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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 008 
l
1re SESSlON 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 20 avril 2016

[Enregistrement électronique]

(1540)

[Traduction]

    Je m'excuse auprès de nos témoins qui sont venus de loin pour nous donner de l'information, mais nous sommes au beau milieu d'un vote. En fait, il y aura un vote dans 25 minutes et nous devrons nous absenter d'ici 15 ou 20 minutes. Nous voulons bien sûr vous donner le plus de temps possible pour faire votre exposé. Nous nous absenterons pour le vote et nous espérons pouvoir revenir ici après, mais nous ne sommes pas certains de la tournure que prendront les événements. Alors nous allons commencer par cela.
    Il faut le consentement unanime du Comité pour poursuivre nos travaux pendant que la sonnerie retentit.
    Très bien, nous avons un consentement unanime. Merci beaucoup.
    Nous allons commencer par Mme Boothe.
    Je m'appelle Katherine Boothe. Je suis professeure adjointe en science politique à l'Université McMaster et membre du Centre for Health Economics and Policy Analysis de cet établissement. Ma spécialisation en matière de recherche est l'analyse comparative des politiques, et j'étudie l'élaboration et le renouvellement des politiques pharmaceutiques au Canada, en Australie et au Royaume-Uni.
    Vous m'avez demandé de vous parler de la limitation des coûts, de la recherche sur le rapport coût-efficacité des médicaments et des décisions relatives à l'inscription de médicaments à la liste des médicaments assurés. J'aimerais commencer en vous livrant trois messages importants à propos de ces sujets qui touchent à mon domaine.
    Tout d'abord, soulignons qu'au Canada, nous avons souvent parlé de l'assurance-médicaments comme d'un programme qui pose des défis uniques concernant la limitation des coûts, mais ces affirmations ne s'appuient sur aucune donnée probante. En fait, elles sont fausses. Les données de pays similaires montrent que l'assurance-médicaments n'engendre pas automatiquement des coûts incontrôlables et que les systèmes universels ont accès à de bien meilleurs outils de limitation des coûts que les régimes publics d'assurance-médicaments fragmentés actuels du Canada.
    Ensuite, il faut savoir qu'une façon efficace de limiter les coûts est d'instaurer une liste des médicaments assurés nationale ou pancanadienne, c'est-à-dire une liste de médicaments remboursés qui s'applique à l'ensemble du pays. Nous avons déjà une bonne compréhension des exigences institutionnelles dont il faudrait tenir compte pour qu'une telle liste puisse être utilisée au Canada.
    Enfin, il appert que l'analyse du rapport coût-efficacité est un élément important de la conception d'une liste des médicaments assurés nationale et que le Canada est assez doué à cet égard. D'autres pays, comme l'Australie, peuvent servir d'exemple au Canada en ce qui concerne la façon d'intégrer cette analyse aux décisions relatives à la liste des médicaments assurés et à la négociation des prix.
    Voilà les messages qu'il faut retenir. Pour le temps qui reste, je souhaite vous parler des raisonnements et des preuves qui sous-tendent ces messages.
    Pour commencer, il faut évoquer les perceptions historiques du Canada qui opposent limitation des coûts et données comparatives. Mes recherches m'ont permis de constater que les propositions passées favorables à un régime d'assurance-médicaments public élargi au Canada ont été refroidies par la perception que la limitation des coûts est difficile, voire impossible, ou qu'un programme universel d'assurance-médicaments était l'équivalent de signer un « chèque en blanc ». Or, bien que cette perception soit tenace, elle n'est fondée sur aucune donnée probante.
    Au moins cinq expansions du régime d'assurance-médicaments ont été proposées au Canada depuis 1949. Aucune de ces propositions n'est parvenue à susciter un intérêt sérieux sur le plan politique, car la réponse initiale des décideurs nationaux a toujours été la même: un régime d'assurance-médicaments élargi coûterait trop cher et serait trop risqué, et il serait trop difficile d'en contrôler les coûts. Toutefois, pendant cette période, des pays similaires, comme le Royaume-Uni et l'Australie, ont adopté des régimes d'assurance-médicaments complets et universels et les ont renforcés. Or, il faut savoir que le Royaume-Uni et l'Australie possèdent tous les deux des régimes d'assurances-médicaments universels à payeur unique et qu'ils arrivent mieux à limiter les coûts que les régimes canadiens actuels. Si l'on combine les dépenses liées à des régimes d'assurance-médicaments publics et privés, on s'aperçoit que le Canada paye un montant par habitant supérieur à ce que paient tous les autres pays de l'OCDE, sauf les États-Unis. En fait, nous payons plus cher pour un accès moindre.
    L'Australie et le Royaume-Uni utilisent des outils différents pour limiter les coûts. L'Australie utilise une liste positive — une liste des médicaments couverts par l'assurance — et le Royaume-Uni utilise une liste négative, c'est-à-dire une liste des médicaments que l'assurance ne couvre pas. Dans les deux pays, il y a une utilisation généralisée des dossiers de santé électroniques ainsi que des incitatifs financiers pour encourager les médecins prescripteurs à prescrire les médicaments appropriés. Leurs régimes sont en outre utilisés pour accroître le pouvoir d'achat de l'État, ce qui leur permet de payer leurs médicaments moins cher que nous. Il y a donc plus d'une façon d'arriver à un système abordable et efficace. Il existe une variété d'outils que nous pourrions adopter et adapter au contexte canadien.
    Mon deuxième message porte sur le rôle d'une liste des médicaments assurés nationale. Une liste des médicaments assurés pancanadienne unique permet d'assurer que le gouvernement ne paye que pour des médicaments qui ont fait l'objet d'un rigoureux processus visant à évaluer leur valeur du point de vue des patients et de la société en général. Il veille à ce que l'accès soit identique pour tous les Canadiens — quel que soit leur lieu de résidence —, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. La présence d'une telle liste signifie en outre que les gouvernements détiennent le pouvoir d'achat voulu pour obtenir des prix équitables sur les médicaments.
    Je crois qu'il est important de faire la distinction entre « national » et « pancanadien », car il n’est pas nécessaire que le gouvernement fédéral soit responsable d’une liste des médicaments assurés pour qu’elle soit efficace. En fait, les provinces collaborent déjà très bien quant au processus des décisions touchant l’inscription des médicaments à la liste et bénéficient pour ce faire de mécanismes comme le Programme commun d’évaluation des médicaments et l’Alliance pancanadienne pharmaceutique.
    Ce dont les provinces ont besoin, c’est d'une mesure incitative pour s’engager à obtenir des résultats communs. À l’heure actuelle, les recommandations du Programme commun d’évaluation des médicaments et la négociation conjointe de prix entreprise par l’Alliance pancanadienne pharmaceutique ne lient en rien les régimes provinciaux d’assurance-médicaments, ce qui n’a rien d'étonnant puisque chaque province assume l’entière responsabilité financière de son régime.
    Le gouvernement fédéral a donc ici l’occasion d’être un partenaire essentiel en offrant du financement et en demandant l’uniformité, un peu comme il le fait en établissant des normes nationales pour les régimes publics d’assurance-hospitalisation et d'assurance médicale par l’entremise de la Loi canadienne sur la santé.
    Mon dernier message porte sur l'analyse du rapport coût-efficacité des produits pharmaceutiques, qui est l'un des éléments qui étayent les prises de décisions relatives à la liste des médicaments assurés — les autres éléments comprennent l'incidence sur le budget, le fardeau des maladies et la prise en considération de valeurs sociales.
    Il y a au Canada un important foyer d’expertise dans l’analyse du rapport coût-efficacité des produits pharmaceutiques. Nous avons déjà la capacité nécessaire pour créer une liste des médicaments assurés nationale ou pancanadienne s'appuyant sur des données probantes.
    À l’heure actuelle, l’analyse du rapport coût-efficacité est appliquée à l’échelle pancanadienne par le biais du Programme commun d’évaluation des médicaments, mais comme je l'ai dit, le programme n'agit qu'à titre consultatif.
