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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, comme tout le monde avant moi, je commencerai par vous dire que c'est un honneur et un plaisir pour moi d'être ici. En fait, je viens aujourd'hui vous faire part d'un point de vue qui m'a été exprimé il y a environ quatre ans et demi par trois anciens militaires de ma circonscription, MM. John Labelle, Roger Boutin et Mel Pittman.
Avant qu'ils ne m'en parlent, je n'avais aucune idée de ce que les mots « réduction des prestations » voulaient dire, parce que personne n'avait jamais porté ce phénomène à mon attention. Aucun militaire, aucun membre de la GRC, aucun fonctionnaire, soit-il fédéral ou provincial, ne m'en avait jamais parlé.
Quel est l'enjeu? La réduction des prestations en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, ou LPRFC, et de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, ou LPRGRC. Il y a réduction des prestations lorsqu'un participant à un régime prend sa retraite et qu'il atteint l'âge de 65 ans, soit l'âge normal d'admissibilité au RPC ou au RRQ, ou lorsqu'un participant devient admissible à une pension d'invalidité du RPC ou du RRQ, peu importe son âge.
Pourquoi en est-il ainsi? La formule de réduction applicable à ces retraités a été conçue en 1966, lorsque le Régime de pensions du Canada a été créé et harmonisé à la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, à la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada et au Régime de pension de retraite de la fonction publique. Ces trois groupes ont tous subi une réduction de leurs prestations par suite de l'harmonisation de leurs régimes de pension au RPC.
Soit dit en passant, saviez-vous qu'au pays, le seul groupe de fonctionnaires dont les prestations n'ont pas été réduites est celui formé par les sénateurs, les juges et vos amis députés du Parlement?
Lorsque ces régimes de pension ont été harmonisés au RPC, les taux de cotisation des employés à leur régime de pension sont demeurés les mêmes. Le montant de la cotisation des employés a toutefois été réparti entre le régime de pension actuel de l'employé et le RPC — une partie allant au RPC et le reste au régime de pension du participant. Je tiens également à rappeler aux membres du comité qu'à la fin de l'année, lorsque les militaires et les membres de la GRC font leur déclaration de revenus, ils dépassent toujours le montant maximal de cotisations au RPC qu'on peut payer par année...
Depuis que les taux de cotisation aux régimes de pension ont été réduits en raison de cette répartition des cotisations, les prestations versées à partir du régime de pension de l'employé sont réduites lorsque le participant reçoit des prestations du RPC, c'est-à-dire à l'âge de 65 ans ou plus tôt s'il est admissible à des prestations d'invalidité du RPC,
Au moment où ces régimes ont été harmonisés, aucune option ni choix n'ont été présentés aux participants en ce qui concerne les moyens à prendre pour financer leurs cotisations réglementaires. Bref, la décision a été prise pour eux, sans qu'ils soient consultés. Et quand je dis « eux », je parle exclusivement des militaires et des membres de la GRC, pas des fonctionnaires en général.
On a décidé unilatéralement d'harmoniser leur pension aux cotisations du RPC, au lieu de cumuler les régimes ou de hausser les cotisations, sans prévenir les participants que leur pension allait être réduite au moment de leur retraite. Vous me direz que c'était fort probablement écrit dans le feuillet d'information qui leur a été remis, et vous auriez probablement raison. Mais quand on a 18 ou 21 ans et qu'on se joint à la GRC ou aux Forces canadiennes, la pension et les déductions sont bien la dernière chose à laquelle on pense, vous en conviendrez avec moi. En fait, M. Labelle, qui était agent administratif à l'époque où il était militaire, viendra témoigner pas plus tard que jeudi. Lui-même ignorait tout cela, et pourtant il donnait des conseils financiers aux militaires qui quittaient les forces.
Comment la formule de réduction des prestations est-elle déterminée? Le montant de la réduction est déterminé par la formule décrite aux paragraphes 15(2) et 15(3) de la LPRFC et aux paragraphes 10(2) et 10(3) de la LPRGRC.
En 2008, la formule standard de réduction de la pension a été modifiée dans les trois régimes, à savoir la fonction publique, les Forces canadiennes et la GRC. Des baisses graduelles du facteur de réduction des prestations sont alors entrées en vigueur, l'objectif étant de le faire passer de 0,685 p. 100 à 0,625 p. 100 en 2012.
