HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 7 mai 2019
[Énregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à la 142e séance du Comité permanent de la santé.
Nous accueillons nos invités, dans le cadre de notre étude sur la santé des membres de la communauté LGBTQ2 au Canada.
Je tiens à souligner que les députés conservateurs ne sont pas encore arrivés. Il y a une petite cérémonie à la Chambre pour l'un d'eux. Je crois qu'ils seront là bientôt, mais je pense que nous allons commencer, afin de nous assurer de pouvoir tout couvrir.
Je vais présenter nos invités. Nous accueillons Jack Woodman, président-e, Association professionnelle canadienne pour la santé transgenre. Nous recevons aussi Washington Silk, spécialiste autorisé-e du travail social et psychothérapeute, responsable de la coordination du programme OK2BME; et Scott Williams, coordonnateur des communications et du développement. Nous avons Lorraine Grieves, directrice du programme provincial, Trans Care BC, de la Provincial Health Services Authority; et Quinn Bennett, responsable provincial, Réseaux de soutien communautaire et par les pairs, Trans Care BC. Nous accueillons enfin Sarah Chown, directrice générale, YouthCO HIV and Hep C Society.
Chaque groupe disposera de 10 minutes pour faire une déclaration préliminaire.
Nous allons commencer par l'Association professionnelle canadienne pour la santé transgenre, représentée par M. Woodman.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la santé, je vous remercie de me permettre de parler aujourd'hui de la santé et du bien-être des Canadiens transgenres et de diverses identités de genre.
Je m'appelle Jack Woodman. J'utilise le pronom iel. Je préside l'Association professionnelle canadienne pour la santé transgenre, la CPATH.
La CPATH est une association interdisciplinaire de professionnels de la santé qui compte plus de 600 membres. Nous avons une vision d'un Canada exempt d'obstacles en ce qui a trait à la santé, au bien-être et à l'épanouissement des personnes transgenres et de diverses identités de genre.
La CPATH est un organisme dirigé par des bénévoles. J'occupe par ailleurs les fonctions de responsable de la stratégie et de la qualité au Women's College Hospital de Toronto, qui est le premier hôpital universitaire financé par des fonds publics au Canada à offrir un programme de chirurgie affirmative du genre.
Je suis une personne non binaire qui vit au Canada, ce qui fait que ce travail et les efforts que vous déployez pour mener cette première étude nationale sur la communauté LGBTQ2S revêtent une signification profonde pour moi et ma communauté.
Aujourd'hui, j'utiliserai le mot « trans » comme un terme générique qui inclut un large éventail de personnes dont le genre diffère de celui qui leur a été attribué à la naissance. Le terme « trans » peut englober un large éventail d'identités, comme transgenre, non binaire et bispirituelle; toutefois, ce ne sont pas toutes les personnes ayant ces identités qui s'identifient comme trans.
Vous pouvez voir que nous évoluons déjà dans un vaste domaine où le genre va bien au-delà du modèle binaire homme-femme et ne peut pas se limiter à deux cases à cocher dans les formulaires. La bonne nouvelle, c'est que nous commençons à rattraper notre retard. Depuis 2017, notre Charte des droits et libertés définit l'identité de genre et l'expression de genre comme des motifs de distinction illicite et, depuis 2018, les Canadiens peuvent indiquer qu'ils ne s'identifient pas comme homme ou femme sur leur passeport.
À l'avenir, il y aura très certainement plus de diversité de genre, et les notions de genre présumé, ainsi que les comportements et identités attendus selon le genre attribué à la naissance, seront considérés comme anciens et désuets pour les prochaines générations de Canadiens.
On estime maintenant qu'il y a 25 millions de personnes transgenres dans le monde. Pensez que près de 12 % des milléniaux s'identifient comme transgenres. Il y a environ 200 000 personnes trans âgées de 18 ans et plus qui vivent au Canada, selon une estimation prudente de 0,6 %.
On a assisté à une croissance exponentielle du nombre de personnes trans qui cherchent à obtenir des soins de santé, peut-être en raison d'une plus grande sensibilisation du public et d'une plus grande acceptation des enjeux relatifs aux personnes trans, ainsi que d'une plus grande connexion et disponibilité de l'information sur Internet. Les rapports sur le nombre de jeunes trans qui ont obtenu des services montrent que ce nombre quadruple chaque année. En Ontario, il y a eu une croissance exponentielle du nombre de personnes qui souhaitent subir une chirurgie affirmative du genre.
Je tiens à souligner ici que ce ne sont pas toutes les personnes trans qui veulent une intervention chirurgicale ou médicale ou qui en ont besoin. Pour celles qui ont besoin d'interventions chirurgicales pour optimiser leur état de santé, les interventions qui s'offrent sont très individualisées. Les chiffres sont assez surprenants: en 2010, il y a eu 59 approbations de chirurgie de réattribution du genre. En 2016, ce nombre est passé à 216. L'an dernier, en 2018, le nombre d'approbations a atteint 1 460 en Ontario seulement.
Le Canada n'a qu'un petit centre de chirurgie privé situé à Montréal qui offre des chirurgies de transition, y compris des chirurgies génitales. Les temps d'attente sont habituellement de plus de deux ans pour obtenir une consultation, sans compter que l'accès aux services et la couverture d'assurance varient grandement d'une région à l'autre du pays, ce qui crée une sorte de loterie provinciale selon l'endroit où vous vivez. Imaginez ce qui se produirait si les autres interventions chirurgicales jugées médicalement nécessaires qui améliorent et sauvent des vies n'étaient offertes que dans une petite clinique privée d'une province et si l'accès à ces interventions variait énormément selon l'endroit où vous vivez.
Les déplacements vers les centres de chirurgie et le manque d'accès aux services de suivi chirurgical à l'échelle locale constituent des obstacles supplémentaires et un risque accru.
C'est avec un très grand plaisir que j'ai appris l'an dernier le lancement par le Women's College Hospital d'un nouveau programme de chirurgie en Ontario, qui élargira la portée des services pour inclure la vaginoplastie d'ici juin 2019. La Colombie-Britannique est maintenant sur le point de lancer un programme dans l'Ouest canadien, et nous sommes en train de relever le défi de répondre aux besoins en matière de services de santé des Canadiens trans, en vue de leur offrir des services plus près de chez eux.
Bien que l'accès universel aux soins de santé soit un principe fondamental de notre système de soins de santé, en réalité, cela ne semble pas être encore le cas pour les personnes trans, dont bon nombre font face à des obstacles lorsqu'elles cherchent à obtenir des soins généraux et des soins liés à l'affirmation du genre. Ces obstacles vont du manque de connaissances des fournisseurs sur les questions trans à la stigmatisation et au refus des soins. Une estimation des inégalités en matière de soins de santé entre les personnes trans et les personnes cisgenres au Canada a révélé que 43,9 % des personnes trans ont déclaré des besoins non comblés en matière de soins de santé au cours de la dernière année, comparativement à 10,7 % de la population cisgenre.
Nous savons que de nombreuses personnes trans sous-utilisent ou évitent complètement les services de santé, et il y a beaucoup de raisons à cela. Parmi celles qui ont accédé aux urgences des hôpitaux en exprimant un genre différent de celui qui leur avait été attribué à la naissance, 52 % ont connu une expérience négative parce qu'elles étaient trans, allant d'un langage insultant ou dégradant à un refus catégorique des soins.
Il est essentiel de comprendre ce qui empêche les personnes trans d'accéder aux soins de santé, y compris la stigmatisation, ainsi que les obstacles environnementaux, sociaux, politiques et juridiques, en vue d'améliorer la santé et le bien-être de ces personnes.
Je crois savoir que le Comité a déjà entendu des exposés qui comprenaient des données probantes sur les disparités au chapitre des résultats en matière de santé, y compris des statistiques sur les tentatives de suicide en situation de crise et les tentatives réussies, la transphobie, le manque d'accès aux soins de santé et les faibles niveaux de soutien familial et social, qui sont la principale source du risque plus élevé de suicidabilité. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je tiens à souligner que les conditions sociales qui créent ces disparités en matière de santé sont extrêmement importantes.
J'ai maintenant quelques recommandations pour améliorer la santé et les soins de santé des Canadiens trans et de diverses identités de genre.
La première est de renforcer le rôle du gouvernement fédéral pour assurer un accès équitable aux soins de santé pour tous les Canadiens trans. L'accès à des soins liés à l'affirmation du genre, comme la chirurgie et les médicaments, est limité par la variabilité du financement provincial, qui fait en sorte que ces soins sont couverts dans certaines provinces, mais pas dans d'autres. Un organisme national faisant intervenir tous les ordres de gouvernement devrait être chargé d'examiner et d'appuyer les efforts des provinces et des territoires pour servir équitablement les populations trans. Le processus devrait inclure des personnes trans ayant vécu des expériences diverses, des décideurs, des chercheurs, des fournisseurs de services et des dirigeants communautaires responsables de la santé et des services sociaux. En ce qui concerne les transferts fédéraux, les provinces et les territoires pourraient être tenus de prévoir des dispositions visant à améliorer l'accès aux soins de santé liés à l'affirmation du genre et la couverture de ces soins, ce qui, à l'heure actuelle, impose un fardeau indu aux populations trans qui, de façon générale, ont un statut socioéconomique moins élevé et font face à des obstacles plus grands au chapitre de l'emploi et, bien sûr, des prestations de santé prolongées.
La deuxième recommandation est d'éliminer la thérapie de conversion partout au Canada par des moyens législatifs. La thérapie de conversion sexuelle est une intervention visant à changer l'orientation sexuelle d'une personne pour en faire un hétérosexuel ou un cisgenre. Il est systématiquement prouvé que ce type de thérapie est inefficace, nuisible et contraire à l'éthique. Il ne devrait plus y avoir de thérapie de conversion financée par les fonds publics ou autorisée en vertu de la loi canadienne.
La troisième recommandation est de renforcer et de financer la recherche, la collecte de données et l'analyse des facteurs sociaux, économiques et politiques qui ont une incidence sur les Canadiens trans. Des données sur la santé et les services de santé trans sont essentielles pour orienter les changements de politiques et de pratiques fondés sur des données probantes dans le contexte des soins de santé au Canada. Les services informatiques et de collecte de données du gouvernement devraient rendre compte de façon inclusive des caractéristiques de genre des Canadiens et servir à remédier aux inégalités en santé. Les enquêtes et les formulaires sur la santé devraient non seulement représenter les hommes et les femmes, mais également inclure les populations non binaires, trans et intersexuées. À titre d'information, notre comité de recherche a terminé en 2019 la rédaction des lignes directrices en matière d'éthique de la CPATH concernant les personnes et les communautés transgenres. Au fur et à mesure que l'intérêt pour la recherche sur l'expérience des transgenres augmentera, ces lignes directrices en matière d'éthique devraient être prises en compte et appliquées.
La quatrième recommandation est de mettre en œuvre une stratégie nationale d'éducation à la diversité de genre. Une stratégie d'éducation nationale qui réduit la stigmatisation et favorise la compréhension de la diversité de genre, ainsi que la sécurité, la santé et le bien-être des enfants, des jeunes et des adultes trans, devrait être soutenue et financée dans l'ensemble du secteur public et dans tous les ordres de gouvernement, ainsi que dans le grand public. Une telle stratégie offre également la possibilité d'une éducation sexuelle incluant les personnes trans dans les écoles primaires et les programmes de formation professionnelle en santé dans les universités et les collèges.
Enfin, la cinquième recommandation vise à modifier l'équilibre des pouvoirs, afin de donner plus de voix et de pouvoirs aux personnes qui ont une expérience concrète et d'assurer une approche intersectionnelle. Cela signifie une planification et une conception conjointes inclusives de politiques, de recherches, d'éducation, de services et de soutiens équitables. Notre travail à la CPATH a été énormément renforcé par l'engagement et la collaboration des personnes qui vivent l'expérience trans. Pour comprendre les facteurs qui influent sur la santé et l'accès aux soins chez les personnes trans, il est essentiel de tenir compte de l'intersectionnalité. Dans le contexte trans, la stigmatisation fondée sur l'identité de genre est souvent aggravée par celle fondée sur la race, l'âge, l'orientation sexuelle, le handicap et le statut socioéconomique. Par exemple, le taux de discrimination dont sont victimes les personnes autochtones trans est plus élevé, à 36 %, que celui dont sont victimes les personnes trans de race blanche, soit 17 %. La combinaison de diverses circonstances de vie fait en sorte que les personnes trans font face à des risques supplémentaires ou à une plus grande marginalisation.
Le Canada, en tant que chef de file en matière de droits de la personne, a la possibilité et la responsabilité de faire progresser le bien-être des personnes trans ici au pays, ce qui devrait avoir des répercussions à l'échelle mondiale.
Je vous remercie, personnellement et au nom de la CPATH, de l'invitation que vous m'avez faite de présenter un exposé, ainsi que de votre étude sur la santé des personnes LGBTQ2S au Canada.
J'aimerais vous poser une question. Dans votre toute première phrase, vous avez dit que vous utilisez le pronom iel. Aidez-moi à comprendre.
Lorsque vous m'avez présenté, vous m'avez présenté comme M. Jack Woodman. Le nom Jack a une connotation masculine dans notre culture. En tant que personne non binaire, transgenre et queer, je ne me catégorise pas comme homme ou femme. Plutôt que d'utiliser « il » ou « elle », je préfère utiliser « iel », ce qui est assez courant dans notre communauté.
Vous auriez pu me présenter comme Jack Woodman. Différentes personnes utilisent différents... Certaines utilisent le titre de civilité « Mx. », mais « Jack Woodman », simplement, convient tout à fait.
