Je tiens tout d'abord à remercier le comité de me recevoir aujourd'hui en tant que représentant de l'Association canadienne d'aide familiale. C'est avec plaisir que nous avons pu lire ces derniers mois les nombreux commentaires que vous avez faits à la presse étant donné que l'on s'intéresse de plus en plus à la triste situation des nombreuses aides familiales au Canada.
Même si certaines des discussions qui se sont tenues sur la scène publique ont été faussées par des préoccupations un peu trop politiciennes, je me félicite cependant que l'on en arrive à entrevoir de véritables solutions aux difficultés dont souffrent depuis longtemps les aides familiales et les familles qui les emploient.
L’ACAF, l'Association canadienne d'aide familiale, appuie les nombreux groupements, organisations et groupes de pression qui veulent améliorer le système. L’ACAF a un certain nombre d'idées tirées de l'expérience de ses membres et de la communauté qu'elle sert. Certaines de ces idées vous paraîtront peut-être nouvelles. D'autres, et je suis sûr que votre comité en a entendu parler ces dernières semaines, ne font peut-être que reprendre ce qui a déjà été dit, mais je tiens à vous répéter ce qui nous tient à coeur.
L’ACAF s'est efforcée, en se penchant sur les politiques, d'étudier les causes fondamentales de nos difficultés et de se poser la question du « pourquoi ». Comme le sait pertinemment votre comité, l'intérêt du programme des aides familiaux résidants est la possibilité de devenir citoyen canadien en plus d'alimenter le flux des transferts d'argent au niveau international, dont l'intérêt économique est grand. Ce programme fait appel à une main-d'oeuvre à la recherche d'une vie meilleure pour elle-même et pour la famille. Il s'agit de vrais gens qui éprouvent des difficultés réelles.
Pour ce qui est des changements devant être apportés au système, il y a évidemment bien des idées qui se font concurrence. L’ACAF, étant donné son expérience du programme des aides familiaux résidants, est davantage familiarisée avec la législation qui s'y rapporte, et je vais donc vous parler des dispositions législatives s'appliquant à ce programme.
Je sais qu'il existe d'autres propositions et, parmi tant d'autres, la possibilité de conférer le statut d'immigrant reçu. Nombre d'entre elles présentent un grand intérêt, mais je considère que pour l'instant il convient de résoudre très rapidement un certain nombre de problèmes majeurs qui touchent le programme des aides familiaux résidants: ceux qui concernent les mauvais traitements, les familles qui ne bénéficient pas de la garde d'enfants, et les aides familiaux qui parfois ne savent pas où se loger, manquent d'argent et se retrouvent en très mauvaise posture.
Pourquoi en est-il ainsi? Disons qu'il en est ainsi en raison des délais d'attente et d'un manque de supervision. Je vais aborder pour commencer la question des délais d'attente.
Aux Philippines, il faut parfois deux ans pour obtenir tous les permis et monter le dossier permettant de faire venir quelqu'un au Canada dans le cadre du programme des aides familiaux résidants. Une fois au Canada, les aides familiaux qui changent d'employeur dans le cadre de ce programme doivent attendre parfois six mois pour faire toutes les formalités et pour pouvoir occuper un nouvel emploi. Voilà qui a des répercussions importantes sur les familles compte tenu des énormes difficultés que cela implique sur le plan de l'emploi. Souvent, ces problèmes se posent en milieu rural lorsqu'il n'y a pas d'autres possibilités de garde d'enfants, et les familles sont véritablement handicapées par ces délais d'attente.
Toutefois, les effets les plus sensibles se font sentir sur les aides familiaux, qui veulent obtenir une résidence permanente. Comme vous le savez tous, j'en suis certain, il faut que les aides familiaux aient 24 mois d'emploi à temps plein — comptabilisés officiellement, toutes les formalités ayant été faites — au cours des trois premières années pour pouvoir demander à être résidents permanents.
Lorsqu'ils changent de famille et d'employeur, leur statut de RP est remis en question. Les aides familiaux ont souvent le sentiment qu'il leur faut rester avec le même employeur, qu'ils s'y trouvent bien ou non. Trop de changements d'emploi se traduisent par de longs délais d'attente, ce qui leur enlève la possibilité de travailler 24 mois à plein temps lors des trois premières années.
Cette situation peut se produire pour plusieurs raisons. Lorsqu'une personne devant travailler comme aide familiale doit attendre deux ans avant de venir au Canada, il se peut que son employeur âgé ne soit plus en vie quand elle arrive, où meure peu de temps après son arrivée. Il y a aussi le cas, évidemment, des mauvais employeurs, que les aides familiaux estiment devoir quitter dès leur arrivée ou tout de suite après. Il y a aussi les conditions de travail illégales dans certaines maisons, ce qui oblige les aides familiaux à partir.
Il y a bien des raisons qui obligent les aides familiaux à changer d'employeur. S'ils le font une fois, ils risquent de ne plus pouvoir le faire une deuxième fois. Ils se sentent vulnérables et sans défense en raison de cette situation. Ils se sentent obligés, évidemment, de rester avec des familles qui ne leur conviennent pas. Ou alors, ils se retrouvent entre deux chaises.
Pour ce qui est des solutions, je considère personnellement que l'une d'entre elles consisterait à réduire les délais d'attente pour obtenir ces permis — que ce soit à l'étranger, disons aux Philippines — pour ramener ce temps d'attente de deux ans à quelque chose de plus raisonnable. On pourrait peut-être normaliser la chose avec les bureaux des visas où, en Autriche, par exemple, le délai peut être d'un maximum de deux mois. C'est une procédure rapide et très efficace. Dans le cadre d'une normalisation, un délai d'attente de deux semaines à deux mois serait bien préférable.
