:
En effet, on dit et/ou pour d'autres témoins. Cela nous donne la latitude nécessaire. Nous aurons un budget approuvé pour d'éventuels témoins.
Y a-t-il d'autres remarques? Tous ceux qui sont en faveur?
(La motion est adoptée.)
Le président: Merci.
S'agissant des 12 solutions que M. Marleau, le commissaire à l'information, a proposées, nous accueillons, pour en discuter, M. Michel Drapeau, professeur à l'Université d'Ottawa, et Marc-Aurèle Racicot, qui est avocat. Ces deux personnes, comme vous le savez, sont les coauteurs d'un article très intéressant paru la semaine dernière dans The Hill Times. Nous accueillons également un témoin qui a déjà comparu, et qui est très près de toutes les questions parlementaires, M. Duff Conacher, coordonnateur de Démocratie en surveillance.
Bienvenue à tous les trois.
Nous allons permettre à chacun des témoins de faire des remarques liminaires nécessaires mais brèves. Je pense que les questions dont nous sommes saisis vous ont été signalées. Les recommandations de M. Marleau sont pour l'essentiel d'ordre administratif, même si quelques-unes pourraient avoir pour conséquence des modifications à la loi elle-même. Je pense que des arguments fort intéressants ont été soulevés au cours de la discussion, jusqu'à présent, et dans l'article qui a paru dans le journal. Ainsi, le comité a cru important d'approfondir ces arguments. Je pense que vous connaissez tous notre façon de procéder. Le travail le plus utile et le plus profitable découle de la période de questions et réponses.
Allons-y alors. Qui veut commencer?
Monsieur Drapeau, vous avez la parole.
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Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de remercier les membres du comité de me donner l'occasion de témoigner ici cet après-midi.
Mes remarques liminaires seront brèves pour deux raisons. Tout d'abord, j'ai l'impression que notre article publié dans le Hill Times de lundi dernier vous a déjà mis au courant de notre position sur les 12 recommandations présentées par le commissaire à l'information, le 9 mars 2009. Deuxièmement, nous vous avons fourni un mémoire écrit où figurent d'autres raisons et détails qui expliquent notre opposition à ces recommandations.
Nous sommes absolument convaincus que les maux qui affligent le régime d'accès à l'information ne peuvent pas être guéris en rafistolant la loi. En revanche, on devrait s'employer à redresser les déficiences et les obstacles systémiques dont souffre le régime d'accès à l'information. Par exemple, au cours de la législature précédente, la loi a été modifiée et désormais, y figurent un certain nombre de sociétés d'État et une obligation ferme de prêter assistance aux demandeurs. Ces modifications se sont révélées en elles-mêmes très positives et elles représentent une amélioration considérable de la liberté d'accès à l'information. Malheureusement, ces améliorations ont été noyées dans un marasme toujours plus grand du rendement des institutions et du Commissariat à l'information. Par conséquent, même si je dois le dire crûment, le gouvernement a été abandonné par sa propre administration.
Nous pensons que le comité a la stature, le pouvoir et le mandat de veiller à ce que la loi soit appliquée comme il se doit, selon les intentions du Parlement. Au départ, il y a eu une étude très soigneuse et méticuleuse, dès 1977 avec la publication du livre vert pour la discussion de deux importants documents du Cabinet. Cela, jusqu'en 1982, quand le droit démocratique fondamental d'accès à l'information a été édicté à l'intention des citoyens. Vous conviendrez qu'avant que le Parlement ne modifie cette loi quasi constitutionnelle, il doit être sûr des objectifs et il doit se montrer prudent avant de chambouler une loi bien structurée, bien conçue et claire qui a servi de modèle à bien d'autres pays.
Vous avez également sous les yeux quelques notes biographiques indiquant mes antécédents professionnels et ma contribution aux lois régissant l'accès à l'information. Toutefois, si vous le permettez, je vous recommande fortement d'inviter à témoigner des personnes que j'estime être versées dans la question à l'échelle nationale et internationale et qui en ont une vaste expérience et dont la réputation pour leur excellence professionnelle n'est plus à faire. Leur témoignage constituera pour vous des conseils judicieux en prévision de toute modification éventuelle à la loi actuelle. Il s'agit en l'occurrence de M. Alan Leadbetter, qui, pendant le mandat de trois commissaires, a été commissaire adjoint à l'information. Ensuite, le professeur Alasdair Roberts, qui est un universitaire de renom dans le domaine de l'accès à l'information. En outre, d'autres comme le commissaire John Reid pourraient venir vous aider mais vous avez déjà profité de ses lumières. J'ajouterai le nom du juge Gomery, dont les remarques éloquentes qui figurent dans son rapport ont donné un élan au droit à l'accès à l'information pour les Canadiens.
