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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 126 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

     La séance est ouverte. Bienvenue à la 126e séance du Comité permanent de la santé. Nous entamons une nouvelle étude aujourd’hui, et je suis sûr que nous allons tous apprendre beaucoup de choses, comme c'est toujours le cas dans ces comités.
    Bienvenue à nos témoins. Nous les remercions à l'avance de nous donner du temps et de nous faire profiter de leur expertise et nous avons hâte de les entendre. La séance d’aujourd’hui est divisée en deux parties. Nous allons d’abord entendre un premier groupe de témoins, puis la séance sera suspendue pendant quelques minutes, et nous entendrons un deuxième groupe de témoins.
    Dans le premier groupe, nous accueillons Santé Canada, représenté par Suzy McDonald, sous-ministre adjointe, Équipe d’intervention en matière d’opioïdes — vous rendez-vous compte — et Michelle Boudreau, directrice générale, Direction des substances contrôlées. Trevor Bhupsingh, de Sécurité publique et Protection civile, est de retour. Il est directeur général, Application de la loi et stratégies frontalières. Nous avons également parmi nous Kimberly Lavoie, directrice, Politique de la drogue. Et, de la Gendarmerie royale du Canada, nous avons aussi le surintendant principal Paul Beauchesne, Crimes graves et crime organisé et intégrité des frontières.
    Je crois comprendre que vous allez tous faire un exposé préliminaire de 15 minutes. J'imagine que vous allez devoir vous disputer pour savoir qui va commencer.
    Qui commence? Suzy. Excellent. Vous avez 15 minutes.
     Dans l'esprit de collaboration qui est le nôtre dans le cadre de notre travail sur les substances contrôlées au Canada, je ferai des observations au nom de mes collègues, mais nous serons heureux de répondre à vos questions, évidemment.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je m’appelle Suzy McDonald. Je suis sous-ministre adjointe chargée de l’Équipe d’intervention en matière d’opioïdes à Santé Canada, mais je suis également responsable de la réglementation des substances contrôlées au Canada et de la perspective du gouvernement fédéral à l’égard de la consommation de drogues et d’alcool dans le cadre de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances.
    La consommation abusive de substances est une préoccupation constante en matière de santé et de sécurité au Canada. La crise des opioïdes et la légalisation et la réglementation du cannabis sont souvent au premier plan des préoccupations des Canadiens, mais Santé Canada est très conscient que de plus en plus de gens sont également aux prises avec la consommation de méthamphétamine. Nous savons notamment que des provinces comme l’Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan ont des signalements de plus en plus nombreux de consommation de méthamphétamine, d’hospitalisations et d’interactions avec les forces de l’ordre. Certaines communautés des Premières Nations signalent également d’importants problèmes de santé et de sécurité liés à la consommation de méthamphétamine.

[Français]

    La méthamphétamine est généralement une drogue peu coûteuse qui peut produire un effet à court ou à long terme, selon la façon dont elle est consommée. Elle peut être fumée, reniflée, avalée ou injectée. Elle peut accroître l'attention et l'énergie et créer un sentiment global de bien-être ou d'euphorie. Cependant, la consommation peut aussi entraîner une dépendance et des effets nocifs, comme la paranoïa, l'agressivité et même la psychose. Une surdose de méthamphétamine peut causer des convulsions, un arrêt cardiaque, un accident vasculaire cérébral et, dans certains cas, la mort.

[Traduction]

    Nous savons que les gens utilisent des stimulants pour toutes sortes de raisons. Cela peut être, selon le cas, pour le plaisir, pour relaxer, pour socialiser ou pour supporter la douleur, le stress ou d’autres traumatismes connexes. Comparativement aux autres substances utilisées au Canada, comme l’alcool, le cannabis et les opioïdes, les taux de consommation de méthamphétamine sont relativement faibles. On nous dit cependant que d’autres drogues sont parfois mélangées à la méthamphétamine, dont des opioïdes très puissants comme le fentanyl, et cela augmente le risque de préjudice et le risque de surdose mortelle. En fait, les données disponibles sur certains secteurs de compétence donnent à penser que la méthamphétamine joue peut-être un rôle de plus en plus important dans les décès par surdose quand il y a polytoxicomanie ou double consommation.
    Le gouvernement du Canada s'inquiète de toutes les formes de consommation abusive de substances, et nous prenons des mesures dans le cadre de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances sur les quatre fronts que sont la prévention, le traitement, la réduction des effets nocifs et l’application de la loi.
    En matière de prévention, nous savons qu'il faut adopter une perspective globale comprenant, d'une part, de l'information à l'intention des Canadiens sur les risques de la consommation de méthamphétamine et, d'autre part, la prise en compte des déterminants sociaux sous-jacents à cette consommation. C’est un rôle que toutes les administrations gouvernementales jouent au Canada, de même qu’un grand nombre d’organisations non gouvernementales.
(0850)

[Français]

    Nous savons également que les campagnes de sensibilisation du public ne suffiront pas, car les déterminants sociaux de la santé sont souvent à l'origine de la consommation problématique de substances. Par exemple, nous savons que les personnes sans abri ou celles qui sont plus pauvres sont plus à risque de subir les méfaits liés à la consommation problématique de substances.
    Nous savons également que les substances peuvent être utilisées comme mécanisme d'adaptation par des personnes qui ont des expériences de traumatisme, de violence, de marginalisation sociale et de perte d'identité culturelle. Pour les peuples autochtones, cela peut comprendre la perte de la langue et de la culture, le racisme, la discrimination et le traumatisme intergénérationnel des pensionnats.

[Traduction]

     Dans le cadre de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, le gouvernement fédéral s’est engagé à travailler en collaboration pour mieux s’attaquer aux déterminants sociaux de la consommation abusive de substances et élaborer des mesures en amont pour contribuer à la prévention de la consommation abusive de substances.
    Passons maintenant à la question du traitement. Les données probantes attestent clairement que la consommation abusive de substances est un problème de santé qui peut être géré et traité avec succès pour ceux qui y sont prêts. Malheureusement, la consommation de méthamphétamine est une condition très difficile à traiter. Jusqu'ici, les traitements les plus efficaces comprennent le counselling psychosocial et les thérapies de gestion du comportement. Contrairement aux troubles causés par la consommation d'opioïdes, où le traitement médicamenté existe, il n’y a actuellement aucune thérapie médicamentée pour traiter la consommation de méthamphétamine. C’est un domaine où la recherche serait d'ailleurs utile.
    Je sais, d’après mon expérience de la gestion fédérale de la crise des opioïdes, qu’il n’y a tout simplement pas assez de services de traitement médicamenté au Canada pour répondre à la demande. Pour aider à combler cette lacune, le gouvernement fédéral a promis de verser 150 millions de dollars dans le Fonds d'urgence pour le traitement pour améliorer la disponibilité de solutions de traitement au Canada, y compris pour les personnes aux prises avec la consommation de méthamphétamine. Jusqu'ici, cinq provinces ont signé des ententes avec le gouvernement fédéral dans le cadre du Fonds d'urgence pour le traitement, dont la Saskatchewan, qui utilise une partie des ressources pour améliorer les services de traitement destinés aux personnes qui demandent de l’aide en raison de troubles liés à la toxicomanie, notamment à cause de la consommation de méthamphétamine en cristaux.
    Par ailleurs, le gouvernement fédéral a prévu un certain nombre d’investissements dans les budgets fédéraux pour appuyer l’expansion des services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie dans les collectivités des Premières Nations, dont 200 millions de dollars sur cinq ans et 40 millions de dollars à titre permanent selon le budget de 2018.

[Français]

    La réduction des méfaits est un facteur clé de l'approche fédérale à l'égard de la crise des opioïdes. Malheureusement, il n'existe pas de gamme semblable d'options de réduction des méfaits pour la consommation de méthamphétamine. Plus particulièrement, il n'y a pas de médicament pouvant renverser les effets d'une surdose de méthamphétamine, comme c'est le cas lors d'une surdose d'opioïde, qui peut être traitée avec la naloxone.
    L'approche la plus courante et fondée sur des données probantes en matière de réduction des méfaits de la méthamphétamine est axée sur la réduction des risques d'infections transmissibles par le sang, comme le VIH et l'hépatite C, qui peuvent résulter de l'échange de matériel de consommation de drogues, comme des seringues et des pipes.
    L'Agence de la santé publique du Canada investit 30 millions de dollars sur cinq ans au moyen du Fonds pour la réduction des méfaits pour aider à réduire ces risques, en appuyant des projets au Canada qui contribueront à réduire la transmission du VIH-sida et de l'hépatite C chez les personnes qui échangent du matériel de consommation de drogues par injection et inhalation.

[Traduction]

     Parmi les éléments importants du volet réduction des effets nocifs, il y a la lutte contre la stigmatisation des consommateurs de drogues. En particulier, les effets physiques visibles de la consommation de méthamphétamine, associés à des comportements parfois très erratiques et imprévisibles, créent une image hautement stigmatisée. Cette perception crée des obstacles à l’accès au traitement et à d’autres services de réduction des effets nocifs et de soutien social, et c’est quelque chose que nous nous engageons à réduire pour aider les gens à obtenir le soutien dont ils ont besoin.
    Par exemple, la Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose encourage les gens à demander de l’aide en cas de surdose en leur offrant une certaine protection juridique. Nous espérons que cette loi réduira la crainte d'une intervention de la police et encouragera les gens à sauver des vies. Dans le budget de 2018, le gouvernement fédéral a prévu un investissement de 18 millions de dollars sur cinq ans pour lutter contre la stigmatisation des consommateurs de drogues, notamment par le biais d'une campagne nationale de lutte contre la stigmatisation, qui vient d’être lancée, et d'une formation destinée aux agents d’application de la loi. Une grande partie de ce que fait Santé Canada pour lutter contre la stigmatisation se fait dans le contexte de la crise des opioïdes, mais nous sommes convaincus que cela aura également un effet positif dans d’autres domaines.
     La réglementation et l’application de la loi en matière de drogues constituent le quatrième volet de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances et demeurent un élément essentiel de l’approche du gouvernement fédéral. Cela englobe un large éventail d’activités, dont l’application de la loi, la réglementation des activités concernant les substances désignées et leurs précurseurs, le contrôle des frontières, la surveillance financière et les mesures de vérification fiscale visant à réduire la rentabilité du trafic de stupéfiants.
    La méthamphétamine est régie par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances du gouvernement fédéral, tout comme bon nombre des produits chimiques utilisés dans sa production. Comme beaucoup de ces précurseurs sont des substances légales, il peut être difficile de contrôler leur disponibilité et leur détournement. La GRC travaille en étroite collaboration avec des partenaires de l’industrie chimique dans le cadre du Programme de déclaration des détournements de produits chimiques pour identifier les criminels présumés et les groupes du crime organisé qui tentent d’acquérir des produits chimiques précurseurs susceptibles de servir à la production de méthamphétamine. De concert avec ses partenaires, notamment l’Agence des services frontaliers du Canada et la Gendarmerie royale du Canada, Santé Canada continue d'examiner les solutions possibles concernant l'inscription et le contrôle de nouveaux précurseurs.
    Une partie de la méthamphétamine est produite au Canada, mais une proportion de la méthamphétamine consommée au Canada provient vraisemblablement d’autres pays, comme le Mexique. L’Agence des services frontaliers du Canada continue de travailler en étroite collaboration avec les autorités policières au Canada et à l'étranger pour perturber l’approvisionnement en méthamphétamine à la frontière.
    Nos partenaires du Service correctionnel du Canada sont également en train de prendre un certain nombre de mesures pour réduire la demande de substances illégales, dont la méthamphétamine, dans la population carcérale fédérale. Il s’agit notamment d’empêcher l'entrée de produits de contrebande dans les prisons fédérales, d’accroître la sensibilisation aux effets nocifs de la consommation abusive de substances et de soutenir les approches novatrices et efficaces de traitement et de réduction des effets nocifs, comme la récente mise en oeuvre d’un programme d’échange de seringues dans les prisons.
    J’aimerais aborder un dernier aspect de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, à savoir le rôle important de la preuve. La preuve est le fondement de tout ce que nous faisons.
    Les sites supervisés font également partie de la stratégie de réduction des effets nocifs adoptée par le gouvernement. La consommation de méthamphétamine dans les centres de consommation supervisée varie d’une région à l’autre du pays, mais les données préliminaires montrent que, dans certains sites de l'Ouest canadien, la proportion des gens qui viennent y consommer cette substance peut aller jusqu’à 40 %.
(0855)

[Français]

    Le gouvernement fédéral appuie la recherche de grande qualité sur la consommation de substances par l'entremise des Instituts de recherche en santé du Canada et de l'Initiative canadienne de recherche sur l'abus de substances.
    Les Instituts de recherche en santé du Canada appuient actuellement un projet pilote visant à déterminer des interventions efficaces pour réduire la consommation de méthamphétamine chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, ce qui a été associé à une probabilité accrue de contracter le VIH-sida.

