:
Dans l'esprit de collaboration qui est le nôtre dans le cadre de notre travail sur les substances contrôlées au Canada, je ferai des observations au nom de mes collègues, mais nous serons heureux de répondre à vos questions, évidemment.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m’appelle Suzy McDonald. Je suis sous-ministre adjointe chargée de l’Équipe d’intervention en matière d’opioïdes à Santé Canada, mais je suis également responsable de la réglementation des substances contrôlées au Canada et de la perspective du gouvernement fédéral à l’égard de la consommation de drogues et d’alcool dans le cadre de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances.
La consommation abusive de substances est une préoccupation constante en matière de santé et de sécurité au Canada. La crise des opioïdes et la légalisation et la réglementation du cannabis sont souvent au premier plan des préoccupations des Canadiens, mais Santé Canada est très conscient que de plus en plus de gens sont également aux prises avec la consommation de méthamphétamine. Nous savons notamment que des provinces comme l’Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan ont des signalements de plus en plus nombreux de consommation de méthamphétamine, d’hospitalisations et d’interactions avec les forces de l’ordre. Certaines communautés des Premières Nations signalent également d’importants problèmes de santé et de sécurité liés à la consommation de méthamphétamine.
[Français]
La méthamphétamine est généralement une drogue peu coûteuse qui peut produire un effet à court ou à long terme, selon la façon dont elle est consommée. Elle peut être fumée, reniflée, avalée ou injectée. Elle peut accroître l'attention et l'énergie et créer un sentiment global de bien-être ou d'euphorie. Cependant, la consommation peut aussi entraîner une dépendance et des effets nocifs, comme la paranoïa, l'agressivité et même la psychose. Une surdose de méthamphétamine peut causer des convulsions, un arrêt cardiaque, un accident vasculaire cérébral et, dans certains cas, la mort.
[Traduction]
Nous savons que les gens utilisent des stimulants pour toutes sortes de raisons. Cela peut être, selon le cas, pour le plaisir, pour relaxer, pour socialiser ou pour supporter la douleur, le stress ou d’autres traumatismes connexes. Comparativement aux autres substances utilisées au Canada, comme l’alcool, le cannabis et les opioïdes, les taux de consommation de méthamphétamine sont relativement faibles. On nous dit cependant que d’autres drogues sont parfois mélangées à la méthamphétamine, dont des opioïdes très puissants comme le fentanyl, et cela augmente le risque de préjudice et le risque de surdose mortelle. En fait, les données disponibles sur certains secteurs de compétence donnent à penser que la méthamphétamine joue peut-être un rôle de plus en plus important dans les décès par surdose quand il y a polytoxicomanie ou double consommation.
Le gouvernement du Canada s'inquiète de toutes les formes de consommation abusive de substances, et nous prenons des mesures dans le cadre de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances sur les quatre fronts que sont la prévention, le traitement, la réduction des effets nocifs et l’application de la loi.
En matière de prévention, nous savons qu'il faut adopter une perspective globale comprenant, d'une part, de l'information à l'intention des Canadiens sur les risques de la consommation de méthamphétamine et, d'autre part, la prise en compte des déterminants sociaux sous-jacents à cette consommation. C’est un rôle que toutes les administrations gouvernementales jouent au Canada, de même qu’un grand nombre d’organisations non gouvernementales.
[Français]
Nous savons également que les campagnes de sensibilisation du public ne suffiront pas, car les déterminants sociaux de la santé sont souvent à l'origine de la consommation problématique de substances. Par exemple, nous savons que les personnes sans abri ou celles qui sont plus pauvres sont plus à risque de subir les méfaits liés à la consommation problématique de substances.
Nous savons également que les substances peuvent être utilisées comme mécanisme d'adaptation par des personnes qui ont des expériences de traumatisme, de violence, de marginalisation sociale et de perte d'identité culturelle. Pour les peuples autochtones, cela peut comprendre la perte de la langue et de la culture, le racisme, la discrimination et le traumatisme intergénérationnel des pensionnats.
