se convertir à la biofibre à cause de leur bilan. Il faudrait aussi que le prix du pétrole reste à un niveau de 60 à 70 $ pour qu'elles puissent le faire.
Il y a bien sûr l'industrie chinoise et asiatique, une grosse industrie à l'heure actuelle, qui doit importer toute sa fibre, parce que les arbres qui poussent dans cette partie du monde n'en contiennent pas ou très peu.
Ce n'est pas l'Amérique du Nord qui possède la technologie de la fabrication des pâtes et papiers. Nous ne sommes plus les chefs de file mondiaux. Ce sont la Chine, l'Asie et la Scandinavie; nous devons l'admettre.
Nous devons repenser complètement l'industrie et passer d'un seul coup à la technologie de la biofibre; il faut aussi le faire rapidement. Il existe déjà certaines alliances en Amérique du Nord que nous devons renforcer, mais je pense également qu'en Ontario et au Québec, nous devons utiliser nos points forts et non pas nos points faibles. Nous avons la meilleure fibre au monde. Pourquoi ne pas augmenter son rendement en adoptant des politiques nationales et provinciales appropriées? Pourquoi ne pas adopter la technologie des pâtes et papiers à celle de la biofibre grâce aux centres d'excellence que nous possédons, en utilisant le talent qui existe encore en Amérique du Nord avant qu'il disparaisse? Il y a des gens au Canada qui ont été les inventeurs de cette industrie.
Enfin, je pense qu'un de nos points forts, même s'il y a beaucoup de gens qui pensent que c'est un point faible, ce sont les villes où il n'y a qu'une seule industrie dont Dave a parlé. Elles ont l'infrastructure nécessaire pour aller chercher cette fibre. Leur situation actuelle est très mauvaise, mais leur orientation est une force qui peut être utilisée différemment. Nous devons fournir un leadership et des politiques qui vont faciliter ce changement et pas nécessairement l'effectuer.
C'est tout ce que je voulais dire. Merci.
Merci beaucoup, M. Rigato.
Merci à tous pour vos exposés; ils seront très utiles pour le comité.
Nous allons passer directement aux questions, en commençant par l'opposition officielle, M. Boshcoff, pour sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Merci aussi aux témoins. Des commentaires comme ceux que vous venez de nous présenter vont beaucoup nous aider à produire pour le Parlement une bonne série de recommandations, qui devraient déboucher sur une stratégie nationale. Je veux donc que vous sachiez que le temps que vous avez passé ici sera extrêmement rentable.
J'ai deux questions et tous ceux qui souhaitent y répondre peuvent le faire.
Sur le côté humain de cette restructuration, je dois vous dire que le comité a amené le gouvernement à mettre sur pied la fiducie pour le développement communautaire. Lorsque nous avons entendu le sous-ministre des ressources naturelles expliquer que cela consistait simplement à envoyer des fonds aux provinces, nous avons été quelque peu surpris et étonnés.
Première question: pensez-vous que le fédéral aurait dû préciser que ces fonds devaient être affectés à quelque chose comme la biofibre pour les industries forestières et ses travailleurs, qu'ils soient au chômage ou non?
La seconde question est de nature générale. Dans le cas du rôle du gouvernement fédéral qui consiste à respecter les compétences provinciales en matière de ressources naturelles, pouvez-vous nous suggérer quelques éléments qui feraient partie d'une politique qui nous permettrait de faire ce genre de saut technologique vers la biofibre?
David, allez-y.
J'aimerais simplement vous dire que nous disposons d'environ cinq minutes et demi pour toutes vos réponses. Je vous invite donc à présenter de brèves réponses pour que nous puissions donner la parole au plus grand nombre possible d'invités dans le temps dont nous disposons.
Allez-y, M. Coles.
Au sujet de votre première question, qui portait sur le fait que les fonds destinés aux collectivités avaient été remis aux gouvernements provinciaux, si cette mesure avait aidé une seule collectivité forestière ou un seul travailleur forestier, nous aimerions le savoir. Ce n'est pas ce qui s'est passé. Nous avons été déçus de constater que ces fonds n'étaient pas ciblés sur les collectivités forestières.
La question de l'intervention du gouvernement dans l'industrie est une grande question. Il faut voir ce qui se fait en Scandinavie, en Amérique du Sud — dans les régions où le capitalisme est bien développé. Le gouvernement fédéral joue toujours un rôle clé, qu'il y ait des gouvernements provinciaux, territoriaux ou non. Nous avons besoin de l'intervention du gouvernement dans le domaine de la recherche et du développement et d'incitations favorisant la biodiversité.
Les entreprises ne peuvent le faire; elles n'ont pas les moyens. Peu importe où elles sont situées sur la scène politique; il faut regarder ce qui se fait ailleurs et essayer de comprendre pourquoi les autres font mieux que nous. C'est grâce à l'intervention de l'État et pas aux subventions — je suis d'accord avec mon ami assis à côté de moi, lorsqu'il dit que ce ne sont pas les subventions — mais il faut montrer la voie dans la recherche et le développement, dans les avancées technologiques, choses que les sociétés ne peuvent actuellement se permettre.
Voilà notre position sur ces questions.
Je pense la même chose et j'aimerais dire qu'un contrôle communautaire serait une excellente chose, mais ce serait un excellent programme si la politique du gouvernement fédéral avait l'objectif suivant: « nous allons uniquement financer les projets relatifs à la biofibre. Nous n'allons pas utiliser ces fonds pour consolider une industrie qui est finie; nous voulons progresser. Essayons de réinventer ce que nos prédécesseurs ont fait en 1908. » Cela me paraît tout à fait faisable.
Au sujet de votre première question, à savoir si le gouvernement fédéral devait affecter des fonds à des projets particuliers ou décider comment la fiducie pour le développement devrait être utilisée, je dirais que de notre point de vue, c'est ce qu'il faut faire, parce que nous sommes des producteurs de ressource. Je ne veux pas m'opposer à la position de M. Rigato, mais si ses fonds sont uniquement destinés à l'industrie, nos membres n'auront rien encore une fois. Nous craignons fort que cela soit ce qui se passera si on donne aux provinces la possibilité de décider de l'affectation de ces fonds : elles vont encore nous oublier.
Pour ce qu'il vaudrait faire pour progresser, je suis tout à fait en faveur de la proposition qu'a faite M. Coles, à savoir tenir un sommet national sur l'industrie forestière. J'ai eu la possibilité de visiter la Finlande, il y a quelques années. Ce pays a décidé que l'industrie forestière n'était pas une industrie finie, mais qu'elle serait un de leurs principaux secteurs industriels et qu'il faudrait élaborer des politiques ayant pour objectif d'en faire un des principaux piliers de leurs sociétés. C'est ce qu'a fait ce pays, il y a quelques années et ce projet est en train de se réaliser.
Il sera intéressant de voir le gouvernement fédéral organiser un tel forum national, mais ce forum devrait avoir pour but d'élaborer des politiques qui feraient de l'industrie forestière un secteur d'avenir et non pas un secteur dépassé.
Merci, monsieur le président.
J'ai personnellement une longue expérience de la coopération provinciale-fédérale, parce que j'ai travaillé pour le gouvernement. Je pense que la question que vous avez posé touche directement cet aspect.
Quant à la fiducie pour le développement communautaire d'un milliard de dollars, on peut se demander si ces fonds sont suffisants. La façon dont cette fiducie a été conçue a fait ressortir des aspects très intéressants. Cela a en fait obligé les provinces à se donner des priorités.