Le projet de loi C-201, Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, éliminera la déduction sur la pension des participants à ces régimes qui sont retraités ou handicapés. Il a été présenté pour la première fois en 2005, et à de multiples reprises depuis.
Je rappelle à mes collègues du comité que ce projet de loi ne s'applique à aucun autre fonctionnaire, qu'il soit fédéral ou provincial.
Pourquoi éliminer la formule de réduction, dans ce cas-là? Parce que l'élimination de la formule de réduction des prestations dans le cas des membres des FC et de la GRC serait une façon de reconnaître leur contribution particulière à notre pays. Nous voilà en fait rendus au coeur de mon argumentation d'aujourd'hui. Je ne dis pas que ces gens-là ne reçoivent pas toutes les sommes auxquelles ils ont droit. Personne n'a jamais dit ça. Mais il n'en demeure pas moins que les hommes et les femmes qui font partie des Forces canadiennes et de la GRC jouent un rôle à part dans notre société, un rôle qui n'a son pareil nulle part ailleurs au pays.
J'ai rencontré un nombre incalculable de gens qui ont parcouru le Canada d'un bout à l'autre. Parmi eux, il y avait un homme dont la carrière militaire l'a amené à en faire 22 fois le tour, en plus de parcourir le reste du monde. Malheureusement, son épouse n'a jamais pu travailler. Lorsque ses employeurs éventuels apprenaient que son mari était militaire, ils refusaient de l'embaucher, car ils savaient qu'elle ne resterait pas longtemps à leur emploi. Parce qu'elle était femme de militaire, alors que c'est sur des femmes comme elle que repose l'essentiel de nos services de soutien — ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'on les surnomme la « force invisible » dans les centres de ressources pour les familles des militaires —, elle n'a pu cotiser à aucun régime de pension, tout ça parce que son mari servait son pays et que, parce qu'il servait son pays, elle a dû déménager de nombreuses fois, au prix de son propre bien-être financier. Et je ne vous parle même pas des nombreuses — et toujours longues séparations familiales. Nous savons tous ce que nos militaires doivent traverser comme épreuves sur ce plan-là. La réalité est qu'ils n'hésitent jamais à faire des heures supplémentaires, ce qui, vous me direz, fait partie intégrante du service militaire, mais ces heures, ils les ont toujours faites sans compter. Ils n'obtiennent rien en retour, et les tâches qu'ils accomplissent sont souvent dangereuses, elles sont risquées pour leur santé et leur sécurité et elles s'étirent souvent sur de très longues périodes.
Vous savez, chers collègues, nous disons tout le temps que nous appuyons nos troupes. Eh bien, moi, je dis qu'il faut aussi les appuyer après la fin de leur service, une fois qu'ils ont accroché leur uniforme et jusqu'à l'heure de leur mort. Ils rendent un fier service à notre pays, un véritable service public. C'est grâce à ces hommes et à ces femmes que nous pouvons dormir sur nos deux oreilles la nuit venue. Il est peut-être temps que, nous aussi, nous leur permettions à leur tour de dormir sur leur deux oreilles durant les plus belles années de leur vie.
Les membres des FC et de la GRC ont également constaté que la réduction des prestations ne s'applique pas à tout le monde, puisqu'elle ne s'applique pas aux députés, aux sénateurs ni aux juges de la Cour fédérale. L'harmonisation des régimes de pension s'est faite de manière unilatérale, je le rappelle. Les membres des FC et de la GRC n'ont jamais été consultés, et c'est quelque chose qui, selon moi, pourrait et devrait être partagé.
Vous allez maintenant me demander: « mais où allons-nous trouver l'argent? » Je vous répondrai de mon côté qu'il y a une autre différence entre les militaires et les membres de la GRC, d'une part, et les députés, les sénateurs et les juges de l'autre. Les premiers cotisent à l'assurance-emploi, mais pas les seconds. Or, à partir du moment où un militaire ou un membre de la GRC touche une rente annuelle, il ne peut plus toucher de prestations d'assurance-emploi. Il y a donc, en ce moment même, des milliers de membres qui ont cotisé à un régime dont ils ne pourront jamais toucher les prestations. Le gouvernement pourrait donc... et c'est une idée que je vous soumets spontanément. Elle n'est pas dans le projet de loi, mais elle pourrait sûrement simplifier le système et compenser les frais que supposerait l'entrée en vigueur du projet de loi C-201. Bref, le gouvernement pourrait tout simplement annuler la déduction au régime d'assurance-emploi et transférer les sommes correspondantes aux régimes de retraite. Le manque à gagner serait aussitôt comblé.
