:
Merci, madame la présidente et membres du Comité.
Je suis Victor Lepik, et je comparais devant vous à titre personnel. Il y a plus de 30 ans que je vis avec le diabète de type 1. J'espère que mon témoignage vous donnera une meilleure idée des défis quotidiens auxquels je suis confronté en tant que personne vivant avec le diabète; de certaines solutions qui ont grandement rehaussé ma qualité de vie; et de la nécessité que les gouvernements de tout le Canada améliorent l'accès financier à d'importants médicaments et services contre le diabète.
Le diabète de type 1 empêche le pancréas de produire de l'insuline, une hormone qui régule la teneur en sucre dans le sang. Sans insuline, les niveaux de glycémie seraient élevés, ce qui attaquerait les principaux organes, comme le coeur, les vaisseaux sanguins, les nerfs, les yeux et les reins, et provoquerait de graves complications mettant la vie en danger.
Je m'applique très consciencieusement à garder le contrôle de mon diabète, mais la gestion de ma glycémie est un exercice d'équilibre. Au fil des ans, j'ai eu à me battre contre l'hypoglycémie et une glycémie dangereusement élevée. Une hypoglycémie grave et non traitée peut entraîner des crises épileptiques, des pertes de conscience, voire la mort. Pour maîtriser ma glycémie, j'ai normalement besoin de cinq à sept injections quotidiennes d'insuline. Je vérifie mes niveaux de glycémie au moins 10 fois par jour pour être sûr qu'ils ne sont ni trop hauts ni trop bas.
À la fin de l'an dernier, je me suis procuré un glucomètre continu Dexcom et une pompe à insuline pour faciliter la gestion de ma maladie — des décisions qui ont changé ma vie.
Le glucomètre continu m'aide à gérer mes niveaux de glycémie. Il consiste en une canule, avec un émetteur qui s'y enclenche. Je remplace la canule chaque semaine, au coût de 85 $. Je remplace l'émetteur tous les trois mois, au coût de 389 $. Le programme d'assurance-médicaments Fair PharmaCare de la Colombie-Britannique ne couvre pas ces produits.
L'émetteur envoie les données sur ma glycémie à une application par un signal cellulaire. L'alarme de mon téléphone cellulaire est déclenchée avant que ma glycémie ne chute ou n'atteigne un niveau dangereux prédéterminé. Au contraire d'un dispositif de prélèvement par piqûre au doigt, mon glucomètre continu m'indique si ma glycémie augmente ou baisse et à quel rythme.
Je peux également transmettre électroniquement mes données du glucomètre continu à mon médecin et aux spécialistes du diabète. D'un seul coup d'oeil, ils peuvent facilement revoir la gestion de ma glycémie et travailler avec moi pour apporter des rajustements.
J'aurais bien aimé avoir eu un glucomètre continu il y a des années pour prévenir l'hypoglycémie sévère. Je me suis souvent réveillé en pleine nuit, entouré de paramédicaux, de pompiers et d'agents de police qui me dévisageaient. Je me suis même réveillé à l'hôpital sans le moindre souvenir d'y être entré. Cela m'est arrivé maintes fois.
Le glucomètre continu me permet de passer mes nuits sans le stress constant et la crainte de ne pas me réveiller. Mes niveaux de glycémie sont mieux contrôlés et mon médecin est content. Un autre avantage est qu'il ne me menace plus de faire révoquer mon permis de conduire.
Avant la pompe à insuline, j'avais besoin de multiples injections quotidiennes. Certes, je m'employais avec diligence à maintenir un contrôle serré de l'insuline pour éviter les complications, mais j'ai toujours eu de la difficulté avec l'hypoglycémie. Parfois, je devais manger au milieu de la nuit sans même avoir faim. L'exercice, y compris les marches dans le quartier ou le golf, était difficile, car il entraînait généralement plus de réactions insuliniques, une plus grande consommation de nourriture et une prise de poids.