    L’Australie nous fournit un exemple sur la façon d’intégrer cette analyse aux prises de décisions relatives à la liste des médicaments assurés.
     L’Australie dispose d’un comité d’experts qui a comme mandat officiel de recommander de nouveaux médicaments à inscrire sur la liste des médicaments assurés nationale en tenant compte de l’efficacité clinique, de l’innocuité et du rapport coût-efficacité comparativement à d’autres traitements. Le comité peut aussi formuler des recommandations au sujet des prix.
    Si le comité formule une recommandation positive, le médicament est soumis à un organisme responsable de la réglementation des prix pour qu'il en fixe le prix définitif. Si la recommandation du comité est négative, le fabricant doit soumettre à nouveau le médicament après avoir recueilli de nouvelles données cliniques ou après en avoir réduit le prix.
    Les experts en politique de l’Australie parlent souvent d’un système où « non veut dire non et oui veut dire peut-être ». Les médicaments ne peuvent figurer sur la liste des médicaments assurés nationale que s’ils sont approuvés par les experts, mais encore faut-il s'entendre sur le prix.
    En terminant, je tiens à souligner que l’analyse du rapport coût-efficacité est un outil pour assurer la rentabilité et non pour limiter les coûts globaux. Un médicament qui offre d’importants nouveaux avantages thérapeutiques peut être rentable même s’il est relativement cher.
    La limitation des coûts peut se faire avec d'autres outils, comme une liste des médicaments assurés pancanadienne dotée d'un budget transparent et la prescription d'ordonnances appropriées.
    En comprenant ce que peut faire l’analyse du rapport coût-efficacité, nous pourrons l’utiliser à bon escient en plus d’autres outils pour nous assurer que le régime d’assurance-médicaments est équitable et qu’il s’appuie sur des données probantes et abordables.
    Merci.
(1545)
    Merci beaucoup.
    J'accueille favorablement vos observations. Nous vous sommes reconnaissants de votre contribution.
    Monsieur Kang, avons-nous suffisamment de temps pour entendre un autre témoin?
    Je crois que oui. Il reste sept minutes.
    Madame Holbrook, voulez-vous commencer?
    Je m'appelle Anne Holbrook. Je suis ici en tant que médecin oeuvrant dans un domaine très modeste au Canada, celui de la pharmacologie clinique.
    L'objet de vos travaux correspond en fait à l'axe central de ma carrière. Je veux vous entretenir un peu plus longuement — peut-être un peu plus que Katherine l'a fait au sujet de l'aspect stratégique de la question, mais sans perdre cela de vue — de ce qui peut être problématique pour les comités qui travaillent sur les listes des médicaments assurés et de ce qui en découle au chevet des patients, car nous avons effectivement affaire à des patients. Croyez-le ou non, ces deux rôles ne sont pas vraiment dissociés.
    J'ai cette élégante présentation PowerPoint, que vous ne pouvez pas voir, bien entendu. Mon intervention aurait peut-être été plus visuelle et moins verbale, ce qui aurait été mieux pour vous.
     On m'a aussi demandé de dire un mot sur les données probantes. Je veux vous signaler que des expertises sont évidemment exigées pour tous ces rôles, mais aussi que le rôle de l'établissement des données probantes relève du monde pharmaceutique et qu'il est probablement au zénith du monde pharmaceutique.
     Tout ce dont vous discutez en matière de santé découle du monde des médicaments. Les types d'essais dont nous avons besoin sont très bien circonscrits: il s'agit d'établir si un médicament est plus efficace qu'un autre médicament. Le type de données économiques dont nous avons besoin est très bien établi.
    Tout à l'heure, je vous donnerai quelques exemples de prises de décisions au sujet d'un médicament pour traiter la polyarthrite rhumatoïde, ainsi que pour des médicaments hypolipidémiants et des médicaments contre le cancer. Il faut un paradigme commun pour examiner ceux qui sont extrêmement avancés. Je n'essaie pas de dire que ce n'est pas controversé et qu'on ne peut pas procéder de telle ou telle façon, sauf que tout cela est vraiment bien établi. Il est très important pour nous de continuer et, comme le disait Katherine, le Canada est l'un des chefs de file mondiaux à cet égard.
    En ce qui concerne les données probantes, le problème avec le système actuel est que les médicaments soumis à la liste des médicaments assurés arrivent à toute vitesse. Comme vous pouvez l'imaginer, les fabricants veulent que leur médicament se retrouve sur le marché le plus rapidement possible. Ils ont investi beaucoup d'argent. Ce n'est habituellement pas autant que ce qu'ils disent, mais c'est quand même beaucoup.
    Nous avons souvent affaire à des données probantes incomplètes, très souvent. Le dernier médicament sur lequel nous nous sommes penchés pourrait coûter 250 millions de dollars par année à l'État. Nous ne savons pas s'il permet vraiment de prévenir les accidents cardiovasculaires. Nous savons qu'il fait baisser le taux de lipides, mais nous ne savons pas s'il permet de prévenir les accidents cardiovasculaires. Essayer d'établir si un médicament va se comporter dans la sphère clinique comme l'annonce l'industrie pharmaceutique fait partie de la routine.
    Il y a beaucoup d'autres façons, mais je crois que je vais me contenter de les inclure dans mon document d'information.
     Outre leur qualité, il y a plusieurs autres raisons pour lesquelles des données probantes peuvent être trompeuses. Comme vous pouvez l'imaginer, ces données trompeuses se retrouvent dans les médias sociaux et dans les documents qui nous sont soumis. Mais je crois que je vais garder cet aspect pour la période des questions. Je serai également heureuse de parler plus à fond de tout autre sujet.
    Je suis convaincue que lorsque vous vous retrouvez dans le cabinet de votre médecin de famille, vous voyez quelqu'un qui note quelque chose dans un calepin ou qui tape sur un clavier, et tout cela vous semble bien simple. Or, sachez que, malgré son apparente simplicité, la prescription d'ordonnances est extrêmement complexe et qu'elle exige un grand savoir et une bonne dose de savoir-faire.
     Au Canada, il y a actuellement 13 000 médicaments sur le marché. Les cours de médecine consacrent seulement de neuf à cinquante heures à la prescription d'ordonnances. La prescription d'ordonnances ne se limite plus à déterminer si tel ou tel médicament fonctionnera pour la société en général. Je dirais plutôt que ça ressemble à cela: compte tenu de cette personne, avec cette série de diagnostics, ces maladies concomitantes, cette situation socioéconomique, ces valeurs et ces autres médicaments — oubliez le profil génétique pour l'instant, car ça n'a pas vraiment une si grande importance —, est-ce que tel ou tel médicament va l'aider ou lui nuire?
     Il s'agit de sujets d'une très, très grande complexité. C'est pour cette raison que l'un des arguments que je fais toujours valoir dans les forums publics c'est que nous avons besoin de beaucoup plus de pharmacologues cliniques et de spécialisation dans ce domaine. Étant donné que nous ne formons pas nos médecins et nos prescripteurs aussi bien que nous le devrions, certaines personnes ont préconisé que l'on fasse une plus grande place aux pharmaciens. Il ne fait aucun doute que ces derniers devraient jouer un plus grand rôle dans l'approbation des ordonnances.
    Nous pourrons parler de cela plus en détail. Je ne crois pas que les pharmaciens devraient s'accaparer la prescription des ordonnances.
(1550)
    Pardonnez-moi, docteure Holbrook. Je crains que nous devions aller voter.
    Nous voulons entendre ce que vous avez à nous dire. C'est très important pour nous. C'est une étude qui nous tient beaucoup à coeur. C'est un exercice sérieux et nous voulons entendre tout ce que les témoins ont à nous dire, mais nous devons aller voter.
    Je crois qu'il serait mieux que nous y allions maintenant, mais nous serons de retour.
