Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Il s'agit de la 23e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, consacrée à la réforme de la Loi sur l'accès à l'information et aux 12 « correctifs rapides » proposés par la commissaire.
Nos témoins sont Robert Marleau, commissaire à l'information, Andrea Neill, commissaire adjointe, Règlement des plaintes et respect de la loi, et Suzanne Legault, commissaire adjointe, Politiques, communications et opérations.
Bienvenue à nouveau, monsieur Marleau, ainsi qu'à vos collègues.
Comme vous le savez, le comité a mené un exercice similaire avec la Commissaire à la protection de la vie privée. Nous pensons que notre démarche a été utile et constitue probablement un bon modèle. Nous allons donc continuer dans cette voie. Comme nous avons déjà entendu des témoins et que vous avez pu prendre connaissance de leurs déclarations devant le comité, nous aimerions maintenant connaître vos réactions, qu'il s'agisse de réfuter, de clarifier ou d'approuver ce qu'ils ont dit, afin que le comité comprenne bien votre point de vue dans le contexte des préoccupations qui ont été soulevées par les témoins ou par les membres du comité.
Je crois comprendre que vous avez une courte déclaration liminaire et je vais donc vous donner la parole, après quoi nous aurons des questions à vous poser.
Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité à me prononcer sur la réforme de la Loi sur l'accès à l'information.
[Traduction]
Depuis ma comparution devant vous en mars au sujet de la modernisation de la loi, vous avez eu l'occasion de recueillir de nombreux témoignages, notamment d'utilisateurs et d'experts dans le domaine de l'accès à l'information, de représentants de groupes d'intérêts et de la société civile, de certains de mes homologues provinciaux ainsi que du ministère de la Justice et de ses représentants.
J'ai trouvé leurs témoignages à la fois intéressants et utiles. Pour votre commodité, j'ai préparé et distribué un tableau présentant les points de vue des témoins sur les 12 recommandations. Ce tableau, je le précise, n'a pas été présenté aux témoins. Il reflète notre interprétation de leurs points de vue.
Très brièvement, le vert reflète un accord total ou partiel avec les recommandations, le jaune, certaines réserves, et le rouge, une opposition.
Je ne ferai pas de commentaires sur les positions des témoins mais je suis tout à fait prêt à répondre aux questions que vous poserez à ce sujet après avoir pris connaissance du document. Pour le moment, je tiens cependant à aborder un aspect fondamental qui appelle des éclaircissements.
Lors de sa comparution devant le comité le mois dernier, le ministre de la Justice a déclaré avec fermeté que la Loi, sous sa forme actuelle, est un texte solide et égal à n'importe quelle autre législation de premier ordre sur l'accès à l'information pouvant exister ailleurs dans le monde. Certes, monsieur le président, je conviens que le Canada a fait oeuvre de pionnier au début des années 1980 en adoptant cette Loi mais j'ajoute, avec tout le respect dû au ministre, que le Canada n'est plus un chef de file dans ce domaine.
Si je peux employer une métaphore, je dirais que la Loi sur l'accès à l'information du Canada est la grand-mère des lois sur l'accès à l'information. Elle a permis d'établir un régime stable, fondé sur des valeurs solides et instaurant un certain nombre de règles facilitant la divulgation. Toutefois, elle est tenace et obstinée et, bien qu'on lui ait recommandé d'évoluer avec son époque, elle ne s'est pas adaptée à un environnement qui change constamment et elle reste figée dans le passé, à l'époque du papier. Disons qu'elle est un peu technophobe. Elle s'est affaiblie, elle n'est plus aussi vigoureuse et elle n'a pas suivi de programme rigoureux de remise en forme. Elle utilise même aujourd'hui un ambulateur et elle sera bientôt en fauteuil roulant. Il ne fait aucun doute dans l'esprit des membres de sa famille élargie qu'elle a besoin d'une opération de la hanche pour redevenir pleinement fonctionnelle.
La réalité brute est que le régime canadien n'a pas bien vieilli. Il a pris du retard sur la génération suivante des lois de ce secteur, notamment en ce qui concerne l'accès universel, une large application aux institutions publiques, le resserrement des délais de traitement des demandes et la création d'un organisme de surveillance fort ayant le pouvoir d'imposer la divulgation de renseignements, le mandat d'informer les citoyens et la possibilité d'accéder aux documents du Cabinet pour les examiner.
Les lois de la génération suivante tirent également parti des technologies modernes pour diffuser proactivement de l'information. Ces normes internationales ont été entérinées dans le principe du droit de savoir énoncé par Article 19. Elles ont été endossées par les Nations Unies et par l'Organisation des États américains et ont été reprises dans la Déclaration d'Atlanta pour l'avancement du droit d'accès à l'information publique, défendue par le Carter Center des États-Unis.
Mes 12 recommandations représentent un premier pas important pour améliorer le fonctionnement du régime d'accès à l'information en s'inspirant des régimes plus progressistes en vigueur au Canada ou à l'étranger.
La liste est loin d'être exhaustive et les recommandations ne portent que sur les problèmes les plus pressants.
[Français]
Monsieur le président, avant de conclure mon allocution, j'aimerais revenir sur ma dernière comparution qui portait sur le Budget principal des dépenses 2009-2010. J'avais alors mentionné que les dépenses prévues ne tenaient pas compte des fonds supplémentaires demandés et indiqués dans le Budget supplémentaire des dépenses (A), qui a été déposé le lendemain de ma comparution.
[Traduction]
Je n'irai pas dans les détails aujourd'hui, et je crois comprendre que le comité souhaite me revoir la semaine prochaine pour discuter de questions particulières reliées au financement du Commissariat. C'est avec plaisir que je reviendrai.
[Français]
Encore une fois, je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité à me prononcer sur la réforme de la loi.
C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
Merci, monsieur le commissaire, de comparaître à nouveau devant le comité.
Si je comprends bien votre tableau, votre troisième recommandation s'appliquerait à ce qu'on a appelé le « feu jaune ». J'aimerais exprimer ma préoccupation au sujet de l'application d'un feu jaune aux demandes des députés.
Comme vous l'avez dit, le ministre, lors de sa comparution, a dressé un tableau assez rose de la situation actuelle. Comme il avait dû partir assez tôt, j'ai interrogé ses collaborateurs au sujet de ce feu jaune. Denis Kratchanov, quand je lui ai demandé s'il était d'accord avec cette politique de feu jaune qui ralentit les demandes d'accès à l'information des députés, a semblé dire que votre bureau avait mené une enquête. Je le cite :
Je crois que le commissaire à l'information a effectué une assez longue enquête il y a quelques années. En fait, l'enquête a été complétée l'été dernier, je crois, en raison d'une plainte déposée par l'Association canadienne des journaux. Le commissaire a lui-même reconnu qu'il n'y avait rien de mal au fait que le ministère...
Je reste perplexe. Comme d'autres témoins, vous avez dit que le feu jaune pose un problème, et que c'est un problème qu'il faut régler — j'espère que ces recommandations y contribueront —, mais le collaborateur du ministre de la Justice a semblé dire que votre bureau n'a trouvé aucun problème à ce sujet.
Vers la fin de la même réunion, j'ai essayé de revenir sur cette question en disant ceci :
... il y a les élus du peuple, ceux-là mêmes que le peuple a élus et choisis pour les représenter et qui sont mis en attente par ce même gouvernement...
puis
Est-ce qu'il n'y a pas là une tendance au secret tout à fait inacceptable et qui porte fondamentalement atteinte aux principes de transparence propres à une démocratie?
La réponse de la fonctionnaire fut : « Nous ne ferons aucun commentaire à ce sujet ».
Je suis très préoccupé par ce système de feu jaune. J'aimerais avoir des précisions. Est-ce qu'on l'applique? On a semblé nous dire qu'il n'y a pas de tel système et que votre bureau avait fait enquête. J'aimerais savoir exactement ce qu'on avait trouvé. Est-ce une question sur laquelle nous devrions nous pencher et avez-vous peut-être une recommandation à faire à ce sujet?
Vous me demandez « Est-ce qu'on l'applique? ». Ma réponse sera brève : oui. On l'appliquait et on l'applique.