Même si les chiffres peuvent varier, à l'heure actuelle, le Canada compte grosso modo 593 000 retraités des Forces canadiennes, 156 000 retraités ayant fait la guerre et environ 30 000 retraités de la GRC. Le projet de loi à l'étude ne s'appliquerait qu'à 96 000 d'entre eux. Il ne s'appliquerait pas aux autres, parce qu'il faut avoir servi 20 ans pour avoir droit à une pension. Nul besoin de vous rappeler que, depuis que les régimes de pension ont été modifiés, la période de service ouvrant droit à pension a été portée à 25 ans, ce qui signifie d'autres pertes encore, puisque les militaires, qui n'ont pas plus été consultés cette fois-ci que la précédente, doivent maintenant servir cinq ans de plus pour avoir droit à une pension.
Je me permets une petite parenthèse pour vous signaler que les militaires et les membres de la GRC ne sont représentés par aucun syndicat ou aucune association susceptible de les défendre et de négocier ce genre de choses. Une fois qu'ils se sont engagés, ils doivent faire ce qu'on leur dit le restant de leur carrière. Encore récemment, l'augmentation de 3,5 p. 100 négociée par le Conseil de rémunération de la GRC avec le gouvernement — et reconnue dans un document signé — leur a été retirée sans consultation le 23 décembre et réduite arbitrairement à 1,5 p. 100. Voilà comme on traite les hommes et les femmes qui portent la tunique rouge. Voilà le traitement financier qu'on leur réserve. Nous leur servons les habituelles platitudes verbales, nous leur offrons quelques allocations, et pour faire quoi? Pour finir par réduire leurs prestations en leur disant qu'on récupère leur pension.
Plus de 110 000 personnes un peu partout au pays appuient le projet de loi C-201, dont de nombreux colonels et généraux à la retraite. Plusieurs groupes d'anciens combattants ont manifesté leur appui, notamment la Légion royale canadienne, les Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes du Canada, l'Association de la Force aérienne du Canada, l'Association du Canada pour les gens de 50 ans et plus et l'Association des pensionnés et rentiers militaires du Canada. En fait, l'ancien président de la Direction nationale de la Légion royale canadienne, Jack Frost, a demandé par écrit au ministre de la Défense nationale de mettre fin à la réduction des prestations pour reconnaître les années de bons et loyaux services des anciens combattants. La Légion estime que cette récupération intervient au moment où la personne a le plus besoin de ce revenu à cause de la détérioration de sa santé et d'autres réalités financières.
Pour terminer, monsieur le président, nous avons calculé que les membres des forces armées dont la pension cesserait d'être réduite toucheraient de 200 à 300 $ de plus par mois. C'est donc dire que le gouvernement économiserait sur leurs prestations de la Sécurité de la vieillesse, puisque celles-ci sont calculées en fonction du revenu. Sans compter les taxes supplémentaires qu'il récolterait, puisque les personnes touchées se retrouveraient dans une tranche d'imposition supérieure. Et que fait-on, quand on a 65 ans ou qu'on est une personne handicapée et que notre revenu augmente? On le réinjecte illico dans l'économie.
En guise de conclusion, j'aimerais vous présenter deux exemples des répercussions que peuvent avoir la récupération de la pension d'invalidité du RPC. Remarquez, j'utilise le mot « récupération » uniquement parce que c'est celui qu'ont utilisé les deux hommes que j'ai rencontrés, deux officiers libérés de la GRC pour des raisons médicales. Vous rencontrerez d'ailleurs l'un d'eux, M. Roddie Ohandley si ma mémoire est bonne, peu de temps après la semaine du Souvenir. M. Ohandley est l'exemple classique de ce qui arrive lorsqu'un militaire ou un membre de la GRC est libéré pour des raisons médicales et demande des prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Les deux, en fait, sont des exemples classiques, Jim Hill autant que M. Ohandley.