Si je ne m'abuse, vous avez reçu un article publié récemment dans le journal Open Government Journal dans lequel je décris l'état de paralysie où se trouve le régime canadien d'accès à l'information. Je dis « paralysie ». Si j'ai été poussé à le décrire ainsi, c'est parce qu'à mon avis, le régime canadien d'accès à l'information n'a jamais été en si piètre état. À toutes fins utiles, il est actuellement moribond.
On peut faire une comparaison avec la situation qui existe aux États-Unis. Les États-Unis ont bénéficié d'un élan appréciable récemment grâce à un premier geste de leadership de la part de leur nouveau président, le jour de son entrée en fonction.
Pour toutes ces raisons, j'ai décidé de répondre à votre invitation à venir témoigner devant le comité même si je savais que mon épouse, qui est ici aujourd'hui, n'était pas très encline à l'idée de discuter de ce sujet aujourd'hui précisément, jour du 45e anniversaire de notre mariage.
Des voix: Bravo!
Merci beaucoup.
:
Monsieur le président, chers membres du comité, c'est avec un grand honneur que j'ai accepté votre invitation à venir témoigner aujourd'hui.
Je m'intéresse à la question de l'accès depuis maintenant près de 10 ans. Au cours des dernières années, j'ai fait énormément de recherche et de réflexion concernant ce droit fondamental dans toute démocratie. Je suis co-auteur de l'ouvrage Federal Access to Information and Privacy Legislation Annotated. Après un stage à la Cour d'appel fédérale du Canada, j'ai travaillé quelques années au Commissariat à l'information du Canada à titre de conseiller juridique. J'ai aussi aidé à mettre sur pied un programme de formation bilingue par Internet concernant l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, à l'Université de l'Alberta. Je suis éditeur du Open Government Journal, une revue scientifique qui est disponible gratuitement sur Internet et qui porte sur les questions d'accès et de transparence. Je suis présentement avocat en pratique privée.
La Loi sur l'accès à l'information énonce des principes de base concernant l'accès à l'information au Canada. Au cours des 25 dernières années, la loi a été testée et interprétée à maintes reprises, autant par les citoyens que par l'administration. La Cour fédérale a rendu de nombreuses décisions concernant la Loi sur l'accès à l'information. La loi fonctionne seulement si tous les acteurs respectent leur rôle et prennent leurs responsabilités. Les principes de base que nous retrouvons dans la loi actuelle sont valides, quelle que soit l'époque à laquelle nous nous trouvons.
Par exemple, en 1982, lorsque la loi fut adoptée, Internet n'existait pas ou existait dans un état embryonnaire. Pourtant, les frais de voyage des hauts dirigeants d'institutions fédérales sont maintenant communiqués d'une manière proactive sur Internet. En 1982, il n'y avait pas de courriel. Pourtant, ces documents sont couverts par la définition de « document » que l'on retrouve dans la loi et sont couramment divulgués en vertu de la loi.
Ces quelques exemples démontrent que cette loi, qui énonce les principes fondamentaux, peut facilement s'adapter à son temps, sans amendement. Les utilisateurs, l'administration, le commissariat et les tribunaux ont su utiliser et interpréter la loi afin de lui permettre de fonctionner depuis le 1er juillet 1983, date à laquelle elle est entrée en vigueur.
C'est avec une grande prudence que nous devons envisager de modifier cette loi fondamentale. Les problèmes que nous connaissons présentement n'ont pas comme point d'origine la loi, mais sont le fruit du manquement de certains acteurs.
La Loi sur l'accès à l'information, une loi au statut quasi constitutionnel, est bonne et valide.
:
Merci aux membres du comité de me donner l'occasion de témoigner ici aujourd'hui sur ce très important sujet pour la bonne gouvernance, à savoir l'accès à l'information.
[Français]
Je devrais pratiquer mon français, mais étant donné qu'il y a beaucoup de termes techniques dans ce domaine, je vais faire mon témoignage en anglais.
[Traduction]
Depuis leur adoption au début des années 1980, les dispositions de la loi ne se sont malheureusement pas révélées efficaces et capables d'exiger des institutions gouvernementales de rendre facilement accessibles au grand public les renseignements créés, rassemblés et entreposés par elles-mêmes ou par le gouvernement. Bien sûr, certains renseignements en particulier des renseignements personnels que le gouvernement exige que les citoyens fournissent, doivent être tenus secrets pour empêcher un usage nuisible. Étant donné la quantité d'exemptions qui figurent dans la loi et un régime d'application très peu rigoureux, on décourage ni plus ni moins la divulgation de l'information et par contre on encourage le maintien du secret. Ainsi, le public se voit refuser l'exercice de son droit à l'information sur les actes et les décisions rendus possibles grâce à l'argent des contribuables.
