HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 11 avril 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour. Bienvenue à la 139e séance du Comité de la santé, où nous poursuivons notre étude sur la santé des membres de la communauté LGBTQ2 au Canada.
Nous accueillons aujourd’hui d’excellents témoins. Du British Columbia Centre for Disease Control, nous accueillons le Dr Mark Gilbert. Du British Columbia Centre for Excellence in HIV/AIDS, nous accueillons le Dr David Moore par vidéoconférence. De la Société canadienne du sida, nous accueillons Gary Lacasse, directeur général; et du Gilbert Centre for Social and Support Services, Gerry Croteau.
Chacun de vous disposera de 10 minutes pour faire sa déclaration préliminaire, et nous allons commencer par le Dr Mark Gilbert.
Excellent. Tout d’abord, je tiens à remercier le Comité permanent de la santé de m’avoir invité à prendre la parole aujourd’hui et de consacrer les ressources du Comité à cette étude qui, à mon avis, est sans précédent au Canada. C’est un véritable signe de progrès dans la société, ainsi qu’au gouvernement fédéral. C’est un véritable honneur d’être ici aujourd’hui.
J’aimerais également souligner que je suis ici aujourd’hui sur les territoires traditionnels, non cédés et ancestraux des peuples algonquins.
Mes observations d’aujourd’hui porteront principalement sur l’amélioration de la santé sexuelle des Canadiennes et des Canadiens appartenant à une minorité sexuelle. Je suis un homosexuel, un médecin de santé publique responsable de certains services de santé sexuelle en Colombie-Britannique et un chercheur en santé publique qui se concentre sur la santé des hommes homosexuels, les tests et les initiatives numériques concernant les soins de santé sexuelle. Voilà les points de vue que je vais présenter aujourd’hui. Par contre, je tiens à souligner qu’il y a d’autres points de vue liés aux questions de santé sexuelle que vous aurez l’occasion d’entendre dans le cadre de cette étude, y compris ceux des personnes bispirituelles et des minorités de genre.
Je vais commencer par décrire certains des défis que je vois relativement à la santé sexuelle. Comme les gens dans la salle ne seront sans doute pas surpris, le fardeau des infections transmissibles sexuellement et par le sang est plus lourd chez les minorités sexuelles et de genre, et je vais les appeler les ITSS pour faire court. Cela comprend des taux élevés ou croissants de VIH et d’infections transmissibles sexuellement, les ITS, en particulier la syphilis, chez les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations avec des hommes.
L’expérience récente de l’Ontario nous montre qu’il y a encore beaucoup de résistance dans la société à l’égard de l’éducation en santé dans les écoles qui est pertinente pour les jeunes d’aujourd’hui. Même lorsque c’est disponible, c’est souvent moins pertinent pour les jeunes des minorités sexuelles et de genre.
Par ailleurs, nous savons que, souvent, les fournisseurs de soins de santé ne sont pas formés ou à l’aise pour fournir des soins de santé sexuelle appropriés aux minorités sexuelles et de genre, alors ce manque d’éducation et de formation contribue vraiment aux nombreux obstacles auxquels font face les minorités sexuelles et de genre pour avoir accès à des soins de santé sexuelle appropriés. Ces obstacles sont communs à de nombreux Canadiens, comme la distance jusqu’à une clinique, les heures d’ouverture ou les temps d’attente pour les rendez-vous. De plus, tout le monde est touché par la stigmatisation qui entoure encore le sexe et les infections dans la société, ce qui fait que les gens sont gênés de parler à d'autres de leur santé sexuelle ou que les fournisseurs de soins se sentent mal à l’aise de poser des questions.
Les minorités sexuelles et de genre font face à des obstacles supplémentaires, qui sont liés à la nécessité de parler de leur identité ou de leur orientation avec leur fournisseur de soins. Comme vous pouvez l’imaginer, beaucoup de gens craignent les réactions négatives. Ils craignent d’être jugés ou de faire l'objet de discrimination. Malheureusement, c’est trop souvent fondé sur des expériences négatives passées dans le domaine des soins de santé.
Même si, dans certains grands centres urbains — comme Vancouver, d’où je viens —, les gens peuvent avoir accès à des services LGBT très conviviaux et culturellement adaptés en matière de santé sexuelle, tous ces obstacles s’accentuent dans les collectivités rurales et éloignées.
Enfin, il y a un lien étroit entre la santé sexuelle et la santé mentale pour les minorités sexuelles et de genre. Je sais que vous avez déjà entendu beaucoup de témoins parler de santé mentale. Comme ils l’ont dit, nous savons que la stigmatisation des minorités sexuelles et de genre dans la société mène à des expériences négatives, qui ont une incidence sur la santé mentale et pourraient mener à une prévalence plus élevée de la maladie mentale.
Ces mêmes expériences négatives et problèmes de santé mentale, comme la toxicomanie, peuvent aussi mener à la prise de risques sexuels et à un risque accru d’infection. C’est un concept connu sous le nom de syndémie, ou épidémie synergique de ce genre de facteurs, et cela a été démontré par la recherche menée auprès d’hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations avec des hommes au Canada.
Toutefois, nous abordons toujours généralement la santé sexuelle et la santé mentale en vase clos. Cela nous empêche de fournir des soins complets ou de nous attaquer aux facteurs qui contribuent à une mauvaise santé sexuelle. Par exemple, en Colombie-Britannique, des recherches menées par Travis Salway, qui a témoigné devant le Comité mardi, ont montré que les membres des minorités sexuelles et de genre signalent souvent que leurs besoins en santé mentale ne sont pas satisfaits lorsqu’ils se présentent à des cliniques de santé sexuelle. Cela laisse entendre qu’il s’agit de services qui sont probablement des tribunes idéales pour réfléchir aussi à la santé mentale et qui sont un moyen de faire participer les gens à la santé mentale.
Je vais maintenant me concentrer sur ce que je crois être cinq occasions pour le gouvernement fédéral de relever ces défis.
Premièrement, je pense que les lignes directrices et les ressources nationales actuelles en matière de santé sexuelle doivent être réexaminées pour s’assurer qu’elles sont appropriées à toutes les identités de genre, comme les Lignes directrices canadiennes sur les infections transmissibles sexuellement. Comme nous avons commencé à le faire en Colombie-Britannique, il faut utiliser des approches cliniques pertinentes après la chirurgie d'affirmation de genre; Il faut délaisser les approches sexospécifiques en parlant d'hommes et de femmes ou de personnes de sexe masculin et féminin; et la nécessité d’adopter les soins tenant compte des traumatismes comme principes fondamentaux.
Deuxièmement, il faut une plus grande intégration entre la santé sexuelle et la santé mentale. L’Agence de la santé publique du Canada a publié l’an dernier le cadre pancanadien sur les ITSS. C’est en fait un bon pas dans cette direction parce qu’il s’intègre à différentes infections et reconnaît aussi l’impact des syndémies. Il ne fait aucun doute que les besoins des minorités sexuelles et de genre devraient être au centre des mesures fédérales découlant de ce cadre.
Toutefois, je pense qu’il faut aller plus loin et porter attention à la santé mentale dans ces services de santé sexuelle. Une autre façon d’appuyer cela à l’échelle nationale serait d’intégrer les évaluations de la santé mentale et de la toxicomanie, ainsi que de brèves interventions en santé mentale, dans les lignes directrices fédérales sur les ITS ou la santé sexuelle, dont on ne parle souvent pas en détail, ainsi que dans les ressources connexes destinées aux fournisseurs.
Nous savons également que les organismes communautaires qui travaillent avec des groupes de minorités sexuelles et de genre utilisent déjà des approches intégrées ou holistiques dans les domaines de la santé sexuelle, de la santé mentale et d’autres domaines de santé. Ces organismes sont aux premières lignes de la réponse de notre société à ces questions.
Les fonds fédéraux d’initiatives communautaires sont une importante source de financement pour ce travail. Au cours des dernières années, les fonds d’initiatives communautaires ont été élargis, passant du VIH à l’hépatite C. C’est bien, mais cela n’a pas été accompagné d’une augmentation du financement. Je pense que la portée de ces fonds devrait être élargie pour englober plus pleinement la santé sexuelle et la santé mentale en général, mais cela devrait être accompagné d’une augmentation du financement.
Troisièmement, j’aimerais faire fond sur les recommandations du Cadre pancanadien en matière de dépistage. Je crois que nous avons besoin d’un plus grand éventail d’approches de dépistage au Canada qui font le meilleur usage possible des nouvelles technologies de dépistage efficaces et qui permettent aux membres des minorités sexuelles et de genre de se soumettre au dépistage. Le gouvernement fédéral appuie déjà ce projet par l’entremise du service de dépistage ponctuel du sang séché du Laboratoire national de microbiologie pour le VIH et l’hépatite C, ainsi que pour l’hépatite B et la syphilis. Cela est utilisé à l’extérieur de nos milieux de soins de santé traditionnels — parfois par des fournisseurs de soins de santé — et cela a été très bien accueilli.
Ce programme devrait être élargi au Canada. Il serait également important que le Laboratoire national de microbiologie réfléchisse à la façon dont des approches similaires pour d’autres ITS comme la chlamydia et la gonorrhée pourraient également être mises en œuvre de cette façon. Par exemple, il pourrait s’agir de mettre davantage l’accent sur les échantillons autoprélevés pour les ITSS, comme les écouvillons et les échantillons de sang, qu’une personne recueille elle-même et envoie à un laboratoire à des fins d’analyse, et de mettre à jour la réglementation de Postes Canada afin de permettre l’envoi de tels échantillons par la poste. Des programmes semblables existent dans de nombreux autres pays.
Un autre aspect sur lequel le gouvernement fédéral doit se concentrer est l’homologation de nouveaux types de tests pour les ITSS, étant donné que le Canada accuse un retard par rapport à d’autres pays. Par exemple, il y a des tests rapides effectués par les fournisseurs au point d'intervention et qui donnent les résultats en quelques minutes. Nous avons un test de dépistage rapide du VIH homologué au Canada comparativement à sept aux États-Unis, et nous avons des tests canadiens rapides pour les ITSS qui sont utilisés à l’échelle internationale, mais pas ici au Canada. De même, il n’y a pas de trousse de dépistage à domicile ou d’autodépistage du VIH homologuée au Canada. C’est une approche qui a fait ses preuves dans d’autres pays et qui a donné d’assez bons résultats, qui est très acceptable et qui permet d’augmenter le dépistage.
J’imagine que la taille du marché canadien par rapport à celle d’autres pays est l’un des facteurs qui expliquent pourquoi les industries n’insistent peut-être pas pour que les produits d’essai soient homologués ici, mais je recommande que la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada, qui octroie des licences pour ces tests, examine comment un plus grand nombre de ces produits peuvent être mis sur le marché canadien. Cela pourrait se faire, par exemple, en accélérant l’approbation de tests qui ont déjà été approuvés aux États-Unis, en finançant des études canadiennes qui sont nécessaires pour valider les technologies d’essai existantes ou en offrant un accès spécial aux permis.
Quatrièmement, il y a des possibilités liées aux initiatives fédérales sur la cybersanté ou la santé numérique, qui est un domaine en pleine croissance au Canada. Des études, y compris des travaux que nous avons menés en Colombie-Britannique, ont montré que les minorités sexuelles et de genre acceptent très bien les approches en ligne ou fondées sur la technologie qui aident à surmonter les obstacles particuliers que j’ai mentionnés plus tôt en ce qui concerne l’accès aux soins de santé sexuelle. Cela a été démontré pour les interventions de prévention du VIH.
Nous l’avons vu en Colombie-Britannique, où de nombreux hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations avec des hommes ont utilisé notre programme GetCheckedOnline, qui est un programme réussi de tests sur Internet pour les ITSS. Dans le cadre de nos recherches sur cette intervention, les hommes ont signalé qu’ils appréciaient vraiment ce service parce qu’il leur donnait le contrôle des tests et qu’il leur permettait de subir des tests sans avoir à parler à un fournisseur de soins de leur vie sexuelle.
Les initiatives en matière de santé numérique traversent également les frontières provinciales, et l’accès toujours croissant à Internet donne au gouvernement fédéral la possibilité d’améliorer directement la santé. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait financer directement des initiatives nationales de santé numérique pour des campagnes visant les minorités sexuelles et de genre, comme des ressources éducatives sur la santé sexuelle qui peuvent rejoindre les jeunes partout au Canada. Cependant, il y a peu d’initiatives nationales de santé numérique ou de possibilités de recherche axées sur les soins de santé numériques pour les minorités sexuelles et de genre, ou encore, de façon plus générale, sur la santé sexuelle.