Depuis que j'ai la pompe à insuline et le glucomètre continu, mes niveaux de glycémie sont plus constants. Je peux m'exercer régulièrement. J'ai rarement besoin de manger sans avoir faim, et j'ai perdu 10 livres et n'ai pas fini d'en perdre. La pompe, qu'il faut typiquement remplacer tous les cinq ans, a coûté 7 000 $ lors de l'achat l'automne dernier. À ce moment-là, le programme d'assurance-médicaments de la Colombie-Britannique ne finançait l'appareil que pour les diabétiques de 25 ans et moins. J'ai 65 ans. En juillet dernier, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé l'élargissement de la couverture des pompes à insuline en éliminant la restriction d'âge.
Toutes les provinces ont un programme pour les pompes, mais les pompes sont toutes différentes et un grand nombre sont pour les enfants ou les 25 ans et moins. Sans programme national de financement, il reste encore de nombreux Canadiens qui doivent payer pour un dispositif qu'une autre province finance intégralement. Ce n'est pas juste.
Mon endocrinologue m'a récemment recommandé une insuline à action rapide appelée Fiasp pour réduire plus rapidement mes niveaux d'hyperglycémie. Le programme provincial d'assurance-médicaments ne couvre pas cette insuline et, selon Diabète Canada, aucune province ne la couvre actuellement non plus. Il m'en coûte 38,49 $ pour une fiole qui me dure environ deux semaines.
Si l'injection d'insuline m'aide à gérer ma maladie, elle n'est pas un remède. Les personnes atteintes de diabète de type 1 sont souvent confrontées à des complications dévastatrices, comme une crise cardiaque, un accident cérébrovasculaire, la cécité, l'insuffisance rénale, la dysfonction érectile, la dépression, l'amputation d'un membre inférieur, une affection cutanée, une déficience auditive et un risque accru d'Alzheimer. La prévention de ces complications ferait économiser des millions de dollars par année à notre système de soins de santé. Pourtant un grand défi pour les personnes comme moi qui vivent avec le diabète de type 1 au Canada est le coût des médicaments, des appareils et des fournitures nécessaires à une gestion plus efficace de la maladie.
Le fardeau financier de la gestion du diabète peut être lourd. Une pompe à insuline, c'est 7 000 $ tous les cinq ans. Un glucomètre continu avec émetteur et canule coûte près de 470 $ par mois, ou plus de 5 600 $ par année. Si l'on ajoute la dernière insuline à action rapide, il faut compter 77 $ de plus pour le coût mensuel de la gestion de la maladie, pour un total de 547 $ par mois ou 6 565 $ par année. Pour aider à prévenir les complications et, surtout, offrir aux diabétiques des solutions pratiques pour améliorer leur vie, il nous faut un programme financé à l'échelle nationale qui soit ouvert à tous, sans égard à l'âge ou au revenu.
Merci.
J'aimerais remercier les membres du Comité de m'avoir invitée à partager mes expériences et ma perspective personnelles.
J'ai exercé 20 ans comme diététiste autorisée, éducatrice certifiée en diabète, et aujourd'hui gestionnaire de cas de diabète dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick. J'ai ma place dans les bureaux de 17 médecins de famille et infirmières praticiennes communautaires à l'Hôpital du Haut de la Vallée, dans mon coin.
Nous savons que, pour ceux qui reçoivent de l'éducation sur le diabète, les résultats s'améliorent et les risques de complication diminuent. Bien des gens, pour toutes sortes de raisons, ne vont pas chercher l'éducation qu'il faut. L'accès aux soins devrait se faire au bon moment et, peut-on faire valoir, au bon endroit. J'aimerais partager les commentaires que m'a faits un patient nommé Anthony: « Je préfère venir au bureau de mon médecin. Personne ne sait pourquoi je suis ici. Je suis juste ici pour voir mon médecin, comme tout le monde. Personne ne me juge. »
Rendre l'éducation sur le diabète accessible dans les bureaux des médecins de famille est la base de notre programme de gestion des cas de diabète au Nouveau-Brunswick. Le programme est né d'une analyse des lacunes qui a révélé que les personnes ne profitent pas de l'éducation sur le diabète dans les centres spécialisés, si bien que nous l'avons rendue accessible au cabinet du médecin de famille. Les lignes directrices sur la pratique clinique de Diabète Canada et notre stratégie de lutte contre le diabète au Nouveau-Brunswick ont recommandé ce modèle de soins. Il est aussi efficace pour atteindre les cibles en matière de diabète que la fréquentation des centres d'éducation. Les éducateurs en diabète, où qu'ils soient, font une différence.