Je peux dire, en me basant sur mon expérience récente — et là, je parle de la Nouvelle-Écosse, du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique — que les commentaires que nous recevons nous invitent à dire que ces fonds devraient prioritairement aller à l'industrie forestière et que l'industrie aurait son mot à dire. Cela a pour effet d'étoffer la position qu'ont adoptée les provinces sur ces questions, lorsqu'on envisage toutes ces possibilités, ce qui constitue une autre dimension que celle que mentionne la plupart des gens.
Sur l'autre aspect, à savoir le montant d'un milliard de dollars, je dirais que, par rapport à l'ampleur du problème, et en particulier, compte tenu du fait que cet argent pourrait être attribué à d'autres secteurs, ce montant n'est sans doute pas suffisant. Cela dit, c'est un début et je peux vous dire que les provinces que j'ai mentionnées ont réagi de façon très positive à cette initiative et qu'elles ont considéré que ces fonds pouvaient être utilisés pour établir des partenariats, au sein desquels l'industrie apporterait également des fonds pour progresser dans certains domaines.
Quant aux rôles respectifs des provinces et du gouvernement fédéral, je pense qu'en matière d'industrie forestière — même si les provinces, comme vous le dites, sont propriétaires de la ressource et que cela soulève une question de compétence — il s'agit en fait d'établir un véritable partenariat fédéral-provincial. Il est vrai que les provinces sont propriétaires de la ressource mais les deux paliers s'intéressent en fin de compte à l'industrie manufacturière, aux petites collectivités, aux pertes d'emploi, à la création de la richesse, etc. Lorsque nous parlons de marchés — d'accès aux marchés, de développer de nouveaux marchés, de nouvelles applications, de l'appui accordé à la R et D — le gouvernement fédéral joue alors un rôle essentiel. C'est sa mission.
D'après moi, il y a tellement d'aspects communs sur lesquels nous pouvons travailler ensemble qu'il ne s'agit pas, à mon avis, d'une question de compétence qui oppose les différents paliers de gouvernement. Cela devrait en fait déboucher sur une entente de partenariat.
Merci.
Merci, M. Boshcoff.
Nous allons maintenant passer au Bloc québécois et à M. Ouellet pour sept minutes.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je vais vous poser des questions assez courtes, et j'aimerais que vos réponses le soient aussi. De cette façon, je pourrai poser toutes mes questions.
Monsieur Coles, vous avez dit, et avec raison, qu'il y avait présentement une crise dans le secteur forestier. Vous avez parlé de toutes sortes de mesures visant à améliorer la situation: le développement renouvelable d'énergie, les marchés extérieurs, la recherche, etc. Pensez-vous que les 10 millions de dollars annoncés dans le budget réussiront à couvrir tout ce que vous avez mentionné?
Merci, monsieur Ouellet. Je vais répondre au nom du syndicat et du président Coles.
Le milliard de dollars supposément alloué à toutes les industries est loin d'être suffisant. C'est loin de répondre aux besoins de l'industrie forestière. Vu l'énormité du problème, les dizaines de milliers d'emplois perdus dans cette industrie, sans parler des centaines de milliers d'emplois perdus à l'échelle canadienne dans les autres industries manufacturières, ces montants sont à toute fin pratique dérisoires.
Vous parlez du milliard de dollars, monsieur Newman, et on savait que c'était insuffisant, mais dans le budget, on parle de 10 millions de dollars. Ne pensez-vous pas que c'est une goutte d'eau, en fin de compte?
À vrai dire, ce n'est même pas une goutte mais une molécule d'eau. C'est vraiment très peu. C'est rire des gens. Pour être franc, je dirais que ce montant est si dérisoire que c'en est une vraie farce.
Monsieur Dansereau, vous avez dit plus tôt que les périodes calmes étaient un temps propice pour travailler activement dans les forêts. Il faut donc du temps et de l'argent pour employer les gens. Que pensez-vous du fait que la déduction pour amortissement accéléré, qu'on appelle DPAA, n'a été prolongée que d'un an alors que l'ensemble de l'industrie forestière canadienne demandait que ce soit pour cinq ans? De plus, on prévoit qu'après cette année-là, elle va graduellement être diminuée.
En ce qui concerne la forêt privée, cette mesure a peu d'effet parce que nos gens travaillent vraiment à une très petite échelle. Les investissements dans la machinerie sont limités et ils le sont encore plus dans les équipements de transformation industrielle. Donc, pour les gens que nous représentons directement, cette mesure n'a certainement pas d'impact à court terme. Par contre, le fait que des mesures permettent à l'industrie forestière de se solidifier et de se réinventer, comme on l'a mentionné aujourd'hui, est intéressant pour nous parce que...
Ça aurait été le cas si, par exemple, dans le cadre de la fiducie qui a été mise sur pied, on avait déjà suggéré aux gouvernements provinciaux de soutenir des programmes destinés à la forêt privée axés sur les travaux sylvicoles et permettant des travaux visant à améliorer les forêts sans que du bois soit nécessairement produit à court terme pour la récolte.
D'accord. Ça aurait été important.
Monsieur de la Roche, je sais que FPInnovations fait des travaux sur les matériaux composites, ce qui est réellement extraordinaire, à mon avis, puisque l'avenir est extrêmement prometteur dans ce domaine.
Pensez-vous que les 10 millions de dollars alloués à la recherche et développement dans le budget de cette année vont réellement faire en sorte que ces matériaux soient développés dans le cadre de projets-pilotes et qu'on leur trouve des débouchés sur le marché?
Il est vrai que 10 millions de dollars, ce n'est pas assez, mais il faut prendre en considération le fait que l'année dernière, le gouvernement fédéral a investi 50 millions de dollars dans FPInnovations afin que l'entreprise travaille à des technologies de transformation. De plus, nous avons eu l'occasion d'accroître cette somme d'un montant supplémentaire de 10 millions de dollars par année au moyen de la contribution provinciale. Donc, si on ajoute à 20 millions de dollars par année sur trois ans un montant additionnel de 10 millions de dollars, ça fait 30 millions de dollars. En outre, les membres de FPInnovations fournissent leur propre contribution. Ce sont des chiffres qui commencent à être significatifs.
Je ne parle pas des 10 millions de dollars, mais des autres fonds. Cela dit, il faut respecter le fait qu'on a reçu quelque chose du gouvernement fédéral pour mettre de l'avant FPInnovations. Nous sommes en train de faire en sorte que les universités s'intéressent aux biocomposites et à la nanotechnologie. Ça commence. NanoQuébec a obtenu un investissement très important. Le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation est un ministère provincial. Je peux vous dire, monsieur Ouellet, qu'il est toujours important d'avoir davantage, mais qu'il ne s'agit pas que de 10 millions de dollars.
D'accord.
M. Chevrette, le président-directeur général du Conseil de l'industrie forestière du Québec, disait que l'industrie des produits forestiers avait un fort potentiel de croissance pour l'avenir. Les marchés mondiaux étant à la hausse, il y aurait une concurrence accrue pour le territoire des ressources. La question est de savoir comment s'assurer que l'industrie canadienne est bien positionnée pour l'avenir.
Avez-vous une idée là-dessus, monsieur Newman?
Oui. Je crois que M. Rigato a parlé de refondre l'industrie au complet, et c'est pour cela que les montants sont dérisoires. Notre industrie est orientée vers le passé, et maintenant, on fait quelques petits pas vers l'avenir. On a besoin de fonds considérables pour repenser l'industrie au complet, pour voir comment combler ce retard de 20 ou 30 ans et pour faire face aux défis internationaux et aux nouveaux produits. Il y aura de la construction, et des produits du papier seront utilisés. Il faut qu'ils soient produits au Canada. C'est ce que nous voulons. C'est pour cela qu'il faut vraiment repenser complètement l'industrie.