L’une des façons d’améliorer cet écart se trouve dans l’Inforoute Santé du Canada, qui met l’accent sur les investissements dans la cybersanté et la santé numérique au Canada et qui est financée par le gouvernement fédéral. Jusqu’à maintenant, les travaux d’Inforoute ont surtout porté sur les dossiers médicaux électroniques, la prévention des maladies chroniques et la santé mentale. Je recommande que les initiatives de santé numérique pour la santé sexuelle et les minorités sexuelles et de genre fassent partie des priorités stratégiques du travail d’Inforoute.
Enfin, le rôle du gouvernement fédéral dans le financement de nouvelles recherches sur la santé sexuelle des minorités sexuelles et de genre est crucial. Je reconnais que de nombreux efforts de recherche sont actuellement financés dans ce domaine, mais il y a d’autres possibilités qui devraient être envisagées. Par exemple, pour aller de l’avant avec la cybersanté ou la santé numérique comme l’une des priorités stratégiques des Instituts de recherche en santé du Canada, il pourrait y avoir un financement consacré aux minorités sexuelles et de genre.
En terminant, je remercie le Comité de chercher à comprendre les problèmes de santé des personnes LGBTQ2 au Canada, dont la santé sexuelle n’est qu’un élément. J’encouragerais le gouvernement fédéral à maintenir l’excellent précédent établi dans le cadre de votre étude en veillant à ce que les minorités sexuelles et de genre participent de façon significative à toutes les étapes de toute initiative fédérale découlant de votre étude.
Merci.
Au nom du BC Centre for Excellence in HIV/AIDS et de notre {directrice générale}, le Dr Julio Montaner, je tiens à remercier le Comité de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. Je m’appelle David Moore. Je suis chercheur scientifique au BC-CfE de Vancouver et professeur à la Faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique.
Je tiens d’abord à souligner que je suis ici sur le territoire traditionnel non cédé des Premières Nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh.
Le BC-CfE est un organisme provincial voué à l’amélioration de la santé des Britanno-Colombiens vivant avec le VIH et le sida. Le BC-CfE travaille en partenariat avec le ministère de la Santé de la Colombie-Britannique, les autorités sanitaires, les municipalités et les groupes communautaires de la Colombie-Britannique pour promouvoir des politiques et des programmes fondés sur des données probantes afin d’améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH et de protéger les gens contre l’acquisition du virus.
Comme vous l’avez déjà entendu, les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations avec des hommes — ci-après appelés « hommes gbHARSAH » — sont touchés de façon disproportionnée par le VIH et d’autres infections transmissibles sexuellement et par le sang au Canada. Malgré de grands progrès dans nos connaissances scientifiques, les hommes gbHARSAH continuent de connaître le plus grand nombre de nouveaux diagnostics du VIH chaque année parmi toutes les populations à risque. En 2016, ils représentaient 48 % des nouveaux diagnostics du VIH au Canada, même s’ils ne représentaient que de 3 à 5 % de la population masculine adulte. À l’échelle nationale, le nombre de nouveaux diagnostics chez les hommes gbHARSAH n’a pratiquement pas changé au cours des 10 dernières années. Le VIH demeure une menace fondamentale pour la santé des hommes gbHARSAH et entraîne des coûts importants pour le système de santé du Canada.
Toutefois, les progrès récents en matière de traitement et de prévention du VIH ont suscité un grand optimisme quant à l’élimination éventuelle du VIH comme menace pour la santé publique chez les hommes gbHARSAH. Le BC-CfE était à l’avant-garde du développement d'un traitement moderne contre le VIH comme moyen très efficace de prévenir le développement du sida et les décès prématurés chez les personnes vivant avec le VIH. Plus récemment, la recherche a montré que le traitement efficace contre le VIH est efficace à 100 % pour prévenir la transmission du VIH. Ainsi, près de 90 % des hommes gbHARSAH de la région métropolitaine de Vancouver qui reçoivent un traitement contre le VIH et qui ont subi une suppression virologique peuvent maintenant avoir l’assurance qu’ils auront une espérance de vie près de la normale; tout aussi important, ils ne transmettront pas le VIH à leurs partenaires sexuels.
L’expérience de la Colombie-Britannique a montré que l’accès facilité au dépistage du VIH et l’accès immédiat à un traitement gratuit chez les personnes vivant avec le VIH, ou le traitement comme prévention, connu sous le nom de « TasP », sont la clé du contrôle de l’épidémie. TasP a été adopté à l’échelle mondiale dans le cadre des cibles 90-90-90 proposées par le BC-CfE pour le déploiement mondial de la thérapie antirétrovirale. Ces objectifs proposent que d’ici 2020, au moins 90 % des personnes vivant avec le VIH auront été diagnostiquées, au moins 90 % d’entre elles recevront un traitement contre le VIH, et 90 % d’entre elles auront atteint la suppression virologique. On estime que l’atteinte des objectifs 90-90-90 entraînera une diminution de 90 % de la mortalité attribuable au sida d’ici 2020 et une diminution de 90 % des infections à VIH d’ici 2030. Les cibles 90-90-90 ont maintenant été officiellement adoptées par les Nations unies et par le gouvernement du Canada, mais la mise en œuvre du TasP au Canada a été inégale. Nous craignons de plus en plus de ne pas atteindre les objectifs 90-90-90 à temps.
Plus récemment, il a été démontré que la prise d’une combinaison de deux médicaments antirétroviraux, ou prophylaxie préexposition au VIH, connue sous le nom de « PrEP », est efficace à près de 90 % dans la prévention de l’acquisition du VIH chez les hommes gbHARSAH à haut risque d’infection. Toutefois, l’accès à la PrEP partout au Canada demeure sous-optimal. Depuis janvier 2018 en Colombie-Britannique, la PrEP est offerte gratuitement par l’entremise de BC-CfE aux résidents de la Colombie-Britannique à risque élevé de contracter le VIH. Depuis que le financement public intégral de la PrEP a commencé en Colombie-Britannique, le taux de participation a été très élevé, avec plus de 4 000 personnes, dont 98 % sont des hommes gbHARSAH, qui avaient amorcé la PrEP par l’entremise du programme à la fin de mars 2019. Par conséquent, la Colombie-Britannique affiche actuellement les taux les plus bas de nouveaux diagnostics du VIH depuis le milieu des années 1990. Nous demandons donc au gouvernement fédéral d’assurer un accès équitable et efficace aux programmes de dépistage et de prévention du VIH, avec un soutien et un accès au TasP et à la PrEP sans frais pour les personnes vivant avec le VIH ou celles qui risquent d’être infectées par le VIH.
Bien que les questions ci-dessus mettent en évidence le grand optimisme ressenti au sujet du contrôle de l'épidémie de VIH, ce n'est pas le cas pour les autres infections transmissibles sexuellement, les infections transmissibles par le sang ou les ITSS. Comme nous l'a dit le Dr Gilbert, les taux de diagnostic de l'hépatite C, de la syphilis, de la gonorrhée et de la chlamydia continuent de croître chaque année partout au pays et, encore une fois, les hommes gbHARSAH sont fortement surreprésentés dans ces épidémies. Par conséquent, nous appuyons l'élaboration et la mise en oeuvre du plan d'action du gouvernement sur les ITSS, ainsi que l'octroi de nouveaux fonds importants pour la programmation, la surveillance, l'évaluation et la recherche. Sans financement supplémentaire, nos efforts seront dilués et auront des répercussions très limitées pour les collectivités touchées.
Comme l'a mentionné le Dr Gilbert, il est maintenant entendu que les syndémies des troubles de santé mentale et des troubles liés à l'utilisation de substances jouent un rôle important dans l'augmentation de la vulnérabilité aux ITSS chez les hommes gbHARSAH. Les politiques publiques élaborées au cours des dernières décennies ont probablement permis de réduire une partie de la stigmatisation et de la discrimination auxquelles font face les hommes gbHARSAH au Canada. Toutefois, l'exposition fréquente et généralisée à la stigmatisation et à la discrimination dans les milieux scolaires, domestiques, communautaires et en ligne en raison du statut de minorité sexuelle ou de genre est encore courante et entraîne ce qu'on appelle le « stress lié à l'état de minorité ». Ce stress se reflète alors dans des taux beaucoup plus élevés de toxicomanie et de troubles de santé mentale. Comparativement aux hommes hétérosexuels, les hommes des minorités sexuelles sont quatre fois plus susceptibles de tenter de se suicider, deux à trois fois plus susceptibles de souffrir de dépression et d'anxiété, et deux fois plus susceptibles de développer une dépendance aux drogues. Afin d'avoir un effet durable sur le stress lié à l'état de minorité subi par les hommes gbHARSAH, il faut accorder une attention supplémentaire à la mise en œuvre de services de santé mentale et de traitement des troubles liés à la toxicomanie fondés sur des données probantes au niveau communautaire. Nous recommandons donc que le gouvernement fédéral collabore avec ses partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones pour combler les lacunes dans les services de santé mentale et de toxicomanie pour les hommes gbHARSAH.
Un autre facteur qui a probablement contribué à la stigmatisation continue du VIH et, par extension, des hommes gbHARSAH, est la surcriminalisation de l'exposition au VIH au Canada. Bien que des mesures aient été prises au niveau fédéral pour régler ce problème à la fin de 2018, elles ont eu un impact limité partout au pays. Par conséquent, nous recommandons que des mesures législatives soient proposées pour éliminer la surcriminalisation de l'exposition au VIH au Canada. Nous recommandons également que le gouvernement fédéral endosse sans équivoque la notion selon laquelle indétectable équivaut à indétectable en ce qui concerne la transmission du VIH.
Comme nous l'avons également entendu, de nombreux hommes gbHARSAH utilisent aussi des substances pour faire face aux problèmes de santé mentale liés à la stigmatisation et à la discrimination persistantes dans la société. Bien que le tabagisme et la consommation dangereuse d'alcool n'aient pas reçu autant d'attention dans la presse que les substances illicites, ils sont très répandus chez les hommes gbHARSAH, de sorte que les hommes gbHARSAH risquent davantage de développer une foule de maladies liées à la consommation de tabac et d'alcool, y compris des maladies cardiovasculaires, le cancer, des maladies respiratoires, rénales et hépatiques. L'accès à des programmes de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme fondés sur des données probantes par les hommes gbHARSAH est assez faible partout au pays et doit être amélioré. Le fardeau du tabagisme et de la consommation dangereuse d'alcool et les risques de développer des maladies associées à ces conditions sont multipliés pour les hommes gbHARSAH séropositifs. Par conséquent, nous appuyons l'inclusion des personnes LGBTQ+ à titre de population clé dans la stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme, mais nous recommandons que des fonds supplémentaires soient affectés à cette stratégie afin d'appuyer les approches communautaires de prévention et de cessation du tabagisme chez les personnes LGBTQ+.
De plus, l'utilisation de méthamphétamine et d'autres stimulants est très répandue chez les hommes gbHARSAH. Parmi les participants à notre étude de cohorte à Vancouver, 44 % des hommes gbHARSAH porteurs du VIH et 10 % des hommes gbHARSAH porteurs du VIH ont déclaré avoir consommé de la méthamphétamine au cours des six mois précédents. Les participants qui ont déclaré avoir consommé récemment de la méthamphétamine étaient plus susceptibles d'avoir reçu un diagnostic de trouble anxieux ou de dépression et de présenter des symptômes d'anxiété et de dépression plus élevés que les personnes qui n'ont pas déclaré avoir consommé récemment. Par conséquent, nous recommandons également qu'un financement supplémentaire soit accordé pour appuyer la recherche et les programmes fondés sur des données probantes afin de fournir un traitement et un soutien aux hommes gbHARSAH qui sont touchés par des troubles liés à la consommation de substances, en particulier la consommation de méthamphétamine et la consommation dangereuse d'alcool.
En résumé, afin d'améliorer la santé des hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations avec des hommes au Canada, nous recommandons que le gouvernement fédéral prenne des mesures pour réaliser le potentiel d'élimination du VIH chez les hommes gbHARSAH au Canada et un meilleur contrôle des autres ITSS. Cependant, nous devons aussi travailler avec nos partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones pour nous assurer que nous nous attaquons également aux problèmes de syndémies que sont les troubles de santé mentale et les troubles liés à la consommation de substances, qui sont des moteurs importants de ces épidémies.
Merci.
Je vous remercie d'avoir invité la Société canadienne du sida à comparaître devant votre comité pour discuter de la santé des personnes LGBTQ2 au Canada.
La Société canadienne du sida est une coalition nationale d'organismes communautaires dont la mission est de renforcer la réponse du Canada au VIH et au sida, ce qui comprend une collaboration étroite avec des partenaires communautaires et des intervenants canadiens qui garantissent des résultats positifs en matière de santé pour les populations de LBGTQ2, entre autres.