[Traduction]
Dans le cadre de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, le gouvernement fédéral s’est engagé à travailler en collaboration pour mieux s’attaquer aux déterminants sociaux de la consommation abusive de substances et élaborer des mesures en amont pour contribuer à la prévention de la consommation abusive de substances.
Passons maintenant à la question du traitement. Les données probantes attestent clairement que la consommation abusive de substances est un problème de santé qui peut être géré et traité avec succès pour ceux qui y sont prêts. Malheureusement, la consommation de méthamphétamine est une condition très difficile à traiter. Jusqu'ici, les traitements les plus efficaces comprennent le counselling psychosocial et les thérapies de gestion du comportement. Contrairement aux troubles causés par la consommation d'opioïdes, où le traitement médicamenté existe, il n’y a actuellement aucune thérapie médicamentée pour traiter la consommation de méthamphétamine. C’est un domaine où la recherche serait d'ailleurs utile.
Je sais, d’après mon expérience de la gestion fédérale de la crise des opioïdes, qu’il n’y a tout simplement pas assez de services de traitement médicamenté au Canada pour répondre à la demande. Pour aider à combler cette lacune, le gouvernement fédéral a promis de verser 150 millions de dollars dans le Fonds d'urgence pour le traitement pour améliorer la disponibilité de solutions de traitement au Canada, y compris pour les personnes aux prises avec la consommation de méthamphétamine. Jusqu'ici, cinq provinces ont signé des ententes avec le gouvernement fédéral dans le cadre du Fonds d'urgence pour le traitement, dont la Saskatchewan, qui utilise une partie des ressources pour améliorer les services de traitement destinés aux personnes qui demandent de l’aide en raison de troubles liés à la toxicomanie, notamment à cause de la consommation de méthamphétamine en cristaux.
Par ailleurs, le gouvernement fédéral a prévu un certain nombre d’investissements dans les budgets fédéraux pour appuyer l’expansion des services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie dans les collectivités des Premières Nations, dont 200 millions de dollars sur cinq ans et 40 millions de dollars à titre permanent selon le budget de 2018.
[Français]
La réduction des méfaits est un facteur clé de l'approche fédérale à l'égard de la crise des opioïdes. Malheureusement, il n'existe pas de gamme semblable d'options de réduction des méfaits pour la consommation de méthamphétamine. Plus particulièrement, il n'y a pas de médicament pouvant renverser les effets d'une surdose de méthamphétamine, comme c'est le cas lors d'une surdose d'opioïde, qui peut être traitée avec la naloxone.
L'approche la plus courante et fondée sur des données probantes en matière de réduction des méfaits de la méthamphétamine est axée sur la réduction des risques d'infections transmissibles par le sang, comme le VIH et l'hépatite C, qui peuvent résulter de l'échange de matériel de consommation de drogues, comme des seringues et des pipes.
L'Agence de la santé publique du Canada investit 30 millions de dollars sur cinq ans au moyen du Fonds pour la réduction des méfaits pour aider à réduire ces risques, en appuyant des projets au Canada qui contribueront à réduire la transmission du VIH-sida et de l'hépatite C chez les personnes qui échangent du matériel de consommation de drogues par injection et inhalation.
[Traduction]
Parmi les éléments importants du volet réduction des effets nocifs, il y a la lutte contre la stigmatisation des consommateurs de drogues. En particulier, les effets physiques visibles de la consommation de méthamphétamine, associés à des comportements parfois très erratiques et imprévisibles, créent une image hautement stigmatisée. Cette perception crée des obstacles à l’accès au traitement et à d’autres services de réduction des effets nocifs et de soutien social, et c’est quelque chose que nous nous engageons à réduire pour aider les gens à obtenir le soutien dont ils ont besoin.
