:
Il est 8 h 30; je déclare ouverte la séance n
o 64. Je tiens à souhaiter à tout le monde une bonne reprise parlementaire, en plus de souhaiter la bienvenue aux nouveaux membres du Comité. Je souhaite également la bienvenue à tous nos invités venus témoigner aujourd'hui.
Nous nous attaquons aujourd'hui à une mission intéressante: l'étude du projet de loi , Loi sur le cannabis. Je m'attends à des débats stimulants, il semble que la question suscite de l'intérêt. Nous recevons plusieurs témoins aujourd'hui.
Je tiens à rappeler que nous sommes le 11 septembre et que nous observerons une minute de silence à 8 h 46, en mémoire des catastrophes survenues en Virginie, à Washington et à New York, qui ont causé la mort de presque 3 000 personnes, dont entre 24 et 29 Canadiens, dans une tragédie atroce. J'interromprai la séance à 8 h 46 et demanderai le silence. D'ici là, je vous présente nos témoins.
Nous accueillons aujourd'hui essentiellement des hauts fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux. Nos témoins sont Jacqueline Bogden, sous-ministre adjointe, et Eric Costen, directeur général au ministère de la Santé, Direction générale de la légalisation et de la réglementation du cannabis. Nous recevons également Carole Morency, directrice générale et avocate générale principale à la Section de la politique en matière de droit pénal, ainsi que Diane Labelle, avocate générale aux Services juridiques de Santé Canada, qui représentent le ministère de la Justice. Nous recevons Kathy Thompson, sous-ministre adjointe du Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime au ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. De même, accueillons Joanne Crampton, commissaire adjointe aux Opérations criminelles de la Police fédérale à la Gendarmerie royale du Canada.
Je tiens à vous souhaiter à toutes et à tous la bienvenue et à vous remercier d'être ici. Je suis certain que vos vies sont en train de devenir palpitantes et que vous pourrez nous en parler un peu.
Je crois que c'est Mme Bogden qui brisera la glace au nom du groupe.
Vous avez 10 minutes, madame Bogden, après quoi les membres vous poseront des questions.
:
Bonjour, et merci de me permettre de comparaître devant le Comité. Le président nous a déjà présentés, mes collègues et moi, je passerai outre les présentations.
En notre qualité de fonctionnaires, nous avons pour responsabilité de fournir des conseils et du soutien aux ministres dans l'élaboration de ce projet de loi. Je dois aussi mentionner le projet de loi , déposé pour renforcer les lois touchant la conduite avec facultés affaiblies. Le comité de la Justice en a été saisi.
Monsieur le président, votre comité amorce l'étude d'un projet de loi important, complexe, transformateur. Au nom de mes collègues, j'aimerais vous en présenter un bref aperçu. Je mettrai l'accent sur trois éléments centraux. Il y a d'abord le contexte dans lequel se situe l'élaboration du nouveau cadre de réglementation du cannabis qu'on trouve dans ce projet de loi et les objectifs du gouvernement. Je vous présenterai ensuite quelques-unes des dispositions clés du projet de loi, particulièrement celle sur les rôles et responsabilités des différents ordres de gouvernement. Ce faisant, je vous décrirai également comment nous collaborons avec nos homologues provinciaux et territoriaux. Enfin, je vous décrirai le travail tout aussi important qui se déploie à l'appui de cette modification législative et qui prévoit notamment un renforcement de l'éducation et de la sensibilisation publiques et aux risques associés à la consommation de cannabis pour la santé et la sécurité.
Permettez-moi de commencer par vous décrire le contexte actuel. Le Canada affiche l'un des taux de consommation de cannabis les plus élevés au monde. Il faut particulièrement s'inquiéter des habitudes de consommation des adolescents et des jeunes adultes. Plus d'un Canadien sur cinq de 15 à 19 ans affirme avoir consommé du cannabis au cours de la dernière année. Les chiffres sont encore plus élevés chez les jeunes adultes. Près d'un Canadien sur trois de 20 à 24 ans déclare en avoir consommé au cours des 12 derniers mois. Ces taux de consommation sont inquiétants, compte tenu du fait que les risques associés au cannabis sont plus grands pour les jeunes que pour les adultes et que plus une personne commence à en consommer jeune et plus sa fréquence de consommation est élevée, plus le risque croît.
Par ailleurs, non seulement le taux de consommation est-il élevé chez les jeunes et les adultes, mais il entretient un marché illégal évalué à 7 milliards de dollars par année pour le crime organisé et ceux qui choisissent de contrevenir à la loi. Ce marché illégal représente un fardeau considérable pour les ressources du système de justice pénale du Canada. Le nombre de poursuites pour possession simple en fait foi. Selon Statistique Canada, plus des trois quarts des accusations portées relativement au cannabis en 2016 l'ont été au motif de possession de cannabis.
Monsieur le président, il est clair que le statu quo ne réussit pas à freiner la consommation de cannabis ni à prévenir son accès facile pour les jeunes. Avec le projet de loi , le gouvernement propose un nouveau cadre de réglementation du cannabis. Les objectifs du gouvernement sont clairement énoncés à l'article 7 du projet de loi. Ils consistent à protéger la santé des jeunes en restreignant leur accès au cannabis; à les préserver des incitations à l'usage du cannabis; à prévenir les activités illicites à l'aide de sanctions et de mesures d'application appropriées; à permettre la production licite de cannabis afin de limiter l'exercice d'activités illicites; à réduire le fardeau sur le système de justice pénale; à donner accès aux adultes à un approvisionnement de cannabis dont la qualité fait l'objet d'un contrôle et, je souligne, à mieux sensibiliser le public aux risques que présente l'usage du cannabis pour la santé.
Le projet de loi est cohérent avec les conclusions du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis. Ce groupe de travail a mené de vastes consultations en profondeur. Il a sollicité l'avis d'experts de la santé publique, de la justice, de l'application de la loi et d'autres disciplines. Il a sondé les représentants des gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux; des représentants du gouvernement américain et bien sûr, des Canadiens.
Le projet de loi créerait des règles nationales strictes qui encadreraient la production, la distribution, la vente et la possession de cannabis au Canada. Il permettrait aux adultes d'avoir accès légalement au cannabis, selon des règles strictes, et de se le procurer auprès d'un vendeur autorisé par le gouvernement ou de le cultiver en quantité limitée à leur domicile.
Plus particulièrement, le projet de loi propose un train de mesures destinées à mieux protéger les jeunes du cannabis. Par exemple, il serait illégal pour les adultes de vendre ou de distribuer du cannabis à quiconque a moins de 18 ans, mais les provinces et territoires pourraient relever cet âge minimal.
La loi créerait deux nouvelles infractions pénales assorties de peines maximales de 14 ans d'emprisonnement pour distribution ou vente de cannabis à un jeune ou utilisation d'un jeune pour commettre une infraction liée au cannabis. La loi interdirait également toute promotion ou publicité du cannabis susceptible d'attirer les jeunes, un peu comme les restrictions qui s'appliquent actuellement au tabac. Les produits, emballages et étiquettes susceptibles d'être attrayants pour les jeunes seraient également interdits.
Les adultes seraient autorisés à posséder jusqu'à 30 grammes de cannabis séché dans les lieux publics ou l'équivalent sous d'autres formes. Des sanctions s'appliqueraient à toute personne contrevenant à ces nouvelles règles, et les sanctions seraient proportionnelles à la gravité de l'infraction. Il y aurait des contraventions pour les infractions mineures, alors que les infractions les plus graves, comme la production commerciale illicite ou l'exportation de cannabis hors des frontières canadiennes, exposeraient les contrevenants à des amendes ou à un emprisonnement.
J'aimerais maintenant vous parler des rôles et responsabilités des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Conformément aux recommandations du groupe de travail, le projet de loi propose un cadre partagé de légalisation et de réglementation du cannabis, qui exigerait une coopération fédérale-provinciale-territoriale. En vertu de la nouvelle loi, le gouvernement fédéral aurait la responsabilité des permis et de la réglementation régissant la production de cannabis et devrait établir et faire appliquer des normes élevées de santé et de sécurité. Conformément à leurs compétences et à leur expérience, les gouvernements provinciaux et territoriaux pourraient réglementer la distribution et la vente de cannabis sur leur territoire.
Les provinces et les territoires, en collaboration avec les municipalités, jouiraient également d'une vaste marge de manoeuvre afin d'adapter certaines règles à leur réalité et de les faire appliquer à l'aide de divers outils dont les contraventions. Ils pourraient donc, par exemple, relever l'âge minimal ou resserrer les limites à la possession ou à la culture personnelles. Les autorités locales auraient par ailleurs la responsabilité d'établir des règles relatives à la consommation de cannabis dans les lieux publics, d'adopter des règlements administratifs sur le zonage concernant l'emplacement des boutiques, le maintien de l'ordre et l'application des règlements administratifs.
Monsieur le président, la coordination entre les divers ordres de gouvernement est et demeure absolument essentielle. Pour cette raison, au printemps 2016, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de la Santé, de la Sécurité publique et de la Justice ont établi un groupe de travail composé de personnes chevronnées afin de faciliter la consultation, l'échange d'information et la collaboration dans la conception et la mise en oeuvre du projet de loi. Depuis, les hauts fonctionnaires se rencontrent toutes les trois semaines pour discuter des grands enjeux, se consulter, échanger des renseignements et coordonner leurs efforts respectifs, et cette collaboration se poursuivra.
Les provinces et territoires se préparent. Beaucoup ont annoncé des plans, ont lancé des consultations publiques ou ont exprimé leur intention de le faire. Nous sommes résolument déterminés à travailler ensemble, en collaboration, au cours des prochains mois, alors que les divers gouvernements se préparent à la mise en oeuvre potentielle de ce projet de loi, s'il est approuvé par le Parlement.
Monsieur le président, avant de conclure mes observations d'aujourd'hui, j'aimerais décrire brièvement quelques autres éléments qui appuieront ce projet de loi. Il y a d'abord la mise en place d'un système complet de suivi et de surveillance. Celui-ci nous aidera à évaluer la mise en oeuvre de la loi et à y apporter les modifications nécessaires, au besoin, comme d'autres gouvernements l'ont fait avant nous, dont ceux du Colorado et de Washington. Ensuite, comme je l'ai mentionné au début de mon exposé, il y aura une vaste campagne d'éducation et de sensibilisation du public, de concert avec les provinces et les territoires, les organismes de santé municipaux et d'autres grands partenaires. Cette campagne permettra de transmettre aux Canadiens, particulièrement aux jeunes, toute l'information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées concernant les risques pour la santé et la sécurité que pose la consommation de cannabis.
Pour terminer, monsieur le président, je souhaite souligner que le projet de loi se veut un nouveau cadre plus efficace pour réglementer le cannabis, qui permettra de mieux protéger les jeunes et à terme, de remplacer le marché illégal. Sur ce, nous serons ravis de répondre aux questions des membres du Comité.
Merci.
:
Très bien. Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous. J'aimerais d'abord dire que je suis très heureuse d'être de retour dans la Cité parlementaire. Je dois admettre que je suis stupéfaite par la transformation de l'édifice Wellington. Il s'agit d'un édifice très impressionnant. Il n'existait pas dans sa forme actuelle lorsque j'étais ici.
Comme vous le savez déjà, mon nom est Anne McLellan. J'ai agi à titre de présidente du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis. Je suis accompagnée aujourd'hui du vice-président du groupe de travail, Mark Ware. Nous sommes ici pour vous donner un aperçu du travail et des recommandations du groupe de travail. Le groupe de travail avait pour mandat de mener des consultations et de fournir des conseils indépendants sur la conception d'un nouveau cadre législatif et de réglementation.
Nos travaux ont mené à la production d'un rapport intitulé Un cadre pour la légalisation et la réglementation du cannabis au Canada que nous avons remis aux ministères de la Justice, de la Sécurité publique et de la Santé, et publié le 13 décembre 2016 à l'intention de tous les Canadiens. Ce rapport contient plus de 80 recommandations. Nos conseils portent sur les mesures de protection qu'il serait important, selon nous, d'adopter pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement, soit mieux protéger la santé et la sécurité des Canadiens en réglementant l'accès au cannabis.
Pendant cinq mois, nous avons sillonné le pays et entendu ce qu'avaient à nous dire les Canadiens, y compris des représentants des communautés autochtones, des parents, des jeunes, des militants, des producteurs et des patients qui consomment du cannabis à des fins médicales. Nous nous sommes entretenus avec des spécialistes et des organisations qui nous ont partagé leurs divers points de vue et aidés à comprendre la complexité de la légalisation et de la réglementation. Nous avons rencontré des représentants des gouvernements provinciaux, territoriaux, municipaux et autochtones qui ont insisté sur le fait qu'une collaboration étroite entre tous les ordres de gouvernement était nécessaire.
Nous nous sommes rendus au Colorado et à Washington et nous sommes entretenus avec des représentants du gouvernement de l'Uruguay — le seul autre pays au monde à avoir légalisé l'accès au cannabis — afin d'apprendre de gens ayant participé directement à la mise en place de réseaux d'accès légal au cannabis. Nous avons également reçu près de 30 000 réponses de spécialistes, d'organisations et de Canadiens qui ont pris le temps de répondre à notre questionnaire en ligne.
Dans le cadre de vos audiences, vous entendrez, comme nous, divers points de vue réfléchis, éclairés et passionnés sur une multitude de questions relatives à la légalisation et à la réglementation du cannabis. Certains de ces points de vue seront contradictoires. En tenant compte de l'expérience et de l'expertise des gens que nous avons consultés, nous avons cherché à trouver un équilibre entre adopter des restrictions appropriées pour minimiser les méfaits associés à la consommation de cannabis et fournir aux adultes l'accès à un approvisionnement réglementé de cannabis. De plus, nous souhaitions réduire la portée et la taille du marché illicite et les dommages sociaux qu'entraîne ce marché.
Nous avons également conclu qu'il serait judicieux de procéder avec prudence. Nous sommes seulement le deuxième pays à aller de l'avant dans ce dossier, et ceux qui nous ont précédés dans cet exercice nous ont prévenus qu'il y aurait des surprises. Bien qu'il y ait des leçons importantes à tirer de ce qui s'est fait ailleurs, la conception et la mise en oeuvre d'un réseau national canadien constituent une entreprise unique. Cette approche équilibrée et prudente axée sur la protection de la santé et de la sécurité a permis d'orienter les conclusions du groupe de travail sur les questions les plus controversées.
J'aimerais attirer votre attention sur deux de ces questions afin d'illustrer notre approche.
Le groupe de travail a été quelque peu surpris de constater l'étendue des discussions qu'a entraînées la question de l'âge minimum pour l'achat de cannabis lors de nos consultations. Les délibérations du groupe de travail sur la question en font foi et nous avons réfléchi sérieusement aux diverses recommandations proposant un âge minimum allant de 18 à 25 ans.
Nous comprenons les risques accrus associés à la consommation de cannabis en bas âge. Selon certaines recherches, la consommation de cannabis à l'adolescence pourrait nuire au développement du cerveau. Pourtant, nous savons également que les adultes âgés de 18 à 24 ans représentent le segment de la population le plus susceptible de consommer du cannabis. En 2015, près de 30 % des membres de cette cohorte ont dit avoir consommé du cannabis au cours de l'année. L'adoption d'un âge d'accès trop élevé pourrait entraîner un éventail de conséquences involontaires, comme inciter les jeunes adultes à continuer de se procurer du cannabis sur le marché illégal où il n'y a aucune mesure de contrôle de la qualité, notamment.
Nous avons appris — et il en a été question plus tôt avec des fonctionnaires — que les prohibitions pénales en vigueur aujourd'hui et qui existent depuis plus de 90 ans ont peu fait pour prévenir l'accès au cannabis et dissuader les gens de consommer du cannabis. En 2016, 80 % des infractions liées au cannabis concernaient la possession et 18 000 accusations de possession de cannabis ont été portées. Nous avons également entendu parler de la stigmatisation associée à la mise en état d'arrestation et des conséquences à vie potentielles pour les jeunes adultes qui se retrouvent avec un casier judiciaire pour simple possession de cannabis.
En proposant un âge minimum fédéral de 18 ans, tout en respectant les intérêts des provinces et territoires qui souhaiteraient fixer un âge plus élevé, notre objectif était de trouver un équilibre entre la nécessité de protéger les mineurs et de réduire le marché illicite. Le groupe de travail a également conclu qu'à elle seule, l'imposition d'un âge limite était insuffisante pour décourager et retarder la consommation de cannabis. Nous avons recommandé l'adoption de mesures préventives robustes, comme la sensibilisation continue du public et l'adoption d'une réglementation judicieuse, afin d'exercer un meilleur contrôle sur l'accès au cannabis et sa consommation par les jeunes adultes et d'atténuer les risques de cette consommation pour la santé.
