HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 20 octobre 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. Le quorum est atteint.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités.
Ce matin, nous poursuivons notre étude sur la crise des opioïdes au Canada. Nous accueillons le Dr Evan Wood, de la Colombie-Britannique.
D'après ce que je comprends, il est environ 5 h 45 chez vous; nous vous remercions donc d'être avec nous.
Nous accueillons également M. Guy-Pierre Lévesque, directeur et fondateur du centre communautaire Méta d'Âme.
De plus, nous accueillons Dr Ujainwalla, de Recovery Ottawa. Nous vous remercions d'être ici et de livrer un exposé.
Monsieur Lévesque, je crois que vous devez partir un peu plus tôt. Vous pouvez donc livrer votre exposé dès maintenant. Vous avez 10 minutes.
Comme on l'a dit, je m'appelle M. Guy-Pierre Lévesque. Je suis le fondateur de Méta d'Âme, un organisme dirigé par les pairs. En effet, dans notre centre, nous sommes tous des pairs, c'est-à-dire des gens qui ont déjà utilisé ou qui utilisent toujours des opioïdes.
En 2013, nous avons lancé un programme appelé PROFAN.
[Français]
Nous l'appelons Aller plus loin. Le programme porte sur la prévention, la réduction des surdoses, la formation par les pairs et l'accès à la naloxone.
Méta d'Âme est une association d'usagers dont les principes de base sont fondés sur l'auto-habilitation. Nous travaillons à l'amélioration de la qualité de vie des personnes qui consomment des opioïdes —comme l'héroïne, la morphine et d'autres médicaments — grâce, entre autres, à notre centre de jour et à nos 22 logements avec un soutien communautaire apporté par les pairs, naturellement.
PROFAN est une réponse à une recommandation de 2011 de la Commission des stupéfiants des Nations unies. Selon cette recommandation, il est impératif d'inclure dans le continuum de services offerts aux personnes utilisatrices d'opioïdes un accès facilité à la naloxone, et de compléter le tout avec des programmes de formation et d'éducation. C'était la résolution 55/7. Elle parlait de
[Traduction]
faire la promotion des mesures de prévention des surdoses de drogues, surtout les surdoses d'opioïdes.
[Français]
PROFAN est un acronyme pour prévention, réduction, overdose, formation, accès et naloxone. C'est donc vraiment un programme de prévention.
Ce programme vise à habiliter les usagers à reconnaître les signes et les symptômes ainsi qu'à différencier les surdoses de différentes drogues. Malheureusement, il y a une épidémie de surdoses d'opioïdes, mais il y a aussi des surdoses de stimulants. Nous formons les gens à reconnaître ces choses.
Nous formons aussi les usagers à pratiquer la réanimation cardiorespiratoire, ou la RCR. Nous leur montrons aussi comment réagir à une situation de surdose, afin d'être capables d'appeler le 911. Pour un usager, Il y a de multiples contraintes de faire cette démarche. Nous les formons à être en mesure de réagir de la bonne façon. Naturellement, réduire le nombre de décès par surdose est l'objectif ultime.
En ce qui a trait à la communauté, les objectifs sont les suivants: élaborer une stratégie qui permettra à un ou à plusieurs médecins d'être partenaires du projet et de prescrire de la naloxone aux participants ayant suivi la formation; démontrer la faisabilité et l'accessibilité du projet de prévention de surdoses et d'accès à la naloxone dans une démarche de formation par les pairs, qui est la particularité de ce programme; documenter et évaluer les démarches faites dans le projet pilote et mettre en place un système de collecte de données, ce qui est déjà fait; munir la communauté d'outils pour faire face aux surdoses, soit les premiers répondants, les ambulanciers, les policiers et toute personne qui peut intervenir en situation d'urgence.
