:
Je déclare ouverte la cinquième séance du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous menons une étude sur l'Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne et ses effets sur le secteur agricole canadien.
Aujourd'hui, nous allons entendre des témoins, que nous avons divisés en deux groupes. Le premier groupe comparaîtra de 15 h 30 à 16 h 30. Il s'agit des représentants de l'Association nationale des engraisseurs de bovins, M. Bryan Walton, directeur général, et M. André Roy, membre et directeur administratif.
[Français]
de la Fédération des producteurs de bovins du Québec.
[Traduction]
Nous entendrons ensuite M. Darcy Fitzgerald, directeur administratif de l'Alberta Pork Producers Development Corporation, qui témoignera par vidéoconférence, depuis Saskatoon, en Saskatchewan.
Bienvenue à nos témoins. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre déclaration. Je vais maintenant céder la parole aux représentants de l'Association nationale des engraisseurs de bovins.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. Vous avez tous entre les mains notre exposé, que nous vous avons remis plus tôt, et quelques documents d'information.
Pour commencer, sachez que l'Association nationale des engraisseurs de bovins a été créée en 2007 pour représenter les engraisseurs de bovins canadiens en traitant de questions d'intérêt national et en collaborant avec les autres organismes de tout le pays qui s'occupent de bétail. Parmi nos principaux enjeux, mentionnons l'amélioration de la compétitivité de l'industrie, l'accroissement de la production nationale à valeur ajoutée, l'expansion des marchés pour le boeuf canadien, et la simplification de la réglementation. Les membres de l'Association nationale des engraisseurs de bovins sont la BC Association of Cattle Feeders, l'Alberta Cattle Feeders' Association, la Saskatchewan Cattle Feeders' Association, la Manitoba Beef Producers Association, l'Ontario Cattle Feeders' Association et la Fédération des producteurs de bovins du Québec.
Nous soutenons l'AECG et l'avons exprimé directement et par l'intermédiaire de notre adhésion à l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, ou l'ACCAA.
L'ACCAA est une coalition de groupes de producteurs et d'associations industriels nationaux et régionaux qui appuient un contexte commercial international à la fois ouvert et transparent pour nos secteurs agroalimentaires. Ensemble, les membres de l'ACCAA représentent environ 80 % des 42 milliards de dollars d'exportations agroalimentaires annuelles du Canada. Selon les autres membres de l'ACCAA et nous, cet accord est très prometteur pour le secteur agroalimentaire, car il pourrait entraîner une augmentation des nouvelles exportations agroalimentaires estimée à 1,5 milliard de dollars par année.
La politique commerciale du gouvernement est conforme à nos priorités d'expansion des marchés pour le boeuf canadien. L'AECG fera augmenter la valeur du secteur bovin de plus de 600 millions de dollars, ce qui se traduirait par 500 000 têtes par an.
L'AECG présente d'autres avantages, que vous exposera mon collègue.
:
Je vais poursuivre en français.
Bonjour, tout le monde.
L'accord avec l'Union européenne pourrait permettre d'investir davantage dans l'abattage de plus d'animaux au Canada, puisque nous aurons accès au marché de l'Union européenne, contrairement à d'autres pays. En clair, il faut comprendre que l'inverse est aussi vrai: sans accord, ce sont les autres pays qui pourraient bénéficier des investissements. C'est pour ça que c'est un élément important pour nous.
Le Canada aura des contingents d'importation en franchise de douane pour son boeuf. Rappelons que l'un des quotas actuels, qui est de 11 500 tonnes métriques, devait subir un tarif douanier de 20 %, mais ce n'est plus le cas. Ce sont là des avantages qui découlent de l'accord. Si l'on s'entend avec l'Europe sur l'accord économique, il sera possible de mettre en place un marché stable et commercialement viable à long terme. Pour qu'il y ait des investissements dans un secteur afin qu'il puisse se développer, on a besoin d'un environnement économique qui permette aux investisseurs de projeter leurs bénéfices à long terme.
L'accord précède les négociations que les États-Unis viennent d'entreprendre avec l'Union européenne. Le Canada s'est bien positionné. À en juger par les autres accords à venir, c'est prometteur. Je répète que si un investisseur, par exemple un abattoir, désire investir au Canada, il doit avoir accès à d'autres marchés. Si les États-Unis, par exemple, ont accès à 20 pays, mais que le Canada a accès à 40 pays, l'investisseur choisira le Canada. L'inverse est aussi vrai, ce qui serait alors un désavantage.
Bryan, je vous cède la parole.
:
Ensuite, l'AECG nous permettrait de réduire notre dépendance à l'égard des États-Unis, qui constituaient un bon marché, maintenant menacé en raison de l'étiquetage obligatoire du pays d'origine. Cet accord avec l'Europe pourrait représenter environ 30 % de la valeur traditionnelle du marché américain pour les bovins sur pied et transformés. Il s'agit également d'une tribune où régler les questions non tarifaires. C'est un aspect de l'accord à ne pas négliger.
Permettez-moi de vous parler des répercussions de l'étiquetage obligatoire du pays d'origine en vous donnant l'exemple de Tyson Foods, qui a toujours été considérée comme un important acheteur de bovins canadiens. En octobre dernier, cette entreprise a expliqué à ses fournisseurs, c'est-à-dire les engraisseurs de bovins canadiens, qu'elle n'achèterait plus de bovins gras canadiens dans ses usines situées à Joslin, dans l'Illinois, à Lexington, au Nebraska, et à Pasco, dans l'État de Washington. Cela représente près de 180 000 têtes de bétail par année qui ne seront plus acheminées vers les États-Unis.
Pendant qu'elle essaie de trouver les moyens de reprendre les exportations de bovins canadiens, la raison pour laquelle ces 180 000 têtes sont importantes, c'est qu'il y a des usines au Canada, de nouvelles usines... Il y en a une en particulier, qui se trouve à Balzac, en Alberta, et c'est l'usine d'Harmony Beef, qui a fermé ses portes en 2007. Elle va réouvrir. Elle a la capacité de prendre tout le bétail qui était expédié à Pasco, dans l'État de Washington. De plus, d'après ce que nous avons compris, une autre usine devrait rouvrir ses portes, à Qu'Appelle, en Saskatchewan. Ces usines, particulièrement celle d'Harmony Beef, à Balzac, ont exprimé leur désir de cibler le marché européen.