À 55 ans, Roddie Ohandley a été libéré de la GRC pour des raisons médicales après presque 30 ans de service. Il a commencé à toucher sa pension de la GRC. Il avait également droit à un paiement compensatoire pour invalidité de la part de la Great-West compagnie d'assurance. On lui avait alors dit que ce dernier paiement compensatoire ne devait lui être versé que durant deux ans, après quoi il devrait demander des prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. C'est ce qu'il a fait, et sa demande a été approuvée. Il a reçu un montant forfaitaire de plus de 16 000 $ pour la période remontant jusqu'à la date à laquelle il a été libéré.
Sauf que là, il a reçu une lettre du service des pensions de la GRC lui apprenant qu'il devait 11 000 $. Les 16 000 $ annoncés ne s'élèvent donc plus qu'à 5 000. Et il a maintenant peur de ce que va faire la Great-West, parce qu'elle va fort probablement lui réclamer les sommes qui lui ont été versées pendant deux ans. Bref, au bout du compte, il va finir par devoir de l'argent au gouvernement, ou à quelqu'un d'autre, peu importe qui. Voilà un homme qui a servi son pays et à qui son gouvernement va réclamer de l'argent s'il redonne à la Great-West l'argent que celle-ci va bientôt lui demander. Il y a de toute évidence quelque chose qui cloche avec la récupération de la pension d'invalidité du RPC.
Jim Hill a fait un ACV au travail. On a ensuite découvert qu'il avait le cancer. S'il a appris qu'il survivrait probablement à son ACV, rien n'était moins sûr pour son cancer. Il a donc été libéré de la GRC pour des raisons médicales et déclaré invalide. Même scénario dans son cas: il commence à toucher sa pension — j'oublie le montant exact, mais c'est sans importance —, puis on lui dit de demander des prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Il se dit qu'avec les 800 $ de prestations d'invalidité et sa pension, sa famille sera à l'abri s'il réussit à vaincre le cancer.
Mais non, mon cher Jim, c'est pas comme ça que ça marche. Vous avez droit à des prestations d'invalidité du RPC, mais elles sont déduites en entier de votre pension. Je vous rappelle que cet homme a servi son pays durant 32 ans! Il est handicapé, il est obligé de quitter la GRC, et quelle est la première chose qu'on lui dit? « Désolé, mon cher Jim, tu as bel et bien droit à des prestations d'invalidité du RPC, mais à cause de ce qui est arrivé en 1966, toutes les sommes que tu vas toucher seront déduites intégralement de ta pension! »
Venez me dire que c'est équitable. Car c'est tout ce que les 110 000 personnes qui m'écrivent continuellement demandent: un traitement équitable. Ces gens-là rendent un service public unique en son genre. Ils ne prétendent pas ne pas avoir reçu les prestations auxquelles ils ont droit. Ils prétendent que l'équité devrait être la même pour tout le monde. Car si c'était assez important pour être appliqué à la GRC et aux Forces canadiennes, pourquoi n'en va-t-il pas de même des sénateurs, des députés et des juges fédéraux?
Mesdames et messieurs, je vais m'arrêter ici. Je vous remercie infiniment de m'avoir permis d'avoir enfin pu renvoyer le projet de loi C-201 devant votre comité. Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.
Merci. Thank you.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Stoffer, je me dois d'applaudir votre dévouement à toute la question des anciens combattants et personne ne peut le contester. Vous avez soulevé des questions qui devaient être soulevées et vous les avez défendues.
À ce propos, nous savons tous ce qu'il en est d'avoir 18 ou 19 ans, peut-être 35 ans, lorsque quelqu'un vous donne le livre en vous disant qu'il fait partie du contrat de travail et que les choses se passeront de cette façon. Oui, tout est merveilleux, parce que tout ce que vous voulez c'est commencer une nouvelle carrière. Alors vous ne faites pas attention à tout ce qui est écrit à propos de toutes ces choses.
Tous les bureaucrates à qui je me suis adressée au sujet de cette question ont souligné toutes ces choses: que se passera-t-il avec les prestations réduites, la réduction des prestations — pas une récupération, comme vous l'avez souvent dit. Mais, un grand nombre d'entre nous continuent à ne pas écouter. Je me mets toujours à la place de l'autre personne. Je ne faisais pas vraiment attention quand j'avais 35 ans — « La retraite c'est bien loin et je suis sûre que les termes sont bons, etc. »
Ce qui me préoccupe, c'est la suite, vers quoi nous nous dirigeons, sachant que beaucoup de personnes n'estiment pas avoir eu tous les renseignements. Mais c'était hier et nous sommes aujourd'hui. Comment progresser? Nous n'avons pas d'argent, je suis réaliste et je vais être très franche, je pense que l'on ne retournera jamais en arrière. Je parle de notre situation à l'avenir, des changements que nous aimerions voir, de façon à nous assurer que les gens soient au courant des changements, quels qu'ils soient, qui doivent être apportés.