Si vous deviez chiffrer l'apport du gouvernement fédéral nécessaire pour couvrir le besoins, quel serait ce montant?
Ce serait plusieurs milliards de dollars uniquement pour l'industrie forestière. Il faudrait trois, quatre ou cinq milliards de dollars pour refaire l'industrie.
[Traduction]
Merci, monsieur Ouellet.
Nous allons maintenant passer aux Nouveaux démocrates et à Mme Bell pour sept minutes.
Merci et merci à tous les témoins qui nous ont présenté aujourd'hui des exposés très intéressants. J'ai retenu un thème commun, la recherche et le développement. On y a consacré des fonds et c'est une bonne chose, mais il en faut davantage. J'aimerais donc poursuivre sur ce sujet.
Le montant de 10 millions de dollars qui a été annoncé dans le budget l'autre jour est destiné à faire connaître les produits novateurs dans le monde entier. Mais nous cherchons ici des fonds qui aideraient cette industrie à devenir plus novatrice. De votre point de vue, combien d'argent supplémentaire faudrait-il et que pourrait-on faire avec cet argent?
RNCan a déclaré que cette industrie avait perdu près de 30 000 empois. M. Coles, vous avez mentionné que 20 000 de ces emplois perdus concernaient les membres de votre syndicat. La plupart des emplois ont donc été perdus dans cette industrie, ce qui est énorme. Il y a des usines qui ferment partout. J'en ressens les effets dans mes collectivités. Il y a une autre usine qui est en train de fermer au moment où nous nous parlons.
Je me demande si vous pouvez nous en dire davantage au sujet de l'effet qu'a sur les collectivités la fermeture de ces usines et la perte de la main-d'oeuvre spécialisée qui existait dans ces collectivités. Qu'est-ce que cela veut dire pour l'avenir de l'industrie? Je pense que cette industrie n'est pas morte ni même mourante et qu'elle peut devenir durable et c'est ce que vous avez dit également. J'aimerais entendre vos points de vue sur toutes ces questions.
Pour répondre à votre dernière question en premier, il est presque impossible de décrire la catastrophe que cela représente pour les collectivités rurales. La dernière fermeture que j'ai personnellement connue a eu lieu en Colombie-Britannique. C'était la fermeture de l'usine de papier journal et des scieries d'AbitibiBowater à Mackenzie en Colombie-Britannique.
Ce qui est particulièrement cruel à propos de cette histoire, c'est que ce n'était pas une usine ancienne. C'était peut-être une des usines de papier journal les plus modernes que nous avions au Canada. Pour toutes sortes de raisons, AbitibiBowater a décidé de la fermer. Elle n'était pas rentable. L'entreprise perdait de l'argent. Il y avait dans cette collectivité du travail pour environ 4 000 travailleurs dans l'industrie forestière. Ce chiffre est maintenant tombé à 400. Cela a gâché la vie de beaucoup de gens.
Il y a en a qui nous disent, eh bien, ils n'ont qu'à aller en Alberta. Eh bien, Mon Dieu, vous n'avez aucune idée de ce que cela peut faire à une famille de prendre ses enfants, de déménager ses grands-parents et faire toutes ces choses, alors que depuis des générations, cette famille est enracinée dans cette collectivité forestière.
Cela a donc des effets considérables. Et c'est une grande ressource; je suis d'accord avec M. Rigato au sujet de ces collectivités décimées.
Pour ce qui est des fonds, nous avons demandé au premier ministre d'investir 10 milliards de dollars dans la recherche et le développement et dans la biotechnologie. Comment en sommes-nous arrivés à un chiffre de 10 milliards de dollars? Parce que les gens ne comprennent pas l'ampleur des investissements en capital. Si l'on veut construire aujourd'hui une usine de pâtes et papiers de taille moyenne, il faut compter 1,5 à 2 milliards de dollars. Et c'est pour construire une seule usine.
Quant à l'affirmation selon laquelle cette somme de 10 millions de dollars va permettre d'améliorer les choses — voyons, c'est impossible. Il nous faut des fonds, pas des subventions, pour la recherche et le développement et nous aimerions bien recevoir un peu d'argent pour aider les collectivités à effectuer cette transition.
Catherine, j'aimerais répondre à votre question et également faire un commentaire sur la question qu'a posée M. Ouellet au sujet de cette somme de 10 millions de dollars.
Nous avons désespérément besoin d'une politique qui aurait pour objectif de transformer l'industrie des produits forestiers en une industrie de la biofibre au Canada et qui consacrerait suffisamment de fonds à cette transition pour que l'industrie soit rentable. Il faut procéder d'une autre façon ou alors nous nous demanderons toujours si nous disposons de suffisamment de fonds.
La dévastation qui a frappé nos collectivités est vraiment incroyable. Je vis à Thunder Bay et nous avons perdu 12 machines à papier dans les trois usines qui se trouvent dans les environs. Il n'y a pas de jeunes dans l'industrie. L'âge moyen des travailleurs est de 50 ans. Il n'y a pas d'apprentis. Personne n'a été dans le bois depuis 20 ans. Les conducteurs de camion qui transportent le bois ont tous plus de 60 ans. Personne ne veut commencer à travailler dans cette industrie. Il n'y a aucun talent qui se développe à l'heure actuelle.
Pour vous donner un exemple des mesures auxquelles nous nous opposons, je mentionnerai que le gouvernement provincial est en train de fermer les centrales au charbon. La Colombie-Britannique exporte un demi-million de tonnes de granules de bois ver l'Allemagne pour remplacer le charbon. Il y a une centrale au charbon à Atikokan qui doit être fermée bientôt. Atikokan dispose de grandes quantités de fibres mais ces mesures s'opposent au lieu de se renforcer parce qu'il n'y a pas de politiques qui favorisent ce genre de choses.
[Français]
Vous vouliez un exemple, madame Bell. On parlait des propriétaires privés. Il y en a 450 000 au Canada et 130 000 au Québec, dont une cinquantaine de propriétaires actifs. Ces gens vivent de la forêt. Je suis un propriétaire, je viens du Saguenay—Lac-Saint-Jean, mais je prendrai l'exemple d'une autre région parce que je suis président provincial de l'organisation.
Trois scieries de l'Abitibi-Témiscamingue n'ont livré aucun billot à l'usine cette année. Ces gens sont organisés quand même. Ils ont des boisés, des machines et des échéances à respecter, mais ils n'ont pas pu vendre de bois. De plus, le Québec a une loi sur la résidualité. Malgré cela, le monde de l'industrie s'approvisionne à la forêt publique, et le bois de la forêt privée passe après. Il n'y a même pas de volonté politique.
Je ne sais pas comment ça se passe dans les autres provinces, mais ces gens sont au bout du rouleau et en plein désarroi. Voilà la situation, madame Bell, et ce doit être la même chose dans les autres provinces. On prend le bois de la forêt publique, mais les propriétaires de forêt privée restent le long des routes.
[Traduction]
Mme Bell, votre temps de parole est écoulé.
Mous allons maintenant passer du côté du gouvernement et donner la parole à M. Harris pour sept minutes.
Merci, monsieur le président et merci messieurs pour tout vos exposés.
Je vais peut-être commencer par poser une question à M. Rigato. Je pense, monsieur, que dans votre exposé, vous avez très bien décrit le problème auquel nous nous heurtons à cause de la technologie dépassée qu'utilise notre industrie des pâtes et papiers ainsi que par une grande partie de l'industrie du bois d'oeuvre et des produits du bois.