Merci.
Dans ce cas, nous allons maintenant entendre Washington Silk, qui fera un exposé de 10 minutes au nom de KW Counselling Services — ou est-ce Scott Williams qui va le faire?
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité permanent. C'est un privilège de m'adresser à vous cet après-midi et de participer à cette étude historique sur la santé de la communauté LGBTQ.
Je m'appelle Washington et je suis spécialiste autorisé-e du travail social et psychothérapeute transgenre. Je coordonne un programme LGBTQ appelé OK2BME à KW Counselling Services, dans la région de Waterloo.
Je suis ici aujourd'hui avec Scott Williams, notre coordonnateur des communications et du développement, qui fait également partie de la communauté arc-en-ciel.
KW Counselling Services est un organisme qui offre des services de consultation ponctuels sans rendez-vous et sur une base permanente aux personnes, aux couples et aux familles.
En 2005, nous avons reconnu que pour mieux servir la communauté LGBTQ2+, nous avions besoin de soutien spécialisé, et c'est ainsi que le programme OK2BME a vu le jour. Nous offrons du counseling gratuit aux jeunes de la communauté arc-en-ciel âgés de 5 à 29 ans, nous avons quatre groupes de leadership et de loisirs pour les jeunes, et nous offrons des services d'éducation du public, qui comprennent un soutien gratuit et permanent à nos conseils scolaires locaux et à leurs AGH, ou alliances gai-hétéro, ainsi que des services d'éducation et de consultation à des organisations comme les services de police, les hôpitaux, les municipalités et les entreprises locales.
Nous aimerions vous faire part de certaines données pour la région de Waterloo. Nous avons la chance d'avoir ce que nous appelons l'étude « OutLook », qui est la plus vaste étude du genre au Canada et qui a porté sur les niveaux de harcèlement, de discrimination, de victimisation, de sortie du placard, de sécurité, d'isolement, d'inclusion, de santé et de soins en santé mentale chez les personnes LGBTQ2+.
Dans cette étude, nous avons constaté que 42 % des personnes transgenres et 30 % des personnes lesbiennes, gaies ou bisexuelles devaient quitter leurs amis et leur famille en raison de leur identité de genre ou de leur sexualité; que 50 % des répondants transgenres et 45 % des répondants cisgenres, gais, lesbiennes et bisexuels subissent du harcèlement verbal dans notre collectivité; que la majorité des transgenres, soit 72 %, ne se sentent pas en sécurité dans les hôpitaux, les salles d'urgence, les bureaux de médecin et les cliniques d'urgence; que 26 % des répondants transgenres ont été frappés ou battus en raison de leur identité de genre; et que la majorité des répondants, soit 73 %, ont dit qu'ils pensent qu'ils mourront jeunes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, mon domaine d'expertise est la santé mentale. En termes simples, lorsque les gens ne sont pas bien traités, ils ne se sentent pas très bien.
Vous avez déjà entendu parler de cette notion, que vous avez désignée comme le stress au sein des minorités dans votre autre rapport. Si je pouvais la résumer en une formule mathématique, ce serait l'homophobie, la biphobie et la transphobie intériorisée, additionnées à la stigmatisation, au rejet et à la discrimination attendus, puis aux expériences réelles de discrimination et de violence, avec pour résultat ce que l'on appelle le stress au sein des minorités.
Ce stress est directement lié à la détresse psychologique et au suicide. Un rapport récent a révélé que les taux de maladie mentale et de comportement suicidaire des personnes et des Autochtones LGBTQ de la région de Waterloo sont de trois à quatre fois plus élevés. C'est pourquoi nous devons changer le paysage dans notre communauté et mettre fin à l'homophobie, la biphobie et la transphobie et au stress au sein des minorités.
J'aimerais vous donner un exemple. Depuis 2005, nous avons contribué à la création de plus de 30 AGH dans la région de Waterloo, dans des écoles publiques, catholiques et privées. Comme vous le savez, les AGH sont essentielles et elles offrent des facteurs de protection psychologique, sociale et physique aux jeunes LGBTQ.
Aujourd'hui, les jeunes sortent du placard de plus en plus tôt. Je crois que cela est attribuable à l'évolution du contexte social et juridique au Canada. Les recherches indiquent que lorsque les jeunes sortent du placard, ils sont souvent victimisés par leurs pairs. Cela peut avoir des effets négatifs très durables, compte tenu de la phase de développement dans laquelle se trouvent les adolescents. Dans le cadre du travail que nous faisons dans les écoles, nous avons été surpris par les données OutLook qui montrent que la majorité des élèves LGBTQ reçoivent du soutien de leurs camarades de classe et de leurs enseignants. En fait, et malheureusement, dans la région de Waterloo, les élèves reçoivent plus de soutien à l'école que de leurs parents.
Une étude récente sur les AGH au Canada a permis de sonder le tiers des districts scolaires, et seulement la moitié d'entre eux ont déclaré avoir des AGH.
Le bien-être des personnes LGBTQ ne commence pas lorsqu'elles entrent dans le cabinet d'un médecin ou dans ma salle de thérapie; il commence à la naissance. Il est essentiel d'avoir des AGH, des ressources et de l'éducation pour soutenir les jeunes LGBTQ. Cela comprend certainement la protection de la vie privée des élèves et leur participation à ces groupes sans le consentement ou à l'insu des parents.
Notre équipe de counseling soutient de nombreux clients transgenres. Il arrive souvent que ceux qui veulent avoir recours à la médecine pour une réattribution du genre ne puissent pas obtenir les soins dont ils ont besoin de leur médecin, alors nous faisons de notre mieux pour les aider à s'y retrouver dans le système de santé et à trouver les services dont ils ont besoin.
On me demande aussi souvent d'écrire des lettres d'appui pour vérifier l'identité transgenre d'une personne avant qu'elle puisse avoir accès à des services médicaux. On appelle parfois cela une évaluation psychiatrique ou évaluation de l'état de préparation. J'ai dû moi-même obtenir une de ces lettres avant de pouvoir avoir accès à mes propres services de santé trans.
En tant que spécialiste du travail social, je trouve cela très bizarre. En aucun autre cas, vous n'avez à écrire une lettre pour obtenir les soins médicaux dont vous avez besoin en Ontario. Comme les autres services de santé, les services de santé trans doivent fonctionner selon un modèle de consentement éclairé. À l'heure actuelle, trop de gens doivent faire des pirouettes pour prouver à des professionnels cisgenres, comme des travailleurs sociaux ou des médecins qui manquent de formation, qu'ils sont suffisamment trans pour recevoir les soins médicaux dont ils ont besoin. Il faut que cela change.
Des services de soins trans efficaces comprennent l'approche du consentement éclairé axée sur le patient d'abord. Ce n'est pas à moi ou à un médecin de décider de l'identité de genre d'une personne, surtout lorsque les recherches indiquent que ce sont les clients transgenres qui informent leur médecin — à 48 % — ou leur fournisseur de soins en santé mentale — à 53 % — au sujet des problèmes de santé trans, en partie parce que la santé trans n'est pas incluse dans la formation traditionnelle des fournisseurs de soins médicaux ou de soins en santé mentale.
Nous devons investir dans le bien-être de nos jeunes et de leurs familles.
J'aimerais vous raconter une anecdote à mon sujet. Quand j'avais 12 ans, j'ai demandé à mon frère s'il m'aimerait encore si j'étais gai, et il m'a répondu non. Comme vous pouvez l'imaginer, je n'en ai plus parlé. Après mes études universitaires, de retour à la maison, j'ai décidé que j'allais en parler, alors je lui ai dit. Il a pris une grande respiration et s'est tourné vers moi et a répondu: « Moi aussi ». Cela signifie que nous avons vécu des décennies en silence. Nous n'avons pas pu partager une grande partie de ce que nous étions l'un avec l'autre, et ce n'est pas parce que notre communauté était particulièrement homophobe ou transphobe, mais parce que nos identités n'existaient tout simplement pas; on nous a effacés. Il n'y avait pas de ressources pour mon frère, pour ma famille ou pour moi, et mon histoire n'est pas unique.
À mon avis, l'une des pires statistiques, mais pas la plus surprenante, qui ressortent de l'étude OutLook, est que la majorité des personnes LGBTQ ont prétendu être hétérosexuelles ou cisgenres. Elles ont effacé leur identité pour pouvoir fonctionner ou se sentir en sécurité dans leur communauté. Je ne veux pas qu'un autre jeune doive effacer son identité pour pouvoir obtenir les soins médicaux dont il a besoin, pour aller à l'école, pour se sentir en sécurité ou pour trouver un emploi.
Nous devons faire progresser cette idée du soutien et des possibilités pour les jeunes LGBTQ partout au pays, afin qu'ils puissent non seulement survivre, mais aussi s'épanouir. Cela signifie qu'il faut au moins interdire la thérapie de conversion partout au Canada. Nous devons veiller à ce que les préposés à la protection de l'enfance et les fournisseurs de soins médicaux et de soins en santé mentale aient la formation et les ressources adéquates pour soutenir efficacement les jeunes LGBTQ et leurs familles.
Les soins de santé destinés aux personnes transgenres doivent fonctionner selon un modèle de consentement éclairé, axé sur le patient d'abord. Nous avons besoin du soutien des AGH dans toutes les écoles du pays, de contenu LGBTQ dans le programme scolaire et d'information complète sur la santé sexuelle.
C'est avec fierté que je peux affirmer que nous travaillons à changer la situation en matière d'homophobie, de biphobie et de transphobie dans la région de Waterloo, sachant que le simple fait d'offrir des services de counseling dans notre collectivité ne suffit pas. Nous devons aussi changer la façon dont les gens sont traités, afin d'améliorer leur bien-être général. Nous savions que nous devions nous impliquer dans notre collectivité, auprès de nos écoles, de nos policiers, de nos médecins et de nos entreprises, afin d'essayer de créer un milieu de vie où personne n'est laissé pour compte.
Malheureusement, une grande partie de ce que nous faisons dans le cadre du programme OK2BME est précaire, car notre financement n'est pas constant ni sûr. Je ne sais pas à quoi ressemblera l'avenir de mon programme sans un soutien et des ressources adéquats. Je sais toutefois que notre approche holistique a été profitable pour notre collectivité, et il s'agit de ma dernière recommandation au Comité.
Tout simplement, nous devons changer nos services existants, de la collecte de données au système de soins de santé dans son ensemble, afin de cesser de créer des obstacles et des environnements où les gens sentent le besoin de cacher ou d'effacer qui ils sont, ou pire, n'obtiennent pas les soins dont ils ont besoin. Nous pouvons modifier nos processus de collecte de données, mais si les gens ne se sentent pas suffisamment en sécurité pour affirmer qui ils sont, le changement de système ne pourra pas régler le problème à lui seul. Cela s'applique aussi aux hôpitaux.
Dans la région de Waterloo, et je soupçonne que ce n'est pas différent dans le reste du pays, nous savons que 26 % des personnes transgenres ont évité de se rendre à l'urgence alors qu'elles avaient besoin de soins, en raison de leur identité de genre. Nous devons commencer à apporter des changements au système, en vue de soutenir efficacement les personnes LGBTQ, afin qu'elles se sentent en sécurité et soutenues dans tous les secteurs.
Notre programme OK2BME est un excellent modèle holistique de changement. J'aimerais vous dire qu'au cours de la dernière année, nous avons contribué à l'installation de passages pour piétons arc-en-ciel à Kitchener et à Waterloo, offert du counseling à 454 personnes, familles et couples, et fait profiter 5 149 personnes de notre groupe de jeunes, ainsi que de nos services d'éducation publique et de consultation, tout cela avec très peu de financement et grâce à une équipe dévouée.
Enfin, je tiens à dire que la communauté LGBTQ est incroyablement diversifiée sur le plan des possibilités et des inégalités. Cela signifie que les nouveaux arrivants racialisés, bispirituels, LGBTQ, de même que les personnes qui vivent en milieu rural, peuvent être encore plus marginalisés et touchés de façon disproportionnée par l'absence de soins de santé et de services en santé mentale adéquats. Des consultations, des mesures de soutien et des ressources ciblées seront nécessaires pour soutenir efficacement ces groupes.
Merci de l'invitation qui nous a été faite de participer à cette consultation. J'espère que vous continuerez de collaborer avec les membres de la communauté LGBTQ, dans le cadre de la démarche que vous poursuivez en vue d'améliorer la vie des Canadiens LGBTQ.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à Lorraine Grieves et Quinn Bennett, de la Provincial Health Services Authority. Vous avez 10 minutes.
Je vous remercie de l'invitation qui nous a été faite de comparaître devant vous aujourd'hui. Nous sommes très reconnaissants d'avoir eu l'occasion de venir ici de Vancouver, en Colombie-Britannique, où nous travaillons tous les deux sur des territoires autochtones non cédés des nations Squamish, Musqueam et Tsleil-Waututh.
Je m'appelle Lorraine Grieves, et je suis la directrice du programme provincial de Trans Care BC.
Je m'appelle Quinn Bennett, et je suis responsable des réseaux de soutien communautaire et par les pairs de Trans Care BC. Je viens également des terres ancestrales de mon peuple, les Micmacs de la côte Ouest de Terre-Neuve. Je suis une personne transgenre et bispirituelle qui vit en Colombie-Britannique.
Je me sens très privilégiée d'être la directrice de ce programme, en tant que Crie-Métisse et Britanno-Colombienne. Je m'identifie aussi comme bispirituelle, et je suis le fier parent d'un jeune de 29 ans.