Je tiens à remercier le Comité d'avoir visité les différentes organisations du Canada. Je vois que vous avez discuté en profondeur de chemsex, qui comprend la méthamphétamine et d'autres drogues qui dévastent nos communautés d'hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations avec des hommes partout au pays, entre autres priorités et enjeux.
J'aimerais prendre le temps de me concentrer aujourd'hui sur les personnes vivant avec le VIH.
Au cours des premières années de l'épidémie de sida au Canada, 84 % des cas étaient des hommes gbHARSAH, dont la plupart sont morts au cours des premières années. Puis, au fur et à mesure que les médicaments devenaient disponibles, ils devaient quitter leur emploi et demander l'aide sociale pour avoir accès à ces médicaments vitaux. Cela a créé d'énormes obstacles pour ces personnes, leurs familles et leurs collectivités, ce qui a entraîné des injustices sociales et financières par la complaisance de tous les ordres de gouvernement.
Beaucoup de ceux qui ont survécu à l'épidémie font maintenant face à leurs vieux jours avec beaucoup d'appréhension. Imaginez la double stigmatisation de l'homosexualité et du VIH. Nous avons encore beaucoup à faire, mais sans un alignement total depuis le gouvernement fédéral jusqu'à l'administration locale, nous ne serons pas en mesure d'offrir un lieu de paix et de tranquillité aux personnes vivant avec le VIH pendant leurs vieux jours.
À l'échelle nationale aujourd'hui, selon les statistiques, 55,4 % des nouveaux cas d'infection sont des hommes gbHARSAH. Notre travail a un certain impact, mais nous avons encore beaucoup à faire, car les hommes gbHARSAH sont surreprésentés chez les personnes vivant avec le VIH. Nous avons de bonnes nouvelles, car les taux dans les quartiers gais semblent être à la baisse, et les investissements ciblés semblent porter fruit. Maintenant, nous devons aussi coordonner nos efforts pour les rejoindre à l'extérieur de ces quartiers, car bon nombre d'entre nous qui vivent à l'extérieur de ces régions urbaines ou rurales ne sont pas exposés à des méthodes de prévention.
La complaisance est vraiment à l'origine de la question. Étant donné que l'Agence de la santé publique du Canada continue de centraliser ses efforts pour rejoindre les hommes gbHARSAH dans les quartiers gais partout au Canada et qu'elle ne rejoint donc pas efficacement toutes les collectivités, des campagnes de sensibilisation mieux harmonisées doivent être élaborées et adaptées en conséquence.
La stigmatisation demeure l'un des plus grands problèmes pour les personnes vivant avec le VIH aujourd'hui. C'est le problème central qui a le plus d'incidence sur de moins bons résultats sur le plan social et en matière de santé chez les personnes vivant avec le VIH. En plus de tout cela, dans l'ensemble, environ 40 % des personnes vivant avec le VIH ont des problèmes de santé mentale.
La décriminalisation du VIH demeure l'une des priorités pour les personnes vivant avec le VIH aujourd'hui. Bien que la ministre de la Justice ait annoncé une nouvelle directive visant à limiter les poursuites injustes le 1er décembre dernier, il faut faire davantage. Les cas de criminalisation du VIH au Canada représentent l'un des taux les plus élevés au monde et ont contribué de façon significative à la stigmatisation à laquelle sont déjà confrontées quotidiennement les personnes vivant avec le VIH.
Je m'en voudrais de ne pas aborder la question du financement de la lutte contre le VIH au Canada. Nous remettons en question les mesures que le Canada a prises ces dernières années pour lutter contre le VIH, l'hépatite C et d'autres infections transmissibles sexuellement et par le sang, les ITSS, par l'entremise du Fonds d'initiatives communautaires et du Cadre d'action pancanadien sur les ITSS.
Depuis la mise en œuvre du FIC, les personnes vivant avec le VIH ou touchées par le VIH et d'autres ITSS et les organismes communautaires qui les desservent ont ressenti leurs effets négatifs, alors que les taux de VIH et d'ITSS continuent d'augmenter au Canada. Les personnes atteintes de ces infections sont laissées pour compte, et l'accès au soutien et aux soins est réduit. Pour progresser vers les cibles 90-90-90 de l'ONUSIDA que le Canada vise à atteindre, nous suggérons les trois étapes suivantes: réévaluer les priorités de financement fédéral; revoir l'approche axée sur la population; et augmenter le financement des tests et de la prévention secondaire par les soins et le soutien aux personnes touchées par le VIH et, surtout, vulnérables au VIH.
Il doit y avoir un dialogue cohérent et collaboratif entre les mouvements communautaires contre le VIH et le gouvernement fédéral, ce qui n'existe pas nécessairement. Ce n'est qu'en nous engageant à long terme que nous atteindrons ces objectifs et réduirons la surreprésentation des hommes gbHARSAH dans les nouvelles infections.
Je dois aussi souligner le fait que les données de surveillance que nous avons au Canada comportent de graves lacunes. Il est honteux d'être un pays du G7 non doté d'un système unifié de déclaration des données de surveillance en 2019 — et imaginez, nous n'avons des données que sur 60 % des cas déclarés de VIH au Canada.
Malheureusement, des préoccupations ont été soulevées dans la lettre que nous avons adressée à la ministre de la Santé en 2016 concernant les résultats probables du cycle de financement de cette année-là. La mise en œuvre du FIC a fait en sorte que de nombreuses collectivités n'ont pas les fonds nécessaires pour répondre aux besoins des populations prioritaires, qui représentent les plus hauts niveaux de vulnérabilité dans leurs propres régions. Après une augmentation des taux de séropositivité apparente de 17 % en 2017, une deuxième augmentation annuelle consécutive et le taux le plus élevé depuis 2009, il est clair que le nouveau modèle de financement du FIC n'a pas atteint efficacement les objectifs fixés par l'ASPC, ce qui est honteux.
Ironiquement, bien que le cadre d'action sur les ITSS souligne l'importance de la prévention positive, il ne s'y attaque pas de façon globale. Bien que la prévention positive soit considérée comme l'une des sept priorités de financement du FIC, on ne reconnaît pas l'importance accordée au traitement et aux soins dans les descriptions des priorités du FIA et des programmes ou initiatives financés. Nous reconnaissons ce traitement, mais les provinces suivent l'exemple du gouvernement fédéral. S'il n'y a pas de leadership au niveau fédéral, les provinces sont plus susceptibles de ne rien faire.
Dans cette optique, la Société canadienne du sida a lancé l'an dernier une journée nationale de dépistage du VIH fondée sur le succès de la journée de dépistage du VIH en Saskatchewan. Il est inconcevable que l'ASPC ne veuille pas, à tout le moins, parrainer cet effort que nous faisons à la SCS et coordonner ce travail au minimum au niveau fédéral. Ce projet sensibilise des milliers de Canadiens aux nouvelles technologies de dépistage du VIH. Le refus du gouvernement d'appuyer cette initiative témoigne de la valeur qu'il accorde aux organismes communautaires, dont beaucoup fournissent des services vitaux que les personnes vivant avec le VIH ne pourraient recevoir nulle part ailleurs.
Les organismes communautaires font pratiquement le même travail que le secteur des soins de santé, soit 20 % du coût, et économisent plus de 1,3 million de dollars sur la durée de vie d'une personne infectée par le VIH. Avec plus de financement axé sur la mission par opposition à un financement propre à un projet seulement, les organismes sont davantage en mesure d'assurer la qualité de la programmation à long terme plutôt que de toujours chercher de nouvelles sources de financement. Cela garantirait un éventail complet de mesures de prévention, de soins et de soutien pour les personnes vivant avec le VIH, en particulier les populations LGBTQ2 au Canada.
Le financement axé sur la mission permettrait également d'atténuer les divisions au sein de la collectivité, car l'ASPC et Santé Canada pourraient assurer la collaboration et le soutien entre les organismes communautaires au lieu de continuellement les opposer les uns aux autres.
Nous avons les outils pour prévenir les infections: I égale I, c'est-à-dire indétectable égale intransmissible, et PrEP, entre autres.
Nous sommes déterminés dans notre mission d'éradication du VIH et de soutien aux personnes touchées. À ce moment précis, quelqu'un qui vit avec le VIH ou une autre ITSS et qui n'est pas au courant de son état le transmet à quelqu'un d'autre. Pourquoi en est-il ainsi? C'est parce que notre propre système de soins de santé à l'extérieur de nos milieux urbains n'a pas les outils pour prévenir le VIH et les autres ITSS. Le système est sous-financé et lutte pour survivre au lieu de prospérer. Comment se fait-il qu'un homme gai de Gatineau, de l'autre côté de la rivière, ne puisse pas se présenter dans une clinique et subir un test de dépistage du VIH et d'autres ITSS sans se sentir stigmatisé? Pourquoi un homme gai du Nouveau-Brunswick ne se sent-il pas à l'aise de subir un test au Nouveau-Brunswick? C'est parce que les cliniques de santé sexuelle sont appelées « cliniques de santé sexuelle pour femmes ». Voilà pourquoi.
Le plus grand obstacle à l'obtention de résultats positifs en matière de santé pour quiconque au Canada est notre propre système de soins de santé. Il est presque impossible pour les plus vulnérables et marginalisés d'y avoir accès, et ce sont les personnes les plus exposées au VIH. Le système de soins de santé est brisé, et tant que nous ne le reconnaîtrons pas, nous ne serons pas en mesure d'aller de l'avant d'une manière significative qui aura une incidence positive sur les résultats en matière de santé de tous les Canadiens, sans parler de ceux de la communauté LGBTQ.
Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion. J'accepterais qu'il y ait plus de dialogue à ce sujet, à mesure que nous avançons.
Merci.
Merci de m'avoir invité.
Le Gilbert Centre est le plus grand centre 2SLGBT au nord de Toronto et au sud de la baie d'Ungava.
« L'homophobie que nous vivons comme enfants se propage tout au long de notre vie, comme des ondulations sur un étang. Je me souviens de tout, tout comme vos enfants le feront », et mes enfants.
Le fait d'être adolescent dans les années 1960, à une époque où les services de soutien pour les jeunes LGBTQ n'étaient pas disponibles, a été que le fait d'être gai risquait d'entraîner des poursuites criminelles. La divulgation n'a jamais été une option. Pour beaucoup d'entre nous, dans la structure familiale, le soutien était centré sur la normalité, pour un garçon. Pour bon nombre d'entre nous, c'était le hockey, les voitures et le travail du bois, sans jamais manifester d'intérêt pour les arts, le théâtre ou la mode. Pour les filles, cela signifiait de l'économie domestique, être meneuses de claque et ne jamais montrer d'intérêt pour des activités perçues comme des activités masculines.
Les problèmes de santé, le cas échéant, étaient centrés sur les coupures, les commotions cérébrales et les fractures. Lorsque les hormones sont entrées en jeu, il n'y avait pas d'éducation sexuelle. On n'enseignait pas de pratiques sexuelles sécuritaires, et les filles devenaient enceintes si on leur tenait la main — c'est une chose québécoise.
Passons maintenant à 2019. Le paysage a changé radicalement, dans certains cas pour le mieux, mais dans d'autres, il semble être revenu aux années 1990, en ce qui concerne la communauté 2SLGBTQ.
Permettez-moi de dire ceci. Premièrement, l'Ontario a eu une première ministre lesbienne, Kathleen Wynne, de 2013 à 2018. Deuxièmement, en novembre 2016, Randy Boissonnault a été nommé conseiller spécial sur les enjeux liés à la communauté LGBTQ auprès du premier ministre Trudeau. Troisièmement, en mai 2017, Ottawa a présenté des excuses à la communauté LGBTQ pour les torts qu'elle a subis. Quatrièmement, en novembre 2018, Ottawa a annoncé un fonds de 450 000 $ pour améliorer la sécurité des Canadiens LGBTQ. De plus, en 2019, l'Ontario a supprimé les références à l'orientation sexuelle, à l'identité de genre et aux relations homosexuelles dans tous les programmes d'études sur le sexe.
Le premier point de mon mémoire traite des problèmes de santé dans les collectivités urbaines et rurales qui sont centrées sur la communauté 2SLGBTQ. Lorsqu'il s'agit de problèmes de santé, beaucoup de gens cherchent un médecin « gai », dans l'espoir de pouvoir être transparents et en sécurité. Il n'est pas facile pour les professionnels de la santé qui ne veulent pas discuter de ces préoccupations avec leurs patients de la communauté 2SLGBTQ, qui ne sont pas au courant de ces préoccupations ou qui ne sont pas à l'aise d'en discuter ni de discuter de questions de santé comme l'utilisation du condom, le dépistage des ITS et du VIH, la santé mentale et des préoccupations comme l'utilisation de la PrEP.