Nous avons reçu une plainte de l'Association canadienne des journaux au sujet de l'application du feu jaune aux demandes émanant de la presse. Nous avons fait une très longue enquête à ce sujet en 2004.
Nous traiterons à nouveau de la question dans notre rapport annuel qui sortira bientôt. Nous avons constaté (a) que ça se faisait et (b) que la presse n'était pas la plus mal traitée à cet égard. Ce sont les parlementaires et les avocats qui sont les plus mal traités en ce qui concerne les délais causés par le feu jaune. Le feu jaune provoque des retards causés par le fait que le ministère veut préparer des réponses, des lignes de communication, des briefings pour les ministres, etc.
Ce que j'avais dit, c'est que je n'avais pas de problème avec le feu jaune sur le plan des principes s'il s'agit d'un ministère souhaitant préparer sa réponse à l'information qui sera rendue publique, tant et aussi longtemps que les dates-limites prévues dans la Loi sont respectées et que le demandeur reçoit, sans préjuger de sa requête, l'information demandée, dans le délai établi.
Nos constatations ont débouché sur trois recommandations au Conseil du Trésor, l'une d'entre elles étant qu'il examine attentivement l'application de ce feu jaune. Certains ministères l'appliquent sans que cela cause le moindre retard alors que d'autres le font avec des retards considérables. Nous avons recommandé (a) de mettre fin aux retards et (b) que le Conseil du Trésor surveille la situation et en fasse rapport, et qu'il promulgue ou favorise de meilleures pratiques lorsqu'on applique ce feu jaune.
Il y a deux thèses à ce sujet. Certains de mes collègues provinciaux sont absolument contre le principe même du feu jaune. Pour ma part, c'est plus une question de gestion interne du ministère. C'est probablement même favorable à l'intérêt public dans la mesure où une réponse est prête au moment où l'information est rendue publique, mais il faut que cela se fasse en respectant les dispositions de la Loi.
En ce qui concerne les parlementaires, je vais exprimer un avis personnel. Je trouve regrettable que des parlementaires aient à recourir à cette loi pour obtenir des informations du gouvernement.
Je passe à la huitième recommandation et aux documents confidentiels du Cabinet. Le ministre a semblé être réticent au sujet de cette recommandation.
Sur tous les parlements de type Westminster qui existent dans le monde, je crois comprendre que seuls le Canada et l'Afrique du Sud ont pour politique de ne pas accorder l'accès à ce qu'ils considèrent être des documents confidentiels du Cabinet. Accorder ce genre d'accès a-t-il fait problème à la mère de tous les parlements, par exemple, au Royaume-Uni, et quels ont été les bienfaits de l'octroi de cet accès?
Tout d'abord, pour ce qui est du fait que le Canada et l'Afrique du Sud seraient les deux seuls pays à ne pas l'accorder, je n'ai pas l'information requise pour vous répondre. Je sais que l'Afrique du Sud ne l'accorde pas. Je sais que la Nouvelle-Zélande l'accorde et qu'il vient d'y avoir en Australie des recommandations du gouvernement pour l'accorder. Au Royaume-Uni, c'est accordé.
Je pense qu'il y a eu récemment au Royaume-Uni une décision qui fera date. Le commissaire a décidé que des documents du Cabinet seraient divulgués plus tôt que ne le prévoyait la loi, c'est-à-dire au bout de 20 ans seulement, et ils l'ont été. En Nouvelle-Zélande, cela se fait depuis des années et le pays est quand même assez bien gouverné, je crois.
Ce n'est pas simplement une question de divulgation de tous les documents confidentiels du Cabinet, c'est aussi une question de transformation d'une exclusion en une exemption discrétionnaire.
Bonjour, monsieur Marleau. Cela me fait plaisir de vous recevoir à nouveau.
Je réserverai une partie de mes questions pour votre prochaine comparution, soit celle de la semaine prochaine.
Vous avez bien expliqué le fait que notre loi était très désuète, puisqu'elle date de plus de 25 ans. Par ailleurs, même si on veut harmoniser cette loi et la rendre plus efficiente, on a des problématiques qui n'existaient pas il y a 25 ans. Que ce soit la lutte contre le terrorisme, le vol d'identité ou la cybercriminalité, l'arrivée dans l'ère de l'Internet fait que la loi doit être revue et doit tenir compte de toutes ces possibilités et changements.
Je tiens également à vous féliciter, moi aussi, pour l'ensemble des informations que vous nous avez transmises par l'intermédiaire de votre tableau et de votre code de couleurs. C'est grandement apprécié.
Je voudrais justement revenir sur ce tableau, qui est très complet. Le vert représente votre accord avec la recommandation. Il y a le rayé vert qui signifie que vous êtes en accord, mais sous condition. Le rouge indique que vous êtes en désaccord; le jaune, que vous avez des réserves; et le blanc, que vous n'avez pas de commentaire.
Je veux souligner deux choses. Je commencerai par la recommandation numéro 11: « Que la Loi sur l’accès à l’information permette aux plaignants de s’adresser directement à la Cour fédérale en cas de refus d’accès. » Je vois que dans l'ensemble du tableau, il n'y a aucune recommandation en vert.
Je voudrais que vous éclaircissiez votre position par rapport à cette recommandation. Êtes-vous en désaccord, en accord, ou avez-vous une opinion nuancée par rapport à ce que les témoins sont venus dire, pour ce qui est de permettre l'accès du demandeur au tribunal?
Au préalable, je dois reformuler le code. Le vert représente les témoins qui sont en accord avec mes recommandations; le vert rayé, ceux qui ont exprimé un appui sous réserve; et le rouge, les témoins qui s'opposent. Le jaune signifie que le ministre a demandé soit plus de temps ou une étude plus approfondie.
En ce qui concerne la recommandation numéro 11, il semble que la majorité des témoins, surtout ceux qui font partie de la plus grande communauté d'utilisateurs ainsi que mes collègues des provinces, soient d'accord pour qu'on permette un accès des demandeurs au tribunal. Cependant, certains ont proposé que ce soit fait moyennant un pouvoir d'ordonnance, pouvant être revu par le tribunal, soit accordée au commissaire.
Ce sont donc les témoins qui sont soit en accord, soit en désaccord avec moi.
Également, j'ai vu que la recommandation numéro 3 était celle pour laquelle on retrouve le moins de vert, couleur qui indique qu'ils sont en accord avec elle. La majorité est en accord, moyennant certaines conditions. Une personne est totalement en désaccord, et une autre se réserve.
Selon vous, qu'est-ce qui fait que la recommandation numéro 3 reçoive si peu d'assentiment de la part des témoins, contrairement à l'ensemble des autres recommandations?
Parce que ce que vous venez de dire ne semble pas correspondre à ce que je vois ici.
La couleur verte, que ce soit vert clair ou vert foncé, représente un accord. Si le texte est hachuré, ça veut dire encore plus que cela, ça veut dire qu'il faut aller plus loin que la recommandation.
Or, tout est en vert, sauf là où le ministre a exprimé certaines réserves, et il y a une dissension.
Pour la troisième recommandation, est-ce comme ça qu'il faut l'interpréter?
Pour la recommandation numéro 3, le vert rayé indique que je ne suis pas allé assez loin dans ma recommandation; les témoins qui sont d'accord veulent un plein pouvoir d'ordonnance. C'est ce qui la distingue des autres recommandations. Le ministre a exprimé des réserves quant aux frais qui pourraient être occasionnés à la cour. M. Drapeau veut maintenir le statu quo pour des raisons qui lui sont propres.
À la lumière de ce que les témoins sont venus dire, trouvez-vous que cette recommandation devrait rester telle quelle? Les témoins vous ont-ils fourni des arguments qui vous ont convaincu d'aller plus loin, ou êtes-vous resté sur vos positions?
J'appuie d'emblée tous les témoins qui ont dit que le commissaire devrait avoir le plein pouvoir d'ordonnance, tant sur le plan administratif que concernant les refus.
La stratégie que j'avais élaborée avec vous pour le dépôt des 12 recommandations faisait état de ce que je croyais faisable à très court terme. Mon avis était qu'en accordant au commissaire le pouvoir d'ordonnance sur le plan administratif, la nature de la loi ne changerait pas. De plus, je croyais qu'un recours judiciaire particulier ne serait pas nécessaire, comme c'est le cas pour les juridictions qui ont le plein pouvoir d'ordonnance.