La question de la culture à domicile a également suscité un débat important et des arguments convaincants ont été avancés pour et contre cette culture. Des préoccupations ont été soulevées quant aux risques pour la santé et la sécurité associés à la culture à domicile, aux obstacles à une surveillance adéquate, notamment en ce qui a trait aux enfants, et à la facilité potentielle avec laquelle le produit pourrait se retrouver sur le marché illégal. Toutefois, il était clair pour nous que ces préoccupations concernaient principalement, mais pas exclusivement, les cultures clandestines à grande échelle, et non la culture à domicile à petite échelle.
Des arguments fondés sur la conviction que la culture responsable et sécuritaire à domicile est possible si elle est encadrée par des limites et des mesures de protection appropriées ont aussi été présentés. Au bout du compte, le groupe de travail a recommandé de permettre la culture à domicile, mais de limiter celle-ci à quatre plants par ménage, d'interdire tout processus de production dangereux, d'adopter des mesures de sécurité raisonnables, notamment en ce qui a trait aux enfants, et d'avoir recours aux autorités locales pour la surveillance. Selon nous, cette recommandation tient compte des préoccupations soulevées en matière de santé et de sécurité et offre un cadre permettant aux adultes respectueux de la loi de faire la culture du cannabis à petite échelle et pour consommation personnelle, un peu comme la production à domicile de boissons alcoolisées déjà permise.
Nos recommandations sur la culture à domicile ne devraient en aucun cas être interprétées comme quoi nous fermons les yeux sur les cultures clandestines à grande échelle dont il a été question dans les médias et qui posent des risques importants pour la santé et la sécurité des Canadiens, y compris les policiers et les premiers intervenants. Disons que les points de vue sur ces questions — l'âge et la culture à domicile — étaient divergents et passionnés. Nos recommandations témoignent du fait qu'en s'engageant sur cette nouvelle voie, le Canada doit agir de façon judicieuse et pragmatique.
Nous devons également tenir compte de l'expérience de ceux qui ont déjà emprunté la voie de la légalisation, même s'ils sont peu nombreux. L'expérience du Colorado, un des pionniers dans la réglementation du cannabis, est encourageante. Le gouverneur du Colorado, John Hickenlooper, et la procureure générale de l'État, Cynthia Coffman, ont récemment écrit au procureur général des États-Unis, Jeff Sessions, pour faire le point sur les progrès réalisés et dissiper certaines des fausses idées entourant la légalisation du cannabis.
Ils ont fait remarquer que malgré les craintes de nombreux observateurs, les statistiques ne montrent aucune augmentation importante de la consommation du cannabis chez les jeunes après la légalisation. Je suis heureuse d'apprendre que, selon les dernières statistiques disponibles, cette même tendance a été observée dans l'État de Washington. Ces résultats sont en grande partie attribuables aux dispositions réglementaires rigoureuses adoptées pour prévenir la consommation du cannabis, comme des exigences relatives à la vérification de l'âge, des interdictions relatives à la publicité, à l'emballage et à la vente de produits attirants pour les enfants et une campagne de sensibilisation publique rigoureuse qui attire l'attention sur les conséquences de la consommation de cannabis.
De façon similaire, bien que les premières données montrent une augmentation du nombre de visites en salle d'urgence pour des raisons liées au cannabis, les plus récentes données publiées au Colorado montrent un renversement de cette tendance. Encore une fois, cette tendance est attribuable aux campagnes de sensibilisation publique ciblées sur les risques associés à la consommation et la nécessité d'assurer une consommation et un entreposage sécuritaires. Par exemple, tous les emballages de produits de cannabis comestible au Colorado doivent être refermables et sans danger pour les enfants.
Bien qu'il soit impossible de garantir des résultats similaires au Canada, il est tout de même encourageant de voir que les éléments d'information les plus récents au Colorado montrent que les préoccupations soulevées initialement concernant la légalisation du cannabis ne semblent pas se confirmer. Le Canada peut tirer des leçons de ces expériences, soit que l'adoption de politiques bien fondées, une campagne de sensibilisation publique robuste et l'application du cadre réglementaire peuvent atténuer bon nombre des risques perçus de la légalisation.
J'ai souvent dit qu'il sera essentiel pour le gouvernement de demeurer vigilant et d'être prêt à corriger le tir en fonction des éléments d'information disponibles. Il y aura des obstacles imprévus et des conséquences involontaires. Grâce à une surveillance attentive et étroite et à une volonté d'adaptation, il sera possible de réagir efficacement aux situations au fur et à mesure qu'elles se présenteront.
Merci, monsieur le président. Je suis impatiente de répondre aux questions des membres.
:
Bonjour à tous. Mon nom est Mark Ware et j'ai agi à titre de vice-président du Groupe de travail pour la légalisation et la réglementation du cannabis.
[Français]
J'ai le plaisir d'être en mesure de m'adresser aujourd'hui à ce comité. J'espère pouvoir fournir quelques suggestions à propos de la période où j'ai été coprésident du groupe de travail et faire également un parallèle avec mon expérience professionnelle.
[Traduction]
Je crois que la plus grande contribution que je pourrais apporter au Comité serait de fournir le point de vue d'un chercheur sur les données actuelles concernant le cannabis, y compris ses méfaits et avantages potentiels; de souligner certains des défis que pourraient présenter pour vous les éléments d'information dans le cadre de vos examens; de partager avec vous les réflexions et conclusions du groupe de travail concernant les conséquences que pourrait avoir la légalisation sur l'accès au cannabis à des fins médicales; et, finalement, mettre en évidence l'importance de la recherche en appui à une politique publique bien fondée.
[Français]
À titre de médecin clinicien se concentrant particulièrement sur la gestion de la douleur, j'étudie depuis longtemps le cannabis à des fins médicales. J'ai pu constater moi-même le changement de paradigme au sein de la culture canadienne qui nous a menés au moment où nous prévoyons mettre en oeuvre un cadre pour le cannabis légal. Il s'agit d'un changement vraiment remarquable, mais il est important de se rappeler que ce fut un long processus, qui a débuté en 1996 par la légalisation du chanvre pour aboutir au cadre réglementaire sur le cannabis à des fins médicales au cours des années 2000.
[Traduction]
Mes propres recherches et les nombreuses conversations qu'a eues le groupe de travail avec des spécialistes de partout au pays montrent clairement qu'il y a une grande variété de points de vue réfléchis, parfois divergents, et parfois très colorés sur le cannabis. J'ai appris que personne n'a le monopole de la vérité en ce qui a trait au cannabis. C'est ce qu'a souligné Mme McLellan, et je crois qu'il est important de le réitérer.
Au cours de cette semaine de témoignages, vous entendrez de nombreux points de vue différents. Idéalement, toutes nos décisions cliniques et recommandations stratégiques devraient être fondées sur des données claires et bien documentées. Toutefois, à la suite des nombreuses conversations qu'il a eues et des nombreuses lectures qu'il a effectuées, le groupe de travail a compris que, dans de nombreux domaines, il y a un manque de recherches complètes et de grande qualité pour alimenter la politique sur le cannabis. Dans bien des cas, il ne fait aucun doute que les données sont souvent inexistantes, incomplètes ou non concluantes. C'est la raison pour laquelle nos recommandations s'appuient sur des faits et non sur des données.
Ceci est particulièrement évident lorsque l'on examine les méfaits liés à la consommation de cannabis. Des témoins feront référence à des études qui parlent de liens entre la consommation fréquente de cannabis et des maladies mentales, comme la psychose, et à d'autres études qui parlent d'effets à court terme sur la mémoire, l'attention et les fonctions psychomotrices. Pourtant, il existe également des arguments selon lesquels de nombreux individus aux prises avec divers problèmes médicaux sérieux pourraient tirer un avantage thérapeutique de la consommation de cannabis, notamment pour la gestion de la douleur.
Au cours des prochains jours, vous entendrez beaucoup parler des liens entre le cannabis et plusieurs résultats liés à la santé. Vous avez probablement déjà votre propre opinion sur certaines de ces questions. Vous comprendrez sans doute rapidement que bon nombre de ces liens sont incertains. Même au sein de la communauté scientifique, la force et l'orientation de ces liens font l'objet d'un débat.
Une chose qui m'a particulièrement frappé lors de mon examen des données sur la consommation de cannabis est le manque d'uniformité dans la quantification de la consommation. On parle de la fréquence de consommation — quotidienne, hebdomadaire, mensuelle —, mais rarement de la puissance du cannabis lui-même. La quantité de THC varie énormément en fonction de la méthode de préparation du cannabis. Pourtant, cet aspect est rarement examiné dans le cadre d'études épidémiologiques et de recherches. Cette information est extrêmement importante pour comprendre les effets sur le cerveau et certains comportements.
C'est à cet égard que la légalisation et la réglementation du cannabis pourraient avoir un impact important. Nous serons en mesure de quantifier de façon précise la consommation de cannabis. En sachant ce que consomment vraiment les gens, nous pourrons en apprendre davantage sur la formulation de la puissance du cannabis et les taux de concentration de THC ou de CBD en pourcentages ou en milligrammes par dose. Cela nous permettra de mener des recherches plus informées et, par conséquent, de mieux informer le public.
[Français]
Cette opposition entre les risques et les avantages potentiels est un des éléments dont le Comité devra tenir compte quand il examinera divers sujets et qu'il prendra connaissance de différents points de vue.
Vous découvrirez qu'il n'y a pas de panacée pouvant clarifier tous ces points de vue. Le fait est que la recherche actuelle ne mène pas à un consensus. Il est important de comprendre et d'accepter ce fait.
[Traduction]
La question de l'accès à du cannabis à des fins médicales est un bon exemple des questions qui suscitent des points de vue divergents. D'un côté, il y a ceux qui croient nécessaire de créer un système distinct pour le cannabis à des fins médicales — notamment des groupes de patients — afin de préserver leurs relations avec les professionnels de la santé et leur accès à des produits spécialisés de cannabis à des fins médicales. Ils insistent sur le fait qu'ils consomment du cannabis par nécessité, et non par choix, et craignent que leurs besoins ne soient pas satisfaits et que leurs droits d'accès ne soient pas respectés sous un système unique.
D'un autre côté, d'autres, principalement des représentants de la communauté médicale, prétendent que la mise en place d'un système dédié au cannabis à des fins médicales n'est pas nécessaire, car en raison de la fin de la prohibition, ceux qui ont besoin de cannabis à des fins médicales pourront s'en procurer sur le marché général du cannabis. Étant donné le manque de données et les inquiétudes entourant le fait d'être responsable d'autoriser la consommation d'une substance non approuvée sur le plan médical, les membres de la communauté médicale ne veulent pas jouer le rôle de protecteur. D'autres ont souligné les défis associés à la gestion et à l'application d'un double système.
Au bout du compte, en tenant compte des points de vue différents et en s'appuyant sur des principes de prudence et d'équilibre, le groupe de travail a conclu que la façon la plus raisonnable de procéder était de conserver le système médical dans sa forme actuelle et de réévaluer les besoins dans cinq ans, une fois que le réseau légal aura été établi. Le manque de consensus sur les différentes questions met en évidence la nécessité d'effectuer plus de recherche afin d'assurer une surveillance, une évaluation et une communication systématiques, non seulement pour mieux comprendre et atténuer les risques associés à la consommation problématique, mais aussi pour comprendre les avantages potentiels de la consommation.
Le groupe de travail a entendu des témoignages convaincants de patients sur les avantages qu'ils tirent de la consommation de cannabis, ainsi que de chercheurs de la communauté médicale qui souhaitent plus de données afin de mieux comprendre le potentiel thérapeutique du cannabis. Il serait dans l'intérêt à la fois des médecins et des patients d'effectuer plus de recherches scientifiques et cliniques sur les usages thérapeutiques du cannabis et des cannabinoïdes associés. La capacité de recherche au Canada est très forte, de l'agriculture scientifique à la psychiatrie, de la neuroscience aux sciences infirmières, des essais cliniques à la pratique communautaire. La discussion canadienne sur la légalisation du cannabis a déjà encouragé des communautés de chercheurs à discuter du programme de recherche et d'éducation nécessaire pour soutenir et guider le changement d'orientation stratégique. Il s'agit d'une occasion pour le Canada de jouer un rôle de chef de file à l'échelle internationale sur des questions d'importance mondiale.
[Français]
Le Canada s'engage sur une nouvelle voie, une voie qui lui fournira des occasions d'effectuer des recherches supplémentaires afin de mieux comprendre les méfaits et les avantages du cannabis. Alors que le nombre de données probantes augmente et que celles-ci sont mieux comprises, nous pouvons apprendre de ces leçons et en tenir compte lors de la mise en oeuvre de nos programmes et de nos politiques, afin de mieux protéger la santé et la sécurité publiques.
Je considère qu'il s'agit d'une occasion unique et emballante pour le Canada de devenir un leader mondial dans ce domaine.
[Traduction]
En s'appuyant sur toutes les consultations qu'il a menées, le groupe de travail a produit un rapport qu'il a remis aux ministres. Je suis ici aujourd'hui pour vous fournir mes commentaires, convaincu que le Canada est bien placé pour entreprendre ce travail avec précaution et de façon sécuritaire.
Merci.
:
Merci. Je suis honoré et me sens privilégié d’avoir été invité à venir témoigner devant le Comité. Mon nom est Michael Spratt. Je suis avocat criminaliste. Je me limiterai à cela en guise de présentation. Vous trouverez des renseignements plus détaillés à mon sujet dans mon mémoire qui vous sera remis prochainement, une fois qu'il aura été traduit.
Le 21 février 2010, pendant qu’un jeune homme nommé Michael Swan regardait le match de hockey pour la médaille d’or entre le Canada et les États-Unis, trois jeunes hommes de Toronto circulaient en direction d’Ottawa sur une autoroute peu éclairée. Ces trois jeunes hommes, qui seront connus sous le nom des « Toronto three », avaient un plan pour faire un coup d’argent; ils allaient voler la marijuana de Michael Swan. Un peu plus tard le même soir, Michael Swan a été tué d’une seule balle qui lui a transpercé le poumon et déchiré le coeur.
Michael Swan n’avait rien de particulier. C’était un adolescent type issu d’une bonne famille. Il avait des amis proches et, comme l’ont déjà fait près de la moitié des Canadiens, il fumait de la marijuana. Il vendait également de la marijuana, principalement à ses amis, mais une rumeur selon laquelle il possédait une grande quantité de marijuana s'était rendue jusqu'à Toronto.
J’ai représenté un des membres du Toronto three. Comme M. Swan, il était âgé de 19 ans. Il n’avait aucun casier judiciaire. Ce n’est pas lui qui a tiré sur M. Swan, mais il était présent lorsque le meurtre a été commis. Il a été reconnu coupable de meurtre au second degré et a été condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité.
Il y a de ces cas que l’on n’oublie pas; cela fait partie de la réalité d’un avocat criminaliste. On se souvient souvent d’une affaire en raison du résultat, une victoire inattendue ou une condamnation injustifiée. Je me souviens de l’affaire Swan, car il s’agissait d’une affaire tragique — un jeune homme a été tué, trois jeunes hommes ont été condamnés à la prison à vie et une famille a été détruite. Malheureusement, il ne s’agit pas d’un cas isolé. Dans les faits, la criminalisation de la marijuana tue.
Mais, ce n’est pas tout ce qu’elle fait. La criminalisation de la marijuana épuise aussi les ressources judiciaires et détourne l’attention des ressources policières des activités vraiment nuisibles. Les poursuites pour des infractions liées à la marijuana entraînent un casier judiciaire et stigmatisent indûment des citoyens autrement respectueux de la loi. La criminalisation de la marijuana touche de façon disproportionnée les jeunes, les personnes marginalisées, les membres de communautés qui font l’objet d’une surveillance policière abusive ou les personnes racialisées. Il y a effectivement des échos de racisme et de préjudice dans notre législation sur les drogues. Il faudrait féliciter le gouvernement d’avoir fait les premiers pas hésitants vers l’adoption d’une politique rationnelle et efficace sur les drogues.
Le projet de loi est prometteur, mais il y a place à amélioration, car il comporte aussi de sérieuses lacunes.
Par exemple, le projet de loi ne propose aucune mesure pour aider les dizaines de milliers de Canadiens stigmatisés par les casiers judiciaires contre-productifs qu’ils se sont vu imposer dans le cadre de la guerre contre la drogue. La Loi sur le casier judiciaire a été adoptée en 1970 afin d’étendre la prérogative royale discrétionnaire de clémence. La Loi explique en détail la procédure que doivent suivre les personnes reconnues coupables d’infractions criminelles qui souhaitent obtenir un pardon. En vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, adopté en en 1985, les employeurs ne peuvent plus utiliser les infractions pour lesquelles une personne a été pardonnée aux fins de discrimination. Des lois semblables ont également été adoptées par les provinces.