La stigmatisation demeure un problème pour les hommes gais, les hommes ayant des relations avec des hommes et les personnes séropositives. En 2016, Santé Canada a approuvé la demande de la Société canadienne du sang et d'Héma-Québec visant à réduire la période d'inadmissibilité des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, qui passerait de cinq à un an. Il reste stigmatisant de dire que les hommes gais sont en quelque sorte porteurs du virus du VIH ou de toute autre ITS.
Notez que le VIH n'est pas seulement présent chez les hommes gais, qui représentent 47 % des séropositifs. Il reste 53 % des autres — les consommateurs de drogues injectables, les femmes et les enfants. Cette stigmatisation contribue à l'incapacité des hommes gais d'avoir accès aux soins de santé en temps opportun. Beaucoup d'hommes gais ne consultent pas leurs professionnels de la santé, à cause de la stigmatisation, et ne reçoivent donc pas toujours les soins de santé dont ils ont besoin.
I=I — indétectable égale intransmissible —, la campagne d'accès à la prévention, est un message mondial selon lequel les personnes séropositives chez qui le VIH est indétectable ne peuvent pas transmettre le VIH. La découverte médicale a reçu l'appui de plus de 850 organismes de près de 100 pays. Certains professionnels de la santé continuent de douter du message I=I, empêchant ainsi leurs patients séropositifs d'embrasser pleinement l'immense liberté qu'apporte I=I.
I=I amène avec elle la nécessité de prendre des médicaments, de bien manger et de faire de l'exercice. Les soins de santé pour les personnes séropositives sont essentiels dans notre pays. Il ne s'agit pas seulement d'une bonne santé physique, mais aussi de santé mentale et de bien-être émotionnel.
Le coût des médicaments contre le VIH peut facilement dépasser 1 000 $ par mois, ce qui est abordable pour ceux qui ont une assurance privée ou, dans le cas de l'Ontario, le programme de médicaments Trillium. Qu'arrive-t-il si vous n'avez pas les moyens de payer les médicaments? Nous devons offrir gratuitement des médicaments contre le VIH, comme c'est le cas en Colombie-Britannique, comme on l'a mentionné plus tôt, ce qui libère le stress lié à l'obtention de médicaments et permet aux personnes séropositives de vivre en bonne santé.
Les spécialistes du VIH se trouvent souvent dans les grands centres urbains, ce qui rend l'accessibilité difficile pour les populations rurales qui peuvent avoir des problèmes de transport. Pour certaines collectivités rurales, l'accès à une consultation de 20 minutes peut prendre toute une journée, en raison des autobus qui ne circulent que deux fois par jour et qui nécessitent souvent un changement d'autobus. Les horaires d'autobus et de train ne sont pas toujours pratiques ou disponibles dans les régions rurales de l'Ontario.
En ce qui concerne la santé au sein de la communauté transgenre, beaucoup de ses membres éprouvent des difficultés, par exemple, à se faire appeler par leur prénom d'usage. Dans les pièces d'identité délivrées par les autorités, c'est le prénom donné à la naissance qui figure. L'emploi de ce prénom plutôt que le prénom d'usage peut avoir un effet perturbateur.
Dans bien des cas, les formulaires hospitaliers, médicaux et gouvernementaux ne s'adressent pas correctement aux personnes transgenres. L'utilisation incorrecte de pronoms, la confusion quant au genre et les problèmes de santé propres aux transgenres peuvent poser de sérieux problèmes d'accès aux soins de santé. La situation peut être malaisée, par exemple, dans le cas d'une femme transgenre qui n'a pas encore subi une chirurgie affirmative du genre, mais qui suit une hormonothérapie substitutive ou encore dans le cas d'un transgenre qui n'a pas encore subi une mastectomie et qui pourrait avoir besoin d'une mammographie ou d'un test Pap pour détecter le cancer du col de l'utérus. Ce sont des questions préoccupantes pour ce qui est de l'accès aux soins de santé.
Du côté des communautés autochtones, dans le comté de Simcoe et Muskoka, nous trouvons les Premières Nations de Beausoleil, les Wahta Mohawks et les Chippewas de Rama. Les problèmes sont nombreux chez les peuples autochtones du Canada — Premières Nations, Métis et Inuits — et vont d'une incidence plus élevée des problèmes de santé mentale et d'un accès moindre aux soins appropriés — à l'opposé de la tendance dans la population générale d'un recours accru aux soins de santé mentale —, à des problèmes systémiques de santé publique. Beaucoup d'Autochtones considèrent les soins de santé comme la médecine des Blancs.
Les sites des médias sociaux qui mettent en contact des hommes en quête de rapports sexuels avec d'autres hommes, comme Grindr, Squirt et Facebook, offrent des possibilités de rencontres sexuelles immédiates, souvent anonymes et imprudentes quant au risque des ITS, comme le VIH ou le VHC. Je porte cela à votre attention parce que, dans les régions rurales, l'isolement est un facteur qui joue et que les médias sociaux favorisent le rapprochement de gens de la communauté 2SLGBTQ. Les rencontres sexuelles sont ainsi facilitées, le GPS aidant, de même que la transmission des ITS. Cela augmente les risques non seulement pour la santé, mais aussi pour l'obtention de traitements médicaux en temps opportun.
Je recommande — peut-être que je rêve? — d'offrir une formation aux professionnels de la santé, des réceptionnistes aux médecins, afin qu'ils soient plus inclusifs et diversifiés dans leurs pratiques respectives, d'amener les professionnels de la santé à se mettre à jour quant à leur terminologie et à leur utilisation de pronoms, de sensibiliser les équipes de soins de santé à la nécessité d'aider les clients 2SLGBTQ à résoudre leurs problèmes sur le plan des soins de santé, même en dehors du champ de leur pratique, et de veiller à ce que leurs formulaires soient inclusifs de la communauté 2SLGBTQ.
Le gouvernement ne doit pas oublier, lorsqu'il affecte des fonds aux programmes dans le cadre d'ententes de financement à court terme, que cela limite la capacité de fournir un soutien clinique et pratique continu. De plus, le recrutement de personnes possédant les compétences nécessaires est entravé du fait que les employeurs ne peuvent leur offrir que des contrats de courte durée, de six mois à douze mois. Les contrats de courte durée ne sont pas viables dans le cas des travailleurs sociaux, par exemple.
Les médicaments ARV et contre le VIH, y compris ceux utilisés en PrEP et en PEP, devraient être gratuits pour tous les Canadiens, et les services de santé aux transgenres devraient rendre possibles, à un coût abordable dans toutes les provinces, les chirurgies affirmatives du genre, y compris la chirurgie de féminisation et la thérapie du langage.
En guise de conclusion, rappelez-vous qu'au Canada, même si notre système de santé n'est pas toujours à la hauteur des besoins de la communauté 2SGLBT, les droits reconnus aux LGBT sont parmi les plus progressistes au monde. Les rapports sexuels entre personnes de même sexe sont légaux au Canada depuis le 27 juin 1969. Historiquement, le Canada a souvent été considéré comme l'un des pays les plus accueillants pour les gais, ses grandes villes ayant leur communauté gaie, comme le village Church et Wellesley à Toronto, le village gai de Montréal, le village Davie de Vancouver et le village gai de la rue Bank à Ottawa.
Des enquêtes mondiales datant de mars 2013 révèlent que 80 % des Canadiens — 87 % de ceux entre 18 et 29 ans — sont favorables à l'acceptation sociale de la communauté LGBT. Une grande majorité est en faveur du mariage homosexuel, qui est légal depuis 2005. Les sondages montrent que 70 % des Canadiens acceptent que les couples de même sexe aient les mêmes droits d'adoption d'enfants que les couples hétérosexuels et que 76 % d'entre eux estiment que les couples homosexuels sont tout aussi susceptibles que les autres parents d'élever leurs enfants avec succès.
Je termine en disant que le Canada est un pays très convivial pour les gais. Notre système de soins de santé devrait l'être aussi.
Merci beaucoup.
Comme vous le savez, beaucoup des membres du Comité viennent de parcourir le pays et, dans toutes les collectivités que nous avons visitées, nous avons entendu parler du système de soins de santé, de la stigmatisation et des difficultés de la communauté gaie.
J'espère que nous aurons fait des progrès au terme de notre étude.
Nous allons maintenant commencer la série de questions de sept minutes avec M. Ouellette.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, ainsi que monsieur Casey. Merci beaucoup aux témoins d'avoir comparu et d'avoir ainsi fait consigner leur témoignage au compte rendu.
Je n'ai que quelques questions. Je me demande si vous pourriez parler de la PrEP et des répercussions sur la santé de la communauté gaie, tant positives que négatives.
Je vais peut-être y aller en premier. Pour le Canada, la réponse est brève: nous ne le savons pas encore. Jusqu'à tout récemment, même chez les hommes gbHARSAH, parmi lesquels l'intérêt pour la PrEP est considérable, son adoption au Canada était très limitée. Dans la plupart des provinces, on pensait que c'était dû à l'absence de financement public pour la PrEP, mais elle est couverte par le programme provincial d'assurance-maladie au Québec depuis 2016 et, même dans cette province, la participation aurait été en deçà des attentes.
Cependant, il semble que cela ait changé récemment. Des chercheurs québécois ont présenté beaucoup de données sur l'acceptabilité et l'adoption de la PrEP au Québec. Comme je l'ai mentionné, dans le cadre de nos études sur les hommes gais en Colombie-Britannique, avant le financement public de la PrEP seulement 2 % environ d'entre eux avaient déclaré pratiquer la PrEP. Aujourd'hui, ils sont de 20 à 30 % à la pratiquer.
Le financement public et une sensibilisation progressive ont certainement suscité un intérêt accru pour la PrEP, principalement chez les hommes gbHARSAH. On craint toujours ou peut-être même trop que cela ait des répercussions néfastes sur le comportement sexuel et qu'il y ait une recrudescence d'autres ITS. Il importe de rappeler que la PrEP cible vraiment les personnes qui sont déjà hautement à risque de contracter non seulement le VIH, mais aussi d'autres ITS.
Devant les taux très élevés des diagnostics de syphilis, de gonorrhée et de chlamydia chez ceux qui pratiquent la PrEP, il n'y a vraiment pas de surprise. Cela signifie que nous ciblons les gens qui en ont vraiment besoin. Il reste à voir si ces taux se maintiendront ou si nous arriverons à mieux maîtriser ces autres ITS, maintenant que nous amenons les personnes à risque à accepter de recourir à des soins médicaux périodiques.
Je pense qu'il est probablement important de mentionner ce que nous avons entendu, du moins de façon anecdotique, c'est-à-dire les avantages de la PrEP sur le plan de la santé mentale. Beaucoup de gens disent que leur vie sexuelle s'est améliorée depuis qu'ils n'ont plus à s'inquiéter de contracter le VIH.
Voilà ce que j'en pense. Nous voulons mesurer beaucoup de ces facteurs dans le temps, mais, pour le moment, nous n'avons pas tellement d'information sur la pratique réelle de la PrEP au Canada.
Ma prochaine question porte sur les besoins des gais et même des lesbiennes. Évidemment, comme ce sont surtout des hommes qui répondent, nous avons probablement une meilleure idée de la situation pour cette population.
À mesure que les hommes gais approchent de la vieillesse, quels sont les problèmes de santé de cette population, qu'ils aient ou non le VIH ou le sida? Que rencontrent-ils, non seulement dans le système de soins de santé, mais aussi dans les services de soins à domicile et les autres établissements de l'État?
Je suis bien placé pour répondre à cette question, puisque moi-même j'approche de cet âge.
Le problème, ce sont nos médecins. Quand nous allons voir nos médecins — je vis dans la région d'Ottawa, à Aylmer, au Québec —, ils n'ont pas une compréhension holistique de ce qu'est la situation d'un homme gai ou d'une personne LGBTQ2. Lorsque nous disons que nous aimerions avoir tel ou tel test, ils répondent: « Vous êtes marié et vous ne devriez pas avoir de relations sexuelles à risque », ou quelque chose du genre. Mais cela fait partie de l'approche holistique des soins de santé pour n'importe qui. Nous ne savons pas quels sont nos facteurs de risque ni si nous avons une maladie latente ou autre condition.
Pour moi, en tant qu'homosexuel qui prend de l'âge, l'une de mes grandes priorités est vraiment de pouvoir avoir une discussion honnête avec les fournisseurs de soins de santé, une discussion exempte de préjugés et de stigmatisation. Je me demande aussi si, plus tard, je trouverai des établissements qui accepteront de m'accueillir, moi, un homme gai, à bras ouverts.