[Traduction]

    De plus, le Programme sur l'usage et les dépendances aux substances est un programme fédéral de subventions et de contributions qui fournit 28,3 millions de dollars par année aux provinces, aux territoires et aux organisations non gouvernementales qui appuient des initiatives novatrices fondées sur des données probantes visant un large éventail de substances légales et illégales.
    Il est difficile de brosser un tableau détaillé de l’ampleur du problème de la méthamphétamine au Canada, mais nous sommes déterminés à travailler avec les provinces, les territoires et les principaux intervenants pour combler les lacunes de nos connaissances. Santé Canada, l’Agence de la santé publique, Statistique Canada et d’autres organismes sont en train d'examiner certaines données et initiatives de recherche pour mieux atteindre les populations marginalisées.
    Nous travaillons également à l’élaboration et à la mise en oeuvre d’un observatoire canadien des drogues qui servirait de plaque tournante permettant d'obtenir un portrait complet de la situation actuelle des drogues au Canada, de circonscrire les nouveaux problèmes avant qu’ils ne dégénèrent, de faire le suivi des interventions en santé publique et d’autres mesures de contrôle, et de faciliter la mise en commun des données.
    En terminant, j’aimerais simplement dire que nous sommes profondément préoccupés par le nombre grandissant de Canadiens qui sont aux prises avec la consommation de méthamphétamine. Dans le cadre de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, nous continuerons de travailler avec les provinces, les territoires, les dirigeants et les collectivités autochtones, les personnes qui ont du vécu et une expérience de vie et les principaux intervenants pour aborder la question dans une perspective globale de la santé publique, axée sur la collaboration et la compassion et fondée sur les dernières données probantes disponibles.
    Enfin, nous avons récemment lancé une consultation publique en ligne pour alimenter les mesures qui pourraient suivre dans le cadre de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances. Cette consultation prend fin le 4 décembre. Nous attendons avec impatience les commentaires des Canadiens sur la façon dont nous pouvons améliorer notre approche des problèmes de consommation de substances au Canada, notamment sur les mesures que nous prenons pour lutter contre la méthamphétamine. Au dernier compte, je crois que nous avons reçu plus de 1 200 réponses, et nous nous attendons donc à ce qu’il y ait une bonne analyse.
    En terminant, je vous remercie encore une fois de m'avoir invitée aujourd’hui pour discuter de ce que nous considérons comme un enjeu très important et croissant au Canada. Nous serons heureux d'entendre les exposés d’autres groupes d’intervenants et de prendre connaissance du rapport et des recommandations du Comité.
    Mes collègues et moi-même sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
     Merci beaucoup.
    Il vous reste quelques minutes, si quelqu’un d’autre veut ajouter un commentaire.
    Je voulais demander une précision. Vous avez parlé de la méthamphétamine en cristaux. Est-ce que c'est la même chose?
(0900)
    C’est toujours la même chose. En fait, il y a toute une série d’autres termes que nous employons également pour décrire cette catégorie. La méthamphétamine, le crystal meth et la meth ne sont qu'une seule et même catégorie de drogues qui sont de la méthamphétamine, également appelée speed. L’idée, c’est que cela accélère la réactivité de votre organisme, contrairement aux opioïdes, qui le dépriment.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Eyolfson, pour sept minutes.
    Merci d’être venus nous voir.
    C’est tout un honneur de pouvoir le faire aujourd’hui, parce que j’avais demandé au Comité d’étudier cette question. Je viens de Winnipeg et j’y ai passé 20 ans comme urgentologue. Ce qui est, entre autres, très surprenant et terrifiant, c'est la vitesse à laquelle cela a commencé. J’ai terminé ma pratique de médecine d’urgence il y a trois ans, au Centre des sciences de la santé, qui se trouve au centre-ville. Ce n’était pas vraiment un gros problème à l’époque. Je n'ai rien vu de tel. La substance elle-même existe depuis... J’en ai découvert l'existence lorsque j'étais stagiaire, il y a 20 ans. Pour toutes sortes de raisons que nous essayons encore de comprendre, la situation a explosé.
    Madame McDonald, est-ce que quelqu’un a pu comprendre pourquoi il y a eu une augmentation aussi marquée de la consommation de cette substance en particulier?
    Je vais commencer, puis mes collègues auront peut-être quelque chose à ajouter.
    En fait, et cela concerne toutes les substances, il est très difficile de déterminer comment et pourquoi les gens consomment telle ou telle substance au Canada. Nous pouvons vous dire que, en effet, la consommation a augmenté. Nous n’avons pas de données exactes sur les utilisateurs, leurs motifs de consommation ou de changement de substance, mais certains éléments peuvent nous éclairer. Il y a d’abord nos laboratoires d’analyse des drogues. De 2007 à 2017, il y a eu une augmentation de 365 % des produits saisis et analysés par les laboratoires de Santé Canada relativement à la méthamphétamine, et nous savons donc qu’elle est largement consommée dans la rue. Nous savons également que c'est en Saskatchewan que le taux de consommation est le plus élevé. Viennent ensuite l'Alberta, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick.
    L’autre aspect très intéressant pour nous est cette idée de la consommation multiple. Je pense que de nombreux utilisateurs consomment en fait plusieurs sortes de drogues en même temps. Au Manitoba notamment, il y a eu 35 décès liés à la méthamphétamine en 2017, dont huit pourraient y être directement liés. Les autres victimes consommaient certains mélanges de drogues. En 2016, quatre décès y ont été associés.
    Ce qui est peut-être plus effrayant encore, c’est qu’il y a eu 108 décès liés aux opioïdes, dont un certain nombre en raison d'une interaction entre méthamphétamine et opioïdes. Nous constatons également que la méthamphétamine est de plus en plus contaminée par le fentanyl, tout comme d’autres opioïdes. Je crois que le nombre croissant de décès liés à la consommation de méthamphétamine, tout comme le nombre croissant de décès liés à la consommation d’opioïdes, est directement lié à l’empoisonnement de l’approvisionnement en drogues par le fentanyl.
    Oui, monsieur.
    Je pourrais peut-être ajouter quelques commentaires à l’opinion de ma collègue à ce sujet.
    Concernant l’imprévisibilité du comment et du pourquoi, je pense qu'il y a aussi le fait qu’il s’agit d’un marché et qu’il y a une circulation constante de produits chimiques parfois mal réglementés et qui peuvent être faciles à obtenir. Et la consommation va augmenter ou diminuer selon la disponibilité de ces substances. Il est très difficile de prévoir les coûts, ce qui est un autre facteur à considérer. Le prix de la méthamphétamine varie énormément d’une région à l’autre du pays. Par exemple, sur la côte Ouest, où l’on pourrait dire qu’il y a un meilleur accès aux précurseurs, le prix va de 30 $ à 50 $ le gramme, alors que, sur la côte Est, je crois savoir qu’il est quelque chose comme trois à quatre fois plus élevé.
    Tout cela pour dire que les conditions du marché et la disponibilité des drogues sont également un facteur dans l’équation qui vise à déterminer quelle substance sera prédominante. C’est très difficile à prévoir.
(0905)
     Cela ressemble au changement que nous avons observé sur le marché à la fin des années 1980, je crois, avec la cocaïne. À ma connaissance, le chlorhydrate de cocaïne classique consommé à l'époque coûtait environ 200 $ la dose, et quand le crack a été développé, il coûtait 5 à 15 $ la dose. C’est ce qui a introduit la cocaïne au centre-ville. Cela semble assez analogue.
    Dans un autre ordre d’idées, nous avons parlé de la réduction des effets nocifs, dont j'ai toujours eu connaissance, je comprends qu’il y ait eu beaucoup de malentendus à ce sujet. Beaucoup de gens pensaient que la réduction des effets nocifs — par le biais des centres de consommation supervisée et des échanges de seringues — favorisait ou augmentait la consommation. D’après ce que j’ai lu dans les ouvrages théoriques, on n'a pas vraiment fait augmenter la consommation de ces substances. On n'a fait qu'en réduire les effets nocifs.
    Je crois savoir qu’il existe de très bonnes données selon lesquelles les centres de consommation supervisée donnent de meilleurs résultats avec les opioïdes. Est-ce qu'on a des preuves du même avantage ou d’un avantage semblable en ce qui concerne la méthamphétamine?
    Les données dont nous disposons ne sont pas nécessairement liées directement aux opioïdes. Elles portent sur les individus qui viennent dans les centres de consommation supervisée pour consommer ces divers produits.
     Effectivement, vous avez raison. Un bon nombre d’études ont été faites, et nous avons de très bonnes sources documentaires qui indiquent que les centres de consommation supervisée, dans l’ensemble, permettent de réduire les effets nocifs et ne font pas augmenter la criminalité. Il n’y a pas d’activité accrue autour de ces sites.
    Les centres de consommation supervisée sont relativement nouveaux au Canada, et nous sommes en train de recueillir des données. Nous demandons à chaque centre de consommation supervisée de rendre des comptes pour que nous puissions progressivement mieux comprendre le phénomène de la consommation de méthamphétamine et les effets nocifs qui y sont associés.
    Ce que je peux dire, c’est que, si vous consommez une substance dans un centre de consommation supervisée, vous avez immédiatement accès à des mesures de réduction des effets nocifs. La naloxone est effectivement efficace pour les opioïdes, mais la présence de praticiens en cas de surdose d’un autre type est très utile pour obtenir de l’aide ou une assistance immédiate. Nous nous attendons à ce que ces préjudices soient réduits, mais, à ma connaissance, il n’y a pas eu d’études portant directement sur cela. Michelle pourra peut-être me corriger.
    Je pense qu’il faut aussi rappeler que les gens qui consomment de la méthamphétamine utilisent des centres de consommation supervisée. J’en ai parlé dans mon exposé. En fait, nous constatons une augmentation de la consommation de méthamphétamine dans les centres de consommation supervisée de Kelowna, par exemple. Dans les régions où la consommation d’opioïdes était très répandue, nous constatons des changements, et nous surveillons cela de très près.
    Concernant les centres de consommation supervisée et la réduction des effets nocifs, il y a aussi, comme vous le savez, le fait que la méthamphétamine est utilisée de toutes sortes de façons, notamment par injection ou par partage de produits, et que la capacité d’offrir des articles liés à la drogue aux personnes qui entrent dans les centres de consommation supervisée réduit considérablement le risque d’infection. Ces centres permettent aussi aux gens d'entrer en contact avec des fournisseurs de soins directs ou d’autres fournisseurs de soins de santé.
     Le fait que les gens puissent aller dans ces sites supervisés, qu’ils consomment des opioïdes, de la méthamphétamine ou de la cocaïne, permet également de leur donner accès à une vaste gamme de services. C’est pourquoi nous tenons à veiller à ce que les gens ne consomment pas seuls et à ce que nous puissions les aider immédiatement s'ils en ont besoin.
    Nous devons avancer maintenant.
    M. Doug Eyolfson: Merci, monsieur le président.
    Le président: Monsieur Lobb.
    Merci beaucoup.
    J’aimerais revenir sur une question que le Dr Eyolfson a posée au sujet des centres d’injection supervisée. Vous avez dit que 40 % des personnes qui se rendent dans les centres d’injection supervisée consomment maintenant une forme quelconque de méthamphétamine. C'est bien cela?
    Pas exactement. C’est 40 % de la population de Kelowna, mais les chiffres varient énormément d’un bout à l’autre du pays, et ces données ne sont pas parfaites. Elles sont fournies par les centres de consommation supervisée, et certains d’entre eux rendent des comptes depuis plus longtemps que d’autres.
    Je comprends.
    Par exemple, on constate que, à Montréal, la cocaïne reste la drogue privilégiée. À Ottawa, c’est l’hydromorphone. Mais, à Vancouver, c'est toujours l’héroïne et d’autres opioïdes connexes.
    D’accord. Je voulais simplement savoir si le chiffre était exact ou non.
    Dans le cas du médicament contre le rhume utilisé dans la méthamphétamine en cristaux, si on n’en a pas, est-ce qu'on peut quand même fabriquer de la méthamphétamine en cristaux ou est-ce que ce médicament fait nécessairement partie de la recette?
(0910)
    Je vais laisser Michelle répondre à cette question.
    Le médicament contre le rhume dont vous parlez est probablement la pseudoéphédrine, ou la marque Sudafed. C'est comme ça que les gens l’appellent parfois.
    Effectivement, certains estiment que c’est la façon la plus rapide de produire de la méthamphétamine. Mais ce qui est intéressant dans ce produit, c’est qu’il est, en un sens, une création chimique. Si on considère le Sudafed ou la pseudoéphédrine comme le précurseur, on peut défendre cette idée et créer un précurseur d’un précurseur.
    C’est ça, le problème, pour nous. Il y a toujours une certaine créativité dans d’autres types de précurseurs.
    Quand des produits sont saisis dans un laboratoire ou chez un revendeur de rue, est-ce qu'on fait des tests pour voir quelle est la combinaison de méthamphétamine saisie? Est-ce qu'il est possible de vérifier si elle contient de la pseudoéphédrine?
    Je ne sais pas si mes collègues des forces de l’ordre aimeraient répondre à cette question.
    Je pourrais essayer, mais je me demandais si vous vouliez répondre.
    Je ne suis pas chimiste, évidemment, mais je peux dire que, quand nous allons dans ces laboratoires clandestins, nous trouvons souvent des emballages d’éphédrine, et nous savons donc qu'on l'a peut-être utilisée dans la composition du produit. Pour ce qui est de l’analyse chimique, ce n’est pas...
    Cela fait partie de mon problème. Je dirais qu’il y a probablement des fabricants dans le monde entier, mais surtout en Amérique du Nord, qui fabriquent ce produit, et cela fait partie du problème.
    Vous pouvez seulement faire ce que vous faites, mais pourquoi ne pas essayer de mettre davantage l’accent là-dessus, pour essayer de retirer cet élément de l’équation? Je ne blâme personne. Je dis simplement que, si c’est l’un des éléments de cette catastrophe, pourquoi ne pas s'adresser aux sociétés pharmaceutiques pour qu’elles rendent compte de chaque once qu’elles fabriquent?
    J'ai l'impression qu'elles sont libres de faire ce qu’elles veulent. Ce que j’essaie de dire, c’est qu’elles font partie du problème.
    Si vous me le permettez, puisque vous en êtes au début de votre étude, si je comprends bien, je vais parler un peu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ainsi que des règlements et des annexes, et de la façon dont cela vise à faire exactement ce que vous proposez.
    La Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la LRCDAS, est notre loi-cadre. Puis nous avons diverses annexes, comme vous le savez peut-être. La méthamphétamine figure à l’annexe I.
    Nous avons ensuite une annexe qui porte sur ces précurseurs. Quand on parle des ingrédients nécessaires à la production de quelque chose comme de la méthamphétamine, il faut savoir qu'il existe des règlements très stricts sur les précurseurs. Par exemple, les précurseurs de catégorie A sont ceux qui sont essentiels à la création de substances désignées. La pseudoéphédrine, dont vous avez parlé, et le P2P, un autre ingrédient courant...
    Je suis désolé de vous interrompre. Je comprends ce que vous dites et je suis un peu au courant. Ce que je dis, c’est que le surintendant principal vient de nous dire que, quand ils font des saisies, ces comprimés sont sur les lieux.
    Ces produits sont une substance désignée. Est-ce qu'ils sont fabriqués au Canada, aux États-Unis, au Mexique? D’où viennent ces comprimés? Ce que j’ai lu, c’est que le Canada est assez strict, tout comme les États-Unis, et que c'est au sud des États-Unis que se trouverait peut-être le problème.
    Est-ce vrai? Le Mexique fait-il comme nous, ou, sinon, où est la lacune dans ce cas?
    Je vous remercie de la question.
    Ce que je peux dire, c’est que les substances entrent légalement au Canada et qu’il y a ensuite des distributeurs au Canada qui en garantissent l’accès pour les Canadiens. Dans le cadre du programme national de déclaration des détournements de produits chimiques, nous entretenons des relations très étroites avec ces entreprises de distribution, pour pouvoir dans une certaine mesure repérer ce qui sort de l'ordinaire et qui n'est pas légitime.
    Nous travaillons en étroite collaboration. Ces renseignements sont transmis à nos services provinciaux, municipaux et fédéraux, et nous faisons un suivi. Cela fait partie du programme national de déclaration des détournements de produits chimiques.
    Dans le cadre de votre programme, est-ce que vous avez circonscrit des lacunes, et puis des intervenants ou des personnes, des entreprises ou des entités qui ne font pas leur devoir sacré?
    Nous obtenons de l’information et nous faisons un suivi. Certaines de ces enquêtes donnent lieu à des accusations, d’autres non.
     J’aimerais aussi parler du traitement. En Ontario, si on souffre de dépendance à l’héroïne, etc., et qu'on prend de la méthadone, on n'a pas droit à un lit en vertu du RAMO dans un centre de traitement. C’est malheureux, puisque, en général, quand on en est rendu là, on n'a plus d'argent.
    Est-ce qu'une personne dépendante de la méthamphétamine en cristaux serait admissible dans n’importe quelle province — je vais utiliser l'appellation de l'Ontario — à un lit en vertu du Régime d'assurance-maladie de l'Ontario, le RAMO, qui serait couvert par le contribuable?