Qu'est-ce que l'AECG représente pour notre secteur et nos usines de transformation? Des investissements, des emplois et des échanges commerciaux accrus.
Merci, monsieur le président.
:
Merci beaucoup de me donner cette occasion de m'exprimer dans ce dossier. Je vous suis très reconnaissant.
Comme vous l'avez dit plus tôt, je représente l'Alberta Pork Producers Development Corporation, qui regroupe 350 producteurs albertains, également membres du Conseil canadien du porc et de Canada Porc International. Si je ne me trompe pas, les représentants de la première organisation comparaîtront plus tard cet après-midi.
Pendant de nombreuses années — surtout ces cinq à sept dernières années —, nous avons été confrontés à l'instabilité des prix, au prix élevé des aliments pour animaux et aux pratiques commerciales douteuses d'autres pays qui ont eu des effets très néfastes sur notre industrie, et quiconque s'intéresse le moindrement à l'industrie porcine l'a constaté. Ces années de vaches maigres ont été très difficiles pour l'industrie. À notre avis, si on veut régler une partie des problèmes, il faut cibler l'expansion des marchés pour notre produit. Nous vendons nos produits dans près de 100 différents pays, et chaque fois que nous trouvons un nouveau débouché, c'est très bénéfique pour nous. Ce qui nous a surtout ébranlés, ce sont la dépréciation rapide du dollar canadien, le H1N1, qui a été associé à tort à l'industrie du porc, la sécheresse aux États-Unis, les questions commerciales liées à l'étiquetage obligatoire du pays d'origine, les accords de libre-échange avec la Corée du Sud qui ne se sont pas concrétisés, et tout récemment, les différends commerciaux avec les Russes. N'empêche qu'on revient toujours à l'importance d'un accès élargi aux marchés d'exportation.
Au cours de la dernière décennie, nous avons été témoins du déclin de notre industrie. Près de 70 % de nos producteurs ont quitté l'industrie. Nous avons observé une réduction de 25 % de notre production. Mais, cela dit, et malgré toute cette instabilité, il n'en demeure pas moins que des possibilités extraordinaires s'offrent à nous, et nous l'avons constaté, dans le cadre des négociations de l'AECG. Lorsqu'on peut accroître les débouchés pour l'industrie porcine et, dans ce cas-ci, avoir accès à un marché lucratif de 28 pays, c'est un progrès important. Nous sommes très fiers de notre produit, et je pense que d'autres ailleurs dans le monde le seraient également. Chose certaine, si nous pouvions stabiliser les prix, cela nous serait très profitable.
Pour vous donner une petite idée de la taille de notre marché, jusqu'à maintenant cette année, nous avons expédié, dans une centaine de pays, près de 1,2 million de tonnes de viande fraîche, surgelée et transformée, dont la valeur s'élève à environ 3,2 milliards de dollars. À l'heure actuelle, 64 % de notre production quitte le pays pour être vendue sur des marchés d'exportation. L'Alberta, à elle seule, expédie près de la moitié de la production du pays, et il y a une proportion importante de nos produits qui est acheminée aux provinces voisines afin d'être transformée avant d'être expédiée dans d'autres pays. Puisque l'Alberta rapporte 10 % des recettes agricoles du pays, évaluées à 4 milliards de dollars, nous considérons que d'importants débouchés s'offrent à nous ainsi qu'un fort potentiel de croissance.
En ce moment, nous assistons à des changements au sein de l'industrie de la transformation à l'échelle nationale. Nous aimerions accéder davantage aux marchés de l'Asie, étant donné que d'autres, peut-être dans l'Est du Canada, peuvent combler la différence pour ce qui est des exportations en Europe, ce qui est également très intéressant.
Nous avons bon espoir que cet accord commercial nous permettra d'exporter en Union européenne quelque 80 000 tonnes de viande exemptées de droits de douane, ce qui représente environ 400 millions de dollars en ventes annuelles, si tout fonctionne comme prévu. Si nous sommes aussi enthousiastes, c'est parce que nous aurons accès à un marché de 500 millions de personnes, qui consomment près de 20 millions de tonnes de porc chaque année. C'est presque 30 fois la consommation du Canada. Malgré tout, nous constatons que seulement 0,2 % de sa consommation nationale provient des importations. Grâce à cet accord commercial, nous serons certainement en mesure de changer cette proportion et d'y expédier davantage de produits canadiens, dans l'intérêt non seulement des producteurs et des transformateurs canadiens, mais aussi des consommateurs européens. Nous considérons qu'il s'agit là d'une occasion en or. Grâce à cet accord commercial, nous avons la possibilité d'accroître la demande de nos produits.
Nous sommes dans un marché, surtout dans l'Ouest canadien, dans lequel il y a peu de concurrence, et c'est ce genre de choses qui influence les prix. Nous espérons qu'avec le temps, ces mesures seront très bénéfiques pour nos producteurs et pour l'industrie.
Cela dit, je tiens à remercier le gouvernement canadien. Notre industrie est particulièrement reconnaissante pour tout le travail qui a été accompli jusqu'à maintenant relativement à cet accord de libre-échange. Bien entendu, nous sommes très impatients de voir tous les bienfaits qui en découleront.
Merci, encore une fois, de m'avoir donné cette occasion de témoigner aujourd'hui.
:
Excusez-moi. Je ne suis pas habitué à cela.
Pour ce qui est de votre première question, qui concerne la stratégie que nous entendons suivre pour profiter de l'entente, je dirais que chaque province peut avoir une approche différente, selon l'accessibilité des abattoirs. Par contre, en vue de pouvoir profiter de l'entente, les gens vont certainement vouloir voir les abattoirs pour déterminer lesquels sont conformes. Pour que les produits puissent être vendus à l'Union européenne, il faut que les producteurs soient accrédités, mais il faut aussi que les abattoirs le soient. Le processus d'accréditation des abattoirs est donc l'une des étapes. Comme M. Walton nous l'a mentionné, il y a déjà un abattoir accrédité dans l'Ouest canadien. Dans l'Est, il y en a un ou deux qui sont probablement sur le point de l'être.