À mesure que les membres des communautés gaies, lesbiennes et LGBTQ2 vieillissent, deviennent-ils asexués?
Des voix: Oh, oh!
M. Robert-Falcon Ouellette: Je dois comprendre que non.
Souvenez-vous que j'ai mentionné que ceux qui, comme moi, étaient dans leur adolescence quand l'homosexualité a été décriminalisée en 1969, ont une expérience de vie différente quant à leur orientation sexuelle et à leur identité de genre. Nous avons grandi à une époque où la pratique de l'homosexualité était criminelle. Cette expérience de vie, subie à cet âge, se répercute tout au long de la vie. Elle laisse une marque qui ne s'efface tout simplement pas.
Il y a des antécédents de discrimination, d'exclusion et de crainte de stigmatisation. Ce ne sont pas tous les aînés qui veulent être ouverts ou inclus dans la communauté LGBTQ. Les effets de la discrimination passée peuvent contribuer à l'invisibilité des aînés. Beaucoup de personnes âgées ont vieilli en étant convaincues qu'il vaut mieux garder secrète leur orientation sexuelle. Même les couples hétérosexuels qui sont reçus dans les établissements de soins de longue durée sont souvent séparés, mari et femme dans différentes chambres. Les couples gais qui y résident ne partagent pas la même chambre et ne bénéficient pas des mêmes possibilités que les couples hétérosexuels sur le plan des relations conjugales. C'est un problème…
Eh bien, les aînés n'ont pas tendance à emprunter cette voie. Ils sont tellement habitués... Dans bien des cas également, il est déjà difficile pour personnes âgées d'accéder aux soins dans les foyers de soins de longue durée, du moins dans notre région. Alors, si pour obtenir une place dans un foyer de soins de longue durée, il vaut mieux taire son orientation sexuelle, les gens se taisent.
Je vais commencer par vous, monsieur Gilbert. Vos commentaires sur les tests m'ont beaucoup intéressée.
Pouvez-vous me dire quels genres de protocoles de test nous devrions avoir en place? Donnez-moi une idée du coût de l'équipement et de la façon dont vous en feriez la mise en œuvre si vous aviez à la faire à la grandeur du pays.
C'est une excellente question.
En général, quand je songe aux progrès réalisés au chapitre des tests et à la façon dont nous pouvons tirer parti des nouvelles approches, il me semble qu'il y a deux volets.
L'un concerne les façons de rationaliser l'accès aux tests existants, comme nous le faisons, par exemple, dans notre programme de tests par Internet. Ou encore, nous voyons de plus en plus de nos jours des gens qui bénéficient d'accès rapide aux tests. Ils se présentent et, si aucun problème n'est signalé au triage, ils sont soumis à un simple contrôle. Ce sont des procédures qui ne font pas appel aux nouvelles technologies comme telles. Il s'agit simplement de différentes façons de faciliter les tests.
Pour ce qui est des produits à tester, chacun a un coût connexe, variable d'un produit à l'autre, mais qui est de l'ordre de 10 $ à 20 $, éventuellement plus. Il s'agit habituellement d'un test de dépistage, qui est le premier test du processus et qui sera suivi d'un test de confirmation.
Je pense que la question entourant les tests au point de service va au-delà du coût du test lui-même. De toute évidence, il faut tout un ensemble d'activités qui vont de pair avec ces tests au point de service. Par exemple, il faut des programmes d'assurance de la qualité, des programmes de formation et des ressources pour leur prestation. L'investissement nécessaire dépasse de beaucoup le coût du test proprement dit.
Je pense vraiment que c'est de plus en plus ce vers quoi nous nous dirigeons. Je dirais qu'au cours des 10 prochaines années, nous allons probablement commencer à voir des tests génétiques ou moléculaires rapides pour le VIH, d'autres virus et des infections sexuellement transmissibles, qui pourront être effectués au chevet du patient, dans une clinique ou dans des milieux non traditionnels. Le nombre de nouveaux outils ne cesse de croître, et je pense donc que nous devons faire en sorte que le Canada puisse vraiment en tirer profit à mesure qu'ils deviennent disponibles.
D'accord. Très bien.
Monsieur Moore, vous avez dit qu'en Colombie-Britannique, la PrEP est offerte gratuitement. Avez-vous une idée du coût global de ce programme? Je crois que vous avez dit qu'il y avait environ 4 000 personnes qui y participent.
Oui. J'ai bien peur de ne pas en connaître le coût global, mais il convient de signaler que l'un des facteurs qui rendent cette mesure abordable à l'heure actuelle, c'est l'expiration des brevets sur les deux médicaments utilisés dans la PrEP. L'un des médicaments était déjà disponible sous forme de générique, alors que le brevet sur le ténofovir est tombé dans le domaine public il y a un an et demi.
Nous pouvons désormais utiliser des médicaments antirétroviraux génériques non seulement pour la PrEP, mais aussi pour le traitement du VIH. Le coût de ces médicaments a chuté de façon spectaculaire. Cela fait que le programme de la PrEP est beaucoup plus viable sur le plan financier.
Est-ce que les gens l'obtiennent à la pharmacie ou dans une clinique? Peuvent-ils l'obtenir ailleurs?
Comme les antirétroviraux pour le traitement du VIH en Colombie-Britannique, tous ces médicaments sont achetés centralement par l'entremise du Centre for Excellence in HIV/AIDS. Ils sont ensuite distribués dans différentes régions de la province. Généralement, ils peuvent être livrés à des pharmacies particulières, et c'est certainement le cas pour les médicaments contre le VIH. Nous travaillons encore là-dessus pour la PrEP. Par ailleurs, si le patient se trouve dans une localité où la pharmacie ne veut pas ou ne peut pas recevoir de médicaments de la PrEP du Centre, on peut l'acheminer directement par messager au cabinet de son médecin.
D'accord, excellent. Merci.
Je m'adresse maintenant à Gary, de la Société canadienne du sida.
Je retiens de vos observations que le financement de votre organisme avait été réduit sous le gouvernement actuel. C'était bien cela?
Le financement a changé pour les organismes communautaires fédéraux ou les ONG de telle sorte que là où il y a neuf organismes qui sont financés, il y en avait auparavant 17. Trois de ces organismes ont été exclus, ainsi que beaucoup d'autres. La contribution a diminué. Nous n'avons pas réussi à obtenir de financement. Nous constatons simplement que l'enveloppe de financement n'a pas augmenté depuis 2008. Le gouvernement libéral avait donné l'assurance que cette enveloppe augmenterait, mais elle ne l'a pas été. Disons que c'est ce qui nous agace le plus. Faute d'avoir obtenu un financement, nous ne pouvons élargir notre offre de services aux personnes vivant avec le VIH dans l'ensemble du pays; n'oublions pas que le VIH est la seule ITSS pour laquelle il n'y a pas de remède. Il en existe pour les autres ITSS, et ce cas d'exception semble devoir se pérenniser.
Nous, nous sommes en mode survie. Déjà ça, c'est formidable. Nous avons d'autres programmes qui compensent la perte de financement du gouvernement fédéral.
Concrètement, il y a des ressources qui étaient davantage centrées sur une approche communautaire qui ne sont plus disponibles. Notre marche nationale sur le VIH-sida a été annulée en raison des compressions budgétaires et d'autres activités intéressantes ont dû être supprimées. Il y avait un gros travail de sensibilisation accompli dans la collectivité, mais cet effort est maintenant à exclure complètement, puisque le gouvernement ne croit pas à la sensibilisation. Ce sont là des résultats qu'on ne peut nier. Mais dans l'ensemble, je pense que nous devons comprendre également qu'en ce qui concerne la philanthropie, les philanthropes ne sont pas enclins à donner de l'argent à des œuvres que le gouvernement devrait financer.
D'accord.
Je m'adresse maintenant à Gerry.
Lorsque vous parlez des gens à la recherche d'un médecin gai, je sais qu'il y a une pénurie persistante de médecins au pays et je peux donc m'imaginer que ces gens n'ont pas la tâche facile. Avez-vous une idée de la disponibilité, à l'échelle du pays, de médecins ou de cliniques pour gais qui pourraient accueillir ces gens?
Dans tout le pays, non. Dans la circonscription de Simcoe, la plus grande de l'Ontario, à Barry, l'une des plus grandes villes de la circonscription, nous avons un médecin gai. Et je dis « médecin gai » parce qu'il y a des hommes qui sont mariés à des femmes et qui ont des rapports sexuels avec des hommes, mais qui ne vont pas nécessairement voir un médecin gai. Ils ont généralement le même médecin que leur femme, et ils hésitent donc beaucoup à parler de leur sexualité en dehors de cette relation. Ils ne sont donc pas enclins à discuter avec leur médecin de leurs soucis éventuels au sujet du VIH ou des ITSS. Ils se tiennent à l'écart de choses comme la PrEP ou le dépistage du VIH. Remarquez, beaucoup de professionnels de la santé de notre région font maintenant passer des tests de dépistage du VIH dans leurs cliniques, aux hétérosexuels comme aux homosexuels. Cela n'a pas d'importance. On fait passer des tests à tout le monde, jeunes et vieux.
Merci à tous d'être parmi nous et de partager votre expérience et votre sagacité.
Monsieur Lacasse, j'aimerais commencer par vous. Vous avez déjà parlé de certaines statistiques sur l'augmentation des infections au VIH. Je crois que vous avez écrit, dans une lettre, que le nombre de cas a augmenté de 14,4 % entre 2015 et 2017, soit l'augmentation la plus importante depuis 2009. Je me demande si vous savez, monsieur Lacasse, que le gouvernement du Canada a entériné les objectifs mondiaux fixés par le Programme commun des Nations unies sur le VIH-sida et l'OMS, et cela comprend l'objectif 90-90-90 d'ici 2020. Savez-vous si le Canada pourra atteindre son objectif de 90-90-90 d'ici cette date?
On m'a dit que non, mais il n'y a pas de source officielle.
Nous avons des statistiques, mais nos données de surveillance sont erronées. Nous ne pouvons même pas avoir de données de surveillance sûres au Canada, où l'on ne connaît la situation que de 60 % des personnes atteintes du VIH. Cela n'a aucun sens. Il y a deux ans, 10 000 personnes atteintes du VIH ont disparu. Les chiffres sont passés de 75 000 à 63 000 personnes en un an, parce que nous avons révisé les estimations. Je vois des gens qui hochent la tête, mais c'est la vérité.
Entre les données de surveillance et les données estimatives, lesquelles sont vraies?
Est-ce que nous n'atteignons pas nos objectifs ou bien est-ce que nous n'avons aucun moyen de savoir si nous les atteignons?
Monsieur Lacasse, on sait qu'il faut absolument avoir accès aux médicaments antirétroviraux pour obtenir des charges virales indétectables, et cela fait partie de l'objectif. Avez-vous une idée du pourcentage d'hommes gais qui, au Canada, sont atteints du VIH et ont accès à des médicaments antirétroviraux?
Tout le monde y a accès. Il faut d'abord être conscient de sa situation. Il faut aussi avoir accès à ces médicaments et être en mesure de payer la quote-part, etc.
Je ne peux pas vous donner de statistiques. Je pourrais vous donner une estimation plus générale du nombre de personnes atteintes du VIH qui prennent des médicaments, mais ce n'est pas...
Docteur Gilbert, quand on parle de la santé des GLBTQ2S, on ne parle que de stigmatisation et de discrimination. J'aimerais vous poser une question au sujet de l'interdiction faite aux hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes de donner du sang. Nous savons que le gouvernement a promis d'éliminer la période de cinq ans d'abstinence. Si j'ai bien compris, ce délai a été réduit à un an. J'ai entendu des hommes gais témoigner de l'effet que cela a sur leur estime de soi.
Je vais vous poser la question sans détour. Est-ce qu'il y a des preuves scientifiques valables justifiant l'application, aux hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, d'une période d'abstinence d'un an avant de pouvoir donner du sang?
Non, pas à ma connaissance. Je crois savoir que la décision de la réduire à un an n'était pas tant... C'était fondé sur des données scientifiques générales, en ce sens que la période de cinq ans était trop longue, mais il y avait un paramètre selon lequel elle ne devrait pas être inférieure à un an. Certaines informations donnent à penser que cela pourrait être moins d'un an. Il est certain que cela pourrait être beaucoup moins pour certaines personnes. Je sais que ces questions font l'objet d'une recherche active en ce moment. J'ai des collègues en Colombie-Britannique qui font de la recherche à ce sujet.
Nous avons aussi parlé de la criminalisation du VIH. Au sujet des dispositions du Code criminel qui — sauf erreur de ma part — exigent que les personnes séropositives divulguent cette information à leur partenaire sexuel, l'une des préoccupations serait, d'après ce que j'ai entendu dire, que cela peut en fait dissuader effectivement les adultes sexuellement actifs de passer des tests.