(0915)
     Je ne suis pas une experte des exigences provinciales pour les divers lits de traitement.
     Le financement récemment fourni par Santé Canada par l’entremise du Fonds d'urgence pour le traitement, qui fait l’objet de négociations avec chacune des provinces, nous permet d’inclure toutes les formes de traitement, y compris les lits de traitement, lorsque c’est approprié, et de les offrir partout au pays. Mais les règles provinciales sur la façon de les mettre en oeuvre varient d’une province ou d’un territoire à l’autre au Canada.
    Est-ce qu'on a négocié avec les provinces pour s’assurer que les gens qui n’ont pas d’argent aient droit à ces lits? Est-ce que cela faisait partie de la discussion sur l'utilisation des ressources opérationnelles du Fonds d’urgence?
    C’est une bonne question.
    Nous avons établi les paramètres qui fixent la façon dont les provinces doivent dépenser cet argent et les types de traitements qui seront admissibles. Nous n’avons pas...
    Une question rapide...
    Votre temps est écoulé. Désolé.
    Bienvenue au Comité, madame Mathyssen. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureuse d’être ici.
    Il s’agit évidemment d’une étude importante, car nous sommes aux prises avec la question des coûts des soins de santé et les problèmes liés à la toxicomanie.
     Madame McDonald, vous avez parlé de la recherche et du fait qu'on ne sait pas grand-chose. Est-ce que nous investissons suffisamment dans la recherche? Pas seulement au sujet de la consommation de drogues, mais j’entends dire partout que la recherche médicale n’est pas ce qu’elle devrait être si on veut s'attaquer à divers problèmes.
     Est-ce que nous avons besoin de plus d’investissements?
    Je crois que nous avons récemment fait d’importants investissements dans le domaine de la recherche sur la consommation abusive de substances. Par le biais des Instituts de recherche en santé du Canada, nous avons financé ce qui est essentiellement un réseau à l’échelle du Canada, comme l’Initiative canadienne de recherche en abus de substance, qui compte quatre centres au pays et qui fait d’importantes recherches dans le domaine de toutes les formes de consommation abusive de substances. J’ai parlé tout à l'heure d’une étude novatrice sur les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes en lien avec la consommation de méthamphétamine. L'étude se fait par l'entremise de cette organisation.
    En fait, une analyse récente des options de traitement de la méthamphétamine, sous la forme d'un examen d'ouvrages spécialisés effectué en 2018, a révélé que nous n’avons pas de bonnes lignes directrices sur la façon de traiter la consommation de méthamphétamine. C’est un domaine où il est possible et nécessaire de faire plus de recherche, au Canada comme à l’étranger.
    Nous travaillons avec des partenaires de l'étranger pour voir si nous pouvons intensifier cette recherche et ainsi mieux comprendre comment offrir un meilleur traitement aux consommateurs de méthamphétamine.
    Merci.
     En plus de ce qu'a dit mon collègue de Santé Canada, nous travaillons également avec Statistique Canada pour dresser un profil plus complet de l’utilisateur de la méthamphétamine.
    Une étude sur les opioïdes récemment réalisée à Surrey, en Colombie-Britannique, s'est appuyée sur des données élaborées à partir d'un certain nombre de paramètres différents pour obtenir un portrait complet de ces personnes. Nous envisageons d’utiliser cette méthodologie pour effectuer une étude semblable sur la consommation de méthamphétamine quelque part dans l’Ouest canadien. Nous sommes actuellement en négociation avec Statistique Canada à ce sujet.
    À l’échelle internationale, nous avons un forum de dialogue sur la politique antidrogue avec les États-Unis et le Mexique. À la suite de la réunion du 9 novembre, nous nous sommes engagés à faire une évaluation de la menace liée à la méthamphétamine en Amérique du Nord.
    Merci.
    Madame Lavoie et madame McDonald, vous avez toutes les deux abordé ma prochaine question.
    Vous avez parlé des déterminants sociaux qui mènent à la toxicomanie et des classiques que sont l’itinérance, la pauvreté, le chômage... Nous savons que le coût de la pauvreté au Canada est catastrophique sur les plans humain et économique.
    Je me demande quelles interventions sociales précises seraient les plus efficaces si nous voulons prévenir cet isolement social particulier, cette augmentation ou ce catalyseur de la toxicomanie.
(0920)
     Voilà un aspect auquel nous accordons énormément d’attention, et nous avons créé des partenariats avec des ministères fédéraux. En fait, je pense que la première chose à faire, c’est de perfectionner cette base de données probantes pour combler les principales lacunes en matière de données socioéconomiques. Kimberley a un peu parlé d’une enquête très importante qui commence à nous informer sur les déterminants sociaux de la santé qui influent le plus sur la consommation de substances.
    Il est certain, à notre avis, que la réduction de la stigmatisation — ce qui veut dire vraiment aider les gens à comprendre que la consommation de drogues est un problème de santé — est un élément clé de ce que nous faisons. Il est important, par ailleurs, de travailler avec EDSC et d’autres ministères. La nouvelle Stratégie de réduction de la pauvreté, la nouvelle stratégie « Logement d’abord » et autres mesures sont autant d'aspects sur lesquels nous avons pu exercer une influence et à l'égard desquels nous avons pu discuter des moyens de mieux intégrer les divers déterminants sociaux dans notre travail.
    L'administrateur en chef de la santé publique au Canada parle beaucoup de la résilience chez les jeunes et des moyens de renforcer leur résilience. C’est aussi un aspect sur lequel nous concentrons nos efforts. Si on peut régler les problèmes de résilience et de santé mentale au cours de la petite enfance, le Canada s'en portera bien mieux à long terme.
    Merci.
    Cela fait au moins 30 ans qu'on parle des déterminants sociaux de la santé, et vous savez maintenant depuis combien de temps j'y travaille. Nous avons entendu les représentants de l’Association médicale canadienne, les infirmières et infirmiers, les organisations sur le terrain, et tous reviennent sans cesse à la question du logement, de la sécurité du logement. Cette garantie n'existe pas au Canada. En fait, la question a été reportée.
    Est-ce qu'on devrait envisager quelque chose de concret dès maintenant au lieu de constamment reporter la question?
    Je pense que la question de la sécurité du logement est importante pour tous les Canadiens. Je sais que nous travaillons fort pour faire avancer ce dossier. Je ne suis pas experte en la matière, mais je peux dire qu’il y a des liens directs entre le logement et la consommation abusive de substances au Canada. Nous avons été très heureux de pouvoir travailler avec nos collègues pour modifier certaines de leurs politiques et permettre désormais que des gens qui consomment aient quand même accès à un logement dans le cadre de certains de leurs programmes. Nous pensons que c’est un grand pas dans la bonne direction.
    D’accord. Je vous en remercie.
    J’aimerais m’adresser à Paul, de la GRC. Vous avez parlé du blanchiment d’argent et du crime organisé, et j'ai songé au danger auquel un policier fait face lorsqu’il fait une intervention. Il y a eu une explosion dans une collectivité pas très loin de chez moi. Un laboratoire de méthamphétamine a explosé et a détruit la maison. Cela a blessé des membres de la famille. Jusque-là, on se demandait ce qu’il y avait là-dedans.
    Pourriez-vous nous parler du danger que représentent pour les policiers le crime organisé et ces opérations clandestines? Avez-vous des commentaires?
    Ces laboratoires clandestins, qui fournissent surtout des méthamphétamines à la population, sont des bombes à retardement très dangereuses. Je ne suis pas expert dans le domaine des explosifs, mais il y a aussi la question des effets sur la personne. Lorsque la police est appelée à intervenir dans une situation où des gens consomment de la méthamphétamine, il est évident que ce n’est pas de bon augure.
    Nous avons tous vu certaines de ces interactions entre la police et des personnes souffrant de maladie mentale, etc. C'est une préoccupation importante pour nous. Notre formation s’améliore. Nous tenons compte des quatre volets de la stratégie. Les policiers s'améliorent beaucoup au fil des ans. Nous avons les outils dont nous avons besoin pour intervenir. Nous avons les outils nécessaires pour appliquer les lois et pour porter des accusations, mais je pense que nous faisons vraiment un meilleur travail en ce qui concerne la réduction des effets nocifs, et, quand nous en arrivons à ces situations, nous sommes plus conscients d’être une porte d’entrée vers les services plutôt que vers les tribunaux et le système de justice.
    Je pense que nous avons fait beaucoup de chemin à cet égard et dans l'application des stratégies. C’est ainsi que nous contribuons davantage à la stratégie globale.
    Voilà qui est excellent. Désolé, mais votre temps est écoulé.
    Mais, monsieur le président, je ne faisais que commencer.
    Je sais, mais c’est fini.
    Passons maintenant à M. Ouellette. Bienvenue à notre comité. Je sais que vous vous occupez de cette question et je suis sûr que vous aurez des commentaires intéressants à faire.
    Je vous remercie tous d’être venus nous voir. Je suis très heureux d’avoir l’occasion de poser quelques questions.
    J’ai des questions très courtes. L’une d’entre elles concerne l’annexe I, l’annexe III et les précurseurs qui utilisent les ingrédients. L’annexe I prévoit des peines minimales obligatoires d’un à deux ans, selon la production, mais, si on n'est pas autorisé à utiliser les ingrédients, le maximum est de 10 ans.
    D’après ce que j’ai compris, est-ce que l'objectif est que les gens importent davantage la drogue proprement dite, parce que cela dissuade davantage les gens de la produire ici au Canada? La police de Winnipeg m’a dit que la plupart des drogues viennent en fait du Mexique à l’heure actuelle, et que les ingrédients viennent de la Chine et de l’Inde. Est-ce que c'est vrai?
(0925)
     Oui, dans certains cas, et cette information vient directement de Winnipeg. Vous avez raison.
    Pensez-vous que la façon dont l’annexe est élaborée fait en sorte qu’il est plus difficile de détecter les niveaux ou la production de drogues? Au lieu de constater que « Oh, nous voyons beaucoup de gens utiliser des ingrédients », on fait en sorte que ce soit plutôt secret, parce qu'ainsi, cela ne constitue pas un crime. Cependant, c'est parce que nous pouvons le détecter que nous pouvons dire: « Eh bien, probablement que, dans cette maison, ils produisent quelque chose ou font quelque chose du genre ». Il pourrait y avoir un laboratoire quelque part.
    Je vais peut-être laisser mes collègues de Santé Canada répondre à cette partie de la question, mais ce que je peux dire, monsieur, au sujet de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, c’est que, si vous êtes pris en possession de méthamphétamine, les peines peuvent aller jusqu'à environ sept ans. Je crois que, pour la production, cela va jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité. Je vous le dis parce que cela relèverait de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, mais, si vous me le permettez, je vais peut-être laisser mes collègues de Santé Canada vous parler un peu plus du règlement.
    Veuillez faire vite cependant, car je n’ai que sept minutes. Le plus rapidement possible, en tir rapide, s’il vous plaît, parce que j’ai besoin de...
    Vous pouvez peut-être passer à votre prochaine question.
    Je me demandais seulement combien de temps dure la défonce quand on consomme de la méthamphétamine. Vous l’avez un peu décrit, mais, pour mémoire...
    À mon avis, cela dépend. Quand on utilise des substances, c'est très difficile à déterminer. Tout dépend de la quantité utilisée et de la concentration de la dose. Ce que nous constatons, c’est qu’il y a parfois une psychose immédiate, des effets très difficiles immédiats, mais, pour ce qui est de la durée de la défonce, on peut dire que c'est très variable et que cela dépend énormément de ce qu'on consomme.
    J’ai entendu dire que c’était entre 12 et 16 heures.
    Je pense que c’est réaliste, mais certains de ces effets immédiats se font sentir au cours de la première période.
    Je comprends.
    Est-ce que l'un de vous a une idée de ce que la méthamphétamine coûte dans la rue, de nos jours?
    Je crois que cela varie un peu partout au pays, monsieur. Je crois qu'en Colombie-Britannique, à Vancouver, le gramme coûte entre 30 et 50 $. Le seul autre endroit que je connais un peu est Moncton. Dans la rue, le gramme coûte 175 $. C'est ce que j'ai entendu dire. Peut-être que mon collègue de la GRC pourra vous répondre avec plus de précision.
    D'après mon expérience des groupes de crime organisé, on ne peut pas se fier à un montant, à un prix en dollars, parce que la vente est axée sur le profit. Elle dépend de l'offre et de la demande, alors les prix varient. Mon collègue vous a cité correctement les prix actuels. Dans la rue, on vend au gramme, mais aussi à la dose, ce qu'on appelle un tir, qui contient moins de 0,1 gramme. Un gramme donne environ 10 doses. La dose minimale d'une consommation est de 0,1 gramme.
    Oui. Au Manitoba, d'après ce qu'on nous a dit, on peut obtenir un tir gratuitement la première fois, et ensuite c'est 10 $.
    Cela semble exact, oui.
    À l'heure actuelle, avons-nous assez de lits pour traiter les toxicomanes?
    À première vue, je vous dirais que non. Nous savons qu'en 2014, 220 000 toxicomanes attendaient un traitement au Canada. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons récemment beaucoup investi pour offrir le traitement par l'intermédiaire de ce fonds d'urgence. Chaque province organise ce fonds de manière à répondre le mieux possible à ses besoins.
    Qu'en est-il des populations autochtones, et même des sans-abri, qui sont probablement plus vulnérables? À Winnipeg, nous avons 1 500 personnes sans abri, alors qu'à Vancouver, on en a compté 2 000. Ces traitements de la toxicomanie sont-ils offerts proportionnellement à la vulnérabilité de la population des différentes régions du Canada?
(0930)
    Si vous parlez des fonds fédéraux, je pourrai vous expliquer cela. Nous répartissons les fonds en fonction du nombre total de décès et d'hospitalisations dans la province. Il est vrai qu'un plus grand nombre de personnes sont hospitalisées dans les communautés autochtones, surtout en Saskatchewan et au Manitoba. Dans chaque province, nous avons tenu compte du nombre d'hospitalisations et de décès ainsi que des besoins de la province. Cependant, nous examinions cela dans le contexte des opioïdes.
    Je comprends.
    Vous mettez aussi sur pied un observatoire sur les drogues. Combien y investissez-vous?
    Pour le moment, nous colligeons les données que plusieurs ministères ont recueillies. Nous en tirons le financement des fonds de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances.
    Est-ce que cet observatoire tiendra compte des répercussions des taux de criminalité et de tout ce qui s'y rattache? Il semblerait que personne n'ait encore abordé ces facteurs. D'après les témoignages que nous avons entendus, il n'existe pas beaucoup de données sur la consommation de drogues, sur qui les utilisent et quand.
    En réalité, de nombreux organismes recueillent des données, mais elles n'ont jamais été traitées de manière coordonnée et globale. Mes collègues de la GRC et des services frontaliers recueillent des données. Statistique Canada et la santé publique en réunissent aussi et nous en recueillons nous-mêmes.
    Cette occasion de colliger toutes ces données nous permet de vraiment examiner pour la première fois, comme l'a dit Mme Lavoie, qui consomme quoi, quand, où et pourquoi. Je suis convaincue que si nous avions établi un observatoire sur les drogues plus tôt, nous aurions pu prévoir la crise des opioïdes et nous pourrions vous fournir de meilleurs renseignements sur la situation actuelle de la consommation de méthamphétamine.
    J'ai une dernière question.
    Avez-vous entendu parler du modèle islandais en matière de loisirs?
    Bien sûr. Notre médecin hygiéniste en chef en parle beaucoup et il l'examine pour trouver d'autres solutions pour le Canada.
    Il semblerait que certaines collectivités canadiennes aient déjà commencé à utiliser ce modèle. Nous suivons leurs progrès.
    Pourriez-vous nous le décrire brièvement?
    En gros, ce modèle offre des activités de loisirs aux jeunes pour qu'ils fassent du sport ou qu'ils s'adonnent à d'autres activités parascolaires aussitôt que possible. On les écarte ainsi de toute possibilité ou du désir de consommer des substances illégales en les maintenant actifs et en les intéressant à servir leur collectivité.
    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
    Ainsi se termine notre tour de sept minutes.
    Je voudrais vous poser une question. Vous avez dit que 220 000 personnes attendent de recevoir un traitement. Combien de personnes ont accès à un traitement?
    Ce chiffre fluctue beaucoup. Les statistiques que je vous citais datent de plusieurs années.
    Nous menons actuellement des enquêtes de référence pour savoir combien de personnes attendent de recevoir un traitement. Le nombre de personnes qui subissent un traitement fluctue énormément. Il augmente grâce au financement récemment fourni. Je ne peux pas vous donner de chiffres à ce sujet aujourd'hui. Si vous me reposez la question dans six mois, je pourrai vous répondre avec exactitude.
    À combien en estimeriez-vous le nombre?
    Je ne peux vraiment pas l'estimer.