Si je me souviens bien de mon témoignage, j'étais en faveur d'une progression par étapes: il faut commencer par accepter la recommandation numéro 1, pour ensuite, dans cinq ans, considérer la possibilité d'un plein pouvoir d'ordonnance.
Le fait que seul le niveau administratif soit visé aura pour effet que si l'application de la recommandation numéro 1 doit être revue dans cinq ans, ça fera partie de l'une des recommandations à ce moment-là.
Merci d'être venu parler de vos recommandations, monsieur le commissaire.
Je veux parler de la 11e recommandation. Je sais que l'Association du Barreau, quand elle est venue témoigner, craignait que la possibilité d'avoir un accès direct aux tribunaux soit limitée par les ressources financières de la personne souhaitant formuler une plainte de cette manière. Elle craignait que la dépense soit trop élevée, ce qui limiterait l'accès de certaines personnes aux tribunaux. Elle semblait donc être en faveur du plein pouvoir d'ordonner la divulgation dans cette circonstance.
Je répondrai de cette manière. Cette recommandation a été formulée sur la base de certaines positions exprimées lors de nos consultations. En ce qui concerne les personnes ayant les ressources voulues pour aller rapidement devant les tribunaux, nous souhaitons maintenir dans la Loi la disposition actuelle en vertu de laquelle le commissaire, une fois qu'il a fait enquête, peut porter une affaire devant un tribunal au nom d'un citoyen, d'un requérant, ce qui élimine le problème de la dépense.
Le régime actuel m'autorise, avec la permission du requérant, à aller devant la Cour fédérale et même jusqu'à la Cour suprême sans que cela coûte un sou à l'individu. Par contre, s'il s'agit d'entreprises... disons que Postes Canada veut quelque chose, une autre société veut quelque chose, et les deux veulent aller directement devant les tribunaux pour régler l'affaire de cette manière, sans que je fasse enquête. Elles le pourront du fait de cette recommandation.
Ces propositions ont été formulées par des requérants, par des usagers. Ce n'est pas l'une ou l'autre, ce sont les deux.
Je passe à autre chose. L'Association du Barreau canadien, M. Fraser, et M. Whalen du bureau de l'ombudsman du Nouveau-Brunswick, ont tous deux soulevé la question des communications protégées entre un avocat et son client en disant qu'il ne fallait absolument pas s'ingérer dans ces communications. Toutefois, M. Whalen a aussi mentionné une jurisprudence récente à ce sujet et se demandait s'il devrait y avoir un mécanisme pour vérifier la validité de cet argument de communication protégée. Que pouvez-vous répondre à ce sujet? Je ne pense pas que nous ayons abordé cette question la dernière fois, monsieur Marleau.
Si je me souviens bien, vous aviez fait référence à ce qu'on appelle l'arrêt de la tribu Blood. Il s'agissait d'une affaire qui avait été portée devant la Cour suprême et qui concernait la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la LPRPDE. Très franchement, cet arrêt ne s'applique pas ici. Les termes employés dans la LPRPDE et la Loi sur l'accès à l'information sont très différents. Dans ma loi, il est dit que « Nonobstant toute autre loi fédérale et... » je sais plus si l'on parle ensuite de privilège, de convention ou d'immunité. Nous n'avons jamais eu de problème — en fait, si, nous avons eu des problèmes mais nous avons eu accès à des communications protégées entre un avocat et son client, afin de les examiner. Ils peuvent s'opposer à leur divulgation et, dans ce cas, nous pouvons voir les documents et juger s'ils sont protégés pour des raisons valides ou non et, éventuellement, contester cette protection.
Mon avis — je ne suis pas avocat mais je suis conseillé par de très bons avocats et je me trouvais au tribunal lorsque la Cour suprême était saisie de l'affaire de la tribu Blood — est que cet arrêt ne s'applique pas à l'accès à l'information au palier fédéral.
Donc, quand M. Whalen disait que le parlement devrait maintenir clairement le droit du Commissaire à l'information et du Commissaire à la protection de la vie privée d'examiner ces revendications de communications protégées, pour en vérifier la validité, vous ne pensez pas qu'il y ait lieu de prévoir des exceptions?
M. Fraser de l'Association du Barreau canadien a également soulevé la question du SCDAI et de sa disparition. À son avis, l'élimination montrait qu'on n'appréciait pas correctement son fonctionnement. Je ne sais pas si vous avez exprimé un avis sur la disparition du SCDAI ou si vous souhaitez en exprimer un aujourd'hui. Pensez-vous que c'est un cas où l'on a jeté le bébé avec l'eau du bain et que l'on aurait pu régler le problème, s'il y en avait un, d'une autre manière?
Lorsque le SCDAI a été aboli, j'ai exprimé publiquement mon opposition, tout comme le commissaire adjoint. Nous avions été consultés beaucoup, beaucoup plus tôt et avions recommandé que le système ne soit pas simplement abandonné mais soit plutôt remplacé par quelque chose d'autre si l'on voulait y mettre fin.
J'ai fait ces déclarations et j'ai ensuite reçu une plainte. Nous procédons actuellement à l'enquête et je veux donc faire preuve de prudence. Je dirai simplement que le Québec a adopté une loi sur le devoir de publier et de tenir des bases de données. C'est la même chose dans la loi du Royaume-Uni.
Il me semblerait logique que le gouvernement, au minimum, sinon les utilisateurs, ait une base de données sur ce qui est divulgué. Le système serait plus efficient à longue échéance puisqu'on n'aurait pas à demander une deuxième fois quelque chose qui aurait déjà été publié. C'est tout ce que je suis prêt à dire à ce sujet à cause de l'enquête en cours.
Je ne sais pas si cela arrive souvent parce que je reçois seulement les plaintes. Je soupçonne cependant qu'une base de données centrale ferait beaucoup pour éliminer tout dédoublement d'efforts de cette nature.
Nous avons déjà discuté des frais qui sont exigés et de la manière dont cela affecte l'efficience du système. Avez-vous d'autres choses à dire au sujet du barème et de son incidence?
Les frais sont presque aussi vieux que la Loi elle-même, alors qu'un chèque de 5 $ ne vaut probablement plus que 1,06 $ aujourd'hui. Traiter un chèque de 5 $ coûte probablement 55 $ et, de ce fait, ce tarif n'a plus beaucoup de sens.
Je pense qu'il doit y avoir des frais raisonnables pour contenir... Si je veux réclamer chaque document que possède un ministère et que je suis prêt à payer les photocopies, très bien. Je pense cependant que des frais raisonnables sont justifiés pour couvrir les coûts.
En revanche, fixer les frais à un niveau assurant le recouvrement des coûts serait aberrant dans ce système, à mon avis. Cela irait à l'encontre de l'objectif visé par la loi. Combien a coûté la Charte? Combien a coûté l'ANB? Les frais de cette nature sont amortis durant la vie de la nation. On ne doit pas essayer de recouvrer les coûts lorsqu'il s'agit du droit du particulier de savoir ce que font ses gouvernements.
M. Bill Siksay: Monsieur Marleau, M. Fraser disait...
Merci à nouveau, M. Marleau, Mme Neill et Mme Legault, de votre présence.
Je peux vous assurer que je comprends mieux votre rôle de commissaire à l'information chaque fois que vous venez témoigner devant nous, et que votre tableau et vos commentaires sont très percutants. Essayons donc de voir comment nous pourrions donner cette nouvelle hanche à grand-mère.
Depuis votre dernière comparution, nous avons accueilli divers témoins pour et contre les recommandations que vous avez formulées sur la réforme de la Loi sur l'accès à l'information. C'est tout à fait normal car, comme vous savez, notre souci est de produire la meilleure loi possible.
Durant sa comparution devant le comité, le ministre de la Justice avait exprimé des préoccupations au sujet des recommandations 4 et 11 qui lui semblaient être contradictoires. Voici ce qu'il avait dit :
Mes préoccupations concernant les recommandations 4 et 11 du commissaire à l'information se rapportent en résumé à l'accessibilité à la justice. Selon le modèle actuel, le modèle de l'ombudsman, un demandeur d'accès peut se plaindre au commissaire s'il a essuyé un refus. Le commissaire doit enquêter, et après son enquête, il doit présenter ses constatations et faire des recommandations non contraignantes. Si le demandeur est insatisfait du résultat, il ou elle peut s'adresser à la Cour fédérale.