En ce qui a trait aux obstacles non tarifaires relatifs à l'entente, un des éléments peu connus est le fait que produire selon la certification américaine exige une inspection approuvée. Ce sera confié à des vétérinaires. Évidemment, les coûts associés aux services des vétérinaires doivent être assumés entièrement par les producteurs. Ces coûts peuvent certainement être une charge assez limitative. Je les classe parmi les obstacles non tarifaires parce qu'au fond, ces coûts sont dus à la certification. Lorsque nous produisons pour le Canada, nous n'avons pas à payer de frais de certification ou de frais d'inspection à l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Il y a aussi des questions d'ordre technique, qui concernent davantage les abattoirs. Je ne voudrais pas entrer dans les détails pour chacune de ces questions. Certaines, qui concernent le lavage des carcasses et l'empaquetage, ont été réglées.
Quant à la production sans hormones, ce n'est pas un problème en soi pour les producteurs. Il s'agit tout simplement de trouver un abattoir qui est intéressé et de mettre ensuite la machine en route en vue de produire. Par contre, comme cette exigence s'applique à partir de la naissance de l'animal, en vertu de l'entente avec l'Union européenne, et qu'il s'écoule 20 mois avant que l'animal soit prêt pour la consommation, si on peut dire, il faut au moins travailler pendant cette période. C'est pourquoi les producteurs ont besoin d'un environnement stable. Si on décide aujourd'hui de produire selon des normes précises, il faut être certain que celui qui a dit vouloir acheter le produit va toujours vouloir l'acheter dans 20 mois. C'est problématique, mais c'est loin d'être insurmontable.
Est-ce que ça répond à vos questions?
:
Je crois qu'il faut d'abord chercher à savoir ce que veut le consommateur et quels sont les moyens à mettre en oeuvre pour avoir accès à ces marchés et y prendre de l'expansion. C'est le but visé par le programme commercial du gouvernement.
Pour ce qui est des usines, j'estime que certains fonds spéciaux en provenance des différents ordres de gouvernement les ont grandement aidés à se doter de nouvelles technologies. Nous pouvons maintenant traiter les matières à risque spécifiées. L'usine Cargill de High River dispose d'une nouvelle technologie lui permettant de produire de l'énergie à partir de la vapeur récupérée. Ces transformations sont devenues nécessaires dans la foulée de la crise de l'EBS, mais j'estime également que l'innovation, laquelle est en partie d'origine canadienne, est essentielle pour maintenir la capacité concurrentielle de nos usines.
Quant aux barrières non tarifaires concernant le nettoyage des carcasses, que ce soit avec l'acide lactique ou par pasteurisation à la vapeur, ce qui a été problématique par le passé en Europe, d'autres technologies comme l'ozonisation peuvent être mises en place. Il y a également des possibilités qui s'offrent de ce côté.
Je ne veux pas parler au nom des transformateurs. Nous sommes ici pour représenter les engraisseurs, mais je sais que le Conseil des viandes du Canada est intervenu également à ce sujet.
:
Merci à tous de votre participation à notre séance.
J'ai beaucoup réfléchi à cette entente depuis qu'elle a été portée à notre connaissance. Nous sommes ici pour examiner les répercussions, tant favorables que défavorables, de l'AECG pour le secteur agricole, et nous vous sommes reconnaissants de bien vouloir nous exposer votre point de vue.
Il faut aussi bien comprendre que cet accord ne se limite pas aux seuls aspects commerciaux. Voici d'ailleurs ce qu'écrivait à ce sujet Scott Sinclair, chercheur principal pour les questions commerciales au Centre canadien de politiques alternatives:
C'est un document de nature quasi constitutionnelle qui touche la protection des brevets pour les médicaments, les droits des investisseurs étrangers, les approvisionnements des gouvernements locaux, la réglementation en faveur de l'intérêt public et bien d'autres questions qui relèvent normalement des législateurs élus, à l'issue d'un débat public.
C'est ce que nous a dit le gouvernement. Il s'agit d'une entente globale dont il faudra bien évidemment peser les pour et les contre.
Nous savons en outre que nos producteurs laitiers vont en souffrir, et le gouvernement — comme il se doit — a pris les mesures voulues pour leur venir en aide. Nous savons que le report de la mise en marché de produits génériques moins dispendieux entraînera des coûts de l'ordre de 800 millions de dollars à 1,65 milliard de dollars et, encore là, le gouvernement a indiqué qu'il allait prévoir les compensations nécessaires. L'argent des contribuables va donc permettre d'offrir un soutien qui n'est pas requis pour l'instant.
Je m'adresse à vous non seulement en tant que représentants de vos groupes respectifs, mais aussi en votre qualité de citoyens canadiens. Il y a un phénomène qui s'est manifesté dans le cadre de l'ALENA et qui apparaîtra également dans le contexte de cet accord et des autres qui suivront. C'est ce qu'on appelle les droits des investisseurs et des États, lesquels permettent notamment aux investisseurs étrangers de poursuivre notre gouvernement fédéral lorsqu'ils estiment avoir été injustement traités. Depuis l'entrée en vigueur des dispositions du chapitre 11 de l'ALENA, le gouvernement fédéral a ainsi dépensé plus de 160 millions de dollars pour assurer sa défense dans de telles causes. La nécessité d'inclure des mécanismes de règlement des différends investisseurs-États dans l'AECG a été remise en question tant par le Parlement européen que dans le cadre de l'évaluation d'impact sur le développement durable. Certains pays examinent les options qui s'offrent à eux. L'Afrique du Sud, l'Inde, la Corée, le Brésil, l'Australie, le Venezuela, la Bolivie et l'Équateur ont ainsi renoncé à inclure des clauses touchant aux droits des investisseurs et des États dans leurs ententes commerciales.
En votre qualité de Canadien et de représentant de votre industrie, qu'en pensez-vous? Pour ma part, je trouve inacceptable qu'une entreprise étrangère puisse poursuivre notre gouvernement lorsqu'elle estime avoir été injustement traitée.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à nos invités d'avoir bien voulu comparaître devant le comité.
Il a été question de l'étiquetage indiquant le pays d'origine et des efforts déployés en coulisse par notre ministre et certains de nos députés qui se sont rendus aux États-Unis pour parler aux représentants des États à ce sujet en leur faisant valoir à quel point cela était néfaste pour toute l'économie nord-américaine.
J'ai déjà moi-même abordé la question. Cet été à Kansas City, nous avons obtenu un soutien unanime pour notre résolution à l'effet que l'étiquetage indiquant le pays d'origine n'était pas nécessairement la meilleure façon de procéder. J'ai moi-même été étonné par le consensus que nous avons pu dégager. Il semblerait que les Américains commencent à saisir l'ampleur du problème en l'examinant dans leur propre perspective. Certains d'entre nous ont multiplié les efforts pour les faire changer d'avis, et il faut s'en féliciter.