C'était le syndicat qui a signalé cela en premier, en 1996, et qui a demandé pourquoi ses membres devraient payer deux fois plus. Ce sont eux qui ont demandé cette réduction. C'est la bureaucratie qui m'a donné cette information.
Je le répète, je ne veux pas que l'on revienne en arrière parce que si nous devions essayer de faire cela rétroactivement, tous ces gens devront changer leurs cotisations, n'est-ce pas? Nous retournerions donc en arrière et demanderions à des milliers de personnes de nous envoyer soudainement de l'argent afin de compenser ce qui n'a pas été remboursé et revenir à ce niveau. Rien de cela ne se produira, alors contentons-nous d'aller de l'avant.
Les changements à apporter dès aujourd'hui sont notre méthode de recrutement, l'obtention de signatures et, ce qui est encore plus important, aller de l'avant pour pouvoir faire cela correctement, de façon à ce qu'il n'y ait pas de réduction des prestations, parce que cela a une très grande importance pour les gens. Donc, que devons-nous faire pour apporter tous ces changements pour l'avenir et pas pour le passé?
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Merci, monsieur le président.
Je ne sais pas trop où ils sont, mais je suis accompagné de trois collègues du Bureau de l'actuaire en chef des Programmes d'assurance et de pension du secteur public m'accompagnent aujourd'hui: Michel Rapin, Mario Mercier et Lynne McKenna-Fleming, qui est la directrice générale suppléante de la rémunération et des avantages sociaux.
Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de discuter du projet de loi C-201 avec le comité.
Mes observations concernent la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, mais elles s'appliquent aussi au régime de pension de la GRC.
Premièrement, je tiens à remercier le comité de l'excellent travail qu'il accomplit au nom des militaires en service et des anciens combattants.
Même si je n'appuie pas le projet de loi, cela n'enlève rien au profond respect et à la grande admiration que nous vouons tous aux militaires canadiens ainsi qu'aux membres de la GRC. Je suis fier de notre force armée et des personnes avec qui j'ai servi, et je suis très fier des hommes et des femmes qui portent l'uniforme aujourd'hui. Eux ainsi que leur famille accomplissent de grandes choses, et il est tout à fait légitime qu'ils s'attendent à ce que le gouvernement du Canada prenne soin d'eux en retour. C'est d'ailleurs ce que nous faisons, et nous continuons à nous améliorer à cet égard.
Comme les membres du comité le savent, la pension de retraite des Forces canadiennes a été intégrée au Régime de pensions du Canada en 1966. Les deux régimes de pension ont alors été intégrés, mais pas combinés, ce qui signifie qu'une partie de nos cotisations à notre régime de retraite sert maintenant à payer les prestations du RPC. Cela a empêché les cotisations d'augmenter.
Tout comme les cotisations, les prestations des deux régimes sont également intégrées, mais pas combinées, ce qui signifie que nous recevons des prestations des deux régimes. Le total des cotisations et le total des prestations demeurent essentiellement les mêmes, et nous obtenons la totalité des montants que nous cotisons. La LPRFC se compare avantageusement aux autres régimes de pension, et seulement environ 30 p. 100 des Canadiens bénéficient d'un pareil régime de pension à prestations déterminées.
De toute évidence, l'intégration des deux régimes de pension n'a pas été bien expliquée. Je me suis entretenu avec des gens qui en avaient été informés, mais la plupart n'en savait rien. Personnellement, je ne me souviens pas d'en avoir été informé, mais comme j'étais fort préoccupé par ma formation au pilotage à cette époque — j'avais alors 18 ans —, je ne m'en serais pas souvenu de toute façon. Je ne doute pas que les ordres quotidiens de service courant qui étaient publiés chaque jour ont abordé la question. Comme on l'a mentionné tout à l'heure, le Bulletin au sujet des prestations de retraite des forces canadiennes, que chaque membre reçoit à la retraite, en fait brièvement mention à la p. 19:
Les prestations versées en vertu de la LPRFC font l'objet d'une réduction lorsque le pensionné atteint l'âge de 65 ans....