Essentiellement, la loi est actuellement un « guide pour garder le secret de l'information », et non pas une loi sur la transparence gouvernementale. Comme dans tous les secteurs de l'activité humaine réglementés par de grandes organisations, surtout quand nombreuses sont les incitations à enfreindre les règles, il faut, au nom de l'efficacité, apporter des modifications qui respectent les normes suivantes: il faut des règles rigoureuses ne prêtant pas le flanc à des échappatoires, car en l'occurrence, les nombreuses échappatoires actuellement dans la loi ouvrent la porte à des abus. Il faut donc un organisme responsable de l'application qui soit totalement indépendant, doté des pleins pouvoirs et des ressources à l'avenant. Il faut également prévoir des sanctions lourdes en cas de contraventions.
L'histoire du gouvernement et des institutions gouvernementales dans tous les secteurs du processus démocratique — le souci d'honnêteté, d'éthique, de transparence, de représentation, de frugalité — démontrent qu'il faut un régime qui respecte les normes établies afin de garantir que les règles et l'esprit des règles sont respectés.
La transformation de la loi actuelle et du régime d'application dans le but de respecter de telles normes passe par les modifications suivantes: ces modifications, pour la plupart, avaient été promises par le Parti conservateur pendant la campagne électorale de 2006. Les mêmes recommandations avaient été faites par ailleurs, notamment par la coalition pour une gouvernance transparente à laquelle adhérait Démocratie en surveillance en 2000-2001. Au nombre des groupes formant cette coalition, on comptait l'Association canadienne des journalistes, l'Association des bibliothécaires, des journaux communautaires à l'échelle du pays et bien d'autres groupes de citoyens.
Voici donc les principaux changements nécessaires.
Tout d'abord, tout document créé par une entité gouvernementale ou une entité qui reçoit un financement appréciable ou une organisation à vocation publique doit automatiquement être assujetti aux dispositions de la loi. La loi doit imposer à toutes les entités le devoir de créer des documents concernant toutes les décisions ou tous les actes qui peuvent leur être imputés. Elles doivent mettre en place des systèmes de gestion de l'information pour qu'on puisse déterminer la personne responsable de chaque document. Et ce qui est le plus important, la loi doit exiger qu'elles divulguent ces documents de façon routinière pour qu'il ne soit pas nécessaire d'en faire la demande de sorte qu'il serait divulgué régulièrement après vérification d'éventuelles exemptions.
Toutes les exemptions prévues dans la loi doivent être discrétionnaires et se borner à l'application d'un critère prouvant le préjudice éventuel ou une dérogation nécessaire en raison de l'intérêt public, selon le mandat du commissaire à l'information. Quelques provinces traitent ainsi actuellement leurs exemptions.
Comme dans bien des provinces, notamment l'Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec, le commissaire à l'information doit détenir des pouvoirs lui permettant de prendre explicitement des ordonnances, y compris l'ordonnance de divulguer de l'information. En outre, l'inclusion d'une institution gouvernementale dans la sphère qui peut faire l'objet d'une demande de renseignements selon la loi est une décision que l'on ne devrait pas laisser au Cabinet. De plus, et c'est très important, le commissaire doit détenir le pouvoir de demander des changements systémiques dans les systèmes de gestion de l'information des institutions gouvernementales, et ce, afin d'améliorer la conformité aux dispositions de la loi. En terminant, le commissaire doit avoir le pouvoir d'infliger des sanctions à ceux qui enfreignent la loi. Il n'y a pas de risque de transformer le poste de commissaire à l'information, qui est un ombudsman détenant le seul pouvoir de faire des recommandations, en un poste de juge qui peut en fait prendre des ordonnances exécutoires.
On a constaté en Ontario, en Colombie-Britannique et au Québec que cette modification majeure transformait le fonctionnement du système parce qu'essentiellement, les institutions auprès desquelles on demande des renseignements savent que tout retard dans la divulgation peut entraîner à brève échéance une ordonnance exécutoire si bien qu'elles ont tendance à obtempérer dès la première demande.
En outre, je sais par expérience, car j'ai travaillé au Commissariat à l'information de l'Ontario, que l'on peut instaurer un régime de médiation qui lui aussi accélère la divulgation de documents si bien que de telles ordonnances ne sont plus nécessaires. Cela est moins coûteux pour tous les intéressés. Les demandeurs n'ont pas besoin de recourir à des avocats. Ils se prévalent d'un système de médiation peu coûteux, facile d'accès et très simple et s'il n'y a pas d'accord, il existe toujours le recours à l'ordonnance.
Je vais rapidement signaler quelques autres modifications importantes.