Par exemple, la encourage les gens à demander de l’aide en cas de surdose en leur offrant une certaine protection juridique. Nous espérons que cette loi réduira la crainte d'une intervention de la police et encouragera les gens à sauver des vies. Dans le budget de 2018, le gouvernement fédéral a prévu un investissement de 18 millions de dollars sur cinq ans pour lutter contre la stigmatisation des consommateurs de drogues, notamment par le biais d'une campagne nationale de lutte contre la stigmatisation, qui vient d’être lancée, et d'une formation destinée aux agents d’application de la loi. Une grande partie de ce que fait Santé Canada pour lutter contre la stigmatisation se fait dans le contexte de la crise des opioïdes, mais nous sommes convaincus que cela aura également un effet positif dans d’autres domaines.
La réglementation et l’application de la loi en matière de drogues constituent le quatrième volet de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances et demeurent un élément essentiel de l’approche du gouvernement fédéral. Cela englobe un large éventail d’activités, dont l’application de la loi, la réglementation des activités concernant les substances désignées et leurs précurseurs, le contrôle des frontières, la surveillance financière et les mesures de vérification fiscale visant à réduire la rentabilité du trafic de stupéfiants.
La méthamphétamine est régie par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances du gouvernement fédéral, tout comme bon nombre des produits chimiques utilisés dans sa production. Comme beaucoup de ces précurseurs sont des substances légales, il peut être difficile de contrôler leur disponibilité et leur détournement. La GRC travaille en étroite collaboration avec des partenaires de l’industrie chimique dans le cadre du Programme de déclaration des détournements de produits chimiques pour identifier les criminels présumés et les groupes du crime organisé qui tentent d’acquérir des produits chimiques précurseurs susceptibles de servir à la production de méthamphétamine. De concert avec ses partenaires, notamment l’Agence des services frontaliers du Canada et la Gendarmerie royale du Canada, Santé Canada continue d'examiner les solutions possibles concernant l'inscription et le contrôle de nouveaux précurseurs.
Une partie de la méthamphétamine est produite au Canada, mais une proportion de la méthamphétamine consommée au Canada provient vraisemblablement d’autres pays, comme le Mexique. L’Agence des services frontaliers du Canada continue de travailler en étroite collaboration avec les autorités policières au Canada et à l'étranger pour perturber l’approvisionnement en méthamphétamine à la frontière.
Nos partenaires du Service correctionnel du Canada sont également en train de prendre un certain nombre de mesures pour réduire la demande de substances illégales, dont la méthamphétamine, dans la population carcérale fédérale. Il s’agit notamment d’empêcher l'entrée de produits de contrebande dans les prisons fédérales, d’accroître la sensibilisation aux effets nocifs de la consommation abusive de substances et de soutenir les approches novatrices et efficaces de traitement et de réduction des effets nocifs, comme la récente mise en oeuvre d’un programme d’échange de seringues dans les prisons.
J’aimerais aborder un dernier aspect de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, à savoir le rôle important de la preuve. La preuve est le fondement de tout ce que nous faisons.
Les sites supervisés font également partie de la stratégie de réduction des effets nocifs adoptée par le gouvernement. La consommation de méthamphétamine dans les centres de consommation supervisée varie d’une région à l’autre du pays, mais les données préliminaires montrent que, dans certains sites de l'Ouest canadien, la proportion des gens qui viennent y consommer cette substance peut aller jusqu’à 40 %.
[Français]
Le gouvernement fédéral appuie la recherche de grande qualité sur la consommation de substances par l'entremise des Instituts de recherche en santé du Canada et de l'Initiative canadienne de recherche sur l'abus de substances.
Les Instituts de recherche en santé du Canada appuient actuellement un projet pilote visant à déterminer des interventions efficaces pour réduire la consommation de méthamphétamine chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, ce qui a été associé à une probabilité accrue de contracter le VIH-sida.