André, vous avez dit que l'AECG est un bon accord en soi, mais vous avez également parlé de ses avantages résiduels, dont celui de l'accès au marché européen, lequel permettra d'établir un modèle commercial qui profitera au monde entier. En mettant sur pied une entreprise commerciale au Canada, une personne aura ainsi accès à tous ces marchés à l'échelle planétaire. Vous avez parlé du traitement des viandes et des avantages que nous procurera l'accès à un marché européen où notre viande aura été approuvée. Pourriez-vous nous en dire davantage?
:
Merci, monsieur le président.
Je reviens à la question de M. Atamanenko sur la protection des investisseurs et la possibilité, pour d'autres pays, de nous poursuivre en justice pour une apparence d'infraction. Vous serez d'accord pour dire que tout accord commercial international comporte des clauses de réciprocité qui protègent les deux parties également, à qui il incombe d'en respecter les conditions.
Je suis convaincu que le Canada ne conclurait pas d'accord commercial avec d'autres pays sans cette protection et sans être prêt à l'accorder aussi à ses partenaires commerciaux. C'est avoir le sens des affaires.
Je crois que je suis coupable. J'ignorais que les porcs n'avaient pas d'hormones de croissance, et j'en ai mangé pendant des décennies. Je me demande combien de Canadiens l'ignoraient comme moi. Mais, peu importe, c'est de l'excellente viande.
Pour revenir à l'accord commercial dont la signature est imminente, je suis sûr que vous serez d'accord: le Canada est considéré par ses pairs comme un excellent pays. Nos produits du boeuf et du porc possèdent une image de marque à laquelle nous devrions songer pour la commercialisation. Je sais que la promotion de ce plan marketing est probablement plus du ressort des transformateurs, le cas échéant, mais je pense que ce serait un outil de premier plan pour la vente de notre boeuf, de notre porc et d'autres produits dans l'Union européenne. Je suppose que les mercaticiens travaillent déjà à ce projet et que les économistes leur ont dit que c'était un des nombreux moyens à envisager pour réussir.
Je voulais vous questionner sur les producteurs. Je sais que le bétail est confié aux transformateurs. C'est par leur entremise que le porc et le boeuf finiront par se retrouver en Europe grâce à cet accord. Les transformateurs négocieront le prix de ces produits. Qu'est-ce que les producteurs eux-mêmes y gagneront? Certains pensent que les transformateurs empochent tout l'argent et que les agriculteurs et les éleveurs font tout le travail pour amener les vaches à l'abattoir. Quel est l'avantage réel que vous percevez pour l'augmentation du revenu même des producteurs, par rapport à celui des transformateurs de l'industrie du boeuf et du porc?
:
Je vais alterner ma présentation en anglais et en français.
Bonjour. Je m'appelle Jean-Guy Vincent et je suis producteur de porc à Sainte-Séraphine, dans les Bois-Francs; c'est situé près de Drummondville. Je suis président du Conseil canadien du porc. M. Martin Rice, directeur général du conseil, m'accompagne.
D'abord, je tiens à remercier les membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes de nous avoir invités aujourd'hui à discuter de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne.
Le Conseil canadien du porc est le porte-parole national des producteurs de porc du Canada. Il regroupe neuf associations provinciales de l'industrie porcine. Son mandat est d'assurer le leadership nécessaire pour réaliser et maintenir le dynamisme et la prospérité du secteur canadien du porc. Les producteurs canadiens reconnaissent l'importance du commerce et se réjouissent des efforts déployés par le gouvernement du Canada pour resserrer les liens économiques avec l'Union européenne par l'accord de partenariat économique réalisé.
Notre secteur dépend des exportations. En fait, les deux tiers des porcs produits au Canada sont exportés soit vivants, soit sous forme de produits transformés. Les exportations stimulent la croissance de l'industrie porcine du Canada. En outre, la forte demande globale de porc canadien a entraîné une hausse de la valeur et des volumes acheminés à un plus grand nombre de pays partout dans le monde. La force du marché et les débouchés pour l'industrie canadienne du porc se sont ainsi multipliés et ont généré une valeur ajoutée pour toute la carcasse du porc.
Au cours des dernières années, notre industrie a fait face à d'importants défis relatifs à sa capacité de compétitionner sur le marché international, notamment à cause de la vigueur du dollar canadien, du prix des céréales qui a atteint des sommets inégalés et du ralentissement de l'économie mondiale. Toutefois, nous ne devons pas perdre de vue les intérêts à long terme de l'industrie canadienne du porc. L'économie mondiale continuera d'évoluer et nous ne pouvons pas nous permettre de négliger ou d'interrompre des efforts qui pourraient améliorer notre accès aux marchés à cause de questions purement politiques.
[Traduction]
J'ajouterai que l'industrie a franchi une étape critique ces quelques derniers mois, en raison des coûts moindres de l'alimentation animale et de la stabilité du prix des porcs. Ces deux facteurs ont permis aux producteurs d'établir une marge et de stabiliser leurs effectifs et la base de production de notre industrie. Les producteurs réinvestissent dans leurs élevages et résorbent leur dette.
Nous sommes reconnaissants au gouvernement de sa détermination pour faire aboutir l'accord avec l'Union européenne. Cet accord est bon pour le secteur porcin, et sa signature sera pour le bien des deux parties.
Le porc est un élément important du secteur agroalimentaire canadien et de l'économie des provinces. L'industrie canadienne du porc est constituée de plus de 7 000 élevages, dont les recettes s'élèvent à 4 milliards de dollars. Les éleveurs de porc encaissent 8 % de toutes les rentrées d'argent des exploitations agricoles au Canada et ils se situent au cinquième rang pour les revenus agricoles au Canada.
Une étude du centre George Morris confirme que la production et l'exportation de porcins et de viande de porc contribuent de façon importante à l'économie canadienne. Fondé sur des données de Statistique Canada, le rapport a constaté l'incidence économique suivante des exportations de viande de porc: 45 000 emplois dans la transformation, l'élevage et chez les autres fournisseurs; 2 millions de dollars de salaires; 380 millions de dollars d'impôts sur le revenu et de taxes sur les produits; contribution de 3,5 milliards de dollars au PNB; contribution de 9,28 milliards de dollars à l'économie canadienne grâce au développement économique découlant de la production de porcins et de l'exportation de viande de porc.