Le programme est constitué de deux sessions de formation; une courte d'une durée de deux heures et demie et une plus longue d'une durée de cinq heures et demie. La formation courte ne comprend pas la RCR. Les ateliers sont divisés de la façon suivante. Le premier atelier porte sur la prévention et l'éducation sur les surdoses. Le deuxième atelier montre la façon d'agir en situation de surdose, à savoir quels sont les signes et les symptômes d'une surdose d'opioïdes ou d'autres drogues, les techniques de RCR et l'administration de la naloxone.
Ce sont tous des pairs formateurs. Nous avons eu recours à des membres de notre association qui sont des usagers et nous avons pris le temps de les former adéquatement, afin qu'ils puissent donner de la formation à leur tour. Il s'agit de personnes qui consomment ou qui ont déjà consommé des opioïdes ou d'autres drogues, ainsi que du personnel qui travaille dans les ressources dont les services sont utilisés par des personnes qui consomment ou qui ont déjà consommé des opioïdes ou d'autres drogues. Au niveau communautaire, cela constitue un filet qui est très près de la rue, ce qui est un atout.
Il y a un aspect important à souligner. Selon les ressources, le personnel qui travaille à cet égard peut être ou non une personne qui consomme ou qui a déjà consommé des opioïdes ou d'autres drogues. Pourquoi? Parce que souvent, dans les groupes communautaires, les utilisateurs de drogues sont présents. Ils travaillent à certains niveaux et en viennent à s'intégrer aux équipes de travail. Ils sont des usagers, mais ils sont dans un groupe communautaire et y sont employés.
Les participants formés reçoivent une attestation qui les habilite à intervenir en situation de surdose et à utiliser adéquatement la naloxone dans les situations de surdose d'opioïdes.
En conclusion, PROFAN est une réponse communautaire à ce problème. Les pairs ont commencé la rédaction de PROFAN en 2013. Pourquoi? C'est parce que dans les différentes conférences auxquelles j'ai assisté, que ce soit à travers le Canada ou en Europe, on parlait d'une augmentation des surdoses. Cela m'a permis de comprendre qu'un phénomène se développait. J'ai pris l'initiative d'intégrer, dans le plan d'action de l'organisme, l'objectif de créer un programme de formation. C'est ce que je viens de vous présenter.
Des partenaires se sont joints au projet en 2014, soit le Centre de recherche et d'aide pour narcomanes — le CRAN —, l'Institut Douglas, la Direction de la santé publique de Montréal et le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.
Depuis le début de ses activités, des pairs, des organismes communautaires ainsi que des pharmaciens du réseau participent à PROFAN. Nous avons réussi à asseoir tous ces intervenants à la même table afin d'évaluer le projet et de le mettre en place pour une première année. Maintenant, nous envisageons sa troisième année d'existence.
Depuis la mise en place du programme il y a 18 mois, 378 personnes ont été formées et 21 vies ont été sauvées. Nous observons un changement de comportement chez les usagers qui ont été formés et cela reste à être démontré scientifiquement. Le chercheur M. Michel Perreault, qui est rattaché au centre de recherche en santé mentale de l'Institut Douglas, travaille actuellement à évaluer tout cela. C'est donc un projet qui est évalué.
Nous essayons aussi de comprendre la rétention des gens quand ils suivent la formation et jusqu'où peuvent aller les pairs dans la formation et leur capacité à le faire.
Nous avons découvert que lorsque les pairs formaient des gens, ils se donnaient un peu un mandat de sauveteurs et se sentaient beaucoup plus responsables dans la communauté. C'est là qu'on voit le début d'un changement de comportement, ce qui est très important. Ces gens sentent qu'ils jouent un rôle important et ils y tiennent beaucoup. Nous pensions que ce programme serait disparate, mais finalement, c'est très pointu et les gens y participent beaucoup.