[Traduction]
De plus, le Programme sur l'usage et les dépendances aux substances est un programme fédéral de subventions et de contributions qui fournit 28,3 millions de dollars par année aux provinces, aux territoires et aux organisations non gouvernementales qui appuient des initiatives novatrices fondées sur des données probantes visant un large éventail de substances légales et illégales.
Il est difficile de brosser un tableau détaillé de l’ampleur du problème de la méthamphétamine au Canada, mais nous sommes déterminés à travailler avec les provinces, les territoires et les principaux intervenants pour combler les lacunes de nos connaissances. Santé Canada, l’Agence de la santé publique, Statistique Canada et d’autres organismes sont en train d'examiner certaines données et initiatives de recherche pour mieux atteindre les populations marginalisées.
Nous travaillons également à l’élaboration et à la mise en oeuvre d’un observatoire canadien des drogues qui servirait de plaque tournante permettant d'obtenir un portrait complet de la situation actuelle des drogues au Canada, de circonscrire les nouveaux problèmes avant qu’ils ne dégénèrent, de faire le suivi des interventions en santé publique et d’autres mesures de contrôle, et de faciliter la mise en commun des données.
En terminant, j’aimerais simplement dire que nous sommes profondément préoccupés par le nombre grandissant de Canadiens qui sont aux prises avec la consommation de méthamphétamine. Dans le cadre de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, nous continuerons de travailler avec les provinces, les territoires, les dirigeants et les collectivités autochtones, les personnes qui ont du vécu et une expérience de vie et les principaux intervenants pour aborder la question dans une perspective globale de la santé publique, axée sur la collaboration et la compassion et fondée sur les dernières données probantes disponibles.
Enfin, nous avons récemment lancé une consultation publique en ligne pour alimenter les mesures qui pourraient suivre dans le cadre de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances. Cette consultation prend fin le 4 décembre. Nous attendons avec impatience les commentaires des Canadiens sur la façon dont nous pouvons améliorer notre approche des problèmes de consommation de substances au Canada, notamment sur les mesures que nous prenons pour lutter contre la méthamphétamine. Au dernier compte, je crois que nous avons reçu plus de 1 200 réponses, et nous nous attendons donc à ce qu’il y ait une bonne analyse.
En terminant, je vous remercie encore une fois de m'avoir invitée aujourd’hui pour discuter de ce que nous considérons comme un enjeu très important et croissant au Canada. Nous serons heureux d'entendre les exposés d’autres groupes d’intervenants et de prendre connaissance du rapport et des recommandations du Comité.
Mes collègues et moi-même sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Les données dont nous disposons ne sont pas nécessairement liées directement aux opioïdes. Elles portent sur les individus qui viennent dans les centres de consommation supervisée pour consommer ces divers produits.
Effectivement, vous avez raison. Un bon nombre d’études ont été faites, et nous avons de très bonnes sources documentaires qui indiquent que les centres de consommation supervisée, dans l’ensemble, permettent de réduire les effets nocifs et ne font pas augmenter la criminalité. Il n’y a pas d’activité accrue autour de ces sites.
Les centres de consommation supervisée sont relativement nouveaux au Canada, et nous sommes en train de recueillir des données. Nous demandons à chaque centre de consommation supervisée de rendre des comptes pour que nous puissions progressivement mieux comprendre le phénomène de la consommation de méthamphétamine et les effets nocifs qui y sont associés.
Ce que je peux dire, c’est que, si vous consommez une substance dans un centre de consommation supervisée, vous avez immédiatement accès à des mesures de réduction des effets nocifs. La naloxone est effectivement efficace pour les opioïdes, mais la présence de praticiens en cas de surdose d’un autre type est très utile pour obtenir de l’aide ou une assistance immédiate. Nous nous attendons à ce que ces préjudices soient réduits, mais, à ma connaissance, il n’y a pas eu d’études portant directement sur cela. Michelle pourra peut-être me corriger.