L'expansion des marchés permet à notre industrie de choisir le lieu de destination d'une découpe particulière de viande pour en tirer le meilleur prix. Par exemple, les Canadiens raffolent des côtes levées, au point que cette découpe est l'une des seules à ne pas être exportées. Nous consommons ce que nous produisons et nous en importons de l'Union européenne et des États-Unis pour répondre à la demande.
Comme les ventes de côtes levées ne permettent pas, à elles seules, de couvrir les coûts de production, notre industrie se tourne vers les marchés d'exportation pour soutenir la chaîne de valeur. En général, le Canada est un producteur et exportateur de porc et de produits du porc qui affronte avec succès la concurrence mondiale. Notre industrie comprend que le principal facteur de notre réussite constante est la capacité d'accéder à une large gamme de marchés. Nous appuyons l'Accord économique et commercial global et nous croyons que le marché de l'Union européenne et celui du Canada se complètent mutuellement.
Nous importons des côtes levées de porc, et notre industrie voit la possibilité d'écouler des jambons et d'autres découpes semblables dans l'Union européenne. La demande globale de porc canadien provient de l'augmentation du nombre de pays consommateurs chez qui on envoie de plus grands tonnages de produits et des produits de plus grande valeur. Cela a permis de valoriser davantage la carcasse entière.
Grâce au SIAL, le salon international de l'alimentation qui se tient à Paris, et à l'Anuga, une foire agroalimentaire qui se tient à Cologne, en Allemagne, notre industrie est présente en Europe depuis plus de 15 ans. L'Anuga passe pour la première manifestation du genre dans le monde, puisqu'elle attire environ 6 660 exposants et 160 000 visiteurs de quelque 100 pays. L'accord n'a même pas encore été signé que, déjà, les exposants canadiens ont noté, au stand du porc canadien, une augmentation du nombre de visiteurs de l'Union européenne.
[Français]
Le Conseil canadien du porc a suivi avec grand intérêt l'avancement des travaux entrepris dans le cadre du sommet du Canada et de l'Union européenne d'octobre 2008 en vue d'explorer la possibilité de conclure un partenariat économique. Étant donné les quelque 500 millions d'habitants en Union européenne, dont la plupart considère le porc comme leur viande préférée, leur premier choix, nous croyons très fermement que cet accord permettra d'accroître les exportations de porc au sein du lucratif marché européen et qu'il sera avantageux pour les producteurs et les transformateurs canadiens de porc et pour l'économie provinciale à l'échelle du pays.
L'industrie du porc est répartie régionalement aux quatre coins du pays, et cette entente est bénéfique à toutes les régions du Canada pour conserver les emplois et en créer de nouveaux. Le potentiel du marché de l'Union européenne est encore inexploité. L'Europe est la seule grande région consommatrice de porc au monde pour laquelle le Canada ne dispose pas actuellement d'un accès total au marché.
Minées par des tarifs très élevés et des règles administratives d'importation onéreuses, les exportations canadiennes de porc vers l'Union européenne s'élevaient seulement à 415 tonnes en 2011, alors que les exportations totales de porc canadien se chiffraient à 1,1 million de tonnes à pareille date. Les quelque 500 millions d'habitants des 28 pays membres de l'Union européenne consomment plus de 20 millions de tonnes de porc annuellement. C'est presque 30 fois la consommation canadienne. Malgré cela, les importations de porc de l'Union européenne s'élèvent seulement à 0,2 % de sa consommation nationale. En comparaison, le Canada, avec un marché entièrement ouvert aux produits porcins, importe plus de 200 000 tonnes de porc chaque année. C'est presque le tiers de notre consommation nationale.
[Traduction]
Nous devons vous faire remarquer que dorénavant, nous comptons sur l'appui constant et sur la coordination du Secrétariat de l'accès aux marchés d'Agriculture Canada pour ses offres et de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Pour les producteurs de bétail, l'accord économique et commercial global est une bonne chose. Mais il importe, pour le gouvernement, de bien coordonner les efforts, de rechercher sans répit les possibilités d'échanges commerciaux et d'aider notre secteur à élaborer des mesures pour accroître les exportations sur le marché.
L'accord représente d'immenses possibilités pour le Canada. C'est aussi, depuis longtemps, la première fois que le Canada devance ses principaux concurrents dans la signature d'un nouvel accord. Grâce à un nouveau tarif d'accès nul pour le porc, à l'accès immédiatement libre au marché de l'Union européenne pour les produits transformés du porc et à des règles d'administration des quotas considérablement améliorées, le Canada jouit d'un accès exceptionnel et d'un avantage sur les exportations américaines tant qu'un accord ne sera pas conclu entre les États-Unis et l'Union européenne. Il y a des occasions à saisir pour le jambon et, dans une moindre mesure, pour l'épaule de porc. Cela devrait également contribuer à augmenter considérablement la valeur de toute la carcasse.
:
Je m'appelle Susan Senecal. J'ai l'honneur d'être la présidente du conseil d'administration de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. Garth Whyte, qui est le président-directeur général, est mon collègue.
[Français]
Bon après-midi à tous.
[Traduction]
Nous voulons vous faire connaître le point de vue des restaurateurs canadiens sur l'Accord économique et commercial global. Nous vous remercions de l'occasion que vous nous avez accordée de le faire cet après-midi.
L'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, l'association, pour faire simple, représente une industrie dont la valeur se chiffre à 65 milliards de dollars. Chaque année, nous achetons pour 23 milliards de dollars d'aliments et de boissons. Pour vous donner une idée de ce que cela représente, c'est plus de 900 millions de dollars de viande de volaille ainsi que 2,7 milliards de dollars de produits laitiers. Ce sont des achats considérables. Nos 30 000 membres comprennent des chaînes de restaurants, des restaurants indépendants, des chefs et ainsi de suite. Nous employons 1,1 million de Canadiens et nous donnons de l'emploi, indirectement, à 300 000 autres. Beaucoup de ces emplois, la majorité en fait, se trouvent dans le secteur agricole.
Nous sommes ici pour parler de l'accord. Si nous avons bien compris, dès qu'il aura été confirmé, il supprimera des milliers de tarifs, il encouragera l'investissement étranger, il favorisera la mobilité de la main-d'oeuvre, bref, il donnera au Canada un accès sans précédent au marché de l'Union européenne dont l'économie se chiffre à 17 billions de dollars. Cela semble une nouvelle réjouissante. Mais, vu que les négociations détaillées en ont encore pour quelques années, il est difficile de dire, à l'heure actuelle, comment les détails de l'accord toucheront l'industrie de la restauration, ses bénéfices et, peut-être, les problèmes susceptibles de découler de sa mise en oeuvre.