Il y a eu une époque, et je sais que vous vous souvenez de cette époque grisante où les propriétaires d'usine n'avaient même pas besoin de se lever le matin et ils avaient déjà gagné 50 000 $ ce jour-là. C'était le bon temps et il y avait beaucoup de travail. Mais, et vous l'avez dit vous-même, nous n'avons pas modernisé nos usines et nous nous sommes faits prendre. Au lieu de reprocher — et il est facile de tout reprocher au gouvernement, mais vous le savez, en réalité, l'industrie doit assumer une bonne part de responsabilité pour la situation actuelle.
Je sais que vous avez tout à fait raison lorsque vous avez dit que la technologie utilisée dans nos usines à papier remontait aux années 1950 et 1960 alors que l'Amérique du Sud et la Scandinavie se sont modernisés et nous font une concurrence sauvage sur les marchés mondiaux.
Je viens de la région centrale de la C.-B., comme vous le savez. Nous utilisons une technologie de pointe. Nous fabriquons des produits du bois à un prix inférieur à qui que ce soit au monde, du point de vue des coûts.
Les usines qui ont modernisé leur technologie du côté du bois d'oeuvre et celles qui l'ont fait du côté des pâtes sont celles qui vont survivre sans trop de problèmes, même si la situation générale est mauvaise, et qui se retrouveront en bonne position lorsque le cycle redémarrera. Comme M. Lazar l'a fait remarquer la semaine dernière, l'industrie est en train de se transformer et c'est un phénomène que l'on retrouve dans tous les secteurs industriels. Il y a toujours des périodes de transition où il faut regrouper ses troupes pour ensuite repartir et connaître d'autres victoires que celles que nous avons déjà connues.
Je voulais simplement faire ce commentaire. Je sais que nous faisons face à un défi. Le gouvernement a un rôle à jouer, tout comme l'industrie. M. de la Roche a parlé de son organisation, de la technologie, de la recherche et des orientations retenues; les gouvernements provinciaux et fédéral sont prêts à financer les nouvelles technologies.
M. Coles, je ne vais pas aller dans les détails, mais je ne suis pas d'accord avec vous. Il est bien établi que depuis 2006, notre gouvernement a affecté directement des fonds à l'industrie forestière, à la recherche et au développement, et à la santé de nos forêts. Il y a une époque, en Colombie-Britannique par exemple, où le service canadien des forêts surveillait les mesures de lutte contre les ravageurs. Au début des années 1990, la province — je ne me souviens pas du gouvernement qui était au pouvoir — a déclaré qu'elle s'en chargerait si on lui donnait les fonds. Mais en fait, ces efforts n'ont jamais redémarré. Je ne sais pas si la province reçoit toujours cet argent. Elle ne devrait pas puisqu'elle ne... mais le gouvernement a changé.
Je ne peux qu'être d'accord avec tout... Vous avez tous présenté une image très précise de vos différents points de vue et cela nous sera très utile.
Avant que mon temps de parole soit écoulé, j'aimerais vous demander quelque chose, M. Rigato, parce que je veux rapporter votre réponse en Colombie-Britannique. Vous avez déclaré qu'il y avait une technologie qui permettait de lutter contre le dendroctone du pin, mais qu'elle n'était pas utilisée. J'aimerais avoir quelle est cette technologie.
Il faut utiliser des pesticides, mais c'est inacceptable à cause de l'environnement. Cela va dévaster l'industrie. Cette infestation a traversé la frontière de l'Alberta et rien ne l'arrête.
Je le sais. Vous dites qu'il existe une bouillie antiparasitaire mais que le danger qu'elle représente pour l'environnement interdit de l'utiliser?
S'il y en a vraiment une, je pense que certains diraient que c'est une bonne chose ou une mauvaise chose. Si nous ne l'utilisons pas, c'est que cela cause des dommages à l'environnement. L'infestation du dendroctone du pin nous a incités à trouver une technologie qui permettrait de trouver d'autres utilisations du bois infesté par cet insecte. Je sais que l'Université de la C.-B., la University of Northern B.C. et que l'Université Victoria ont mis au point une technologie — je crois aussi à l'Université Simon Fraser, mais je n'en suis pas certain — et que l'on fait de la recherche et du développement et que tous ces programmes sont financés par les gouvernements provinciaux et fédéral. Nous pouvons toujours dire que ce n'est pas suffisant, mais il se fait de la bonne recherche. Lorsque je vous ai entendu parler de ce problème, je me suis dit « Oh, voilà qui est parfait, il faut trouver ce produit — mais si nous ne pouvons pas l'utiliser, alors ce n'est pas vraiment important. »
Vous ne suggérez pas qu'on utilise ce produit, bien sûr.
Non, je suggère d'élaborer une politique. Voulons-nous protéger cette industrie? Dans trois, cinq ou sept ans, la production de bois en Colombie-Britannique aura baissé de moitié. Que feront les membres du syndicat de David?
Je pense que la solution réside probablement dans la recherche et le développement, dans les biocarburants et la bioénergie, et dans la mise au point d'autres produits forestiers à valeur ajoutée, fabriqués à partir d'arbres attaqués par le dendroctone. Il y a beaucoup d'argent consacré à la recherche et au développement. Je sais que M. de la Roche en a parlé et...
Oui, je suis d'accord avec vous mais — et je le dis modestement — une partie de ces fonds sont affectés à l'industrie des pâtes et papiers que l'on retrouve en Asie, en Chine et en Amérique du Sud. Cette industrie n'existe plus en Amérique du Nord. Je pense qu'il faut maintenant passer aux biocarburants, à l'industrie de la biofibre. Nous ne sommes pas encore un chef de file dans ce domaine — personne ne l'est encore — mais nous devrions l'être parce que nous avons accès à la meilleure fibre au monde et nous pourrons ensuite exporter cette technologie.
La Finlande n'exporte pas beaucoup de papier, c'est plutôt les machines à papier et la technologie qu'elle exporte. C'est un pays de six millions d'habitants et tous les pays lui achètent ses produits.
Je pense que vous avez raison et cela fait peut-être partie de la transformation que subit actuellement l'industrie forestière. Il y aura un marché mondial pour la fibre de bois.
On en a parlé il y a quelques semaines. Don Roberts de CIBC World Markets a parlé du fait qu'on ne plantait plus ces arbres en Amérique du Sud et dans certains endroits en Asie et en Europe, là où il y a une industrie forestière, parce qu'on avait besoin de produits alimentaires et agricoles. Le Canada se trouve en fait dans une position idéale; nous devons profiter de cette situation, et vous avez tout à fait raison au sujet de la fibre de bois. C'est l'orientation que nous prenons et je suis certain que les gouvernements provinciaux et fédéral sont prêts à faire davantage dans les régions où cette industrie est un des principaux vecteurs économiques.
Merci, M. Harris. Votre temps de parole est écoulé.
Nous allons maintenant passer à l'opposition officielle et M. Tonks dispose de cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais tout d'abord féliciter tous les témoins. Il est rare que nous accueillions ici des représentants de tous les secteurs de l'industrie. Nous avons des représentants des propriétaires de boisés privés, nous avons des représentants des syndicats et nous avons ceux qui travaillent dans l'innovation et essaient d'apporter une réponse stratégique à la situation dans laquelle se trouvent l'industrie, et ce secteur. Au cours de notre dernière séance, monsieur le président, nous avons entendu des représentants des organismes qui élaborent des propositions concernant les programmes d'immobilisation et les entreprises indépendantes.
J'ai bien aimé l'analyse que nous a présentée M. Rigato. Je ne pense pas avoir vu qui que ce soit hocher la tête lorsqu'il a présenté son exposé. J'en conclus donc que son analyse clinique est exacte et que nous avons besoin de prendre très rapidement des mesures qui vont favoriser les liens entre la recherche et le développement d'un côté et la commercialisation et les conseils à ceux qui veulent investir, à ceux qui veulent faire partie de l'industrie, pour qu'ils prennent rapidement des décisions au sujet des nouveaux marchés et des nouveaux produits.