Je pense qu’il faut aussi rappeler que les gens qui consomment de la méthamphétamine utilisent des centres de consommation supervisée. J’en ai parlé dans mon exposé. En fait, nous constatons une augmentation de la consommation de méthamphétamine dans les centres de consommation supervisée de Kelowna, par exemple. Dans les régions où la consommation d’opioïdes était très répandue, nous constatons des changements, et nous surveillons cela de très près.
Concernant les centres de consommation supervisée et la réduction des effets nocifs, il y a aussi, comme vous le savez, le fait que la méthamphétamine est utilisée de toutes sortes de façons, notamment par injection ou par partage de produits, et que la capacité d’offrir des articles liés à la drogue aux personnes qui entrent dans les centres de consommation supervisée réduit considérablement le risque d’infection. Ces centres permettent aussi aux gens d'entrer en contact avec des fournisseurs de soins directs ou d’autres fournisseurs de soins de santé.
Le fait que les gens puissent aller dans ces sites supervisés, qu’ils consomment des opioïdes, de la méthamphétamine ou de la cocaïne, permet également de leur donner accès à une vaste gamme de services. C’est pourquoi nous tenons à veiller à ce que les gens ne consomment pas seuls et à ce que nous puissions les aider immédiatement s'ils en ont besoin.
Je m'appelle Ginette Poulin. Je suis la directrice médicale de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances.
C'est un grand honneur pour moi d'être ici pour discuter de ce problème auquel nous devons faire face aujourd'hui au Manitoba.
[Traduction]
Bien que nous comprenions que la méthamphétamine pose des problèmes partout au pays, il est certain qu’au Manitoba, nous avons constaté des répercussions importantes qui ont mis à l’épreuve non seulement notre système de soins de santé, mais aussi notre système social et notre système de justice. Nous voulons vous faire part de quelques-unes des raisons pour lesquelles nous constatons ces effets particuliers.
Je note que nous avons préparé des trousses pour vous. Bien qu’une partie de l’information ait été traduite et qu’elle soit à la fois en français et en anglais, à notre grand regret, les documents ne sont pas tous dans les deux langues. Nous les distribuerons à ceux qui le souhaitent.
Pour ce qui est de nos statistiques, certainement celles de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, qui desservent la plupart des services de lutte contre la toxicomanie dans la province, nous constatons de plus en plus de chiffres alarmants. Par exemple, 48 % des personnes qui demandent de l’aide pour des problèmes de dépendance déclarent que la méthamphétamine est la principale substance qu'elles ont consommée au cours de la dernière année. C’est le cas de nos jeunes. Nous avons également constaté une augmentation d’environ 104 % de la population adulte qui déclare avoir consommé de la méthamphétamine. Le nombre de décès causés par la méthamphétamine a triplé ou quadruplé.
Nous voyons une substance qui est certainement plus toxique et plus puissante. Cela a certainement des effets dévastateurs à plus long terme sur le plan de l’agressivité et de la psychose, ce qui suscite beaucoup d’inquiétude. Nous avons signalé une augmentation de 1 700 % des visites d’urgence à l'Office régional de la santé de Winnipeg. Notre fondation estime qu'il y a eu une augmentation de la proportion de consommation de méthamphétamine dans la région du sud de la province.
Pour ce qui est du traitement, nous manquons de ressources. Beaucoup d’entre vous connaissent peut-être notre rapport Peachey. Ce rapport, qui a été publié il y a environ trois ans, portait sur la transformation de notre système de santé. C’est une autre particularité des initiatives manitobaines. Nous sommes en train de mettre en oeuvre de nouvelles stratégies, dans le système de santé global ainsi que dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie, avec le rapport Virgo qui a été publié au printemps, dans le but de réduire l’effet du cloisonnement qui existe actuellement. La géographie du Manitoba est très concentrée. Plus de la moitié de notre population se trouve à Winnipeg et dans le sud.