Du moins, nous pouvons certainement supposer que l'accord permettra aux restaurateurs canadiens d'offrir à leurs clients une gamme élargie de produits alimentaires européens, certains pour la première fois, ce qui devrait susciter l'intérêt et accroître notre impact économique. Je puis aussi affirmer, sans hésitation, que l'association est pour qu'on laisse les forces du marché décider des produits alimentaires et des prix offerts sur le marché. Nous croyons en la demande de la clientèle; c'est notre pain quotidien.
Jusqu'à il y a peu, les forces du marché n'étaient peut-être pas aussi visibles, mais aujourd'hui, certainement, grâce aux progrès de la technologie et à la signature d'accords de libre-échange, les barrières tarifaires et les marchés nationaux protégés sont des reliques d'un passé révolu. Nous sommes dans un environnement globalisé. Les pays concentrent leurs efforts économiques dans les secteurs où ils possèdent un avantage concurrentiel naturel. Nous croyons que si cette tendance économique se maintient, ce sera bon pour toutes les économies.
Dans notre secteur agricole, 90 % des exploitants, plus de 210 000 agriculteurs, ne sont déjà pas protégés par des barrières tarifaires et ils gagnent leur pain sur un terrain ouvert à la concurrence mondiale, en obtenant de bons résultats, soit par l'exportation de leurs produits ou leur vente sur le marché national. Si on se fie à la réussite considérable des exportations, les ventes européennes de produits agricoles canadiens comme les céréales et le canola devraient croître rapidement une fois les tarifs supprimés.
Bien sûr, le Canada envisage d'autres accords commerciaux en plus de l'AECG, notamment avec les pays du pourtour du Pacifique. D'après nous, ces pays sont des marchés très prometteurs, grâce à la croissance de leurs classes moyennes et à l'augmentation des revenus disponibles. Tout cela conduit à l'inclusion rapide d'aliments plus protéiques dans le régime alimentaire, par exemple des viandes. Malheureusement, comme les graphiques que j'ai joints à mon exposé le montrent, les exportations du Canada n'ont pas crû au même rythme que la demande mondiale, et c'est une conséquence de la gestion de l'offre. En ce qui concerne notre système de gestion de l'offre, nous prévoyons que l'incidence de l'AECG se fera le plus sentir sur notre secteur agricole.
Je laisse à Garth le soin de poursuivre notre déclaration préliminaire.
Nous croyons, en effet, que la gestion de l'offre est mise à rude épreuve et mène de plus en plus à des culs-de-sac qui menacent sa pertinence à long terme.
On assiste à l'émergence de centres de production moins coûteux à l'étranger, comme la Thaïlande et le Brésil pour le poulet, des pays mieux positionnés pour rivaliser avec la concurrence sur les marchés mondiaux. Ici, de plus en plus de produits soumis à la gestion de l'offre cèdent le pas à des produits importés au Canada sous forme de pizza, de volaille de réforme ou même de lait, qui pourraient aller jusqu'à remplacer la production canadienne. Dans notre secteur, comme les produits soumis à la gestion de l'offre ne répondent pas aux exigences commerciales de nos membres, ces derniers cherchent d'autres idées de menu.
Nous avons présenté un exposé à la Commission canadienne du lait il y a quelques heures, et nous avons eu une très bonne conversation avec ses représentants. Nous constatons que les produits laitiers disparaissent de nos menus parce qu'ils coûtent trop cher.
Le Canada, par les consommateurs et nos membres, paie le gros prix pour les produits agricoles produits selon les règles de la gestion de l'offre. Dans l'ensemble, les prix canadiens sont relativement élevés comparativement à ceux des États-Unis et d'autres pays. Parallèlement, la croissance économique et le rendement de ces secteurs stagnent.
En agriculture, la gestion de l'offre semblait pertinente quand elle a été mise en place il y a un demi-siècle, mais elle a perdu de sa pertinence et est devenue beaucoup moins efficace avec le temps. Compte tenu de l'évolution rapide du monde dans lequel nous évoluons et du fait que le gouvernement a déjà reculé pour ouvrir des marchés et permettre aux gens de l'industrie de se gérer eux-mêmes et de décider de l'offre, de la demande, du prix et de la qualité, nous estimons qu'il est temps de moderniser le système de gestion de l'offre de produits agricoles au Canada.
Nous sommes l'un des principaux acheteurs de produits agricoles au Canada, et à ce titre, nous souhaitons vivement que les produits agricoles canadiens continuent de connaître du succès et nous voulons que notre secteur agricole reste économiquement fort. Nous voulons également demeurer la source de milliers d'emplois. Notre position vient également du fait non négligeable que bon nombre de nos membres préfèrent s'approvisionner localement. Pour des raisons de fraîcheur et de logistique, à valeur égale, ils préféreront toujours le produit canadien à un équivalent importé.
Nous croyons le temps venu d'inciter les agriculteurs canadiens à retrouver le sens de la concurrence, de l'innovation et une volonté de croissance économique. Nous croyons aussi qu'il faut les inciter à mieux répondre à la demande changeante du marché et aux préférences des consommateurs dans notre industrie et ailleurs, afin de saisir leur part des nouveaux marchés d'exportation. Nous exhortons le gouvernement et les agriculteurs à moderniser rapidement le système de gestion de l'offre et à amorcer la transition vers un régime agricole fondé sur des principes économiques plus rationnels.
En dernière analyse, nous estimons que le Canada n'a pas vraiment d'autre choix. Si nous tardons à agir, nous ne perdrons que davantage de possibilités d'exportation et nous verrons de plus en plus de produits importés prendre le pas sur nos produits locaux. Du coup, les consommateurs canadiens, comme nos membres en général, continueront de payer des prix élevés.
Le Canada et ses agriculteurs trouveront de plus en plus difficile à l'avenir de se réfugier derrière des barrières tarifaires qui demeurent élevées. Elles sont de presque 300 % pour le beurre et 250 % pour les produits laitiers. La proposition de valeur des produits de nos concurrents étrangers qui sauront le mieux s'adapter pour être efficaces leur garantira l'accès à notre marché national. Nous l'observons déjà. La meilleure façon de se défendre pour tous les secteurs agricoles du Canada sera de lancer une offensive robuste.