Il est dans l’intérêt public d’avoir un régime de pardon solide. La réintégration des contrevenants est dans l’intérêt de la société. La logique veut que l’élimination, même partielle, de la stigmatisation associée à une condamnation facilite la réintégration des contrevenants. Il est bien documenté que la stigmatisation continue des contrevenants est inefficace pour réduire les risques des récidives. Ceux qui ont un casier judiciaire ont plus de difficulté à trouver un emploi et un logement et à traverser les frontières internationales, et ils sont moins susceptibles de pouvoir profiter pleinement des perspectives éducatives. Le projet de loi ne propose aucune mesure, comme les pardons automatiques, rapides et subventionnés, pour les individus reconnus coupables d’une infraction qui n’en serait pas une en vertu du projet de loi C-45.
De plus, le projet de loi ne contient aucune mesure pour modifier les dispositions inconstitutionnelles actuelles de la Loi sur le casier judiciaire qui ont prolongé de façon rétroactive les périodes d’admissibilité au pardon. Ces modifications rétroactives ont été jugées inconstitutionnelles et en violation de la Charte canadienne des droits et libertés par des tribunaux en Ontario et en Colombie-Britannique. J'étais l'un des avocats dans l'affaire en Ontario. Les deux tribunaux ont déclaré que ces modifications concernant le prolongement rétroactif des périodes d'admissibilité au pardon étaient inopérantes. Toutefois, ces dispositions inconstitutionnelles relatives au pardon demeurent en vigueur dans le reste du pays. Donc, ceux qui n'habitent pas en Ontario ou en Colombie-Britannique sont assujettis à une loi inconstitutionnelle.
Le projet de loi devrait modifier la Loi sur le casier judiciaire de façon à éliminer l’application inconstitutionnelle rétroactive des périodes d’admissibilité prolongées et de rétablir les périodes en vigueur avant ces amendements. Les individus reconnus coupables d’infractions liées à la marijuana, qui ne seraient pas considérées comme des infractions en vertu du projet de loi C-45, devraient pouvoir profiter de périodes d’attente moins longues. Actuellement, un délinquant de 18 ans qui en est à sa première infraction et qui est reconnu coupable de possession simple de marijuana le jour précédant l’entrée en vigueur du projet de loi C-45 devra attendre cinq ans avant d’être admissible à une suspension de son casier judiciaire. Le projet de loi C-45 doit remédier à cette situation.
Le projet de loi est une mesure législative complexe inutile qui, dans de nombreuses circonstances, ne modifie en rien la criminalisation de la marijuana. Un adulte en possession de plus de 30 grammes de marijuana en public est un criminel. Un jeune en possession de plus de cinq grammes de marijuana est un criminel. Un individu de 18 ans qui partage un joint avec son ami de 17 ans est un criminel. Un adulte qui cultive cinq plants de marijuana ou qui possède un plant de 101 cm est un criminel.
Cette criminalisation continue va à l’encontre d’une politique de justice criminelle rationnelle et fondée sur des données probantes et ne fera qu’atténuer certaines des conséquences positives du projet de loi C-45. L’impact disproportionnel de la criminalisation continue des jeunes est un anathème à une politique de justice criminelle. Aucune autre disposition du Code criminel ne criminalise un jeune pour un acte jugé légal s’il est posé par un adulte.
La politique inefficace sur les drogues en vigueur depuis plus de 100 ans a démontré que la criminalisation est un mécanisme déficient et inefficace pour décourager la possession de drogue. Bref, il n’y a aucune raison de croire que rendre criminelle pour un jeune la possession de plus de cinq grammes de marijuana sera plus efficace que la criminalisation actuelle pour décourager les jeunes de posséder de la marijuana. La distinction entre la marijuana légale et illégale et la criminalisation asymétrique de la marijuana ne fera que maintenir l’application disproportionnée de la loi contre les jeunes, les personnes marginalisées et les membres racialisés de notre société.
Même en vertu de cette nouvelle loi, la marijuana demeurera, dans bien des cas, criminalisée, sauf que les membres de l’escouade de la moralité du gouvernement devront maintenant garder avec eux une règle et apprendre à faire la différence entre la marijuana légale et illégale.
Le projet de loi met également en place un mécanisme législatif permettant aux agents de police de faire preuve de discrétion et, dans certains cas, d’émettre une contravention plutôt que de porter des accusations criminelles. Il s’agit d’un mécanisme bien intentionné, mais problématique, étant donné ce que nous savons au sujet de la discrétion policière. Il ne faut pas oublier que, de façon disproportionnée, de nombreux groupes marginalisés ne jouissent pas de la discrétion policière. L’option de donner une contravention est appliquée à la discrétion des agents de police. La décision de porter ou non des accusations criminelles est également discrétionnaire et le résultat de cette discrétion est manifeste dans les répercussions discriminatoires de la loi en vigueur. Il n’y a aucune raison de croire que l'option de la contravention changera quoi que ce soit. La légalisation totale et la réglementation de la marijuana permettraient d’éliminer les répercussions discriminatoires de la discrétion policière.
Il faut reconnaître que le projet de loi tente d’atténuer les effets préjudiciables des contraventions et propose des dispositions conçues pour empêcher la divulgation des dossiers judiciaires. Toutefois, tout cela dépend de la capacité du contrevenant à s’acquitter d’une amende. Si l’amende associée à la contravention demeure impayée 30 jours après la reconnaissance de culpabilité, le contrevenant ne jouit plus des droits de confidentialité qui empêcheraient la divulgation de son dossier judiciaire. Le problème est évident. Autrement dit, les pauvres qui ne peuvent pas payer les amendes seront davantage stigmatisés par la divulgation de leur dossier judiciaire. Si vous avez les moyens de payer l'amende, votre casier judiciaire est scellé et ne peut pas être divulgué.
Compte tenu des résultats des recherches menées sur les répercussions des dossiers judiciaires, l’incapacité des pauvres à acheter la confidentialité de leur dossier judiciaire et l’application disproportionnée des lois liées à la marijuana contre les groupes marginalisés, il est probable que les dispositions du projet de loi relativement à l’émission de contraventions soient jugées en violation de la Charte canadienne des droits et libertés.
La politique et la législation canadiennes sur les drogues nécessitent une réforme. La guerre contre la drogue a été un échec sur toute la ligne. Les coûts sociaux et financiers de la criminalisation de la drogue surpassent tout bienfait illusoire. Chaque année, une foule de jeunes hommes et de jeunes femmes se font tuer pour des quantités relativement petites de marijuana. Ils se font tuer, car la marijuana est illégale. Il est possible que le projet de loi limite ce problème, mais il ne l’élimine pas.
La criminalisation continue de la marijuana impose des sanctions déraisonnables pour un vice qui comporte des risques relativement faibles. Dans la réalité, le fait d’avoir un casier judiciaire limite les possibilités d’emploi, rend plus difficiles les déplacements et entraîne de nombreuses autres conséquences collatérales dévastatrices. Seules la légalisation totale, la décriminalisation et la réglementation de la marijuana protégeront totalement la société et permettront d’éliminer l’ingérence de l’État dans une activité qui, dans le contexte des lois criminelles actuelles, est relativement inoffensive, ainsi que l’injustice et le racisme associés à cette activité.
Je me ferai un plaisir de répondre aux questions du Comité.
Je m'appelle David Johnston. Je suis le président et chef de la direction de l'Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique.
L'ACGAP représente la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique du Canada et regroupe parmi ses membres des distributeurs pharmaceutiques, des chaînes pharmaceutiques autonomes ainsi que des fabricants de médicaments d'ordonnance et de médicaments en vente libre. L'ACGAP a été fondée en 1964 et plusieurs de nos membres distribuent des produits pharmaceutiques en toute sécurité au Canada depuis plus de 100 ans.
J'aimerais débuter ma déclaration en réitérant l'énoncé selon lequel la distribution n'est pas synonyme de vente au détail.
Une distribution de gros efficace et coordonnée sera un élément essentiel pour la légalisation réussie et sécuritaire du cannabis. Je vous dirais aussi que la distribution n'a pas encore été considérée comme il se doit par le gouvernement fédéral ni par les gouvernements provinciaux dans leurs activités de planification en cours.
Permettez que je vous fasse part d'un certain contexte quant à l'industrie de la distribution pharmaceutique.
Plus de 95 % des produits pharmaceutiques au Canada transitent par un distributeur pharmaceutique. Il s'agit du système de choix des gouvernements et de l'industrie au Canada pour la distribution de produits pharmaceutiques. C'est ainsi que des produits, allant des médicaments en vente libre pour contrer la migraine jusqu'aux substances contrôlées les plus puissantes, sont livrés à plus de 9 000 pharmacies communautaires et 900 hôpitaux à tous les jours.
Une commande effectuée une journée donnée se trouvera sur une tablette dès le lendemain, et ce, peu importe la situation de la pharmacie. Et du point de vue de la distribution, le coût sera le même indépendamment de la destination. Par conséquent, au Canada, il n'y aurait pas de différence, aucun désavantage du point de vue de la distribution si vous accédiez à vos médicaments dans une petite pharmacie de village rural ou dans une grande pharmacie du centre-ville d'un centre urbain. Ce système sûr, sécuritaire et efficace est l'étalon d'or à l'échelle mondiale et fait l'envie des autres pays et instances.
Les distributeurs pharmaceutiques agissent aussi comme un tampon contre les pénuries de médicaments, en aidant à aplanir l'offre et la demande entre les pharmacies et les fabricants, et ce, en entreposant plusieurs semaines d'inventaire dans leurs installations et en travaillant avec les fabricants et les gouvernements afin de gérer l'offre de près en temps de pénuries de produits. L'industrie est sévèrement réglementée par Santé Canada qui exige de nombreuses licences et assujettit nos membres à des exigences des plus strictes au plan de la vérification et de la reddition de comptes.
Un dernier point à souligner dans cette mise en contexte est que les distributeurs pharmaceutiques appuient un système bidirectionnel. Non seulement ils distribuent des produits, mais ils exercent un suivi sur ceux-ci et ont des protocoles en place qui permettent aux produits rappelés d'être retirés du marché et de se retrouver au centre de distribution dans les 36 heures.
Pour en revenir maintenant à mon énoncé de départ, la distribution n'est pas synonyme de vente au détail. La distribution est le déplacement de produits du producteur à un point d'accès, soit le déplacement d'un producteur agréé à un point d'accès ou un point de détail pour le public. Une distribution efficace est essentielle au succès du cannabis légalisé.
Les discussions, jusqu'à présent, ont porté sur la production et le point de vente du cannabis légalisé. Des 52 fois que le terme « distribuer » ou une variante ont été utilisés dans le projet de loi , sauf exception, ils référaient à la vente ou au détail, et non aux activités précises de distribution. Le terme « distributeur » n'apparaît pas dans le projet de loi C-45.
Étant donné ce contexte, je vous suggérerais que la distribution doit être activement discutée et que les distributeurs pharmaceutiques sont les partenaires naturels de la distribution, et ce, aussi bien pour le cannabis médical que récréatif. En profitant de ce système éprouvé et très réglementé, indépendamment du point de détail final, qu'il s'agisse d'un point de détail contrôlé par le gouvernement ou d'un détaillant privé licencié, le Canada évitera les embûches imminentes lorsque la distribution est considérée dans son sens le plus limité du mot, lesquelles embûches ont été vécues dramatiquement et négativement par d'autres instances. Par exemple, au Nevada, qui a récemment légalisé le cannabis, les détaillants ont manqué de stocks seulement deux semaines après leur lancement, sans qu'on puisse profiter de l'inventaire tampon fourni par un modèle de distribution de gros viable.
Le cannabis devant être légalisé dans moins de 10 mois, l'heure est grave, le gouvernement fédéral et celui des provinces et des territoires étant aux prises avec plusieurs enjeux complexes. Les provinces sont très préoccupées par l'échéancier serré à respecter, que certaines considèrent même comme étant irréaliste, pour se préparer à la légalisation du cannabis.
D'expérience, nous comprenons ce à quoi les provinces font face. Des complexités considérables et des investissements importants sont associés à l'établissement d'un nouveau régime incorporant les meilleures pratiques pour une chaîne d'approvisionnement très réglementée, sécurisée, économique, mandatée pour protéger la santé et la sécurité publiques, et qui doit fonctionner efficacement et concurrentiellement pour réduire la prévalence du cannabis provenant du marché noir.
Selon le rapport final du Groupe de travail fédéral, un système de distribution qui fonctionne bien, où la chaîne de possession est bien contrôlée, est essentiel au succès global du nouveau régime. Nous sommes tout à fait d'accord.
À l'heure actuelle, la responsabilité de la distribution de cannabis serait confiée aux provinces et aux territoires. Vu les demandes réglementaires que nous devons satisfaire tous les jours dans notre chaîne d'approvisionnement pharmaceutique, nous ne pouvons pas envisager un système de distribution fonctionnel et concurrentiel du cannabis qui reposerait sur une mosaïque de règlements et de modèles provinciaux incorporant le mandat du fédéral en matière de mesures de suivi, de reddition de comptes et de rappels de produits.
Pourquoi réinventer un système dans chaque province et territoire, alors qu'un système éprouvé existe déjà? Il s'agit d'un système éprouvé et bien établi, qui ne nécessite qu'un minimum d'investissements de la part du gouvernement. Un système éprouvé qui satisfait déjà toutes les exigences définies par le gouvernement fédéral et qui comporte des systèmes existants de supervision et de vérification. Un système éprouvé et économique qui permettra ainsi au marché légal de l'emporter sur le marché noir au plan du prix.
L'adoption de ce modèle de distribution existant pour la distribution de cannabis procurera une solution clé en main, prête à fonctionner, qui soulagera le système d'un stress important, les grossistes pharmaceutiques ayant déjà une infrastructure et des processus sécuritaires en place pour éviter que le cannabis ne soit détourné. Ce modèle offrira également des services de distribution efficaces et à faible prix, qui assureront la compétitivité des structures de coûts afin d'éloigner le cannabis du marché illicite. Il s'agit d'un modèle de distribution agnostique pouvant servir différents détaillants, qu'il s'agisse de points de vente contrôlés par le gouvernement ou d'autres canaux de détail, un modèle déjà sévèrement réglementé régi par des normes nationales et inspecté par Santé Canada. Il permettra la prestation de données de livraison en temps opportun, fournissant ainsi une transparence complète au gouvernement quant aux déplacements de produits. La capacité de livraison le lendemain même signifie que les détaillants pourront maintenir de faibles stocks, minimisant ainsi les pertes dues au vol. Le modèle permettra également d'assurer une exécution rapide et efficace de rappels de produits.
L'ACGAP et ses membres recommandent, premièrement, que la distribution soit reconnue comme étant essentielle à la légalisation réussie du cannabis et qu'une distribution efficace devienne un sujet de discussion des plus importants pour le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Deuxièmement, ils recommandent qu'un modèle national soit établi pour la distribution de cannabis afin d'éviter une mosaïque de systèmes de distribution inefficaces et potentiellement dangereux et conflictuels. Troisièmement, ils recommandent que le réseau sûr, sécuritaire, efficace et exhaustif de la distribution pharmaceutique soit considéré comme l'option clé en main pour un système national.
Enfin, je conclurais mon exposé en revenant à mon énoncé de départ, à savoir que la distribution n'est pas synonyme de vente au détail. Pour que la légalisation du cannabis soit réussie, de solides modèles de production, de distribution et de détail sont tous essentiels. La légalisation du cannabis nécessite la prise de milliers de décisions. En ce qui concerne l'élément essentiel que constitue la distribution, les distributeurs pharmaceutiques offrent une solution éprouvée et clé en main pour une distribution de cannabis sûre, sécuritaire, exhaustive et économique.
Merci beaucoup. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
:
Bonjour, tout le monde. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
Je suis Shelita Dattani. Je suis une pharmacienne praticienne et la directrice du Développement de la pratique et de l'application des connaissances à l'Association des pharmaciens du Canada. Je suis ici aujourd'hui au nom des 42 000 pharmaciens au Canada, qui sont les spécialistes des médicaments dont le travail consiste à veiller à ce que les traitements médicamenteux soient sécuritaires et appropriés pour leurs patients.
Chaque jour, les pharmaciens agissent à titre d'intendants des médicaments au nom des Canadiens. Nous nous assurons que les médicaments et les dosages conviennent pour chaque patient. Nous détectons et réglons les problèmes liés aux médicaments, et nous travaillons avec les patients pour nous assurer qu'ils comprennent leur pharmacothérapie. Nous examinons également les effets secondaires et les interactions, et nous surveillons l'amélioration de la santé de nos patients dans le cadre de leur traitement.
Nous voyons un plus grand nombre de patients qui utilisent le cannabis médical depuis la dernière décennie, et les pharmaciens sont de plus en plus préoccupés par la santé et la sécurité de ces patients, surtout ceux qui consomment le cannabis conjointement avec d'autres médicaments traditionnels ou en remplacement de ces médicaments, et ce, souvent sans la supervision d'un pharmacien. Notre inquiétude pour les patients qui consomment du cannabis médical s'accentue à mesure que nous nous dirigeons vers la légalisation du cannabis à des fins récréatives.