(1550)

(1620)
    Poursuivons. Nous avons 51 minutes et 43 secondes. C'est un véritable marathon.
    Docteure Holbrook, continuez, je vous prie.
     Je vais conclure rapidement.
    Je parlais de la convenance des ordonnances. C'est primordial. D'autres l'ont dit avant moi. C'est un facteur clé de tout programme de qualité qui mise sur la rentabilité.
    Je veux formuler quelques commentaires concernant les listes de médicaments assurés et de leur formule actuelle. Lors d'une séance précédente, vous avez entendu le témoignage de Brian O'Rourke, le président de l'ACMTS, sur le programme commun d'évaluation des médicaments. Cette initiative fut une grande innovation au Canada. Elle a permis de rassembler les provinces, les vrais payeurs, pour discuter des médicaments. Je ne siège plus à ce comité, mais je peux vous assurer que la prémisse employée est excellente. Je sais que vous vous êtes engagés à faire quelque chose à propos des listes de médicaments, mais ce qui vous complique la tâche en ce qui a trait à un processus national, c'est que même si l'évaluation est excellente, elle n'offre pas beaucoup de mordant. Il arrive qu'on doive composer avec des renseignements erronés, sans les comparateurs réels ni les prix réels payés par les provinces. En Ontario, il a fréquemment fallu revoir les choses de façon mûrie et comprendre ce que cela signifie pour la province. Nous avons été mis devant des résultats qui ne concordaient pas, ce qui a suscité la controverse dans les médias.
    Avant de formuler des recommandations d'ordre général, j'aimerais vous décrire comment se passent normalement ces réunions. Elles se déroulent généralement dans le cadre d'activités de nature clinique ou de conférences, pour que l'auditoire ait l'impression d'en faire partie. Quatre médicaments sont à l'ordre du jour.
    Le premier est un nouveau médicament d'immunothérapie des mélanomes malins. Autrefois, les mélanomes malins métastatiques étaient quasi synonymes de condamnation à mort. Il existe maintenant une catégorie de médicaments qui permettent à quelques patients de vivre beaucoup plus longtemps. On commence en fait à parler de guérison. Il y a un nouveau médicament qui coûte 110 000 $ par année. Le coût rattaché à l'espérance de vie pondérée par la qualité de l'existence, dont nous n'avons pas le temps de parler maintenant, est essentiellement ce qui sert de baromètre pour comparer un médicament aux autres qui sont utilisés. Le coût de l'AVAQ, l'année de vie ajustée en fonction de la qualité, est de 157 000 $. Le seuil se situe généralement autour de 50 000 $. Devrions-nous financer ce médicament? Nous savons qu'il pourrait sauver des vies, mais pour quelques patients, cela ne sera pas rentable.
    Il est aussi question de Kalydeco, ou ivacaftor, un médicament qui s'adresse à un petit sous-groupe génétique de patients atteints de fibrose kystique. Ce médicament pourrait aider probablement 57 personnes au Canada, mais ses bienfaits sont inclus dans un résultat de substitution, qui ne décrit pas concrètement les bienfaits cliniques. Il est question de fonction pulmonaire, qui s'en trouve légèrement modifiée, mais cela résulte en une certaine amélioration de la qualité de vie. Le coût de l'AVAQ est de près de 5 millions de dollars, mais les patients visés sont des enfants.
    Puis, il y a un médicament contre le diabète, qui touche trois millions de personnes au Canada. Il existe de nombreux médicaments contre le diabète. Les coûts ne sont pas très élevés, mais nos comparateurs sont beaucoup plus abordables, et on parle de trois millions de personnes. Cela aurait donc d'énormes répercussions sur le budget.
    Finalement, il y a un médicament pour faire diminuer le taux de cholestérol, un médicament qui coûte des dizaines de milliers de dollars par an, comparativement à un médicament bien connu et très efficace, la statine, qui coûte 154 $. On examine la possibilité de traiter 11 millions de personne souffrant d'hypercholestérolémie à l'aide de ce médicament.
    Tous ces exemples présentent des problèmes importants. Nous avons un paradigme à appliquer pour évaluer les données probantes, mais même après avoir bien pesé toutes les considérations, tout n'est pas blanc ou noir. Si nous nous limitions strictement au point de vue sociétal, qui nous donne l'option d'avoir des médecins et des infirmiers et infirmières au chevet des patients, nos recommandations seraient sans doute plus négatives.
    Je termine sur ce qui serait sur ma liste de souhaits. Je pense que nous devons élaborer un processus national, d'après les principes de l'équité, de l'efficacité et de l'abordabilité. Nous avons besoin de médicaments essentiels, d'une couverture universelle quelconque, qu'on parle d'une assurance-médicaments ou autre. Nous devons négocier les coûts de manière beaucoup plus serrée. Nous entrons probablement dans une époque où les priorités de financement sont nécessaires. Chacune des spécialités cliniques devra commencer à établir ses propres priorités. C'est ce qui se passe dans le domaine de l'oncologie en ce moment. Nous ne pouvons pas tout payer. Si la population refuse de payer plus d'impôts, ne nous pourrons pas tout financer.
    Nous devons établir une liste nationale de médicaments assurés. Cet exercice va requérir une grande expertise, encore plus que ce que nous pouvons offrir à l'heure actuelle. Ce devra également être un processus transparent. Le public est intelligent et nous disposons d'un bon effectif clinique, mais en ce moment, nos discussions et les raisons sur lesquelles s'appuient nos décisions sont gardées secrètes. Ce n'est pas approprié, à mon avis.
(1625)
    Dans mon propre secteur de travail, mes collègues, les médecins et les pharmaciens, nous avons besoin de beaucoup plus d'information. On doit mieux nous habiliter à prendre des décisions relatives aux listes de médicaments.
    Merci beaucoup de m'avoir donné cette occasion aujourd'hui.
    Merci beaucoup.
    Vous avez parlé de mélanomes malins. Je crois vous avoir entendu dire qu'ils étaient synonymes de condamnation à mort. Je suis un survivant d'un mélanome malin. Heureusement, j'ai reçu un diagnostic précoce, ici, sur la Colline. Je n'avais aucune idée que quelque chose n'allait pas, mais j'ai participé à un dépistage offert bénévolement par un dermatologue. L'examen a révélé que j'avais un mélanome malin, et j'étais admis à l'hôpital le lendemain. C'était il y a neuf ans. Jusqu'ici, tout va bien. Vos mots m'ont interpellé.
    Docteur Dhalla.
    Je me présente. Je suis médecin généraliste et je possède une maîtrise en politiques de la santé, planification et finances. Je travaille principalement pour Qualité des services de santé Ontario, un organisme provincial qui a le mandat d'agir à titre de premier conseiller de la province en matière de qualité des soins de santé. Je pratique encore la médecine générale à l'Hôpital St. Michael, à Toronto. Avant de me joindre à Qualité des services de santé Ontario, en 2013, j'ai fait des recherches notamment sur les politiques pharmaceutiques. Pendant trois ou quatre ans, j'ai siégé au comité d'évaluation des médicaments, le même comité auquel siège Anne. Il s'agit du comité chargé de formuler des recommandations au gouvernement provincial sur les médicaments qui devraient être financés publiquement et ceux qui ne le devraient pas.
    L'an dernier, le ministre de la Santé de l'Ontario, l'honorable Eric Hoskins, a dirigé une table ronde à laquelle il a invité tous les ministres, si je ne m'abuse. Huit ministres, dont le ministre Hoskins, y ont pris part. J'y étais aussi, et mes collègues de Qualité des services de santé Ontario et moi avons produit un rapport résumant les principaux points abordés durant la journée, les questions qui ont fait l'objet d'un vaste consensus, de même que les points de désaccord. Ce rapport sommaire est inclus dans le mémoire que je vous ai soumis, et je crois que la plupart, voire la totalité, d'entre vous l'avez sous les yeux. J'avais l'intention de passer en revue bon nombre des points soulevés dans ce document, mais comme le temps nous presse, je vais probablement abréger mon exposé.