Il n'y a pas de temps à perdre. Au même titre qu'il est difficile pour nos producteurs agricoles d'affronter la concurrence des produits importés sur notre propre marché national, notre aptitude à affronter la concurrence sur les marchés internationaux est probablement contrainte par la structure de coûts et de prix créée par le système actuel de la gestion de l'offre. Le Canada est le dernier pays au monde où la gestion de l'offre régit toujours la production dans plusieurs grands secteurs agricoles. La plupart des pays qui ont aboli ce système l'ont fait de façon progressive. Nous ne réclamons pas l'abolition pure et simple de la gestion de l'offre, nous disons qu'il faut y apporter des changements.
Les représentants du gouvernement fédéral affirment déjà vouloir travailler avec leurs homologues provinciaux afin d'établir un programme d'indemnisation pour les producteurs laitiers, par exemple, s'ils devaient encaisser des pertes financières attribuables à l'Accord économique et commercial global. Il s'agit d'une mesure prudente, mais ce pourrait être la dernière d'une série de mesures palliatives visant à préserver l'intégrité de la gestion de l'offre, et tous ces correctifs pourraient finir par alourdir un système déjà complexe. Le fardeau administratif et financier n'ira qu'en augmentant.
En tant que représentants d'un secteur où une concurrence féroce entre les acteurs du marché est la norme et le trait distinctif, nous réclamons que le gouvernement mette l'accent sur les débouchés financiers et commerciaux que l'AECG offrira à l'économie canadienne en général et à la majorité des agriculteurs canadiens déjà soustraits à la protection de barrières tarifaires et qu'il utilise ce tremplin pour se réapproprier vraiment la valeur à long terme de notre système de gestion de l'offre.
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président. Je veux remercier également nos témoins d'être ici.
C'est intéressant, nous sommes surtout ici pour parler d'accords de libre-échange, et l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires saisit l'occasion pour nous parler de gestion de l'offre. Mais c'est correct, c'est la raison pour laquelle vous êtes ici.
Je n'ai droit qu'à une intervention de cinq minutes. J'espère que mes collègues vont prendre leurs responsabilités et vous tenir responsable s'ils sont en faveur de la gestion de l'offre. C'est l'orientation que je vais donner à ma question.
J'ai parlé aux gens des associations des transformateurs de volaille et des épiciers du Canada. Ils sont en faveur de la gestion de l'offre parce que ce système nous garantirait un degré de qualité uniforme ainsi que de la stabilité sur le plan de la qualité, de l'approvisionnement et des prix. Ils affirment toutefois que sans gestion de l'offre, la qualité de bon nombre de produits ne diminuerait pas beaucoup.
J'ai visité beaucoup d'États des États-Unis, particulièrement dans le Sud, mais pas ceux les plus près de la frontière, qui ont recours aux produits d'appel pour le lait, entre autres. De même, en Nouvelle-Zélande (le royaume du lait, imaginez-vous), les prix sont souvent les mêmes qu'au Canada pour le fromage, le yogourt et le lait, s'ils ne sont pas un petit peu plus élevés. Certaines personnes craignent que sans gestion de l'offre, nous soyons soudainement submergés de produits étrangers à moindre coût. Il y a des études sur les profits que vous réalisez sur le lait. Elles nous révèlent que le profit est de presque 50 % sur un verre de lait, donc si un verre de lait coûte 2 $, vous en tirez 1 $. Je ne sais pas si c'est vrai ou non.
J'ai quelques questions à vous poser. La première est la suivante: comme vous militez pour que nous nous débarrassions de la gestion de l'offre, quitte à détruire de nombreuses fermes familiales, serait-il si avantageux pour vous de faire 25 ¢ de plus par verre de lait?
:
Oui, vous avez raison. Nous sommes violemment d'accord, soit dit en passant, ok?
Le fait est, toutefois, qu'il y a un problème de relève au pays. Je suis extrêmement inquiet que nous nous réveillions un jour et que nous nous rendions compte qu'il n'y a plus de lait d'ici sur nos menus, que le nombre de producteurs est en chute libre, que nous souffrons de la concurrence des poulets de réforme et que toutes sortes d'autres choses arrivent. Un sondage nous apprend que 70 % des consommateurs sont inquiets. Les consommateurs à faible revenu en particulier, ceux qui gagnent moins de 40 000 $, déplorent avoir de la difficulté à se payer des produits laitiers. Pour une mère monoparentale de trois enfants ou une famille de trois enfants, l'achat de lait ou de beurre... Quand un kilogramme de beurre coûte plus cher qu'un kilogramme de viande, il faut se concerter pour se pencher sur la question. Quand il n'y a que peu, voire pas du tout d'exportations...
Je vous dis d'emblée que je ne suis pas intolérant au lactose. J'utilise beaucoup de produits laitiers, beaucoup de fromage, et je pense que nous fabriquons les meilleurs fromages au monde. Parfois, il suffit de trouver une solution avantageuse pour tous. Avantageuse pour les producteurs. Soit dit en passant, la tendance à l'achat local est très forte. S'il y a un groupe qui appuie la consommation locale, c'est bien nous, mais si vous regardez le film Food Inc., vous verrez qu'aucun éleveur de poulet ne pourrait établir de ferme ici, au Canada, pour la production locale.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui. C'est agréable de vous accueillir, mais je tiens surtout à vous remercier tous les deux de tout ce que vos secteurs ont réussi à faire au Canada quand une récession venue d'ailleurs nous a frappés. Les producteurs de porcs ruraux, que vous représentez, et les restaurateurs étaient les seuls moteurs économiques dans beaucoup de collectivités rurales du Canada — je parle des entreprises locales qui tiennent des restaurants et des gens d'affaires locaux qui sont agriculteurs. Je vous remercie de ce que vous avez fait pour le Canada au moment où le secteur manufacturier nous a un peu laissé tomber.
J'ai beaucoup aimé ce que vous avez dit sur les bons côtés du commerce. Ce ne sont peut-être pas exactement les mots que vous avez utilisés, mais ce sont ceux que je vais utiliser. Chaque fois que je m'apprête à poser une question à quelqu'un de l'industrie du porc, je répète que le bacon, c'est de l'aromathérapie. Chaque fois qu'on se lève avec l'odeur de bacon qui cuit dans la maison, on sait qu'on va passer une bonne journée. Je peux vous dire aussi qu'en tant que restaurateur, je devais parfois me rendre au travail pour profiter de mon aromathérapie, mais c'était très bien.