Nous reconnaissons que le projet de loi se concentre principalement sur la légalisation du cannabis à des fins récréatives, mais il est important que le gouvernement comprenne comment le projet de loi pourrait avoir une incidence sur les patients qui ont besoin de cannabis à des fins médicales dans le cadre de leur plan de traitement de la douleur, de l'épilepsie, de la sclérose en plaques et d'autres problèmes de santé.
Nous voulons nous attarder sur trois secteurs: la distinction entre le cannabis à des fins médicales et le cannabis à des fins récréatives, le rôle des pharmaciens à l'égard du cannabis à des fins médicales et l'utilisation de termes médicaux tels que « dispensaire » de cannabis à des fins récréatives.
Depuis mars 2017, Santé Canada a recensé plus de 201 000 patients inscrits pour obtenir du cannabis à des fins médicales par l'entremise de producteurs autorisés ou de production personnelle. Ces patients ont des besoins uniques qui sont différents de ceux des consommateurs de cannabis à des fins récréatives. Les utilisateurs à des fins médicales pourraient avoir besoin de certaines variétés de cannabis pour atténuer leurs symptômes et minimiser l'intoxication, comme le cannabidiol ou CBD, tandis que les usagers à des fins récréatives pourraient rechercher des effets euphorisants et des variétés qui contiennent des teneurs plus élevées en THC. Les utilisateurs de cannabis à des fins médicales doivent également faire l'objet d'une surveillance clinique associée à n'importe quelle pharmacothérapie.
D'autres instances, telles que les États du Colorado et de Washington, ont légalisé le cannabis. Ils ont conservé différentes variétés en établissant des restrictions, en créant des modes d'accès distincts pour le cannabis à des fins médicales et en traitant le produit à des fins médicales comme étant unique.
Nous sommes ravis que le gouvernement canadien ait signifié son intention de suivre ces pratiques exemplaires en maintenant deux variétés distinctes lorsque le cannabis à des fins récréatives sera légalisé en 2018, mais nous sommes inquiets que les lacunes actuelles dans le régime médical pourraient être exacerbées par la légalisation du cannabis si des politiques et des pratiques ne sont pas en place pour faire clairement la distinction entre les variétés de cannabis à des fins médicales et celles à des fins récréatives.
Le coût est un bon exemple. Si le coût du cannabis à des fins récréatives est plus attrayant que celui du cannabis à des fins médicales, ou si l'accès est moins restreint, les patients pourraient opter pour le cannabis à des fins récréatives et seraient ainsi laissés sans surveillance médicale, ce qui pourrait accroître les complications de santé pour les patients à risque élevé. La sécurité de nos patients est primordiale, et nous devons nous assurer que les utilisateurs de cannabis à des fins médicales seront appuyés et protégés par un régime médical lorsque le cannabis à des fins récréatives sera légalisé.
Il faudra aussi protéger les variétés de cannabis à des fins médicales contre le marché à des fins récréatives pour veiller à ce que l'approvisionnement des variétés de cannabis à des fins médicales soit suffisant pour répondre aux besoins des patients. Les utilisateurs de cannabis à des fins médicales sont souvent des patients vulnérables qui ont essayé de nombreux autres traitements avant de se tourner vers le cannabis ou qui n'ont trouvé qu'une seule variété de cannabis qui atténue leurs douleurs. Les variétés de cannabis à des fins médicales doivent être protégées contre le marché du cannabis à des fins récréatives afin d'éviter qu'il y ait des pénuries de ces variétés pour les patients, comme d'autres de mes collègues l'ont souligné, qui consomment du cannabis par nécessité, en non pas par choix.
Enfin, il y a un plus grand nombre d'avantages systémiques à maintenir les variétés de cannabis à des fins médicales distinctes. En séparant ces variétés, plus de recherches cliniques pourraient être menées pour comprendre cette substance complexe, ce qui permettrait de recueillir une solide base de données probantes sur les avantages thérapeutiques et les risques pour la santé afin d'éclairer les fournisseurs de soins de santé dans la gestion des soins aux patients et l'élaboration de lignes directrices.
Pour réduire les méfaits, et plus particulièrement chez les personnes qui utilisent le cannabis à des fins médicales, le gouvernement doit prendre des mesures pour établir une distinction claire entre les deux marchés avant juillet 2018. La première étape logique serait de veiller à ce que les pharmaciens assurent une supervision clinique lorsque le cannabis à des fins médicales sera distribué au Canada.
Partout au Canada, des pharmaciens comme moi doivent répondre régulièrement à des questions de patients qui s'interrogent sur l'utilisation du cannabis pour divers problèmes de santé, mais en tant que spécialistes des médicaments faisant partie d'une équipe de soins de santé des patients, nous n'assumons pas actuellement un rôle dans la distribution du cannabis à des fins médicales. Santé Canada reconnaît la complexité du cannabis et de ses interactions potentielles avec d'autres médicaments plus traditionnels. Compte tenu de ces risques, nous estimons qu'il est essentiel que les patients reçoivent le meilleur soutien possible de la part de fournisseurs de soins de santé qualifiés pour renforcer la sécurité du patient et la reddition de comptes du système de santé.
Dans le système actuel, les patients consultent leur médecin qui peut leur remettre un document pour qu'ils puissent se procurer du cannabis à des fins médicales. L'approvisionnement est géré par des distributeurs qui font parvenir les commandes par la poste ou des patients qui cultivent le cannabis. Aucune de ces options n'incluent la participation des spécialistes des médicaments à l'étape de la distribution pour s'assurer que les patients comprennent les raisons pour lesquelles on leur a prescrit la substance et soient informés de la voie d'administration la plus sûre, de la dose à prendre et des effets secondaires potentiels.
De plus, comme je l'ai déjà dit, pour de nombreux patients qui consomment du cannabis à des fins médicales, c'est le traitement de troisième ou de quatrième intention, et ces patients prennent souvent de nombreux autres médicaments. Par exemple, les anciens combattants qui consomment du cannabis pour maîtriser les symptômes d'un trouble de stress post-traumatique ou les patients qui souffrent de problèmes de santé mentale sont susceptibles de prendre de nombreux autres médicaments, y compris des psychotropes, des anxiolytiques et des somnifères. Le risque d'interactions médicamenteuses chez ces patients est élevé, si bien qu'il est d'autant plus important que les pharmaciens assurent une supervision.
Avec plus de 10 000 pharmacies communautaires situées dans des régions rurales, urbaines et éloignées au pays, les pharmaciens sont des praticiens axés sur le patient qui sont qualifiés pour distribuer le cannabis à des fins médicales et assurer la supervision clinique requise. Les Canadiens pensent à nous et à leur relation avec leurs pharmaciens locaux lorsqu'ils envisagent où ils préféreraient obtenir leurs médicaments et qui les conseilleraient et les guideraient dans leur traitement.
Les pharmaciens travaillent avec des substances contrôlées tous les jours. Ils ont le cadre et la capacité d'assurer la sécurité et le suivi des produits qu'ils distribuent chaque jour. Nous utilisons régulièrement notre expertise clinique pour détecter les problèmes possibles liés à la pharmacothérapie et nous sommes en mesure d'atténuer les risques potentiels associés au cannabis à des fins médicales, y compris les contre-indications chez les patients qui souffrent d'une maladie psychotique, par exemple, ou chez les patientes enceintes. De plus, nous sommes souvent en mesure de détecter les comportements de dépendance qui pourraient donner lieu à une utilisation abusive ou à un mauvais usage de médicaments. Nous devrions apprendre de notre expérience avec les opioïdes et le risque potentiel de dépendance aux médicaments psychotropes. Nous ne devrions pas commettre la même erreur en sous-estimant la nécessité d'assurer une supervision clinique de l'utilisation du cannabis à des fins médicales et de toutes ses complexités uniques.
Bien que l'ACSP n'appuie pas l'idée d'un système de production ou d'approvisionnement pour le cannabis à des fins récréatives autres qu'un processus réglementé avec la promotion de la santé comme priorité, nous croyons que pour le cannabis à des fins médicales, il est essentiel que les patients reçoivent le meilleur soutien possible de fournisseurs de soins de santé qualifiés. La sécurité des patients devrait être la principale considération. Pour cette raison, nous exhortons les décideurs à inclure et à appuyer les pharmaciens dans la distribution du cannabis à des fins médicales et d'assurer une utilisation sécuritaire et efficace par les patients des variétés de cannabis à des fins médicales.
Enfin, conformément à notre demande de séparer les variétés de cannabis à des fins médicales et celles à des fins récréatives et d'inclure la supervision des pharmaciens dans le modèle médical, nous sommes d'avis que les fournisseurs et les détaillants de cannabis à des fins récréatives ne devraient pas avoir le droit d'utiliser des termes liés à la pharmacie tels que « dispensaire » ou des symboles comme la croix verte.
Depuis que le gouvernement a annoncé son intention de légaliser le cannabis, nous avons constaté une prolifération de soi-disant dispensaires au pays qui prétendent vendre du cannabis à des fins médicales. Puisque le cannabis à des fins médicales est légal au Canada dans certaines circonstances, de nombreux Canadiens ne sont pas au courant que ces dispensaires sont des opérations illégales. L'utilisation du terme « dispensaire » et les symboles associés aux pharmacies accentuent cette idée fausse. Nous exhortons le gouvernement à restreindre l'utilisation du terme « dispensaire » et des termes et des symboles associés aux pharmacies pour les sites de vente au détail du cannabis à des fins non médicales. Ces termes et symboles encouragent l'idée selon laquelle le cannabis à des fins récréatives a des bienfaits pour la santé ou est un médicament, que le site est une pharmacie ou qu'il offre une surveillance professionnelle de pharmaciens. Ce règlement est particulièrement important pour assurer la sécurité publique ou pour faire une meilleure distinction entre les variétés de cannabis à des fins récréatives et celles à des fins médicales.
Merci encore une fois de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole au nom des pharmaciens canadiens aujourd'hui. Les pharmaciens ont à coeur de s'assurer que leurs patients ont accès à une pharmacothérapie appropriée et que leur traitement est sécuritaire et efficace.
Dans le cadre de nos démarches en vue de légaliser le cannabis à des fins récréatives, nous demandons au Comité d'appuyer l'idée selon laquelle une distinction claire doit être établie entre les variétés de cannabis à des fins récréatives et celles à des fins médicales, de recommander que des restrictions soient imposées à l'utilisation de symboles associés aux pharmacies sur le marché du cannabis à des fins récréatives, et de contribuer à renforcer la supervision clinique de l'utilisation du cannabis à des fins médicales en appuyant les pharmaciens dans la distribution et la gestion du cannabis à des fins médicales pour leurs patients.
Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
J'aimerais parler de la plateforme nationale en ce qui concerne le commerce électronique.
À l'instar de M. McKinnon, j'ai fait beaucoup de recherche indirecte durant l'été, et voici ce que j'ai découvert, ou du moins, ce que j'ai retenu. Je blague.
Le marché illicite est partout. Il est présent d'un océan à l'autre. Il y a toute une variété de produits. Certains viennent d'ici, d'autres sont importés. Partout, il y a des distributeurs et des revendeurs à qui l'on fait confiance. Leurs prix sont acceptables par rapport au marché, et le marché est complexe.
On me dit qu'il y a au moins 12 sites Web où l'on peut se procurer du cannabis illicite. Il y a des mécanismes de livraison à la maison. L'Institut C.D. Howe nous indique que le marché licite doit concurrencer avec le marché illicite pour que l'ensemble de ce régime fonctionne, et que ce n'est pas seulement une question de prix. C'est aussi une question de commodité et de choix.
Cependant, on me dit que le projet de loi ne contient rien sur une plateforme nationale d'approvisionnement fondée sur le commerce électronique. L'un des principaux producteurs de cannabis à usage médical du pays m'a dit de but en blanc que le projet de loi était voué à l'échec si le régime du commerce à des fins récréatives ne se dotait pas d'une plateforme permanente et efficace de commerce électronique.
J'ai vu que le rapport du groupe de travail indique ce qui suit :
Il y a également lieu de s’assurer que les ventes au détail en ligne disposent des droits des consommateurs appropriés.
Pour prendre en charge ceux qui n’ont peut-être pas accès aux points de vente au détail (par exemple, les petites collectivités, les communautés rurales et éloignées, les personnes à mobilité réduite), un système de vente par correspondance s’adressant directement aux consommateurs de cannabis non médical devrait être envisagé.
Ce que je comprends, c'est qu'un producteur de l'Ontario qui voudrait poster un produit en Colombie-Britannique devra être sous réglementation fédérale, et ce, dans au moins trois champs de compétence fédéraux. Il s'agit d'un produit listé, de commerce interprovincial et de la poste, et pourtant, le projet de loi ne parle pas de cela de manière explicite.
Madame McLellan, j'aimerais savoir si vous avez des suggestions à nous faire pour améliorer cet aspect du projet de loi.
:
Je vais le faire. Merci beaucoup. Je vais en parler aujourd'hui. Vous recevrez les notes peu après.
Aujourd'hui, je suis là pour représenter le Conseil canadien du cannabis médical. Je veux également mentionner le fait que je suis adjoint de recherche au Centre de recherche sur les toxicomanies de la Colombie-Britannique et vice-président du service de recherche sur les patients et d'accès de Tilray, un des producteurs autorisés situés ici, au Canada, à Nanaimo, en Colombie-Britannique. Je travaille personnellement sur le cannabis médical depuis maintenant environ 22 ans, alors il s'agit d'un domaine que je connais assez bien. Je suis ravi d'être ici aujourd'hui et de pouvoir vous communiquer certaines de nos connaissances ainsi que les travaux et les recherches que nous effectuons.
Je veux vous parler un peu du Conseil canadien du cannabis médical. Nous sommes une association industrielle représentant sept producteurs autorisés et servant environ 40 000 patients de ce groupe de producteurs. La prise en compte du point de vue des patients dans ses politiques et pratiques est une caractéristique distinctive du Conseil canadien du cannabis médical. Nous possédons un comité consultatif sur les patients composé d'organisations nationales qui comprennent la Société de l'arthrite du Canada, la Société canadienne du sida, le Réseau canadien des survivants du cancer, la Société gastrointestinale du Canada et un certain nombre d'autres organisations qui contribuent à nous conseiller en ce qui a trait aux politiques que nous adoptons et à nos positions de lobbying.
Parmi les priorités du CCCM, mentionnons la réduction du coût du cannabis médical et l'amélioration de l'accès pour les patients. Nous exhortons les gouvernements fédéral et provinciaux à maintenir une séparation claire entre les marchés du cannabis médical et du cannabis récréatif en les taxant différemment. Nous estimons que le cannabis médical devrait être traité comme tous les autres médicaments sur ordonnance au Canada et qu'il ne devrait pas être taxé. Il s'agit certainement d'un sujet que j'espère pouvoir aborder au moment où nous répondrons aux questions, aujourd'hui, savoir les raisons pour lesquelles le cannabis médical devrait être détaxé comme les autres médicaments au Canada.
Je voudrais également mentionner que nous travaillons avec des assureurs privés afin de mieux améliorer et accroître la protection des patients traités au cannabis médical comme précurseur de l'obtention d'une protection provinciale pour les patients du Canada.
Aujourd'hui, je vais communiquer certains résultats d'un sondage national que nous avons mené auprès de patients au mois de janvier. Il s'agit du plus important sondage auprès de patients, jamais mené au Canada; il a suscité 2 032 réponses, et il contribuera à illustrer certains des moyens qu'emploient les utilisateurs finaux du cannabis médical au Canada, car il y a beaucoup de chevauchements entre la population de patients et la population consommatrice de cannabis récréatif.
L'âge moyen de cette population particulière est de 40 ans. Nous constatons qu'en fait ce sont habituellement des personnes d'âge moyen qui cherchent à obtenir du cannabis médical. Bien souvent, elles ont reçu des traitements qui ont échoué, et elles cherchent des solutions de rechange aux médicaments sur ordonnance qu'elles consomment actuellement.
Pour ce qui est des problèmes de santé primaire, nous constatons que les problèmes de santé mentale, qui regroupent l'insomnie, la santé mentale et le trouble de stress post-traumatique, sont en fait la principale raison pour laquelle les patients consomment du cannabis médical. Ce groupe englobe 40 % des patients du Canada. Ce problème est suivi de près par la douleur, qui regroupe l'arthrite, la douleur chronique et la céphalée, qui compte pour environ 37,5 %. Ce que l'on observe, c'est qu'environ 80 % des patients du Canada consomment actuellement du cannabis comme traitement de la douleur ou d'un problème de santé mentale.