    Je tiens à faire valoir un point important, et celui-ci se trouve à la page 8 du rapport.La croissance des dépenses en médicaments sur ordonnance au Canada au cours de la dernière décennie a été de loin supérieure à tous les autres pays auxquels nous sommes généralement comparés. J'imagine que d'autres témoins avant moi vous en ont aussi parlé.
    Un élément qui ne se trouve pas dans le rapport et que j'aimerais souligner est qu'au cours de la même période, aucune augmentation n'a été enregistrée dans les coûts par personne en médicaments d'ordonnance au sein du régime des anciens combattants aux États-Unis. Vous vous demandez peut-être comment ce régime a réussi à maintenir ces coûts, alors qu'au Canada, les coûts par personne des médicaments ont probablement doublé au cours des dix dernières années. En fait, cela s'explique assez facilement.
    Premièrement, le régime des anciens combattants s'appuie sur une liste définie de médicaments couverts. Deuxièmement, la négociation des prix se fait de façon très serrée. Et troisièmement, et cela revient aux commentaires formulés par Anne vers la fin de son exposé, le régime des anciens combattants multiplie les efforts pour assurer des pratiques d'ordonnance de grande qualité, en sensibilisant les médecins et en mettant en place divers mécanismes pour les aider à prescrire des médicaments en fonction des données probantes.
    Je tourne à la page 10 du rapport pour vous parler du subventionnement des régimes privés d'assurance-maladie. Au Canada, ce mécanisme est foncièrement inéquitable, car plus le salaire est élevé, plus la subvention est élevée. Dans les faits, il s'agit d'une subvention régressive qui va à l'encontre du principe général que les programmes financés par le gouvernement sont soit universels, soit en place pour d'abord venir en aide aux petits salariés.
    Le troisième et dernier point que je veux soulever commence à la page 10 du rapport. C'est un peu plus long, alors je vous prierais de m'accorder votre patience quelques minutes.
    Selon les experts qui ont pris part à la table ronde, au Canada, les régimes privés d'assurance-maladie ont tendance à offrir une couverture trop large et à être trop permissifs dans leur méthode d'encadrement et de surveillance de la prescription. Je suis persuadé qu'Anne constate la même chose dans sa pratique. Je le vois régulièrement dans ma propre pratique. Je vais vous donner un exemple. Il n'est pas rare de voir un patient souffrant de diabète de type 2 et assuré par un régime privé se voir prescrire un nouveau médicament qui coûte 3 $ par jour, alors qu'un médicament moins nouveau qui coûte quelques sous par jour serait tout aussi efficace. En fait, l'Association canadienne du diabète, qui prépare des lignes directrices cliniques relatives au traitement du diabète de type 2, recommande de prescrire la métformine, un médicament à moindre coût, à la grande majorité des patients. Ce n'est pas parce que le médicament coûte moins cher, mais parce qu'on sait qu'il est efficace.
(1630)
     Voici un extrait des lignes directrices:
On recommande d’utiliser la métformine en premier lieu chez la plupart des patients parce qu’elle réduit efficacement la glycémie, que le profil de ses effets indésirables est relativement bénin, que son innocuité à long terme a été démontrée, que son risque d’entraîner une hypoglycémie est négligeable, et qu’elle n’entraîne pas de prise de poids.
    Si vous avez le malheur de souffrir de diabète de type 2, c'est probablement le médicament que vous voudrez prendre, du moins en traitement de première ligne, et pas le médicament onéreux. Vous vous demandez peut-être si c'est vraiment important qu'on prescrive le médicament à 3 $ par jour aux patients assurés par un régime privé, alors qu'un médicament qui coûte quelques sous par jour pourrait tout aussi bien faire l'affaire, sinon mieux. Vous serez peut-être tentés de répondre « non, les assurances privées, c'est une autre histoire ». Mais pour plusieurs raisons, les régimes privés d'assurance ne concernent pas que le secteur privé. Je l'ai d'ailleurs mentionné plus tôt, mais au Canada, les régimes privés d'assurance sont souvent subventionnés par le gouvernement.
    Je veux cependant insister sur une autre raison, c'est-à-dire que pratiquement tous les médecins ou toutes les infirmières praticiennes du Canada qui prescrivent des médicaments, en prescrivent autant à des patients qui ont une assurance privée qu'à des patients qui sont couverts par une assurance publique. Les pratiques d'ordonnance pour les patients couverts par un régime privé peuvent influer sur celles pour les patients couverts par un régime public. Cela peut sembler hypothétique, mais nous avons en fait des données qui le démontrent.
    Pour revenir à l'exemple du diabète en Ontario, pour les patients couverts par un régime public, on recommande aux médecins de prescrire d'abord le médicament moins cher, et de recourir seulement au médicament onéreux en deuxième ou troisième ligne de traitement. C'est la recommandation du comité auquel siège Anne et auquel j'ai déjà siégé. Évidemment, c'est logique au point de vue rentabilité.
    Le néphrologue Ainslie Hildebrand et moi, en collaboration avec nos collègues, avons mené des recherches pour déterminer si les médecins suivaient cette recommandation. Nous avons publié les résultats de nos recherches dans une revue intitulée Politiques de santé, qui est disponible au public. Pour tous les patients à qui on avait prescrit un médicament onéreux, nous avons vérifié si le médicament moins cher leur avait été prescrit en premier, ce qui aurait dû être le cas pour tous les patients, ou presque. Nous avons constaté que pour environ la moitié d'entre eux, rien n'indiquait dans les dossiers qu'on leur avait d'abord prescrit l'autre médicament.
    Pour les patients couverts par le régime public, on aurait souhaité que les médecins prescrivent le médicament moins coûteux en premier, mais cela ne semble être le cas qu'une fois sur deux. Nous ne savons pas si c'est parce que les médecins ne sont pas au courant des lignes directrices du gouvernement, ou s'ils choisissent carrément de ne pas les suivre. Parce qu'il est question du régime public, les coûts rattachés à ce qu'on peut qualifier de pratiques d'ordonnance peu rentables retombent sur chacun de nous.
    Le rapport que j'ai inclus à mon mémoire énumère plusieurs questions qui ont fait l'objet d'un vaste consensus à la table ronde du ministre, ainsi que plusieurs points de désaccord, qu'on a catégorisés sous les problèmes à résoudre. J'invite les membres du Comité à consulter le mémoire plutôt que de les passer en revue un à un, mais j'aimerais formuler quelques commentaires qui pourraient venir compléter l'exposé présenté par Anne.
    Il ne fait aucun doute que les nouveaux médicaments d'ordonnance ont énormément amélioré la qualité de vie de millions de Canadiens aux prises avec diverses maladies: cancer, maladies du coeur, VIH, hépatite C, et des dizaines d'autres. Le problème avec ces nouveaux médicaments est bien sûr qu'ils coûtent cher, parfois des centaines de milliers de dollars, comme Anne l'a mentionné tout à l'heure.
    Appliquer les données de recherche sur la rentabilité des médicaments pour déterminer lesquels devraient être inclus à la liste de médicaments assurés, c'est en fait un moyen technique de dire que nous voulons en avoir le plus possible pour notre argent. Dépenser 100 000 $ pour un médicament qui ne procure que des bienfaits limités — par exemple, prolonger de deux mois l'espérance de vie d'un patient cancéreux en phase terminale —, cela veut dire avoir 100 000 $ de moins pour investir dans les soins à domicile, la santé mentale ou quelque autre secteur prioritaire.
    Anne a décrit comment se passe une réunion typique du comité. Évidemment, le comité ne se penche pas que sur la rentabilité des médicaments. Il évalue d'autres facteurs, comme le type de maladie dont il est question, la disponibilité d'autres traitements, la taille de la population de patients visée, de même que les questions d'équité. Toutes ces questions sont pertinentes, mais la rentabilité doit être un paramètre clé pour tout régime public d'assurance-médicaments. Je crois que la plupart d'entre nous ici présents, et probablement tout le monde ici présent, dira qu'il faut que ce soit un paramètre clé dans l'établissement d'une liste nationale de médicaments assurés ou d'un programme national d'assurance-médicaments.