Nous vous avons remis un mémoire, qui contient 10 recommandations, et nous allons nous concentrer aujourd'hui sur la santé et le bien-être des transgenres, des personnes de diverses identités de genre, des transgenres autochtones et des personnes bispirituelles au Canada.
Trans Care BC est un programme qui a été créé en 2015 et qui est financé par la province. Nous avons le mandat de coordonner et d'améliorer les services de santé et de bien-être trans dans toute la province de la Colombie-Britannique. Le programme, le premier du genre au Canada, a été mis sur pied pour créer des options de soins de santé opportunes et pertinentes pour les personnes transgenres de la Colombie-Britannique et apporter des améliorations.
Le travail de Trans Care BC a été guidé par l'expertise de ceux qui ont vécu l'expérience de l'accès aux soins liés à l'affirmation du genre, ainsi que des fournisseurs de soins de santé et des chercheurs. Trans Care BC met l'accent sur le renforcement de la capacité du système de santé, la formation des fournisseurs de soins et l'amélioration de l'accès aux soins axés sur la personne et à proximité du domicile.
Comme d'autres témoins vous l'ont probablement dit, la diversité de genre est un élément naturel de la diversité humaine qui a toujours existé, peu importe l'époque ou la culture. Nous utilisons aujourd'hui le mot trans comme terme générique pour inclure un large éventail de personnes qui perçoivent leur genre différemment des attentes liées au genre qui leur a été attribué à la naissance.
On nous demande souvent combien de personnes sont trans. C'est difficile à estimer. Toutefois, la prévalence estimée continue d'augmenter. Comme Jack l'a mentionné plus tôt, 12 % des milléniaux s'identifient comme étant trans ou non binaires d'après une enquête américaine. Trans Care BC utilise un taux de prévalence de 1 % à 3 %, et estime que de 0,3 % à 0,6 % des personnes ont besoin d'une intervention médicale liée à la transition de genre. Même sur la base d'estimations de la prévalence prudentes comme celles-là, le nombre de personnes trans au Canada s'élève à des centaines de milliers. Bien que de nombreuses personnes transgenres n'ont pas besoin d'interventions médicales sexospécifiques pour vivre confortablement dans leur genre, celles pour qui cela est nécessaire font souvent face à de grandes difficultés lorsqu'il s'agit d'accéder aux soins nécessaires.
Des chercheurs canadiens ont documenté des taux élevés de harcèlement et de violence envers les adultes trans. Une enquête nationale sur les jeunes transgenres a révélé des résultats inquiétants concernant la santé mentale, le soutien psychosocial et l'accès aux soins. De nombreuses personnes trans au Canada affichent des résultats positifs au chapitre de la santé, ce qui peut être attribué à de solides réseaux de soutien et à l'accès à des services de soins de santé, d'éducation, d'emploi, de logement et autres. D'autres n'ont pas le soutien dont elles ont besoin pour s'épanouir. La marginalisation fondée sur le genre peut être amplifiée en raison des oppressions intersectionnelles qui sont liées à des facteurs comme la race, l'origine ethnique, la classe sociale et l'âge.
Il faut intervenir à plusieurs niveaux pour s'attaquer aux déterminants sociaux de la santé de tous les Canadiens trans. En nous fondant sur notre expertise et notre expérience de l'amélioration des services de santé pour les personnes transgenres dans les collectivités, ainsi que sur les commentaires que nous recevons des personnes à qui nous offrons des services, nous avons des recommandations à faire sur les façons dont les décideurs canadiens peuvent améliorer la santé et le bien-être des personnes transgenres au Canada.
En Colombie-Britannique, il a été essentiel de mener des travaux sur les politiques, la planification des services et l'élaboration de ressources éducatives en incluant les personnes qui ont vécu une expérience trans, en les consultant et en collaborant avec elles directement. Cela comprend les jeunes, les adultes, les parents, les fournisseurs de soins, ainsi que les communautés transgenres et bispirituelles autochtones. Il y a beaucoup d'autres populations au sein des communautés trans qui ont besoin de services de planification et de ressources adaptés. Il s'agit des réfugiés et des nouveaux arrivants, des personnes handicapées, des personnes neurodiverses et d'autres personnes qui font face à des obstacles plus grands pour obtenir des soins, en raison de leurs identités uniques et intersectionnelles et des contextes sociaux dans lesquelles elles vivent. La compréhension des divers parcours des personnes trans en matière de soins a été essentielle à notre travail, étant donné que nous nous attaquons aux disparités et aux inégalités les plus importantes en matière de santé.
Grâce à des comités directeurs, des groupes de discussion, des comités consultatifs, des sondages et des projets de recherche, nous avons trouvé de multiples façons de mobiliser et d'inclure tout un éventail d'intervenants dans la conception conjointe des travaux que nous menons. En faisant participer ceux qui ont vécu une expérience au niveau local, nous avons pu adapter nos plans d'action le plus possible aux besoins qui ont été cernés. Nous recommandons que les travaux entrepris pour améliorer la santé des personnes transgenres dans n'importe quel secteur de compétence fassent intervenir les personnes directement touchées, y compris les personnes transgenres et leurs proches ayant des expériences de vie diverses. Les familles et les proches apportent une contribution essentielle au processus de planification, tout comme les fournisseurs de soins, dans le cadre d'une approche en réseau pour la planification et la mise en œuvre.
Pour le reste de notre exposé, nous aimerions mettre en relief les enjeux liés à l'accès aux soins. Il y a beaucoup de données qui montrent que les personnes transgenres au Canada font face à des obstacles quant à l'accès aux services de base. On parle ici des soins de santé en général, de l'emploi, de l'éducation, du logement et ainsi de suite. L'accessibilité des services pourrait être améliorée si on n'imposait pas d'exigences particulières pour les changements de noms et de marqueurs de genre, si on invitait les gens à déterminer eux-mêmes leur genre et les pronoms qu'ils utilisent, si on supprimait les marqueurs de genre des pièces d'identité officielles, si on fournissait des soins liés à l'affirmation du genre aux personnes incarcérées et si on ajoutait l'identité de genre et l'expression de genre aux codes des droits de la personne. De nombreux Canadiens trans profitent de ces changements de politique; toutefois, il subsiste des inégalités en raison des différences entre les lois provinciales et territoriales et du manque d'uniformité dans l'application des politiques.
Des travaux poussés sont nécessaires pour examiner les facteurs liés à l'inclusion et à la sécurité culturelle des transgenres dans tous les ordres de gouvernement et à tous les niveaux des services publics. De nombreux groupes font ce travail avec un financement et un soutien limités. Dans le cadre de notre programme, nous avons élaboré des modules d'apprentissage en ligne gratuits pour commencer à répondre aux besoins en matière d'éducation liés à ces travaux. Nous reconnaissons qu'il ne s'agit là que d'un début et que cela se limite à la Colombie-Britannique. Nous recommandons que des fonds appropriés soient affectés au système public, afin d'appuyer l'évaluation des besoins, la sensibilisation à la sécurité culturelle et les mesures visant à améliorer l'accessibilité.
Nous aimerions maintenant parler des soins et des mesures de soutien sexospécifiques. Comme les personnes de tous les genres, les personnes transgenres et de diverses identités de genre ont besoin d'avoir accès à des services de soutien primaires et à d'autres services de santé de base. Cet accès peut être amélioré par la formation et le soutien du système de soins existant, en vue de l'acquisition de compétences et de l'obtention de soins plus sécuritaires culturellement. Certaines personnes trans ont besoin de soins de santé sexospécifiques liés à leurs objectifs de transition ou d'affirmation du genre. Cela peut comprendre l'hormonothérapie, le counseling de soutien lié à la transition, les chirurgies affirmatives du genre, l'entraînement vocal et l'évaluation de certaines des interventions les plus irréversibles.
Les personnes transgenres qui ont besoin de soins de santé sexospécifiques, comme l'hormonothérapie ou les chirurgies affirmatives du genre, font souvent face à des obstacles à ces soins. La stigmatisation, la discrimination et les préjudices fondés sur le genre dans notre système de santé les amènent à éviter d'avoir recours aux soins et contribuent directement aux disparités en matière de santé. Il faut améliorer l'accès en temps opportun aux soins endocriniens, chirurgicaux et psychosociaux, ainsi qu'au soutien par les pairs, pour les personnes transgenres et leurs familles. Pour que ce dossier évolue de façon mesurable, nous croyons qu'une stratégie est nécessaire. Nous avons eu la chance d'avoir les ressources nécessaires pour agir globalement en Colombie-Britannique.
Pour permettre des améliorations à l'échelle nationale, nous suggérons que les initiatives qui sont entreprises à l'échelle fédérale soient financées. On pourrait par exemple travailler avec un groupe comme la CPATH pour créer un réseau national bien soutenu d'organismes de coordination provinciaux et territoriaux ou de fournisseurs de services et de programmes clés responsables des travaux en matière de santé trans. Ces groupes pourraient comprendre Trans Care BC et Santé arc-en-ciel Ontario. Il existe des forces dans chaque province. Il serait très utile de pouvoir en tirer parti pour améliorer les soins partout au pays. Le réseau national, avec le soutien des pairs et du financement, pourrait contribuer à créer un cadre ambitieux ou des normes nationales pour appuyer le travail des provinces et des territoires, afin de veiller à ce que les populations trans soient servies équitablement partout au Canada.
Enfin, nous voulons souligner les besoins diversifiés des enfants et des jeunes trans et de leurs familles.
L'aide psychosociale, le soutien par les pairs et l'accès aux soins de santé sont des déterminants clés de la santé des enfants et des jeunes transgenres et de diverses identités de genre. Nous savons, d'après les recherches, que de nombreux jeunes pensent qu'ils ne peuvent pas informer leurs fournisseurs de soins de santé de leur genre s'ils sont trans ou non binaires. Pire encore, ils sont parfois victimes de discrimination latente dans les milieux de soins, ce qui les déconnecte des soins pour l'avenir.
Les fournisseurs de services qui travaillent dans le domaine de la santé trans partout au Canada ont discuté de l'augmentation des demandes de soins de la part des jeunes transgenres, de ceux en questionnement et de leurs familles. De nombreux fournisseurs ont vu le nombre de demandes qu'ils reçoivent tripler, voire quadrupler, et ce, depuis un an ou deux seulement.
Tous les jeunes ont besoin de soins et de services de santé qui les soutiennent. Un nombre plus petit, mais non négligeable, de jeunes ont besoin d'avoir accès à des interventions médicales affirmatives de genre, et bon nombre d'entre eux se heurtent à des obstacles lorsqu'ils tentent d'accéder à ces soins.
La recherche démontre le rôle crucial que joue le soutien des parents et des familles dans la vie de ces jeunes. Bien que de nombreuses familles soutiennent leurs enfants, certaines ont de la difficulté à comprendre et à accepter leur genre. Dans certains cas, le rejet par la famille mène à l'itinérance et à d'autres problèmes de santé.
Tous les types de services de soutien sont nécessaires pour les enfants, les jeunes et les familles tout au long de leur parcours. Le monde occidental est généralement construit pour les personnes cisgenres, et les préjugés et les préjudices que cela entraîne sont bien documentés dans les ouvrages publiés.
En raison de cette stigmatisation, lorsque les jeunes transgenres ne sont pas soutenus, ils font face à des taux plus élevés de problèmes de santé mentale, comme la suicidabilité, l'anxiété et la dépression. Lorsque ces jeunes sont aiguillés vers des mesures de soutien opportunes et efficaces, bon nombre de ces problèmes semblent s'atténuer.
Le counseling et le soutien par les pairs sont des interventions peu coûteuses et à fort impact, essentielles pour améliorer la santé et le bien-être des enfants, des jeunes et des familles.
Il faut une plus grande participation des jeunes et des parents pour orienter les approches interministérielles, afin de s'assurer que les politiques, l'éducation, les services et le financement nécessaires sont en place pour soutenir les enfants et les jeunes transgenres et de diverses identités de genre dans tous les environnements, y compris le foyer, la famille, les services de soins de santé, les services sociaux, d'autres services gouvernementaux, l'école, les services communautaires et les programmes de soutien par les pairs.
De nombreux programmes destinés aux enfants et aux jeunes transgenres, ainsi qu'à leurs familles, ont émané de services existants qui n'avaient jamais été prévus au départ pour servir cette population. C'est pourquoi bon nombre d'entre eux ne suffisent plus à la tâche et manquent de ressources. Par conséquent, les enfants, les jeunes et les familles ont de la difficulté à avoir accès à des soins en temps opportun et, souvent, ils doivent parcourir de grandes distances pour avoir accès à des soutiens plus spécialisés.
Il est essentiel que les enfants et les jeunes transgenres puissent avoir accès à des services plus près de chez eux, en temps opportun, et cela peut leur sauver la vie. Il est absolument prioritaire de répondre à ce besoin à l'échelle nationale.
En résumé, nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Nous avons eu la chance de pouvoir faire ce travail à l'échelle provinciale, et c'est avec plaisir que nous vous ferons part des leçons que nous en avons tirées. Vos questions au sujet de notre exposé ou du mémoire que nous vous avons remis sont les bienvenues.
Merci.
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité permanent, je m'appelle Sarah Chown. Je vis sur les terres ancestrales non cédées des Salish de la côte, et j'utilise le pronom elle.
Depuis 2015, je travaille pour YouthCO, un organisme dirigé par des jeunes qui s'attaque aux répercussions de la stigmatisation liée au VIH et à l'hépatite C. Nous avons recours à l'éducation et au soutien par les pairs pour établir des liens avec les jeunes Autochtones, les jeunes vivant avec le VIH et l'hépatite C, et les jeunes queer et trans.