Ce qui est ressorti de ces deux rapports, c’est que nous avons besoin de plus de financement. Nous avons besoin de plus de services. Seulement 5,2 % de notre budget de la santé est consacré à la santé mentale et à la toxicomanie. La moyenne nationale est d’environ 7,2 %. Le rapport Virgo recommandait d'atteindre 9,2 % pour combler une partie de l’écart. Damon vous parlera un peu plus en détail du financement. Nous subissons aussi des compressions actuellement en ce qui concerne notre climat, ce qui est problématique.
En ce qui concerne la méthamphétamine en cristaux, les ressources dont nous disposons dans la province pour les services de gestion du sevrage et les soins continus sont limitées. Nous préconisons que les services de gestion du sevrage soient dispensés sur une plus longue période, car la désintoxication de la méthamphétamine en cristaux nécessite une phase plus longue dans un environnement sûr.
Nous constatons certainement les effets sur les femmes et les familles. Comme vous le savez peut-être, le Manitoba a certains des taux les plus élevés d’enfants pris en charge suite à une interpellation. Encore une fois, lorsque nous examinons nos données, nous constatons que les femmes sont plus touchées, tant chez les jeunes que chez les adultes. C’est quelque chose qui nous préoccupe beaucoup également.
Je sais que la question de la sécurité a été soulevée plus tôt. C’est certainement une préoccupation pour les particuliers, les fournisseurs de soins de santé et nos services juridiques et judiciaires. Le Service de police de Winnipeg est confronté à des défis importants dans la rue et à beaucoup d’agressivité. Vous avez peut-être entendu parler de machettes attachées aux mains et du fournisseur de soins de santé poignardé avec un crayon. Les risques sur le plan de la sécurité sont bien réels. C’est certainement un problème auquel nous sommes confrontés.
Encore une fois, beaucoup de personnes qui sont sous l’influence de l’alcool subissent des méfaits. Nous observons une augmentation des taux d’injection intraveineuse. Cela a au moins doublé au cours des dernières années. Il y a aussi les taux d’hépatite C et d’autres infections, comme l’endocardite infectieuse, qui résultent de la consommation de drogues. Encore une fois, plus cette situation perdurera, plus nous en verrons les effets.
Je crois que je vais céder la parole à Damon.
Merci.
Bonjour, monsieur le président et membres du Comité.
Je m’appelle Matthew Young. Je suis analyste principal de la recherche et des politiques au Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances et professeur auxiliaire de psychologie à l’Université Carleton.
Le CCDUS a été créé en 1988, et nous sommes le seul organisme du Canada à avoir un mandat législatif national visant à réduire les méfaits de l’alcool et des autres drogues sur la société canadienne.
Je suis accompagné aujourd’hui, par vidéoconférence, de Mme Sheri Fandrey, responsable de l’échange de connaissances à la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances et membre du Réseau communautaire canadien d’épidémiologie des toxicomanies. Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de vous parler aujourd’hui et de vous aider dans votre étude des effets de la consommation de méthamphétamine sur les Canadiens.
Pour respecter vos contraintes de temps, mon exposé sera bref. Bon nombre des statistiques dont je parle sont incluses dans le résumé sur la méthamphétamine qui a été publié plus tôt ce mois-ci. Il a été remis au Comité avant la réunion d’aujourd’hui.
La méthamphétamine est une substance de synthèse classée comme stimulant du système nerveux central. La méthamphétamine a notamment pour effet immédiat de stimuler la vigilance, l’énergie et la confiance en soi. Il est important de noter que ces effets diffèrent de la sédation et de la dépression respiratoire produites par les opiacés.
Depuis 2015, environ 0,2 % des Canadiens ont déclaré avoir utilisé de la méthamphétamine dans le cadre d’enquêtes par autodéclaration au cours de la dernière année; cependant, les données des enquêtes nationales ne racontent qu’une très petite partie de l’histoire. Les taux de consommation de méthamphétamine varient considérablement d’une province à l’autre, et la consommation problématique a tendance à être concentrée dans les populations qui ne sont pas représentées dans les enquêtes nationales.