Il faut que figurent dans la loi des sanctions conséquentes qui seront infligées si des documents ne sont pas créés, s'ils ne sont pas tenus de façon adéquate, si les réponses aux demandes sont retardées de façon injustifiable ou si on refuse de divulguer des renseignements qui clairement doivent être rendus publics.
Étant donné que le commissaire à l'information pourrait se retrouver face à un arriéré — comme c'est le cas actuellement mais cela pourrait aussi se produire à l'avenir — les demandeurs doivent avoir le droit d'intenter une action en justice contre un commissaire qui refuserait d'instruire une plainte ou qui ne l'instruirait pas dans les délais impartis. Je propose que le délai soit de 120 jours.
En terminant, le financement de telles activités doit être augmenté pour absorber l'arriéré et on doit se garder d'augmenter les droits perçus ou d'imposer d'autres entraves administratives dans le but de faire baisser les coûts. Ce système n'est pas gratuit mais si l'on procède par divulgation régulière proactive des documents, les coûts vont baisser énormément parce qu'il y aura moins de demandes et de plaintes forcément.
Bien entendu, si ces modifications sont apportées, on doit prévoir un vaste programme de formation pour garantir que tous les fonctionnaires sont au courant des nouvelles normes et des nouveaux pouvoirs.
Enfin, une remarque générale: certains observateurs, comme Donald Savoie de l'Université de Moncton, affirment que depuis que la loi et le régime de divulgation existent, les fonctionnaires n'ont pas été en mesure de « dire la vérité aux autorités » et les ministres, par conséquent, ont reçu des conseils et des renseignements de moins bonne qualité qu'avant l'existence de la loi.
La position de Démocratie en surveillance est la suivante: si c'est le cas, la difficulté ne vient pas des dispositions de la loi. C'est l'attitude et la façon dont les institutions gouvernementales opèrent qui en seraient responsables. Un gouvernement véritablement démocratique ou une institution vraiment démocratique devraient avoir le souci d'accueillir tous les renseignements et conseils possibles sur chaque sujet, même s'ils étaient contraires à la position des dirigeants et on ne devrait pas hésiter à les rendre publics en appliquant un processus de consultation sérieuse avec le public, ce qui est la meilleure façon, comme on l'a constaté dans bien des cas, de trouver de véritables solutions aux problèmes de la société et d'appliquer de véritables mesures de responsabilisation pour vérifier l'efficacité des solutions retenues. Quand un gouvernement cherche à imposer son idéologie et sa volonté dans une société, contrairement au souhait de la majorité et contrairement à ce qu'exigent les pratiques exemplaires ou quand un gouvernement cherche à favoriser les membres de son propre parti, leur parenté ou leurs amis, c'est alors que ce gouvernement a besoin de maintenir secrets les renseignements et les conseils qu'il possède. Comme on a pu le constater à plusieurs reprises par le passé, le secret aboutit à des abus et à des gaspillages.
Je reconnais qu'il est difficile d'imaginer un gouvernement qui fonctionnerait d'une façon aussi transparente et démocratique. Toutefois, c'est seulement parce que les gouvernements n'ont pas fonctionné ainsi jusqu'à présent et non pas parce que c'est impossible ou souhaitable que les gouvernements soient transparents, à l'écoute, responsabilisés. Modifier la Loi sur l'accès à l'information selon les propositions que j'ai avancées aujourd'hui aiderait grandement le gouvernement fédéral à se démocratiser mais pour que ces modifications soient véritablement efficaces, elles devraient s'accompagner de l'adoption d'une loi exigeant des consultations véritables avant que ne soit prise toute décision importante. Cela ajouterait énormément à la transparence du gouvernement et garantirait que les décisions prises le sont en possession de toute l'information et de tous les conseils disponibles révélés lors d'un débat public. Ainsi, il est fort probable que ces décisions soient plus judicieuses que celles qui sont prises à huis clos, en secret, laissant à seulement quelques personnes la possibilité de participer aux délibérations et au dialogue.
Cette modification à l'accès à l'information et au mode de consultation a été préconisée par quantité de groupes de citoyens dans bien des domaines, et ce, depuis des dizaines d'années et il est à espérer que bientôt — très bientôt — nous verrons un parti au pouvoir et tous les partis politiques faire leur cette façon de procéder et apporter les modifications permettant une transparence totale et la démocratisation du gouvernement fédéral.
Merci beaucoup. Je vais répondre à vos questions.
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Madame Simson, si vous me le permettez, je suis désolé de devoir m'opposer à vos arguments encore une fois. Le commissaire dispose déjà d'un pouvoir extraordinaire, qu'il n'utilise qu'en partie. Il a les mêmes pouvoirs qu'un juge de la Cour supérieure. Il peut sommer des témoins à comparaître, et même convoquer des sous-ministres au besoin — ça c'est déjà fait par le passé — pour obtenir des explications quant aux raisons des retards dans la divulgation de documents.