Environ 80 % des soins aux diabétiques sont dispensés en cabinet de médecine familiale ou chez les médecins de famille. Près de la moitié n'atteignent aucune des cibles que nous nous sommes fixées dans nos lignes directrices sur la pratique clinique. Les médecins de famille, comme vous le savez, sont débordés, non seulement par le diabète, mais aussi par tout le reste qu'ils doivent faire dans leur pratique. Comme gestionnaire de cas, je suis leur spécialiste dans leur cabinet même, et je peux les aider à offrir un modèle de soins en collaboration pour le patient, la famille, le médecin, ainsi qu'un outil d'apprentissage et de rajustement rapide des soins aux patients.
Nous avons de plus en plus de données pour témoigner que les thérapies actuelles contre le diabète peuvent aider à vivre en santé et sauver des vies. Malheureusement, nombreux sont ceux qui vivent avec un diabète non traité ou mal traité. Ils rationnent ou ne prennent pas leurs médicaments, leur insuline; ils ne vérifient pas leur glycémie; et ils réutilisent leurs aiguilles de stylo injecteur.
Je vais vous raconter une autre histoire. Helen, une aînée, participe au régime d'assurance-maladie pour les aînés du Nouveau-Brunswick. Elle a un diabète de type 2. Elle prend de l'insuline et de la metformine, et a été victime d'une crise cardiaque il y a environ quatre ans. Comme elle prend déjà de l'insuline, je ne peux pas lui proposer un médicament capable de réduire le risque d'accident cardiovasculaire, ce qui pourrait lui éviter une autre crise cardiaque, améliorer sa glycémie et abaisser son risque d'hypoglycémie également, et lui faire prendre du poids. L'ajout de ces médicaments est recommandé par nos lignes directrices de pratique clinique, mais notre gouvernement a décidé de ne pas les respecter, et de ne pas utiliser non plus les monographies de produits, qui sont également fondées sur des données probantes. Si elle avait un régime privé, nous n'aurions pas cette conversation.
Les soins habituels pour le diabète sont accessibles au Nouveau-Brunswick, mais pas pour tout le monde. Pour le soin des pieds des diabétiques, il faut être couvert ou bénéficier d'une aide au revenu pour y avoir accès équitablement, et le coût est un obstacle. De nombreuses personnes doivent avancer le paiement de leurs fournitures, de leur insuline et de leurs médicaments avant d'avoir accès à la couverture. C'est un obstacle. Je vous dirai que de nombreuses personnes disent — et j'entends cela tous les jours — qu'elles n'ont pas encore pris leurs médicaments à la pharmacie parce qu'elles doivent payer d'avance et attendre d'avoir de l'argent. Les cartes de crédit ne sont pas une solution.
Les spécialistes du bien-être mental imposent de longs délais d'attente, et les examens de la vue pour les diabétiques, qui peuvent aider à réduire le risque de rétinopathie par le dépistage, ne sont pas toujours accessibles. Les ophtalmologistes en médecine familiale sont certainement accessibles, mais il faut payer sur place l'examen de la vue pour les diabétiques. Chez un spécialiste, c'est gratuit, mais il faut attendre. Qui peut se permettre d'attendre?
La peur de l'hypoglycémie peut diminuer la qualité de vie, et je pense que Victor l'a très bien expliqué. Elle peut être un obstacle à la productivité. J'ignore si certains des députés ici ont déjà fait de l'hypoglycémie, mais je vous dirai — et je sais que Victor pourrait en témoigner — que l'on se sent comme des moins que rien. On ne se sent pas productif. On n'est pas capable de faire les choses qu'il faut parce qu'on essaie de manger pour corriger cette hypoglycémie. Parfois, on mange trop et on se retrouve avec une glycémie trois fois plus haute qu'elle devrait. On ne veut pas réveiller son conjoint ou sa conjointe la nuit pour demander de l'aide, et on dégringole dans l'escalier parce qu'on est en hypoglycémie.