Cela me rappelle une analyse très solide sur le plan du diagnostic mais pas sur celui du pronostic. M. Rigato a parlé de l'industrie de la biofibre et a mentionné certaines questions comme par exemple : « Oui, pour ce qui est de l'industrie des pâtes, il n'est plus temps de réinventer ce secteur; mais il existe un autre secteur de l'industrie que nous pouvons réinventer. »
Voici donc ma question. Si nous tenions un sommet national, serait-il possible d'accélérer ce plan stratégique pour que tous les acteurs, le gouvernement, les entreprises, les propriétaires de boisés puissent accepter les changements apportés à la Loi de l'impôt sur le revenu, et sur toutes les mesures à prendre? Nous saurions alors un peu où nous nous en allons, au lieu de dire « Eh bien, vous savez, nous sommes obligés de laisser ces usines fermer. Nous allons accorder davantage d'AE et augmenter les prestations d'AE. Nous allons essayer de tenir. ». Serait-il possible qu'un tel sommet débouche sur une stratégie nationale ou sur un plan national et que tous les participants puissent dire ensuite au comité : « Voilà ce qu'il faut faire »et chacun saurait quoi faire?
Merci de ces commentaires. Ils me paraissent très pertinents et l'idée d'un sommet est excellente. Je viens de participer à un sommet au Québec avec mes collègues, qui a réuni différents acteurs pour s'entendre sur des principes de base. C'est ça qui me paraît important, parce qu'il est évident que l'industrie a un grand avenir, mais cela ne sera pas facile. Je ne pense pas qu'il faille oublier les pâtes et papiers et passer à autre chose. Je pense que le volet pâtes et papiers est extrêmement important, mais nous devons faire autrement d'autres choses.
Par exemple, nous avons parlé d'une fibre longue qui a une grande valeur — l'épinette noire, disons, pour le nord de l'Ontario et du Québec. Elle permet de fabriquer le meilleur produit au monde. Nous pouvons en tirer profit. Avec l'eucalyptus d'Amérique du Sud, on ne peut pas produire du papier très chargé, à plus de 40 p. 100, ou des papiers spéciaux qui soient bioréactifs, mais nous pouvons le faire. Nous sommes en train de mettre au point la technologie pour le faire. Il ne faudrait donc pas oublier que la transformation que subit notre façon actuelle de faire les choses est un aspect très important.
Deuxièmement, nous devons diversifier nos sources de valeur ajoutée. Lorsque nous parlons de biofibre et de bioéconomie, nous parlons de fabriquer des produits chimiques et de nouveaux biocomposites. Il se produit 1,5 billion de tonnes de cellulose sur la planète chaque année. C'est une matière renouvelable. C'est une des grosses molécules qui existe en abondance.
AV Cell, par exemple — il y a un des membres du comité qui vient du Nouveau-Brunswick — fabrique de la rayonne pour les vêtements. C'est une coentreprise entre Tembec et une société indienne et cela habille des Indiens en Inde.
Il y a donc toutes sortes de choses. Nous parlons de nouveaux abris fiscaux qui vont permettre de réduire les impôts quelque part. Mais il va falloir approfondir la chose, ce que nous n'avons pas fait jusqu'ici. Je pense que c'est une des principales raisons pour laquelle nous nous sommes placés dans une situation difficile.
J'ai entendu certains parler du fait que nous n'avions pas modernisé nos usines ou pas investi suffisamment, mais nous avons perdu nos liens avec nos clients. Nos clients cherchent de solutions, pas des deux par quatre. Nous devons trouver des solutions et des produits qui tiennent compte du fait que nous sommes un des pays les plus écologiques au monde, sur le plan des agréments et ce genre de choses. Nos usines sont vertes. Dans cinq ans, notre industrie sera complètement neutre sur le plan de l'utilisation des carburants fossiles. Nous allons ajouter l'énergie tirée des biocarburants aux autres techniques. Tout se tient. Le bois est le matériau de construction le plus durable que l'on puisse trouver.
Il y a aussi l'aspect consommation d'eau. La principale limite qui va se faire sentir bientôt dans le monde entier en matière d'énergie, c'est l'eau. On a parlé aujourd'hui de la pollution en Chine, dans la province de Hubei. C'est très grave. Cela va arrêter la production.
Le Canada possède 20 p. 100 des réserves d'eau douce mondiales. Pour construire une structure en acier plutôt qu'en bois, il faut utiliser 10 à 11 fois plus d'eau pour l'acier que pour le bois. Notre avenir est tellement prometteur que je n'en reviens pas.
Nous n'avons pas beaucoup parlé des gens qui travaillaient dans cette industrie. Comment leur donner plus de pouvoir? Comment les motiver pour que les étudiants s'intéressent de nouveau à cette industrie et à cette bioéconomie? Que devons-nous faire pour les motiver? Que faire en matière de formation, d'éducation pour leur donner vraiment la liberté de penser?
J'ai parlé aujourd'hui de technologie et d'innovation. Mais l'innovation, ce sont les gens. Ce sont les gens qui travaillent dans une usine aussi bien que les penseurs novateurs que l'on retrouve dans la haute direction de l'entreprise, et le reste. C'est dans ce domaine qu'il faut agir.
Merci.
Nous avions besoin d'un peu de passion et je crois que c'est ce que nous venons d'obtenir, monsieur le président.
Merci, M. de la Roche.
[Français]
Je vous remercie d'être présents.
Je représente la circonscription Abitibi—Témiscamingue. Ai-je besoin de vous expliquer que nous avons amplement vécu la crise forestière? Pour vous mettre dans le contexte, le bois de l'Abitibi descendait jusqu'à l'Outaouais pour être traité par la CIP. Nous avons vidé nos forêts. Nous avons une compagnie qui s'appelle Tembec.
J'ai bien écouté M. de la Roche. Ma position est claire. Nous n'avons pas besoin de sommet. Les gens ici présents qui croient que nous avons encore besoin d'un sommet perdent leur temps. Nous connaissons les solutions. Le problème est que nous avons peur de les appliquer. Quand cesserons-nous de vendre des deux-par-quatre aux États-Unis? Quand cesserons-nous de bâtir nos édifices en ciment, en brique et en métal?
Vous parliez de la Finlande; moi, je vais vous parler de la Suède et de la Norvège. J'y suis allé, j'étais président mondial du vélo. J'en ai fait le tour, et ils sont obligés de bâtir les infrastructures en bois. Tembec vient d'inventer un nouveau produit et de le breveter. Il faut de deux à trois ans pour faire de la recherche et développement. Je suis absolument d'accord avec M. de la Roche. Il faut de deux à trois ans pour mettre en place un nouveau produit. Tembec vient de le découvrir. Ce dont elle a besoin actuellement, c'est d'arrêter de vendre des deux-par-quatre et mettre en place une usine pour faire des structures de bois avec de la biofibre.
Il n'est pas question de blâmer le gouvernement actuel ou le gouvernement précédent, mais on veut qu'il s'implique. La seule chose qu'on lui demande, c'est d'arrêter d'être insensible à la situation que vivent les régions. Il est évident que d'autres moulins vont fermer, et je pense que le syndicat en est tout à fait conscient.
Comment fait-on, à partir d'aujourd'hui, pour cesser de regarder derrière et pour regarder devant? Quelle est la solution? C'est la question que je pose à chacun d'entre vous: si une seule solution ou proposition devait être mise en place immédiatement, quelle serait-elle? Oubliez les coûts et dites-vous qu'il n'y a aucune limite. Qu'est-ce que vous voudriez voir implanté immédiatement, peu importe le coût?