Nous recommandons de mettre en place des programmes similaires à PROFAN à l'intention des consommateurs de drogues, et ce, partout où il est possible de le faire. Il faudrait aussi donner de la formation à tous ceux qui sont en traitement de substitution et qui font souvent des rechutes. Ces gens sont les plus susceptibles de faire des surdoses. Il faudrait former ces gens à mesure qu'ils reçoivent de la méthadone, par exemple. Souvent, ces gens côtoient d'autres personnes qui consomment et ils seront en mesure de sauver quelqu'un.
Il faudrait recommander aux personnes en traitement pour la douleur d'avoir en leur possession une trousse de naloxone. Il y a beaucoup d'accidents ou de prises de médicaments non prescrits. Ceux-ci sont pris dans la pharmacie de la mère ou de père. Nous croyons que les gens qui obtiennent ces ordonnances devraient recevoir une petite formation de sensibilisation avant d'obtenir leur trousse. Cela permettrait peut-être de sauver des vies. Si on forme les gens en matière de prévention, ils s'apercevront d'un problème lorsque quelque chose clochera. Il est important de garder de façon sécuritaire les médicaments qui se retrouvent à la maison. Naturellement, il serait important d'avoir une trousse sous la main au cas où un adolescent, par exemple, consommerait des médicaments pour la douleur qui ont été prescrits au père ou à la mère. C'est une chose qu'il faut faire.
Il faut permettre aux pairs travailleurs de rue de former les utilisateurs de drogues directement sur le terrain en leur donnant une brève formation et qu'elle soit adaptée. Par exemple, nous avons des travailleurs de proximité qui vont dans le centre-ville de Montréal. Ils sont en contact avec beaucoup de gens qui consomment des opioïdes, que ce soit des vendeurs ou des consommateurs. Il serait pertinent qu'on donne à ces personnes une brève formation directement sur le terrain et qu'on leur émette un permis pour qu'elles puissent avoir de la naloxone.
Au Québec, il y a un vide législatif parce qu'on n'a pas encore établi de règles concernant la gestion de la naloxone. Pour le moment, à Montréal, nous fonctionnons avec une ordonnance collective.
Cela ne couvre que le territoire de Montréal, les personnes qui consomment et tout leur entourage. Il peut s'agir de parents, de colocataires, d'amis ou même de travailleurs communautaires évoluant dans un organisme comme le nôtre ou comme Cactus. En fait, toutes sortes d'organismes non gouvernementaux peuvent intervenir en ce sens.
C'est essentiellement ce que nous faisons. Nous avons rédigé la documentation en 2013, et en 2014, nous nous sommes joints au CRAN, comme je l'ai déjà mentionné. Il y a eu une vague de surdoses à Montréal au printemps 2014, et naturellement, on nous a incités à mettre en oeuvre notre projet.
À Montréal, présentement, l'épidémie de fentanyl ou d'autres médicaments de contrebande fabriqués par des laboratoires n'est pas aussi importante. Par contre, nous savons qu'un laboratoire fabriquant du fentanyl situé dans le nord de Montréal a été l'objet d'une saisie il y a un an et demi. Par chance, il n'y a pas encore eu d'escalade de surdoses, bien qu'il y en ait toujours trop. Toutefois, nous croyons qu'à un moment donné, ce problème va toucher la province de Québec. Nous devrons alors être prêts.
Je vous remercie.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Nous entendrons maintenant Dr Evan Wood, professeur de médecine à l'UBC.
Bonjour, docteur Wood. Si vous êtes prêt à livrer votre exposé, vous avez 10 minutes.
Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui.
Je m'appelle Evan Wood. Je suis professeur de médecine à l'Université de la Colombie-Britannique, où je suis titulaire d'une chaire de recherche du Canada de niveau 1. Je suis également médecin spécialisé en traitement des toxicomanies et directeur médical des services de toxicomanie à Vancouver Coastal Health.