Croyez-vous comme le ministre que le système actuel peut donner satisfaction à un demandeur qui se plaint?
Non, je ne pense pas que le ministre ait raison. Je crois qu'il interprète mal la recommandation et le texte correspondant.
Le système actuel d'accès aux tribunaux par le truchement du commissaire, après son enquête et avec l'autorisation du demandeur, le commissaire assumant les frais de justice, ne changerait pas. Il serait maintenu.
La recommandation 11 permettrait d'accélérer l'accès aux tribunaux pour les personnes qui le souhaitent et qui en ont les moyens. C'est donc une nouvelle voie d'accès aux tribunaux et, en ce sens, je pense qu'elle renforcerait l'accès à la justice.
Les recommandations 4 et 11 ne sont pas intrinsèquement reliées, et je pense l'avoir dit lors de ma comparution précédente. La quatrième recommandation donnerait au commissaire le choix de la marche à suivre pour traiter certaines plaintes. À l'heure actuelle, je n'ai pas le choix. En vertu de la Loi, je suis tenu de faire enquête. Elle me rendrait donc maître de mes propres procédures et me permettrait de réagir à certaines des préoccupations soulevées par d'autres témoins concernant par exemple les demandes frivoles, vexatoires ou volumineuses. En Ontario, par exemple, le commissaire a imposé une certaine limite au droit de quiconque d'utiliser le système de plainte.
Elle me permettrait d'exercer des pressions sur les usagers autant que sur les ministères si le volume de la demande représentait un abus. Un abus de l'utilisateur, en termes de perception, et du ministère, sous une optique différente. Cela me permettrait au moins de jouer le rôle de médiateur, si j'avais le pouvoir de décider de faire enquête ou non.
Les deux recommandations ne sont donc pas nécessairement reliées, selon moi.
En ce qui concerne les coûts, il serait difficile de vous donner des chiffres. Ce que j'ai fait, c'est que j'ai fait une estimation basse, moyenne et élevée.
Dans le contexte de la quatrième, je pense que les coûts seraient bas car elle me permettrait de gérer la charge de travail. Elle pourrait en fait réduire les coûts de mon bureau et réduire la charge de travail des ministères. Si un utilisateur fréquent voulait inonder le ministère en lui envoyant 500 demandes en une journée et qu'il m'en adressait ensuite 400, je pourrais intervenir en disant : « Minute! Je ne vais pas faire enquête là-dessus. Ce n'est pas raisonnable. » Les coûts pourraient donc être réduits.
Pour ce qui est de la onzième, je pense qu'elle est neutre car le coût total de l'accélération du recours aux tribunaux serait assumé par les usagers et non pas par mon bureau ou par le ministère. Certes, les coûts pourraient être plus élevés pour une société d'État, par exemple, parce qu'elle serait obligée d'aller plus vite devant les tribunaux que s'il y avait une enquête, mais il est probable qu'elle aurait fini par aller devant les tribunaux, avec ou sans enquête.
Le ministre avait également exprimé certaines préoccupations au sujet de la troisième recommandation, et voici ce qu'il avait dit :
Dans la recommandation 3, on recommande que le commissaire ait le pouvoir de rendre des ordonnances relativement à des questions administratives. D'après le commissaire, cela constituerait un troisième modèle, un hybride entre le modèle de l'ombudsman et celui des tribunaux. Par exemple, selon cette recommandation, une institution fédérale pourrait interjeter appel des ordonnances du commissaire relativement aux délais accordés. Par conséquent, les ressources de la Cour fédérale pourraient être de plus en plus sollicitées en raison de conflits concernant des aspects administratifs ou procéduraux de la Loi sur l'accès à l'information.
Craignez-vous que cette recommandation entraîne une consommation de ressources additionnelles pour l'exécution du mandat, étant donné qu'il me semble que nous créons des bureaucraties additionnelles, plus de paperasserie et, par conséquent, des coûts plus élevés?
Non. Encore une fois, je ne partage pas l'opinion du ministre, tout simplement parce que je me fonde sur l'expérience des provinces où existe un plein pouvoir d'ordonnance ainsi que l'adoption de mesures administratives et substantielles.
En Alberta, par exemple, il y a un délai de 60 jours et l'on doit donner des explications si l'on a besoin de plus de 60 jours, ce qui affine manifestement le pouvoir de concentration des ministères. Ils n'ont pas nécessairement envie de devoir s'expliquer ni de risquer d'essuyer un refus. Donc, dans ce genre de contexte, je pense que le système favorise une réponse rapide et je ne pense pas que cela augmente particulièrement les frais judiciaires.
De toutes façons, je pense que les tribunaux verraient probablement d'un très mauvais oeil un débat entre un commissaire fédéral et un ministère sur une question de 62 jours ou de 72. Comme c'est administratif, les tribunaux ne seraient pas ravis de recevoir des appels. Il faudrait que ce soient des appels fondés sur des questions de droit et non pas de procédure.
Lorsqu'on a fixé le nombre de jours à l'origine — et nous parlons de 60 jours en Nouvelle-Zélande et de 60 jours en Alberta —, a-t-on tenu compte du fait que nous avons beaucoup de fuseaux horaires? A-t-on pris un chiffre au hasard ou a-t-on dit que si ce chiffre convenait à la Nouvelle-Zélande ou à un autre petit pays, il nous conviendrait aussi?
Je ne pense pas qu'on ait tenu compte de ce facteur en 1983 quand on a choisi 30 jours pour répondre aux demandes d'accès à l'information. Aujourd'hui, avec Internet, ce n'est plus un problème.
Merci, M. Marleau, Mme Neill et Mme Legault. Je tiens à me joindre aux félicitations de Mme ThiLac. Je pense que vous avez fait un travail exceptionnel. Rien ne permet mieux de comprendre la position des gens qu'un tableau en couleurs.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que le ministre avait affirmé que ce projet de loi était extrêmement bon, ce qui va évidemment tout à fait à l'encontre de ce qu'on disait dans un article d'un grand journal cette semaine, dont l'auteur disait en substance que cette Loi maintient les Canadiens dans la Préhistoire. Je trouve cela très intéressant.
Beaucoup des plaintes semblent reliées aux coûts, ce qui m'amène à parler de la deuxième recommandation concernant le droit de tout le monde d'avoir accès à l'information. Le ministre a admis que l'accès universel est prévu dans beaucoup d'autres juridictions mais que les coûts pourraient être un problème. Considérant ce qu'ont pu vous dire vos collègues des provinces ou d'autres pays, pensez-vous que ce pourrait être le cas? Il ne s'agit pas du fait que les coûts soient effectivement un problème mais plutôt que le ministre a l'impression qu'ils pourraient en être un.
Je ne peux que répéter ce qu'ont dit d'autres témoins en faveur de cette recommandation. Quasiment tout le monde a dit que, si cela se fait, cela se fait maintenant. On peut facilement contourner le droit d'accès direct en ayant recours à des courtiers d'informations. Les demandes sont actuellement présentées par des tierces parties. Il est facile de contourner ces restrictions. Pour ce qui est des coûts, nous les assumons déjà, je crois. Il pourrait y avoir une augmentation au début mais je crois que cette recommandation aurait peu d'incidence sur les coûts.
Les couleurs nous donnent une idée globale de la manière dont les témoins ont réagi aux différentes recommandations. En ce qui concerne la sixième, le mandat consultatif du Commissaire à l'information sur les projets législatifs, elle semble bénéficier d'un appui assez large, à l'exception de deux témoins qui ont plus ou moins contesté chacune des recommandations. Tous les autres semblent les approuver toutes. Le ministre a dit que cela constituerait un écart par rapport à la procédure usuelle. Toutefois, si elle était adoptée, s'écarter de la procédure usuelle ne serait pas nécessairement une mauvaise chose. Comment cela améliorerait-t-il le processus législatif, d'après vous?