Monsieur Whyte et madame Senecal, je vous remercie aussi de l'angle sous lequel vous abordez les négociations avec les chaînons de la gestion de l'offre. Je suis content que les restaurateurs prennent la peine d'exposer les faits et qu'ils favorisent les négociations et les commentaires constructifs plutôt que de s'opposer obstinément aux propositions.
Je représente des agriculteurs comme des restaurateurs. Je suis moi-même restaurateur. Je comprends qu'il y a un juste milieu, et nous pouvons l'atteindre.
Pour revenir aux producteurs de porcs, vous avez mentionné qu'au Canada, nous mangions chaque côte levée que nous arrivons à produire et que nous en importions, même. Nous importons donc beaucoup de côtes levées. Je comprends pourtant que grâce à cet accord, il pourrait devenir bien plus avantageux pour nous de vendre notre jambon ailleurs qu'aux États-Unis.
Pouvez-vous me citer le prix à la livre des côtes levées importées par rapport au prix à la livre du jambon exporté et m'expliquer la différence qu'il pourrait y avoir?
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Whyte, je veux d'abord préciser que la gestion de l'offre n'est pas un système de subvention. Les États-Unis subventionnent leurs produits laitiers et l'Europe le fait également. Le Canada, lui, ne le fait pas.
Ce système a pour but de contribuer à stabiliser les prix pour les producteurs. Ce n'est pas la même chose. Je suis bien placé pour le savoir, étant donné que l'économie de mon comté dépend de l'agriculture, principalement de la production laitière, dans une proportion de 12 %.
Je crois qu'il existe beaucoup de mythes autour de la gestion de l'offre et que ceux-ci sont attribuables à des chroniqueurs qui proviennent généralement de milieux urbains. Or on ne pense pas aux producteurs des zones rurales qui dépendent de la gestion de l'offre pour faire vivre leurs fermes familiales. On ne parle pas ici d'un niveau de production qui va faire augmenter les prix, mais qui va plutôt disperser l'offre et assurer une production locale efficace.
Je connais votre position à ce sujet. Vous en avez déjà fait part au comité. L'an dernier, des représentants de votre groupe et de la Canadian Association of Agri-Retailers ont comparu devant le Comité permanent des finances. Ces gens voulaient ouvrir le débat à ce sujet. Or il est clair, d'après vos campagnes et les interventions que vous avez faites l'année dernière, que vous n'êtes pas en faveur de la gestion de l'offre et que si elle était abolie, vous ne lèveriez pas le petit doigt pour vous y opposer.
Or il n'existe aucune preuve que si la gestion de l'offre était abolie, il y aurait des répercussions quelconques sur le prix des produits laitiers; zéro.
On a vu ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande: après que la gestion de l'offre a été abolie, le prix du litre de lait a augmenté. Remarquez que la plupart des marchands, des restaurateurs et des gens vivant près des frontières se réfèrent systématiquement aux prix américains. Le prix de la livre de beurre ou du litre de lait — ou de la pinte, aux États-Unis — non subventionné est similaire au nôtre. Alors qu'on ne vienne pas me dire que la gestion de l'offre a fait que les consommateurs paient beaucoup trop. En fait, ils paient beaucoup plus qu'aux États-Unis, mais ça ne serait pas le cas si on pouvait jouer sur un terrain de jeu égal à celui des États-Unis.
Si on abolissait la gestion de l'offre ou si on permettait beaucoup plus d'entrées, il est bien évident que les produits laitiers qui entreraient au pays ne seraient pas nécessairement des produits européens. D'ailleurs, selon les détails qui figureront dans l'entente, il pourrait s'agir obligatoirement de produits non subventionnés. Par contre, il est bien clair qu'il sera question d'une ouverture à l'égard des États-Unis, de sorte que pour nous, les jeux ne seront plus égaux, et ce, sur notre propre terrain.
Pourriez-vous me dire honnêtement quelle réflexion vous envisagez au sujet de la gestion de l'offre? De quelle manière peut-on s'assurer que ça ne nuira pas aux producteurs, que ça va plutôt améliorer le système et qu'en fin de compte, le client et le producteur y trouveront leur compte?
:
C'est une question chargée d'émotion qui soulève les passions. Lorsqu'on parle de l'entente conclue avec la Commission canadienne du lait sur le fromage à pizza, par exemple, il s'agit du même système. Or, on y constate des anomalies, comme le fait que les fabricants de pizzas surgelées — qui se vantent de goûter « comme au resto » —, payaient pour le même fromage 30 % de moins que s'ils cuisinaient des pizzas fraîches en raison d'un règlement tarifaire. C'était injuste, et nous tentons de régler le problème.
Il y a une autre question à laquelle le comité devrait s'attarder, selon moi. Saputo est le huitième transformateur laitier en importance, mais ce n'est pas au Canada qu'il a connu sa croissance.
Le système subit beaucoup de pressions. Des nécessaires à pizza font actuellement leur apparition sur le marché; même nos membres trouvent une façon de contourner le système et tentent de s'approvisionner en produits laitiers ailleurs. Nous avons besoin d'une solution proprement canadienne pour aider les producteurs laitiers.
La situation n'est pas dans notre intérêt et m'inquiète. Si nous mettons fin à la gestion de l'offre, ou si le système s'effondre, nous serons dans le pétrin. Voilà ce que je pense; je l'ai dit publiquement. Nous avons besoin d'un approvisionnement sûr et de qualité. Nous croyons qu'il ne se fait rien de mieux au monde et considérons qu'il s'agit là d'une occasion à saisir. Il doit donc y avoir une façon de... Je n'ai pas réponse à tout. Vous aurez peut-être du mal à le croire...
Des voix: Oh, oh!
M. Garth Whyte: ... mais c'est vrai. Je sais toutefois qu'il ne faut pas avoir peur de dire que le système mis en place il y a 50 ans est très complexe — même lorsqu'on en discute entre collègues. La formule n'a vraiment rien de simple. Des problèmes surgissent lorsqu'on veut modifier un quota en raison de la croissance d'une province, et que l'Alberta se retire des négociations au sujet de la volaille parce qu'elle ne peut sécuriser son approvisionnement. À titre d'observateurs, nous sommes à même de constater ces lacunes.