Par exemple, il peut aussi publier un rapport, comme vous l'avez bien souligné, si ses recommandations n'ont pas été prises en compte. Il peut ensuite se tourner vers la Cour fédérale. Il peut aussi s'adresser à votre comité, ce que ses prédécesseurs ont fait, et publier un rapport spécial, ou encore attirer l'attention des médias sur la question, comme le ferait un ombudsman.
J'aimerais maintenant aborder l'envers de la médaille: que se passera-t-il si nous investissons le commissaire de pouvoirs exécutoires? En Ontario, bon nombre d'ordonnances rendues par le commissaire à l'information et à la protection de la vie privée sont contestées devant les tribunaux. Si le commissaire, plutôt que de formuler une recommandation à une institution, comme il le fait à l'heure actuelle, rend une ordonnance et que l'institution se tourne vers la Cour fédérale, cela ne réglera pas le problème. Les procédures judiciaires traîneront pendant six ans. Pendant ce temps, on ne pourra pas avoir accès aux documents.
Pour ce qui est de ces pouvoirs exécutoires du commissaire à l'information... Je m'empresse de dire que le commissaire à l'information a demandé à ce qu'on lui confère des pouvoirs exécutoires dans le cadre de plaintes de nature administrative seulement, qui ne sont pas des plaintes sérieuses...
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Vous m'avez posé deux questions.
D'abord, j'ignore si l'accroissement de l'arriéré est dû au nombre accru de nouvelles organisations régies par la loi. Je ne suis pas commissaire à l'information et je ne dispose pas de ces chiffres, mais ce n'est pas l'impression que j'ai eue en lisant le rapport de l'an dernier.
On a assurément constaté une augmentation graduelle, comme on devrait s'y attendre compte tenu que VIA Rail, Postes Canada, la SRC et d'autres sont maintenant visés par la loi. Il se peut que ce soit un ajustement d'une année à l'autre, mais voilà le mandat du commissaire, qui dispose du personnel nécessaire pour se charger de son mandat élargi puisqu'on a augmenté ses effectifs. Je ne pense pas que l'on devrait élargir le champ d'application de la loi d'une part et de l'autre, déplorer le fait que le nombre de demandes et de plaintes augmentera par suite de cela. C'est une conséquence, et une conséquence favorable à mon avis.
Le commissaire à l'information fait sans cesse allusion aux personnes qui présentent un certain nombre de demandes. J'en connais certaines personnellement parce qu'elles représentent des gens des médias, des parlementaires, des industries, etc. Je répondrai au commissaire: « Que Dieu les bénisse ». Ils savent comment utiliser la Loi sur l'accès à l'information. Ils présentent des demandes qui sont en général ciblées. Elles ne sont pas vexatoires ou inutiles. Ils font bon usage de la loi et présentent leurs demandes aux institutions appropriées.
Pour conclure, j'espère que vous allez me poser des questions sur le nombre de demandes présentées au Canada et à l'étranger à des fins de comparaison avec d'autres démocraties. Il me fera plaisir de m'exprimer à ce sujet plus tard.
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L'argument que j'avance est le suivant: les pouvoirs exécutoires ne sont pas une panacée. Ils ne régleront pas tout. Ils ne garantiront pas la conformité. En fait, ils ouvrent la voie à l'institution ou au demandeur, qui pourront dire: « Laissez-moi aller en cour maintenant parce que je ne suis pas satisfait ». On revient à la case départ. Qu'avons-nous accompli?
Vous aurez en outre complètement transformé le rôle de l'ombudsman, qui se retrouvera à assumer les fonctions de fonctionnaire judiciaire. Il sera confiné à son bureau; il interviendra devant des tribunaux administratifs. Il ne disposera plus de pouvoir de persuasion. Les pouvoirs dont il est investi à l'heure actuelle s'en trouveront limités. Au cours du processus, vous allez probablement exiger des demandeurs qu'ils embauchent des avocats pour les guider dans le processus juridique et administratif nouvellement créé.
Ce n'est pas la voie empruntée par vos prédécesseurs, et je dis « prédécesseurs » en pensant à quelques documents de travail du Cabinet rédigés de 1966 jusqu'en 1977, année où le Livre vert a été publié. Toutes les discussions qui ont eu lieu au Parlement avant la promulgation de la loi cherchaient à établir un équilibre délicat et à déterminer le modèle à mettre en place.
Ce modèle, mesdames et messieurs, a été imité dans un certain nombre de pays. Ceux-ci nous ont emboîté le pas et se sont dotés de lois pratiquement identiques à notre Loi sur l'accès à l'information. De plus, le principe adopté par le Comité des droits de la personne des Nations Unies est une copie conforme de la loi.