Cette recommandation trouve sa genèse dans ce qui se fait actuellement sur la protection de la vie privée. Examinez la Loi. Vous êtes au courant des études d'incidence sur la vie privée. C'était aussi une recommandation du juge La Forest dans son rapport sur l'accès à l'information. C'est une recommandation du rapport Delagrave.
En vertu de cette recommandation, le gouvernement, avant de lancer un nouveau programme ou une nouvelle initiative, ou de créer une nouvelle base de données ou un nouveau système, consulterait le commissaire qui le conseillerait sur les questions d'accessibilité. Quels seraient les besoins des usagers en ce qui concerne les produits issus du programme? Comment pourriez-vous retrouver facilement les informations demandées ou structurer le système pour qu'on puisse les retrouver facilement? Ce n'est rien de plus.
Quand le ministre disait que ce serait un écart par rapport à la procédure usuelle et qu'il n'était pas sûr... Les EIVP, les études d'incidence sur la vie privée, se font depuis plusieurs années. C'est une politique du Conseil du Trésor, pas une exigence législative. Dans d'autres juridictions, c'est une exigence législative. Il s'agit simplement de s'adresser au commissaire, sans préjuger d'une enquête future, pour obtenir les meilleurs conseils possibles de façon à améliorer l'accès à l'information. C'est tout.
En ce qui concerne M. Drapeau, il semble croire que cela pourrait entraver mes enquêtes. Nous devons être bicéphales de temps à autre et pouvoir examiner des questions de politique fondamentale tout en poursuivant nos enquêtes.
Bienvenue à nouveau, Mme Neill, M. Marleau et Mme Legault.
Monsieur Marleau, vous disiez tout à l'heure que les frais actuels de 5 $ sont certainement archaïques et probablement déraisonnables eu égard au coût du système. Vous avez également souligné, à très juste titre, je crois, qu'il en coûte au gouvernement 55 $ ou plus pour traiter un chèque de 5 $. Cela étant, et considérant que le coût moyen est de 1 425 $ environ, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, pour répondre à une demande d'accès à l'information, quel serait un barème tarifaire raisonnable dans le contexte actuel?
Lors de notre dernière rencontre, vous aviez parlé d'un nombre élevé de demandes d'accès à l'information, et de plaintes adressées à votre bureau à la suite de ces demandes, et vous aviez dit qu'elles concernaient le ministère de la Défense nationale. En fait, elles concernaient le coût du matériel utilisé par nos forces armées. Je vous avais demandé qui présentait ces demandes et vous aviez dit que beaucoup provenaient d'avocats agissant au nom d'entreprises du secteur de la défense, peut-être même d'entreprises étrangères.Comme il s'agit de demandes formulées par des organisations commerciales pour obtenir des informations commerciales, ne pensez-vous pas que ces organisations devraient contribuer de manière raisonnable à financer les coûts de production des informations?
Il est très difficile de faire une différence entre les usagers commerciaux et les usagers privés car, en vertu de notre Loi, le demandeur reste privé, et je crois que cela ne doit pas être modifié. La demande d'accès à l'information est traitée sans tenir compte de l'identité du demandeur.
Mais ils ne le devraient pas. Quand ils reçoivent la demande, seul le bureau d'accès à l'information le sait et il est tenu de traiter la demande, quelle que soit l'identité du demandeur. Si l'on envisageait de faire payer des frais supplémentaires pour les demandes commerciales, je pense qu'il faudrait modifier la Loi. Comme j'ai formulé des recommandations pour permettre une modification rapide et facile, je n'ai pas abordé cette question.
Pensez-vous qu'il vaudrait la peine de l'envisager? Vous avez dit qu'une grande proportion des plaintes adressées à votre bureau émane de ce genre de demandes. Si je me souviens bien, vous nous aviez donné un tableau indiquant le nombre croissant de demandes adressées aux divers ministères, et l'un d'entre eux était le ministère de la Défense nationale. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'anciens combattants voulant des renseignements sur leur pension. Qui d'autre voudrait connaître le coût de tel ou tel matériel utilisé par l'armée?
Sans vouloir vous offenser, je crois que le député mélange deux choses, monsieur le président. Il y a des gens qui formulent des demandes sur ce genre de questions et il y a des gens qui adressent des plaintes à mon bureau
Les plus grands utilisateurs du système d'accès à l'information, selon les rapports du Conseil du Trésor, sont des entreprises — pharmaceutiques, par exemple.
En ce qui concerne les plaintes que nous recevons, environ 18 p. 100 émanent des entreprises et 12 p. 100 de la presse.
Donc, vous dites que la grande majorité des demandes d'accès à la formation émane des entreprises, et ce sont ces demandes qui coûtent en moyenne 1 425 $ à traiter. C'est bien ça?
Dans ce cas, je crois qu'il vaudrait la peine d'envisager un système particulier pour les demandes de renseignements personnels émanant des particuliers, concernant par exemple les pensions des anciens combattants ou le Régime de pensions du Canada, et un autre pour les demandes à caractère commercial, concernant des informations à usage commercial et qui sont vendues à des fins commerciales. Cela ne serait-il pas légitime? Cela ne permettrait-il pas au contribuable d'économiser des sommes importantes que le gouvernement pourrait consacrer à d'autres besoins?
Je crois qu'il faudrait engager un débat sur la question. Cela contribuerait évidemment au recouvrement des coûts, comme vous dites, mais les entreprises payent aussi des impôts. Les cabinets d'avocats paient des impôts. Une entreprise est une personne morale. Je crois qu'il serait très difficile de faire la distinction dans le cadre de la structure actuelle.
Qu'en est-il des entreprises étrangères ou des gouvernements étrangers qui ne paient pas d'impôts et qui veulent peut-être répondre à un appel d'offres pour un contrat de la défense ou veulent simplement savoir ce que nous dépensons?
Si je comprends bien, dès 1987, le Comité de la justice avait déjà formulé 100 recommandations pour réformer la loi. En l'an 2000, la présidente du Conseil du Trésor et le ministre de la Justice ont créé un comité de fonctionnaires pour étudier la loi afin d'apporter des réglementations, des politiques qui favorisent un régime d'accès à l'information plus actuel. En 2001, le Comité spécial présidé par l'ex-député libéral John Bryden avait déposé 11 recommandations prioritaires.
Depuis, un certain nombre de parlementaires ont déposé des projets de loi pour amender la loi. En avril 2005, le ministre libéral Irwin Cotler a demandé au comité d'étudier la loi. Il y avait un document-cadre détaillé concernant la réforme de l'accès à l'information. Votre prédécesseur, le commissaire à l'information M. John Reid, a proposé un projet de loi complet au gouvernement de Paul Martin, en octobre 2005. Le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, auquel je siège présentement, a sommé à deux reprises les gouvernements libéral et conservateur de cesser de tergiverser et a réclamé que le gouvernement dépose un projet de loi afin de réformer la Loi sur l'accès à l'information. C'est resté lettre morte.
Le 3 novembre 2005, le député néo-démocrate Pat Martin a présenté une motion afin que le gouvernement dépose un projet de loi. En décembre 2005, un dénommé Stephen Harper, chef de l'ancien Parti réformiste aujourd'hui Parti conservateur, a dit qu'il appliquerait les recommandations du commissaire à l'information sur la réforme de la Loi sur l'accès à l'information. On attend toujours, c'est une promesse non tenue.
En septembre 2006, Carole Lavallée, du Bloc québécois, a également déposé une motion auprès du comité afin que le gouvernement présente à la Chambre, avant le 15 décembre 2006, — ça fait déjà un certain temps — une nouvelle Loi sur l'accès à l'information. Le 27 septembre 2006, le comité déposait un rapport à la Chambre des communes qui contenait la même recommandation.
Plus récemment, une motion, adoptée le 11 février dernier par le comité présidé par le député Paul Szabo, recommandait que le gouvernement dépose à la Chambre, d'ici le 31 mai 2009, — c'est très bientôt — une nouvelle Loi sur l'accès à l'information renforcée et modernisée, qui pourrait s'inspirer des travaux de l'ancien commissaire à l'information, M. John Reid.