La mission de notre organisation est de lutter contre le VIH et l'hépatite C, et nous constatons que ces virus touchent de façon disproportionnée de nombreuses personnes de la communauté LBGTQ2. Pour lutter contre le VIH et l'hépatite C, nous devons nous occuper de l'état de santé et du bien-être plus général des jeunes queer et transgenres. C'est ce qui m'amène ici aujourd'hui.
Cet après-midi, je vais parler des expériences des jeunes gais et transgenres qui participent à nos programmes. Il arrive parfois aussi que ces jeunes soient autochtones ou qu'ils vivent avec le VIH.
Auparavant, toutefois, je dois vous faire part de ma première recommandation, à savoir que cette étude doit tenir compte des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. Plus précisément, conformément à l'appel à l'action 18, le Comité doit reconnaître l'impact de la colonisation sur la santé des peuples autochtones aujourd'hui, et mettre en application les droits des Autochtones en matière de soins de santé. Le Comité devrait chercher à faire participer de façon continue les Autochtones queer, trans et bispirituels, c'est-à-dire, à tout le moins, intégrer le narratif et la recherche LBGTQ2 émanant des peuples autochtones.
Beaucoup d'Autochtones sont queer et transgenres, et cette réalité existait avant même d'être désignée par des mots. Dans l'acronyme LBGTQ2, le 2 signifie « bispirituel », un terme introduit en 1990. La chercheuse métisse Chelsea Vowel nous dit que le terme a été choisi par les peuples autochtones comme concept « panautochtone » [englobant] l'identité sexuelle, de genre ou spirituelle. Il ne remplace pas les termes et les enseignements propres à chaque nation autochtone, pas plus qu'il n'est utilisé par tous les Autochtones qui sont queer et trans pour se décrire.
Lorsque nous parlons des jeunes Autochtones, nous devons nommer les formes passées et, ce qui est tout aussi important, continues de la colonisation. Dans ce que l'on appelle maintenant le Canada, la colonisation a privé des générations de jeunes de la possibilité d'apprendre à l'intérieur de leurs familles et de leurs collectivités. Sans ces possibilités, certaines collectivités ont perdu les connaissances précoloniales du rôle des personnes bispirituelles ou des mots existants dans leur langue pour décrire ces identités. À leur arrivée, les puissances coloniales ont imposé la transphobie, l'homophobie et la biphobie manifestes, la croyance selon laquelle il est inacceptable d'avoir des rôles s'écartant du modèle occidental homme-femme, et la croyance selon laquelle les gens ne peuvent être qu'hétérosexuels et cisgenres. Ensemble, ces concepts peuvent être appelés « cissexisme et hétérosexisme ». Les deux renvoient à des préjugés envers les personnes queer et transgenres. C'est à cause de ces croyances que les colonisateurs ont persécuté aussi activement les personnes bispirituelles.
Par conséquent, les jeunes Autochtones d'aujourd'hui ne savent peut-être pas que les personnes bispirituelles jouaient un rôle important dans la vie des Autochtones de nombreuses collectivités, et ils n'ont peut-être pas de modèles de personnes bispirituelles. L'accès limité à la communauté et aux enseignements bispirituels peut susciter l'isolement et avoir des répercussions directes sur la santé mentale. Sans le soutien de la communauté et des services de counseling adéquats, la toxicomanie et le suicide peuvent devenir des options concrètes pour les jeunes. Pris ensemble, ces facteurs structurels et ces inégalités en matière de santé façonnent une syndémie, un entrelacement de problèmes de santé qui se renforcent mutuellement, qui aggrave l'impact de n'importe lequel de ces facteurs pris isolément et contribue au nombre disproportionné de jeunes queer, transgenres et bispirituels qui meurent de façon précoce chaque année, que ce soit par suicide, par suite d'une infection au VIH non traitée ou parce qu'ils disparaissent ou sont assassinés.
Je recommande donc que le gouvernement fédéral fournisse toutes les ressources nécessaires aux collectivités autochtones pour qu'elles puissent réagir aux intersections de la colonisation, du cissexisme et de l'hétérosexisme. En tant que personne non autochtone, j'espère qu'en énonçant certains de ces besoins, j'inciterai le Comité à poursuivre ses travaux pour entendre directement un plus grand nombre d'Autochtones queer, trans et bispirituels.
Autochtones ou non, trop de jeunes queer et transgenres ne reçoivent pas d'information pertinente sur leur santé. L'an dernier, mes collègues Ghada et Avery ont mené une enquête auprès de plus de 600 élèves du secondaire dans plus de 80 collectivités. Nous avons entrepris ce travail parce que nous soupçonnions que de nombreux jeunes n'obtenaient pas les renseignements dont ils avaient besoin pour prendre des décisions éclairées au sujet du VIH.
Ce que nous avons appris est décevant. Quarante-cinq pour cent des étudiants nous ont dit que leur éducation sexuelle ne reconnaissait même pas l'existence de leur identité sexuelle et de genre. Concrètement, cela signifie que de nombreux élèves entendent uniquement parler de relations sexuelles impliquant un pénis et un vagin, qui ne représentent pas les seules relations sexuelles possibles pour les personnes queer et transgenres. En outre, ce n'est pas le type de relations sexuelles à l'origine de la plupart des nouveaux cas de VIH en Colombie-Britannique. L'hétérosexisme et le cissexisme signifient que de nombreux éducateurs ne sont pas outillés pour parler de relations sexuelles de façon pertinente pour tous leurs élèves, ce qui a pour conséquence que beaucoup de jeunes queer et transgenres n'obtiennent pas d'information sur les relations sexuelles mieux protégées.
Dans le cadre de notre sondage, 84 % des élèves ont convenu que l'école est un endroit important pour faire de l'éducation sexuelle, et ils nous ont dit qu'ils voulaient une éducation sexuelle normalisée, pertinente à leurs expériences et offerte par une personne bien renseignée et capable de créer des espaces plus sûrs. Par conséquent, je recommande que le gouvernement fédéral mette en œuvre les lignes directrices canadiennes de 2019 pour l'éducation en matière de santé sexuelle et qu'il finance des cours et des campagnes communautaires d'éducation sexuelle afin de contourner la mosaïque actuelle d'éducation sexuelle au pays.
L'hétérosexisme et le cissexisme signifient également que l'information sur la santé ne s'adresse pas aux personnes queer et transgenres et que ces personnes ne sont pas toujours comptées dans les données de recherche et de surveillance. Sans cette information, les organisations comptent sur les personnes queer et transgenres dans nos programmes et sur nos équipes d'employés pour fournir cette information à partir de leur propre expérience.
Chez YouthCO, cette façon d'obtenir de l'information signifie que nous avons omis des faits et un contexte propres aux jeunes transgenres, non binaires et bispirituels en ce qui concerne le VIH et l'hépatite C. Une façon de combler nos lacunes dans ce domaine est de préconiser que la recherche inclut ces jeunes. Sans cette recherche, les jeunes transgenres, non binaires et bispirituels ne sont pas représentés dans les données que les gouvernements utilisent pour financer les interventions et les services. Je recommande que le gouvernement fédéral veille à ce que les systèmes actuels de surveillance de la santé publique comptent les personnes transgenres, non binaires et bispirituelles dans le cadre éthique dont Jack a parlé.
Le gouvernement fédéral doit également veiller à ce que les personnes queer et transgenres soient informées de tous les systèmes de surveillance et des projets de recherche financés par les IRSC dans les domaines de la santé. Avec ces nouvelles données et les données existantes sur les iniquités en matière de santé des personnes queer et transgenres, je recommande que le gouvernement fédéral continue de prévoir des fonds réservés à la santé des personnes queer et transgenres au-delà du VIH.
J'aimerais maintenant parler des jeunes queer et transgenres inscrits dans nos programmes qui vivent avec le VIH. Les histoires de ces jeunes ont beaucoup de points en commun. Premièrement, dans le cadre de leurs soins de santé réguliers, ils ne reçoivent pas d'information sur le VIH ou les médicaments qui le soignent et le préviennent.
Deuxièmement, les jeunes qui cherchaient du soutien en santé mentale ou en toxicomanie n'étaient pas toujours en mesure de le trouver. Trop souvent, le soutien n'était offert que dans le cadre de programmes privés ou après une longue attente. Dans bien des cas, le soutien offert n'était pas en mesure de régler les problèmes propres aux personnes queer et transgenres. Par exemple, de nombreux établissements de traitement de la toxicomanie offrent des programmes destinés aux hommes et aux femmes et, dans ces scénarios, certains jeunes doivent choisir entre être mégenrés ou ne pas recevoir le traitement de la toxicomanie dont ils ont besoin.
L'insécurité en matière de logement et d'emploi touche de façon disproportionnée les jeunes queer et transgenres, qui sont moins susceptibles d'avoir une famille sûre à qui ils peuvent demander de l'aide. Ces facteurs peuvent nous pousser à avoir des relations sexuelles ou à consommer des substances de manière à être plus susceptibles d'entrer en contact avec le VIH. De nombreuses options de logement d'urgence sont également sexospécifiques, ce qui laisse aux jeunes le choix de déterminer s'ils seront plus en sécurité dans la rue, dans un refuge genré ou de passer la nuit comme travailleurs ou travailleuses du sexe.
Je recommande que les établissements financés par le gouvernement fédéral qui hébergent des gens, comme les établissements correctionnels, les refuges et les programmes de traitement de la toxicomanie offrent des options non sexistes et aient à leur emploi des personnes ayant reçu une formation professionnelle à l'égard des personnes queer et transgenres. Cette recommandation s'attaquerait à la syndémie qui est à l'origine des iniquités en santé chez les personnes queer et transgenres aujourd'hui.
Les jeunes queer et transgenres qui vivent avec le VIH craignent de ne pas pouvoir se payer des médicaments contre le VIH s'ils quittent la Colombie-Britannique. C'est l'une des raisons pour lesquelles je recommande au gouvernement fédéral de mettre en place un programme national d'assurance-médicaments. Ce programme doit garantir l'accès aux médicaments contre le VIH ainsi qu'aux médicaments favorisant l'affirmation du genre, comme l'hormonothérapie.
Dans le cadre de notre travail chez YouthCO, nous rencontrons des gens qui ont encore plus de renseignements erronés que de faits sur ce que signifie être une personne queer et transgenre et ce que signifie vivre avec le VIH. Une partie de cette désinformation découle de la politique actuelle du gouvernement fédéral, comme la période d'attente pour les donneurs de sang de sexe masculin et la criminalisation de la non-divulgation du VIH. Cette désinformation alimente la stigmatisation et fait en sorte qu'il est plus difficile pour nous de parler ouvertement de notre vie et d'obtenir les soins de santé dont nous avons besoin. Tant qu'il en sera ainsi, les iniquités en matière de santé envers les personnes queer et transgenres persisteront.
Merci de votre temps. J'ai hâte de répondre à vos questions.
Merci à vous tous.
Nous allons maintenant passer à la période des questions. Avant de commencer, j'aimerais rappeler à tout le monde que notre réunion se poursuivra à huis clos à compter de 17 h 10 pour discuter des travaux du Comité.
Madame Sidhu, voulez-vous commencer?
Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être ici.
Je partage mon temps avec Shaun Chen.
Jack Woodman, vous avez dit que les services de santé doivent être améliorés en incluant les LGBTQ2. Lorsque nous avons entendu les représentants de KW Counselling Services, ils ont dit que nous devons changer la façon de faire la collecte de données.
Pouvez-vous m'expliquer quels types d'initiatives sont nécessaires?
Je vais commencer. KW, n'hésitez pas à intervenir.
Pour ce qui est des défis, souvent, dans les sondages, on nous demande d'indiquer notre sexe et on pourrait avoir simplement les options homme et femme. Comme vous l'avez entendu, cela ne tient pas compte de la diversité des genres. Parfois, les gens utilisent des termes comme « autre », mais encore une fois, il y a une grande partie de cette diversité qui vous échappe. Lorsque les gens ont l'occasion d'indiquer leur genre, c'est très utile. Parfois, des gens posent la question: « Quel était votre sexe à la naissance? », souvent une question moins pertinente que l'identité de genre.
L'autre chose qu'il y a à l'échelle nationale, quand je pense à mon vol de Porter pour venir ici ou quand on me demande de remplir un formulaire, ou dans le cas des titres de civilité et ce genre de choses, c'est que je suis obligé d'inscrire M., Mlle, Mme, ou Dr, titre que je peux parfois utiliser aussi.
Ces éléments doivent être pris en considération, surtout dans le cas des enquêtes sur la santé, parce que l'information sur le sexe peut alors être stratifiée par rapport aux résultats sur le plan de la santé. C'est vraiment l'élément essentiel: pouvons-nous stratifier cette information pour voir où il y a des disparités et des lacunes dans notre santé?
Je tiens à souligner encore une fois que la collecte de données sociodémographiques permettra d'améliorer les résultats en matière de santé et la façon dont nous offrons nos services.
Modifier le formulaire ne suffit pas si nous ne créons pas un système où les gens se sentent suffisamment en sécurité ou ont suffisamment d'information pour s'autodéclarer. Je ne savais pas ce que signifiait le mot « transgenre » jusqu'à la fin de la vingtaine. Je n'aurais jamais mis cela sur mon formulaire quand j'avais 12 ans, parce que je ne savais même pas que ce mot existait. Mon médecin ne le savait pas non plus.
Il ne s'agit pas seulement de changer le formulaire. Oui, c'est très important pour la santé, mais il faut aussi former nos médecins. Il s'agit de former les infirmières et infirmiers sur la façon d'avoir des conversations, que ce soit une partie intégrante de notre société normale, fonctionnelle de tous les jours, parce que les transgenres et les non-conformistes sexuels font partie intégrante de notre société normale de tous les jours, n'est-ce pas?