Donc, apportez des modifications si vous le devez, mais dans quel but? Si vous pensez qu'en apportant ces modifications, en attribuant des pouvoirs exécutoires, les institutions prendront les mesures appropriées, vous verrez que ce ne sera pas le cas. Si les institutions ne mettent pas en oeuvre les décisions de votre comité qui dispose de pouvoirs souverains et du commissaire à l'information, pourquoi tiendraient-elles compte tout à coup d'une décision du commissaire à l'information?
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Si je peux me permettre de vous corriger, en théorie, je ne suis pas contre, car j'estime que, un jour ou l'autre, c'est ce que nous devrons faire. C'est déjà en voie d'être réalisé aux États-Unis. Dans le cadre de ma propre pratique, j'invoque la Freedom of Information Act américaine pour avoir accès à des dossiers au nom de mes clients. J'ai aussi invoqué la loi britannique, qui est d'application universelle.
Mais avant d'en faire autant, il vous faut savoir certaines choses que n'a pas abordées M. Marleau. Je vous donne quelques exemples. Premièrement, vous devez modifier la loi de sorte qu'on puisse présenter une demande par courriel et pas seulement par lettre. On ne peut s'attendre des Africains qu'ils envoient leurs demandes par lettre. Deuxièmement, il faut supprimer les frais. On ne peut exiger de quelqu'un au Royaume-Uni ou au Nebraska qu'il fasse parvenir un mandat poste de 5 $ canadiens. Il faudrait donc apporter ces quelques petits changements.
Le système est si surchargé à l'heure actuelle qu'il ne fonctionne pas. Pourquoi voudrions-nous nous mettre dans l'embarras sur la scène mondiale en acceptant les demandes du monde entier tout en demandant aux Canadiens d'aller au bout de la file d'attente lorsqu'on ne peut répondre à la demande. Le système ne peut répondre à la demande. On m'a envoyé une demande de report d'une échéance de 210 jours. Si le commissaire à l'information ne peut traiter une simple plainte en moins de deux ans, pourquoi voudrions-nous ouvrir un système à tous, surtout aux Américains? S'ils décident de présenter quatre millions de demandes, nous ne ferons rien d'autre que de répondre à leurs demandes.
Mettons d'abord un peu d'ordre dans le système; une fois que cela sera fait, nous pourrons accepter les demandes de tous. Il faudra toutefois être certains alors que, si notre loi dit qu'une réponse sera transmise en moins de 30 jours, que ce soit véritablement 30 jours dans les faits, et non pas six mois ou deux ans. Sinon, notre réputation, qui est encore assez bonne, en souffrira. Le Canada est un modèle pour la plupart des pays, dont la majorité ont adopté notre loi. Ils se sont faits nos émules à ce chapitre. Notre jurisprudence aussi est source d'inspiration. Ne permettons pas que notre réputation soit entachée. Réglons d'abord les problèmes du système avant d'accepter les demandes de tous. Cela ne se fera pas du jour au lendemain et je crois pouvoir célébrer mon 50e anniversaire avant que cela se produise.
Des voix: Oh, oh!
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Je pense, madame, devoir vous retourner la question, parce qu'en définitive, vous êtes les législateurs.
Pour ce qui est de la proposition du gouvernement visant à modifier cette loi, il faudrait en évaluer les coûts. Comme l'indique le livre vert, nous attendons 70 000 demandes. Je pense qu'un coût devrait être associé à la proposition. Si nous devions en recevoir 100 000, comme nous le prévoyons, nous aurons besoin de 30 à 50 employés supplémentaires.
Mais je peux vous dire que d'après mon point de vue, je sais qu'il manque de professionnels formés et expérimentés dans ce domaine. Il s'agit d'une autre question, mais c'est une réelle crise. À l'heure actuelle, c'est Paul qui déshabille Pierre, qui déshabille Jeannette; cela fait l'effet d'un manège parce que les effectifs ne sont pas suffisants. À l'heure actuelle, dans la plupart des ministères, on trouve de nombreuses personnes engagées à contrat, des consultants, qui font le travail pour répondre aux demandes, et ce, à grands frais. À un moment où nous faisons tous face à une crise financière, pourquoi voudrions-nous aller plus loin et fournir à quelqu'un au Zimbabwe ou en Finlande l'accès à nos dossiers et en faire une priorité? C'est exactement ce que dit la recommandation: urgent, doit être fait maintenant. Je doute, c'est le moins que l'on puisse dire.
:
Merci, monsieur le président.