Le 4 mars 2009, vous avez déposé 12 recommandations que j'ai lues et qu'on a étudiées ici à quelques occasions. Je suggère de réunir les 12 recommandations en une seule qui demanderait au gouvernement actuel de tenir parole et de faire ce que les libéraux n'ont pas fait, d'être des gens d'honneur, et de déposer un projet de loi — avec toute l'information qu'on a rassemblée depuis 20 ans — pour s'assurer qu'il y aura une nouvelle Loi sur l'accès à l'information.
Ce genre de recommandation pourrait-il relever de vous? Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, mais je veux vous aider à faire en sorte que le Canada sorte du Moyen Âge. Vous parlez de grand-mère, mais vous voyez un peu où je veux en venir.
Monsieur le président, le député fait l'historique des demandes de réforme qui remontent maintenant à plus de 20 ans. Ce qu'il relate est tout à fait exact et correct.
Dans mon deuxième rapport annuel, j'ai clamé que le gouvernement devrait donner suite à ces recommandations et entreprendre le travail. Je suis d'avis que ce genre de réforme législative ne peut être lancée que par un ministre, membre du conseil exécutif. Elle exigera de l'État des investissements, des hausses de coûts. Selon nous, seul le gouvernement peut le faire.
Les efforts de M. Martin, de Mme Lavallée et d'autres comme simples députés — je le dis dans le bon sens du mot — sont louables, mais ne peuvent pas, à mon avis, permettre de moderniser cette loi sans qu'il y ait des initiatives qui s'appuient sur de nouveaux investissements.
Monsieur le président, je réitère ma demande aux représentants du gouvernement — il y en a six ou sept présents ici — de parler à un de leurs ministres afin qu'un projet de loi soit déposé à la Chambre des communes — le document a déjà été rédigé par M. Reid, le prédécesseur de M. Marleau —, pour que l'on puisse progresser et parler de sujets comme les tricheries probables des conservateurs, les fameuses 67 personnes qui, lors de l'élection de 2005-2006...
M. Poilievre sait très bien de quoi je parle. Cela lui fait mal, mais il faut que l'on puisse en discuter en comité et que l'on cesse de tourner en rond.
M. Marleau, vous nous avez dit qu'un petit nombre de personnes est responsable d'une grande proportion des demandes d'accès à l'information et des plaintes. Nous avons examiné la liste des demandes adressées à certains ministères. Dans un cas, vous avez dit qu'un individu était l'auteur de 500 demandes concernant CBC.
Cela étant, ne serait-il pas légitime d'établir un barème de frais progressif pour que les gros usagers du système soient tenus de payer plus au-delà d'un certain seuil, surtout s'ils demandent essentiellement la même information à répétition?
Ma quatrième recommandation, qui me donnerait une certaine latitude au sujet des enquêtes, améliorerait beaucoup la situation. Je crois pouvoir régler le cas des quelques personnes qui formulent fréquemment des plaintes, car il faut faire une distinction entre les demandes fréquentes et les plaintes fréquentes. Je peux régler cela assez rapidement si la Loi ne m'oblige pas à faire une enquête dans chaque cas.
Parlons des demandes fréquentes, car ce sont elles qui coûtent beaucoup d'argent. Le coût de fonctionnement de votre bureau est relativement modeste, en comparaison. Si quelqu'un présente 500 fois la même demande et que chaque demande coûte 1 425 $, ne serait-il pas légitime d'imposer des frais dissuasifs pour tenter de ramener cette personne à la raison? Si je ne me trompe, CBC n'a absolument pas le droit de refuser la demande?
Créer une banque de données centralisée où cette information serait entreposée réduirait considérablement la nécessité de formuler souvent la même demande.
Quelle est la proportion des demandes d'accès à l'information qui concerne les informations personnelles par rapport à des informations non personnelles?
Je suppose que des renseignements personnels concernant un particulier ne seraient pas des renseignements que vous publieriez. Ce ne serait pas quelque chose qui serait diffusé par Internet.
Certainement. Une pension d'ancien combattant, par exemple. Si un ancien combattant estimait ne pas recevoir la somme à laquelle il s'attendait, par exemple, il pourrait adresser une demande de renseignements au ministère des Anciens combattants au sujet de son compte personnel.
Ce qui m'intéresse, c'est le pourcentage des demandes de cette nature reçues chaque année par rapport à des informations à caractère général.
Je ne pense pas que vous ayez recommandé de publier proactivement les informations par Internet. Évidemment, il serait relativement compliqué de faire la distinction entre ce qui devrait être publié et ce qui ne devrait pas l'être. Il faudrait manifestement fixer des règles.
Avez-vous étudié quel serait l'effet d'une publication proactive par Internet de pratiquement toutes les informations du gouvernement, de façon à réduire le nombre de demandes d'accès à l'information?
Non, je n'ai pas étudié cela. Il y a au Québec un organisme qui a entrepris de le faire. Il a constaté que déterminer ce qui devrait être publié pourrait prendre beaucoup de temps. C'est une question très complexe, j'en conviens. À mon avis, ce genre de divulgation proactive réduirait évidemment...
Incontestablement. Je me demandais si vous aviez fait l'analyse.
J'ai une autre question au sujet des demandes émanant d'organisations commerciales. Vous avez dit que la plupart des demandes émanent de ce secteur. Il y a d'autres choses que fait le gouvernement, comme délivrer des permis du CRTC ou des permis relatifs aux ressources naturelles, en faisant payer des frais aux usagers dans les cas où ces derniers revendent le service ou l'information à des consommateurs commerciaux ou à d'autres types de consommateurs.
Quelle différence y a-t-il entre cela et le cas d'une entreprise de la défense ou d'un avocat agissant au nom d'une entreprise de la défense qui se fait payer plusieurs centaines de dollars l'heure pour obtenir des informations pouvant coûter aux contribuables des dizaines de milliers de dollars, afin de les fournir à une organisation commerciale pour qu'elle s'en serve dans ses activités commerciales? Quelle différence y aurait-il entre faire payer des frais adéquats pour couvrir le coût de ce service et faire payer des frais pour obtenir une licence du CRTC ou du ministère des Ressources naturelles?
Le problème est que l'établissement d'un tel barème serait très complexe et ne serait probablement pas très rentable. Les gens pourraient contourner le système en demandant à leur beau-frère de formuler la demande, par exemple.
Ils considéreraient peut-être que c'est simplement une dépense normale de l'entreprise. Pour d'autres types de services dispensés par le gouvernement, les gens n'agissent pas de cette manière pour éviter de payer les frais, n'est-ce pas?
Je suis sûr que certaines personnes retorses le feront mais ne serait-il pas raisonnable de faire payer à une organisation commerciale des frais raisonnables pour un produit qu'elle va revendre à profit?
Il existe un problème de courtiers qui recueillent des informations pour les revendre. Le problème est de savoir comment les identifier. L'avocat qui agit pour un nouvel immigrant qui ne connaît pas...
Pas nécessairement. Peut-être, je ne sais pas. Il pourrait s'agir d'informations sur une politique publique. Prenez par exemple le cas d'un nouvel immigrant qui ne comprend pas pourquoi sa femme n'est pas autorisée à revenir au Canada et qui souhaite obtenir des précisions sur la politique en vigueur ou connaître les informations ou avis qui ont pu être communiqués au ministre. Il pourrait être obligé d'avoir recours à un avocat parce qu'il ne comprend pas le système.
Si vous avez suivi les audiences du comité, monsieur Marleau, vous savez que l'un des thèmes d'un député concernait les modifications les plus importantes apportées à la Loi au cours des années. Je sais que les questions ont changé avec le temps, j'en conviens volontiers, mais cela avait causé certaines préoccupations à l'un de nos témoins, Stanley Tromp, qui estimait qu'on avait mal rapporté son propos. Je crois qu'il voudrait que je précise qu'il avait simplement affirmé que la Loi sur la responsabilité constituait un progrès mais que ce n'était pas le progrès le plus important. En fait, selon lui, la modification la plus importante apportée à la Loi sur l'accès à l'information fut l'ajout de l'article 67.1 en 1999 sur proposition de la députée Carole Lavallée.
Cette modification consistait à prévoir des amendes et des peines d'incarcération pour la destruction non autorisée et la falsification de dossiers. Cette proposition a-t-elle finalement été totalement adoptée et proclamée?