Ce que je veux dire, c'est que l'effort doit être global. Est-ce logique?
N'importe qui peut répondre à la question suivante: qu'en est-il de l'éducation? À quel âge est-ce nécessaire, quand on la donne dans les écoles?
L'éducation est nécessaire à tous les stades, depuis la garderie jusqu'à la fin de notre vie. Les jeunes deviennent des hommes et des femmes et commencent à être placés dans ces catégories dès qu'ils commencent à faire des rencontres. C'est parfois à l'hôpital. Il suffit de penser à la question que les gens posent quand un bébé naît: est-ce un garçon? Est-ce une fille?
Il faut une éducation générale à tous les stades, depuis une éducation vraiment de base jusqu'à une éducation plus spécialisée, selon le contexte.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leurs témoignages incroyables et de leur passion pour cette question.
Je sais que certains d'entre vous viennent de l'Ontario, notamment Jack, Washington et Scott. Je travaillais dans le domaine de l'éducation. Avant de venir à Ottawa, j'étais président et conseiller du Toronto District School Board.
Je sais qu'en Ontario, le gouvernement provincial a maintenant supprimé le programme d'éducation sexuelle de 2015 et, avec lui, les leçons sur l'expression sexuelle, l'identité de genre, le mariage homosexuel, les relations homosexuelles et l'orientation sexuelle. Il y a eu des groupes et des particuliers, depuis l'Association canadienne des libertés civiles aux enseignants jusqu'aux éducateurs en santé, en passant par les professionnels de la santé, les travailleurs sociaux, les parents et les étudiants, qui ont dénoncé vertement ces dernières semaines et ces derniers mois les changements imposés par le gouvernement provincial de l'Ontario.
Comme personnes qui travaillent avec la communauté transgenre et LGBTQ, pouvez-vous parler de l'incidence de ces changements dans le système d'éducation de l'Ontario sur les jeunes?
D'abord et avant tout, nous allons exposer les jeunes au stress lié à l'état de minorité. Dès le départ, on vous dit que vous n'avez pas d'importance et qu'on vous efface, ce qui est directement lié à la détresse en santé mentale et au suicide.
De plus, le nombre de demandes que nous recevons des enseignants a décuplé, parce que les enseignants ne se sentent plus capables d'appuyer les élèves LGBTQ. Ce n'est pas le bien-être de leurs élèves ou étudiants qui les préoccupe, loin de là. Ils craignent davantage de se retrouver en difficulté. Ils demandent un soutien extérieur. Nous travaillons depuis plus de 10 ans avec le conseil scolaire pour en arriver à une solution qui satisfait tout le monde, et j'ai l'impression que c'est un grand pas en arrière.
Je suis tout à fait d'accord. Ce que j'ajouterais, parce que mon organisation travaille avec des professionnels de la santé, c'est que l'éducation tout au long du parcours jusqu'à l'université et la formation professionnelle en soins de santé est essentielle, parce que le manque de connaissances chez les fournisseurs de soins de santé est tel que lorsque les personnes transgenres et de diverses identités de genre vont les voir, ils n'ont pas nécessairement les compétences et les connaissances dont ils ont besoin. En fait, l'un de mes plus grands défis de carrière a été l'élaboration du programme de chirurgie affirmative du genre au Women's College Hospital. Il est très difficile de trouver des chirurgiens à recruter et à former à ce niveau.
Absolument, nous devons en faire la promotion dans tous les programmes d'éducation. Comme Lorraine l'a dit, c'est vraiment dès la garderie que nous commençons à sexualiser les gens de cette façon.
Il a été fait mention de collectivités racialisées et autochtones. Pouvez-vous nous parler de certaines des lacunes en matière d'éducation des nouveaux immigrants et des collectivités racialisées? Comment pouvons-nous mieux promouvoir cette éducation au sein de ces groupes?
Ma question s'adresse à tous.
C'est une grande question. Je vais commencer par les collectivités autochtones, et je vais parler du contexte de la Colombie-Britannique, parce que c'est là que nous travaillons. La Colombie-Britannique compte 203 Premières Nations. Pour commencer à comprendre comment le programme Trans Care BC peut être pertinent pour les collectivités de la Colombie-Britannique, nous avons pris le temps de nous déplacer, de présenter le programme et d'essayer de comprendre en discutant directement avec les gens qui venaient nous rencontrer au sujet des recoupements entre la colonisation et le genre et de l'incidence de la colonisation sur le genre.
Une histoire me vient immédiatement à l'esprit. Nous avons eu une réunion dans une collectivité du Nord et, en route vers la réunion, une personne très en vue, un aîné de la collectivité, a été intimidée par des gens à l'extérieur du lieu de la réunion qui lui ont dit: « Pourquoi allez-vous à cette réunion gaie? Vous ne devriez pas y aller. » La séance a ensuite porté sur l'idée qu'ils viennent et parlent des questions liées aux transgenres ou à la diversité des genres — l'un d'eux était gai — et que la collectivité n'était tout simplement pas sûre de la façon de réagir au fait d'être une personne queer, transgenre, etc. C'était directement lié à la colonisation, aux histoires des pensionnats dans cette collectivité et à l'idée que le fait d'être gai était peut-être lié à des antécédents d'abus sexuels. C'est une compréhension très complexe et très locale.
Je pense que tout ce travail doit vraiment être adapté à la collectivité à laquelle il est destiné. De la même façon, dans le cas des nouveaux arrivants et des collectivités de réfugiés, les gens ont une compréhension culturelle particulière du genre et de la diversité des genres, et il y a à la fois des points forts et parfois des défis à cet égard. Il existe de nombreux exemples de diversité des genres dans le monde.
Je suis également conseillère clinique, ce que je n'ai pas mentionné. Certaines des conversations que j'ai eues avec des jeunes de divers antécédents culturels m'amènent à me demander s'ils sont au courant de la diversité des genres dans leur culture. Il y a de très bons outils en ligne et de très bonnes cartes du monde que nous pouvons explorer pour examiner l'histoire de la diversité des genres en Thaïlande, par exemple, ou ailleurs dans le monde.
Je ne pense pas qu'il y ait de réponse simple, mais c'est une question de dialoguer avec les gens avec qui nous travaillons.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Tout d'abord, je tiens à m'excuser de notre retard. Je voulais vous signaler qu'un de nos collègues, Mark Warawa, qui est le député de Langley—Aldergrove, a découvert qu'il avait le cancer, un cancer du côlon qui s'est propagé aux poumons et aux ganglions lymphatiques. Il a donc prononcé son dernier discours à la Chambre aujourd'hui, ce qui a été une très triste occasion, et c'est pourquoi nous sommes en retard.
Si vous me le permettez, j'aimerais axer mes questions sur certaines choses qui sont propres au fait d'être transgenre. Nous avons beaucoup entendu parler des problèmes de santé des LGBTQ, mais je veux voir s'il y en a qui sont particuliers et peut-être différents des autres.
Pour ce qui est de la transformation chirurgicale, y a-t-il des problèmes particuliers que les personnes transgenres éprouveraient en cas d'échec des chirurgies ou de complications que les autres ne connaîtraient pas?
N'importe qui peut répondre.
Je vais répondre à cette question.
En ce qui concerne la question chirurgicale que vous posez, il y a des complications, tout comme il y en a pour n'importe quelle intervention chirurgicale. Mais la véritable complication pour les communautés transgenres, c'est qu'il n'y a pas de soins locaux. Les gens doivent souvent quitter la province ou quitter le pays pour avoir accès à des services chirurgicaux, et lorsqu'ils reviennent, s'il y a une complication, il n'y a pas nécessairement un fournisseur, une clinique ou un service qui est en mesure de s'en occuper localement. Alors, ils devront peut-être retourner au service d'origine ou trouver quelqu'un sur place qui n'a peut-être pas cette expertise. Cela fait partie du programme que nous essayons de mettre en place en Colombie-Britannique et en Ontario, mais, bien sûr, il y aura des gens qui viennent de plus loin et qui n'ont pas cet accès.
Pour ce qui est des différents résultats en matière de santé et de ce genre de choses, il y en a un certain nombre — et je vais laisser mes collègues intervenir à ce sujet —, mais celui dont on parle souvent dans le cadre de la recherche est le suicide, qui n'est en réalité pas lié au fait d'être transgenre, parce que le fait d'être transgenre n'est pas une pathologie en soi. Mais c'est à cause de l'oppression sociale, et nous constatons que de 23 à 43 % des transgenres mentionnent des tentatives de suicide. Évidemment, le soutien mental et psychosocial de la population est essentiel.
J'aimerais simplement ajouter quelques points. Le premier est celui des temps d'attente. Les gens risquent le plus de se suicider ou de tenter de le faire lorsqu'on leur dit d'attendre. C'est un peu comme si vous étiez sous l'eau toute votre vie et que vous montiez à la surface pour prendre enfin une bouffée d'air frais, demandant à un médecin ou à quelqu'un de vous sortir de l'eau. Au lieu de cela, ils vous repoussent parce qu'ils disent qu'ils n'en savent pas assez ou que vous devez attendre. Lorsque vous êtes prêt à changer, vous avez peut-être renoncé à l'homophobie ou à la transphobie intériorisée, vous êtes prêt à être qui vous êtes, et personne n'est là pour vous. On vous dit d'attendre. Vous devez attendre deux ans, attendre six mois, aller parler à quelqu'un que vous n'avez jamais rencontré, communiquer des détails intimes de votre vie, écrire cela dans une lettre pour prouver que vous êtes bien qui vous dites être. C'est très difficile.
En fait, j'ai des statistiques locales qui me semblent très utiles. Je vais vous en présenter quelques-unes.
Quelque 76 % des personnes transgenres ont dû éduquer au moins quatre fournisseurs de soins de santé différents au sujet de leurs propres soins de santé. Je ne connais aucune autre situation qui ressemble à cela. Quelque 53 % ont dû former leurs fournisseurs de soins de santé mentale et 48 % leurs médecins de famille, 40 % le personnel de bureau et 39 % leurs psychiatres. Ce sont les psychiatres qui ont le pouvoir de vous donner le diagnostic. C'est assez grave.
Dans la région de Waterloo, nous savons que la plupart des gens ont un fournisseur de soins primaires, mais au moins 23 % des médecins ont dit ne pas savoir comment fournir ces soins. Les gens doivent donc aller ailleurs. Plus que toute autre chose, les gens évitent les hôpitaux, les salles d'urgence, les cabinets de médecins et les soins d'urgence en raison de leur identité de genre et de la façon dont ils seront traités, mettant ainsi leur vie en danger.
Vous avez mentionné les longs temps d'attente. Quel est le temps d'attente et combien de temps s'écoule-t-il entre le début de l'hormonothérapie et la fin du processus chirurgical?
Le parcours est différent pour chaque personne, alors il m'est difficile de vous répondre.
Ce parcours est très long. Certaines personnes réfléchissent longuement avant de divulguer leur orientation sexuelle et de consulter un professionnel. Elles cherchent souvent longtemps avant de trouver ce premier conseiller. Bien des gens commencent par suivre une hormonothérapie, puis peut-être au bout d'un an, de cinq ans, de dix ans — tout dépend de la personne — ils commencent à envisager la chirurgie. Certaines personnes ne la demandent jamais. Cela dépend beaucoup de la province ou de la région dans laquelle ils se trouvent, parce que l'accès n'est pas uniforme.
En examinant le parcours des clients en Colombie-Britannique, nous avons remarqué qu'ils se heurtent à plusieurs engorgements. Nous avons en fait constaté une grande variété de pratiques qui dépendent en partie de l'époque à laquelle les cliniciens ont fait leurs études. Nous avons commencé à réunir les fournisseurs et les personnes qui nécessitent leurs services afin d'uniformiser les parcours et de préciser les normes de soins.
Par exemple en Colombie-Britannique, nos patients se déplacent jusqu'à Montréal pour les interventions chirurgicales les plus complexes, comme la reconstruction génitale, puis ils rentrent chez eux. Une fois que le chirurgien reçoit la lettre d'appui, ils doivent attendre de neuf mois à deux ans pour subir l'une de ces interventions comme, disons, une vaginoplastie.
Est-ce que les résidents de provinces qui n'offrent pas ce service doivent payer les interventions chirurgicales qu'ils subissent au Québec ou ailleurs?
L'assureur provincial de la Colombie-Britannique, le Medical Services Plan, ou MSP, finance les chirurgies génitales. Il a conclu une entente avec la clinique de Montréal, dont il paie les services.
J'ai une question à poser à Sarah.
Dans le cas du VIH et de l'hépatite C, observe-t-on une incidence différente dans la population trans et dans la population globale des LGBTQ?
Voilà une question très intéressante.
Nous ne disposons pas des meilleures données pour y répondre dans le contexte canadien. Les données plus générales indiquent qu'un nombre disproportionné de femmes trans et de femmes trans de couleur vivent avec le VIH et avec l'hépatite C. Cependant, nous n'avons pas de données canadiennes indiquant cela à l'échelle nationale, parce que l'Agence de la santé publique du Canada n'a pas établi une catégorie distincte des personnes trans, non binaires et bispirituelles parmi les données de surveillance du VIH qu'elle publie.
Je tiens avant tout à remercier tous les témoins d'être venus. Je vous remercie de nous faire part de détails intimes de votre vie. Vos témoignages nous touchent profondément et nous enseignent bien des choses. J'en apprends plus à chacune de nos discussions. Vous contribuez à changer notre façon de penser. Je tenais à souligner cela.