En ce qui concerne la consommation moyenne, nous observons que les patients déclarent consommer, en moyenne, environ 1,5 gramme de cannabis par jour et que 78 % des patients consomment trois grammes ou moins par jour. Nous ne voyons pas de grandes tendances liées à la consommation sur ce plan. Ces données correspondent aux recherches qui ont été effectuées au Canada, aux États-Unis et en Europe au cours des dernières années. Elles montrent que la plupart des patients traités au cannabis médical en consomment entre 0,5 et 1,5 gramme par jour.
Pour ce qui est de la principale méthode d'utilisation, j'ai de bonnes nouvelles à vous annoncer. Je fais ce genre de recherche depuis les 10 ou 15 dernières années. Dans ce sondage, nous constatons que la principale méthode d'utilisation déclarée est la vaporisation, à un taux de 31 %. Cette méthode est en fait plus populaire que les joints, les pipes et les pipes à l'eau, qui étaient peut-être plus populaires dans le passé. Il s'agit en réalité d'un changement provoqué par des préoccupations relatives à la santé que nous observons au sein de la population consommant du cannabis médical, mais je pense aussi qu'il a des conséquences stratégiques, au moment où nous procédons à la réglementation même de la vaporisation de produits en Ontario et partout au Canada.
Le principal domaine sur lequel porte ma recherche, c'est l'effet de substitution du cannabis, c'est-à-dire la façon dont les patients et les consommateurs récréatifs utilisent, consciemment et inconsciemment, le cannabis au lieu d'autres substances. Je vais communiquer un peu de données à ce sujet, tirées de ce sondage. Selon le sondage — qui, comme je l'ai dit, est de loin le plus important à avoir été mené auprès des consommateurs de cannabis canadiens à ce jour —, 69 % des patients déclarent avoir remplacé des médicaments sur ordonnance par le cannabis, alors ils en consomment dans le but de réduire leur dépendance à des médicaments sur ordonnance. Nous constatons également le remplacement spécial de l'alcool par 44 %, du tabac, par 31 %, et de substances illicites, par 26 % de la population qui avait déjà consommé ces substances.
Je voulais pouvoir vous présenter des données plus granulaires, alors lorsque des patients affirment qu'ils remplacent des médicaments sur ordonnance, je leur demande: « Eh bien, pouvez-vous nommer trois médicaments sur ordonnance que vous remplacez, ou bien en nommer jusqu'à trois? »
Comme on sait que les patients consomment du cannabis pour traiter la douleur et les problèmes de santé mentale, le fait que cette substance remplace des opioïdes sur ordonnance dans 35 % des cas ne devrait pas être surprenant. Ces médicaments sont suivis de près par les antidépresseurs, à un taux de 21 %, puis par les analgésiques ne contenant pas d'opioïdes, à un taux de 10 %. Nous observons également des taux très élevés de remplacement de benzodiazépines, qui sont presque aussi problématiques dans notre société que le sont les opioïdes du point de vue de la dépendance et des répercussions sur la santé publique.
Je voulais que les données soient encore plus granulaires que cela, alors, quand les patients mentionnent qu'ils remplacent des opioïdes, je leur pose la question suivante: « Remplacez-vous 25 %, 50 % ou 75 % des opioïdes, ou bien les abandonnez-vous totalement? » Ce que nous avons constaté, c'est que des 458 patients qui ont mentionné le remplacement de 610 opioïdes au total — il faut comprendre que certains patients consomment plus d'un type d'opioïde — 60 % les avaient abandonnés totalement, et une autre tranche 18 % avait autodéclaré en avoir abandonné au moins 75 %.
En ce qui concerne l'alcool, nous obtenons des données semblables. Des 513 répondants qui avaient remplacé l'alcool par du cannabis, 31 % ont affirmé que l'abandon total de l'alcool était simplement un genre de conséquence spéciale liée à l'introduction du cannabis médical dans leurs soins.
Maintenant, je veux utiliser ce sujet comme transition pour me pencher sur certaines des recherches parues aux États-Unis, concernant les États où le cannabis médical est légal et ceux où l'est le cannabis récréatif, car je pense qu'il peut être utile d'étayer ce à quoi nous pouvons nous attendre, ici, au Canada. Au cours des 20 dernières années, plus de 20 États — comme vous le savez — ont légalisé l'accès au cannabis médical. Actuellement, huit États ont également légalisé la consommation de cannabis récréatif par des adultes. Cette légalisation a entraîné des conséquences importantes sur la santé et la sécurité publiques. Ces conséquences comprennent une réduction des décès par surdose d'opioïdes. De fait, une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association a montré une réduction de 25 % des décès par surdose d'opioïdes dans les États ayant légalisé le cannabis médical, comparativement aux États voisins. Plus le programme de marijuana médical était en place depuis longtemps dans l'État, plus l'effet était grand. Nous observons également des réductions au chapitre des accidents d'automobile mortels liés à l'alcool, des crimes violents et des homicides et du suicide. Voilà qui répond à l'une des questions que nous avons entendues aujourd'hui.
Nous observons également une diminution de la consommation de cannabis chez les adolescents. De fait, un rapport qui est ressorti d'une enquête nationale pas plus tard que la semaine dernière énonçait que la consommation de cannabis chez les adolescents a maintenant diminué jusqu'à un taux qui n'a jamais été aussi bas depuis 2002. Nous observons une réduction importante de la consommation de cannabis chez les adolescents.
Nous observons une légère augmentation de la consommation de cannabis par des adultes, mais il est intéressant de constater que cette augmentation est aussi accompagnée d'une diminution subséquente de la consommation d'alcool et des risques qui s'y rattachent. Les chercheurs laissent entendre que tous les préjudices que j'ai mentionnés et qui font actuellement l'objet d'une réduction, qu'il s'agisse des crimes violents, des homicides, des suicides ou d'autres choses, diminuent en raison de ce remplacement de l'alcool par le cannabis.
Parmi les autres répercussions, mentionnons les grandes conséquences sur les taxes. Le Colorado tire maintenant plus d'argent de la vente et de la taxation du cannabis que de l'alcool. C'est à la maison, bien entendu. En outre, concernant la création d'emplois, en 2015, le Colorado a créé 18 000 emplois et généré 2,4 milliards de dollars d'activité économique grâce à ses politiques relatives au cannabis.
Voilà qui m'amène à une analyse qu'il importe, selon moi, que le Comité prenne en considération, c'est-à-dire l'importance des marques pour ce qui est de vaincre le marché noir. Aujourd'hui, nous avons entendu les conférenciers précédents aborder le fait qu'actuellement, si on se rend en ligne, on peut commander du cannabis auprès de plus de 20 sources en ligne différentes de partout au Canada. Aucune d'entre elles n'est une source légitime de cannabis, et il sera incroyablement important de permettre aux consommateurs canadiens de faire la distinction entre le marché illicite et le nouveau marché licite émergent. L'une des façons dont ils pourront le faire, c'est grâce à l'importance des marques. La justification d'une stratégie de marque responsable orientée vers les adultes comprend l'élimination de la confusion entre les marchés illégal et légal, ce qui permettra aux entreprises professionnelles de se distinguer de concurrents moins scrupuleux, d'établir une distinction entre les produits de grande qualité et ceux de faible qualité et d'avoir la possibilité de sensibiliser les consommateurs au sujet d'une consommation responsable.
Cette situation a provoqué le lancement d'une initiative qui se déroule actuellement entre un certain nombre des producteurs autorisés au Canada — de fait, 16 producteurs autorisés représentant 90 % du marché médical actuel — et les deux associations de l'industrie: l'Association Cannabis Canada et le Conseil canadien du cannabis médical. Il s'agit d'une initiative que nous menons avec Les normes canadiennes de la publicité afin de créer un régime d'autoréglementation qui permettra l'établissement d'une stratégie de marque responsable adressée aux adultes en ce qui concerne l'accès au cannabis récréatif.
Les principes de cette initiative sont que le marketing effectué par les producteurs autorisés ne fera qu'encourager la préférence à l'égard des marques et ne tentera pas d'influencer les adultes qui ne consomment pas de cannabis.
Le marketing par les producteurs autorisés ne sera pas orienté vers les personnes âgées de moins de 18 ans, ou quelle que soit la limite dans chacune des provinces, que ce soit 19 ans ou plus. Tous les messages publicitaires contiendront des énoncés concernant une consommation responsable, qui iront bien plus loin que ce que nous voyons de la part de l'industrie de l'alcool actuelle. Les producteurs autorisés pourront obtenir volontairement une approbation préalable de leurs campagnes publicitaires pour garantir qu'elles répondent à ces lignes directrices, et ils accepteront de respecter les dispositions du Code canadien des normes de la publicité.
En conclusion, je voudrais dire que le cannabis médical — comme je l'ai déclaré — est utilisé principalement dans le traitement de la douleur chronique et des problèmes de santé mentale, que les patients qui en consomment autodéclarent fréquemment qu'ils remplacent des opioïdes pharmaceutiques et l'alcool, ce qui mène souvent à une abstinence complète des substances nommées, et que la stratégie de marque peut non seulement réduire les préjudices associés à la légalisation et à la réglementation de la consommation du cannabis par les adultes, mais qu'elle peut aussi maximiser les avantages potentiels pour la santé et la sécurité publiques.
Merci infiniment du temps que vous m'accordez aujourd'hui. Je vous en suis vraiment reconnaissant.
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes très reconnaissants d'avoir la possibilité de comparaître devant le Comité permanent.
Je m'appelle Keith Jones. Je siège au conseil d'administration de l'Alliance Commerciale Canadienne du Chanvre. Dans le cadre de mon travail de jour, je suis directeur général des fermes Rowland, qui sont une vaste exploitation agricole du Sud de l'Alberta. Nous cultivons du chanvre depuis 1998, quand la réglementation du chanvre industriel a été mise en place et qu'il est devenu légal de cultiver le chanvre ici, au Canada.
Robert Rae m'accompagne; il siège également au conseil d'administration de l'Alliance Commerciale Canadienne du Chanvre. En outre, Robert travaille pour Canada Hemp Foods, qui est l'un des distributeurs de produits du chanvre menant ses activités ici, au Canada. L'entreprise de Robert comprend l'exportation de produits du chanvre vers un certain nombre de pays de partout dans le monde.
L'Alliance Commerciale Canadienne du Chanvre est un organisme dont sont membres 250 agriculteurs ainsi que des transformateurs, des distributeurs, des phytogénéticiens et des chercheurs. Nous sommes une association industrielle sans but lucratif qui est axée sur le bénévolat. Nous avons eu la possibilité de faire appel à Ottawa plus tôt ce printemps, et nous avons été invités à examiner la loi sur le cannabis — le projet de loi — quand il a été publié et à présenter un exposé au Comité si nous estimions qu'il y avait des conséquences imprévues qui pourraient découler du projet de loi pour l'industrie du chanvre.
Nous sommes là aujourd'hui parce que nous craignons que, tel qu'il est rédigé, le projet de loi ne mette en péril 1 200 emplois dans l'industrie canadienne du chanvre aujourd'hui, pour des raisons précises.
L'une, c'est que le projet de loi actuel ne fait pas la distinction entre le chanvre, le cannabis et la marijuana.
Relativement à cela, le projet de loi actuel attribue aux provinces et aux municipalités la responsabilité à l'égard de la réglementation de la production, du transport et de la distribution de tous les produits de cannabis. Cette situation va créer un fardeau exceptionnel sur l'industrie du chanvre actuelle. Nous dirigeons nos propres exploitations agricoles dans cinq municipalités, et le fait de tenter de mettre les organismes de réglementation au diapason va probablement limiter nos activités pour deux ou trois ans, d'après ce qui est exigé actuellement.
La proposition que nous soumettons à l'étude du Comité, c'est qu'afin de prévenir la conséquence inattendue que sera le déraillement de l'industrie du chanvre canadienne, il faudrait exempter le chanvre dans le projet de loi en tant qu'élément 5 au titre des exceptions prévues à l'annexe 2, en exemptant l'ensemble des plants de chanvre du projet de loi et, comme cette exemption serait alors en place, retirer le chanvre de la réglementation sur le cannabis prévue dans la LRCDAS.
Voilà donc notre demande. Monsieur le président, je voudrais fournir un peu plus de données contextuelles à l'appui de notre demande.
Le chanvre est très différent de la marijuana et du cannabis, du fait que les variétés de chanvre proviennent d'une sélection végétale qui a été effectuée dans le but de réduire la teneur totale en THC dans le plant de chanvre à un taux inférieur à 0,3 %. On ne peut pas se défoncer en fumant du chanvre, sauf si on en fumait l'équivalent d'un poteau de téléphone, ce qui serait très difficile à faire. Il provient de la plante Cannabis sativa. En se fondant sur l'expérience de la réglementation du chanvre industriel au cours des 19 dernières années, Santé Canada a approuvé une liste de cultivars qui, on le sait, sont du chanvre. Il a été confirmé que leur teneur en THC est constamment inférieure à 0,3 %.
Santé Canada a fait beaucoup de travail depuis l'entrée en vigueur de la réglementation du chanvre industriel et peut facilement consulter ces définitions.
Le chanvre s'est avéré être sans danger. En 19 ans de culture, aucun risque pour la sécurité associée à la culture et au transport du chanvre n'a été signalé, et aucun incident n'a été déclaré relativement à une activité criminelle associée à l'industrie du chanvre. À l'époque où la réglementation du chanvre a été mise en place, il y avait beaucoup d'apprentissage à faire, mais les 19 années nous ont procuré un assez bon bilan d'innocuité prouvée.
Notre exploitation agricole produit du chanvre précisément pour le marché de l'alimentation. Nous cultivons un plant de chanvre afin de récolter les graines au sommet. Il nous est actuellement interdit de récolter les feuilles ou les boutons du plant de chanvre au titre de la réglementation du chanvre industriel. Nous pouvons récolter la paille pour les fibres, mais aucune industrie de fibre n'a encore été créée au Canada.
Au pays, on sait que l'industrie canadienne est le chef de file mondial de l'utilisation alimentaire du chanvre. Le Canada est reconnu pour avoir la plus importante industrie du chanvre appuyant une consommation alimentaire sécuritaire du chanvre. En 2016, l'industrie canadienne a exporté pour 145 millions de dollars de produits alimentaires de chanvre vers d'autres pays de partout dans le monde. Aujourd'hui, on peut aller dans la plupart des épiceries au Canada pour se procurer un sac de graines de chanvre Hemp Hearts. Encore une fois, le profil nutritionnel du chanvre décortiqué et des graines de chanvre est formidable: les deux sont reconnus pour leur profil d'huile à forte teneur en oméga-3 et pour leur profil de protéines végétales très attrayant. Le chanvre est en train de devenir un produit alimentaire très populaire.
En outre, le potentiel de l'industrie du chanvre est fort. Nous cultivons jusqu'à 100 000 acres de production. L'Alliance Commerciale Canadienne du Chanvre prévoit que, grâce à une certaine modernisation de la réglementation associée au chanvre, nous pourrons faire croître l'industrie jusqu'à plus d'un milliard de dollars au cours des sept prochaines années. Nous avons à peine commencé à travailler sur le marché des aliments pour animaux, celui des fibres et celui des produits de santé naturelle. Une excellente occasion se présente à l'industrie du chanvre pour l'avenir. En décembre, le groupe de travail fédéral sur le cannabis a recommandé un assouplissement du régime réglementaire relatif au chanvre dans son rapport. Nous apprécions cette recommandation.
Dans notre proposition particulière, nous souhaitons voir le chanvre exempté du projet de loi par son inclusion dans les exemptions prévues à l'annexe 2. Je vais fournir la définition précise, qui, encore une fois, s'inspire de la définition du terme « chanvre » de Santé Canada. Nous demanderions que le chanvre et les parties de plants de chanvre, y compris le plant de chanvre entier, soient exemptés au titre de l'élément 5, parmi les exemptions prévues à l'annexe 2, et que le chanvre soit ainsi défini: « plants de cannabis cultivés à partir de semences certifiées figurant sur la liste des cultivars approuvés par Santé Canada ». Il s'agit de cultivars dont il a été confirmé qu'ils produisent régulièrement un maximum absolu de 0,3 % de THC.
Le CBD suscite un intérêt exceptionnel en tant qu'autre élément constitutif ou composante de la santé. Les Européens travaillent de façon extrêmement dynamique là-dessus, et la FDA tient une période de commentaires ouverte afin d'obtenir des données sur le CBD. Lorsqu'on retire le THC du chanvre, on obtient naturellement plus de CBD, et c'est pourquoi le chanvre est considéré comme une très bonne source de CBD. L'industrie médicale étudie un certain nombre de façons d'utiliser le CBD et les avantages médicaux qui pourraient découler de cette substance. L'utilisation du plant de chanvre entier permettrait à un certain nombre de personnes — des patients canadiens et d'autres dans le monde— d'accéder à une source de CBD à coût très modique. Nous pensons qu'il s'agit d'un avantage réel qui peut provenir de l'industrie du chanvre également.