Comme vous le savez, au Canada, la toxicomanie entraîne des coûts très élevés — plus de 40 milliards de dollars par année, selon les estimations. Manifestement, ces données précèdent le début de la crise des opioïdes. Je crois que vous connaissez bien certaines des interventions nécessaires pour contrer cette crise, mais je tenais à prendre quelques minutes pour vous expliquer certaines des causes structurelles de l'émergence de ce problème et certains des obstacles structurels qui nous empêchent de contenir la crise efficacement.
À mon avis, le premier problème auquel le Canada peut vraiment s'attaquer pour améliorer la santé et la sécurité publiques et explorer ce défi, c'est que traditionnellement, au Canada — contrairement à d'autres États —, nous n'offrons pas de formation en toxicomanie à nos fournisseurs de soins de santé. Imaginez qu'une personne souffre d'un problème médical grave, par exemple une crise cardiaque. Cette personne sera amenée dans un environnement de soins intensifs et confiée aux soins d'une équipe médicale dont les membres sont spécialisés en cardiologie. Ensuite, les membres de l'équipe cardiovasculaire suivront des lignes directrices et des normes établies pour diagnostiquer le problème de santé et proposer un traitement efficace. Malheureusement, au Canada, puisque nous n'offrons aucune formation en toxicomanie à nos fournisseurs de soins de santé, ces derniers ne savent pas quoi faire et ils finissent souvent par mettre les patients à risque. Ce qui nous ramène aux origines de l'épidémie d'opioïdes qui sévit actuellement au Canada, car il est évident qu'on a exploité un manque de connaissances sur les opioïdes d'ordonnance comme l'OxyContin, ce qui a mené à des pratiques d'ordonnance non sécuritaires. Manifestement, l'omission d'utiliser des traitements fondés sur les données probantes dans les cas de dépendance à l'alcool et aux drogues est également préoccupante.
En plus du manque de formation chez les fournisseurs de soins de santé, le manque général d'investissement dans ce domaine signifie qu'il n'y a pas de normes et de lignes directrices liées au traitement de la toxicomanie. En Colombie-Britannique, on utilise depuis longtemps la thérapie par la méthadone pour traiter la dépendance aux opioïdes. Cette approche est déconnectée des systèmes de soins axés sur la guérison et ne tient pas compte d'un médicament beaucoup plus sécuritaire — la buprénorphine ou la naloxone.
Les intervenants de Vancouver Coastal Health, en Colombie-Britannique, ont récemment élaboré des lignes directrices pour le traitement de la dépendance aux opioïdes en utilisant une approche médicale fondée sur les données probantes pour déterminer les traitements de première ligne, de deuxième ligne ou de troisième ligne, afin de trouver la meilleure façon d'aider les gens à se rétablir d'une dépendance aux opioïdes. Nous souhaitons étendre cette approche à l'échelle nationale par l'entremise de l'Initiative canadienne de recherche sur l'abus de substances, dont je suis heureux de parler.
Un autre obstacle structurel que je tiens à mentionner, c'est qu'au Canada, on regroupe de plus en plus les notions de santé mentale et de toxicomanie. Même si notre pays fait face à des défis importants dans le domaine de la santé mentale — et j'appuie certainement les approches visant à renforcer le système de soins pour les gens souffrant de problèmes de santé mentale —, lorsque nous abordons le problème de la toxicomanie sous l'angle de la santé mentale, cela soulève plusieurs préoccupations. Tout d'abord, lorsqu'on combine le financement de ces deux domaines, la plus grande partie de cet argent est utilisée pour régler les problèmes de santé mentale au détriment des problèmes de toxicomanie.
La toxicomanie est réellement l'un des problèmes de santé les plus négligés au Canada et je vous encourage vivement à identifier clairement le financement et les appuis réservés pour les problèmes de toxicomanie. Autrement, cet argent est continuellement versé dans le trou noir qui combine les problèmes de santé mentale et la toxicomanie, et on finit par négliger les problèmes de dépendance. Il existe des façons concrètes de cibler les efforts déployés dans ce domaine, et j'en parlerai bientôt, mais le regroupement des problèmes de santé mentale et de la toxicomanie entraîne certainement des conséquences imprévues.