Qu'en pensez-vous? Est-ce que cela a un effet dissuasif? Est-ce que cette disposition du Code criminel du Canada vous inquiète?
Je n'ai aucune preuve à l'appui de cette affirmation. J'ai entendu des témoins ou des gens dire que c'est une préoccupation, mais, si je m'en tiens aux données réelles, je ne le sais pas.
À mon avis, ce qui est important au sujet des tests, c'est de veiller à offrir des solutions de rechange, par exemple en permettant aux gens de passer des tests anonymement — c'est quelque chose que nous avons mis en place en Colombie-Britannique il y a quelques années seulement —, et des moyens de passer effectivement des tests pour qu'ils puissent savoir où ils en sont sans crainte de répercussions juridiques.
Que je sache, le dépistage anonyme est possible presque partout au Canada. Je ne suis pas sûr que ce soit possible dans toutes les provinces, mais historiquement, cela a été une des premières formes de dépistage du VIH.
Comment se fait-il que ce soit dans le Code criminel? Cela semble viser un certain virus et imposer une certaine obligation à un certain groupe. Est-ce que c'est une bonne politique publique, d'après vous?
Je n'appuie pas du tout la criminalisation de la non-divulgation de l'infection au VIH. Je pense que c'est en grande partie attribuable à la stigmatisation et que c'est vraiment injustifié.
Personnellement, je pense qu'il existe des mécanismes en droit de la santé publique qui permettent de traiter les cas de transmission potentielle, volontaire ou involontaire, du VIH. C'est la voie que nous avons empruntée en Colombie-Britannique. Nous essayons vraiment de nous éloigner de la criminalisation. Récemment, des lignes directrices à l'intention des poursuivants ont été publiées pour éviter que des gens soient mis en accusation. Je crois vraiment que le droit de la santé publique est une bien meilleure voie que le droit pénal.
Merci, monsieur Croteau.
Je suis resté stupéfait à l'idée qu'un homosexuel ne veuille pas divulguer à son médecin quelque chose d'aussi important pour son identité et sa santé que le fait qu'il soit homosexuel.
Je sais bien que c'est anecdotique, mais dans quelle mesure est-il fréquent que des hommes gais estiment qu'il peut être risqué de révéler leur identité sexuelle à leur propre médecin?
Je pourrai vous faire parvenir les résultats d'un sondage, effectué dans la circonscription de Simcoe et financé pendant cinq ans par l'Agence de la santé publique du Canada, sur les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes tout en ayant des partenaires de sexe féminin. Par exemple, vous avez parlé des dons de sang d'hommes gais en 2016, mais qu'en est-il des hommes bisexuels, qui sont mariés à des femmes et ne s'identifient pas comme gais, mais qui ont des rapports sexuels avec des hommes? On ne leur pose jamais de questions. Les hommes gais se sentent d'autant plus isolés que beaucoup d'entre eux ont des rapports sexuels avec des hommes mariés à des femmes.
Quand j'ai révélé mon homosexualité, ma femme et moi avions le même médecin. Je n'ai jamais dit à mon médecin que j'avais des relations sexuelles avec des hommes et je ne lui ai jamais demandé de passer des tests de dépistage d'infections sexuellement transmissibles que j'aurais pu contractées. J'allais à Toronto tout simplement parce qu'il semblait bien que l'information circulait librement entre mon médecin, ma femme et moi. Peu importe ce que je lui disais, il le révélait à ma femme et vice versa. Par exemple, j'ai parfois su que ma femme avait une infection vaginale avant même qu'elle m'en parle.
Monsieur Lacasse, concernant l'initiative fédérale sur le sida, pouvez-vous nous donner une idée du financement? Est-ce que la situation a changé? Quel est l'investissement actuel du gouvernement et à quelle hauteur devrait-il contribuer à votre avis?
Selon nos estimations, il manque 100 millions de dollars en comptant les fonds non dépensés et l'augmentation promise en 2004 sous le gouvernement libéral. Tout compte fait, il manque environ 113 millions de dollars.
Le fonds vient d'être augmenté, mais il s'agit d'une augmentation temporaire destinée à la prévention et à la réduction des préjudices pour les personnes qui consomment des drogues injectables. Il a été augmenté, mais spécifiquement pour les personnes qui consomment des drogues; donc, en fait, il est resté stable. Il n'y a pas eu de véritable augmentation. Il a été augmenté pendant cinq ans, et c'est tout; et puis on l'a ramené à son niveau antérieur.
Avant de poser mes questions, j'aimerais souligner que le budget de 2019 prévoit 20 millions de dollars sur deux ans pour financer les activités communautaires des organisations LGBTQ2 partout au pays. On a également augmenté le budget d'événements comme les festivals de la fierté, etc., pour accroître la sensibilisation et l'acceptation et, espérons-le, réduire la stigmatisation.
Cela dit, j'aimerais poursuivre dans la même veine que M. Davies au sujet de la criminalisation du VIH ou, du moins, de la criminalisation de la non-divulgation. J'aimerais souligner que le Comité de la justice, dont je suis membre, fait actuellement une étude à ce sujet, à l'instigation de M. Boissonnault. J'ai donc eu l'occasion d'entendre ce genre de témoignage également. Je n'ai pas la liste des témoins sous les yeux, mais je crois que le Centre d'excellence y participe. J'invite tous ceux qui le souhaitent à présenter un mémoire à ce comité s'ils ne sont pas déjà dans la liste.
Pour continuer, je voudrais rappeler, comme M. Davies l'a souligné, que l'un des problèmes dont on nous parle est que la crainte de la criminalisation dissuade de passer des tests. S'ils ne savent pas qu'ils sont infectés, on ne peut pas vraiment les accuser de non-divulgation. Je pense que le taux de dépistage est très faible, et de beaucoup inférieur à ce qu'il devrait être, précisément pour cette raison.
À ceux d'entre vous qui souhaitent répondre, je voudrais demander quelles autres répercussions cette criminalisation pourrait avoir sur la santé des personnes LGBTQ2.
Docteur Moore, voulez-vous ajouter quelque chose?
Bien sûr. Merci beaucoup.
Nous avons des données provenant d'études effectuées à Vancouver au sujet du dépistage du VIH parmi les hommes gbHARSAH et des raisons pour lesquelles ils ne passent pas de tests. Nos données les plus récentes ont été recueillies entre 2012 et 2014. Je crois qu'environ 90 % des hommes gbHARSAH habitant le Grand Vancouver avaient déjà passé des tests et, pour 70 % d'entre eux, au cours des deux dernières années. Quand on demande leurs raisons aux gens qui n'ont pas passé detests récemment, ils disent généralement qu'ils avaient l'intention de le faire, mais ne s'y sont pas décidés; cela renvoie donc peut-être à la question de la commodité ou de l'accès ou à la difficulté de trouver un médecin homosexuel pour faire le test. L'autre principale raison invoquée est qu'ils avaient l'impression d'être à faible risque de contracter le VIH. De fait, quand nous avons examiné la situation de plus près, nous avons constaté que c'était assez vrai et que, effectivement, les gars qui n'ont pas passé de tests et qui estimaient être à faible risque évaluaient correctement leur risque de contracter le VIH.
Nous n'avons pas abordé directement la question de la criminalisation, mais nous avons posé des questions au sujet de la déclaration obligatoire ou de la communication de l'identité à la santé publique. Certains hommes, mais dans une proportion assez faible, ont répondu que c'était la raison pour laquelle ils ne passaient pas de tests, quoiqu'elle se classait assez loin dans la liste des raisons de ne pas le faire.
Pour répondre à votre question, j'ajouterais que, même si la criminalisation de la non-divulgation du VIH a évidemment de profondes répercussions pour les intéressés, elle a un impact négatif beaucoup plus important sur la société du point de vue de la perpétuation de la stigmatisation du VIH. Chaque cas fait les manchettes. Cela ne fait que contribuer à donner aux gens l'impression que les personnes atteintes du VIH sont irresponsables et moralement mauvaises. C'est, à mon avis, l'un des problèmes les plus importants à cet égard, et je crois vraiment qu'il faut absolument essayer de changer cette mentalité. Le gouvernement fédéral effectue périodiquement des enquêtes sur la stigmatisation des personnes atteintes du VIH, et il reste une proportion importante de gens qui affichent des comportements très stigmatisants à l'égard de ces personnes et de leur criminalisation. Ce n'est pas la majorité, loin s'en faut, mais c'est quand même une proportion importante. Je crois que c'est la raison pour laquelle ce genre de changements structurels peut vraiment modifier des facteurs sociétaux comme la stigmatisation.
Je pense que tout a été dit du point de vue communautaire, mais c'est vraiment la stigmatisation qui est en cause. Il faut vraiment veiller à employer des mots qui ne stigmatisent pas les gens quand il s'agit de soins de santé. Quand on parle d'un autiste et qu'on y ajoute la criminalisation du VIH, les signaux d'alarme se multiplient aussitôt. Nous devons adopter une approche plus holistique des soins de santé au Canada. Nous ne faisons pas notre travail. Je suis désolé.
Ce qui aide, entre autres, à réduire la stigmatisation liée au dépistage est l'équation I=I. L'indétectabilité, ajoutée à l'utilisation d'un préservatif interne ou externe, qui permet de ne pas être contraint de divulguer l'information... à un éventuel partenaire, a contribué à éliminer une partie de cette stigmatisation, bien qu'elle existe toujours. Mais il est certain que, dans notre région — et je parle de Simcoe et de Muskoka —, beaucoup d'hommes n'envisagent toujours pas le dépistage du VIH au même titre que la vérification de l'état de leurs yeux, de leurs dents, de leur prostate ou de leur coeur, le suivi de leur taux de cholestérol, etc...
La confidentialité est aussi très souvent un facteur important en milieu rural, parce que, dans beaucoup de centres de soins de santé locaux, on peut reconnaître votre voiture, il se peut que votre femme ou un parent travaille à cet endroit, et vous hésitez donc à passer un test de dépistage du VIH parce que vous craignez que cette information soit divulguée à votre employeur ou à quelqu'un de la collectivité.
On nous a déjà dit qu'il y a, entre autres, le problème du manque de tests instantanés ou de trousses vendus en pharmacie. Est-ce que vous êtes d'accord?
Nous organisons la journée nationale de dépistage du VIH le 27 juin de chaque année. BioLytical, l'entreprise qui fabrique les trousses de test instantané, nous donne des trousses gratuites. Nous essayons de les faire connaître dans collectivités où l'on n'utilise pas de tests instantanés, mais seulement des prélèvements de sang. Les tests délocalisés sont extrêmement importants, conjugués à d'autres technologies comme le dépistage à partir de sang séché. Plus vous diversifiez les solutions, plus les gens se soumettront à des tests. C'est la méthode Hygrade; plus on produit, peu importe quoi, plus les gens en mangent.
C'est, à mon avis, la meilleure façon de procéder, mais nous n'avons pas de valeur marchande pour ces entreprises au Canada. Nous devons trouver des moyens plus rapides, avec d'autres pays, pour approuver ces nouvelles méthodes fondées sur la science, plutôt que nous débrouiller tout seuls, parce que le coût est, paraît-il, prohibitif.
Nous avons fait des tests délocalisés dans les Maritimes. L'ASPC nous a dit que nous faisions presque une guérilla en apportant des trousses d'analyse à l'échelle locale dans les Maritimes. Nous l'avons fait en collaboration avec des cliniques privées du Nouveau-Brunswick. Nous avons fait 37 tests au Cap-Breton, où cela ne s'était jamais fait auparavant, mais, depuis, la Nouvelle-Écosse a adopté le principe des tests délocalisés. C'est donc dire que nous allons dans la bonne direction. Continuons dans cette voie.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à la série de questions de cinq minutes, en commençant par Mme Gladu.
Ma première question s'adresse au Dr Moore.
D'après la Société canadienne du sida, le taux d'infection au VIH aurait augmenté de 17 % en 2017, mais j'ai eu l'impression qu'il était à la baisse en Colombie-Britannique.
Pourriez-vous nous fournir des données quantitatives et nous dire ce qu'il en est des taux d'infection à l'hépatite C et à la syphilis en Colombie-Britannique?
Dans le cas du VIH, en 2017 et en 2018, la Colombie-Britannique affiche le nombre le plus bas de diagnostics du VIH depuis le milieu des années 1990. En 2017, l'incidence nous a semblé anormalement basse. En 2018, elle a continué à décroître, mais pas aussi rapidement qu'en 2017. Nous sommes heureux de constater cette tendance, même si ces diminutions ne sont pas aussi fortes que nous l'aurions désiré. Comme nous menons le programme de PrEP pour prévenir le VIH depuis un an, nous espérons que le nombre de nouveaux diagnostics chez les hommes gbHARSAH aura beaucoup diminué, parce que le recours à la PrEP a énormément augmenté.