[Traduction]
Nous allons commencer par M. Newman.
J'inviterais les témoins à être brefs pour que chaque groupe ait 45 secondes pour répondre.
Allez-y.
[Français]
Vous ne serez pas surpris d'entendre, monsieur Lemay, que je ne suis pas d'accord avec vous quant au sommet. Effectivement, les solutions sont connues globalement: la valeur ajoutée, la recherche et développement, etc. On le sait depuis 20 ans. Je me souviens que lorsque j'ai commencé au syndicat, on mettait de l'avant la valeur ajoutée et on demandait pourquoi on ne pouvait pas en produire. Il y a toute une structure psychologique qui fait qu'on n'a fait que ce que M. Rigato a dit: on a exploité la ressource la plus élémentaire possible. Je vous dirais que c'est surtout cette mentalité qu'il faut changer. Ce n'est pas facile quand un siècle de pensées va dans un certain sens.
Je veux faire un très petit lien, puisque nous sommes devant le Comité permanent des ressources naturelles. On est en train de vivre exactement ce qu'a évoqué M. Rigato dans le domaine du pétrole dans l'Ouest canadien. Aujourd'hui, en 2008, on vit la même chose, et c'est d'ailleurs en train de miner nos industries manufacturières.
Revenons à l'industrie forestière. On pense que les mentalités ont changé, mais je vous dirai que ce n'est pas le cas. Nous avons besoin d'un sommet pour brasser un peu les gens, pour asseoir tout le monde autour de la table et dire que le passé, c'est le passé, qu'il faut se tourner vers l'avenir. Nos mentalités antérieures du XIXe siècle ne servent plus. C'est pour cette raison qu'on pense qu'il faut un sommet, quelque chose de gros pour ébranler un peu les gens.
[Traduction]
[Français]
Je crois qu'il est nécessaire de mettre en place des stratégies nationales pour le développement de l'industrie forestière, mais aussi pour le développement des milieux forestiers. Il faut des forêts pour soutenir cette industrie. Je disais plus tôt qu'il fallait appuyer l'idée d'un sommet, mais c'est à la condition que ce sommet donne l'élan nécessaire pour aboutir à ces stratégies.
Au cours des dernières années, j'ai été très impliqué dans la Stratégie nationale des forêts du Canada. J'ai été obligé de constater que la responsabilité des forêts est partagée au Canada. Cela crée des difficultés de coordination. Il est également certain que cela complique l'action du gouvernement fédéral qui, pour ce qui est des ressources forestières, est à toutes fins pratiques absent des débats. Les différents paliers de gouvernement peuvent-ils mieux se coordonner pour prévoir l'effet des marchés et tenter d'y contribuer au lieu de le subir? Ce serait intéressant.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins qui ont parlé ce matin. Ils ont tous présenté d'excellents exposés. Merci d'être venus. Vous représentez différents secteurs de l'industrie forestière et c'est un aspect très important parce que nous essayons de décider dans quelle direction nous orienter.
Je vous ai écouté et j'ai eu très envie de vous demander à tous comment nous avons fait pour en arriver là. Cela n'est pas arrivé du jour au lendemain. J'ai du mal à croire qu'avec nos trois centres de recherche au Canada que le gouvernement fédéral finance depuis des années, les entrepreneurs et les syndicats de cette industrie se retrouvent tout d'un coup dans une situation catastrophique. Je vais faire un effort et je m'abstiendrai de poser cette question.
Une voix: J'ai une réponse.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. Joe Comuzzi: J'ai changé de méthode. Le prix de la pâte était ce matin à 880 $ la tonne US. Ce n'est pas mal, n'est-ce pas?
Et la demande est incroyable. La Chine veut acheter tous les copeaux que nous pouvons produire.
M. Anderson, est-ce bien ce que dit ce rapport, pour l'essentiel?
Excusez-moi de vous interrompre, mais il y a trois usines de pâte en Ontario qui sont fermées — trois qui sont fermées de façon permanente.
Mais nous parlons du prix du produit et ce prix a atteint un sommet, alors comment expliquez-vous la situation? Il y a quelque chose qui ne va pas.
C'est logique en fait.
Premièrement, à la question qui a été posée du côté du gouvernement, au sujet d'attribuer la responsabilité de la situation au gouvernement, la réponse est absolument pas. L'industrie canadienne des pâtes et papiers a refusé d'investir quoi que ce soit pendant 30 ans. Nous avons fait tout ce que nous avons pu pour l'inciter à investir. De sorte que nous ne blâmons par le gouvernement; il devrait tout simplement faciliter le changement.
Le dollar canadien était à 65¢ et il y a eu des profiteurs. L'industrie des pâtes et papiers a profité de la situation; elle n'a pas eu à faire face à un dollar canadien valant un dollar américain. Nous en sommes maintenant rendus là. Le prix de la pâte de fibre courte en Amérique du Sud est de 225 $ à quai; le coût de production de cette même pâte au Canada est, si nous avons de la chance, de 450 à 500 $.
Je dois vous arrêter parce que mon temps de parole va s'écouter et vous avez déjà pris pas mal de temps.
Très bien, cela répond à ma question. Ce produit a atteint un prix de 880 $, il est plus élevé qu'il ne l'a jamais été depuis longtemps et nous ne sommes toujours pas capables de le produire pour répondre à la demande du marché ou il y a des raisons qui expliquent pourquoi nous ne pouvons le faire.
Est-ce bien cela?
Oui, ce sont les coûts. Nous ne fabriquons pas tellement de pâte en termes relatifs, si ce n'est dans l'Ouest. C'est principalement du papier journal, des papiers fins et leur prix est en chute libre.
Je suis d'accord avec M. Tonks. Nous avons exactement besoin de ce dont vous avez parlé et, monsieur le président, je ne pense pas que nous pouvons nous permettre de perdre beaucoup de temps avant de faire ce genre de choses.
Je n'aime pas beaucoup... J'aimerais qu'il retire son casque mais nous avons ici un des grands de l'industrie forestière au Canada. Il a dirigé Bowater pendant bon nombre d'années. Il connaît ce secteur. Il le connaît si bien qu'ils ont été le chercher à Thunder Bay pour l'envoyer dans l'empire Algoma Steel et, vous savez ce qui est arrivé à Algoma Steel ces derniers temps. Il a ensuite réuni des gens pour harmoniser notre politique énergétique avec St. Mary Power et Algoma Steel, il a donc joué un rôle de facilitateur dans ce domaine.
Nous devons en arriver à la situation que vous avez décrite, M. Tonks. Il faut faire comprendre à tous, monsieur le président, que nous devons agir rapidement, parce que la situation est dramatique.
M. Coles, je me suis occupé de la question du bois d'oeuvre résineux dès qu'elle s'est posée, à l'époque où il y avait des droits de 50 p. 100 et où nous avons décidé que la meilleure solution serait d'adopter un système de quotas. Je me souviens très bien avoir à essayer de convaincre 20 producteurs de bois d'oeuvre d'accepter un système de quotas, mais il pensait tous que cela ne fonctionnerait jamais. Je pense qu'à cette époque le système des quotas a duré 5,5 ou 5,6 années. Cela a été les meilleures années que l'industrie du bois d'oeuvre a jamais connues au Canada. J'ai également participé aux négociations lorsque l'industrie du bois d'oeuvre a décidé qu'elle n'acceptait plus le système de quotas. Les producteurs ont demandé la libéralisation des échanges commerciaux; c'est à ce moment là que les histoires d'horreur ont commencé.