    Entamons maintenant notre tour de cinq minutes. Nous commencerons par M. Webber.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les collègues qui ont déjà posé des questions. Vous avez posé la moitié des miennes, et cela me fâche un peu. La prochaine fois, je serai le premier à poser des questions, monsieur le président.
    Commençons par l'éducation du public. Madame McDonald, vous avez dit qu'elle n'est pas efficace. Est-ce parce qu'on n'en fait pas assez? Est-ce qu'elle n'atteint pas ses cibles ou est-elle mal conçue? Pourriez-vous nous parler un peu de cela, je vous prie?
    Je ne me souviens pas exactement d'avoir dit qu'elle n'est pas efficace, mais je ne crois pas que nous puissions en faire plus dans les domaines de la prévention et de l'éducation du public. À mon avis, cet enjeu comporte deux éléments. Le premier est crucial. Il s'agit de la prévention en général et du rôle que nous, avec les provinces et les territoires, assumons pour montrer aux élèves à quoi ressemblent les drogues et pour leur faire comprendre les répercussions de la consommation. Les différents gouvernements fédéraux, provinciaux et territoriaux ont accompli un travail monumental pour cela.
    J'ai remarqué que le message et le ton ont changé partout au pays. On a passé d'une intimation de ne pas consommer de drogues à des séances de renseignements fondés sur des faits dirigées par des camarades et des enseignants. Cette méthode a produit de meilleurs résultats.
    Le deuxième élément dont je voulais vous parler est celui de la stigmatisation. Bien des gens considèrent la consommation de drogue comme un signe d'échec moral. Ils ne comprennent pas qu'il s'agit en fait d'un trouble médical. La toxicomanie découle d'un trouble de santé grave qui peut frapper n'importe qui à un moment donné de sa vie, et cela dans toutes les régions du pays.
(0935)
    Merci.
    J'ai une question pour Paul, le surintendant principal.
    Ben Lobb nous a dit qu'une grande partie des ingrédients nous viennent d'autres pays. Je ne sais pas si vous pourrez répondre à cette question, mais que font les agents des services frontaliers? Comment cherchent-ils les drogues qui nous arrivent de l'étranger? Les chiens sont-ils en mesure de les détecter? Comment les agents repèrent-ils ces substances? Il semble bien évident qu'ils ne les détectent pas, puisque ces produits entrent au pays. Pourrions-nous améliorer notre travail aux frontières pour les empêcher d'entrer?
    Je ne vais pas parler au nom de l'Agence des services frontaliers du Canada. Je peux juste vous dire que ses agents disposent de divers outils. Ils reçoivent aussi beaucoup de renseignements et collaborent avec des services d'application de la loi de toutes sortes dans d'autres pays. Quant aux méthodes de détection, eh bien, un grand nombre de ces drogues, dont la méthamphétamine, sont distribuées par la poste, alors les agents utilisent des outils comme les rayons X, les chiens de détection, etc.
    Les agents des services frontaliers se servent d'un bon nombre d'outils pour détecter les envois de drogues illicites.
    Je vois.
    Vous nous avez dit que quand vous pénétrez dans un laboratoire de méthamphétamine, vous y voyez les emballages de médicaments en vente libre, comme des remèdes contre le rhume et autres. Les pharmacies de notre pays le savent-elles? Je suis sûr qu'elles en sont conscientes, mais font-elles le suivi de leurs produits? Si un gars vient acheter un médicament en grande quantité, fait-on le suivi de ses activités, le surveille-t-on?
    Merci beaucoup d'avoir posé cette question.
    C'est exactement ce que le programme de déclaration des détournements de produits chimiques... il a un acronyme. Habituellement, nous utilisons simplement l'acronyme. Je n'ai pas besoin de le dire au long.
    À mon avis, il faut en parler. Il faut parler à ces entreprises, et même aux gens de Canadian Tire et de Home Depot pour qu'ils en soient conscients. Selon moi, c'est l'élément le plus important de ce programme. Nous recevons des renseignements de nos organismes municipaux, provinciaux et fédéraux et ensemble, nous attaquons ce phénomène ou cette tendance sur plusieurs fronts.
    Ah bon, je comprends.
    Permettez-moi d'ajouter une petite chose. Je sais qu'on vous chronomètre, alors je vais présenter cela très rapidement.
    Certaines pharmacies en sont conscientes, et les ordres de pharmaciens le sont aussi. Par exemple, les ordres de pharmaciens de l'Alberta et de la Colombie-Britannique recommandent de garder ces médicaments derrière le comptoir afin d'obliger les clients à en faire la demande. Certaines pharmacies vérifient même l'identité des acheteurs et s'efforcent de contrôler la quantité que chaque personne achète.
    Monsieur le président, pourriez-vous m'allouer une petite minute de plus? Je voudrais juste répondre à la question qui a été posée sur la durée de l'effet d'euphorie. Je sais qu'un représentant des services frontaliers va bientôt témoigner. Les auteurs de leur rapport ont raison, la période de l'effet d'euphorie dépend de la façon de prendre la drogue, et il peut durer jusqu'à 12 heures. Il est intéressant de comparer le temps qu'il faut pour le corps de se débarrasser de la méthamphétamine et par rapport à la cocaïne. La moitié de la cocaïne consommée disparaît en moins d'une heure, alors qu'il faut 12 heures pour se débarrasser de 50 % de la méthamphétamine. Je tenais à ajouter ce fait, parce qu'il semblait vous intéresser.
    Il n'existe pas de traitement contre la surdose de méthamphétamine, n'est-ce pas, aucun médicament comme la naloxone pour les surdoses de fentanyl?
    Comment traite-t-on les gens qui font une surdose?
    On traite principalement les symptômes qui se manifestent. Si la personne souffre de psychose, on lui donne un médicament propre à la psychose. Cependant, comme je le disais, il n'existe pas de médicament capable de traiter directement une surdose de méthamphétamine.
    Merci.
    Monsieur Eyolfson, vous avez cinq minutes.
    Je tiens à remercier Mme Sidhu de m'avoir donné de son temps pour que je puisse poser quelques questions.
    Je voudrais reprendre le sujet dont nous discutions quand mon temps de parole s'est écoulé. Nous parlions de réduction des méfaits. Soulignons que ce n'est pas une panacée, mais c'est un pilier important.
    Le public comprend mal ces enjeux, je vous dirai franchement qu'ils provoquent beaucoup de résistance politique dans certaines provinces. Le gouvernement du Manitoba ne s'intéresse pas du tout aux centres de consommation supervisée. Le gouvernement de l’Ontario commence à résister et dit qu’il veut les fermer, ou tout au moins en limiter le nombre.
    Recommanderiez-vous aux provinces de considérer ces centres comme des piliers de traitement en vue de régler ce problème?
(0940)
    À mon avis, il faut appliquer certains éléments de chacun des quatre piliers que le gouvernement fédéral a établis, c'est-à-dire la prévention, le traitement, la réduction des méfaits et l’application de la loi, avec l'appui de données probantes.
    La réduction des méfaits est un pilier important pour tous les types de lutte contre la toxicomanie au Canada. On utilise différents moyens de réduire les méfaits un peu partout au pays.
    Vous avez tout à fait raison.
     En parlant de réduction des méfaits, nous avons mentionné une autre chose qui provoque une certaine résistance politique. Il s'agit des programmes d'échange de seringues. Certains intervenants se sont opposés à l'application de ces programmes dans les prisons.
    Pour que tout soit clair — parce que les gens ne comprennent pas —, on n'ajoute pas de seringues dans le système en les échangeant. Les gens rapportent leurs seringues sales pour en recevoir des propres. Est-ce exact?
    En général, nous observons avant tout que les centres qui permettent l'échange de seringues ne sont pas jonchés d'aiguilles. En fait, comme les gens retournent leurs seringues pour les échanger, on trouve moins de débris dans ces centres, qu'on y pratique l'échange de seringues, la consommation supervisée ou autres.
    Merci.
    Vous avez dit également — et je tiens à le souligner — que les programmes d'échange de seringues réduisent la transmission de maladies transmises par le sang, comme l’hépatite C et le VIH.
    Les faits démontrent manifestement que les programmes d'échange de seringues réduisent la transmission d'infections par le sang.
    Merci.
    Je voudrais aussi préciser une chose. Vous avez parlé de traitement des symptômes, et je comprends qu'il est impossible de traiter les drogues comme celle-ci autrement. J'ai soigné plusieurs surdoses de cocaïne à l'époque, mais la méthamphétamine est différente. Elle résiste beaucoup à certains des sédatifs qu'il faudrait administrer, notamment les benzodiazépines, le midazolam et l’Ativan.
    Le médicament antipsychotique olanzapine a suscité un certain intérêt. La presse a attiré notre attention sur le fait que les premiers intervenants du Manitoba, les ambulanciers, peuvent maintenant administrer de l’olanzapine sur le terrain dans les cas de psychose causée par la méthamphétamine. Devrions-nous promouvoir ce médicament et encourager un plus grand nombre d'ambulanciers à l'administrer?
    Nous avons remarqué que le Manitoba applique cette solution. Tout ce qui peut aider les intervenants de première ligne à traiter les surdoses sans délai est utile, quelle qu'en soit la forme. Nous examinons très sérieusement cette solution.
    Merci beaucoup.
    Il me reste une minute. Madame Sidhu, désirez-vous poser une question à ce sujet?
    Non, je vous remercie.
    Merci.
    J'ai plusieurs autres objections à formuler. On dit que...
    Si vous n'avez pas de questions, nous allons passer la parole au député suivant, parce que nous sommes en retard sur notre horaire.
    Oui. Je regardais mes notes pour être sûr de ne pas...
    Je vais peut-être demander...
    Vous avez une question? Très bien.
    Je vous remercie d'être venus.
    Nous savons tous que la plus grande partie de la méthamphétamine vendue au Canada est produite au pays et que le reste nous vient de l'étranger. Ma question s'adresse au représentant des services frontaliers, ou monsieur Bhupsingh, vous pouvez y répondre. Avez-vous constaté que cette tendance s'est maintenue, ces dernières années? Pensez-vous que le gouvernement devrait axer sa lutte sur les producteurs du pays, ou plutôt resserrer les contrôles aux frontières?
    Je vais commencer à répondre, puis je passerai la parole à mon collègue de la GRC.
    Je ne pense pas qu'il faille se concentrer sur l'un et ignorer l'autre. Il faut s'occuper des deux. Nous constatons certainement qu’il y a une production intérieure, mais nous voyons aussi les précurseurs mentionnés tout à l'heure qui viennent d’autres pays et que l'on assemble ensuite ici. En outre, dans certains cas, le Canada sert de pays de transit à l'exportation de la méthamphétamine.
    Pour répondre à votre question, il faut probablement appliquer une multitude de stratégies pour réduire l'offre, parce que l'offre intérieure comporte de nombreux éléments différents. De plus, l'entrée des précurseurs au Canada et leur réglementation posent certainement un problème.
(0945)
    Est-ce que nous resserrons encore les règles...
    Je suis désolé. Vous n'avez plus de temps.
    Nous passons la parole à M. Lobb.
    Merci beaucoup.
    Pour revenir à ce dont je parlais tout à l’heure, est-ce que certaines des cinq provinces qui ont conclu une entente ont affecté des fonds aux coûts de fonctionnement ou, devrais-je dire, à des lits de traitement pour les personnes qui n’ont pas de revenu ou d’argent?
    Tous les plans d'action sont affichés en ligne. Vous y verrez les mesures que chacune de ces provinces a prises.
    En fait, oui, certaines d'entre elles ont affecté des fonds à des lits de traitement, notamment la Saskatchewan, qui finance spécifiquement le traitement de la dépendance à la méthamphétamine. Nous prévoyons que d'autres le feront aussi.
    C’est bon à entendre.
    Je crois que Mme Boudreau a parlé de la possibilité de garder les produits pharmaceutiques en question derrière le comptoir.
     Je suis allé dans un Shoppers Drug Mart l’autre jour, et tous les médicaments comme Aleve, etc., pour les infections des sinus, qui peuvent servir à fabriquer ces drogues, étaient là.
     Une chose qui m’a surpris — je n’y avais peut-être jamais prêté attention — c’est le paiement aux caisses en libre-service. En ce moment même, quelqu'un remplit peut-être son sac d’épicerie de ces médicaments et va les payer à la caisse sans que personne ne le sache. Ne devrions-nous pas demander aux pharmacies de...
    Même si les pharmacies tiennent aux caisses en libre-service pour réduire leurs coûts, il faudrait peut-être que les gens aient à s'adresser au pharmacien pour pouvoir obtenir une boîte. Est-ce une chose que nous devrions exiger des pharmacies?
     Nous travaillons avec l’Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie, l’ANORP, que vous connaissez peut-être. Elle donne des conseils aux ordres de pharmaciens des diverses provinces sur des choses, comme l’endroit où les produits doivent être gardés — derrière le comptoir ou devant — et il revient à l'ordre des pharmaciens de chaque province de prendre ces décisions.
    Comme je n’ai aucune expérience de la médecine ou de la pharmacie, je trouve que c’est tout à fait contraire à l’éthique. Si c’est un problème énorme, c’est une multitude de produits auxquels vous avez accès. J’espère que nous aborderons ce sujet dans notre rapport.
    J’ai une autre question à poser. Quand on regarde la liste des compagnies pharmaceutiques dans le monde qui vendent ces produits, cela représente non pas des millions, mais des centaines de millions et de milliards. En ce qui concerne les 130 millions de dollars que le gouvernement a fournis, il me semble que toutes ces compagnies pharmaceutiques auraient dû payer aussi si elles voulaient vendre ces médicaments dans notre pays. C’est une simple observation de ma part.
    Elles auraient dû verser 100 millions de dollars chacune, à mon avis. Y a-t-il eu un dialogue entre les fabricants de médicaments au sujet de la création d’un fonds plus important pour contribuer à l’éradication de cette crise?
    Il n'a pas vraiment été question de faire payer l’industrie pharmaceutique pour le traitement ou d’autres services connexes en ce qui concerne les amphétamines. Comme vous le savez, il y a eu un certain nombre de discussions sur le sujet des opioïdes et des moyens de restreindre la capacité de commercialisation des sociétés pharmaceutiques qui y sont associées.
    D’accord. Je pense qu’il serait formidable que des représentants de sociétés pharmaceutiques comparaissent devant le Comité pour voir s’ils auront la générosité, à l'approche de la période des Fêtes, d'apporter leur contribution pour augmenter le financement.
    Une autre chose concerne les Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC. Ont-ils des programmes de recherche auxquels ils contribuent pour faire de la recherche dans les universités ou ailleurs dans le but d'améliorer la situation?
    C’est une question dont nous avons discuté avec les IRSC et, comme je l’ai dit, avec le réseau qu’ils financent à l’échelle du pays, l’ICRAS. Une étude est en cours. Nous nous attendons à ce qu’ils examinent ces questions de façon plus générale. Pour ce qui est de la distribution du financement, nous avons des appels de propositions, et nous nous attendons à ce que ce soit un domaine que nous pourrons renforcer.
    Une dernière question rapide sur l’obligation de faire rapport. Si vous êtes courtier immobilier et que vous faites une transaction qui vous semble suspecte, vous avez l’obligation de la signaler au CANAFE, etc. Nous en avons beaucoup entendu parler récemment.
    Parlons des pharmacies et des compagnies pharmaceutiques. Est-il mentionné quelque part dans la loi qu’elles ont le devoir de signaler les activités suspectes et que si elles ne le font pas, elles peuvent faire l'objet d'accusations criminelles?
    Je vais peut-être répondre à cette question. En ce qui concerne les précurseurs et les substances chimiques inscrites en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la LRDS, les distributeurs autorisés sont tenus de le faire. Il est obligatoire de signaler les transactions suspectes à Santé Canada.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Ayoub.
(0950)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais m'intéresser davantage à l'inégalité de la répartition géographique de la crise, entre l'Ouest, au Manitoba plus particulièrement, et l'Est. Outre le prix de vente, qu'est-ce qui rend la situation différente? Y a-t-il d'autres drogues plus facilement accessibles dans l'Est du Canada, ou est-ce que les milieux criminels ou de contrebande y sont mieux organisés pour la production de méthamphétamine? Avez-vous une explication particulière?
    Je vais commencer, puis passer la parole à mes collègues.
    En effet, il n'y a pas de réponse facile. Il est certain que le prix peut influencer les comportements. Il y a aussi une certaine mentalité chez les consommateurs. Comme on l'a vu, il est très clair que la cocaïne est la norme au Québec. Mes collègues pourront vous en dire davantage, mais la façon dont les drogues entrent au pays et leur prix peuvent exercer une influence.
    Nous croyons que le fait que les opiacés sont très contaminés depuis quelque temps peut avoir eu un effet sur le marché. Les gens ne veulent plus consommer quelque chose qui est contaminé à 70 ou à 80 % par du fentanyl. Ils vont peut-être se tourner vers une drogue de substitution, mais cette réponse semble trop simple.
    Il faut tenir compte de beaucoup de facteurs et c'est pour cela que nous voulons vraiment mettre en place notre observatoire. Il faut rassembler les données de toutes les agences pour avoir une vue d'ensemble du pour, du quand, du comment et du pourquoi.
    Je ne sais pas si mes collègues souhaitent ajouter des commentaires sur la façon dont les produits entrent au pays.
     Merci de vos questions. Je vais répondre en anglais, si vous le permettez.