J'ai aussi entendu cette déclaration stigmatisante: « Et puis, qu'est-ce que cela change s'ils font de l'hypoglycémie? Ils peuvent manger du sucre. C'est formidable. » Ce n'est pas toujours la chose la mieux indiquée. Il y a des médicaments et des insulines qui peuvent réduire le risque d'hypoglycémie, mais qui ne sont pas disponibles partout. Les appareils peuvent faire la différence.
Devrais-je avoir à demander aux gens de ma région: « Quelle assurance avez-vous? » Nous avons créé un système de bien-nantis et de démunis pour l'accès aux soins contre le diabète, aux médicaments et à l'insuline. C'est un système qui favorise la discrimination contre les démunis.
S'ils ont un régime privé, je peux leur offrir plus d'options. S'ils n'en ont pas, je dois malheureusement leur dire, comme je le fais chaque jour: « Désolée, votre régime ne couvre pas un médicament qui pourrait vous aider. Vous devrez le payer 200 $ de votre poche. » Nous avons des programmes de compassion et des échantillons des cabinets de médecins, mais ce n'est pas viable.
Je vous pose la question suivante: pourquoi pouvons-nous fournir aux toxicomanes la couverture, les seringues gratuites et les accessoires dont ils ont besoin pour rester en santé et en sécurité, alors que nous ne pouvons en faire autant pour les diabétiques?
J'ai dit à des gens de quitter le pays ou la province pour avoir une meilleure couverture d'assurance. Certains l'ont fait, et je peux vous dire que les nouveaux venus au Nouveau-Brunswick ont dit: « Je n'en reviens pas. Je n'arrive pas à croire que j'étais couvert avant. Je n'arrive pas à croire que je dois payer cette insuline. Je ne peux pas obtenir ce dont j'ai besoin. »
Faut-il que j'oblige les gens à faire un choix entre leur insuline ou leurs épiceries? Doivent-ils faire le tour des pharmacies pour trouver le meilleur prix pour leur insuline? Je vois cela chaque jour. C'est frustrant, aussi, lorsque j'ai un régime qui peut offrir une couverture, mais que les gens n'y ont pas accès, non pas parce qu'ils ne répondent pas aux critères fixés par notre gouvernement, mais parce que ceux qui conseillent ce régime ont mal lu les formulaires, ou disent pour une quelconque raison que tel produit est refusé, alors que ce ne devrait pas être le cas.
Je ne devrais pas être l'avocat des patients. Ce problème ne devrait pas exister.
L'insuline est essentielle à la vie. Les personnes qui vivent avec le diabète de type 1 doivent en avoir. Si elles n'en ont pas, elles meurent.
Je vais vous raconter une autre histoire. Jeremy est pris du diabète de type 1. Il a 42 ans. Il est travailleur saisonnier et, bien sûr, il avait une couverture inégale pour tout ce dont il avait besoin pour son diabète. Aujourd'hui, il a une rétinopathie, et une lésion nerveuse. Il est en dialyse péritonéale. Pourquoi payons-nous 100 % du coût de la dialyse péritonéale pour lui, alors que nous aurions pu l'aider et peut-être prévenir cette autre maladie chronique avec laquelle il doit vivre?
L'insuline et, pourrait-on dire, tous les médicaments contre le diabète sont essentiels à la vie. En tant qu'éducatrice sur le diabète, je défends fermement cette position. Je vais vous demander ceci: Banting, Best, Collip et Macleod auraient-ils pensé que leur découverte profiterait seulement aux riches de ce pays, à ceux qui ont de l'argent ou une assurance-médicaments? Auraient-ils voulu que les Canadiens n'aient pas accès aux médicaments, aux fournitures et aux appareils nécessaires pour les garder en santé et, bien sûr, au bout du compte, réduire les coûts des soins de santé?
Nous devons cesser d'échouer dans ce que nous faisons. Nous devons créer une stratégie unifiée, de manière que, peu importe où l'on vit, qui l'on est et ce que l'on fait, on ait accès à ce dont on a besoin pour bien vivre avec le diabète. Les soins de santé sont exorbitants à cause de cela. Le diabète doit être traité avec urgence et promptitude, tout comme les autres maladies qui mettent la vie en danger. De toutes les maladies, le diabète est traité lorsqu'on commet une erreur, lorsqu'on échoue ou lorsque les glycémies sont incontrôlables.