Manifestement, certaines personnes souffrent à la fois de problèmes de santé mentale et de problèmes de dépendance, mais en général, lorsqu'une personne souffre d'une dépendance, que ce soit au tabac, à l'alcool ou aux opioïdes, on ne devrait pas dire qu'elle souffre d'un problème de santé mentale. En effet, les interventions que reçoivent ces personnes sont généralement adaptées aux personnes souffrant d'un grave problème de santé mentale et elles sont ainsi susceptibles d'intensifier les effets d'une surdose. Par exemple, on prescrit habituellement de la benzodiazépine aux gens qui souffrent d'anxiété. On prescrit aussi fréquemment ces médicaments aux toxicomanes, encore une fois en raison d'un manque de formation médicale. Pourtant, ces médicaments augmentent le risque de surdose mortelle.
Je présume que vous avez vu le rapport publié plus tôt cette semaine sur la nécessité de mettre sur pied des programmes de surveillance des ordonnances. La Colombie-Britannique a mis en oeuvre l'un des programmes de surveillance les plus efficaces au pays pour examiner les ordonnances données par les médecins. Cela nous permet d'évaluer le patient devant nous, de déterminer quelles ordonnances ont été suivies et de nous attaquer au problème des gens qui ont reçu plusieurs ordonnances et qui s'en servent pour vendre des médicaments dans la rue. Toutefois, même en Colombie-Britannique, il s'agit d'une approche réactive. Il existe une capacité de mettre en oeuvre des programmes de surveillance dans lesquels les collèges de médecins et de chirurgiens pourraient repérer les pratiques non sécuritaires en matière d'ordonnance et s'attaquer systématiquement à ce problème. Il s'agit certainement d'une mesure qui doit être prise au Canada.
Je crois que je dois également préciser que, dans une large mesure, nous pensons toujours que les problèmes de toxicomanie relèvent du système de justice pénale. Au bout du compte, cette pratique nuit à la sécurité et à la santé publiques. Manifestement, nous devons appuyer l'application de la loi lorsque la toxicomanie et la criminalité vont de pair, mais nous devons réellement tenter de trouver des solutions qui sont fondées sur des données probantes, qui favorisent les traitements des dépendances et qui peuvent soutenir les gens pendant qu'ils se rétablissent, au lieu d'adopter une approche qui renforce la stigmatisation et qui contribue à détériorer, au bout du compte, la santé et la sécurité communautaires.
J'aimerais vous donner quelques points à retenir en guise de conclusion. Ensuite, je serai heureux de répondre à vos questions.
Le premier point concerne la formation des fournisseurs de soins de santé. Le Collège des médecins et des chirurgiens et le Collège des médecins de famille mettent en oeuvre ces stratégies. Je vous encourage certainement à les appuyer. J'aimerais mentionner un autre point que je n'ai pas soulevé plus tôt, et c'est que les problèmes de toxicomanie sont beaucoup trop répandus pour qu'on les confie aux médecins spécialisés. Nous devrions réellement envisager d'offrir aux médecins de famille une formation adéquate en matière de prévention et de traitement de la toxicomanie.