[Traduction]

     Je pense que c’est une question très intéressante.
    Les groupes criminels organisés sont motivés par le profit, et c'est la seule chose qui les intéresse. Il faut donc examiner la production des laboratoires clandestins à l'intérieur du pays. Même si je ne dis pas que c’est le cas, leur proximité de certaines régions peut avoir une incidence sur la disponibilité du produit. Cela explique peut-être pourquoi différentes régions ont accès à la méthamphétamine et en constatent les résultats.

[Français]

    Vous semblez donc dire que la majorité de la production est locale, contrairement aux opioïdes, qui proviennent surtout de l'extérieur du Canada et qui entrent au pays de différentes façons. Vous semblez dire qu'il s'agit de laboratoires locaux, à proximité des consommateurs. Il y en aurait donc plus au Manitoba et dans l'Ouest. Pourtant, contrairement à Winnipeg, Vancouver semble être davantage aux prises avec une crise d'opioïdes que de métamphétamine.
    Je parlais plutôt d'une combinaison des deux: une production intérieure, mais aussi l'entrée au pays de produits précurseurs ainsi que du produit fini, ce qu'on appelle le « meth ». Il y a donc en fait trois volets différents à cette question.
    Je vais revenir sur le sujet de l'observatoire, lequel serait peut-être une bonne idée, effectivement. Où en êtes-vous dans ce dossier, tant au niveau du gouvernement fédéral que des provinces? Certaines questions de santé publique relèvent de la compétence des provinces, mais d'autres de Santé Canada.
    Absolument.
    Cela fait à peu près deux ans que nous travaillons à la mise en place de cet observatoire. Nous avons consulté les organisations qui recueillent les données. Notre ministre en a également discuté avec les provinces et les territoires à l'automne dernier. Tout le monde s'entend pour aller de l'avant, et notre partenariat nous a notamment permis d'avoir un bon portrait national de la crise des opioïdes. Nous devons cependant aller encore plus loin.
    À l'heure actuelle, les provinces et les territoires nous remettent leurs données sur les décès et les hospitalisations liés aux opioïdes. Il faudrait toutefois recouper ces données avec les autres renseignements que nous fournissent nos partenaires afin d'avoir un portrait plus global.
    L'objectif de l'observatoire est vraiment de faire en sorte que chaque organisation qui recueille des données à l'heure actuelle continue de le faire, mais qu'un autre organisme collige toutes ces données pour dresser le portrait dont nous avons besoin. Nous travaillons avec Statistique Canada pour mettre ce processus en place.
(0955)

[Traduction]

    Merci. C’est tout.
    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Mathyssen pour une courte série de questions de trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voulais revenir sur ce dont parlait M. Lobb au sujet des médicaments qui sont si facilement disponibles sur les tablettes des pharmacies, et parler de ce qui s’est passé en Ontario en 1992.
    Le gouvernement de l’époque a dit aux pharmacies qu'elles ne devaient plus vendre du tabac parce qu’elles vendaient aussi des médicaments contre le cancer. Les grandes sociétés pharmaceutiques ont résisté et créé un fonds pour contrer cette interdiction. Maintenant, le tabac n’est plus disponible dans les pharmacies, mais ce gouvernement n’est plus au pouvoir.
    Compte tenu de la réalité des grandes sociétés pharmaceutiques, a-t-on discuté avec elles au sujet de cette situation et de la capacité de contrer ce lobby très puissant?
    Je sais que d’autres voudront peut-être ajouter quelque chose, mais je vais commencer par une précision.
    On a mis l’accent sur les produits disponibles en pharmacie, mais je pense que vous avez aussi entendu mes collègues dire que des précurseurs sont importés. Bien qu’il y ait des produits disponibles en pharmacie, ils sont là à des fins légitimes, et nous ne devons pas l’oublier non plus.
    Dans la plupart des cas, ces produits ne sont peut-être même pas visés par le régime réglementaire en raison de la quantité que contient l'emballage. Lorsque nous inscrivons un précurseur sur la liste à des fins de contrôle, nous examinons également son utilisation légitime. Certains des emballages que vous pouvez voir dans les pharmacies ne figurent peut-être même pas sur la liste des précurseurs parce qu'ils en contiennent une faible quantité.
     Je crois que mes collègues ont dit qu’en ce qui concerne les précurseurs, ils proviennent d’autres sources en plus grande quantité.
    Je vais laisser mes collègues de l’application de la loi vous en parler s’ils le souhaitent.
     En fait, j’ai une autre question. Je vous en remercie.
    Au Manitoba, les visites mensuelles à l’urgence des patients qui consomment des méthamphétamines ont apparemment augmenté de 1 200 %. Cela a une incidence sur les fournisseurs de soins de santé. Ma préoccupation précédente au sujet des répercussions sur les forces policières s’étend maintenant aux fournisseurs de soins de santé.
    Le Syndicat des infirmières du Manitoba demande une sécurité accrue dans les salles d’urgence afin de gérer la hausse de la violence qui, selon lui, est liée à l’augmentation de la consommation de méthamphétamines. Est-ce que d’autres provinces constatent aussi une hausse de la violence envers les travailleurs de la santé en raison de la consommation de méthamphétamines? Y a-t-il eu des discussions à ce sujet? Quels mécanismes de sécurité peut-on mettre en place pour ces travailleurs de la santé?
    La sécurité des travailleurs de la santé est certainement une préoccupation.
    En ce qui concerne les provinces et les territoires, nous travaillons avec eux par l’entremise d’une série de comités. Nous avons donc un comité sur la consommation problématique de substances et les méfaits qui est composé de représentants de tous les gouvernements. La question de la consommation de méthamphétamine a été soulevée et fait l’objet de discussions actives au sein de ce comité, y compris la recherche de solutions en matière de prévention et de traitement.
    La question de la protection des travailleurs de la santé n’a pas été abordée au comité. Personne ne m’en a parlé précisément. Cela dit, comme nous l’avons mentionné plus tôt, la possibilité de psychose et de violence associée à la consommation de méthamphétamines peut être préoccupante, et nous pourrions certainement parler aux provinces et aux territoires de leurs inquiétudes à ce sujet.
    Merci beaucoup. Le temps est écoulé.
    Merci.
    Le temps est expiré. Nous allons passer à un autre groupe de témoins.
    J’aimerais qu’ils nous soumettent les ententes bilatérales concernant le Fonds d’urgence pour le traitement qui ont été signées.
    Cela ne pose pas de problème. Elles sont accessibles au public en ligne. Nous vous les ferons parvenir.
     Je tiens à vous remercier tous de ce que vous faites, car ce sont la vie et la santé des gens qui sont en jeu. Vous avez tous une grande responsabilité. Au nom du Comité, je tiens à vous remercier de ce que vous faites et de nous avoir fourni ces renseignements.
    Nous allons maintenant changer de groupe de témoins le plus rapidement possible. Nous allons suspendre la séance quelques instants, puis nous reprendrons. Nous allons avoir une vidéoconférence.
(0955)

(1000)
    Nous reprenons nos travaux.
    Je demande aux membres du Comité de poser des questions brèves. Nous sommes en retard. Chaque fois que nous recevons cinq témoins, les réponses sont assez longues et nous dépassons le temps imparti. Presque toutes les questions auxquelles on a répondu aujourd’hui ont dépassé le temps alloué. Je demande aux membres du Comité de poser des questions succinctes, et je demande également à nos témoins de donner des réponses aussi succinctes que possible. Nous voulons entendre ce que vous avez à dire, mais essayez de ne pas vous écarter du sujet de la question.
    Notre deuxième groupe de témoins comprend Damon Johnston, président du conseil d’administration de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, et Ginette Poulin, directrice médicale. M. Matthew Young, est analyste principal de la recherche et des politiques au Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances. Nous entendrons, par vidéoconférence, Mme Sheri Fandrey, membre du Réseau communautaire canadien d’épidémiologie des toxicomanies, et responsable de l’échange de connaissances à la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances.
    Nous allons inviter la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances à faire une déclaration préliminaire de 10 minutes, puis nous passerons au Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances.
(1005)
     Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Merci de nous avoir invités ici aujourd’hui.
    Je m’appelle Damon Johnston. Je suis actuellement président du conseil d’administration de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances.
    Je vais maintenant laisser Ginette se présenter.

[Français]

    Je m'appelle Ginette Poulin. Je suis la directrice médicale de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances.
    C'est un grand honneur pour moi d'être ici pour discuter de ce problème auquel nous devons faire face aujourd'hui au Manitoba.