Prévenons ce que nous savons qu'il arrivera. Ne nous contentons pas de réagir.
Voici ce que je vous demande: favoriser l'accès au modèle de gestion des cas de diabète, pour que plus de personnes aient accès à l'éducation et aux soins dont elles ont besoin; refermer l'écart entre les nantis et les démunis pour garder les gens en santé et rendre les choses accessibles; et appuyer la stratégie Diabète 360 de Diabète Canada, qui décrit également une stratégie nationale et unifiée pour améliorer la vie des Canadiens vivant avec le diabète.
Merci.
:
Bonjour. Merci de m'avoir invitée encore une fois à parler des stratégies de lutte contre le diabète au Canada et à l'étranger. C'est un domaine qui revêt une grande importance pour moi et pour plus de 425 millions d'autres personnes qui vivent avec le diabète au Canada et dans le monde.
Je m'appelle Louise Kyle. Je suis étudiante en droit à l'Université d'Ottawa, une leader étudiante d'Universités alliées pour les médicaments essentiels, une militante de la 100 Campaign, une coureuse, une skieuse, une fille, une soeur, une partenaire, une amie. Je vis aussi avec le diabète de type 1.
En 2013, j'étais en République dominicaine avec AYUDA, une organisation qui aide les jeunes à devenir des agents de changement dans les communautés de diabétiques partout dans le monde, en collaboration avec une organisation locale de lutte contre le diabète.
Le jour du camp des jeunes, qui coïncidait avec une course de 10 kilomètres pour sensibiliser la population et réduire la stigmatisation due au diabète, j'ai rencontré un homme qui inscrivait sa fille de trois ans au camp. Il voyait bien que j'avais mon dossard de coureuse et a compris que j'avais fait les 10 kilomètres. Il m'a demandé comment cela s'était passé, et j'ai dit que c'était difficile, très chaud, mais que j'adore courir et que c'est une partie importante de ma vie.
J'ai demandé à sa fille si elle voulait vérifier sa glycémie. Lorsqu'elle m'a dit que cela faisait mal et qu'elle n'aimait pas cela, je lui ai demandé si elle voulait que je le fasse en premier. Choqué, le père m'a dit: « Avez-vous le diabète, vous? » Je lui ai dit que je vivais avec le diabète depuis 20 ans. Il était presque en larmes lorsqu'il m'a dit qu'il n'avait jamais rencontré une autre personne qui avait vécu aussi longtemps que moi avec le diabète de type 1.
Comme vous l'avez entendu, le diabète de type 1 est une maladie qui fait que l'organisme ne produit plus d'insuline. La thérapie passe par l'administration d'insuline et des tests réguliers de dépistage de la glycémie. Sans insuline, la personne atteinte de diabète de type 1 meurt en quelques jours, d'une mort pénible. Si l'accès à l'insuline est insuffisant, la personne atteinte de diabète de type 1 risque des complications à long terme. Comme vous l'avez entendu, ces complications ont un impact massif sur la qualité de vie globale et peuvent entraîner une mort prématurée.
Le diabète de type 2 est un problème où le corps continue de fabriquer de l'insuline, mais pas assez pour répondre aux besoins de l'organisme. Par conséquent, certaines personnes ont besoin de médicaments pour que leur insuline fonctionne mieux, ou pourraient devoir s'administrer de l'insuline également.
Ce père de famille, en République dominicaine, n'avait rencontré personne ayant vécu aussi longtemps que moi avec le diabète de type 1, car, dans de nombreux pays du monde, l'accès à un traitement et un soutien adéquats est hors de portée des gens qui en dépendent pour leur survie. Ce qui est choquant, c'est qu'aujourd'hui — et ce n'est pas la première fois que je le dis — même si la première utilisation d'insuline pour traiter une personne atteinte de diabète de type 1, ici au Canada, remonte à 1922, une personne sur deux dans le monde qui a besoin d'insuline n'y a pas accès.