Merci beaucoup de votre attention. Robert et moi serons très heureux de répondre à toutes les questions que vous pourrez avoir.
:
Je m'excuse à l'avance de poser plus de questions que je ne donnerai de réponses aujourd'hui.
Nous venons juste de faire participer les résidents de la Saskatchewan à un sondage en ligne concernant les diverses responsabilités provinciales. Une fois que nous obtiendrons nos résultats, nous aurons une meilleure idée de l'orientation que nous prendrons à partir de là. Plus de 20 000 personnes ont rempli les sondages au cours des trois derniers jours et demi. C'est un nombre stupéfiant, qui ne fait que mettre en relief l'importance de ce que nous faisons aujourd'hui.
L'autre argument que je voudrais formuler en ce moment, c'est que la légalisation du cannabis — ou en réalité, la légalisation de la possession, de la consommation, du partage ou de la culture de certaines quantités de cannabis par des personnes ayant atteint un certain âge — ne faisait pas partie de notre programme provincial. Même si on ne nous entraîne pas de force dans cette initiative, elle ne faisait pas partie de nos plans. Le gouvernement fédéral a imposé beaucoup de responsabilités aux provinces, sans leur donner beaucoup de temps pour se préparer à la mise en œuvre.
Entre autres, les provinces sont responsables de concevoir et d'autoriser la distribution et la vente au détail sur leur territoire ainsi que de mener les activités d'assurance de la conformité, de taxation et d'application de la loi qui s'y rattachent. Elles sont également responsables d'établir des exigences réglementaires supplémentaires pour régler les problèmes suscitant des préoccupations locales, comme l'établissement d'un âge minimal plus élevé ou d'une limite plus contraignante relativement à la possession ou à la culture personnelle. Les provinces et les municipalités sont responsables d'établir des règles de zonage pour les entreprises fondées sur le cannabis, de limiter les endroits où le cannabis peut être consommé et de modifier les lois provinciales sur la sécurité routière afin d'y ajouter des dispositions sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. La Saskatchewan a déjà mis en place des lois en ce qui a trait à la suspension du permis pour conduite avec facultés affaiblies par la drogue pour les conducteurs nouveaux ou expérimentés et à la tolérance zéro à l'égard de la consommation de drogues par les nouveaux conducteurs.
Nous devons mobiliser nos gens, nos entreprises, nos collectivités, nos partenaires et les autres intervenants concernant ces enjeux et mettre en œuvre des processus et des pratiques avant le 1er juillet 2018. Nous devons être prêts à mettre en œuvre un âge minimal pour l'achat, à modifier des lois et des règlements et à composer avec ces questions et à réglementer la culture personnelle de cannabis et les taux de puissance. Nous allons devoir maintenir un contrôle de la qualité aux points de vente. Il faudra que nous veillions à ce que les consommateurs obtiennent ce qu'ils sont censés obtenir, pas quelque chose qui pourrait être préjudiciable. Nous devons réglementer la distribution, la vente au détail, la consommation et la possession de cannabis, et j'entends par là les endroits où le cannabis pourrait être permis, comment il pourrait être consommé et comment fixer son prix et le taxer.
Le cadre de taxation du cannabis doit prendre attentivement en considération le modèle de distribution et les méthodes d'administration et d'application de la loi pour que l'on puisse s'assurer que la taxe est appliquée et prélevée adéquatement. Au moment d'établir le taux de taxation applicable au cannabis, le gouvernement doit envisager un taux qui est suffisamment élevé pour décourager la consommation de cannabis du point de vue de l'acceptabilité sociale, mais pas élevé au point que les gens choisissent de l'acheter illégalement pour éviter le paiement de la taxe. J'appelle cela le « point idéal ».
De plus, nous devons régler des questions telles que la mobilisation, l'éducation du public et les stratégies de sensibilisation, la santé et la sécurité au travail, les problèmes de sécurité au travail et les lois concernant la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Nous devons entreprendre la réglementation de la vente et de la distribution du cannabis en direction et en provenance de nos collectivités autochtones. Nous devons assurer la surveillance à l'égard de l'autorité municipale concernant le zonage, l'autorisation, la taxation et les frais. Nous devons également prendre part à une collaboration et à une analyse interprovinciales/territoriales concernant l'âge, les modèles de vente au détail, la taxation et l'établissement des prix. Nous voulons que le paysage soit le plus semblable possible à l'échelle du pays, afin que des provinces ou territoires différents n'établissent pas de lois extrêmement différentes.
La vraie question est la suivante: tout cela peut-il être fait à temps? Nous l'espérons, mais il y a beaucoup à accomplir en une très courte période. Si nous avions disposé de 12 à 18 mois après la sanction royale, le délai aurait été facile à respecter. Ce délai a plutôt été réduit à 14 mois après l'adoption du projet de loi.
L'un des problèmes que nous avons, en Saskatchewan, tient au fait que nous avons des sessions législatives fixes pour le printemps et l'automne et un échéancier relativement strict pour l'adoption de lois. Nous donnons les avis en janvier, obtenons les approbations au printemps puis adoptons les lois dans le cadre de la session d'automne. Tout projet de loi fait ensuite l'objet d'un débat et d'un vote durant la session du printemps suivant.
Telle qu'elle est proposée, la légalisation du cannabis entraîne la Saskatchewan en territoire inconnu. Nous devons déroger à nos règles de pratique habituelles pour pouvoir respecter l'échéance, en juillet 2018. Bien que nous fassions de notre mieux pour y arriver, nous ne pouvons pas garantir que nous parviendrons à respecter l'échéancier fixé par le gouvernement fédéral.
De plus, nous devons entreprendre la démarche sans disposer de la version définitive du projet de loi du gouvernement fédéral. Le contenu du projet de loi est connu, mais sera-t-il le même lorsqu'on lui accordera la sanction royale? Il existe d'innombrables exemples de projets de loi qui ont été amendés, parfois considérablement, au cours du processus législatif qui a mené à leur adoption; pourtant, on demande aux provinces et aux territoires du Canada d'aller de l'avant sans filet de sécurité, car on espère qu'il n'y aura aucun amendement majeur en cours de route ou que nous serons en mesure de nous y adapter dans le cadre de nos propres stratégies de mise en oeuvre.
Certains aspects de la légalisation de la marijuana suscitent des préoccupations pour la Saskatchewan. Par exemple: les infractions pouvant faire l'objet d'une contravention; la mise en application et la réglementation dans leur ensemble; l'éducation du public, la sensibilisation, la prévention et le traitement; l'âge minimal; l'étiquetage et l'emballage; la sécurité en milieu de travail; et le type d'approche qu'il serait préférable d'adopter, soit une approche progressive, soit une approche par étapes.
Relativement aux infractions pouvant faire l'objet d'une contravention, la Saskatchewan estime qu'une contravention pour une infraction liée au cannabis, comme cela est prévu dans la partie 2, est une affaire criminelle. Une condamnation pour une infraction de cette nature est une condamnation au criminel, et c'est là le coeur du problème. Nous sommes reconnaissants de l'effort déployé en vue d'obtenir des gains d'efficience dans le système de justice grâce à l'utilisation de contraventions, mais cette façon de procéder amènera-t-elle les contrevenants à penser qu'en payant l'amende, l'affaire sera réglée? Penseront-ils qu'il ne s'agit que d'une simple contravention pour excès de vitesse? Ces personnes seront-elles conscientes qu'elles auront fait l'objet d'une condamnation au criminel qui pourrait les empêcher de voyager à l'étranger, par exemple? Il faut que cela soit établi très clairement dans la contravention. Les gouvernements provinciaux ont entamé des discussions avec le gouvernement fédéral à propos de ces questions. Peut-être devrait-on ajouter un passage au paragraphe 51(3) ou aux articles 52 ou 53 pour préciser qu'une condamnation pour une infraction de cette nature est une condamnation au criminel.
Un aspect peut-être plus important encore que la question des contraventions tient aux préoccupations soulevées par le paragraphe 52b), soit l'exigence qui prévoit que le casier judiciaire conservé par une province doit être classé à part des autres dossiers judiciaires. Puisqu'il s'agit d'une condamnation au criminel, cette exigence ne semble pas nécessaire. Si la Saskatchewan doit créer un système distinct pour la conservation des dossiers liés à ces infractions, non seulement devra-t-elle le faire à grands frais, mais il faudra également beaucoup de temps pour y parvenir, et tout cela, à quelles fins? Un délinquant qui essaie de traverser la frontière devra tout de même divulguer la condamnation. La condamnation apparaîtra tout de même si on vérifie son casier judiciaire.
En ce qui concerne la mise en application et la réglementation, la légalisation du cannabis, bien que louable, est en train de se faire sans fondements scientifiques suffisants. Le Dr Ware nous en a parlé ce matin. Quelle est la concentration précise de drogue dans le sang qui correspond au seuil de facultés affaiblies pour une personne? Les experts en toxicologie s'entendent-ils tous pour dire que toute personne ayant x % de nanogrammes de THC dans le sang a les facultés affaiblies? Avec l'alcool, c'est possible. J'ai discuté avec des toxicologues, et il semble qu'il n'y a pas encore de taux semblable à la limite permise de 0,08 pour l'alcool. Nous sommes en train de façonner un système de justice pénale avec les projets de loi et , mais nous allons trop vite pour les scientifiques.
Nous nous préoccupons également du fait que les cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue augmenteront en raison de la légalisation du cannabis et un nombre beaucoup plus important de testeurs de sobriété normalisés, ou TSN, ou d'experts en reconnaissance de drogues, les ERD, devront être formés et envoyés sur le terrain d'ici très bientôt, lorsque la loi entrera en vigueur. Non seulement faut-il du temps pour former les agents, mais cela engendre aussi des coûts importants. Même si la Saskatchewan réduit au minimum ces coûts en offrant la formation théorique de deux semaines aux ERD à l'interne — c'est-à-dire, en Saskatchewan —, les agents doivent tout de même se rendre en Floride ou en Arizona pour la troisième semaine de formation, et cela coûte cher.
Par ailleurs, les contrôles routiers n'en sont qu'à leurs débuts. Il n'existe pas encore de règles de pratique reconnues, tout comme il n'y a pas d'appareils approuvés pour les contrôles routiers. Encore une fois, nos amis de la communauté scientifique et du ministère de la Justice travaillent très fort à ce chapitre. Il ne nous reste que 292 jours, et nous n'avons toujours pas d'outils approuvés.
Le coût de ces appareils sera probablement important, et les agents chargés de l'application de la loi et les agents municipaux de la Saskatchewan craignent que les besoins en formation, l'acquisition des appareils et le coût pour chaque test et analyse ne dépassent ce qu'ils peuvent absorber.
Mettons les choses en perspective. Sécurité publique Canada a récemment annoncé de nouveaux investissements qui seront utiles: le ministère a promis un financement de 81 millions de dollars sur cinq ans, répartis entre les provinces. Mais qu'est-ce que cela veut dire? Si les 13 provinces et territoires doivent se partager 81 millions de dollars, ils se retrouvent chacun avec 6,231 millions de dollars sur cinq ans ou 1,246 million de dollars par année.
Pour vous donner une vue d'ensemble de la situation, le coût pour un appareil de dépistage approuvé est estimé à 3 500 $. Nous savons aussi qu'il coûtera environ 3 500 $ pour envoyer un agent en Arizona ou en Floride pour qu'il suive une formation d'une semaine. La formation d'un agent pour les TSN coûte environ 1 000 $. Je ne suis pas comptable, alors vous m'excuserez, mais si on divise 1,246 million de dollars par 3 500 $, cela donne 356. Donc, nous pouvons acheter 356 appareils ou former 356 agents ou un peu des deux avec l'argent offert. Le reste, c'est à nous de l'absorber.
En outre, étant donné que les analyses de sang seront nécessaires — ce qui est justifiable sur le plan scientifique — nos laboratoires seront-ils en mesure de traiter l'afflux important d'échantillons? Y a-t-il suffisamment de laboratoires ou de techniciens pour que les tests soient effectués en temps opportun? Dans la situation actuelle, un échantillon pourrait prendre des semaines ou des mois après avoir été prélevé pour être analysé.
En dernier lieu, les autorités policières saskatchewanaises craignent que la mise en application de la disposition permettant de cultiver quatre plants de cannabis soit difficile à appliquer, surtout si la culture se fait à l'intérieur ou loin des regards. C'est pratiquement impossible de faire appliquer la loi à cet égard. C'est quelque chose qui préoccupe beaucoup nos agents.
Un autre sujet de préoccupation concerne l'éducation du public, la sensibilisation, la prévention et le traitement. Les ministères et les organismes gouvernementaux de la Saskatchewan sont tous d'avis que les efforts à ce chapitre doivent viser en priorité les jeunes et les jeunes adultes. La consommation sécuritaire et la sensibilisation aux conséquences possibles de la marijuana sont des sujets qui doivent être abordés avec eux, et bien qu'il s'agisse d'un domaine de responsabilité commune, le gouvernement fédéral doit donner l'exemple bien avant l'entrée en vigueur de la loi.
Nous savons que les jeunes du Canada présentent l'un des taux de consommation du cannabis les plus élevés dans le monde industrialisé; pourtant, les jeunes Canadiens semblent mal informés des dangers de la marijuana. Ainsi, le récent rapport du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, Les perceptions des jeunes Canadiens sur le cannabis, indique que les jeunes considèrent que le cannabis est moins nocif que l'alcool, alors que la consommation de cannabis augmente de manière considérable les risques de blessure ou de décès dans un accident de la route. Les risques pour la santé associés à la consommation du cannabis sont aussi très méconnus. Il y a cependant tout lieu de s'attendre à une hausse de la demande à l'égard des ressources en santé pour traiter les cas de dépendances, de problèmes de santé mentale et d'autres problèmes médicaux.
:
Merci, monsieur le président, d'avoir invité l'Association Cannabis Canada. Nous vous sommes très reconnaissants de l'occasion d'exprimer nous aussi notre point de vue sur le sujet.
Laissez-moi vous parler un peu de notre organisation. Notre association compte 20 membres qui sont des producteurs autorisés par Santé Canada. Nous avons un comité de patients qui fournissent une rétroaction à nos membres et un comité chargé d'étudier la réglementation qui communique fréquemment avec le Bureau de cannabis médical afin d'améliorer la réglementation et, conséquemment, la qualité de nos produits. Nous avons aussi un comité des normes de communication, et nous sommes sur le point de poursuivre nos discussions avec le secrétariat. Nous espérons être en mesure de les épauler.
Depuis 2013, les producteurs autorisés du Canada, autant les grands que les petits, ont été des partenaires efficaces dans l'établissement d'un système strict et bien réglementé de production et de distribution de cannabis à des fins médicales. C'est un système qui fait l'envie du reste du monde. C'est pourquoi le gouvernement du Canada a confié aux producteurs autorisés canadiens le devoir de jeter les bases du système de production de cannabis légal pour consommation récréative chez les adultes.
Les producteurs autorisés sont impatients de travailler en collaboration et en conformité avec les gouvernements fédéral et provinciaux pour établir rapidement des modèles efficaces de distribution et de vente qui comprennent peu de risque, qui sont bien réglementés, hautement sécuritaires et adaptés aux besoins de chaque province. Il faut prévoir dans le projet de loi des mesures qui permettront à l'industrie légale de concurrencer le marché noir, notamment en ce qui concerne le prix, la valorisation de la marque et la publicité, en conformité avec des paramètres bien établis, afin d'éliminer la confusion qui règne sur le marché au sujet de la légitimité des sources et afin d'orienter les Canadiens dans leur utilisation de produits nouveaux et complexes. Le système de cannabis à des fins médicales doit également être protégé pour le bien des patients canadiens.
Comme je l'ai déjà dit, depuis 2013, nous avons été des partenaires de confiance du gouvernement à ce chapitre, et nous voulons poursuivre notre partenariat avec les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Les producteurs autorisés ont démontré qu'ils sont en mesure d'offrir: des installations de production de pointe, propres, sûres et exploitées de façon professionnelle; des produits emballés et étiquetés de façon à protéger les enfants et à fournir aux adultes l'information dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés; un système de distribution et de vente éprouvé, sans détournement dans le marché illégal; et des méthodes de production et de vente sans effet sur les collectivités avoisinantes et sans regroupement avec les produits de l'alcool.
Avec la légalisation, l'objectif du gouvernement est de démanteler le marché noir. Il y a un certain nombre de facteurs qui nuiront à la capacité du nouveau système légal de concurrencer le marché noir fermement enraciné. Les gouvernements doivent veiller à ne pas imposer de prix ou de taxes qui empêcheront les producteurs autorisés de concurrencer le marché noir. Le directeur parlementaire du budget du Canada l'a d'ailleurs signalé dans son rapport de novembre 2016: « Plus le prix du cannabis légal sera élevé par rapport à celui du cannabis illicite, plus grand sera le nombre de Canadiens qui se procureront du cannabis sur le marché illicite. » En se fondant sur la même recherche, l'Institut C.D. Howe a estimé que même un coût supplémentaire relativement modeste d'un dollar le gramme pourrait faire en sorte qu'environ 35 % du marché demeurerait non réglementé.