Du côté de l'hépatite C, j'ai justement jeté un coup d'oeil sur le rapport de surveillance du VHC il y a deux ou trois jours. Il indique qu'en termes généraux, le nombre des diagnostics baisse lentement, mais régulièrement depuis 2012.
Mark Gilbert pourra peut-être vous en dire plus sur l'incidence du VHC en Colombie-Britannique.
Il est évident que l'épidémie du VHC touche une proportion trop élevée d'hommes ayant des relations avec des hommes, mais pas autant que la proportion de personnes qui consomment des drogues par injection. Cette population-là court encore de grands risques. Il est évident que le traitement plus efficace et abordable du VHC, qui est maintenant soutenu par des fonds publics, génère beaucoup d'optimisme dans ce domaine également.
Quand les gens commencent à prendre les médicaments de PrEP, continuent-ils à les prendre même quand leur corps ne transmet plus le VIH?
Ce processus est différent. Nous les donnons à des gens qui n'ont pas le VIH, donc nous ne disposons d'aucune mesure qui nous indique s'ils les prennent ou non. Initialement, la PrEP a été homologuée et étudiée sous forme de comprimé à prendre une fois par jour pour éviter de contracter le VIH avant de s'y exposer.
Depuis son homologation, de nouvelles études ont démontré que les gens pouvaient la prendre selon les besoins. Une personne qui envisage d'être active sexuellement peut en prendre deux comprimés ce jour-là, puis un par jour pendant un maximum de deux jours après son dernier rapport sexuel. Cette posologie semble être aussi efficace que celle de comprimés quotidiens.
Dans le cadre de notre programme, nous ne savons pas comment mesurer l'utilisation continue de la PrEP chez des patients qui la prennent de différentes manières. Il est relativement facile de surveiller les gens qui la prennent une fois par jour, mais il est plus difficile de le faire chez ceux qui la prennent de façon intermittente.
Merci.
Ma prochaine question ne s'adresse pas à un témoin en particulier.
Nous avons entendu de nombreux témoignages sur le besoin d'offrir une aide en santé mentale propre à la communauté LGBTQ. Je n'ai jamais entendu parler de services de ce genre offerts ici au pays.
Est-ce que l'un d'entre vous serait au courant de services que nous pourrions reproduire?
J'ai entendu dire à maintes reprises que la communauté LGBTQ a besoin de services d'aide en santé mentale spécialement conçus pour ses membres. Autrement dit, elle désire des fournisseurs de services qui comprennent ce que ses membres ont vécu afin de les aider efficacement. Mais je n'ai jamais entendu parler de tels services, alors je vous demandais si vous saviez s'il en existe.
Je connais des organismes ou des groupes communautaires qui offrent des services de santé mentale aux membres de minorités sexuelles. Donc il existe des programmes spécialement conçus pour reconnaître le besoin de sécurité culturelle ou le traumatisme qu'ont certaines personnes.
Cependant, je n'ai jamais entendu parler d'autres services ou outils d'intervention spécialement conçus pour les membres de la communauté LGBTQ.
Je suppose qu'il faudra plutôt adapter les outils existants à cette population.
Au Gilbert Centre...
Je voudrais d'abord vous dire une chose au sujet du Gilbert Centre. Nous recevons un financement de cinq ans de l'ASPC pour un programme d'autogestion positive du VHC. Nous collaborons avec les universités de San Diego et de Stanford et avec l'Université de Victoria afin d'offrir un programme d'autogestion aux personnes affectées par le VHC qui ne réussissent pas à le surmonter.
Je me ferai un plaisir de l'envoyer au Comité. Ce n'est encore qu'une ébauche, alors ne dites pas à l'ASPC que je l'envoie avant d'avoir la version définitive. Je serais cependant heureux de l'envoyer au Comité, si cela peut l'aider. Nous allons le publier et le distribuer dans tout le Canada.
Le Gilbert Centre offre un programme pour les personnes transgenres et de diverses identités de genre qui est financé par le comté de Simcoe. Nous avons un travailleur social et nous travaillons en partenariat avec l’Association canadienne pour la santé mentale. Deux de nos travailleurs sociaux s’occupent principalement des transgenres, mais nous traitons également avec des hommes gais par l’entremise de l’Alliance pour la santé sexuelle des hommes gais, financée par le bureau de lutte contre le sida du ministère de la Santé et des Soins de longue durée.
Merci beaucoup.
Nous passons maintenant la parole à Mme Sidhu. Si j'ai bien compris, vous allez partager votre temps de parole avec Mme Lambropoulos.
Merci à tous d'être venus.
Ma question s'adresse à M. Croteau.
Vous avez dit que les professionnels de la santé devraient être plus inclusifs. Vous avez aussi mentionné des ensembles de compétences qu'ils devraient développer. À quels types de compétences pensiez-vous?
Par exemple, si une personne transgenre se rend à l'hôpital de notre région et que sa carte d'assurance-maladie indique qu'elle s'appelle Michael Smith, mais que cette personne préfère se faire appeler Michelle, de nombreux fournisseurs de soins ne l'appelleront pas Michelle, même si cette personne leur dit qu'elle est une femme; ils continueront à l'appeler Michael.
Cette personne se trouve dans la salle d'attente, et on appelle un M. Michael Smith, même si elle s'est présentée comme étant une femme et qu'elle préfère qu'on l'appelle Michelle. Un tel incident fâchera bien des membres de la communauté transgenre, qui décideront de s'en aller de là, qu'il s'agisse du cabinet privé d'un médecin, d'une clinique ou de la salle d'attente du service des urgences d'un hôpital.
Vous avez mentionné la difficulté de trouver du transport pour obtenir des soins de santé. Le Comité a fait une tournée du Québec pour parler à des résidants. La province transporte les patients en camionnette. Pensez-vous que ce soit une bonne idée?
Pour assurer la mobilité, bien sûr. La Saskatchewan n'offre plus de transport en commun, et il en est de même dans toutes les régions rurales du pays. Toutes les provinces ne sont pas aussi serviables que le Québec. La Colombie-Britannique offre un bon service de transport des patients entre les différentes régions, si je ne m'abuse. Même le Nord de l'Ontario offre un excellent système de transport pour se rendre dans le Sud, mais ces services ne sont pas de la même qualité partout au pays.
Voilà pourquoi, dans mon témoignage, j'ai dit que chaque province exerce son propre niveau de compétence, ce qui est très bien, mais si le gouvernement fédéral ne pousse pas continuellement les provinces à suivre des pratiques exemplaires, nous ne verrons jamais d'améliorations.
Je vous remercie, messieurs, de vous être joints à nous aujourd'hui.
Je ne siège pas régulièrement à ce comité, mais je suis heureuse de participer à cette étude aujourd'hui.
J'étais enseignante au secondaire. J'ai beaucoup enseigné sur les genres, et je m'efforçais d'être aussi inclusive que possible dans ma profession. Je fais maintenant ma maîtrise, car je désire contribuer à ajouter l'éducation sur les genres dans toutes les écoles du Québec, de la maternelle à la 11e année, puisque je viens du Québec, puis j'espère inciter d'autres provinces à faire de même.
Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure il est important d'inclure ce type d'enseignement dans les écoles? Je sais que je m'adresse au Comité de la santé, mais assurément, l'éducation est une mesure de prévention extrêmement importante. Elle influence les jeunes qui font face à certains problèmes, comme ceux de la communauté des LGBTQ2, qui apprennent des choses importantes pour eux. Elle enseigne aussi aux enfants cisgenres, hétérosexuels, à comprendre la diversité et à apprécier les différences.
Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cela?
Bien sûr. Je vais commencer.
Je suis entièrement d'accord avec vous. Les résultats de recherche ont démontré très clairement que l'éducation sexuelle complète, qui présente toutes les nuances de l'identité des genres et les autres aspects du sexe et de la santé mentale, est bénéfique autant pour les jeunes qui s'intéressent à la sexualité que pour les minorités de genre et les jeunes hétérosexuels. Cette éducation est extrêmement précieuse.
L’Enquête sur la santé des adolescents menée en Colombie-Britannique par le Centre McCreary est une source vraiment puissante de statistiques sur les jeunes dans les écoles. Chose certaine, lors de son enquête sur la santé sexuelle, tous les jeunes ont répondu haut et fort qu’ils voulaient que cette information soit présentée dans les écoles, ce qui en dit long sur la demande. Malheureusement, bien des écoles ne présentent pas cette information, alors les jeunes l'obtiennent de leurs pairs ou par Internet et ils ont l’impression de ne pas savoir où aller pour trouver les réponses.
À mon avis, il est également crucial de mentionner, dans le milieu scolaire, d’autres interventions structurelles comme les alliances des gais et les politiques des écoles sur l’homophobie et sur l’intimidation. La recherche a aussi démontré que ces initiatives ont des répercussions positives sur la santé mentale et physique des jeunes LGBT. Je pense qu’il est extrêmement important que nous intervenions dans le milieu scolaire.
Comme vous le savez, l’éducation ne relève pas de la compétence fédérale. Cependant, nous finançons parfois des programmes et des organismes qui collaborent avec les écoles. Nous pouvons ainsi mettre en oeuvre certains programmes ou certaines parties de programmes, même si nous ne le faisons pas officiellement. Selon vous, si le gouvernement fédéral décidait d'intervenir à cet égard, comme il l'a fait avec CanCode, qui collabore avec des organismes pour présenter le codage en classe, sur quoi devrait-il se concentrer? Quel rôle pourrait-il jouer à cet égard?
Je ne suis pas au courant de toutes les possibilités dans ce domaine. Par exemple, je sais que le SIECCAN a reçu des fonds pour élaborer des lignes directrices exhaustives sur l’éducation en matière de santé sexuelle qui font actuellement l’objet d’une révision. Le gouvernement fédéral a assurément un rôle à jouer. Je pense qu’il est important que les enfants aient accès à l’éducation à la santé sexuelle dans les écoles et ailleurs, parce que nous savons que, même si nous voulons offrir cette éducation sexuelle complète dans toutes les écoles pour tous les enfants du Canada, il faudra un certain temps avant d’y parvenir. C’est pourquoi je pense que le fait de penser à financer des organismes pour qu’ils élaborent des ressources en ligne ou qu'ils mènent des campagnes pour les jeunes est également... Bien sûr, si le gouvernement fédéral s'en occupait, ce travail aurait une portée nationale.
Je vous remercie tous pour votre témoignage.
Monsieur le président, j'essaie de me rappeler le nom du service de soins palliatifs en cybersanté que nous avons visité au Manitoba. Comment s'appelait-il?
Le Portail canadien en soins palliatifs est uniquement un service de soins palliatifs.
Dr Gilbert, vous nous avez un peu parlé de la cybersanté et de l'initiative en matière de santé que la Colombie-Britannique mène actuellement. Je ne me souviens pas du nom de cette initiative de cybersanté. Pourriez-vous me le rappeler?
Le service que nous offrons s'appelle GetCheckedOnline. C'est un service d'examens médicaux en ligne.
C'est que ce service doit s'intégrer à ceux de laboratoires. Comme les gens doivent y envoyer des prélèvements, il est géographiquement restreint, mais il serait possible d'en reproduire le modèle ailleurs. Nous disposons actuellement d'une subvention de recherche des IRSC, et nous examinons la possibilité de reproduire ce modèle à Toronto.
À mon avis, c'est extrêmement important. Ce service aiderait de nombreuses personnes, surtout dans les collectivités rurales et éloignées, où il est plus facile d'aller en ligne que d'aller voir un médecin, qui risquerait d'ailleurs d'être un voisin. Je crois qu'il faudrait mener ces initiatives à l'échelle nationale.
Dr Moore, vous nous avez beaucoup parlé de la PrEP. Nous vous avons posé de nombreuses questions à ce sujet. Quelqu'un vous a demandé quel en était le coût, et vous n'étiez pas en mesure de lui répondre. Est-ce qu'un autre témoin pourrait nous donner une idée de ce que la PrEP coûte aux patients externes?
Dans la liste des médicaments assurés au Québec, la PrEP, ou un antirétroviral, coûte environ 237 $.
Par mois.
Il faut aussi compter la quote-part que les patients doivent verser et qui est souvent très élevée, suivant leur revenu. Le médicament de marque coûte environ 879 $ par mois.