Bien que les données présentent des lacunes, celles dont nous disposons indiquent que depuis 2010 environ, il y a eu une augmentation de la disponibilité, de la consommation et des méfaits associés à la méthamphétamine dans la plupart des provinces du Canada, mais surtout dans les provinces de l’Ouest. Plus précisément, entre 2010 et 2015, le taux par 100 000 habitants, des traitements en milieu hospitalier pour consommation de stimulants, a augmenté de plus de 600 % au Manitoba, de presque 800 % en Alberta et de près de 500 % en Colombie-Britannique. Pendant la même période, les taux d’hospitalisation pour empoisonnement en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique ont doublé. Bien que ces hospitalisations englobent d’autres stimulants que les méthamphétamines, les données provenant d’autres sources nous portent à croire qu’elles sont largement attribuables à l’augmentation des méfaits associés à la consommation de méthamphétamine.
Nous croyons important de mentionner au Comité certaines considérations particulières concernant la méthamphétamine. Contrairement aux personnes sous l’influence d’opioïdes ou d’autres drogues dépressives ou sédatives, celles qui consomment de la méthamphétamine peuvent être animées et énergiques au départ et se sentir de plus en plus léthargiques, dysphoriques, déprimées et désespérées, avec une soif intense à mesure que la drogue se dissipe. Cela signifie que les personnes qui consomment de la méthamphétamine peuvent être difficiles à traiter et que, lorsqu’elles se trouvent dans des espaces publics, elles peuvent attirer l’attention du public ou des autorités.
En plus des préoccupations en matière de santé publique au sujet de la dépendance et des autres méfaits touchant directement les jeunes, la méthamphétamine est vendue et achetée dans un marché non réglementé. Par conséquent, elle peut contenir des adultérants et des contaminants qui risquent de nuire à la santé. Des échantillons prélevés dans diverses régions du pays dans le cadre des programmes de contrôle des drogues contenaient des opioïdes. Ce fait est très préoccupant, car les surdoses sont plus susceptibles de se produire chez les personnes qui n’en consomment pas et qui ne s’attendent pas à en consommer. Il est toutefois difficile de savoir à quel point c'est courant ou pourquoi cela peut se produire. Beaucoup soupçonnent une contamination croisée par inadvertance.
Cependant, comme je l’ai mentionné, les données que nous avons à l’échelle nationale sont médiocres et celles que nous avons à l’échelle provinciale sont souvent très différentes d’une province à l’autre. Par conséquent, non seulement il est difficile d’évaluer avec exactitude les méfaits associés à la consommation de méthamphétamine au Canada, mais il est également difficile de savoir où cibler nos efforts visant à réduire les méfaits.
Enfin, il est important de souligner que la consommation de méthamphétamine suscite une importante stigmatisation de la part, non seulement de la population en général, mais aussi des fournisseurs de services et des consommateurs de drogues. Cette stigmatisation accentue davantage la marginalisation des personnes qui consomment de la méthamphétamine et place des obstacles supplémentaires devant ceux qui cherchent à obtenir de l’aide.
Je vais maintenant demander à Mme Fandrey de vous parler des répercussions de la consommation de méthamphétamine au niveau communautaire. Sheri est membre du Réseau communautaire canadien d’épidémiologie des toxicomanies, ou RCCET, dirigé par le CCDUS. Le RCCET est un réseau national de partenaires communautaires qui échangent de l’information sur les tendances locales et les enjeux émergents en matière de toxicomanie, et qui échangent des connaissances et des outils pour appuyer des interventions plus efficaces dans la collecte de données.
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L’une des conséquences de l’abondance, de la forte puissance et du prix peu élevé de la méthamphétamine largement disponible au Manitoba est la probabilité accrue que les personnes qui s’injectent de la méthamphétamine prennent de très fortes doses. Cette probabilité augmente le risque de comportements perturbateurs et de surdose grave.