Il y a aussi la question de la valorisation de la marque et de la publicité. Les producteurs autorisés doivent être en mesure de se distinguer du marché noir pour le concurrencer. En effet, si les gouvernements cherchent sérieusement à affaiblir le marché noir, et s'ils souhaitent le faire le plus vite possible, ils devront veiller à ce que les entreprises légales puissent démarquer leurs produits de l'offre illégale.
En outre, les consommateurs ont besoin d'information au sujet d'un produit inconnu. Cette information, provenant d'une source qui s'y connaît et expérimentée, doit les éclairer pour qu'ils en fassent l'expérience de manière sécuritaire et uniforme. Il existe de nombreuses souches de cannabis, et elles varient en puissance et en effets selon leurs niveaux de THC — l'élément hallucinogène — et de CBD. Les niveaux peuvent être très, très bas, comme on l'a dit plus tôt, soit de 0,01 ou de 0,05. Le produit peut aussi être constitué principalement de CBD. Il faut aussi tenir compte des autres caractéristiques, comme l'odeur et la forme du produit. Par exemple, la forme n'est plus restreinte à la plante séchée, il y a aussi une forme adaptée aux vaporisateurs. Il y a également les huiles et les comprimés. Nous essayons de mettre au point différentes formes pour que les gens puissent utiliser le produit sans avoir à le fumer. Il est important que l'industrie illégale soit en mesure de communiquer adéquatement les caractéristiques de chaque produit pour éclairer les choix des consommateurs et pour soutenir la consommation responsable, en vue de réduire les risques potentiels.
Sachez aussi qu'il règne une grande confusion sur le marché autour de la légalité des différentes sources de cannabis.
Les Canadiens doivent être en mesure de distinguer facilement les produits légaux de ceux qui ne le sont pas. Ils doivent savoir où, comment et auprès de qui il est possible d'obtenir du cannabis légal et sûr. La valorisation de la marque et la publicité, en autant qu'elles ne dépassent pas les paramètres convenus — par exemple, interdiction de cibler les enfants ou les jeunes —, donnent aux consommateurs les balises dont ils ont besoin pour reconnaître les sources et les produits légitimes. Ainsi, les Canadiens d'âge adulte seront en mesure de savoir où ils peuvent acheter en toute sécurité des produits de la plus haute qualité.
Il serait malheureux que les Canadiens continuent d'être exposés à des messages provenant de sources illégales, auxquelles les entreprises légales n'opposeraient que le silence. Sans valorisation de la marque et de la publicité, l'industrie légale naissante sera désavantagée dans ses efforts pour déloger le marché noir bien enraciné. L'Association Cannabis Canada espère que le Comité de la santé défendra le besoin de mettre en place les initiatives réfléchies et strictement réglementées pour la valorisation de la marque et la publicité du cannabis destiné à un usage récréatif chez les adultes.
En terminant, compte tenu de notre mandat et de notre engagement envers les patients canadiens, nous aimerions demander au Comité de soutenir également la conservation du système de cannabis à des fins médicales. La légalisation prochaine du cannabis fait que les décideurs devront s'assurer que les patients continuent d'avoir un accès adéquat au produit, comme cela a été convenu par les tribunaux canadiens. Sans système approprié pour l'usage médical, les patients pourraient perdre leur protection, autant dans le secteur public que dans le secteur privé, ce qui les empêcherait de se procurer leur médicament d'ordonnance.
Il y a des distinctions importantes à faire entre l'usage du cannabis à des fins médicales et l'usage à des fins récréatives, par exemple: l'usage à des fins médicales continue d'être supervisé et prescrit par des professionnels de la santé; les régimes d'assurance-santé peuvent continuer de couvrir le cannabis à des fins médicales; les patients, y compris les jeunes patients, doivent avoir accès à la souche, à la puissance et à la quantité adéquates afin de soulager leurs symptômes, conformément aux directives de leur médecin; les patients doivent pouvoir prendre leur médicament dans des lieux publics donnés, et ce, dans toutes ses formes sans fumée, y compris le vapotage; et le cannabis doit être abordable, détaxé et inscrit sur les listes de médicament des provinces et des assureurs des secteurs public et privé.
En conclusion, l'Association Cannabis Canada soutient pleinement les objectifs du projet de loi , soit éviter que les jeunes aient accès au cannabis, protéger la santé et la sécurité publiques au moyen d'exigences strictes quant à l'innocuité et à la qualité des produits et éliminer les activités criminelles au moyen de sanctions pénales graves pour ceux dont les activités dépassent le cadre légal. L'Association Cannabis Canada jouit d'une expertise inégalée relativement à la distribution sûre de cannabis dont la qualité a été contrôlée et aux façons de veiller à ce que seules les personnes admissibles puissent y avoir accès.
Afin de promouvoir les objectifs du gouvernement et en vue de déloger aussitôt que possible le marché noir solidement enraciné, l'Association Cannabis Canada recommande respectueusement au gouvernement de prendre en considération, pendant l'élaboration du projet de loi , le besoin de veiller à ce que l'industrie légale ne soit en mesure de concurrencer avec le marché noir en ce qui a trait au prix, d'autoriser certaines démarches de valorisation de la marque et de publicité, sans dépasser les paramètres rigoureusement établis, afin de distinguer les produits et les vendeurs légaux de ceux du marché noir et afin d'orienter les Canadiens dans leur consommation d'un produit nouveau qu'ils connaissent peu, et de préserver le système de cannabis à des fins médicales en vigueur ou, à tout le moins, de prendre les mesures nécessaires afin de protéger les patients, y compris leur droit de consommer leur médicament par vapotage.
Nous voulons continuer d'aider les gouvernements fédéral et provinciaux et de protéger la sécurité du public et nos patients. Nous nous engageons à soutenir le gouvernement en ce qui concerne, entre autres, la distribution et la réglementation. Nous voulons poursuivre notre collaboration et travailler très dur pour vous prouver que nous sommes dignes de votre confiance.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Bonjour à tous. Je vous remercie de votre présence.
Je trouve que sept minutes, c'est très peu de temps pour poser toutes les questions possibles. Je me concentrerai donc sur quelques aspects.
Chez les témoins que nous recevons aujourd'hui, on trouve beaucoup d'expertise et de conscience sociale. Par ailleurs, ceux-ci ont aussi différentes approches.
Je commencerai par poser des questions à M. Tesarowski sur l'approche adoptée par sa province.
On comprend que vous n'y allez pas en dansant, et peut-être même y allez-vous un peu à contrecoeur. Ce n'est pas du tout l'approche des autres témoins. Au contraire ils veulent savoir quoi faire et cherchent comment collaborer le plus possible pour que nous puissions légiférer et rédiger des lois qui vont assurer, autant que faire se peut, la sécurité des citoyens.
J'ai beaucoup apprécié ce que vous avez dit au départ, particulièrement sur l'éducation du public et sur la sensibilisation. Vous avez parlé des jeunes et de la croissance de l'usage du cannabis. J'aimerais comprendre ce que vous faites, ce que vous avez fait et pourquoi vous avez attendu pour procéder, dernièrement, à une consultation de votre population pour, par la suite, engager votre administration à trouver des solutions concrètes. Pourtant, le projet de légalisation du cannabis ne date pas d'hier. Il est sur la table et on étudie cela depuis plusieurs années. Maintenant, il y a une échéance, le mois de juillet 2018. Selon moi, il y avait moyen de se préparer, à tout le moins. Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait plus tôt? Quelles embûches, selon vous, pourraient vous empêcher de respecter l'échéance du 1er juillet 2018?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins de leur présence. Au bout du compte, nous souhaitons vraiment insister sur la santé et la sécurité des Canadiens et, en ce qui me concerne tout particulièrement, de nos enfants. Je ne pense pas qu'il existe beaucoup d'arguments concernant la responsabilité liée à la consommation de marijuana à des fins médicales et la responsabilité des adultes. Je reviens au raisonnement formulé par le , et j'ai posé la question aux témoins aujourd'hui, et cela ne cesse de revenir; il répète sans cesse que le statu quo ne fonctionne pas.
Je tiens réellement à remercier les témoins cet après-midi. Je pense que c'est vous, monsieur Lucas, qui avez cité quelques statistiques disponibles qui montrent une tendance à la baisse de la consommation et, selon celle que vous souhaitez citer, la proportion de 50 % de garçons en 2002 est passée, je le crois, à 22 % aujourd'hui. Le raisonnement du est de dire que le statu quo ne fonctionne pas. Je trouve assez intéressant de constater que Mme McLellan, ancienne ministre du cabinet libéral, était presque aux anges ici aujourd'hui lorsqu'elle a dit que nous avions reçu une lettre du Colorado selon laquelle les chiffres n'ont pas augmenté. Eh bien, devinez quoi? La légalisation au Colorado n'a pas entraîné une diminution de la consommation du cannabis chez les enfants, donc je crois que c'est très important d'étudier davantage cette question et d'examiner la compétence provinciale.
J'ai trouvé assez hallucinant que les libéraux fédéraux critiquent les provinces à cet égard, parce qu'il y a beaucoup de données scientifiques qui demeurent inconnues. Le gros du travail incombe aux provinces et aux territoires, et je vais profiter de l'occasion pour remercier la Saskatchewan de s'être présentée ici aujourd'hui. Nous avons invité d'autres provinces et territoires, et je pense que vous êtes les seuls représentants d'une province à vous être présentés. Je sais que ma propre province, l'Ontario, vient d'adopter un bref projet préliminaire. Elle ne souhaite même pas se présenter ici et répondre à quelques questions à ce sujet.
Étant donné que vous avez le plus gros du travail à faire, je me demandais si vous pouviez passer en revue certaines de vos préoccupations concernant des éléments controversés, comme la culture à domicile et l'âge de possession légale. Vous avez parlé dans votre déclaration liminaire des niveaux de drogue, des taux de drogue dans le sang et de la controverse qui entoure tout cela. Verrons-nous beaucoup de contestations judiciaires à ce sujet pour ce qui est de l'application de la loi?
:
C'est exact. Aucun membre du Comité n'oserait affirmer que le cannabis ne présente aucun danger, mais seuls 9 % des consommateurs réguliers présentent des signes de dépendance grave, et la gravité est beaucoup moins importante que dans le cas d'une dépendance au tabac, à l'alcool ou à d'autres substances.
De plus en plus de recherches confirment qu'il s'agit non pas d'une drogue d'introduction — affirmation confirmée depuis plus de 20 ans —, mais bien d'une drogue de réhabilitation pour de nombreux toxicomanes.
Dans certains cas, le geste est bien conscient. Des médecins choisissent de prescrire du cannabis pour le traitement de la douleur chronique en vue de réduire l'utilisation d'opioïdes. Par contre, dans d'autres cas, le geste est inconscient, et c'est ce que nous voyons en ce moment au Colorado, seul État américain qui n'a pas connu de hausse de la consommation de bière l'année dernière grâce à la légalisation. Dans un tel cas, le changement se fait au sein de la population.
Je tiens à préciser que des chercheurs ont confirmé que la consommation a diminué chez les jeunes du Colorado. C'est modéré — environ 12 % —, mais il s'agit bien d'une diminution. Vous avez mentionné une consommation accrue de cannabis chez les femmes, et je tiens à préciser que, d'après les derniers chiffres, ce sont les femmes et les personnes âgées qui sont les plus grands utilisateurs du programme de marijuana thérapeutique. Ce fait peut à lui seul expliquer la hausse marquée que nous observons chez les femmes.
Comme vous l'avez dit précédemment, la légalisation pourrait entraîner une augmentation initiale de 2 à 4 %, et les chiffres reviendront à la normale par la suite. Ce que l'on observe généralement, c'est que ceux qui consomment continuent de consommer, mais la loi actuelle n'a pas un grand pouvoir dissuasif sur eux. Cela m'amène à un des problèmes qui touchent les jeunes en ce moment: la loi n'a aucun effet sur la distribution aux enfants sur le marché noir.
J'aimerais ajouter une chose. J'ai déjà enseigné à l'école secondaire. J'ai déjà demandé à des élèves de 11e année: « Quelles drogues pourriez-vous obtenir dans les prochaines 24 heures? » Ils ont mentionné le LSD, les champignons magiques et, évidemment, le cannabis. Les deux substances qu'ils auraient de la difficulté à se procurer en 24 heures étaient l'alcool et le tabac.
Je suis assez jeune pour me rappeler encore les façons dont nous contournions les règles, mais si l'on retire le cannabis du marché noir, que l'on impose un âge minimal et une preuve d'identité et que l'on empêche le marché noir de distribuer cette drogue, les taux de consommation diminueront considérablement. Je pense donc que nous pouvons nous attendre à ce que les taux de consommation chez les jeunes diminuent après la légalisation, même si de nombreux éléments pourraient nous faire croire le contraire.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis le Dr Laurent Marcoux. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui à titre de président de l'Association médicale canadienne, soit l'AMC. Je suis accompagné du Dr Jeff Blackmer, qui est vice-président du Professionnalisme médical de l'AMC.
En tant qu'entité nationale représentant plus de 85 000 médecins et futurs médecins, l'AMC est préoccupée depuis longtemps par les risques pour la santé que pose le cannabis, en particulier lorsqu'il est fumé. Ces risques incluent les maladies cardiovasculaires, pulmonaires et mentales, les accidents de véhicules à moteur et, bien sûr, la dépendance.
En légalisant la consommation de cannabis à des fins récréatives, le gouvernement fédéral doit faire preuve de prudence. Il doit fixer des objectifs liés à la santé publique et rendre compte des mesures prises pour les atteindre. Il doit viser avant tout à protéger la population canadienne et à réduire les préjudices.
C'est pourquoi l'Association médicale canadienne recommande une approche générale basée sur la santé publique visant avant tout à prévenir les problèmes de consommation de drogues, à garantir l'accès à des traitements dans le cas des personnes qui souhaitent cesser d'en consommer, et à réduire les préjudices afin d'accroître la sécurité des personnes qui en font usage.
Cette approche vise à réduire les conséquences sanitaires, sociales et économiques négatives de l'usage des drogues sur la personne, sur la communauté et sur l'ensemble de la société.
Les enfants et les adolescents sont particulièrement exposés aux préjudices, étant donné le développement de leur cerveau. Or ils sont parmi les plus grands consommateurs de cannabis au Canada.
Pour mieux protéger ce groupe de la population, nous recommandons de fixer l'âge à 21 ans dans le cadre de la loi et même de restreindre les quantités ainsi que la puissance du cannabis pour les moins de 25 ans.
En dépit de ces risques accrus, des éléments de preuve montrent que les jeunes d'aujourd'hui ne croient pas que le cannabis a de graves effets sur leur santé. Une stratégie de gestion du cannabis basée sur la santé publique doit donc inclure des mesures d'éducation, comme ce fut le cas pour le tabac.
[Traduction]
Avant l'adoption de toute législation, ou au plus tard au même moment, il faudrait mettre en oeuvre des stratégies d'éducation afin de mieux faire connaître les préjudices et de pousser les recherches sur ses effets. L'AMC exhorte le gouvernement à appuyer la diffusion généralisée des directives de consommation à moindre risque pour le cannabis et à intégrer ses messages dans des stratégies d'éducation.
Après la légalisation, le cannabis sera accessible à ceux qui veulent en faire usage pour des raisons de santé — avec ou sans autorisation médicale. C'est pourquoi nous recommandons un seul régime pour l'usage à des fins médicales et non médicales. Ce régime devrait toutefois garantir l'accès pour les personnes qui sont incapables de se procurer du cannabis légalement, par exemple celles qui n'ont pas l'âge minimum.
Si le gouvernement décide de maintenir deux régimes distincts, nous recommandons de revoir la législation dans les cinq ans pour évaluer, par exemple, le nombre d'utilisateurs dans le système médical et le nombre de médecins qui autorisent l'usage de cannabis à des fins médicales.
L'usage de cannabis comporte des risques importants pour la santé, et nous continuerons de préconiser des recherches plus poussées sur ses effets. La légalisation ne changera rien aux risques. Le gouvernement devrait donc viser d'abord et avant tout à protéger la population canadienne — et en particulier les jeunes — et à réduire les préjudices pour la santé.
Je vous remercie et je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à vous au sujet du projet de loi du point de vue de l'application de la loi et de la sécurité publique.
Je m'appelle Trevor Bhupsingh, et je suis directeur général de la Direction générale de la loi et des stratégies frontalières à Sécurité publique Canada. J'aimerais vous présenter brièvement ma collègue, Jennifer Lutfallah, qui est directrice générale de la Direction des programmes d'exécution de la loi et du renseignement de l'Agence des services frontaliers du Canada.