Au Québec, par exemple, quand vous recevez une ordonnance pour le médicament de marque, vous allez à la pharmacie. Le pharmacien vous offre soit le générique, soit le médicament de marque. À vous de choisir.
Permettez-moi d'ajouter qu'il existe des cliniques de PrEP. Par exemple, dans le comté de Simcoe, il n'y a plus besoin de l'ordonnance d'un omnipraticien. Les gens peuvent s'y présenter eux-mêmes. Dans notre cas, il s'agit du Dr Colin Lee, notre médecin adjoint de santé publique, qui prescrit la PrEP sans exiger que les patients aient été envoyés par un médecin. La PrEP est donc beaucoup plus accessible, car les gens n'ont plus besoin de passer par leur médecin de famille pour qu'il les envoie à la clinique.
Monsieur Croteau, je voudrais que nous parlions un peu plus des papiers d'identité gouvernementaux et du fait que les formulaires devraient être plus inclusifs et porter le prénom que les gens préfèrent au lieu de celui qu'on leur a donné à la naissance. Pourquoi est-il si difficile de faire cela? Est-ce qu'on refuse tout simplement de donner aux gens le prénom qu'ils désirent? Je n'y comprends rien.
Le changement de nom est coûteux. Parfois, les gens ne peuvent pas se le permettre. Par exemple, les prestataires du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, le POSPH, reçoivent 1 200 $ par mois. Leur loyer leur coûte 1 000 $ par mois, alors ils doivent choisir quoi payer en priorité avec leur argent.
Notre organisme aide les gens à changer de nom, mais n'oublions pas que cela fait partie d'un cheminement de santé mentale. Les gens ne décident pas tout d'un coup à 30 ou à 50 ans qu'ils sont transgenres. C'est un cheminement qu'ils suivent depuis le début de leur vie.
Le prénom d'usage n'est pas un surnom. Certains praticiens l'appellent encore un surnom. Ce n'est pas un surnom, c'est un prénom d'usage.
Les gens pourraient changer leur prénom légalement, mais évidemment, il y a des frais pour cela, et parfois les gens ne peuvent pas se les permettre.
Les formulaires sont importants. Ceux qui ne proposent qu'homme ou femme comme choix sont stigmatisants.
Votre temps de parole est écoulé.
Nous passons maintenant la parole au Dr Eyolfson pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président, et merci à vous tous d'être venus.
J'ai déjà fait ces observations au cours d'une autre réunion, mais il vaut la peine de les répéter à des gens de la profession médicale. Quand j'ai reçu mon diplôme de l'école de médecine, en 1993, tout ce qu'on nous avait enseigné sur la santé des LGBT, c'est qu'il fallait être gentil avec les gais. C'est vrai, mais c'est loin d'être suffisant.
Comme le VIH est très stigmatisant, quand nous désirions demander une analyse de dépistage du VIH à l'hôpital, nous devions remplir des formulaires qui n'existaient pas pour les autres types d'analyses. Comme j'étais médecin à l'urgence avant d'être élu ici, j'exerçais ma profession seulement dans des hôpitaux.
Lorsqu'un patient se présentait avec une jaunisse, je demandais un examen du fonctionnement de son foie. Je demandais des tests sérologiques de dépistage de l'hépatite B. Il me suffisait d'inscrire ma demande sur un formulaire, une personne venait prélever du sang, et voilà, c'était chose faite.
Cependant, pour un dépistage du VIH, il fallait remplir toutes sortes de formulaires. Il fallait remettre un consentement écrit du patient, ce qui n'était pas exigé pour les autres types d'analyses. Quand une jeune fille de 14 ans s'est présentée avec des douleurs abdominales, je n'ai pas eu besoin de demander un consentement écrit pour commander un test de grossesse. Cependant, pour le VIH, il fallait un consentement, et il fallait verser le sang dans des tubes portant un code spécial sur lequel nous devions ensuite coller un papier pour que personne ne voie le code. Je comprends bien que ces procédures visaient à protéger la confidentialité à cause de la stigmatisation, mais nous n'avions pas à les suivre pour les autres diagnostics.
Je voudrais donc savoir si d'autres rapports ont souligné que ces pratiques risquaient d'éliminer certaines étapes, d'inciter des praticiens à ne pas demander certaines analyses à cause de cette surcharge administrative? Est-ce que la situation a changé au cours des années?
Je vais peut-être commencer. Ce que vous décrivez est un obstacle qui empêche les gens de se soumettre à un test — oui, absolument. Si vous créez des obstacles administratifs qui empêchent les gens de subir un test, non seulement le patient ne s'y pliera pas, mais le fournisseur ne l'administrera pas.
En Colombie-Britannique, nous avons élaboré des lignes directrices provinciales pour le dépistage du VIH, qui comprenaient de nombreuses recommandations précises, mais aussi une recommandation générale précisant que le consentement nécessaire pour le dépistage du VIH est de même nature que pour tout autre test diagnostique. Le ministère de la Santé a financé des autorités régionales de la santé pour promouvoir le dépistage du VIH, avec beaucoup de succès, en Colombie-Britannique. Nous avons découvert qu'un grand nombre des procédures antérieures pour lesquelles il fallait un formulaire particulier pour faire un test de dépistage du VIH dans un hôpital existaient toujours en 2014-2015 — du moins en Colombie-Britannique à ce qu'il nous paraît. La plupart des gens acceptent de subir les tests de dépistage du VIH qui leur sont proposés. Idéalement, les gens devraient être mis au courant qu'on les soumet à un test de dépistage du VIH et ils devraient l'accepter, et il n'est pas nécessaire de s'éterniser sur ce qui se passe advenant que le test soit positif.
Je ne sais pas dans quelle mesure c'est répandu d'un bout à l'autre du pays. Il y a quelques années, l'Agence de la santé publique du Canada a publié des lignes directrices sur le dépistage du VIH qui, encore une fois, recommandaient que ces tests ne soient pas nécessairement administrés en fonction de comportements à risque signalés. Je ne sais pas exactement ce qu'on recommandait au sujet du consentement. On emploie encore l'expression « conseil et dépistage du VIH », qui laisse entendre qu'il s'agit d'une procédure plus complexe que tout autre test, ce qui ne devrait vraiment pas être le cas.
De plus, il ne faut pas perdre de vue qu'un résultat positif à un test de dépistage du VIH diffère d'un résultat de test de fonction hépatique pour ce qui est des répercussions possibles. J'estime qu'il faut trouver un équilibre entre le fait d'essayer de rendre le test le plus simple possible pour assurer le dépistage et le fait de reconnaître qu'il y a des raisons de traiter le VIH différemment. Par exemple, certaines lignes directrices sur les tests précisaient qu'il fallait également veiller à ce que les gens aient... Il était indiqué que l'on pourrait donner aux gens, sous forme écrite tout au moins, des renseignements clés sur le VIH dont ils pourraient avoir besoin. Par exemple, que l'on pourrait préciser qu'ils ont été testés positifs et que leurs résultats a été transmis au Services de santé publique.
Il ne s'agit pas uniquement de supprimer tout ce qui a été fait auparavant. Il faut voir comment rendre le tout plus efficace dans le cadre d'un processus de dépistage.
J'ajouterais que l'accessibilité et la normalisation du dépistage du VIH sont l'objectif. Dans notre centre, nous avons une clinique appelée « George », qui est une clinique pour les hommes à homme. Le dépistage du VIH est beaucoup plus facile d'accès parce qu'il se fait dans un espace plus sûr. Les hommes qui arrivent savent déjà qu'ils se trouvent dans une clinique très conviviale pour les homosexuels et ils sont donc beaucoup plus à l'aise pour parler non seulement du dépistage du VIH, mais aussi du dépistage du VHC et d'autres ITS.
Monsieur Lacasse, vous avez parlé à plusieurs reprises de l'état inacceptable de la collecte de données au Canada. Selon vous, pourquoi les données de surveillance de l'Agence de la santé publique du Canada sont-elles si inadéquates? Avez-vous des recommandations à faire à ce sujet?
Eh bien, prenez le Nord du Canada. Nous avons assisté à une conférence sur le cadre de gestion à propos duquel le médecin chef du Nunavut a dit: « Nous prenons note du nombre de cas de VIH inscrit sur un document déposé sur un coin du bureau. » Si vous prenez le modèle québécois, vous verrez qu'il ne permet pas de disposer de toute l'information. En Colombie-Britannique, d'aucuns ont demandé la suppression de toute donnée sur la provenance. Enfin, c'est ce que je crois, car je n'en suis pas certain.
Le modèle diffère d'une province à l'autre et il n'existe donc pas de point d'accès uniforme pour recueillir les données. Voilà le problème. Si le contrôle était meilleur... Écoutez, l'initiative en matière de santé mentale qu'avait lancée le gouvernement en 2015 était liée aux paiements de transfert. Pourquoi ne pas procéder de la sorte pour tout le reste, dans une certaine mesure, pour faire avancer les choses? La santé sexuelle est un obstacle important à la santé générale et mentale et à tout ce qui vient avec. Nous devons disposer d'un moyen ou d'un mécanisme pour mieux faire les choses.
Docteur Gilbert, il ne me reste qu'une minute ou deux, mais j'aimerais vous demander, et je m'adresse aussi à M. Moore, quelles mesures le gouvernement fédéral devrait-il prendre pour qu'il n'y ait plus aucune nouvelle infection par le VIH au Canada? Quels conseils nous donneriez-vous à ce sujet?
C'est la question à un million de dollars, n'est-ce pas? Il est difficile de mettre le doigt sur ce qui réglerait vraiment le problème, mais je crois qu'il faut tenir compte de facteurs individuels comme l'accès aux tests et aux traitements. Nous savons qu'il y a des lacunes au chapitre du traitement partout dans la province — c'est clair — qui nous empêchent d'en arriver à la troisième partie du 90-90-90. Nous mettons beaucoup l'accent sur le modèle biomédical des « traitements préventifs », mais je pense que nous devons également penser aux déterminants sous-jacents et à la façon dont nous en tenons compte. Cela perpétue le problème si nous ne nous attaquons pas vraiment à des déterminants sous-jacents comme la stigmatisation et l'accès aux soins de santé.
En ce qui concerne les déterminants, voyez-vous un lien entre, disons, le statut socioéconomique, l'intersectionnalité, la race, les Autochtones, le caractère — enfin, tout? Est-ce que cela joue un rôle?
Absolument. À l'examen de la question — je connais très bien l'épidémie qui sévit en Colombie-Britannique, mais je pense que cela s'applique probablement à l'ensemble du Canada —, on constate que les gens se trouvant à ces intersections ou dans ces marges, et qui passent entre les mailles du filet, sont aussi probablement ceux qui ont le plus de difficulté à avoir accès à des soins de santé appropriés ou à les avoir à leur disposition. Je pense que ces points d'intersection sont d'une grande importance. Même pour l'une des populations clés — les gais, les bisexuels et les autres hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes —, nous savons que les intersections constatées pour cette population sont également associées à des disparités en matière d'accès aux soins et aux traitements.
Monsieur Moore, je vous laisse le dernier mot. Avez-vous des conseils à donner au Comité sur la façon de réduire à zéro le taux de nouvelles infections par le VIH?
En réalité, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour essayer de faire participer les gouvernements provinciaux qui n'ont pas été aussi actifs ou engagés dans le processus. Nous avons beaucoup de chance en Colombie-Britannique où le gouvernement provincial a compris l'avantage net pour la province de participer de façon appropriée à la lutte contre le VIH dès le début.
Il serait bon notamment d'examiner les politiques concernant les quotes-parts relatives aux médicaments financés par l'État. Ce sont vraiment des facteurs qui dissuadent les gens d’obtenir un traitement efficace. L'autre chose, ce sont les politiques provinciales sur les tests et l'accès aux tests. Encore une fois, nous avons ce genre de promotion selon laquelle tout le monde devrait connaître sa séropositivité en Colombie-Britannique. Cela ne veut pas dire que le dépistage d’un grand nombre d'hétérosexuels à faible risque est nécessairement une façon directe de mettre fin à l'épidémie, mais nous espérons que cela éliminera la stigmatisation liée à l'offre d'un test de dépistage du VIH. Cela explique en partie pourquoi certaines personnes ne subissent pas de tests ou ne reçoivent pas de soins.
Cela clôt le débat. Merci.
Nous pensons que la sonnerie retentit et nous devons donc mettre fin à la séance.
Au nom du Comité, je remercie nos témoins. C'est un sujet hautement intéressant. Nous avons apprécié votre franchise et vos réponses réalistes. Elles nous seront très utiles. Je pense que nous aurons un rapport très intéressant, une fois nos travaux terminés, en raison de la qualité des témoignages que nous avons entendus partout. Je pense que tout le monde comprend à quel point c'est important et remarquable.
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