Il y avait un projet de loi d'initiative privée qui avait été proposé en 1997 par Carole Beaumier et non pas Carole Lavallée. Cette modification est aujourd'hui l'article 67.1 en vertu duquel la destruction de documents est un acte criminel. Elle découlait de l'enquête sur la Somalie et de l'enquête sur les transfusions sanguines, du début des années 1990. C'était une modification importante dans la mesure où elle envoyait le message très clair que quiconque s'occupe d'accès à l'information a l'obligation non seulement de répondre aux demandes mais aussi de préserver les informations. Ce fut probablement la plus importante modification depuis 1983.
Le projet de loi C-2, la Loi fédérale sur la responsabilité, a étendu la portée de la Loi aux sociétés d'État, aux agents parlementaires et à quelques fondations. C'est une amélioration mais, comme je l'ai dit l'autre jour, elle comportait également de nouvelles exceptions et exclusions qui me préoccupent.
Une autre préoccupation a été soulevée par des témoins. Je sais que deux d'entre eux, M. Drapeau et M. Racicot, qui ont témoigné ensemble, ont dit que, selon eux, les Nations Unies considèrent que la loi du Canada est un modèle, mais ils n'ont pas pu en donner la preuve. Je sais que d'autres personnes... Toby Mendel, par exemple, de Halifax, qui travaille avec Article 19, une organisation des droits humains basée à Londres qui s'intéresse à la liberté de l'information à l'échelle mondiale, a dit que, malgré tout son travail auprès d'organismes des droits humains de l'ONU, de tous ceux qui s'occupe d'accès à l'information, il n'en a encore trouvé qui ait adopté le modèle canadien.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Si un pays envisageait d'instaurer un régime d'accès à l'information ou de liberté de l'information, croyez-vous qu'il prendrait notre Loi comme modèle?
J'ai déjà eu à donner des avis de cette nature et ce que je dis aux parties intéressées d'autres pays, c'est que nous avons une loi très saine sur le plan des principes et qu'ils devraient s'en inspirer.
En ce qui concerne la situation actuelle, il y a beaucoup de leçons à apprendre sur comment ne pas faire. Chaque fois qu'on fait quelque chose, on tire les leçons de ses erreurs, de son inaction ou de sa négligence, et les autres peuvent en profiter.
Nous ne sommes pas en harmonie avec la déclaration des Nations Unies ni avec Article 19. Nous ne sommes pas en harmonie avec la déclaration d'Atlanta, ni avec le modèle du Secrétariat du Commonwealth, ni avec la recommandation de l'association parlementaire du Commonwealth, dont certains d'entre vous êtes membres.
Le Zimbabwe a adopté notre modèle mais il a ensuite ajouté un système de contrôle de la presse. C'est à ma connaissance le seul pays qui ait copié notre loi en disant qu'elle était excellente mais qui a ensuite ajouté ce contrôle de la presse.
Je suis donc en désaccord avec tout témoin, dont le ministre, qui affirme que notre système est en harmonie avec ces textes récents concernant le droit d'accès à l'information du citoyen.
David Fraser, de l'Association du Barreau canadien, affirme que, lorsque la Loi a été proposée — je reprends son témoignage —, elle ne devait pas être le seul mécanisme permettant aux gens d'avoir accès à l'information sur ce qui se passe au gouvernement. Elle était censée être une sorte de complément à une politique générale d'ouverture et de transparence.
Partagez-vous son évaluation de la manière dont les choses ont évolué, c'est-à-dire que le gouvernement, au lieu de prendre des mesures d'ouverture et de transparence, s'en remet strictement à la lettre de la LAIPRP?
Je suis totalement d'accord, et l'article 2 de la Loi est sans ambiguïté à ce sujet. La loi était censée compléter et non pas remplacer les procédures existantes d'accès à l'information du gouvernement. Elle n'était en aucun cas destinée à limiter l'accès aux informations dont le grand public peut normalement prendre connaissance. Hélas, elle est aujourd'hui devenue la politique de routine du gouvernement et de la bureaucratie. On l'entend constamment : « Vous voulez ce document? Déposez une demande d'accès à l'information. »
Comme je l'ai dit, je trouve particulièrement troublant que des parlementaires soient obligés d'invoquer la Loi pour obtenir des renseignements. Vous pouvez aussi poser des questions en Chambre, bien sûr, mais il me semble que la règle générale devrait être la divulgation et qu'on ne devrait invoquer la Loi qu'en cas de litige.
Je ne trouve pas particulièrement rassurant d'entendre dire que M. Mugabe du Zimbabwe pense que notre régime d'accès à l'information est efficace.
Revenons cependant à toute cette question de documents secrets du Cabinet.
Quel est notre recours si un député formule une demande d'accès à l'information, ou n'importe quel Canadien, d'ailleurs, qui risque de mettre un ministre dans l'embarras et que celui-ci décide d'invoquer le secret du Cabinet? Que puis-je faire quand on m'envoie un paquet de feuilles vierges en réponse à ma demande?
Vous pouvez adresser une plainte au commissaire, qui entreprendra une enquête. Nous prendrons contact avec le Bureau du Conseil privé qui gère les documents confidentiels du Cabinet. Après l'enquête, s'il maintient sa position, il émettra un certificat disant qu'il s'agit de documents confidentiels du Cabinet.
Je n'aurai pas vu les documents en question et il me sera impossible de dire si le certificat est légitime ou non. Dans beaucoup d'autres juridictions, provinciales et internationales, par exemple au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, le rôle du commissaire comme examinateur indépendant est énoncé dans la législation. Aujourd'hui, vous êtes obligé de croire le greffier sur parole. Je suis sûr que le greffier est très minutieux dans son travail — je ne conteste pas cela — mais il n'y a aucune révision par une tierce partie.
En fait, il semble que le greffier du BCP soit très minutieux. Tout d'abord, la plupart des demandes sont traitées en retard et, neuf fois sur 10, quand nous téléphonons à un ministère pour savoir où ça en est, on nous dit que les consultations continuent avec le BCP. Dans votre évaluation, le BCP a obtenu l'une des plus mauvaises appréciations car vous avez déclaré en février dans une entrevue que le centre a la mainmise sur les communications. Faisiez-vous alors référence au BCP?
Je faisais référence aux agences centrales, et le BCP en est une, en voulant dire que, si quelqu'un tient le système de communications à la gorge, cela a des conséquences dans tout le système. Si vous n'est pas autorisé à communiquer ce que vous communiqueriez normalement sans devoir vérifier auprès du centre, il y aura des retards. Je ne parlais pas nécessairement des documents confidentiels du Cabinet.
Je comprends pourquoi le Zimbabwe apprécie ce genre de système. Vous donnez un certificat, une sorte de caution que le ministre a raison de dire qu'il s'agit d'un secret du Cabinet.
Il m'est arrivé d'envoyer une demande à Patrimoine canadien qui a pris une éternité, des mois et des mois, alors qu'il s'agissait simplement de plaques d'inhumation et de matériel d'éducation correspondant. Je ne me souviens plus si c'était 48 ou 49 pages mais, sur le total, deux seulement contenaient de l'information, toutes les autres étaient vierges.
Je me demande toujours comment cela est possible. Quel genre de secrets pouvait-il bien y avoir sur ces plaques ou au sujet de leur préparation? Comme nous ne cessons de le constater, nous sommes dans un processus orwellien où les demandes des députés sont ralenties par un feu jaune et où il y a des retards, mais le cas que je mentionne ne concernait pas une information très importante.
Il y a par contre certaines informations qui sont importantes et qui préoccupent les Canadiens. Prenez le cas des deux demandes d'information adressées au ministère des Affaires étrangères sur le transfèrement de détenus : il y a eu plus de 300 jours de délai. Prenez la demande adressée au ministère de la Défense nationale au sujet de l'acquisition des hélicoptères Chinook, qui représentait une dépense énorme pour le contribuable. Nous ne cessons d'entendre de tels exemples. Des députés font tout un plat pour des frais de 5 $ mais, quand il s'agit d'informations sur ces contrats, on ne peut pas les obtenir et ça fait déjà plus de 350 jours, si je ne me trompe.
Que peut-on faire? Si vous deviez classer vos recommandations par ordre d'importance, celle destinée à vous autoriser à jeter un coup d'oeil sur les revendications de secret du Cabinet serait-elle l'une des premières?