[Traduction]

     Bien que nous comprenions que la méthamphétamine pose des problèmes partout au pays, il est certain qu’au Manitoba, nous avons constaté des répercussions importantes qui ont mis à l’épreuve non seulement notre système de soins de santé, mais aussi notre système social et notre système de justice. Nous voulons vous faire part de quelques-unes des raisons pour lesquelles nous constatons ces effets particuliers.
    Je note que nous avons préparé des trousses pour vous. Bien qu’une partie de l’information ait été traduite et qu’elle soit à la fois en français et en anglais, à notre grand regret, les documents ne sont pas tous dans les deux langues. Nous les distribuerons à ceux qui le souhaitent.
    Pour ce qui est de nos statistiques, certainement celles de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, qui desservent la plupart des services de lutte contre la toxicomanie dans la province, nous constatons de plus en plus de chiffres alarmants. Par exemple, 48 % des personnes qui demandent de l’aide pour des problèmes de dépendance déclarent que la méthamphétamine est la principale substance qu'elles ont consommée au cours de la dernière année. C’est le cas de nos jeunes. Nous avons également constaté une augmentation d’environ 104 % de la population adulte qui déclare avoir consommé de la méthamphétamine. Le nombre de décès causés par la méthamphétamine a triplé ou quadruplé.
    Nous voyons une substance qui est certainement plus toxique et plus puissante. Cela a certainement des effets dévastateurs à plus long terme sur le plan de l’agressivité et de la psychose, ce qui suscite beaucoup d’inquiétude. Nous avons signalé une augmentation de 1 700 % des visites d’urgence à l'Office régional de la santé de Winnipeg. Notre fondation estime qu'il y a eu une augmentation de la proportion de consommation de méthamphétamine dans la région du sud de la province.
    Pour ce qui est du traitement, nous manquons de ressources. Beaucoup d’entre vous connaissent peut-être notre rapport Peachey. Ce rapport, qui a été publié il y a environ trois ans, portait sur la transformation de notre système de santé. C’est une autre particularité des initiatives manitobaines. Nous sommes en train de mettre en oeuvre de nouvelles stratégies, dans le système de santé global ainsi que dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie, avec le rapport Virgo qui a été publié au printemps, dans le but de réduire l’effet du cloisonnement qui existe actuellement. La géographie du Manitoba est très concentrée. Plus de la moitié de notre population se trouve à Winnipeg et dans le sud.
    Ce qui est ressorti de ces deux rapports, c’est que nous avons besoin de plus de financement. Nous avons besoin de plus de services. Seulement 5,2 % de notre budget de la santé est consacré à la santé mentale et à la toxicomanie. La moyenne nationale est d’environ 7,2 %. Le rapport Virgo recommandait d'atteindre 9,2 % pour combler une partie de l’écart. Damon vous parlera un peu plus en détail du financement. Nous subissons aussi des compressions actuellement en ce qui concerne notre climat, ce qui est problématique.
    En ce qui concerne la méthamphétamine en cristaux, les ressources dont nous disposons dans la province pour les services de gestion du sevrage et les soins continus sont limitées. Nous préconisons que les services de gestion du sevrage soient dispensés sur une plus longue période, car la désintoxication de la méthamphétamine en cristaux nécessite une phase plus longue dans un environnement sûr.
    Nous constatons certainement les effets sur les femmes et les familles. Comme vous le savez peut-être, le Manitoba a certains des taux les plus élevés d’enfants pris en charge suite à une interpellation. Encore une fois, lorsque nous examinons nos données, nous constatons que les femmes sont plus touchées, tant chez les jeunes que chez les adultes. C’est quelque chose qui nous préoccupe beaucoup également.
    Je sais que la question de la sécurité a été soulevée plus tôt. C’est certainement une préoccupation pour les particuliers, les fournisseurs de soins de santé et nos services juridiques et judiciaires. Le Service de police de Winnipeg est confronté à des défis importants dans la rue et à beaucoup d’agressivité. Vous avez peut-être entendu parler de machettes attachées aux mains et du fournisseur de soins de santé poignardé avec un crayon. Les risques sur le plan de la sécurité sont bien réels. C’est certainement un problème auquel nous sommes confrontés.
    Encore une fois, beaucoup de personnes qui sont sous l’influence de l’alcool subissent des méfaits. Nous observons une augmentation des taux d’injection intraveineuse. Cela a au moins doublé au cours des dernières années. Il y a aussi les taux d’hépatite C et d’autres infections, comme l’endocardite infectieuse, qui résultent de la consommation de drogues. Encore une fois, plus cette situation perdurera, plus nous en verrons les effets.
(1010)
    Je crois que je vais céder la parole à Damon.
     Merci, Ginette.
    Très rapidement, en 2018, nous savons que le Canada et le Manitoba ont annoncé un nouvel accord sur le transfert en matière de santé. Dans le cadre de l’entente, la province a reçu environ 181 millions de dollars sur 10 ans pour améliorer les services de santé mentale et de lutte contre la toxicomanie. À l’heure actuelle, la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances et nos autorités régionales de la santé ont été chargées de réduire les budgets annuels de 1 % à 4 %. Cela soulève la question de savoir où va l’argent fédéral dans la nouvelle entente.
    En septembre dernier, la Ville de Winnipeg — donc notre maire et notre conseil — a adopté à l’unanimité une motion demandant la création d’un groupe de travail intergouvernemental sur la consommation de méthamphétamine, qui aurait pour mandat de définir des stratégies de traitement et de prévention. Le Conseil s’est engagé à créer son propre groupe de travail si la province ou Ottawa ne sont pas intervenus d’ici la date du 19 novembre 2018, qui est déjà derrière nous. Pour l’instant, nous ne savons pas exactement où tout cela en est, mais nous continuons d’espérer que quelque chose sera fait. Dans le récent discours du Trône, au Manitoba, aucun engagement n’a été pris à l’égard d’un groupe de travail, mais il a été dit qu’il y aurait d’autres annonces à ce sujet.
    Pour terminer, je joue un autre rôle à Winnipeg. Je suis président de l’Aboriginal Council of Winnipeg. Dans ce rôle, je suis très conscient de l’impact de ces drogues puissantes sur les membres de notre communauté et d’autres communautés vulnérables, comme les sans-abri et les pauvres. Ils sont les moins bien équipés pour relever ces défis — qui sont très réels. Dans mon travail, mon rôle, j’interagis avec les familles de notre collectivité de bien des façons. J’ai une expérience directe de certains des effets néfastes, des effets directs sur les familles, en particulier sur les mères et les enfants. C’est un problème grave. Nous avons une table collective de leaders à Winnipeg, et nous allons plaider fortement en faveur d’une plus grande attention à cette situation.
    Merci.
    J’aimerais ajouter quelques mots. Il y a quelque chose d’important que nous voyons au Manitoba, et j’aime toujours le rappeler lorsque nous parlons de toxicomanie et de questions connexes. Il est toujours important d’aller plus loin et d’examiner les causes sous-jacentes, comme les traumatismes. Nous savons qu’au Manitoba, il y a beaucoup de gens qui ont subi des traumatismes, surtout pendant leur enfance et tout au long de leur vie.
     Si vous prenez l’étude CEA, c’est-à-dire l’étude sur les effets indésirables chez les enfants, ces derniers sont certainement plus à risque de problèmes de santé mentale, de toxicomanie et d’autres maladies chroniques. Parfois, lorsque nous examinons ces tendances, au Manitoba... Je sais qu’au cours de la séance précédente, vous avez parlé de la façon dont les opioïdes frappent les autres provinces. À l’heure actuelle, pourquoi y a-t-il de la méthamphétamine en cristaux? Il y a certainement des impacts à cause de notre population, de l’accessibilité et des coûts. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte.
     Encore une fois, lorsque nous examinons ces causes sous-jacentes, peu importe la substance, si nous ne nous attaquons pas à ces problèmes plus profonds, nous nous contentons de proposer des solutions de fortune. Je pense que c’est un grand défi qui nous attend en tant que nation, et pas seulement au Manitoba.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Young, du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances.
    Je crois comprendre que vous allez partager votre temps de parole avec Mme Fandrey. Est-ce exact?
    Merci.
     Bonjour, monsieur le président et membres du Comité.
    Je m’appelle Matthew Young. Je suis analyste principal de la recherche et des politiques au Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances et professeur auxiliaire de psychologie à l’Université Carleton.
    Le CCDUS a été créé en 1988, et nous sommes le seul organisme du Canada à avoir un mandat législatif national visant à réduire les méfaits de l’alcool et des autres drogues sur la société canadienne.
    Je suis accompagné aujourd’hui, par vidéoconférence, de Mme Sheri Fandrey, responsable de l’échange de connaissances à la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances et membre du Réseau communautaire canadien d’épidémiologie des toxicomanies. Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de vous parler aujourd’hui et de vous aider dans votre étude des effets de la consommation de méthamphétamine sur les Canadiens.
    Pour respecter vos contraintes de temps, mon exposé sera bref. Bon nombre des statistiques dont je parle sont incluses dans le résumé sur la méthamphétamine qui a été publié plus tôt ce mois-ci. Il a été remis au Comité avant la réunion d’aujourd’hui.
    La méthamphétamine est une substance de synthèse classée comme stimulant du système nerveux central. La méthamphétamine a notamment pour effet immédiat de stimuler la vigilance, l’énergie et la confiance en soi. Il est important de noter que ces effets diffèrent de la sédation et de la dépression respiratoire produites par les opiacés.
    Depuis 2015, environ 0,2 % des Canadiens ont déclaré avoir utilisé de la méthamphétamine dans le cadre d’enquêtes par autodéclaration au cours de la dernière année; cependant, les données des enquêtes nationales ne racontent qu’une très petite partie de l’histoire. Les taux de consommation de méthamphétamine varient considérablement d’une province à l’autre, et la consommation problématique a tendance à être concentrée dans les populations qui ne sont pas représentées dans les enquêtes nationales.
    Bien que les données présentent des lacunes, celles dont nous disposons indiquent que depuis 2010 environ, il y a eu une augmentation de la disponibilité, de la consommation et des méfaits associés à la méthamphétamine dans la plupart des provinces du Canada, mais surtout dans les provinces de l’Ouest. Plus précisément, entre 2010 et 2015, le taux par 100 000 habitants, des traitements en milieu hospitalier pour consommation de stimulants, a augmenté de plus de 600 % au Manitoba, de presque 800 % en Alberta et de près de 500 % en Colombie-Britannique. Pendant la même période, les taux d’hospitalisation pour empoisonnement en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique ont doublé. Bien que ces hospitalisations englobent d’autres stimulants que les méthamphétamines, les données provenant d’autres sources nous portent à croire qu’elles sont largement attribuables à l’augmentation des méfaits associés à la consommation de méthamphétamine.
    Nous croyons important de mentionner au Comité certaines considérations particulières concernant la méthamphétamine. Contrairement aux personnes sous l’influence d’opioïdes ou d’autres drogues dépressives ou sédatives, celles qui consomment de la méthamphétamine peuvent être animées et énergiques au départ et se sentir de plus en plus léthargiques, dysphoriques, déprimées et désespérées, avec une soif intense à mesure que la drogue se dissipe. Cela signifie que les personnes qui consomment de la méthamphétamine peuvent être difficiles à traiter et que, lorsqu’elles se trouvent dans des espaces publics, elles peuvent attirer l’attention du public ou des autorités.
    En plus des préoccupations en matière de santé publique au sujet de la dépendance et des autres méfaits touchant directement les jeunes, la méthamphétamine est vendue et achetée dans un marché non réglementé. Par conséquent, elle peut contenir des adultérants et des contaminants qui risquent de nuire à la santé. Des échantillons prélevés dans diverses régions du pays dans le cadre des programmes de contrôle des drogues contenaient des opioïdes. Ce fait est très préoccupant, car les surdoses sont plus susceptibles de se produire chez les personnes qui n’en consomment pas et qui ne s’attendent pas à en consommer. Il est toutefois difficile de savoir à quel point c'est courant ou pourquoi cela peut se produire. Beaucoup soupçonnent une contamination croisée par inadvertance.
    Cependant, comme je l’ai mentionné, les données que nous avons à l’échelle nationale sont médiocres et celles que nous avons à l’échelle provinciale sont souvent très différentes d’une province à l’autre. Par conséquent, non seulement il est difficile d’évaluer avec exactitude les méfaits associés à la consommation de méthamphétamine au Canada, mais il est également difficile de savoir où cibler nos efforts visant à réduire les méfaits.
    Enfin, il est important de souligner que la consommation de méthamphétamine suscite une importante stigmatisation de la part, non seulement de la population en général, mais aussi des fournisseurs de services et des consommateurs de drogues. Cette stigmatisation accentue davantage la marginalisation des personnes qui consomment de la méthamphétamine et place des obstacles supplémentaires devant ceux qui cherchent à obtenir de l’aide.
    Je vais maintenant demander à Mme Fandrey de vous parler des répercussions de la consommation de méthamphétamine au niveau communautaire. Sheri est membre du Réseau communautaire canadien d’épidémiologie des toxicomanies, ou RCCET, dirigé par le CCDUS. Le RCCET est un réseau national de partenaires communautaires qui échangent de l’information sur les tendances locales et les enjeux émergents en matière de toxicomanie, et qui échangent des connaissances et des outils pour appuyer des interventions plus efficaces dans la collecte de données.
(1015)
     L’une des conséquences de l’abondance, de la forte puissance et du prix peu élevé de la méthamphétamine largement disponible au Manitoba est la probabilité accrue que les personnes qui s’injectent de la méthamphétamine prennent de très fortes doses. Cette probabilité augmente le risque de comportements perturbateurs et de surdose grave.
    De plus, la cocaïne en poudre est souvent falsifiée ou remplacée par de la méthamphétamine en poudre. Cette substitution peut amener ceux qui achètent un produit, pensant qu’il s’agit de cocaïne, à en consommer trop, avec un risque accru d’effets physiques et psychologiques négatifs.
    Les systèmes et les services manitobains luttent contre les méfaits de la méthamphétamine sur plusieurs fronts. Les visites à l’urgence liées à la méthamphétamine ont augmenté à Winnipeg, passant d’une moyenne de 10 par mois en 2013 à 240 par mois à la fin de juillet 2018. La visite à l’urgence est souvent liée aux symptômes psychiatriques, comme la paranoïa, les délires et les comportements agressifs. Ces symptômes psychiatriques résultent généralement de doses élevées de méthamphétamine et peuvent détourner l’attention des effets critiques et potentiellement mortels sur le coeur et le cerveau. La complexité des symptômes exige une intervention coordonnée des services médicaux, de santé mentale et sociaux.
    Pour les personnes qui font une forte consommation de la méthamphétamine, l’injection intraveineuse est la voie d’administration privilégiée, ce qui met davantage l’accent sur les services médicaux et de réduction des méfaits. L’injection pose des risques liés aux infections transmissibles sexuellement et par le sang comme l’hépatite C, le VIH et l’endocardite bactérienne.