Je trouve qu'il est fascinant de voir que vous semblez tous — le commissaire, M. Conacher, M. Drapeau et M. Racicot — convenir d'une chose. Le commissaire a clairement indiqué que, selon lui, la loi ne fonctionnait pas. Monsieur Conacher, vous avez dit que la situation était inefficace. Monsieur Drapeau, vos adjectifs étaient encore plus sévères. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une honte. En fait, vous avez aussi dit que c'était un échec.
Vous semblez donc tous être d'accord sur le fait que ça ne fonctionne pas. Toutefois, vous semblez tous préconiser des approches très différentes en vue de rétablir la situation. Le commissaire a proposé des solutions rapides et semble vouloir une augmentation des ressources. M. Conacher croit que nous avons besoin d'un système axé sur les conséquences, les pénalités, etc. Il pense que ça pourrait faire l'affaire. J'ai presque l'impression... vous ne l'avez pas exprimé exactement en ces termes, mais vous avez dit que le commissaire a des pouvoirs, et j'imagine que nous devons déduire que le commissaire actuel n'utilise pas ses pouvoirs, de sorte qu'il n'accomplit pas son rôle de façon efficace.
Tout d'abord, donc, j'aimerais préciser ce que vous avez dit, parce que vous n'avez pas indiqué clairement que le commissaire actuel ne fait pas le travail; est-ce que c'est ce que vous tentez de dire ici?
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Je vois. Un autre pays du Commonwealth, la Nouvelle-Zélande, a adopté une approche très différente, et j'aimerais que tous les témoins du groupe formulent un commentaire à ce sujet.
Parce que notre système de justice est ouvert, le pouvoir judiciaire de notre gouvernement ne fait pas l'objet de nombreuses plaintes touchant la confidentialité, la mauvaise utilisation des renseignements, etc. Il repose sur une philosophie très différente. Il y a 25 ans, j'imagine que cette loi était tout à fait originale, mais depuis ce temps, des progrès immenses ont été accomplis.
La loi, ou l'approche adoptée par la Nouvelle-Zélande, qui consiste à adopter la même philosophie que le pouvoir judiciaire du gouvernement, c'est-à-dire de tout publier, est-elle efficace? Pourquoi ne dirions-nous pas seulement: « Mettons de côté les solutions rapides, les êtres sont des êtres humains, nous ferons appel à différents types de commissaires »? Nous pouvons commencer à faire la police et à donner des sanctions, mais pourquoi ne pas seulement changer tout le système pour en adopter un qui a fonctionné ailleurs?
Ma question est donc la suivante: le système néo-zélandais a-t-il fonctionné? Est-il rentable? Pensez-vous que le système néo-zélandais et le système de justice ouvert pourraient être une façon de résoudre cette situation? J'aimerais entendre la réponse de tous les membres du groupe.
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C'est la saveur du mois. Étant donné que nous avons un arriéré, c'est facile, dans certains cas... J'en ai entendu parler à plusieurs reprises; si on se débarrassait des usagers commerciaux, des usagers industriels ou des usagers fréquents, peu importe le nom qu'on leur attribue, d'une façon ou d'une autre, le système disparaîtrait. Il s'agit d'une loi quasi constitutionnelle.
D'après mes expériences personnelles, je peux vous dire que ces clients viennent me voir parce qu'ils ne veulent pas révéler leur identité pour des raisons commerciales ou politiques, par exemple, et ils me demandent de présenter une demande. Si je présente 10 ou 20 demandes par année, cela fait-il de moi un usager commercial...
Comme je l'ai déjà dit, je connais très bien la loi. Mais de dire qu'il devrait y avoir deux classes de citoyens, que quelqu'un, pour des raisons commerciales ou professionnelles... parce qu'on travaille pour la SRC et qu'on présente plusieurs demandes ou qu'on travaille pour une entreprise pharmaceutique et qu'on présente plusieurs demandes, ou qu'on travaille en droit administratif, comme moi, et qu'on a des clients qui doivent déposer des plaintes touchant les droits de la personne ou qui ont formulé des plaintes devant le Tribunal canadien du commerce extérieur et ont besoin d'avoir accès à leurs renseignements...
Compte tenu du fait que la Loi sur l'accès à l'information est le seul moyen juridique nous permettant d'avoir accès aux dossiers du gouvernement, pourquoi voudrions-nous pénaliser qui que ce soit? Si on le fait, des comptes de courrier électronique seront créés. Autrement dit, les gens pourront se créer des identités multiples pour tenter de contourner la limite de 100 ou 200 demandes.