(1635)
    En terminant, je tiens à remercier une fois de plus le Comité d'avoir entrepris cette étude. Il s'agit d'un sujet tellement important et qui touche une multitude de gens à l'échelle du pays, particulièrement ceux qui ne peuvent pas se permettre de payer leurs médicaments ou qui n'ont pas d'assurance privée. Merci de m'avoir permis de m'adresser à vous aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à vos questions tout à l'heure.
    Merci beaucoup.
    Plusieurs témoins ont cité en exemple les bonnes pratiques du département des Anciens Combattants des États-Unis. De quel budget dispose-t-il? Est-il équivalent à celui de l'Ontario?
    Je pense que les deux budgets voués à l'administration des médicaments d'ordonnance sont à peu près équivalents, peut-être à un milliard de dollars près. Je suis tenté de dire que le budget du département américain est de quelque 5 milliards de dollars; je n'en suis pas certain. Le président du comité américain correspondant à celui auquel Anne siège s'appelle Bernie Good. C'est un médecin. Je ne sais pas si vous avez la possibilité d'inviter des témoins des États-Unis, mais c'est un homme très compétent dans le domaine. Il pourrait vous donner tous les détails sur la façon dont ils ont pu maintenir le coût des médicaments et offrir des médicaments que nous n'arrivons pas à offrir ici, au Canada.
    Merci.
    Docteur Henry.
    Je vais brièvement me présenter. Je suis Australien. Je suis médecin et gastroentérologue; ma formation remonte à très longtemps. Ce qui est pertinent, c'est que j'ai été pendant 10 ans membre du comité directeur du régime d'assurance-médicaments de l'Australie, le PBAC, auquel certains de mes collègues ont fait allusion aujourd'hui. Pendant environ huit ans, j'ai présidé le sous-comité de l'économie du PBAC, et c'est en me basant sur cette expérience que je ferai part au Comité de certaines observations.
    À titre informatif, l'Australie est dotée d'une politique nationale en matière de médicaments. C'est une politique fondamentale ayant quatre objectifs.
    Le premier — et vraiment le seul dont il est question aujourd'hui —, est de donner un accès rapide aux médicaments dont les Australiens ont besoin, à un coût abordable pour les particuliers et la collectivité. C'est ce qui constitue vraiment le programme d'assurance-médicaments, qui fonctionne au moyen du Schedule of pharmaceutical benefits, à savoir la grille des prestations pharmaceutiques, qui est la liste nationale australienne des médicaments assurés. Le comité dont j'ai eu le privilège d'être membre, comme celui que j'ai présidé, avait la responsabilité de superviser la tenue à jour de la liste. Je vais employer le terme « grille », si vous n'y voyez pas d'inconvénient, mais je pense que son équivalent est « liste des médicaments assurés ».
    Les trois autres objectifs de la politique nationale en matière de médicaments sont également importants, car je ne pense pas qu'une liste nationale des médicaments assurés peut exister seule.
    Il est important de noter pour ce qui est de cette politique — et on l'a déjà mentionné — que le terme utilisé est « utilisation adéquate des médicaments ». On parle parfois d'utilisation rationnelle des médicaments, mais ce terme pourrait être interprété de différentes façons.
    Un service national de prescriptions est responsable de veiller à l'utilisation adéquate. Il y a non seulement une liste nationale des médicaments assurés et un programme national d'assurance-médicaments, mais aussi un service national de prescriptions pharmaceutiques. Les éducateurs du service travaillent surtout, mais pas de manière exclusive, dans des cliniques de médecine familiale et auprès de grands groupes de médecins de famille appelés en Australie des divisions de médecine générale.
    Le troisième objectif est celui que se sont fixé pratiquement tous les pays, à savoir l'évaluation de l'efficacité, de la salubrité et de la qualité des médicaments. Au Canada, c'est le rôle de Santé Canada. En Australie, c'est la Therapeutic Goods Administration, c'est-à-dire l'Administration des produits thérapeutiques, qui s'en occupait.
    Le quatrième objectif, et je pense qu'il est important, est de veiller en même temps à ce que l'industrie des médicaments demeure responsable et viable. Je ne suis pas ici pour défendre les intérêts de l'industrie, mais seulement pour faire valoir qu'une politique nationale équilibrée en matière de médicaments doit vraiment, dans une certaine mesure, tenir compte de ces quatre objectifs.
    Le Pharmaceutical Benefits Scheme, à savoir le régime de prestations pharmaceutiques, émane de cette politique globale — une politique très sérieuse adoptée par un gouvernement travailliste, mais qui a été maintenue en place sous différents gouvernements conservateurs.
    Je pensais parler un petit peu de ce régime. Pourquoi parler du régime australien? Est-il le meilleur au monde? Non, à vrai dire, je ne suis pas de cet avis, mais je le connais bien et je peux donc vous faire part de mon expérience. Je pense que c'est un exemple typique de régime.
    J'ai également travaillé tant en Australie qu'au Canada, et les deux pays ont des similitudes au chapitre des structures et des valeurs sociales. Ils ont tous les deux un régime national de soins de santé à payeur unique, même si des soins de santé privés sont également offerts en Australie, pas seulement une assurance-médicaments, mais aussi une couverture plus large. Les similitudes entre les deux régimes sautent vraiment aux yeux, à l'exception de l'absence de régime national de prestations pharmaceutiques au Canada. C'est pour cette raison que ce régime représente probablement une sorte de point de comparaison et qu'il y a peut-être quelques leçons utiles à en tirer.
    La grille, si je peux l'appeler ainsi, à savoir la liste des médicaments assurés, comprend sans aucun doute les médicaments nécessaires pour répondre aux besoins prioritaires de la population en matière de santé. Il s'agit d'une couverture complète de la population. Toute personne admissible obtient les médicaments dont elle a besoin. Il n'y a aucune exception, peu importe le lieu de résidence. En Australie, les gens qui habitent dans le Territoire du Nord ou en Nouvelle-Galles-du-Sud bénéficient de la même protection.
(1640)
    J'ai mentionné que le régime émane de la politique nationale en matière de médicaments, mais il bénéficie également du soutien d'une loi forte. Il tire son origine de l'article 85 de la loi australienne sur la santé. L'effet législatif de la loi est important. Le comité, qui est constitué en vertu de la loi, recommande au ministre fédéral de la Santé quels médicaments devraient figurer dans la grille nationale. Cela dit, ce qu'il faut retenir, c'est que le ministre ne peut pas ajouter un médicament à la grille sans une recommandation favorable du comité, ce qui aide à maintenir à flot le processus fondé sur des données probantes et à protéger dans une certaine mesure le ministre sur le plan politique étant donné qu'il peut toujours dire: «  Eh bien, je n'ai pas reçu de recommandation favorable, ce qui explique pourquoi nous ne finançons pas ce médicament. » Chose certaine, quand j'étais là, de nombreux ministres, et il y en a eu beaucoup, se sont servi du comité — à mon avis de manière appropriée — comme d'un bouclier lorsqu'ils subissaient des pressions parce que certains médicaments ne figuraient pas sur la liste.
    Cette évaluation fondée sur des données probantes est plutôt semblable à ce qui se fait au Canada. Je ne vais pas en parler longuement, car vous êtes au courant. Le comité devait non seulement tenir compte de la rentabilité, faire une recherche comparative et présenter une recommandation au ministre, mais aussi examiner le coût total pour la collectivité et l'incidence globale sur la santé. Ces aspects sont très importants. Quelle sera l'incidence sur la santé publique de ce nouveau médicament ajouté à la liste? Quel sera le coût total, et à quels égards les économies seront-elles réalisées, si économies il y a?