    Les personnes qui consomment beaucoup de méthamphétamine et qui vivent dans la rue peuvent être réticentes à participer aux services médicaux en raison de la stigmatisation et de l’obligation d’être abstinent. Le fait de ne pas achever le traitement réduit son efficacité et peut augmenter la possibilité de résistance au traitement avec des augmentations correspondantes de l’intensité et du coût du traitement. Il est essentiel d’améliorer les services de soutien à la réduction des méfaits pour accroître la sensibilisation au risque, réduire les pratiques nuisibles et inciter une population de passage réticente à accéder à d’autres services, y compris le traitement de la toxicomanie.
    Les deux ou trois premières semaines suivant l’arrêt de la consommation de méthamphétamine s'accompagnent de divers problèmes tels qu'une humeur instable, une dépression profonde et un besoin excessif de sommeil, ainsi que des déficits cognitifs et de mémoire. La période pendant laquelle une personne qui consomme de la méthamphétamine peut avoir accès à une cure de désintoxication ou au traitement de sa dépendance peut être courte. L’accès immédiat à une désintoxication non médicale peut être une étape cruciale du processus de rétablissement, car il permet à une personne de se sevrer de la méthamphétamine dans un environnement favorable, ce qui augmente ses chances de réussite.
    En augmentant la durée de la désintoxication afin de fournir du soutien à une personne tout au long de cette période de vulnérabilité on améliorerait le succès potentiel des prochaines étapes du traitement de la dépendance et du rétablissement. Une transition sans heurts de la désintoxication au traitement ou au logement avec services de soutien est la clé du succès.
    Les traumatismes antérieurs ou continus sont courants chez les personnes qui font une grande consommation de méthamphétamine. Dans de nombreux cas, la consommation de méthamphétamine est une réaction directe à des abus et des traumatismes physiques et sexuels. On ne tient pas compte de cette réalité si on offre seulement des services et des ressources exigeant l’abstinence. Tous les services offerts à cette population doivent tenir compte des traumatismes et comprendre des ressources pour ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas cesser leur consommation.
    La méthamphétamine est consommée dans différentes circonstances allant, de la prise occasionnelle de poudre reniflée à l’injection intraveineuse quotidienne. Bien qu'il faille consacrer de l’attention et des ressources aux personnes qui subissent les plus graves méfaits, une prévention efficace et une intervention précoce sont essentielles pour limiter l'ampleur de la consommation et veiller à ce qu’une faible consommation ne s’intensifie pas.
(1020)
    Bien que l’augmentation des méfaits de la méthamphétamine observée au cours des 10 dernières années ne soit pas aussi importante que celle associée aux opioïdes, elle ne devrait pas être négligée. Le gouvernement fédéral pourrait tirer parti des investissements déjà faits pour régler la crise des opioïdes en les utilisant pour contrer la hausse de la consommation de méthamphétamine.
    Il s'agit notamment de continuer d'investir en priorité dans l’amélioration des données et le partage des connaissances sur la consommation et les méfaits des drogues au Canada en poursuivant le développement de l’Observatoire canadien des drogues, dont le Comité a entendu parler au cours de la séance précédente, et en soutenant le Réseau communautaire canadien d’épidémiologie des toxicomanies; d'investir en amont pour réduire les iniquités dans les déterminants sociaux de la santé et accroître la résilience et l’auto-efficacité chez les jeunes; de réduire la stigmatisation en faisant la promotion de la compréhension de la consommation de substances en tant que problème de santé, et en accroissant la disponibilité et l’accessibilité d’un continuum de services et de mesures de soutien fondés sur des données probantes et axés sur le client; d'appuyer les interventions visant à réduire les méfaits de la consommation de méthamphétamine, comme la sensibilisation, l’échange de seringues, les pipes qui réduisent les brûlures et les coupures et d’autres méthodes pour réduire la propagation des maladies transmissibles; et enfin, d'investir dans des logements à loyer modique.
    Le CCDUS continuera de coordonner les efforts collectifs, d’établir des liens avec les partenaires, de recueillir et d’échanger des données probantes, de cerner les nouveaux enjeux et de répondre aux besoins des intervenants conformément à son mandat.
    Au nom de Mme Fandrey et du CCDUS, je tiens à remercier le Comité de me donner l’occasion de parler aujourd’hui de cet enjeu important. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
     Je vous remercie tous de vos exposés. C’est certainement une situation incroyable. J’espère que nous pourrons faire quelque chose pour vous aider.
    Nous allons commencer notre tour de sept minutes avec M. Ouellette.
     Je sais que vous allez poser des questions succinctes, mais si les questions et les réponses sont brèves, nous pourrons peut-être y arriver.
    Je vais poser toutes mes questions d’entrée de jeu et vous laisser y répondre.
    Combien de lits faut-il vraiment? Si vous aviez toutes les ressources nécessaires pour vous attaquer à ce problème — parce que c’est un énorme problème de sécurité dans les centres-villes et aussi dans les collectivités autochtones —, de quoi auriez-vous besoin?
     Devrions-nous avoir d’autres modèles comme les loisirs pour les jeunes, comme le modèle islandais? Je sais que l’AYO en a parlé. Quelle est la valeur des centres de consommation supervisée par rapport à certaines de ces autres questions? Que voulez-vous que le gouvernement fédéral fasse?
(1025)
    Si vous me le permettez, je vais commencer. Je dirais que tous ces aspects sont importants.
     Encore une fois, l’une des difficultés au Manitoba, c’est que nous sommes éparpillés sur le plan géographique et que les services ont tendance à être concentrés dans la région de Winnipeg. Nous savons que nous avons besoin de meilleurs services locaux dans l’ensemble des provinces. À propos des lits, je dirais que nous devons appuyer les services pour qu’ils soient offerts localement partout, et cela pourrait certainement être proportionnel à la population.
    Encore une fois, pour ce qui est du reste des services, ce qui me préoccupe, c’est que si on s'occupe uniquement de la gestion du sevrage ou des lits de traitement, on laisse en plan un élément important. Tous les éléments doivent fonctionner ensemble pour que la roue tourne.
    Vous mentionnez aussi, par exemple, d’autres choses comme l’investissement dans des activités parascolaires et d’autres soutiens. Nous savons que les gens qui se livrent à ces activités ont un but. Ils ont des choses pour renforcer leur confiance et leurs compétences. Ils sont moins susceptibles de chercher des sensations fortes et des plaisirs ailleurs, et ils ont moins de temps pour cela. Ce sont certainement des mesures que nous pourrions appliquer.
    Il y a une chose du côté fédéral qui, à mon avis, serait bien s’il y a des fonds disponibles. Par exemple, comme Damon l’a mentionné, nous pouvons examiner des modèles — comme celui de notre Société des alcools et des loteries du Manitoba — où un certain pourcentage doit être fourni à des services comme la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, entre autres, et à des organismes qui fournissent ces services. Ensuite, nous pouvons voir la reddition de comptes et la transparence de ces fonds et les affecter directement aux services. Je pense que ce serait certainement utile.
    Damon, je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose.
    Non.
    Combien?
    Comme je l’ai dit, si nous sommes déjà sous-desservis à 5,2 % pour ce qui est de la santé mentale et de la toxicomanie et que le rapport Virgo dit qu’il faut augmenter le financement à 9,2 %, je dirais même 10 %...
    Quels sont les délais d’attente?
    Les temps d’attente varient, parce que la population du Nord peut avoir accès aux services dans le Sud. Encore une fois, c’est là que le problème se concentre.
     Nous devons améliorer l’accès de façon plus équitable dans l’ensemble de la province, ce qui peut contribuer à réduire le temps d’attente, et nous devons aussi envisager une transition au lieu que les gens se présentent quatre ou cinq fois, de façon répétitive à l’urgence, par exemple, pour entrer en désintoxication, mais sans obtenir le lit et le traitement nécessaires. Il y a ensuite des interruptions dans ce continuum de soins. Je dirais que du point de vue de la santé, nous avons besoin de continuité pour soutenir le traitement. Je pense donc que de nombreux facteurs entrent en jeu.
     Je ne suis pas en mesure de vous dire précisément quels sont les temps d'attente à chaque endroit.
    Monsieur Young.
    Y a-t-il un aspect particulier dont vous voudriez que je parle?
    Un de ceux dont on vient de parler.
    Des voix: Oh, oh!
    Il est certainement important d’investir davantage dans le traitement. Le traitement se fait habituellement au niveau provincial, et il m’est donc difficile de vous donner un chiffre. Cependant, il est certain qu’il faut investir davantage dans le traitement.
    Quelqu’un croit-il que le problème de la méthamphétamine pourrait s’étendre au-delà des provinces des Prairies?
    Lorsque nous examinons d’autres tendances, il est certain que les choses évoluent, et je dirais qu’il y a une sorte de « drogue du jour ». Nous savons parfaitement que les champs de compétence ne correspondent pas seulement aux frontières. Nous voyons des changements, et je crois que c’est une possibilité, absolument.
    Oui. Souvent, c’est une question d’offre et de demande. À mesure que l’offre augmente et se déplace dans différentes régions et que les gens y ont accès, c’est très possible.
     Il y a eu une augmentation dans toutes les provinces. Nous nous sommes concentrés sur les provinces de l’Ouest, mais il y a eu une augmentation dans toutes les provinces. Ce n’est pas un phénomène qui touche seulement les provinces de l’Ouest.
     Quelles sont les répercussions sur les collectivités autochtones?
    Encore une fois, quelqu’un a mentionné qu’il y a un manque de données à certains endroits. Nous n’avons pas de chiffres sur l’ampleur de la consommation de méthamphétamine dans notre collectivité. Nous savons que c’est élevé.
     Je suis au centre-ville, dans l’avenue Higgins. Nous avons un parc à côté de notre centre. Nous avons ramassé jusqu’à 300 seringues par semaine dans ce parc.
    Comme je l’ai dit plus tôt, nous constatons des répercussions directes sur certaines des familles avec lesquelles nous travaillons. Une mère commence à consommer de la drogue, puis les enfants sont pris en charge. La période de guérison de la mère peut être très longue. Je travaille auprès d'une famille depuis plus de trois ans. On a enfin trouvé un meilleur endroit pour la mère.
    Damon, vous vivez au centre-ville de Winnipeg. Quel est l’impact sur le quartier et la vie au centre-ville?
    C’est énorme. On voit des gens dans la rue qui luttent tous les jours pour survivre. Certains meurent. C’est devant vos yeux. Vous ne pouvez pas l’ignorer.
(1030)
    Vous sentez-vous en sécurité? Est-ce sans danger?
    Non, absolument pas.
    Encore une fois, parce qu’il y a différentes approches dans chaque province et territoire, au Manitoba, nous n’avons pas de site d’injection supervisée approuvé par la province. Certaines organisations en créent un de leur propre initiative. Elles réservent une pièce à cette fin et elles essaient de répondre à ce besoin.
    Il y a d’autres choses qui se passent. Je fais partie d’un grand groupe mis sur pied par l’un de nos chefs d’entreprise locaux, l’Alliance pour la sécurité publique et le bien-être communautaire. L’une des choses que nous envisageons, c’est le modèle de centre d’accueil de Calgary, ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour que les gens qui sont dans la rue, qui n’ont nulle part où aller, puissent se prévaloir d’une multitude de nouveaux services — des choses comme les programmes de gestion de l’alcool, etc.
    Encore une fois, un certain gouvernement n’est pas aussi disposé que d'autres à faire ce genre de choses. C’est pourquoi vous voyez ces différences.
    J’allais ajouter qu’en ce qui concerne l’itinérance, c’est aussi très important. L’itinérance augmente au Manitoba. La méthamphétamine en cristaux vous sert à défendre votre place dans la rue, en ce sens que vous restez éveillé plus longtemps, que vous pouvez repousser les gens qui pourraient vous menacer et que cela vous permet de survivre dans la rue. C'est un outil qui sert à cela.
    Encore une fois, en ce qui concerne la réduction des méfaits, nous n’avons certainement pas adopté pleinement cette approche au Manitoba, et je pense que cela pose un problème. Pour ce qui est des populations des Premières Nations, même si nous n’avons pas nécessairement toutes les données, je peux dire qu’au niveau local, au moins 50 % des gens qui ont accès aux soins pour la méthamphétamine en cristaux à l'AFM sont certainement des membres des Premières nations.
    C’est simplement pour vous donner une idée des chiffres.
    Nous devons maintenant passer à M. Lobb.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais simplement dire à M. Ouellette — et je suis sûr qu'il est au courant — que dans le sud-ouest de l'Ontario, d'où Mme Mathyssen et moi-même sommes originaires, nous connaissons malheureusement très bien le problème de la méthamphétamine dans nos collectivités.
    Si j'étais un sans-abri de Winnipeg accro à la méthamphétamine et si j'étais prêt à suivre un traitement, que devrais-je faire? Est-ce que je dois me présenter directement à un centre? Comment les choses se passent-elles?
    Cela peut varier. Si vous présentez des symptômes de psychose ou si vous êtes en état de crise, vous pourriez vous présenter dans un service d'urgence.
    Généralement, les gens se présentent à notre centre de désintoxication non médicale, le projet Main Street. Nous disposons d'une vingtaine de lits pour femmes et d'une trentaine pour hommes. De là, vous pourriez être dirigé vers l'un des programmes de traitement de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, établie à Winnipeg. Nous avons un programme de 28 jours pour les hommes et les femmes.
    Nous avons aussi...
    À titre d'information, combien y a-t-il de lits de disponibles pour le programme de 28 jours?
    Pour les femmes, nous en avons environ 30 et pour les hommes, je pense qu'il y en a 36 ou 40. Je parle de Winnipeg.
    Nous avons ensuite...
    Pour revenir à ce que disait M. Ouellette, il y a 1 500 itinérants à Winnipeg. Je ne dis pas qu'ils consomment tous de la meth en cristaux, mais certains d'entre eux l'ont probablement essayée.
    Oui, beaucoup d'entre eux.
    Ce n'est pas une critique. Je dis seulement qu'avec 36 lits, il vous en manque probablement 500.
    Oui. C'est d'ailleurs pourquoi nous disons que, dans l'ensemble, nous avons besoin de plus de services.
    Ce sont les chiffres pour Winnipeg seulement. Nous avons également beaucoup de gens inscrits à des programmes de traitement en résidence à Thompson, Brandon ou Ste-Rose.
    Ces cliniques augmentent notre capacité, mais nous sommes nettement en déficit sur le plan de...
    Monsieur Lobb, Dre Fandrey veut faire une intervention.
    En plus des lits de traitements, il faut savoir que les gens qui consomment de la méthamphétamine ne pourront pas tous avoir accès à un traitement. La concomitance entre un grave traumatisme et la consommation de méthamphétamine est frappante. C'est pourquoi nous avons besoin de solutions autres que de la désintoxication et des lits de traitement, qui sont bien sûr indispensables; nous avons aussi besoin de programmes pour les personnes qui sont incapables d'arrêter de consommer à cause d'un traumatisme.
    De plus, si on s'attend à ce que les gens deviennent abstinents avant d'aller en traitement, nous devons alors mettre en place des mesures de soutien plus efficaces pour les personnes souffrant d'un traumatisme. Nous ne nous sommes pas encore vraiment penchés sur les traumatismes liés à la consommation de méthamphétamine en cristaux. Dès que les gens auront accès aux services — ce qui serait extraordinaire —, nous devrons offrir de nouveaux services pour traiter les traumatismes. Honnêtement, les temps d'attente pour les services de traitement des traumatismes sont plus longs que pour les services de désintoxication et les services sont moins nombreux.