De plus, la cocaïne en poudre est souvent falsifiée ou remplacée par de la méthamphétamine en poudre. Cette substitution peut amener ceux qui achètent un produit, pensant qu’il s’agit de cocaïne, à en consommer trop, avec un risque accru d’effets physiques et psychologiques négatifs.
Les systèmes et les services manitobains luttent contre les méfaits de la méthamphétamine sur plusieurs fronts. Les visites à l’urgence liées à la méthamphétamine ont augmenté à Winnipeg, passant d’une moyenne de 10 par mois en 2013 à 240 par mois à la fin de juillet 2018. La visite à l’urgence est souvent liée aux symptômes psychiatriques, comme la paranoïa, les délires et les comportements agressifs. Ces symptômes psychiatriques résultent généralement de doses élevées de méthamphétamine et peuvent détourner l’attention des effets critiques et potentiellement mortels sur le coeur et le cerveau. La complexité des symptômes exige une intervention coordonnée des services médicaux, de santé mentale et sociaux.
Pour les personnes qui font une forte consommation de la méthamphétamine, l’injection intraveineuse est la voie d’administration privilégiée, ce qui met davantage l’accent sur les services médicaux et de réduction des méfaits. L’injection pose des risques liés aux infections transmissibles sexuellement et par le sang comme l’hépatite C, le VIH et l’endocardite bactérienne.
Les personnes qui consomment beaucoup de méthamphétamine et qui vivent dans la rue peuvent être réticentes à participer aux services médicaux en raison de la stigmatisation et de l’obligation d’être abstinent. Le fait de ne pas achever le traitement réduit son efficacité et peut augmenter la possibilité de résistance au traitement avec des augmentations correspondantes de l’intensité et du coût du traitement. Il est essentiel d’améliorer les services de soutien à la réduction des méfaits pour accroître la sensibilisation au risque, réduire les pratiques nuisibles et inciter une population de passage réticente à accéder à d’autres services, y compris le traitement de la toxicomanie.
Les deux ou trois premières semaines suivant l’arrêt de la consommation de méthamphétamine s'accompagnent de divers problèmes tels qu'une humeur instable, une dépression profonde et un besoin excessif de sommeil, ainsi que des déficits cognitifs et de mémoire. La période pendant laquelle une personne qui consomme de la méthamphétamine peut avoir accès à une cure de désintoxication ou au traitement de sa dépendance peut être courte. L’accès immédiat à une désintoxication non médicale peut être une étape cruciale du processus de rétablissement, car il permet à une personne de se sevrer de la méthamphétamine dans un environnement favorable, ce qui augmente ses chances de réussite.
En augmentant la durée de la désintoxication afin de fournir du soutien à une personne tout au long de cette période de vulnérabilité on améliorerait le succès potentiel des prochaines étapes du traitement de la dépendance et du rétablissement. Une transition sans heurts de la désintoxication au traitement ou au logement avec services de soutien est la clé du succès.
Les traumatismes antérieurs ou continus sont courants chez les personnes qui font une grande consommation de méthamphétamine. Dans de nombreux cas, la consommation de méthamphétamine est une réaction directe à des abus et des traumatismes physiques et sexuels. On ne tient pas compte de cette réalité si on offre seulement des services et des ressources exigeant l’abstinence. Tous les services offerts à cette population doivent tenir compte des traumatismes et comprendre des ressources pour ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas cesser leur consommation.
La méthamphétamine est consommée dans différentes circonstances allant, de la prise occasionnelle de poudre reniflée à l’injection intraveineuse quotidienne. Bien qu'il faille consacrer de l’attention et des ressources aux personnes qui subissent les plus graves méfaits, une prévention efficace et une intervention précoce sont essentielles pour limiter l'ampleur de la consommation et veiller à ce qu’une faible consommation ne s’intensifie pas.