    Je crois que deux autres aspects sont pertinents. Le prix final du médicament était négocié par une autorité d'établissement des prix qui ne se mettait pas à la tâche tant que le comité d'experts n'avait pas formulé une recommandation favorable. L'autorité d'établissement des prix négociait un prix final avec l'industrie. Or, l'industrie n'avait aucune porte de sortie. Si elle n'obtenait pas un prix négocié, elle ne pouvait pas obtenir du financement au pays pour un marché qui comptait à l'époque 22 millions de personnes. Autrement dit, le pouvoir de négociation était considérable. Je le sais étant donné que j'ai travaillé avec cet organisme lorsque je présidais le comité de l'économie qui lui fournissait les renseignements dont il avait besoin.
    La dernière chose à souligner est que lorsqu'un prix avait été négocié et qu'il y avait manifestement une recommandation favorable à l'ajout du médicament à la grille, le Cabinet avait le dernier mot. Le ministre présentait le dossier au Cabinet lorsque le coût global était de plus de 10 millions de dollars par année, ce qui est vraiment un faible seuil. En toute honnêteté, je ne sais pas s'il a été relevé, mais, ce qu'il faut retenir, c'est qu'il revenait au Cabinet de finalement décider ou non de dépenser l'argent.
    Il arrivait parfois qu'il s'oppose à la dépense même lorsque le comité disait qu'elle était judicieuse. Le comité a recommandé l'ajout d'une thérapie antitabac, de thérapies de remplacement de la nicotine. L'autorité d'établissement des prix avait négocié un prix raisonnable. Le coût total semblait raisonnable, mais le Cabinet a décidé — et je ne dis pas que c'était à tort ou à raison, je ne fais que décrire la situation — de ne pas donner son appui. Il estimait que si les fumeurs pouvaient se permettre des cigarettes, ils pouvaient également payer pour une thérapie de remplacement de la nicotine. Vous pouvez voir une sorte de logique. Je n'y ai pas souscrit, mais c'est l'argument qui a été avancé.
    Cette façon de faire existe depuis longtemps. Laissez-moi dire d'emblée que l'Australie l'a adoptée dans les années 1950, avant le régime universel d'assurance-maladie qui n'a vraiment été mis en place que vers 1982 ou 1983, c'est-à-dire très longtemps après le Canada. L'Australie a un régime de prestations pharmaceutiques depuis les années 1950; il y en avait donc un. C'était fondamental. Je peux comprendre qu'il est plus difficile d'adopter un programme quand on a déjà un ensemble disparate de régimes — je ne le dis pas dans le but de dénigrer le Canada. Ce n'est pas comme partir à zéro. Passer d'un système canadien à un système australien est plus difficile que de partir à zéro et en arriver au point où en est l'Australie.
    Je vais terminer avec des observations et des exemples, je crois, sur la force d'un système national.
    Lorsqu'on tient compte de la parité des pouvoirs d'achat, le montant moyen dépensé par habitant, en dollars de 2011, était de 771 $ au Canada et de 588 $ en Australie, c'est-à-dire près de 200 $ de moins par personne. Vous pouvez voir à quel point cela se traduit par une très importante somme d'argent. C'est la moyenne pour l'ensemble de la population.
(1645)
    C'est ce que j'ai à dire au sujet du fonctionnement du programme. Je ne pense pas que c'est ce qu'il y a de mieux, mais je le connais et je crois que cela a une certaine pertinence.
    Je vais seulement donner deux brefs exemples de maladies qui, à mon avis, illustrent bien l'avantage d'un programme national.
    Il y a d'abord l'hépatite C. L'Australie a annoncé qu'elle éradiquerait cette affection grâce au régime de prestations pharmaceutiques. Les médicaments coûtent cher — Anne en a déjà parlé —, mais ils fonctionnent.
    Ce nous avons appris dans le cas du VIH nous a permis de savoir que traiter les gens les empêche de propager le virus et leur vient en aide, ce que semble également faire le nouveau médicament pour l'hépatite C. En traitant tout le monde, on réduit également le risque que quelqu'un soit infecté de nouveau par une autre personne, mais cela dépend des médicaments, pas des vaccins. C'est difficile à accomplir sans programme national. Imaginez la négociation au Canada d'un programme semblable qui serait offert par le truchement des services de santé non assurés des provinces et des territoires. C'est une chose difficile à accomplir.
    Mon dernier exemple est celui du diabète. Ma femme est chef du service d'endocrinologie du Centre des sciences de la santé Sunnybrook. Elle occupait auparavant le même poste dans un hôpital d'enseignement australien. Elle traite le diabète, comme tout le reste, de la même façon. Au Canada, à Toronto, elle a un réfrigérateur pour stocker l'insuline. Elle en avait également un en Australie pour commencer le traitement des patients en leur donnant leur toute première dose. À Toronto, elle se sert du stock réfrigéré pour traiter les gens qui n'ont pas les moyens d'acheter ce médicament. Dans le cadre de sa seule pratique, elle voit cinq ou six personnes par mois qui n'ont pas les moyens de payer pour obtenir de l'insuline, un médicament d'importance vitale qui a été découvert par Banting et Best à Toronto, pas très loin de l'endroit où elle travaille.
    C'est une situation extraordinaire. Elle doit distribuer gratuitement de l'insuline à des patients.
(1650)
    C'est un bon message.
    Je dois vous demander d'arrêter ici.
    Je m'arrête.
    Merci. Nous pourrions vous écouter toute la journée, mais nous avons 27 minutes avant le vote.
    Les interventions sont normalement de sept minutes. Devrions-nous les limiter à cinq minutes pour qu'un plus grand nombre de personnes puissent poser des questions?
    Quelqu'un a-t-il une opinion à exprimer? Eh bien, les interventions seront de sept minutes.
    Monsieur Eyolfson, vous êtes le premier.
    C'est avec plaisir que je vous ai tous écoutés. Comme je l'ai dit à d'autres témoins, vos commentaires corroborent certaines de mes hypothèses.
    Ma formation est en médecine clinique. J'ai été urgentologue pendant 20 ans. J'ai vu l'incidence de cette situation sur ceux qui ne peuvent pas se permettre les médicaments, car les plus démunis semblent se servir des urgences pour obtenir des soins primaires. Nous devons souvent recourir à des moyens détournés créatifs, comme la rédaction d'une ordonnance pour l'équivalent d'un mois d'insuline, ce genre de choses.
    La question est pour l'un ou l'autre des témoins qui pratiquent la médecine clinique.
    Quels sont les documents à notre disposition qui prouvent que notre régime actuel d'assurance-médicaments influe sur la capacité des médecins à prodiguer des soins?
    Nous sommes tout juste en train de finir un examen systématique des données canadiennes sur les coûts liés au non-respect du traitement. C'est un terme très long pour dire que, à notre connaissance, des patients ne prennent pas correctement leurs médicaments compte tenu de leurs coûts. Selon nos estimations les plus fiables, le non-respect du traitement est de l'ordre de 15 %. Le non-respect de la médication prescrite entraîne beaucoup de problèmes. Les études de qualité qui sont menées n'ont pas encore montré que la gratuité des médicaments a un effet notable sur les résultats cliniques, mais je pense que tous les médecins, en l'espace de quelques minutes, pourraient vous donner de multiples exemples de patients qui n'ont pas pris correctement leurs médicaments et qui se sont ensuite retrouvés à l'urgence en raison d'une crise cardiaque, d'un accident vasculaire cérébral, d'un cancer récidivant et ainsi de suite. Dans bien des cas, je pense qu'il est fort probable — et c'est pourquoi la rentabilité est un paradigme si important — que la dépense en vaille le coup, mais il y a d'autres situations où c'est très discutable, voire pas du tout justifiable.