Il serait aussi probablement très efficace de centraliser le traitement de ces demandes et de ces visas à partir des bureaux des visas installés à l'étranger, de manière à réduire les délais d'attente tout en s'assurant qu'on applique partout les mêmes normes.
Prenons le cas, par exemple, j'en ai entendu parler, d'une aide familiale qui se rend avec une amie au consulat de Beijing. L'une parle mieux anglais que l'autre, mais l'agent des visas a changé entre les deux entrevues, ce qui fait que celle qui parle le mieux anglais est refusée pour des raisons linguistiques alors que l'autre, qui reconnaît qu'elle parle moins bien, est acceptée. Si l'on pouvait en quelque sorte résoudre ce genre de problème, je crois que ce serait important pour bien des aides familiales.
Pour ce qui est de la supervision et du devoir de rendre des comptes, je sais que l'on a évoqué l'idée d'une liste noire des agences délinquantes ou des mauvais agents ou organismes de placement. Une liste noire est une excellente idée. Je préférerais, cependant, qu'il y ait une liste de gens agréés et que l'on se débarrasse des mauvais agents, des intermédiaires fantômes et autres indésirables. Ce sont en plus des gens qui savent très bien se travestir, revenir sous un autre nom ou changer de société. Ils font souvent partie de réseau très complexe. Le principe d'une liste de personnes agréées est de faire en sorte que l'intermédiaire ou l'agence prouve ses qualifications avant de faire agréer son entreprise. Je sais que le Manitoba a lancé ce genre de programme. Il me semble que ce serait éventuellement la meilleure façon de procéder pour obtenir une meilleure supervision.
En matière d'agrément, certains se demandent s'il faut définir en quoi consiste une bonne ou une mauvaise agence. Je sais bien qu'on nous dit constamment que nous devons nous débarrasser des mauvaises agences, mais il serait bon de pouvoir définir clairement quelles sont les agences qui doivent être agréées ou non, à quelles conditions on peut retirer une licence et autres choses de ce genre.
Nous avons quelques idées en ce qui concerne les normes devant s'appliquer aux agences. L’ACAF a proposé éventuellement l'intervention d'un membre de la SCCI chargé de superviser tous les dossiers, qui permettrait d'assurer un meilleur contrôle étant donné qu'il existe d'ores et déjà certains mécanismes de supervision au sein de la SCCI. On pourrait aussi, par exemple, rémunérer des employés figurant sur une liste plutôt que de voir des gens exploiter leur entreprise à partir de chez eux et fermer une fois qu’ils ont fait venir quatre ou cinq personnes au Canada et avant qu'ils soient convaincus d'avoir exercé une entreprise illicite. Nous envisageons aussi la possibilité de faire intervenir des spécialistes des relations humaines. Après tout, ce sont des familles qui font venir ces employés, et il ne serait pas mauvais de s'assurer que ces placements ont au départ leur raison d'être.
Une autre idée qui conviendrait à l’ACAF serait de procéder à un suivi du travail effectué. Nous pourrions garder la trace des employeurs, des renvois et des aides familiales ayant quitté précipitamment leur emploi, afin de conserver un dossier sur nombre de ces familles. Certaines aides familiales se retrouvent sans le savoir dans des foyers dans lesquelles des mauvais traitements ont eu lieu par le passé. Le gouvernement n'a pas refusé jusqu'alors à ces familles la possibilité de se présenter sur le marché. Il pourra leur faire comprendre qu'elles en sont par exemple à leur troisième aide familiale et qu'elles ne pourront plus en avoir d'autres en raison des mauvais traitements figurant dans leur dossier. On pourrait faire ce genre d'enquête.
Enfin, je considère qu'il serait bon de mieux éduquer les gens. Il est évident que les aides familiales connaissent mal leurs droits avant d'arriver au Canada. Nombre d'entre elles éprouvent un véritable choc culturel en arrivant ici. Elles sont nombreuses à avoir déjà travaillé dans d'autres pays, que ce soit au pair en Europe ou ailleurs.
Dans un certain nombre d'autres pays, les normes officielles peuvent elles aussi être excellentes, mais la réalité n'est pas toujours à la hauteur. Il se peut qu'en entrant au Canada elles pensent qu'en théorie elles sont protégées, sans faire toutefois confiance au système pour ce faire. Ce serait une bonne chose que le gouvernement leur démontre qu'il tient compte véritablement de leurs droits et qu'il existe effectivement des mécanismes pour les faire respecter.
Il y a aussi la question des vérifications. Je sais que le rapport établi par le comité prévoyait la possibilité d'une vérification par une ONG après trois mois au Canada. Je pense que c'est une excellente idée. J'ajouterai simplement que dans l'esprit de l’ACAF, il faudrait que cette procédure soit permanente. Bien entendu, l'une des grandes difficultés vient des aides familiales qui changent de foyer et qui perdent ainsi du temps. Si l'on parvenait à vérifier régulièrement leur situation et si elles avaient à se plaindre de leur employeur, elles seraient en mesure de le faire savoir plus rapidement et on pourrait en garder trace.
Si les aides familiales pouvaient s'adresser aux autorités et leur dire que les conditions d'un placement sont mauvaises, on disposerait alors de dossiers et pendant toute la durée de leur séjour un organisme indépendant pourrait dresser la liste des ressources à leur disposition, leur dire où elles peuvent trouver de l'aide et les diriger en conséquence.
Bien évidemment, à Toronto, à Ottawa ou dans d'autres grandes villes, il existe éventuellement des centres de ressources auxquels elles peuvent s'adresser, mais dans les zones rurales, par exemple, elles n'ont peut-être aucun endroit où aller et il serait peut-être bon de disposer d'un certain réseau.