On y trouve d'autres précisions aussi.
En bout de ligne, il est vrai que tous les participants au régime ont la responsabilité de connaître et de bien comprendre leur rémunération et leurs avantages sociaux. Le système n'a toutefois pas facilité les choses autant qu'il l'aurait dû en 1966, mais c'est déjà chose du passé.
Permettez-moi de vous expliquer en quoi le projet de loi C-201 et les questions connexes me concernent personnellement. Je me suis joint à l'Aviation royale du Canada en 1964, et après 31 ans de service, j'ai pris ma retraite en novembre 1994, à l'âge de 47 ans. j'ai commencé à toucher mes prestations, qui équivalaient à 62 p. 100 de mon salaire moyen des cinq meilleures années. Le montant de mes prestations est demeuré le même jusqu'à ce que l'indexation au coût de la vie soit appliquée lorsque j'ai eu 55 ans et que mon âge et mes années de services aient cumulé plus de 85 ans. Le montant de mes prestations a été augmenté en fonction de l'indexation qui a eu cours pendant huit années, ce qui a représenté une augmentation d'environ 10 p. 100 parce qu'il s'agissait évidemment d'une période où le taux d'inflation était assez bas. L'indexation annuelle des sept dernières années a toutefois donné lieu à des augmentations annuelles bien modestes en cette période de faible inflation.
J'ai payé 25 p. 100 de ma pension, et les contribuables ont payé l'autre 75 p. 100.
Une partie de cette pension comprend les prestations à vie et l'autre partie, les prestations de raccordement. Les prestations de raccordement représentent environ 30 p. 100 de ce que le participant au régime nouvellement retraité reçoit à titre de prestation initiale et elles visent à faire le pont entre le moment où un militaire prend sa retraite des Forces canadiennes et le moment où il reçoit les prestations du RPC à l'âge de 65 ans. À l'âge de 65 ans, les prestations de raccordement ne s'appliquent plus. Cela n'a rien à voir avec le RPC en tant que tel. À l'âge de 65 ans, les prestations de raccordement cessent donc et sont remplacées par les prestations du RPC. Cela assure le versement constant d'un revenu de pension complet pendant la durée de la retraite.
Le gouvernement actuel a modifié la formule de calcul des prestations en vertu de la LPRFC afin d'augmenter la partie des prestations à vie. Cela avantage tous les pensionnés et devrait atténuer dans une certaine mesure les préoccupations qui ont donné lieu au projet de loi C-201.
Je comprends qu'il s'agit d'une question qui suscitent beaucoup d'émotions. C'est donc à contrecoeur que je m'oppose à la position adoptée fermement par des gens dont je me soucie, mais je me dois d'être honnête ave eux. Même si ce projet de loi devait m'avantager, il serait inapproprié que je l'appuie étant donné tous les faits connexes.
Je crois toutefois que plusieurs éléments sont pertinents. Les Forces canadiennes et la GRC n'ont pas de syndicats, et nous ne négocions ni la rémunération ni les avantages sociaux. Pour ce qui est des Forces canadiennes, cela en fait une force armée comme toutes les autres dans le monde. Il est par ailleurs faux de laisser entendre que nous nous acharnons sur les Forces canadiennes et la GRC.
Le régime de pension de la fonction publique, les autres régimes de pension fédéraux, les régimes de pension provinciaux, la plupart des régimes de pension des enseignants et de nombreux autres sont administrés exactement de la même façon. Nous obtenons exactement ce que nous payons, et la LPRFC se fonde sur deux principes fort simples: le nombre d'années de service et le salaire annuel moyen des cinq années où le salaire a été le plus élevé.
Avant l'âge de 65 ans, les régimes de pension des Forces canadiennes et de la GRC versent 2 p. 100 par année de service selon le salaire annuel moyen des cinq meilleures années en termes de rémunération. Il est courant que des membres des Forces canadiennes et de la GRC prennent leur retraite dans la quarantaine ou au début de la cinquantaine. Nous recevons alors sur-le-champ notre pension, contrairement à bien d'autres. Le RPC a été établi en supposant que les Canadiens travailleraient en général jusqu'à l'âge de 65 ans. Les gens peuvent choisir de continuer à travailler ou non — la plupart le peuvent après leur retraite des Forces canadiennes ou de la GRC —, mais tous doivent faire leurs calculs pour prévoir ce qui les attend. Qui ne planifie pas planifie son échec.