Le diabète est un défi. Il exige un équilibre constant entre l'activité, l'alimentation et l'insuline. J'ai reçu mon diagnostic en 1993, à l'âge de deux ans et demi. Je ne me souviens pas trop de cette partie de ma vie. Je me rappelle que, lorsque j'ai reçu mon premier diagnostic, j'ai utilisé des bandelettes de test, qui me donnaient une gamme de lectures: moins de 4, 4 à 10, 10 à 16 et plus de 16. J'utilisais de l'insuline humaine: l'insuline NPH et l'insuline régulière. Cela n'a pas duré longtemps.
Au cours de mes 25 années d'expérience du diabète, j'ai vu d'énormes améliorations technologiques, depuis les bandelettes de test donnant une lecture en 60 secondes seulement, jusqu'à celles qui crachent un résultat en cinq secondes. Et aujourd'hui nous avons un système éclair de dépistage de la glycémie et un glucomètre continu avec flèches de tendance, comme Victor l'a mentionné. Mon insuline NPH et insuline régulière ont fait place à l'insuline analogique et, plus tard, à une pompe à insuline, que j'utilise aujourd'hui.
À Calgary, en Alberta, où j'ai grandi, notre système de santé me donnait accès à une équipe extraordinaire de médecins, d'infirmières et de diététistes. Même sans aide publique, mes parents ont toujours pu acheter l'insuline, les bandelettes de test et les autres choses dont j'avais besoin — même une pompe à insuline. Ce sont des décisions que mes parents ont pu faire grâce au privilège. Ce n'est pas tout le monde qui a accès à ces options. La distinction est très importante.
Je ne me rappelle pas une vie sans diabète et, pour moi, ce n'est qu'une autre partie de la vie. Ce n'est pas le cas de tous les diabétiques. Aujourd'hui, 57 % des Canadiens ne peuvent prendre la thérapie qui leur est prescrite à cause du coût. Comme Michelle vous l'a dit, les habitants du Nouveau-Brunswick, du Québec, de la Saskatchewan, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard qui utilisent une pompe à insuline et ont un revenu inférieur à 15 000 $ consacrent tous plus de 25 % de leur revenu à l'insuline qu'ils doivent payer de leur poche.
Ce sont des gens qui sont obligés de décider s'ils vont dépenser de leur argent pour des médicaments et de la technologie qui vont leur sauver la vie ou pour d'autres nécessités de base. Il convient de noter que près d'un million de personnes au Canada se privent de manger et de se chauffer pour payer leurs médicaments.
De plus, selon une étude publiée mardi dernier par des chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique, 731 000 personnes au Canada, essentiellement des jeunes souffrant de maladies chroniques et sans assurance-médicaments sur ordonnance — ce n'est pas nouveau pour vous, n'est-ce pas? — empruntent de l'argent, renoncent à des nécessités ou s'endettent pour payer leurs médicaments d'ordonnance.
Les Canadiens à faible revenu sont touchés en nombres disproportionnés par les coûts élevés du traitement du diabète. Ils sont plus à risque de complications cardiovasculaires et de décès que les personnes au statut socioéconomique plus élevé. Selon une étude, 5 000 décès auraient pu être évités en Ontario seulement grâce à une couverture universelle des produits pour diabétiques.
La mortalité par le diabète au Canada est jusqu'à trois fois plus élevée chez les populations autochtones que chez les populations non autochtones. Une récente table ronde sur les politiques a conclu que ces défis peuvent être liés à « la variabilité, à l'échelle du pays, au niveau de la couverture d'assurance publique et privée pour les médicaments et les fournitures destinés aux personnes qui gèrent leur diabète ».
Comme vous le savez, l'insuline a été découverte ici au Canada par Frederick Banting et son équipe de chercheurs. Banting voulait voir la production de masse d'insuline et sa distribution à ceux qui en avaient besoin. Il a choisi de vendre ses droits de brevet à l'Université de Toronto pour une somme symbolique de 1 $, en disant un mot resté célèbre: « L'insuline ne m'appartient pas; elle appartient au monde ». On est alors en 1921.