Monsieur Woodman, je vais commencer par vous poser plusieurs questions. Dans le cas des interventions chirurgicales de changement de sexe, l'accès pour les hommes qui deviennent des femmes est-il très différent de celui des femmes qui deviennent des hommes, ou est-il à peu près le même?
Comme je le disais, à l'heure actuelle, une seule clinique au pays effectue de la chirurgie génitale, et elle se trouve à Montréal. L'Ontario se prépare à offrir la vaginoplastie, mais pas la phalloplastie. Je crois que la Colombie-Britannique offrira toutes les interventions chirurgicales des deux côtés de ce binaire.
Alors je vous répondrai que non. L'accès est médiocre pour tout le monde.
Me permettez-vous d'ajouter un commentaire à cela?
Dans le seul cas des opérations du thorax et des chirurgies mammaires, les femmes qui demandent une implantation mammaire subventionnée doivent répondre à des critères très stricts. Les hommes qui demandent une intervention thoracique ont souvent moins de peine à l'obtenir. Nous avons constaté cet écart dans notre contexte. On accorde beaucoup moins de chirurgies mammaires que d'opérations du thorax.
Merci d'avoir dit cela, madame Grieves. Je ne l'avais pas mentionné.
Je vais souligner aussi la variabilité de la prestation des services. Il est difficile de déterminer quelles provinces couvrent quelles procédures. En outre, diverses personnes ont besoin de différentes opérations. Dans le cas des interventions chirurgicales effectuées dans le haut du corps, certaines provinces couvrent des procédures plus complètes, comme la masculinisation du thorax, et non uniquement l'ablation mammaire, alors que d'autres provinces n'en offrent pas autant. La couverture varie tellement partout au pays qu'il est très difficile de s'y retrouver.
Merci. Je crois que vous venez d'indiquer que la prochaine question que j'allais vous poser n'est pas binaire du tout. J'allais vous demander quelles provinces paient ou refusent de payer les opérations de changement de sexe. Malheureusement, il serait beaucoup trop complexe d'y répondre pour chaque procédure et pour chaque province.
Le Nouveau-Brunswick.
C'est très complexe. Je vais vous remettre un document que j'ai ici. C'est une carte illustrant le financement public des soins affirmatifs du genre dans tout le pays. CPATH l'a produite en collaboration avec un syndicat. Elle est relativement sommaire à cause du très grand nombre de procédures. Il n'existe pas une intervention chirurgicale pour ceci et une autre pour cela. Il y a des dizaines de types de chirurgies, et chaque province en couvre des différentes.
Merci. Cette carte va bien nous aider.
Monsieur Silk, je voudrais vous poser deux ou trois questions. Je pensais justement à l'une d'elles en écoutant votre présentation. En général, les demandes d'identification du genre dans des documents comme les passeports et autres sont-elles aussi nécessaires qu'elles sont nombreuses? Je me demande même pour quelles raisons on pose ces questions. En faisant une demande de passeport, pourquoi devons-nous cocher cette case du formulaire? Il s'y trouve déjà la date de naissance, le nom et la photo. Vous êtes habitué à remplir ce genre de formulaires. Ces cases sont-elles vraiment si nécessaires que cela?
Je ne sais pas avec quelle exactitude cela permet d'identifier une personne. Par exemple, j'ai fait retirer l'indication de mon genre sur ma carte d'identité et bien sûr, j'en suis très content. Cependant pour voyager, même dans le Canada, je dois montrer mon passeport et cocher des cases qui ne désignent pas qui je suis vraiment.
Il serait facile de dire que ce n'est pas si important que cela, mais c'est au contraire très important. C'est irritant, à la longue.
Dans le cadre de ses enquêtes, l'organisme Trans PULSE a découvert que le fait de détenir une seule pièce d'identité indiquant le nom confirmé et l'indicateur de genre réduit le taux d'idées suicidaires de 96 %, si je ne me trompe pas. C'est un chiffre élevé, alors je serais vraiment heureux de retirer tous mes indicateurs de genre.
Quel règlement exige la révélation de l'identité de genre pour accéder à un service essentiellement public...
Je vous reviendrai plus tard pour vous poser d'autres questions, je crois, parce que mon temps de parole est limité.
Madame Grieves, vous avez utilisé le terme « neuro-différent ». Pourriez-vous nous expliquer ce qu'il signifie?
On l'utilise parfois pour désigner les personnes autistes ou celles dont le cerveau fonctionne différemment. Les documents de recherche présentent des chiffres intéressants indiquant qu'un nombre prédominant de personnes neuro-différentes ont aussi des identités de genre diverses. Parfois, cela empêche des jeunes d'obtenir des soins. Ils découvrent qu'on leur refuse l'accès à une confirmation de genre parce que, par exemple, ils ont aussi un diagnostic d'autisme.
Après avoir subi des évaluations et surmonté tous ces obstacles, ces jeunes reçoivent une confirmation de leur genre et peuvent enfin vivre avec leur vraie identité.
À l'heure actuelle, les gens qui travaillent auprès de ces jeunes font très attention à cela.
Merci.
Madame Chown, en 2015, les résultats d'une méta-analyse de 21 études de recherche menées au Canada sur la santé des jeunes LGBTQ2 indiquent que les jeunes de ces communautés sont plus à risque de tomber enceinte que les jeunes hétérosexuels.
Avez-vous une idée de la raison pour laquelle c’est le cas, et avez-vous des suggestions sur la façon dont nous pourrions régler ce problème?
Oui, c'est l'un des sujets que j'ai dû sauter pour respecter mon temps d'allocution de 10 minutes, alors je suis heureuse de cette occasion de le présenter.
À mon avis, la raison principale est le fait que les fournisseurs de soins essaient de déterminer qui a besoin de contraceptifs selon la manière dont les gens présentent leur genre et leur orientation sexuelle, et ils se trompent souvent.
Je crois aussi que, comme tous les témoins l'ont souligné, quand de jeunes allosexuels et transgenres pensent que les renseignements que leur enseignant ou leur médecin leur présente ne s'appliquent pas à eux, ils cessent d'y porter attention. Même si l'on présente la contraception d'une manière qui confirme le genre — ce qui est très peu probable, vu la médiocrité de l'éducation sexuelle dans les écoles —, ces jeunes présument qu'il s'agira de renseignements non pertinents comme ceux qu'ils viennent d'entendre, alors ils cessent d'écouter.
Monsieur Davies, votre temps est écoulé, je suis désolé.
Nous passons maintenant la parole au Dr Eyolfson.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être venus.
Pendant cette étude, nous avons entendu des témoignages étonnants et, je vous dirais franchement, alarmants pour un pays qui se targue d'être parmi les plus respectueux des droits de la personne. Certains témoins nous ont décrit des expériences terribles sur la façon dont on les a traités dans des établissements. Nous espérons améliorer cela.
Dans le contexte de ma profession, j'ai entendu parler de bien des personnes non binaires, LGBT, qui ont eu beaucoup de peine à se faire soigner ou qui ont subi de mauvais traitements. Je suis médecin moi-même; je me suis spécialisé en médecine d'urgence pendant 25 ans. J'ai été témoin de quelques-uns de ces mauvais traitements.
Ma question s'adresse à vous tous. Quelles voies... pour préconiser le changement? En avez-vous discuté avec des représentants d'écoles de médecine, d'autorités provinciales responsables de la délivrance des permis ou autres? Quelles autres solutions verriez-vous pour apporter ces changements dans les professions médicales et infirmières?
C'est exactement cela. En Colombie-Britannique, nous avons discuté avec divers ordres professionnels et avec des écoles de médecine. En partenariat avec la Faculté de médecine de l'Université de la Colombie-Britannique et en ligne, nous avons produit un ensemble de modules offerts en ligne et sur lesquels les établissements d'enseignement médical continu donneront des crédits.
Nous cherchons surtout à faire insérer cet enseignement dans les programmes de cours des étudiants pour leur signaler que ces pratiques font partie intégrante des professions de la santé.
De plus en plus, et je crois qu'un bon nombre de médecins reçoivent toujours plus de clients de ces communautés. Dans notre province, nous avons bien de la peine à répondre à la demande de formation. En fait, nous ne sommes pas assez nombreux pour offrir de la formation à ceux qui tiennent à la recevoir de nous.
En réalité, cela n'indique pas que vous n'êtes pas assez nombreux, mais qu'un plus grand nombre de personnes demandent cette formation.
Oui. Nous établissons un réseau de formation des formateurs afin de donner plus de formation, parce qu'il est important d'en présenter certains aspects en personne. Les modules en ligne ne donnent pas un enseignement complet.
Excellent.
J'ai toujours appuyé l'idée de donner plus de formation. J'ai étudié dans les années 1970, et nos écoles ne nous ont presque jamais offert de cours d'éducation sexuelle. Dès que quelqu'un mentionnait un programme d'éducation sexuelle, une foule de parents furieux envahissait l'école pour l'empêcher de pervertir leurs enfants. Cette attitude existait bien avant que nous commencions à parler d'enjeux non binaires.
Ce problème existe encore aujourd'hui. Une de mes amies enseignantes, en Colombie-Britannique, s’est fait dire tout récemment au début de l’année scolaire: « Nous ne parlons pas des gais ou de quoi que ce soit du genre. Ces sujets mettent les parents très mal à l’aise. Si un élève vous pose une question à ce sujet, dites simplement que nous n’en parlons pas ici ». C’était très récent. Je vois des hochements de tête. Malheureusement, cela ne surprend personne.
Les gens s'opposent même aux alliances gay-hétéro, les AGH. Nous savons tous ce qui se passe en Alberta à l'heure actuelle.
Je me souviens qu’au Manitoba, la province a rendu une décision obligeant les écoles à autoriser les AGH. Dans une collectivité locale, mille personnes se sont présentées pour protester en affirmant que cette décision allait à l’encontre de leurs croyances religieuses, de la croyance dominante dans cette collectivité. Je le répète, nous avons encore beaucoup de chemin à faire.
Comment affrontez-vous cette résistance? Je sais que bien des membres de la population et des parents s'opposent encore à ce que les écoles offrent ce genre d’éducation.
Nous sommes actuellement aux prises avec ce problème en Colombie-Britannique. Nous avons eu beaucoup de manifestations contre la mise en oeuvre des AGH. À notre avis, une multitude de résultats de recherche appuient ce travail. En Colombie-Britannique, nous avons un centre de recherche appelé SARAVYC. Il a été en mesure de démontrer, en établissant un lien entre les données sur la santé et la présence des AGH dans les écoles, que les résultats en matière de santé s’améliorent non seulement chez les étudiants allosexuels et transgenres, mais aussi dans la population masculine hétérosexuelle des écoles et dans la population cisgenre. Si nous pouvions dialoguer avec les gens, nous aurions des preuves convaincantes à l’appui des AGH. Certains de ces groupes ne sont pas prêts à participer à ce genre de dialogue, et c’est un problème auquel nous nous heurtons dans bien des provinces ces jours.
À mon avis, cela n'est pas un signe de progrès.
Si vous me le permettez, j’ajouterais que le gouvernement fédéral a vraiment pour rôle de créer des politiques qui normalisent l’existence de ceux d’entre nous qui sont gais et transgenres et qui nous représentent, par exemple, dans le recensement et dans d’autres documents financés par le gouvernement fédéral afin de normaliser nos identités. Le gouvernement fédéral a vraiment un rôle important à jouer à cet égard.
Les écoles servent les élèves, et 84 % des élèves de notre province veulent qu'on enseigne l’éducation sexuelle à l'école. La plupart de ces élèves ne reçoivent pas une éducation sexuelle qui représente leur identité sexuelle et leur genre. Tout ce que le gouvernement fédéral fera pour normaliser ces identités et pour fournir de l’information aux nouveaux arrivants et aux réfugiés sur les interventions chirurgicales de confirmation de genre, par exemple, contribuera beaucoup à changer cela.
Oui, merci.
Les médecins spécialistes auxquels j'ai parlé, ceux qui ont suivi une formation spécialisée en sexualité humaine et qui sont experts en la matière, m'ont dit que la notion selon laquelle on choisit de devenir gai ou transgenre a été complètement discréditée. Même si ce n’était pas le cas, on n'a pas d'excuse pour maltraiter quelqu’un. Mais ce n’est pas un choix. Les données scientifiques le prouvent. Y a-t-il encore des gens qui affirment que c’est un choix? Est-ce que ce point de vue est encore très répandu chez les membres de la collectivité avec lesquels vous discutez?
De nouveau, cette question est ouverte à vous tous.
Pas vraiment. Je pense que certains des groupes qui protestaient contre les AGH dans les écoles s'opposent aussi aux identités dont nous parlons en affirmant que c’est un choix.
Vous avez tous entendu parler de conversion ou de thérapie réparatrice. Si j'avouais que je suis transgenre, un professionnel s'efforcerait de me convaincre du contraire. Nous avons vu que ces thérapies font beaucoup de mal. L’Ontario les a rendues illégales. De nombreux organismes professionnels ont interdit ou condamné cette pratique parce que nous savons qu’elle cause beaucoup de tort. Ce n’est pas un choix.
J'espère que c'est une position minoritaire.
Je suis heureux de pouvoir dire qu’au moins ma province, le Manitoba, est l’une de celles qui interdisent la thérapie de conversion, ou du moins dans le cas des enfants. À mon avis, il faut l'interdire dans tout le pays et pas seulement pour les enfants. Je suis d’accord avec vous sur le tort qu'elle cause.
Notre série de questions de sept minutes se termine ici. Nous passons à une série de questions de cinq minutes.
Nous commencerons de nouveau par Mme Gladu.
Merci, monsieur le président.