J'ai constaté en fait — et c'est un point sur lequel je veux insister et j'aimerais avoir vos commentaires sur la façon de le régler — que personne ne s'entendait sur la question fondamentale de savoir quel était le véritable problème de l'industrie du bois d'oeuvre résineux. J'ai constaté que les sociétés, les propriétaires, les scieries passaient davantage de temps à négocier entre eux qu'à négocier avec les États-Unis. Ils ne s'occupaient pas des besoins de l'industrie. Nous nous engageons dans cette voie encore une fois, mais j'aimerais que nous évitions de faire les mêmes erreurs. J'aimerais avoir vos commentaires sur ce point.
Vous avez frappé dans le mille. C'est la même chose dans l'industrie des pâtes et papiers. J'ai fait tout ce que j'ai pu. Lorsque j'ai rencontré le premier ministre du Canada, il m'a vraiment quand il m'a dit que l'industrie n'était pas capable de parler d'une seule voix. C'est là le problème.
Sur le différend relatif au bois d'oeuvre, l'industrie n'a pas réussi à adopter un point de vue unique. C'est la raison pour laquelle je pense — et c'est la raison pour laquelle je ne suis pas d'accord avec M. Lemay — que nous avons besoin du gouvernement fédéral pour qu'il oblige tous les acteurs à se réunir. Je ne sais pas ce qu'il faudrait faire pour éviter que les producteurs de bois d'oeuvre fassent encore une fois la même erreur mais ils ont vraiment fait une grosse erreur la dernière fois. Nous n'étions pas favorables au libre-échange; notre syndicat voulait un commerce administré et ce n'est pas de cela que vous avez hérité — vous avez hérité d'une situation chaotique.
Je pense qu'il faut que quelqu'un prenne les choses en main, tant du côté des pâtes et papiers que du côté du bois massif; il faut que le gouvernement oblige tous les acteurs à se réunir pour arriver à trouver une solution.
Merci, M. Comuzzi. Votre temps est expiré.
Nous allons maintenant passer à l'opposition officielle. M. Alghabra, vous avez cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
Les témoins ont parlé des difficultés que connaissaient l'industrie, les employeurs et les travailleurs et les défis auxquels ils faisaient face. Notre comité essaie d'élaborer une liste de recommandations destinées au gouvernement, quel qu'il soit. Nous essayons de préparer une liste de mesures proactives qui aideront à atténuer le caractère cyclique de l'industrie, parce que, comme cela a été dit aujourd'hui, cela fait partie d'un cycle. À l'heure actuelle, cette industrie est dans une mauvaise passe; à l'avenir, je pense qu'elle aidera d'autres industries qui seront dans une mauvaise passe. J'estime que le gouvernement a un rôle à jouer pour atténuer les difficultés associées à cette période de transition.
Je pense qu'il existe aujourd'hui un consensus au sujet de la recherche et du développement; on a également parlé d'un sommet qui réunirait tous les intéressés. Nous avons obtenu certaines recommandations de FPInnovations au sujet des mesures qu'il faudrait prendre en matière de recherche et de développement. J'aimerais que M. Coles présente les recommandations de son syndicat au sujet de ce que le gouvernement pourrait faire pour renforcer la recherche et le développement.
Vous allez penser que notre disque est rayé, mais il faut commencer par organiser un sommet. Il faut que tous les acteurs clés... et je ne parle pas de joueurs de deuxième zone, je parle des présidents des grandes sociétés. Je leur ai parlé au téléphone et ils souhaitent tous qu'on organise un tel sommet. Il faudrait réunir tous ces gens avec les meilleurs experts du gouvernement, l'opposition, l'environnement, c'est ce qu'il faut commencer à faire. Il faudra ensuite regrouper les esprits créatifs de l'industrie, des universités, des collectivités pour mettre sur pied un bon programme de recherche, qui s'inspire des modèles adoptés en Scandinavie.
Si nous ne fabriquons plus d'équipement pour la fabrication de pâtes et papiers au Canada, c'est parce que nous avons décidé d'abandonner la lutte. Il faut que l'industrie et la R et D examine la situation en regardant vers l'avenir et non pas en cherchant à découvrir les erreurs que nous avons commises. Il faut commencer par réunir tous les acteurs.
Il faut ensuite être prêt à mettre de l'argent. Par exemple, il y a sur la côte ouest un arbre que l'on appelle la pruche du Canada. Cet arbre est peu utilisé. C'est une excellente fibre mais personne ne fait de recherche à ce sujet. Il faut que nous en fassions. Tous les intervenants qui sont assis à ma droite savent qu'il existe des domaines sur lesquels nous devons faire de la recherche pour identifier les produits que nous pourrions fabriquer.
C'est donc de là qu'il faut partir.
Mais vous admettez certainement qu'il ne sera pas facile d'en arriver à un consensus, même si je reconnais avec vous qu'il faut réunir tous les intéressés.
Je ne suis pas si sûr que cela soit difficile, parce que, lorsque le danger est grave, on peut se permettre de faire des choses surprenantes — jusqu'à ce que le danger soit passé. D'après les conversations que j'ai eues avec les présidents et les directeurs financiers de ces sociétés, la volonté est là. Ils n'auraient pas cette attitude s'ils voulaient simplement faire durer les choses.
Je pense que la situation est très grave. Je vais rencontrer dimanche à deux heures à Montréal les directeurs financiers et les directeurs généraux d'AbitibiBowater. Ils sont décidés à essayer de trouver une solution, parce que notre navire est en train de couler. Il suffirait de changer légèrement de cap pour ne pas heurter l'iceberg qui s'approche.
Très brièvement, à propos du sommet, la chose importante me paraît être le consensus. Il ne s'agit pas simplement de réunir une fois de plus le même groupe; il faut que les choses bougent.
Dans l'avenir, notre industrie ne sera pas nécessairement la même, il n'y aura peut-être pas non plus les mêmes acteurs. Nous avons la possibilité d'inviter à cette réunion des représentants du secteur de l'énergie et du pétrole. Ils sont à la recherche de carburants alternatifs : EnCana, Pétro-Canada, etc. Ce qui manque dans cette industrie, c'est le capital. Ce sont les possibilités d'investissement. Ils ont de l'argent. Ils savent comment distribuer les nouveaux produits que fabriqueront les bioraffineries. Nous savons tout sur la façon d'utiliser la fibre, de la transporter et tout le reste. C'est un mariage parfait et je crois que nous verrons de plus en plus ce genre d'alliance.
Je parle simplement, monsieur, en me basant sur vos commentaires à propos du sommet, qu'il ne faudrait peut-être pas s'en tenir au secteur traditionnel, prendre un peu de recul et nous demander ce que ce pays veut faire avec nos forêts et nos points forts?
Oui. Je pense qu'un sommet est une excellente idée, mais il devrait avoir pour but d'élaborer une politique, provinciale et fédérale. Le but de ce sommet ne devrait pas être de se demander ce qu'il faut faire avec l'industrie actuelle des pâtes et papiers. Ce n'est pas la chose à faire.
Pardonnez-moi, mais les meilleures usines de pâtes du Canada produisent 1 500 tonnes par jour ou 2 000. Ils en produisent 3 500 en Inde et en Chine. Ils en fabriquent 4 000 en Amérique du Sud. Les machines de fabrication de papier au Canada produisent 700 tonnes par jour... Il est impossible de concurrencer ces gens-là.
On a demandé ce qui était arrivé. La technologie réagit plus vite que les capitaux et cela s'est passé il y a dix ans. Les Scandinaviens et les Européens ont exporté la technologie utilisée pour construire ces machines à papier, parce qu'ils avaient des usines pour les fabriquer. Ils ont vendu leur technologie et ils ont vendu leur métal. C'est ce qui a changé les choses.
Nous devons faire la même chose avec la biofibre en vendant cette technologie et le métal qui vient avec. C'est ce qu'il faut faire.