Deuxièmement, il faut se dire que la toxicomanie est un problème de santé qu'il est possible de prévenir et de traiter et il faut éviter de regrouper les problèmes de santé mentale et ceux liés à la toxicomanie, car cela crée de la confusion. J'aimerais vous donner un exemple d'initiative qui pourrait être adoptée par les Instituts de recherche en santé du Canada en vue d'affecter des ressources à la toxicomanie. Les États-Unis ont créé un institut, le National Institute on Drug Abuse, qui se concentre sur la toxicomanie. Mais les IRSC n'ont pas d'institut comparable au Canada. Cela signifie que notre pays avance à l'aveuglette lorsqu'il s'agit d'adopter des approches liées à la toxicomanie. L'Initiative canadienne de recherche sur l'abus de substances produit certainement des résultats positifs — et elle est financée par l'IRSC —, mais nous pourrions certainement améliorer grandement ces résultats grâce à l'intervention ciblée.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, les programmes de surveillance des ordonnances fournissent une excellente occasion de diminuer les pratiques en matière d'ordonnances non sécuritaires et de veiller à ce que les problèmes créés par l'OxyContin ne se reproduisent pas. Il nous faut manifestement des stratégies qui nous permettent de traiter la douleur en toute sécurité. Nous constatons de plus en plus que les opioïdes peuvent être très dangereux dans le contexte de la douleur chronique, surtout lorsqu'il s'agit de problèmes de santé qui pourraient être traités par des médicaments non opioïdes.
Je pense que je vais m'arrêter ici. J'aimerais seulement insister sur le fait que nous améliorons les résultats en matière de sécurité communautaire et de santé publique lorsque nous considérons que la toxicomanie est un problème de santé. Cela exige certainement de grands efforts de concentration et beaucoup d'énergie, et c'est manifestement le but de votre réunion. Je m'arrêterai donc ici et je vous remercie de vos travaux.
Je vous remercie de vos travaux et de votre contribution à l'étude du Comité.
Nous passerons bientôt aux questions, mais tout d'abord, nous entendrons Dr Mark Ujjainwalla de Recovery Ottawa.
Vous avez 10 minutes pour livrer votre exposé.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître et de prendre le temps de vous pencher sur cet enjeu important.
Je suis médecin et spécialiste en traitement des dépendances. Je suis certifié par l'ASAM depuis 1988. Je travaille dans le domaine de l'évaluation, de l'intervention et des traitements en matière de toxicomanie depuis plus de 30 ans.
En 1995, j'ai élaboré le programme de santé de l'Association médicale de l'Ontario. J'ai passé la plus grande partie de ma carrière à aider des professionnels et à les envoyer surtout aux États-Unis pour recevoir des traitements. Il s'agissait surtout de médecins et de gens qui avaient beaucoup à perdre. C'était dans les années 1980 et 1990. Je peux vous dire que dans les années 1980 et 1990, nous étions la référence en matière de traitement des dépendances, certainement en Amérique du Nord, et c'est parce que nous étions branchés sur les États-Unis.
En Ontario — et je peux seulement parler de l'Ontario —, pendant les années 1970, 1980 et 1990, nous pouvions envoyer des gens aux États-Unis, où ils recevaient un traitement complet au centre Betty Ford, à Hazelden, ou au centre Talbott. L'un ou l'autre, c'était la même chose. Le régime d'assurance-maladie de l'Ontario payait les coûts liés au traitement qu'ils recevaient là-bas, et à leur retour, ils recevaient des soins de suivi. Nous avions un excellent programme qui a aidé de nombreux Canadiens.
Dans les années 1990, le gouvernement a décidé de mettre fin à cette pratique. Il voulait utiliser l'argent pour ouvrir des centres de traitement ici, en Ontario. Malheureusement, cela ne s'est pas concrétisé. Selon mes observations, on s'est contenté de fermer des établissements psychiatriques et de se débarrasser de ces types de patients. On n'a pas mis sur pied des programmes de traitement complets comme on l'avait promis. C'était le début de la crise que nous vivons en ce moment.
Je suis tout à fait d'accord avec de nombreux commentaires formulés par Dr Wood. Le problème auquel nous sommes confrontés ici, c'est que les opioïdes ne représentent pas la cause réelle des problèmes de dépendance. Le véritable problème, c'est l'incapacité du système de soins de santé actuel de traiter les dépendances. La dépendance est une maladie biopsychosociale qui touche 10 % des membres de la société, probablement davantage si vous comptez les familles, et c'est le problème médical qui reçoit le moins de financement dans notre société.