Lorsque quelqu'un prend sa retraite avant l'âge de 65 ans et travaille jusqu'à 65 ans, ses cotisations au RPC lui garantissent en général que les prestations du RPC compenseront au moins les prestations de raccordement qui cessent à l'âge de 65 ans. C'est de cette façon que les prestations de raccordement ont été calculées au départ. Une personne qui ne cotise pas au RPC après sa retraite du service jusqu'à 65 ans risque d'obtenir moins parce qu'elle n'y a pas cotisé — c'est chose certaine. Dans mon cas, mes prestations en vertu du RPC dépasseront mes prestations de raccordement d'environ 300 $ par mois. Ce que nous obtenons est donc fonction de ce que nous payons.
Beaucoup de gens touchent leurs prestations du RPC dès l'âge de 60 ans avec la réduction de 0,5 p. 100 par mois qui s'applique avant l'âge de 65 ans. Il s'agit donc d'une réduction de 30 p. 100 s'ils prennent leur retraite 60 mois à l'avance. Si un membre des Forces canadiennes ou de la GRC touche ses prestations du RPC à 60 ans, il reçoit pendant cinq ans à la fois des prestations du RPC et des prestations de raccordement. C'est avantageux.
Les prestations de raccordement cesseront quand même à l'âge de 65 ans, et contrairement à ce qui a été dit, cela n'a rien à voir avec le RPC. C'est comme si on comparait des pommes à des oranges. Les prestations de raccordement prennent fin à l'âge de 65 ans, peu importe à quel moment vous touchez les prestations du RPC. Il n'y a aucun rapport entre les deux. Donc, si on reçoit tôt les prestations du RPC, celles-ci sont réduites. Quand les prestations de raccordement cessent à l'âge de 65 ans, conformément à la Loi sur le régime de retraite des Forces canadiennes, alors oui, on finira probablement par recevoir moins.
Si vous faites le calcul, dans la plupart des cas, il sera tout de même plus avantageux de toucher tôt les prestations du RPC, mais à un moment donné — et cela dépend de la situation de chaque personne —, la double prestation prend fin. Il faut donc se renseigner là-dessus et, si vous pensez vivre plus longtemps, vous feriez peut-être mieux de ne pas recourir à des prestations anticipées. Mais qui sait?
Il s'agit d'un choix personnel, mais j'insiste sur le fait qu'il n'y a aucun lien entre les prestations en vertu du RPC et celles en vertu de la LPRFC. Le seul rapport, c'est qu'à l'âge de 65 ans, les prestations de raccordement aux termes de la LPRFC prennent fin. Cela n'a rien à voir avec les prestations du RPC.
Les personnes en faveur du projet de loi C-201 font parfois valoir que les participants aux régimes ont grandement souffert et ont fait de gros sacrifices durant leur carrière. Cet argument me touche personnellement, mais il s'agit de quelque chose de subjectif qui ne doit pas enlever de la valeur aux régimes dûment financés et établis qui fonctionnent exactement comme ils le doivent. Durant ma carrière militaire, j'ai dû déménager une vingtaine de fois. Comme mon épouse était infirmière, elle a réussi à trouver du travail peu importe où nous allions. J'ai choisi de servir de mon plein gré. Mon épouse a choisi de son plein gré de me suivre — maintenant depuis 41 ans, et peut-être par curiosité —, mais nous avons choisi de servir. Laissez-moi vous dire que c'était le meilleur emploi de toute ma vie. Même si j'aime mon poste actuel, rien n'égalera ma carrière militaire en termes de satisfaction personnelle et d'exaltation.
Je reçois beaucoup de lettres, et la plupart d'entre elles ne sont pas très agréables. Les gens m'envoient typiquement le relevé de paie de leur régime de pension des Forces canadiennes, avec l'avis qui indique que leurs prestations des Forces canadiennes diminuera d'un certain montant lorsqu'ils atteindront l'âge de 65 ans, conformément au régime, et ils sont furieux. Cependant, ce qu'ils ne m'envoient jamais, c'est leur relevé du RPC qui indique à combien leurs prestations passeront. Ces gens sont également furieux de perdre l'indexation du montant déduit de leurs prestations de raccordement, mais ce qu'ils ne comprennent pas, c'est que leurs prestations du RPC seront indexées. Cela fait bel et bien une différence. Nous n'avons pas cotisé à un régime de pension combiné et nous obtenons donc exactement ce qui nous revient. Notre régime est donc pareil aux autres régimes de pension.