Je vais finir de poser ma première question. Je suppose que comme le système de santé n'a pas mené d’analyses non binaires sur le VIH et l’hépatite C, il n'en a pas non plus mené sur les ITSS pour essayer de comprendre... Bon, très bien.
Ma deuxième question, alors, porte sur les personnes bispirituelles. Bien des témoins ont essayé de nous présenter la définition d'une personne bispirituelle, et nous en avons entendu tout un éventail. Madame Chown, j’aimerais savoir comment vous définissez une personne bispirituelle et ensuite, madame Grieves, vous pourriez nous présenter votre définition.
Je préférerais laisser répondre les gens qui s'identifient ainsi et qui sont dans cette salle, à moins que vous désiriez que je réponde quand même avant eux.
Bien sûr, je peux commencer. Je vais simplement vous parler, en fonction de mes enseignements et de mes propres idées, de ce que signifie pour moi le concept de la bispiritualité. Je reconnais également que c’est très différent d'une nation à l'autre et selon les connaissances que les communautés possèdent à ce sujet.
Pour moi, c’est vraiment enraciné dans mon indigénéité, le fait d’avoir une énergie, ou une force de guérison à la fois masculine et féminine que j'apporte à la communauté et aussi de me rendre compte qu’il y a des responsabilités à assumer. Dans certaines communautés, lorsque nous avons fait notre travail de mobilisation des Autochtones, nous avons visité des communautés rurales, dans les réserves, où nous avons demandé aux gens ce qu’ils savaient au sujet de la bispiritualité, ce qui se disait à ce sujet. Nous avons entendu des histoires vraiment étonnantes montrant que les personnes bispirituelles ont été perçues dans leur communauté sous un jour plus favorable, comme des gens capables de la soutenir de différentes façons.
Ensuite, nous entendons dans les communautés d'autres histoires encore plus déchirantes concernant la perte de la langue maternelle ou le manque de sécurité lorsqu'on parle de la bispiritualité, comme dans l’exemple que Lorraine a mentionné plus tôt au sujet de l’aîné qui voulait aller dans un atelier et qui en a été empêché.
À mes yeux, la bispiritualité consiste à vivre l’expérience de ces deux énergies, et à assumer des responsabilités à cet égard dans ma propre communauté.
Je dirais que le mot « bispirituel » est, en fait, un terme très simple qui représente un ensemble de concepts très complexes. Pour ce qui est de ma propre bispiritualité, j’ai retracé le fil de mes origines pour comprendre, tout d’abord, mon histoire Métis crie et voir s’il y a un mot désignant la bispiritualité chez le peuple d’où je viens. J’ai pu retracer mon ascendance jusqu’à un territoire particulier du Montana où il y a, d'après les colonisateurs qui sont venus là et qui ont fait des recherches, un mot très long que je ne peux pas prononcer, dans la communauté des Blackfeet d’où viennent mes ancêtres.
C’est un concept très complexe. Il y avait des femmes, des personnes à qui on avait assigné le sexe féminin à la naissance, qui assumaient des rôles plus masculins dans les communautés, des femmes très compétentes qui pouvaient tanner les peaux aussi vite que les hommes, qui possédaient des biens et qui ne les perdaient pas lorsqu’elles épousaient un homme. Elles avaient parfois plusieurs partenaires. C’est ainsi que les anthropologues de l’époque décrivaient ces gens bispirituels. Il y a probablement eu beaucoup de cas de ce genre avant qu'il n'en soit fait mention dans des écrits.
Chaque cas invite à faire des recherches auprès du peuple dont la personne est issue pour voir s'il y avait diverses identités de genre dans la communauté et comment cela se passait. Je pense que c’est très différent d’une nation à l’autre. C’est ce que nous avons entendu dire lorsque nous avons consulté des chercheurs sur la bispiritualité ou des personnes bispirituelles. Chaque personne autochtone et la communauté d’où elle vient constitue un cas particulier.
C’est très difficile à déterminer.
Non, c’est bien. Cela explique pourquoi il y a tant de diversité dans la définition.
Sarah, en ce qui concerne les Autochtones que nous avons entendus, l’intersectionnalité a une influence sur la façon dont les gens vivent cette situation, surtout dans la population autochtone. J’ai déjà été présidente du Comité de la condition féminine. Nous avons étudié la violence faite aux femmes et aux filles, et nous avons aussi entendu parler d’énormes problèmes de violence contre les personnes transgenres et LGBTQ.
Je me demande si vous pensez qu’il serait bon que le gouvernement ajoute cet aspect aux enquêtes et aux consultations sur les femmes autochtones disparues ou assassinées.
Au Canada, il y a des gens bispirituels qui préconisent que des personnes bispirituelles soient incluses dans l’enquête sur les femmes autochtones disparues et assassinées, parce que nous savons que c'est lié en grande partie au sexe, et les systèmes exercent une surveillance continue du genre des personnes bispirituelles. Il y a certainement une représentation disproportionnée des personnes bispirituelles dans cette situation. Je pense qu’il serait important d’en apprendre davantage à ce sujet et d’agir en conséquence.
J’ai une autre question. Elle concerne la thérapie de conversion. Dans les différentes provinces qui l’ont interdite ou qui ne l’ont pas couverte, il y a différentes définitions. Y a-t-il une définition que privilégie la communauté LGBTQ?
Pas strictement. Je pense que c’est n’importe quelle thérapie qui ne respecte pas l'identité d'une personne et qui tente de l’effacer ou de convertir cette personne à une identité cisgenre ou hétérosexuelle. Je ne suis pas au courant d’une définition générale couramment utilisée par les groupes ou les provinces.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous d’être ici.
Ma circonscription étant celle de Coquitlam, je vais me concentrer sur la Colombie-Britannique.
Je crois savoir, Lorraine, que la chirurgie génitale pourrait être disponible bientôt en Colombie-Britannique. Avez-vous un échéancier pour cela?
La clinique est censée ouvrir cet été et la chirurgie devrait commencer à l’automne 2019. Elle sera offerte par la Vancouver Coastal Health Authority.
Je pense que notre prochain défi sera de veiller à ce que les gens aient un parcours très sécuritaire et sans heurts, tant pour la chirurgie que pour le suivi. Il y a beaucoup de travail à faire sur le plan de la formation, parce que notre province est grande. Les gens qui arrivent à Vancouver viennent de nombreux endroits, et ils voyagent donc à l’intérieur de la province, mais sur de grandes distances.
Il y a aussi la question de savoir comment s’assurer que les gens reçoivent des soins de suivi sécuritaires et du soutien plus près de chez eux lorsqu’ils sont en convalescence, parce que le rétablissement est long pour les chirurgies les plus complexes; il dure de nombreux mois.
Il y a donc beaucoup à faire sur le plan de la formation et du renforcement des capacités
Vous avez dit tout à l’heure que le régime d’assurance-santé couvre les interventions chirurgicales, par exemple, à Montréal. S’attend-on donc à ce qu'il les couvre également dans cette clinique?
Elles seront couvertes, et la porte restera ouverte à Montréal, de sorte que les gens de la Colombie-Britannique auront d’autres options pour la chirurgie.
Vous attendez-vous à ce que cela incite les transgenres de l’Ouest à aller à Vancouver, plutôt que dans l’Est, par exemple?
À l’heure actuelle, ce sont les résidants de la Colombie-Britannique couverts par le régime d’assurance-santé qui auront accès au programme de Vancouver. Ce programme n’aura pas la capacité de servir les gens de l’extérieur de la province.
Comment cela va-t-il améliorer les délais que vous avez mentionnés plus tôt? Vous avez dit qu’il faut de neuf mois à deux ans, à peu près, pour que les transgenres de la Colombie-Britannique obtiennent des services à Montréal. Est-ce que cela va changer radicalement ou pas du tout?
Cela devrait changer avec le temps. Ce programme fait partie d’une stratégie chirurgicale globale en Colombie-Britannique visant à établir des temps d’attente appropriés pour tous les services chirurgicaux. Il s'intégrera dans les efforts déployés à l’échelle de la province. Il faudra du temps pour augmenter le nombre de chirurgies, mais on s’attend à ce que la norme soit atteinte peu à peu pour ces interventions. Ce sera probablement ce qu’on appelle une chirurgie de priorité 5, pour laquelle les gens ne devraient pas attendre plus de six mois à partir de la date de la consultation.
Une partie de l’annonce faite en novembre dernier par notre ministre de la Santé concernait également l’intensification de la chirurgie dans le haut du corps. Nous n’avions que deux régies de la santé qui offraient des chirurgies thoraciques et mammaires, et nous avons maintenant, au cours de la dernière année, offert ces chirurgies dans chaque région sanitaire. Nous avons maintenant 15 chirurgiens qui offrent ces soins; ce nombre est en hausse par rapport à cinq, il y a environ un an.
Quelle incidence cela aura-t-il sur le coût de l’intervention chirurgicale? Les gens n’auront peut-être pas à se déplacer aussi loin. Cela va-t-il ramener le coût à un niveau plus raisonnable pour un plus grand nombre de personnes?
Je pense que le nouveau modèle que nous aurons dans notre province entraînera très peu de coûts. Nous verrons sans doute une amélioration de la capacité de retourner au travail et moins de temps d’arrêt pour les gens. Les chirurgiens sont convaincus que les taux de complications diminueront parce que les déplacements seront limités et que les patients auront accès à leur chirurgien beaucoup plus près de chez eux pour le suivi et les soins nécessaires. Les gens pourront réintégrer la population active et reprendre leur vie en main beaucoup plus rapidement.
J’ai entendu des témoignages selon lesquels certaines personnes trans ne demandent pas de réassignation chirurgicale. Est-ce parce qu’elles n’en veulent pas, parce qu’elles ne peuvent pas l’obtenir, ou parce que c’est trop cher en général ou que cela prend trop de temps?
N'étant pas une personne transgenre, je ne peux pas me prononcer sur les raisons de chacun, mais il s’agit d'interventions complexes, surtout dans le cas des chirurgies génitales masculinisatrices. Dans le meilleur des cas, le taux de complications est assez élevé. Je pense que cela dépend de ce qui importe vraiment pour l'intéressé en ce qui concerne ses objectifs d’affirmation de genre et son plan de soins... Il s’agit d’établir un plan de soins qui fonctionne. C’est un choix très particulier pour chaque personne, et...
Est-ce que le fait d’avoir un établissement plus près de chez soi pourrait faire en sorte qu’un plus grand nombre de personnes qui ne reçoivent pas l’intervention chirurgicale maintenant pourraient l’obtenir?
Je pense que certaines personnes qui auraient dû faire face à de nombreux obstacles pour se rendre à Montréal pourront maintenant avoir accès à des chirurgies, même si pour y avoir accès, il faut avoir une vie assez stable et être capable de traverser la période de rétablissement. Il y aura peut-être une augmentation.
Si je peux profiter des quatre secondes qu'il me reste pour changer rapidement de rythme... Pour ce qui est des marqueurs de genre — homme, femme et X —, est-ce que X est un ajout acceptable? Est-ce suffisant? Vous avez également parlé d’éliminer complètement les marqueurs de genre. Est-ce la meilleure solution?
Je ne suis pas experte en la matière, mais je sais qu’il y a très peu de gens qui choisissent X comme leur marqueur de genre. De nombreux membres de la communauté m’ont dit qu’ils préféreraient voir une gamme d’options, ou l'élimination complète des marqueurs. C’est un pas dans la bonne direction. Je pense que cela nous encourage.
Comme Washington l’a mentionné tout à l’heure, si vous avez un X sur votre carte d’identité, mais que tous les systèmes et services auxquels vous essayez d’avoir accès avec cette pièce d’identité ne l’acceptent pas, cela complique encore plus l’accès à ces systèmes et services.
Chez YouthCO, en tant qu’employeur, nous avons travaillé très fort pour réduire le nombre de fois où nous recueillons ces renseignements. En fait, nous avons constaté que nous n’avions pas besoin de les recueillir pour la majeure partie du travail que nous faisons en tant qu’employeur, même si d’après mon expérience d’employé à d’autres endroits, c’est un élément clé de l’information recueillie. Je pense que le gouvernement fédéral peut également agir en tant qu’employeur en recueillant moins ces données et en offrant plus d'options aux gens.
Merci, monsieur le président.
J’espère que cette question n’offensera personne. Je vais la poser à Jack Woodman, parce que je pense qu'il sera le plus résilient à cet égard.
Si, hypothétiquement, je voulais une chirurgie mammaire, je pense que ce serait à mes frais, parce que c’est cosmétique. Si un transgenre veut avoir un implant mammaire, est-ce couvert ou non?
Pour les implants, oui. C’est une question très complexe. Par exemple, si vous êtes une femme cisgenre atteinte d’un cancer du sein et que vous voulez une chirurgie reconstructive — vous ne voulez pas seulement la mastectomie, mais aussi une reconstruction avec des implants —, cela sera couvert par votre régime d’assurance. Dans certaines provinces, la construction mammaire pour les femmes trans est couverte, et dans d’autres, elle ne l’est pas.
D’accord, très bien.
Ma prochaine question porte sur la stigmatisation. Nous savons qu’il y a beaucoup de préjugés qui empêchent les gens de demander de l’aide médicale, surtout dans la population trans. Nous avons soulevé une question intéressante lors d’une réunion précédente. Comment peut-on annoncer qu’il y a un service spécialisé pour les personnes trans, sans que les gens aient peur d’y aller, parce que c’est annoncé, et que quelqu'un pourrait s’en prendre à eux? Y a-t-il une solution en ligne qui serait préférable, ou une meilleure façon de présenter les choses?