[Français]
Ma collègue et moi sommes ici aujourd'hui pour répondre à vos questions au sujet de nos rôles organisationnels respectifs en ce qui concerne le projet de loi .
Le gouvernement a adopté une approche équilibrée en matière de légalisation et de réglementation du cannabis, et nous nous sommes assurés que les questions nécessaires relatives à l'application de la loi et à la sécurité publique sont intégrées au projet de loi et orientent l'élaboration du régime qui sera mis en oeuvre en vue de réglementer le cannabis.
[Traduction]
Le projet de loi reflète le travail accompli en collaboration par Santé Canada, le ministère de la Justice, Sécurité publique Canada, la Gendarmerie royale du Canada, l'Agence des services frontaliers du Canada, les gouvernements des provinces et des territoires ainsi que les responsables de l'application de la loi.
Sécurité publique Canada joue un rôle de dirigeant pour ce qui est de la collaboration avec des responsables de l'application de la loi de l'ensemble du pays ainsi qu'avec nos partenaires internationaux pour veiller à ce que la légalisation et la réglementation du cannabis soient accomplies d'un point de vue lié à la sécurité publique. En prévision des travaux du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis, Sécurité publique Canada a organisé une table ronde sur la législation du cannabis avec des organismes d'application de la loi et des représentants des gouvernements des provinces et des territoires. Les discussions ont fourni des données claires sur les éléments et les points de vue qui devaient être pris en considération et qui devaient être compris dans la Loi sur le cannabis et le régime de légalisation. Cette information a été fournie au groupe de travail et a aidé à orienter ses consultations auprès des responsables de l'application de la loi, d'autres intervenants et des Canadiens.
Les responsables de l'application de la loi, notamment à la frontière, reconnaissent qu'un régime de cannabis légalisé doit protéger la santé et la sécurité du public, tout particulièrement celle des jeunes. À cet égard, Sécurité publique Canada et ses partenaires, dont la GRC et l'ASFC, se sont penchés sur plusieurs objectifs clés pendant l'élaboration du projet de loi. Tout d'abord, il faut empêcher les criminels et les réseaux du crime organisé d'infiltrer le marché légitime du cannabis, renforcer les lois pour décourager le commerce illicite du cannabis et protéger les jeunes.
La légalisation du cannabis constitue un changement important de normes sociales, mais nous savons que le cannabis a été un produit très lucratif pour les criminels, et cela doit changer. La GRC et les organismes d'application de la loi de l'ensemble du pays peuvent confirmer que le crime organisé a beaucoup contribué au commerce illicite du cannabis et a réalisé des profits considérables qu'il utilise pour financer d'autres activités illégales. Selon des estimations, on compte jusqu'à 650 organisations criminelles au Canada, et jusqu'à 50 % de ces groupes identifiés seraient actuellement impliqués dans le commerce illicite du cannabis.
Il est difficile de prévoir la façon dont les groupes du crime organisé et le marché illicite réagiront lorsque le régime sur le cannabis entrera en vigueur. La participation du crime organisé au commerce de tout bien ou à toute activité peut changer en fonction de l'évolution de l'offre et de la demande et lorsqu'il y a moins d'occasions de réaliser des profits. Toutefois, de grands travaux sont en cours en vue d'empêcher le crime organisé de toucher aux profits découlant du cannabis. Sécurité publique Canada appuie d'autres ministères fédéraux qui dirigent des discussions sur le prix du cannabis et les taxes connexes. Il s'agit d'aspects importants qui aideront à faire en sorte que les groupes du crime organisé ne toucheront pas aux revenus prévus découlant de la production, de la distribution et de la vente du cannabis.
Pendant l'élaboration du nouveau régime, les exigences de la loi, comme la vérification du casier judiciaire des personnes qui veulent produire du cannabis, empêcheront les criminels qui participent actuellement au commerce illicite du cannabis de passer au régime légal. La police fédérale de la GRC et d'autres organismes canadiens d'application de la loi continueront de collaborer, à l'échelle nationale ainsi qu'avec des partenaires internationaux, en vue de cibler le crime organisé et les réseaux criminels. Sécurité publique Canada appuiera ces efforts en surveillant l'évolution des marchés clandestins de la drogue.
En ce qui concerne la sécurité frontalière, l'ASFC mène des enquêtes et empêche le passage transfrontalier non autorisé de cannabis aux points d'entrée au Canada tout en maintenant la libre circulation des voyageurs et des marchandises légitimes.
La nouvelle loi ne changera pas le cadre transfrontalier actuel en ce qui concerne l'expédition illégale de cannabis. En ce sens, l'ASFC continuera d'examiner les personnes et les expéditions afin d'intercepter le cannabis aux points d'entrée, conformément à la Loi sur les douanes. L'Agence continuera de collaborer étroitement avec ses partenaires de l'application de la loi, comme la GRC et les services de police locaux qui sont responsables de mener des enquêtes en vertu de la nouvelle Loi sur le cannabis.
Il est important de souligner que la Loi sur le cannabis proposée ne nuit pas à la capacité des responsables de l'application de la loi de cibler et de démanteler des activités illégales liées au cannabis. Le projet de loi transmet un message fort concernant la gravité des crimes impliquant le cannabis. À titre d'exemple, en vertu de la loi proposée, les infractions criminelles liées à la production, à la distribution, à la vente et à l'importation ou à l'exportation de cannabis peuvent entraîner des peines minimales de 14 années d'emprisonnement.
Un autre objectif très important pour le gouvernement, c'est que Sécurité publique Canada et la collectivité de l'application de la loi s'efforcent d'appuyer la protection des jeunes. La loi démontre clairement que nous voulons garder le cannabis hors de la portée des jeunes en limitant leur accès au produit et en prévenant les activités criminelles liées au cannabis grâce à des sanctions et à des mesures d'application de la loi appropriées. C'est pourquoi les adultes qui utilisent des jeunes pour commettre des crimes liés au cannabis seraient passibles de la même peine maximale de 14 années d'emprisonnement que les personnes qui effectuent la vente ou le trafic illégal du cannabis. De plus, les provinces et les territoires ont la capacité de mettre en place leurs propres dispositions pour interdire à toute personne dont l'âge est inférieur à l'âge minimal de posséder du cannabis. Cela donnerait à la police le pouvoir de saisir le cannabis des jeunes sans que ces derniers fassent l'objet de poursuites au criminel en raison de la possession et de la distribution de très petites quantités de cannabis.
Le gouvernement a été clair: il est primordial d'effectuer une réglementation stricte du cannabis au sein du cadre de la législation. Par conséquent, la Loi sur le cannabis propose une approche fondée sur la contravention qui permettrait aux responsables de l'application de la loi d'imposer une contravention à une personne âgée de 18 ans ou plus en cas d'infraction relativement mineure aux règles prescrites par la nouvelle loi, y compris dans les cas de possession d'une quantité de cannabis dépassant la limite légale de 30 grammes, pouvant aller jusqu'à 50 grammes de cannabis, ou, pour ce qui est de la culture à domicile, de la limite de 5 ou 6 plants ou l'inobservation des restrictions prescrites. La pénalité pour ces infractions est une amende de 200 $.
Sécurité publique Canada est consciente du niveau d'effort requis pour faire en sorte que des mesures de protection du public soient en place en prévision de la légalisation du cannabis. Nous continuerons de collaborer avec Santé Canada et le ministère de la Justice pour toutes les questions relatives au nouveau régime, y compris la délivrance de permis, la conformité et une campagne de sensibilisation du public rigoureuse qui ciblera notamment les jeunes. Nous communiquerons les nouvelles lois et le régime d'application de la loi aux services de police et à tous les Canadiens grâce à des modules de formation en ligne et en misant sur les médias et les médias sociaux. Qui plus est, nous effectuerons, de façon continue, des recherches, de la collecte de données, de la surveillance, de l'évaluation et des consultations à l'échelle du Canada et avec les responsables de l'application de la loi. Nous travaillerons en vue d'aider les responsables de l'application de la loi à mettre en oeuvre et à opérationnaliser la nouvelle loi.
La Loi sur le cannabis proposée constituera une mesure législative importante du point de vue de l'application de la loi et de la sécurité publique.
Merci. Ma collègue et moi serons heureux de répondre à vos questions.
:
Bon après-midi. Je suis l'inspecteur Martin Bruce de la Section du crime organisé du Service de police de Vancouver. Je suis en compagnie de Bill Speam, sergent-chef. Bill est l'expert en enquêtes concernant le crime organisé.
Au nom d'Adam Palmer, agent de police en chef, j'aimerais remercier les honorables membres du Comité de me donner la possibilité de présenter mes observations au sujet du projet de loi . Compte tenu du temps dont dispose le Comité, je serai bref.
Les préoccupations du Service de police de Vancouver sont fort probablement les mêmes que celles de l'Association canadienne des chefs de police et d'autres partenaires en sécurité publique. Toutefois, dans le contexte local, nos préoccupations concernent quatre principaux domaines: l'accès au cannabis par les jeunes, la culture à des fins personnelles, le rôle des groupes du crime organisé et le calendrier de mise en oeuvre.
En ce qui concerne l'accès au cannabis par les jeunes, nous sommes d'avis que le fait de permettre à des jeunes âgés de 12 à 17 ans d'avoir en leur possession ou de partager socialement jusqu'à cinq grammes de marijuana créera un problème lorsque les policiers devront intervenir dans un certain nombre d'établissements où se trouvent des jeunes, mais particulièrement dans nos écoles. Par exemple, nos agents de police auront-ils le pouvoir d'intervenir dans un cas où un jeune offre de la marijuana à un autre jeune vulnérable et de la saisir, ou de gérer efficacement tout autre appel lié à une infraction commise par un jeune? Nous constatons que le régime d'imposition de contraventions proposé ne s'appliquera qu'aux personnes âgées de 18 ans ou plus.
La capacité de posséder du cannabis combinée à la culture à des fins personnelles à domicile semble entrer en conflit avec l'objectif du gouvernement, soit de créer un environnement hautement réglementé qui réduit au minimum l'accès des jeunes à la drogue.
En ce qui a trait à la culture à des fins personnelles, nous sommes contre et nous croyons que ce sera un catalyseur pour la surproduction qui inondera le marché illicite et réussira à miner la structure de prix et l'approvisionnement qu'offre le régime de réglementation. Cela fera également croître le risque de cambriolages à domicile, d'introduction par effraction, de vol qualifié, de vol d'électricité, de nuisance et le nombre d'appels de service de toute autre nature qui nuisent à la sécurité des collectivités et mettent à rude épreuve les policiers et les autres premiers répondants qui sont déjà confrontés à la crise des surdoses d'opioïdes dans la province et ailleurs au pays.
Il sera impossible d'appliquer la limite de quatre plants, et puisque la nouvelle loi sera superposée au règlement sur la marijuana à des fins médicales existant, il sera difficile pour les agents de première ligne de déterminer quel pouvoir ils ont dans la myriade de circonstances potentielles qui se présenteront. Les saisies que l'on jugera plus tard illégales pourraient rendre les services de police responsables de la marijuana détériorée entreposée avec le temps et qui doit être rendue aux propriétaires. Les agents risqueront également de faire l'objet de plaintes pour mauvaise interprétation des diverses dispositions au titre de la loi sur la police de la Colombie-Britannique.
En ce qui a trait au rôle des groupes du crime organisé, la structure de prix et la disponibilité de la marijuana réglementée ne sont pas établies à des niveaux réalistes, le crime organisé en tirera profit de la même manière qu'il le fait avec les produits du tabac illicite. Pour répondre à toute augmentation de la demande, les éléments criminels seront également susceptibles d'accroître la production, particulièrement dans les régions urbaines, sous le couvert de la production à des fins personnelles et en favorisant la prolifération des activités de culture résidentielle de la marijuana.
Pour ce qui est du calendrier de mise en oeuvre, la mise en oeuvre du projet de loi soulève de nombreuses questions, particulièrement en ce qui concerne ceux à qui incomberont les responsabilités en fin de compte, et la façon dont les renseignements seront transmis et le moment où elles le seront. En l'absence de ce détail, nous craignons que le temps qui reste pose des difficultés considérables au chapitre de la formation et de l'équipement appropriés de nos membres, de la modification de nos procédures et éventuellement de l'adaptation de nos établissements.
Enfin, nous voulons nous assurer que le financement sera en place pour soutenir une vaste stratégie d'éducation du public, qu'il soit en place bien avant la légalisation, et qu'une campagne soit axée sur les préjudices développementaux chez les jeunes, sur les autres préjudices connus associés à la consommation de la marijuana et sur les dangers associés à la conduite avec facultés affaiblies d'un véhicule motorisé.
Merci encore de nous fournir cette tribune. Nous serons ravis de répondre aux questions du Comité.
:
Merci, monsieur le président.
L'éducation est un des éléments importants dans ce dossier. Le Dr Marcoux l'a mentionné, notamment. Je suis content de voir que l'éducation peut jouer un rôle important afin d'aider la population à faire des choix éclairés relativement à la consommation de produits qui sont présentement illicites, mais qui seront prochainement légalisés. On parle ici du cannabis.
On voit qu'il y a des différences de budgets. Quand on parle d'éducation, on parle nécessairement de budgets, car c'est toujours intimement lié. Je suis tout à fait favorable à ce qu'on augmente les budgets en éducation pour prévenir une prolifération de la consommation chez les jeunes.
On sait très bien que la consommation de marijuana a des conséquences chez les jeunes. Vous avez parlé de problèmes cognitifs. Potentiellement, cela peut toucher le cerveau de façon permanente.
Je fais un lien avec la consommation d'alcool, qui a aussi des conséquences sur la santé, quoique peut-être différentes de celles du cannabis.
Par ailleurs, comment expliquer les différences bien marquées d'une province ou d'un territoire à l'autre, par exemple en Ontario et au Québec, en ce qui a trait à l'âge légal pour la consommation d'alcool? Si je ne me trompe pas, c'est 21 ans en Ontario et 18 ans au Québec, malgré toutes les conséquences médicales que peut avoir la consommation d'alcool.
La Confédération canadienne suit une certaine logique voulant qu'elle soit participative. Ainsi, on laisse chaque province s'exprimer et légiférer dans ses champs de compétence. Comment expliquez-vous qu'en Ontario il sera légal de consommer de la marijuana à 19 ans, alors que l'âge légal pour la consommation d'alcool est plus élevé, soit 21 ans? Comment expliquez-vous cette logique?
Des témoins précédents ont mentionné qu'il était plus facile pour les jeunes de se procurer de la marijuana que de l'alcool et des cigarettes. Comment réagissez-vous à ces commentaires? Je suis un peu préoccupé par tout cela.
La réponse n'est peut-être pas facile à donner, mais j'aimerais vous entendre parler de ce sujet.
:
Merci beaucoup de poser la question. Je veux soulever deux ou trois choses.
Ce qui a été dit sur l'éducation est extrêmement important. Selon les derniers chiffres que j'ai vus en ce qui a trait aux fonds affectés à l'éducation touchant la consommation de marijuana chez les jeunes, le montant s'élève à 9,6 millions de dollars, tandis que le budget de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme, par exemple, s'élève à 38 millions de dollars. Je crois que nous en sommes arrivés à un point au Canada où aucun adulte ne fume en croyant que c'est bon pour lui. Nous avons fait du bon travail et aidé les gens à comprendre les risques pour la santé, et lorsqu'ils prennent la décision, il s'agit d'une décision adulte et éclairée de prendre le risque.
Nous n'en sommes vraiment pas là dans le dossier de la marijuana. Il reste encore beaucoup de personnes qui croient non seulement que ce n'est pas néfaste pour elles, mais même que c'est peut-être bon. Nous avons besoin de plus d'argent, pas moins, pour ce qui est de l'éducation.
En ce qui a trait à l'âge, j'entends beaucoup de personnes dire qu'il faudrait établir l'âge à 19 ans, parce que c'est la limite applicable à l'alcool. Selon moi, c'est une façon très paresseuse de réfléchir. C'est une façon de dire qu'on maintiendra tout simplement le statu quo sans procéder à une évaluation de la question selon ses propres mérites. Si on regarde aux États-Unis, l'âge de la majorité pour la consommation d'alcool est de 21 ans, et qui dit que ce n'est pas préférable, pour une substance comme l'alcool? En fait, il y a de nombreux groupes, des groupes oeuvrant dans le domaine de la santé mentale et dans d'autres domaines, qui disent qu'il est peut-être temps de réévaluer l'âge auquel les gens peuvent acheter de l'alcool.
J'encouragerais les gens à se pencher sur cette question en s'appuyant sur les données probantes liées à ce produit précis, et pas sur des décisions historiques qui ont été prises au sujet de l'alcool. Comme vous dites, c'est quelque chose qui fluctue, en fonction des provinces, en tout cas. Nous espérons vraiment que les gens évalueront cette question selon ses propres mérites.