Ce que je veux dire — et ce que les tribunaux ont répété à maintes reprises, une vérité universelle — c'est que quiconque présente une demande devrait n'avoir aucun compte à rendre. Autrement dit, peu importe si on le fait au nom de sa soeur qui tente d'obtenir des renseignements médicaux, ou si vous le faites au nom de l'un de vos électeurs, ou si je le fais en votre nom, au nom d'un député, ce que j'ai fait à de nombreuses reprises, ma motivation ou votre motivation n'a rien à voir. On a le droit de présenter une demande. On paie des frais. On signe notre nom, on inscrit notre adresse. Il s'agit des droits des citoyens canadiens.
À titre d'avocat spécialisé dans les droits de la personne, entre autres, je m'objecterais aussi vigoureusement que possible à l'idée de créer deux classes de citoyens dans l'exercice d'une loi quasi constitutionnelle. Cela me met de mauvaise humeur.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de s'être déplacés.
Je vous félicite également pour votre anniversaire de mariage. Je vous souhaite de passer une très belle soirée avec Mme Drapeau après la réunion du comité.
Monsieur Drapeau, je suis un nouveau membre du comité — en fait je le suis que depuis aujourd'hui, mais j'aimerais soulever certaines choses pour qu'on éclaire ma lanterne.
Le comité a entendu différents témoins qui lui ont dit que le nombre de plaintes émanant de sociétés était faible. Dans un des rapports que j'ai lus, on parle de trois personnes. Je ne sais pas ce qu'on entend par « personne », mais vous y avez fait allusion.
On a également parlé de coûts, dont 99 p. 100 ou du moins la majorité, sont assumés par les contribuables. Vous êtes contre l'imposition de frais pour les demandes d'accès à l'information. Je suis d'accord avec vous s'il s'agit de frais de 5 $; nous savons tous ce que l'administration peut faire avec 5 $. Nous ne devrions jamais entraîner un bilan négatif tout simplement en imposant des frais aussi dérisoires que 5 $.
Toutefois, si nous recevons un aussi grand nombre de demandes, que ce soit de grands cabinets d'avocats — qui ne manquent pas de percevoir des honoraires substantiels de leurs clients — ou des journalistes ou des courtiers… nous ignorons de qui il s'agit, mais si ce sont surtout eux qui multiplient les demandes et engorgent le système, ne pourrait-on pas imposer une limite au nombre de demandes initiales qu'ils peuvent présenter? On aurait le droit de présenter 10 ou 15 demandes, par exemple, et après ça, les fonctionnaires seraient occupés à répondre aux demandes d'une personne; les Bev Shipley de ce monde qui voudraient peut-être porter plainte ou demander un renseignement ne pourraient le faire. Si le renseignement est assez important pour que je le demande, il est probablement assez important pour que je paie un montant pour l'obtenir. C'est ainsi que fonctionnent pratiquement tous les autres systèmes du gouvernement.
Il devrait y avoir certains frais d'utilisation. Est-ce que cela devrait se faire dans certains cas, car vous étiez contre.
Ma deuxième question traite des gens qui aimeraient bien rester anonymes. À l'heure actuelle, la plupart des demandes émanent d'une poignée de personnes. Et nous ne leur demandons pas de payer; nous leur donnons tout gratuitement. Je dirais même que nous les invitons à un banquet gratuit. En fait, l'auteur de ces demandes n'a même pas besoin de nous dire qu'il a une compagnie. Il n'a jamais à le révéler. Il se peut que ce soit les mêmes personnes qui demandent inlassablement de nouveaux renseignements.
L'auteur des demandes d'information est-il tenu à un moment donné de révéler son identité à l'organisme visé par sa demande?
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Très bien. Permettez-moi de passer à autre chose.
Monsieur Drapeau, vous avez dit que le système est un échec, que la machine est brisée. Or, vous dites également que le gouvernement a été mal servi par ses institutions. Ce n'est pas qu'il y a un problème dans un ministère ou un secteur donné; c'est l'ensemble du système qui fonctionne mal. Cela étant, ne seriez-vous pas d'accord pour dire que le gouvernement doit s'assurer que le système est corrigé? Nous ne pouvons pas blâmer les fonctionnaires.
J'aimerais ajouter quelque chose avant que vous ne répondiez. Dans un article du Globe and Mail, M. Page, le directeur du budget, disait qu'il était frustrant pour lui d'essayer d'obtenir des détails du ministère des Finances. L'article dit, et je cite: « Les députés conservateurs ont justifié le fait qu'on refuse de lui remettre des documents », et je crois que le député conservateur Mike Wallace, le secrétaire parlementaire, donne le ton.
Vous dites que nous avons tous été mal servis par les institutions, mais il semble très clair que la responsabilité ultime, étant donné que c'est le système tout entier qui ne fonctionne pas, appartient au gouvernement. Est-ce sa responsabilité, oui ou non? Est-ce que le gouvernement s'attaque au problème de manière sérieuse ou est-ce qu'il contribue au problème?