    Quand vous parlez de services de traitement des traumatismes, voulez-vous dire des services de counselling et des thérapies, par exemple?
    Oui.
    Le fonds d'urgence de 130 millions de dollars est un premier pas, certes, mais pour être réalistes, ces 130 millions ne suffiront pas à régler le problème. Vous avez dit que la Société des loteries et des jeux doit offrir des services aux personnes qui ont une dépendance au jeu. C'est la même chose en Ontario. Ai-je tort de dire que les compagnies pharmaceutiques, les pharmacies et autres entreprises du genre, qui sont associées à cette épidémie, devraient contribuer à ce fonds pour l'augmenter, disons à 800 millions de dollars?
(1035)
    Je le voudrais tellement. L'un des défis associés aux dépendances, c'est qu'il s'agit d'un problème multifactoriel et multidimensionnel. Nous devons donc tous faire partie de la solution. Si nous pouvions inciter d'autres parties à faire leur part, comme les pharmacothérapeutes, oui, ce serait bénéfique.
    Est-ce que d'autres pays — je sais que tous les pays ne le font pas, mais quelques-uns le font — obtiennent de bons résultats en matière de prévention de ce problème, ou...?
    Sheri souhaitera peut-être dire un mot à ce sujet.
    Au Manitoba, nous avons examiné certains protocoles et ils sont... Tout à l'heure, quelqu'un a parlé de l'utilisation d'olanzapine dans les services médicaux d'urgence, mais il peut même y avoir des protocoles de sécurité pour créer l'environnement requis dans le système des soins de santé, par exemple, en s'assurant qu'il n'y a rien de dangereux à proximité et en évitant d'utiliser des choses qui risquent d'aggraver le problème. Nous avons examiné les protocoles en place en Nouvelle-Zélande et en Australie et, bien sûr, au Royaume-Uni.
    Sheri, avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de la recherche?
    Selon moi, l'Australie est un chef de file dans le monde anglophone quant à son approche à l'égard des problèmes liés à la méthamphétamine. Les Australiens sont aux prises avec des problèmes similaires aux nôtres, voire plus graves, depuis au moins une vingtaine d'années. Ils ont consacré beaucoup de temps, d'énergie et de ressources pour explorer tous les aspects de la question. Leur approche vise davantage à réduire les méfaits, elle est plus pragmatique et elle rejoint les gens là où ils sont au lieu de leur imposer, par exemple, de suivre telle voix ou en leur demandant d'être abstinents. Ils réussissent très bien à réduire les pires méfaits découlant de la consommation de méthamphétamine.
    Je suis désolé, mais j'aurais un dernier commentaire à faire et le temps file. J'ai parlé de ce problème avec un grand nombre d'agents de police qui m'ont dit que, contrairement à toute autre drogue, la méthamphétamine en cristaux vole l'âme des gens. Il n'est pas facile de renoncer à cette drogue pour reprendre une vie normale. Que peut-on faire pour aider le 1 % des personnes qui réussissent à se sortir de cette drogue, mais qui ont besoin d'un soutien à vie? Existe-t-il quelque chose pour les aider?
    Ce qui est très important, ce n'est pas seulement, comme vous l'avez dit, de traiter les dommages neurologiques au cerveau; il faut également pouvoir offrir des soutiens constants pour tout autre problème mental sous-jacent. Nous n'avons pas encore analysé la question, mais ces personnes souffrent souvent de dépression résiduelle et de changements d'humeur et il faut traiter ces problèmes simultanément. Si nous omettons ces éléments du portrait global et si nous ne les traitons pas, je pense que nous ratons alors la cible, compte tenu de la puissance de la méthamphétamine en cristaux et de l'état d'euphorie qu'elle procure.
    Oui.
    Me reste-t-il encore un peu de temps?
    Les soutiens sociaux sont également très importants. Ils sont probablement plus importants que tout ce dont nous avons parlé jusqu'à maintenant. Aider les gens à trouver d'autres solutions, des moyens de renforcer leur capacité à réagir positivement dans le monde... Il y a des gens qui se sortent de la méthamphétamine et le taux de rétablissement est supérieur à 1 %. Ce n'est pas facile et c'est pourquoi il faut mettre en place une diversité de mesures de soutien. Le contraire de la dépendance, ce n'est pas l'abstinence, c'est la création de liens.
    À Winnipeg ou au Manitoba en général, d'où provient toute cette méthamphétamine? Est-ce qu'on en produit 20 % au Manitoba? Est-ce qu'elle transite par la frontière? Est-ce qu'elle arrive par l'aéroport? D'où provient la drogue?
    Une grande partie provient de l'extérieur du pays. Ces dernières années, nous avons eu peu ou pas de preuves de l'existence de laboratoires clandestins d'une faible capacité au Manitoba.
    Elle arrive d'où, en fait?
    Le service de police de Winnipeg m'a dit qu'environ 80 % de notre approvisionnement provient du Mexique, des cartels mexicains. Dans une grande mesure, la drogue transite à bord de semi-remorques. Elle atterrit en Colombie-Britannique, à l'extérieur des eaux internationales. Elle est ensuite transférée vers des endroits isolés puis distribuée à la grandeur du pays. Il semble qu'on produise également une petite quantité en Colombie-Britannique. Ce sont de super laboratoires qui produisent de gros volumes de méthamphétamines d'une très forte puissance.
    Je suis désolé de devoir interrompre cette très intéressante discussion.
    Madame Mathyssen.
(1040)
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Messieurs Johnston et Young, mesdames Poulin et Fandrey, je vous remercie pour vos interventions. Il est très clair pour moi que vous êtes de ces intervenants dont nous avons désespérément besoin. Je vous suis très reconnaissante pour le travail que vous faites dans la collectivité et auprès des gens.
    Ma première question est pour Dre Poulin, mais n'hésitez pas à intervenir pour faire un commentaire.
    Docteure, j'ai ouï dire que vous êtes une rock star dans votre collectivité grâce à votre travail de sensibilisation. Vous avez dit que la plupart des services offerts dans le Sud ne sont pas disponibles dans le Nord. Le coût pour aller sur place et ramener les gens des collectivités nordiques vers le Sud doit être exorbitant. Pouvez-vous nous parler de votre travail de sensibilisation à cet égard.
    Bien sûr, le coût du transport dans le Nord est astronomique et l'a toujours été, mais même en facilitant cette démarche... Certaines personnes doivent descendre de The Pas jusqu'à Winnipeg, puis remonter à Thompson. C'est un itinéraire complexe. Nous savons que nous perdons toujours des occasions lorsque les gens ne sont pas amenés de porte à porte. Cela nous préoccupe de plus en plus. Nous ne cessons de demander plus de services et plus de moyens.
    Je dis toujours que non seulement nous n'avons pas de service local, pas seulement pour le transport, mais que nous avons également besoin d'une expertise soutenue dans ces régions. Nous travaillons notamment dans le cadre de nos modèles de cliniques d'ARTT. Nous n'en avons pas encore parlé, mais ce sont des cliniques accès rapide pour le traitement de la toxicomanie. Nous offrons des services aux consommateurs de méthamphétamine en cristaux et d'autres substances. Nous avons cinq cliniques pilotes à Thompson, à Brandon, à Selkirk et à Winnipeg.
    Nous essayons de nous infiltrer dans ces régions afin d'y créer des capacités. Par ailleurs, je travaille également avec des diplômés en médecine étrangers, qui forment un fort pourcentage des fournisseurs de soins dans les régions rurales du Manitoba. Leur présence est une autre façon pour nous de créer des liens et d'offrir un soutien. Là encore, je pense que nous devons en tenir compte sur le plan des finances également.
    Merci.
    Monsieur Johnston, je vois que vous portez la peau d'orignal. Je vous remercie d'avoir clairement dit que la préoccupation que nous avons ici au sujet de la violence contre les femmes et les filles est étroitement liée à cela.
    Vous avez parlé des compressions budgétaires au Manitoba. Je sais pertinemment que vous n'êtes pas un spécialiste du budget, mais je me demande si, avec ces compressions, on sait où va l'argent. Vous avez dit que l'argent destiné à la santé avait été réaffecté. Que pensez-vous du fait que le gouvernement fédéral n'impose aucune condition aux gouvernements provinciaux? Je pense que le financement devrait être assorti de conditions.
    Qui bénéficie de tout cet argent qui arrive? Selon vous, comment devrait-il être utilisé?
    Tout d'abord, il faut faire preuve de plus de transparence quant à l'utilisation des fonds.
    Un facteur qui entre peut-être en ligne de compte, c'est qu'à son arrivée au pouvoir — je pense qu'il est maintenant à mi-mandat —, le nouveau gouvernement au Manitoba a annoncé une réforme majeure de notre système de santé.
    Cette réforme a du positif, à mon avis, dans la mesure où, par exemple, de nombreux praticiens et ceux d'entre nous qui s'occupent davantage des problèmes de santé mentale et de toxicomanie savent que ces troubles sont souvent concomitants chez des personnes. Je siège au conseil d'administration de la CMHA Manibota and Winnipeg depuis un certain temps. Il y a un consensus de longue date sur la nécessité de rapprocher ces deux disciplines dans la structure du système de santé. C'est une bonne nouvelle.
    Il y a eu le rapport Peachey, puis le rapport Virgo et, si j'ai bien compris, le gouvernement vient de mettre sur pied un comité de mise en oeuvre. Nous sommes nombreux à espérer que la réforme du système de santé au Manitoba sera pour le mieux, mais elle pose des problèmes parce que le personnel essaie de s'adapter et de comprendre le sens de tous ces changements. Cela mine le moral et le rendement du personnel. C'est un gros problème.
(1045)
    Nous ne pouvons faire autrement que de nous poser des questions quand nous voyons le rapport Peachey mettre l'accent sur la santé mentale et les dépendances et le rapport Virgo dire que nous avons besoin d'un financement accru. Ensuite, on nous demande de faire des coupures annuelles — de 1 à 4 % au cours des dernières années —, non seulement à la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, mais pour d'autres services de santé mentale et de toxicomanie. Cela nous rend un peu perplexes et nous nous demandons d'où proviendra l'argent qui nous permettra d'accroître nos services. Cela ne fait que mettre ce problème en lumière.
    Ce qui nous serait utile, ce serait que vous mettiez en place des mécanismes qui nous garantiraient un financement plus certain et plus durable, comme je l'ai dit tout à l'heure, et que vous rendiez les organisations de santé comme la nôtre responsables, afin que l'argent soit versé plus directement aux organismes qui assurent les services.
    Merci.
    En 1996, Roy Romanow a dit que les services de santé mentale étaient les orphelins du système de soins de santé. Il semble que ce soit toujours vrai.
    Je voulais parler un peu de l'incidence de la pauvreté. Comme vous le savez, nous avons maintenant une nouvelle mesure de la pauvreté, la mesure du panier de consommation. Selon l'ancien système, il était établi que 19 % des aînés vivaient sous le seuil de la pauvreté; en passant à la mesure du panier de consommation, ce pourcentage est ramené à moins de 5 %. La magie de la manipulation des chiffres.
    Je m'interroge sur l'incidence de la pauvreté sur ces populations traumatisées, comme les Autochtones, ces gens qui requièrent des interventions. Selon vous, la pauvreté contribue-t-elle à ce malaise?
    Certainement, c'est un facteur contributif qui nous préoccupe parce que nous avons un pourcentage plus élevé de cette population. Dans notre système social, nous sommes de plus en plus confrontés à un problème de pauvreté-dépendance.
    Là encore, de nombreux traumatismes apparaissent de diverses façons. Nous le savons. La recherche indique que ce problème risque de toucher davantage de personnes puisque les dépendances et la consommation de substances constituent un important facteur de risque. Je pense que la solution repose en grande partie sur des stratégies qui englobent le logement et d'autres mesures de soutien social, qui répondent à des besoins de base.
    Le temps est écoulé.
    Nous avons pris du retard, mais je vais laisser M. Eyolfson poser une autre question.
    Monsieur, pouvez-vous poser votre question rapidement?
    Merci, monsieur le président.
    La seule qui me vient à l'idée pour le moment... Nous en avons beaucoup parlé, nous avons eu beaucoup de problèmes liés à la drogue et je l'ai constaté dans la profession que j'exerçais avant. Il y a une très étroite interaction entre la santé mentale, la toxicomanie et l'abus de substances en général. Nous savons qu'un fort pourcentage de drogues consommées le sont par des personnes touchées par ces problèmes sous-jacents et qui, puisqu'elles n'ont pas encore reçu de diagnostic de troubles mentaux, essaient de s'auto-médicamenter, même des adolescents.
    Nous avons diagnostiqué de la schizophrénie chez des adolescents venus consultés pour leur problème de consommation; il se trouve qu'ils prenaient des drogues parce qu'ils entendaient des voix. Dans cette population, il est très difficile de dépister la méthamphétamine en particulier et, comme vous l'avez dit, monsieur Young, ces gens sont souvent sous-représentés dans les enquêtes.
    Avez-vous une idée du pourcentage de personnes dépendantes de la méthamphétamine qui ont des problèmes de santé mentale sous-jacents, que ce soit un trouble mental grave comme la schizophrénie, un trouble bipolaire ou une maladie du genre?
    Nous ne le savons pas vraiment. Nous avons fait quelques sondages ou études ponctuels, mais nous ne le savons pas vraiment.
    L'une des recommandations formulées, c'est que nous devons investir, comme l'ont mentionné mes collègues de Santé Canada, dans un observatoire national sur les drogues, afin que nous puissions vraiment comprendre la nature du problème. J'ai entendu quelque chose à ce sujet. J'ai oublié où, mais on disait que la plupart du temps, les crises liées aux drogues sont des crises de désespoir qui s'ajoutent à un approvisionnement instable de drogues. Quand vous mettez ces deux choses ensemble, vous obtenez un mélange très toxique qui cause beaucoup de torts à nos collectivités.
    Incidemment, nous voyons beaucoup de personnes ayant des troubles concomitants. L'un des problèmes inhérents, c'est que notre système est cloisonné et financé. Les mandats sont distincts selon qu'il s'agit de traiter une personne souffrant d'un trouble mental ou d'en traiter une autre ayant un problème de consommation de substance. Quand elles frappent à la porte pour recevoir des services de santé mentale, elles se font dire qu'elles doivent d'abord traiter leur problème de toxicomanie avant de pouvoir bénéficier de services en santé mentale. C'est l'histoire de la poule et de l'oeuf. Ces personnes sont envoyées à droite et à gauche et nous ratons carrément la cible. Je le répète, nous avons besoin de stratégies qui prennent en compte l'ensemble des problèmes. De cette manière, nous pourrons briser le cercle et abandonner cette stratégie cloisonnée parce qu'elle ne fonctionne pas.
(1050)
    Merci.
    Paradoxalement, vous me rendez nostalgique de mon ancienne profession, parce que nous avons constaté la même chose. Si quelqu'un se présente en disant qu'il a des problèmes de santé mentale et des problèmes de dépendances, les professionnels qui traitent les dépendances ne le traiteront pas tant qu'il n'obtiendra pas de l'aide pour sa santé mentale. Les professionnels de la santé mentale ne vont pas l'accepter tant qu'il aura des problèmes de dépendance...
    Malheureusement, nous en sommes toujours au même point aujourd'hui.
    Nous en sommes encore là.
    D'accord, c'est tout ce que j'ai à demander.
    Je remercie le Comité d'avoir eu l'indulgence de m'accorder du temps supplémentaire.
    Merci beaucoup d'être venus.
    Ce n'était pas du temps supplémentaire, vous y aviez droit.
    Je tiens à remercier sincèrement nos témoins. Je vous remercie pour tout ce que vous faites, parce que votre travail est difficile. Vous parlez de vies, de santé, de jeunes et de problèmes énormes. Je vous remercie beaucoup pour ce que vous faites.
    La séance est levée.
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