Je pense que j'ai obtenu l'essentiel de la réponse à ma question, mais si quelqu'un d'autres veut faire un commentaire au sujet de la remarque de Joe concernant le fait que le prix de la pâte a atteint pratiquement un sommet et que malgré cela, nous ne sommes pas en mesure de concurrencer les autres, allez-y.
Le prix de la pâte est élevé mais la marge bénéficiaire des fabricants de pâte en Amérique du Nord est tout juste suffisante pour préserver l'industrie mais pas pour l'améliorer. On ne construira plus jamais d'usines de pâte où que ce soit en Amérique du Nord. Encore une fois, les écologistes s'y opposeront mais ils n'interviennent pas en Amérique du Sud, ni en Chine, ni en Inde, ni en Indonésie.
C'est donc la combinaison d'un manque de productivité, ce que vous disiez dans votre réponse précédente et de réglementation environnementale.
Oui.
J'aimerais faire une remarque. SI vous nettoyez vos lunettes avec un mouchoir Kleenex, cela laisse des peluches. On nous a appris que ce n'était pas une bonne chose. Les Américains du Sud nous ont dit que cela était doux. Très bien, c'est l'eucalyptus, c'est de la peluche. C'est la fibre de l'eucalyptus.
Très brièvement, j'aimerais faire une remarque fondamentale. L'usine que j'ai visitée en Amérique du Sud produit 1,5 millions tonnes par an, une machine, 300 à 305 travailleurs, zéro effluent, brûle uniquement de l'eucalyptus, 220 $ à quai. Nous ne construirons jamais une autre usine de pâte comme celle-là au Canada.
La question qui a été posée est de savoir pourquoi cela s'est produit maintenant? Pourquoi est-ce que tout cela s'effondre et que cela ne s'est pas effondré, il y a quelques années. C'est là qu'intervient la valeur du dollar canadien. Lorsque le dollar était à 60¢ et quelque, ces usines pouvaient survivre. Elles étaient encore relativement rentables. Si elles avaient obtenu ces prix il y a cinq ans, elles auraient fait d'excellents profits. Elles seraient en train d'imprimer de l'argent. Mais le dollar a augmenté si rapidement que ces usines sont aujourd'hui à peine rentables. C'est pourquoi celles qui ne sont pas fermées et celles qui sont tout juste rentables poursuivent leurs activités pour le moment, pendant que les prix sont encore élevés. Mais lorsque les prix vont baisser à nouveau — c'est une industrie cyclique, et nous pensons qu'ils vont baisser — elles vont également être obligées de fermer. La situation s'explique donc en partie par l'évolution de notre devise, en particulier par...
Je ferai remarquer que nous faisons toujours des comparaisons avec le dollar américain et que la plupart de nos concurrents... Je sais que notre devise a pris de la valeur par rapport à toutes les autres devises ou presque, mais pas autant qu'elle l'a fait par rapport à la devise américaine. C'est une chose.
Mon dernier commentaire est le suivant. Une partie des problèmes qui ont été mentionnés — la forte valeur de notre devise, la baisse de la demande aux États-Unis, etc. — sont de nature cyclique ou sont des choses qui vont se rétablir d'elles-mêmes. Ma question est la suivante : qu'est-ce qui restera et qu'est-ce qui reprendra lorsque ces cycles vont repartir?
On parle constamment de R et D. La R et D est une excellente chose mais si cela prend dix ans et que j'habite quelque part en C.-B. ou dans le nord de l'Ontario, je ne vais pas attendre pendant dix ans que ces nouveaux emplois arrivent. J'ai besoin d'aide immédiatement.
Allez-y et vous pouvez intervenir tous les deux.
Vous avez tout à fait raison. Il y a une bonne partie de la transformation dont nous avons parlé, ne serait-ce qu'utiliser la lignocellulose pour faire de l'éthanol, disons — prendre des arbres pour faire de l'éthanol — cela va prendre un certain temps. Il faudrait donc mettre ça de coté un moment parce que c'est du long terme. Quand je dis du temps, je parle de cinq à dix ans.
Quant à l'économie basée sur l'hydrogène, les gens parlent de 25 à 50 ans, c'est donc pas mal de temps...
Mais parlons de ce qui se passe aujourd'hui. Il est important de savoir qu'il y a beaucoup de fruits à notre portée. Il existe déjà toutes sortes de technologie. Ce n'est pas de la science de haut niveau. On peut la mettre en oeuvre immédiatement.
Pourquoi ne le fait-on pas? On a parlé du fait que notre climat n'attirait pas les investissements, en termes d'équipement, de technologies.
L'autre aspect est la capacité de réception. Il n'y a plus, aujourd'hui, dans les usines de pâte, les ingénieurs, les gens qui y travaillaient auparavant. Ce sont les postes qui ont été coupés à cause des problèmes financiers.
Il y a des solutions et nous en proposons une dans notre mémoire et c'est une solution que nous connaissons très bien. Nous avons un programme que nous appelons le programme de mise en valeur du bois, qui vise les petites et moyennes entreprises à valeur ajoutée.
Grâce à un investissement fédéral au cours des huit dernières années, nous avons obtenu un effet de levier qui a permis de multiplier tout cela par 12 grâce aux investissements provinciaux — nous avons obtenu un million de dollars du gouvernement fédéral, et maintenant nous avons 12 millions de dollars de fonds provinciaux — qui nous a permis de répartir 50 conseillers industriels dans l'ensemble du pays. Il y en a, à l'heure actuelle, dix à 12 au Québec, le même nombre en C.-B., et il y en a dans toutes les provinces maritimes.
Pour le WD. Oh, très bien. Parfait.
Cela dit, ce sont des gens pratiques. Ils examinent le fonctionnement des usines et aident à résoudre les problèmes locaux; ils améliorent la productivité.
Nous pensons que les gros producteurs de produits primaires ont besoin de ce genre d'aide à l'heure actuelle. Et nous nous sommes préparés, nous avons établi des liens avec les universités et nous avons parlé des possibilités. Par exemple, nous venons de placer deux personnes à l'Université Lakehead, à titre de travailleurs détachés.
Si ce genre de personnes peuvent aider les entreprises à mettre en oeuvre la technologie, ce serait une façon de faire. Ce sont des choses qui existent déjà.
La deuxième chose serait de montrer comment s'appliquent les nouvelles technologies. Nous parlons de gazéification ou de raffineurs. Il y a des entreprises, comme Nexstar au Canada, qui fabriquent des produits qui donnent de bons résultats. Heffley Creek en Colombie-Britannique a mis sur pied une usine de séchage et a récupéré intégralement son investissement en un an et demi. Voilà ce qui a été fait en un an et demi avec ce genre d'équipement. Et nous parlons maintenant de faire davantage ce genre de choses.
Il faut donc diffuser des technologies, former les gens sur place, tout cela aidera l'industrie et c'est ce que nous n'avons pas fait suffisamment.
Merci.
Il ne nous reste plus de temps, mais je pourrais peut-être donner une minute à M. Rigato pour qu'il réponde.
J'ai une brève remarque.
Le papier journal n'est pas un produit cyclique. Au cours des trois dernières années, la demande a chuté de 6 à 7 p. 100 par année. Elle n'augmentera plus. C'est terminé; le papier journal est terminé.
Merci, M. Trost.
Merci à tous les membres du comité d'avoir recommandé d'excellents témoins et posé d'excellentes questions.
À vous messieurs, merci d'être venus, merci pour vos exposés et vos réponses. Vous avez très bien montré qu'il est essentiel que tous les secteurs de l'industrie collaborent étroitement. Merci à tous.
La séance est levée.