Elle est très importante. Je ne dirais pas que c'est la plus importante. J'ai proposé 12 recommandations qui forment un tout mais, bien sûr, le fait d'en rejeter certaines n'invaliderait pas les autres.
Le problème des documents confidentiels du Cabinet est que le greffier n'a aucune marge de manoeuvre. L'exclusion est obligatoire. Donc, s'il estime qu'un document tombe dans cette catégorie, c'est tout.
Si l'on appliquait plutôt une exemption facultative, il pourrait être dans l'intérêt public que le ministre puisse rendre l'information publique avant l'expiration du délai de 20 ans. Il pourrait fort bien vouloir le faire mais, actuellement, la loi le lui interdit.
C'est ce qui s'est passé en Grande-Bretagne. Quand le Cabinet juge qu'il a pris une bonne décision, il divulgue l'information plus tôt.
C'est facultatif et c'est ça l'élément fondamental qui doit changer. Cela éliminerait beaucoup de ces consultations. Si le gouvernement décidait qu'il est dans l'intérêt public de divulguer une décision du Cabinet ou des documents confidentiels avant 20 ans...
Écoutez, dans mon testament, je laisserai un chèque de 5 $ à mon petit-fils pour qu'il puisse formuler la demande dans 20 ans.
Dans ce cas, vous savez qu'elle fournit des informations publiques aux avocats et à d'autres personnes contre rémunération. La société Thomson est une société très rentable, même aujourd'hui. Les avocats sont tout à fait prêts à payer ses tarifs qu'ils imputent à leurs frais généraux et qu'ils répercutent parfois sur leurs clients.
Qu'y a-t-il dans ce modèle qui fait qu'il serait répugnant, comme vous l'avez dit, de demander à la société Thomson de payer des frais raisonnables pour obtenir les informations qu'elle va revendre à profit à d'autres parties? Pourquoi est-ce répugnant?
Parce que cela irait à l'encontre de toute la structure de transparence du gouvernement, à mon avis. C'est pour cela que ce serait répréhensible. Le gouvernement est le détenteur fiduciaire d'informations des citoyens. Les citoyens ont déjà payé ces informations. Elles sont sur des tablettes.
Leur divulgation entraîne probablement certains coûts mais, en tant que citoyen, je suis prêt à ce que la société les assume.
Ça représente 1,60 $ par an par Canadien. C'est à peine le prix d'un café moyen chez Tim Horton. Ça ne me dérangerait pas que ce soit le prix d'un grand café ou même d'un extra grand.
J'aimerais beaucoup appuyer votre deuxième recommandation mais je me demande, monsieur Marleau, comment réagirait l'un de mes électeurs s'il était dans cette salle et qu'il voyait qu'on lui demande de subventionner les profits de la société Thomson.
Vous nous avez dit que la plupart des usagers sont des entreprises. Je suppose qu'elles veulent obtenir ces informations à des fins lucratives. Donc, il vaut certainement la peine pour nous de voir s'il serait possible de concevoir un barème tarifaire raisonnable pour au moins recouvrer une partie des coûts qu'assume le contribuable pour fournir ces informations privées.
Je suis sûr que certaines organisations pourraient faire appel à toute une série de personnes âgées pour présenter leurs demandes d'accès à l'information, afin de contourner le barème, mais croyez-vous vraiment que c'est ce que ferait la société Thomson pour présenter ses milliers de demandes afin d'obtenir des informations qu'elle revend à ses clients?
Et elle ferait des profits. Nous sommes en pleine récession et cette activité coûte beaucoup d'argent aux contribuables. Si nous pouvions au moins prendre le temps d'étudier une manière raisonnable de faire la différence entre des informations manifestement commerciales et des informations manifestement personnelles, je pense que nous aurions facilement l'appui de beaucoup de nos électeurs.
Monsieur le président, je ne suis pas insensible à cet aspect du débat. Le problème existe, on ne peut le nier. Il s'agit simplement d'une approche que je conteste, d'une méthode que je désapprouve, mais je suis certainement prêt à en débattre à fond. Je ne connais cependant aucune autre juridiction qui agisse ainsi.
Je pensais que le commissaire à l'information de la Colombie-Britannique avait dit qu'il y avait un mécanisme de recouvrement des coûts pour les demandes d'information. C'est une juridiction du Canada. Et ça semble marcher. C'est assez pertinent, et c'est aussi très récent.
J'aimerais poursuivre un peu cette discussion. La question des coûts a été souvent soulevée, non seulement en ce qui concerne l'accès mais aussi en ce qui concerne la vie privée. S'il n'y avait qu'une seule demande, le coût par demande serait évidemment égal à tout le budget de votre bureau, ou en tout cas au coût assumé par le gouvernement pour y répondre. Pas de problème, je suppose que ce serait un excellent système. Tout le monde coopérerait et on n'aurait pas à avoir recours au système.
La question de fond, à mon avis, est de savoir quelle importance nous attribuons au fait d'avoir une Loi sur l'accès à l'information. Pourriez-vous nous rappeler pourquoi nous avons cette Loi est pourquoi il est important de financer un système efficace et efficient d'accès à l'information?
À mon avis, c'est aussi important que financer un système judiciaire efficient. Autrement dit, les tribunaux — la Cour suprême du Canada — ont dit qu'il s'agit là d'un droit quasi constitutionnel. Quel prix attribuons-nous au droit du citoyen?
Nous assumons les coûts associée au droit de vote et, au cours des années, le parlement et le gouvernement n'ont cessé d'améliorer la loi électorale, comme ils continueront de le faire. Cela coûte de l'argent mais amène rarement à remettre en question le droit du citoyen de voter. Comment un citoyen pourrait-il voter intelligemment s'il devait payer 500 $ pour obtenir les informations susceptibles de l'éclairer sur son choix électoral? Devrait-on appliquer un mécanisme de recouvrement des coûts dans ce cas?
À mon avis, c'est un jugement de valeur. Comme je l'ai dit, le système coûte de l'argent, je ne le nie pas, et nous sommes en récession. Ce n'est cependant pas la première fois qu'il y a une récession. À mon sens, le coût doit être amorti sur la vie de la nation, tout comme celui de la Charte des droits et libertés. La Charte des droits et libertés s'est accompagnée de coûts très élevés et, si je me souviens bien, nous étions également en récession en 1983.
Croyez bien que je ne prends pas ce débat à la légère. Je pense que c'est un débat important mais, à mon avis, il nous ramène toujours à la question que vous venez de poser : pourquoi avons-nous ce système? S'il s'agissait tout simplement d'un programme comme les autres, la question ne se poserait pas mais, précisément, je ne pense pas que c'est un programme comme les autres.
Au nom du comité, je vous remercie à nouveau d'être venu nous aider dans notre réflexion. Nous allons poursuivre l'analyse des documents au cours des prochaines semaines et continuer à réfléchir aux correctifs rapides avant de produire un rapport, que nous avons l'intention de déposer devant le Parlement avant le congé d'été. Nous vous remercions très sincèrement de votre contribution à cette réflexion.
Je crois pouvoir dire au nom des membres du comité que, puisque vous avez mis l'accent sur certaines recommandations plutôt que sur d'autres, il est peu probable que nous réussissions à faire modifier la Loi sur l'accès à l'information si nous ne réussissons même pas à obtenir ces changements-là. En fait, cela devient presque un test, et je pense que c'est la même chose avec la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il faut absolument que nous ayons du succès avec au moins certaines de ces modifications, sinon cela voudra dire qu'aucune modification ne peut être apportée à ces deux lois.
Je me souviendrai longtemps de votre métaphore du début, sur la grand-mère, et je remercie également M. Dechert de son analogie aussi. Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président. Je dois dire que notre équipe vous est très reconnaissante du temps que vous nous avez consacré. J'ai vraiment beaucoup apprécié cette discussion et j'espère avoir répondu de manière utile aux questions. Ce sont des choses dont il faut débattre et je remercie le comité d'en prendre le temps.
Les témoins peuvent maintenant partir. Nous allons suspendre la séance et reviendrons à huis clos pour reprendre notre travail sur le rapport concernant la protection des renseignements personnels.