Même si l'insuline a été synthétisée au Canada il y a près de 100 ans, la rareté de l'insuline abordable demeure la première cause de décès chez les jeunes atteints de diabète de type 1. Je répète qu'aujourd'hui, une personne sur deux qui a besoin de ce médicament pour vivre n'y a pas accès. Les raisons pour ce manque d'accès sont multiples, mais un grand problème, comme vous l'avez entendu, c'est que le prix de l'insuline et des autres fournitures dépasse considérablement les moyens de bien du monde. Le coût de l'insuline à lui seul — un seul élément du tableau complexe du diabète — peut représenter 25 % du revenu familial dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Malgré les prix courants actuels de l'insuline analogique, comme Humalog et Lantus, qui se vendent autour de 300 USD la fiole, une étude récente publiée dans la revue BMJ Global Health a révélé que le coût de production d'une fiole d'insuline se situe entre 3,69 USD et 6,16 USD. Au Canada, l'approvisionnement d'une année de Lantus, qui n'est que la moitié d'un régime d'insuline typique, coûte environ 1 800 $. Dans la même étude, les chercheurs ont soutenu que l'insuline analogique pourrait se vendre 133 $ par patient par année et que les fabricants feraient quand même des profits.
Même si l'insuline a près d'un siècle, son marché n'a pas respecté les règles d'un marché concurrentiel normal. Nous avons trois grands fabricants d'insuline qui dominent 90 % du marché de l'insuline, et les prix augmentent parallèlement. Les prix de l'insuline ont triplé entre 2002 et 2013.
Ces statistiques devraient nous amener à nous interroger sur ce qui s'est passé dans notre système. Nous devrions nous demander pourquoi nous vivons à une époque où plus d'une personne est décédée l'an dernier en rationnant son insuline aux États-Unis, et pourquoi seulement 1 % des enfants atteints de diabète de type 1 en Afrique subsaharienne vivront six ans après le diagnostic.
Le Canada est le berceau de l'insuline. C'est nous qui devrions amplifier le mouvement d'accès à l'insuline. Le Canada peut et devrait être un chef de file et obliger les autres États à rendre des comptes pour faire respecter les droits de la personne pour tous. Toutes les provinces et tous les territoires au Canada devraient diminuer les débours pour les diabétiques. Les fournitures indispensables pour les diabétiques, y compris l'insuline et les autres produits dont vous avez entendu parler aujourd'hui, devraient être gratuites au point de livraison dans toutes les pharmacies du pays.
Nous devrions utiliser la position du Canada sur la scène internationale pour faire progresser le traitement des maladies non transmissibles, y compris le traitement des diabètes de type 1 et de type 2. Le Canada devrait piloter une résolution de l'Assemblée mondiale de la santé sur le diabète ou l'accès à l'insuline. Affaires mondiales Canada devrait financer des projets et des programmes pour améliorer l'accès à l'insuline à l'échelle mondiale. Cela pourrait comprendre des incitations à la production biosimilaire d'insulines et d'autres médicaments contre le diabète. Ensuite, nous devrions imposer un contrôle des prix des médicaments non brevetés.
Nous devrions améliorer la transparence de notre système de prix des médicaments. Le Canada devrait fournir les prix d'achat des insulines à Action sanitaire internationale pour éclairer son étude sur l'accès.
Le diabète est une maladie complexe. Il a des effets désastreux s'il n'est pas bien traité. En 2016, 1,6 million de décès sont directement imputables au diabète. Sans accès constant à l'insuline, on aura beau investir dans des stratégies de prévention, rien n'y changera.
La demande d'insuline ne cesse de croître. De fait, selon une étude publiée hier seulement, le nombre de personnes atteintes de diabète de type 2 qui ont besoin d'insuline sera de 80 millions d'ici 2030. Plus de la moitié de ces personnes auront de la difficulté à se procurer l'insuline dont elles auront besoin. Un accès global à l'insuline permettrait d'éviter plus de 260 000 années de vie, après correction en fonction de l'invalidité, cette année seulement. En 2030, ce chiffre pourrait atteindre 331 000.
Nombreux sont ceux qui prétendent que le diabète n'est plus une condamnation à mort depuis Banting. Mais 2022 marquera le 100e anniversaire de la première utilisation de l'insuline pour traiter une personne atteinte de diabète de type 1, et la moitié des gens dans le monde n'y ont pas accès.
Je mets le Canada au défi d'être un chef de file pour que, d'ici 2022, nous puissions affirmer avec confiance que le diabète n'est plus une condamnation à mort pour qui que ce soit dans le monde.
Merci.