Certains soulèvent la question des fonds qui ont été transférés de nos régimes de pension pour être transformés en recettes générales dans les années 1990. Le montant total était en fait de 32 milliards de dollars en provenance du régime de pension de la GRC, de celui de la fonction publique et de celui des Forces canadiennes, et la part des Forces canadiennes était d'environ 15 milliards de dollars. Aussi terrible que cela puisse avoir été, cette mesure a été prise par le gouvernement d'alors, et c'est maintenant chose du passé. Il n'y a tout simplement ni 15 ni 32 milliards de dollars de surplus qui nous permettent de revenir en arrière. Ce qu'il faut retenir au sujet de nos pensions, c'est que peu importe ce qu'il adviendra de la façon dont elles sont investies, nos prestations sont garanties par le gouvernement du Canada.
Un autre faux-fuyant est régulièrement évoqué dans les débats, comme on l'a vu aujourd'hui à plusieurs reprises; les gens ont été portés à croire que les députés et d'autres se sont en quelque sorte exemptés de tout recouvrement. Premièrement, nous n'avons aucun mot à dire sur notre régime de rémunération. Deuxièmement, les députés entrent en poste et quittent leur poste à tout âge et ne bénéficient d'une pension qu'à l'âge de 55 ans. Troisièmement, il n'existe aucun recouvrement à 65 ans, car nous ne bénéficions en aucun temps de prestations de raccordement; il n'y a donc aucun montant à recouvrer. Cette fausse croyance ne fait qu'attiser la grogne des gens contre des personnes qui sont des cibles faciles. Cela fait partie du métier, mais c'est malhonnête d'agir de la sorte.
Les gens soulignent également la pétition signée par plus de 100 000 personnes. Je l'ai dit à la Chambre et je vais le répéter: lorsqu'on demande aux gens de signer une pétition en leur disant qu'elle leur permettra de recevoir plus d'argent, beaucoup la signeront sans poser de question. Cela ne fait pas des signataires des gens malhonnêtes ni stupides; tout le monde peut agir de la sorte un jour ou l'autre. J'ai parlé à de nombreuses personnes qui ont signé la pétition sans poser de question ou qui savaient que cela ne changerait rien. De plus, de nombreux généraux réputés pour leur solidarité n'ont pas signé la pétition, car ils comprennent la situation.
Monsieur le président, la fausse prémisse sur laquelle se fonde le projet de loi C-201 s'avère en elle-même un argument contre la mesure législative proposée, et de plus, ce projet de loi comporte un coût prohibitif. En effet, cela entraînerait un coût ponctuel de 7 milliards de dollars relativement à l'obligation du régime au titre de services passés, et ces chiffres proviennent du Bureau du surintendant des institutions financières. Nous pourrons nous y attarder davantage, si vous le voulez.
Par ailleurs, les participants au régime et les contribuables canadiens seraient obligés d'assumer l'augmentation des cotisations futures. Cela risquerait d'alourdir significativement les retenues salariales. Serait-il juste de demander aux contribuables de payer cette augmentation alors que la plupart d'entre eux ne bénéficient même pas d'un régime de retraite à leur travail?
Le gouvernement a une responsabilité à assumer à l'endroit des militaires en service, mais nous avons également la responsabilité à l'endroit des contribuables canadiens de gérer judicieusement les fonds qu'ils nous confient. Il y a certaines questions légitimes, et nous avons fait un aparté — comme c'est toujours le cas avec ces choses — pour discuter de certaines d'entre elles durant la première heure. Il y a des questions légitimes qui devraient être abordées et discutées, mais aucune de celles-ci n'est visée par le projet de loi C-201. Donc, à mon avis, le projet de loi C-201 ne constitue pas une base pour les raisons que j'ai mentionnées, aussi regrettable que cela puisse être. J'aurais bien voulu pouvoir toucher des prestations que je n'ai pas payées. J'aurais bien voulu qu'il en soit ainsi pour chacun de nous. Mais cela ne se fait tout simplement pas.
Merci à vous, monsieur le président et membres du comité. Nous serons ravis de répondre à vos questions.