    Je suis entièrement d'accord. À titre d'exemple, je dis toujours que le coût de l'hospitalisation à l'unité de soins intensifs d'un patient souffrant d'acidocétose diabétique pourrait probablement couvrir le coût de toute l'insuline dont il aura besoin au cours de sa vie. Cela ne tient même pas compte des cas de diabète mal maîtrisé qui sont à l'origine d'une crise cardiaque subie vingt ans plus tard, d'un traitement par dialyse, d'amputations et ainsi de suite. Il est bien que nous commencions à obtenir des données pour corroborer des hypothèses que les cliniciens ont toujours avancées.
    Il s'agit un peu d'une question ouverte. De quel endroit proviennent les meilleures données obtenues par les provinces pour prendre des décisions relatives à l'assurance-médicaments? Que devrons-nous faire pour être certains d'avoir les meilleures données possible? Comment pouvons-nous recueillir toutes ces données au-delà de ce que vous avez décrit ici? De quel genre de surveillance nationale des résultats et de la rentabilité aurions-nous besoin?
(1655)
    C'est avec plaisir que j'essaierai de répondre à cette question, au moins pour commencer.
    Nous avons au pays un organisme pancanadien d'évaluation des technologies de la santé appelé l'ACMTS, l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé. Je pense le PDG de l'ACMTS a déjà témoigné ou qu'il le fera bientôt.
    L'agence s'en remet à des méthodes scientifiques bien établies pour examiner les preuves cliniques et pour effectuer ce que nous appelons des analyses de rentabilité ou des analyses d'optimisation des ressources. De toute évidence, ce genre d'analyses nécessite beaucoup de ressources et de temps. Elles peuvent être mieux effectuées ou l'être de manière boiteuse, si vous voulez.
    Il est important de soutenir les organismes qui font ce travail. Katherine a mentionné que nous avons au Canada une grande capacité à cet égard, et je suis du même avis qu'elle. Nous sommes probablement des chefs de file de l'évaluation économique depuis plusieurs dizaines d'années, comme le Royaume-Uni, l'Australie et quelques autres pays.
    On peut sans doute avancer que des organismes comme l'ACMTS auraient besoin de ressources supplémentaires pour faire ce travail s'il y avait une liste nationale des médicaments assurés ou un régime national d'assurance-médicaments.
    J'aimerais ajouter que nous ne nous en sortons pas très bien. Compte tenu des données limitées qui sont mises à notre disposition lorsque nous essayons de déterminer si un médicament doit être approuvé, à l'heure actuelle, nous disons probablement dans environ 60 % ou 70 % des cas que nous devons faire un suivi.
    Nous manquons de preuve pour ce qui est de la pratique réelle. L'avantage auquel les données probantes ont fait allusion s'est-il concrétisé dans la pratique? Dans certains cas, on craint que cet avantage, que ce soit parce qu'on a outrepassé l'utilisation qui a été initialement proposée ou pour d'autres raisons, ne se soit pas vraiment bien concrétisé.
    Je pense que peu importe le régime qui sera adopté à l'avenir, il est très important que, après la mise en marché d'un médicament, un certain suivi de ce qui se passe vraiment sur le plan de l'utilisation et du coût soit effectué.
    Merci.
    De plus — et je serai le premier à en convenir —, nous voyons beaucoup de médicaments très abordables et efficaces, mais aussi beaucoup de médicaments très coûteux dont les bienfaits sont, au mieux, discutables.
    Steven Morgan s'est adressé à nous dans une réunion précédente. Il a proposé de commencer par une liste restreinte des médicaments assurés, de l'évaluer et d'adopter ensuite une approche progressive. D'autres pourraient préconiser l'établissement d'une liste maîtresse et la mise en place d'un régime plus rigoureux.
    Si vous aviez à choisir entre la mise en place complète ou progressive d'un système, quel modèle recommanderiez-vous?
    Je choisirais d'y aller à fond. Autrement, vous allez vous retrouver avec un processus de changement itératif, les provinces auront toujours un rôle à jouer dans la couverture et ce sera compliqué.
    Quand les Suédois sont passés de la conduite à gauche à la conduite à droite, ils n'ont pas pu le faire graduellement. Je sais, c'était un argument facile.
    Nous savons déjà quels sont les médicaments. Nous pouvons rassembler tout cela. Nous pouvons dresser cette liste de médicaments en fonction des prix d'aujourd'hui. Puis, au fur et à mesure que de nouveaux médicaments apparaissent, le pouvoir d'achat accru de ce programme et l'effet du programme national, de même que l'examen des prix...
    Nous n'avons pas beaucoup parlé de cela. Il y a eu beaucoup d'ajustements à la baisse des prix des médicaments qui étaient déjà sur la liste, en Australie, en fonction du coût réel du traitement dans le milieu. Au moyen d'ententes sur les listes de produits — bien que ce soit difficile de façon rétrospective —, il est possible de partager avec la compagnie le risque lié au prix plus élevé que prévu du médicament en raison de l'efficacité ou à la nécessité de doses supérieures. Cela peut être inclus dans l'entente. Il y a diverses façons de gérer prospectivement les coûts.
    Pour répondre à votre question, j'opterais pour la totale.
    Le temps est écoulé.
    Madame Harder, vous allez partager votre temps et ce sera donc trois minutes et demie pour vous, puis trois minutes et demie ensuite.
    Le temps file, quand le temps est partagé, alors je vais juste vous le signaler quand les trois minutes et demie seront passées. Je ne vais pas vous interrompre.
    C'est excellent, monsieur le président. Merci beaucoup.
    Premièrement, merci infiniment d'être venus. Nous nous excusons de toutes les interruptions que nous avons eues. Nous savons que ce n'est pas idéal. Nous aimerions qu'il en soit autrement.
    Ma première question s'adresse à vous, docteur Henry.
    Dans notre liste de médicaments, nous couvrons manifestement certaines conditions, mais pas d'autres. Au bout du compte, je me demande quel effet cela produira sur certains des plus petits segments de la population. Puis, au fur et à mesure que nous ajouterons de nouveaux médicaments à la liste, je pense que ce qui se produira, c'est qu'il y aura urgence d'y ajouter les nouveaux médicaments qui ont de plus grands effets sur la santé publique, alors que ce ne sera pas le cas des médicaments répondant à des conditions moins prévalentes.
    J'aimerais que vous me disiez comment nous pourrions dresser une liste de médicaments équitable. C'est une chose essentielle que j'entends constamment. Au bout du compte, à moins de couvrir absolument tout, nous ne ferons que créer un autre système à plusieurs niveaux. J'ai besoin de comprendre comment il est possible de rendre ce système équitable et abordable, parce qu'il faut ces deux caractéristiques.
(1700)
    La question importante ne se limite pas à l'accès équitable à un programme, mais il faut plutôt s'interroger sur les médicaments que ce programme comporte et sur la mesure dans laquelle ils répondent de manière équitable aux besoins en matière de santé.
    Ce qu'il faut déterminer, c'est si un programme national est mieux ou pire que l'ensemble disparate que nous avons en ce moment au Canada, avec ses éléments territoriaux et provinciaux — je le décris comme étant disparate, mais ce n'est pas un jugement de valeur.
     J'aurais cru que les personnes atteintes de maladies relativement rares et coûteuses à traiter seraient mieux servies par un programme national, en raison du grand pouvoir d'achat que cela procure. Un programme qui représente les intérêts de 35 millions de personnes a beaucoup d'influence. Vous avez raison de dire que l'effet sur la santé publique est vraiment important. Cependant, j'ai travaillé dans le cadre d'un programme national, et j'ai constaté qu'une grande partie des débats déchirants étaient liés aux efforts pour veiller à ce qu'on s'occupe des personnes atteintes de maladies rares — il y en a peut-être 100 au maximum, au Canada.
    Je ne l'ai pas mentionné dans mon exposé, mais je le dis pour que ce soit au compte rendu. Le régime de prestations pharmaceutiques de l'Australie prévoit une solution pour les personnes s'estimant gravement désavantagées parce qu'un médicament particulièrement coûteux n'est pas couvert. Ces personnes peuvent s'adresser directement au ministre, lequel peut décider de verser à titre gracieux un montant couvrant le médicament. Je pense donc qu'un programme national peut comporter d'autres mécanismes.