C’est pourquoi nous sommes très enthousiastes à l’idée de former des fournisseurs de soins de santé partout, pour qu’ils soient vraiment compétents dans la prestation de ces soins, afin que ceux qui ne veulent pas avoir accès à un service spécialisé marqué « trans » puissent simplement se présenter pour avoir une conversation avec leur médecin, ou peut-être avec un conseiller dans leur collectivité. C’est ce que nous faisons en Colombie-Britannique, grâce à ce que nous appelons un modèle de consentement éclairé pour les services que les gens devraient pouvoir obtenir. En général, ils pourront se présenter et avoir au moins une première conversation avec leur omnipraticien, leur fournisseur ou équipe de soins primaires.
Bien sûr, des services spécialisés seront toujours nécessaires pour certaines personnes, mais pas pour toutes, et c'est pourquoi nous travaillons dans ce que nous appelons un cadre de services à plusieurs niveaux. Je pense que le fait de travailler à partir d’un modèle à plusieurs niveaux, de s’assurer que les services généraux sont sécuritaires et confortables, atténue vraiment le problème. De plus, pour les gens des régions rurales, ou ceux qui font face à des obstacles pour venir, certains de ces services apportent un soutien en ligne vraiment essentiel. Je pense que c’est une bonne façon pour les gens d'obtenir du soutien.
De quel genre de formation s’agit-il et combien de temps cela prend-il? Qui l’offre? Est-ce pour les médecins, les infirmières ou ceux qui font le triage?
Nous allons de l’avant avec un modèle de formation à plusieurs niveaux en Colombie-Britannique. Pour la formation de base, notre module en ligne d’une demi-heure est le plus court. C’est pour éveiller l’appétit pour ce que nous appelons les basiques trans. Parfois, nous combinons un module en ligne avec une occasion d’enseignement en direct. Nous élaborons des cheminements d’apprentissage pour les différentes parties du système de soins où la formation est nécessaire. Cela va d'une formation brève à une formation beaucoup plus longue pour les professionnels de la pratique avancée. Cela dépend vraiment du contexte et de l’intention de la formation.
En ce qui concerne les différences urbaines et rurales en matière de santé trans, mis à part le fait qu’un grand nombre de services médicaux ne sont pas offerts à ceux qui vivent en milieu rural ou éloigné, y a-t-il des mesures précises que vous nous recommanderiez de prendre pour essayer de régler le problème de la santé des LGBTQ dans les régions rurales?
Je n’ai qu’une chose à mentionner à ce sujet. Je pense que dans les communautés qui manquent de connaissances ou de sensibilisation... Je pense au commentaire que Doug a fait plus tôt au sujet de son ami enseignant qui a dit: « S’il vous plaît, ne parlez pas de cela. »
Dans de telles situations, je pense que nous essayons vraiment de trouver un champion communautaire. Il peut s’agir d’une personne âgée transgenre qui vit dans la communauté. C’est peut-être un professeur. C’est peut-être une mère qui nous appuie. C’est quelqu’un dans la communauté qui peut servir de personne-ressource, de point de contact et de soutien. Plus précisément, nous sommes vraiment préoccupés par les jeunes qui sont isolés et complètement détachés des ressources qui pourraient les aider dans leur cheminement. Je pense qu’il est vraiment important de trouver des gens dans la communauté qui peuvent être ces ressources de soutien.
Je voudrais ajouter que nous avons beaucoup de travail à faire en ce qui concerne les options virtuelles en matière de santé, et nous mettons à l’essai des soins virtuels où les gens peuvent être vus directement chez eux grâce à une plateforme privée et sécurisée, par l’entremise de l’autorité provinciale de la santé. Nous pensons que cela contribuera grandement à l’accès rural, tant que les gens auront Internet. Il y a beaucoup de collectivités en Colombie-Britannique qui n’ont peut-être pas cela non plus. Il y a beaucoup à faire.
Eh bien, c’est au gouvernement fédéral qu'il revient de mettre en place un service Internet à large bande partout au pays, et nous allons donc le faire.
Merci à tous de vos exposés. Vous êtes formidables.
Peut-on arrêter de parler de « thérapie de conversion »? C’est un commentaire, pas une question. Pour moi, le mot thérapie implique que c’est une bonne chose. La pauvre Sarah m’a beaucoup entendu le déplorer, et vous n’êtes pas les seuls à l’avoir dit. Je n’ai pas de meilleur terme, mais il est certain que si nous voulons changer la conversation à ce sujet, nous pouvons cesser de parler de thérapie.
Lorraine, vous avez beaucoup parlé de formation. Nous avons entendu d’autres témoins en parler également. Selon vous, l’Agence de la santé publique du Canada a-t-elle un rôle à jouer dans la formation des travailleurs de la santé?
Je pense que oui. Dans notre mémoire, nous recommandons que l'on travaille avec le réseau de formateurs et d’éducateurs partout au pays. Il y a beaucoup de groupes qui font ce travail, mais ils n’ont pas beaucoup de financement. Je pense que toute stratégie doit être éclairée par les forces et les ressources qui existent déjà. Je suggérerais à l’ASPC de travailler avec le réseau existant pour vraiment trouver une façon d'élargir les services.
J'ai notamment remarqué qu'un grand nombre des choses dont nous avons entendu parler dans le cadre de cette étude étaient de compétence provinciale, notamment les programmes scolaires et d'éducation sexuelle dans les écoles, et la prestation des soins de santé. J'essaie de me concentrer sur ce que le gouvernement fédéral peut vraiment faire. Je pense qu'il pourrait faire preuve de leadership en offrant cette formation de sorte que tout le monde — le système de santé — finisse par recevoir une formation par l'entremise de n'importe quel organisme.
Il y a aussi l'accès aux subventions. J'ai parlé à un organisme qui m'a dit qu'il y avait maintenant l'égalité des femmes et des genres, mais qu'il y avait peu d'endroits où présenter une demande. Vous pouvez en présenter une par l'entremise du ministère des Services aux Autochtones, mais il y a très peu de subventions pour les communautés LGBTQ et, en particulier, pour les organisations trans.
C'est tout à fait vrai. Avant l'existence de Trans Care BC, j'avais un financement fédéral de six ans pour faire ce travail, mais c'était un peu en cachette. Nous avons utilisé le volet de la prévention de la toxicomanie pour demander de l'argent afin de travailler à la création d'alliances gai-hétéro et de mesures communautaires liées à la prévention pour les LGBTQ2. Vous constaterez que de nombreux groupes qui font ce travail ont dû trouver des façons d'utiliser le flux de financement des maladies ou un autre pour se concentrer sur cette population. Nous aurions besoin de fonds destinés aux populations dont nous parlons, pour le travail général en matière de santé.
Eh bien, cela complique les choses si d'autres organisations... Nous avons réussi à augmenter le financement de certains groupes. Ce n'est jamais assez, mais...
Il y a aussi la représentation dans les essais cliniques. Hier soir, je parlais à une organisation où les femmes d'ascendance africaine ne sont pas représentées dans les essais cliniques sur le cancer du sein. Y a-t-il une représentation adéquate? Je pense en particulier aux personnes trans qui prennent des hormones et dont la physiologie — si c'est le bon mot — est différente de celle de Robert ou de la mienne. Y a-t-il une représentation adéquate dans les essais cliniques?
Jack, allez-y.
Non, il n'y a pas de représentation adéquate. Mon organisation travaille actuellement à l'application de l'optique du sexe et du genre à toutes les recherches effectuées dans le cadre de toute étude de recherche. Par le passé, cela voulait dire qu'il fallait inclure les femmes. Aujourd'hui, nous abordons la question du genre de façon beaucoup plus large, mais c'est très nouveau.
L'autre chose, c'est l'accès à un nombre suffisant de personnes pour les études sur les populations trans. Je vais insister de nouveau sur les lignes directrices en matière d'éthique pour la recherche sur ces populations, parce qu'il y a beaucoup d'éléments dont il faut tenir compte lorsque nous incluons ces personnes.
Oui, absolument, nous avons besoin d'une plus grande représentation, et nous devons également encourager les chercheurs, par l'entremise du financement, à inclure cela dans l'optique du sexe et du genre et aussi à appliquer ces lignes directrices éthiques.
Très bien. Il ne me reste que quelques secondes, et c'est une question facile. La semaine dernière, des témoins ont dit qu'il serait utile de connaître les pronoms à utiliser lorsqu'ils comparaissent devant le Comité. Je préfère « elle ». Il ne coûterait rien au gouvernement d'ajouter les pronoms s'appliquant aux témoins et aux députés lorsque vous vous adressez à nous. Pensez-vous que ce serait une bonne idée?
Je pense que cela rejoint ce que je disais tout à l'heure au sujet du rôle du gouvernement fédéral dans la normalisation de ces conversations. Si le gouvernement fédéral indiquait les noms et pronoms à chaque fois, cela amènerait beaucoup plus de gens à s'informer à ce sujet et à commencer à le faire aussi.
« Il, lui... »
Jack, quel est le pourcentage, ou combien de Canadiens vont à l'étranger pour subir une intervention chirurgicale? Je me demande simplement s'il y a un pays particulier où ils ont tendance à aller se faire opérer.
Je n'en suis pas certain. Il faudrait que je vous revienne avec le pourcentage de Canadiens qui vont...
Vous savez, ce que je peux dire, c'est qu'en Ontario, sur une période de neuf ans, les interventions à l'étranger se sont chiffrées à 10 millions de dollars. Je n'ai pas de chiffre précis, mais je peux me renseigner. Il s'agit surtout des États-Unis, mais il y a des gens qui se font opérer dans des pays comme la Thaïlande.
Cela s'adresse à n'importe lequel d'entre vous. Je me demande simplement s'il y a des pays ou des sociétés qui font mieux que nous. Je parle d'endroits où les membres des minorités sexuelles ou de diverses identités de genre vivent dans de meilleures conditions sur le plan de la sécurité, de la santé et de tout le reste. Y a-t-il un endroit que vous pourriez désigner?
Je n'ai pas grand-chose à dire à ce sujet. Je pense qu'il y a des cultures dans le monde qui font mieux que nous, où le genre est plus fluide et mieux accepté. Je ne peux pas vraiment dire que cela se traduit toujours par un statut d'emploi équitable ou ce genre de chose, non.
Pourrais-je faire un commentaire au sujet de la question que vous avez posée à propos des soins à l'étranger?
Je voulais mentionner que l'hormonothérapie ne fonctionne pas de la même façon pour les hommes trans que pour les femmes trans. En Colombie-Britannique, nous avons vu des femmes trans suggérer des choses comme la chirurgie de féminisation du visage et l'épilation du visage. D'autres interventions seraient nécessaires pour accroître la sécurité et le mieux-être. Pour ces choses-là, les Britanno-Colombiens ne sont pas financés. Malheureusement, nous voyons des femmes trans qui ont un besoin urgent de ces soins et qui se rendent dans des pays comme la Thaïlande pour subir une chirurgie de féminisation faciale, mais qui en reviennent avec de très graves complications.
C'est une question très importante à examiner.
La testostérone cause vraiment beaucoup de changements chez un homme trans — croissance des muscles, changements faciaux, augmentation de la pilosité —, alors que pour les femmes trans, l'œstrogène ne fonctionne pas parce qu'on ne peut pas supplanter la testostérone de la même façon. Il faut souvent plus d'interventions chirurgicales pour les femmes trans.
Nous avons entendu des renseignements extrêmement décevants, voire choquants, au sujet du manque d'éducation dans nos facultés de médecine et du peu de médecins... Je pense même aux collèges pour les enseignants. L'un d'entre vous a-t-il été invité à parler dans des facultés de médecine ou des collèges d'enseignants pour aider à lancer le processus d'éducation?
Je vois beaucoup de hochements de tête.
Oui, je me suis associé à l'Université de Waterloo pour organiser une conférence sur le mieux-être trans à Waterloo, à laquelle ont participé des médecins. Nous travaillons également avec nos hôpitaux locaux et nos professionnels de la santé mentale pour améliorer les soins. À cet égard, cependant, cela signifie souvent que nous devons redoubler d'efforts pour nous assurer d'offrir des programmes gratuits et accessibles et d'être là lorsque les médecins nous le demandent. Sinon, ils ne seront pas réceptifs à l'information. Les jeunes qui ont accès à des soins psychiatriques et hospitaliers nous disent souvent que ce n'est pas suffisant. Nous faisons vraiment de gros efforts pour amener les gens à nous écouter. Souvent, ils ne viennent pas vers nous.
Je tiens à dire aux témoins qu'ils sont formidables. Je pense que tout le monde est de cet avis. Vous nous aidez à comprendre, et nous ne comprenons pas. C'est un tout nouveau vocabulaire pour moi. Je suis heureux que Don Davies ait dit qu'il apprend, parce que je suis sûr qu'il apprend.
Monsieur. ... Jack a dit...
Des députés: Non.
Le président: Jack a dit...
J'apprends.
Jack Woodman a dit qu'à l'avenir les notions de sexe présumé et de comportements et identités attendus fondés sur le sexe seront désuètes et obsolètes. J'espère que vous avez raison, mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire.
Nous en sommes à notre sixième séance et les témoins sont tous très éloquents et compétents. Vous connaissez votre enjeu, votre sujet, vos défis et vos obstacles.
Au nom du Comité, je tiens à vous remercier infiniment de votre témoignage, car il est formidable. J'aimerais que ces sièges soient occupés par des Canadiens. J'aimerais simplement que tous les Canadiens puissent assister à toutes les réunions que nous avons eues, car nous avons beaucoup appris. Je sais que j'ai beaucoup appris et que c'est formidable.
Merci beaucoup au nom du Comité.
Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, après quoi nous la reprendrons.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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