    Docteur Henry, vous auriez peut-être quelque chose à dire. Je pense que c'est assez semblable au modèle australien. Ici au Canada, les provinces ont manifestement compétence en matière de soins de santé, à la façon dont les choses se font. En ce qui concerne la mise en place d'un programme national d'assurance-médicaments, j'aimerais entendre des commentaires sur la mesure dans laquelle vous pensez que les provinces voudront céder leur compétence dans ce domaine. Comment proposez-vous que cela se fasse?
    C'est un point très valable, et j'ai parlé à beaucoup de gens des provinces. Je n'irais pas jusqu'à parler d'effets pervers, dans les centres, parce qu'ils essaient de bien faire les choses, mais ils travaillent et cherchent à établir leur carrière, et l'ensemble du processus est axé sur un programme provincial. Retirer cela soudainement pour y substituer une source de paiement nationale qui paie tous les pharmaciens de la province directement au moment d'une commission nationale de paiement ou d'assurance à cette fin représente un très gros défi parce qu'ils se sont investis dans cela.
    Il n'y a pas de réponse facile. Il ne fait aucun doute que c'est bon pour le public, que l'électorat des provinces va en profiter, mais la négociation autour de cela sera difficile.
    Comme je l'ai dit, c'est comme un important projet d'infrastructure qu'on entreprend. Nous allons bâtir quelque chose de très gros qui va un jour être ouvert. Ce jour-là, tout va commencer et tout le monde devra s'engager à cela, à la réalité de cela et au bon fonctionnement de cela. Il n'y a pas de réponse facile.
(1705)
    Monsieur Webber.
    Merci, monsieur le président.
    Docteure Boothe, dans votre exposé, vous avez mentionné l'Alliance pancanadienne pharmaceutique. J'aimerais que nous en parlions un peu.
    En ce moment, par l'intermédiaire de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique, les provinces canadiennes ainsi que les territoires, je le présume, signent avec les fabricants de produits pharmaceutiques des ententes confidentielles qui leur donnent des rabais sur facture.
    Les défenseurs de cette approche disent qu'il faut simplement que les gouvernements utilisent leur pouvoir d'achat pour obtenir un meilleur marché pour le gouvernement, mais il y a beaucoup de secrets qui entourent ces marchés. Certains diraient qu'il n'est pas éthique que les gouvernements et leurs régimes d'assurance-médicaments obtiennent de tels prix préférentiels, alors que 60 % des achats de produits pharmaceutiques au Canada sont payés par le secteur privé aux prix qui figurent sur la liste et qui sont gonflés à cause des marchés que les gouvernements concluent avec les fabricants pharmaceutiques. En gros, ceux qui paient directement les produits pharmaceutiques et les régimes des entreprises se retrouvent à payer le prix gonflé.
    Croyez-vous que nous devrions avoir, au Canada, des principes et des règles concernant la façon dont ces ententes sur les prix sont conçues et utilisées? J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela — tous les membres du panel.
    Bien sûr. Merci pour cette question.
    Je pense qu'il y a deux choses. Je ne crois pas qu'il soit réaliste de dire que les Canadiens ne devraient pas profiter des prix confidentiels de la façon dont les gens profitent de tous les autres régimes dans le monde. C'est un fait, sur le marché des produits pharmaceutiques. Je ne porterai pas de jugement à savoir si c'est une bonne chose, mais j'estime que c'est inévitable. La question est celle de savoir comment faire en sorte que le plus de gens possible puissent profiter de cette pratique. La réponse se trouve dans un régime universel. Cela accroît le pouvoir d'achat du gouvernement, comme le Dr Henry vous l'a dit.
    Si les gestionnaires du régime d'assurance-médicaments discutent avec les fabricants et disent: « C'est notre prix, sans quoi vous ne serez pas subventionnés pour les Canadiens à l'échelle du pays », vous avez une solide position de négociation. Je pense que vous pouvez avoir des règles sur la façon dont les négociations sont menées pour les rendre acceptables. Cependant, si vous avez de telles règles, vous devez veiller à ce que les Canadiens en tirent parti.
    J'ai deux petites questions.
    Une mauvaise entente est une entente secrète sur les prix dont personne ne sait si elle est bonne. Les perdants, ce sont les pauvres qui composent 25 % de la population, les plus vulnérables de la population qui n'ont pas d'assurance du tout. C'est tragique. S'il est un bon exemple qui me vient à l'esprit, c'est un prix réduit sur un médicament qui aiderait les personnes atteintes de démence. Si le patient ne bénéficie pas du médicament, la compagnie paie tout et donne un rabais. Je pense que nous pourrions approfondir notre réflexion en nous arrêtant à ce que nous voulons tirer de ces ententes de prix du point de vue clinique, en plus des réductions de prix.
    Et voilà. Merci beaucoup. Madame Sansoucy.

[Français]

     Je remercie les témoins de leurs différentes présentations.
    Ma question s'adresse au Dr Dhalla.
    Un consensus s'est dégagé de la table ronde et de votre travail à Qualité des services de santé Ontario, et j'aimerais connaître vos conclusions. Vous avez accès à des données scientifiques et à des résultats de recherche. À votre avis, toutes ces informations démontrent-elles que le système de santé canadien profiterait d'un régime national d'assurance médicaments assorti d'un formulaire national?

[Traduction]

    D'après moi, les faits scientifiques montrent que nous économiserions collectivement de l'argent avec une liste de médicaments nationale et un programme qui exigerait des provinces des normes cohérentes, ou encore une norme nationale.
    Je vais revenir sur ce que Katherine a dit tout à l'heure. Si des Canadiens obtiennent un bon prix en étant dans le régime public, ne voulons-nous pas que ce soit le cas de tous les Canadiens?
    Oui, et nous savons qu'au Canada, les personnes qui ne sont pas assurées du tout ont les pires prix. Nous savons aussi que nous pouvons mettre en place un ensemble de principes qui garantiront que nous prenons les meilleures décisions possible au sujet des médicaments qui sont inscrits sur les listes de médicaments faisant l'objet d'un financement public et de ceux qui ne s'y trouvent pas. Ces principes doivent être transparents. Ils doivent être approuvés par les décideurs et, surtout, par le public et les patients, afin que nous ne désavantagions pas des personnes souffrant de maladies rares ou des personnes qui sont atteintes de certaines conditions plutôt que d'autres.
    Je suis d'accord avec Katherine, ainsi qu'avec le membre du Comité qui a posé la question. Il y a des avantages et des inconvénients à ces ententes confidentielles sur les prix, et dans le contexte actuel les avantages pèsent plus lourd que les inconvénients, mais les gouvernements peuvent aussi prendre des dispositions pour qu'on examine convenablement ces ententes afin de veiller à ce que les Canadiens en aient pour leur argent.
(1710)
    Il reste sept minutes avant le vote, alors nous avons peut-être deux minutes, après quoi nous devrons y aller en vitesse.

[Français]

     La question que j'adresse à la Dre Holbrook sera donc brève.
    Des témoins ont dit au Comité que des hôpitaux utilisent couramment des formulaires assortis d'un budget fixe pour gérer leurs dépenses en médicaments.
    À votre connaissance, ces hôpitaux paient-ils moins cher par unité?

[Traduction]

    Désolé. On vient de me corriger. Il nous reste quatre minutes avant le vote, alors nous devons conclure. Il faut partir.
    Nous ne savons pas ce qui va arriver ensuite, alors il faut lever la séance maintenant parce que vous pourriez vous retrouver à attendre ici pendant une ou deux heures.
    Je vous remercie au nom du Comité. Vous possédez manifestement beaucoup d'information qui nous est utile et nous vous en savons gré. Nous vous remercions, et nous vous inviterons probablement de nouveau pour avoir d'autre information. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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