De plus, c'est un problème de santé qu'on peut facilement prévenir et traiter. C'est dommage que les gens ne s'en rendent pas compte. Lorsque ce problème touche votre famille ou vous-même, vous pouvez ressentir la douleur et la souffrance et vous assistez en direct au déroulement de cette tragédie.
Dr Wood a parlé de la cardiologie et de ce qui se passe si vous éprouvez des douleurs à la poitrine. Je présume que si l'un d'entre vous devenait soudainement aveugle et que je lui demandais s'il préfère recevoir une canne blanche ou être envoyé dans un institut de la santé oculaire pour consulter un chirurgien de la rétine, il choisirait le chirurgien.
Le problème auquel nous sommes confrontés, c'est le manque de connaissance et de compréhension général — au sein de la société, du milieu des médecins, de la population en général et surtout du gouvernement — à l'égard de ce problème de santé et des traitements possibles.
Au cours des 25 dernières années, j'ai dirigé le programme de toxicomanie de l'école de médecine d'Ottawa. Au fil du temps, le temps alloué à ce programme a été réduit de 25 à 3 heures. Les gens ne semblent pas vouloir prendre ce problème au sérieux, mais en même temps, ils veulent parler du fentanyl et des autres drogues semblables et céder au sensationnalisme. La raison du décès n'a pas d'importance. Par exemple, qu'on ait utilisé un fusil ou un lance-roquettes, c'est une arme qui vous a tué. La cause n'a pas d'importance. Le problème, c'est que cet enjeu est mal compris et je crois que ce sont des gens comme vous, des gens qui prennent le temps d'écouter ces témoignages, qui parviendront peut-être à changer les choses. C'est du moins ce que je souhaite.
J'ai fondé un centre de gestion du sevrage des opioïdes à Ottawa. Ce centre est autofinancé. Il ne reçoit aucun financement du gouvernement. Au début, nous n'avions aucun patient et maintenant, nous traitons environ 1 000 patients au Suboxone et à la méthadone à Vanier. Nous avons sept médecins. J'ai constaté que ces personnes voulaient désespérément qu'on les aide. Elles sont victimisées, marginalisées et diminuées. Ces gens sont réellement des âmes perdues et nous devons absolument les aider.
L'autre jour, j'ai reçu une carte que j'aimerais vous montrer. C'est une carte de remerciement de l'un de mes patients. Cette personne tenait à me dire à quel point sa vie avait changé grâce à moi et à notre personnel. Elle a dit qu'elle serait toujours reconnaissante de nos services et nous remercie de l'avoir aidée à devenir la personne qu'elle est aujourd'hui.
Je crois que c'est ce qui m'aide à continuer, même si nous n'avons aucun financement et aucun traitement.
Certains d'entre vous habitent à Ottawa. J'ai recommandé un patient à un psychiatre et voici la réponse que j'ai reçue après six mois d'attente. On me dit qu'étant donné le nombre élevé de demandes reçues, il y a une période d'attente de deux ans. Son bureau n'est donc pas en mesure d'accepter mon patient et je dois donc m'adresser à l'Hôpital Royal Ottawa.
J'ai appelé l'Hôpital Royal Ottawa, car c'est le CTSM d'Ottawa. Tout d'abord, si vous n'avez pas de carte d'assurance-maladie de l'Ontario, vous ne pouvez pas entrer dans cet hôpital. Vous pouvez aller en prison sans carte d'assurance-maladie de l'Ontario, je le sais, mais vous ne pouvez pas entrer dans un hôpital sans cette carte. On ne nous recevra pas. Même si vous avez une aiguille dans le cou, on ne vous recevra pas. Il faut attendre de deux à trois mois pour voir un médecin qui vous évaluera et ensuite, il faut attendre plus de neuf mois avant d'être accepté dans un programme. Il faut donc attendre environ un an; ces gens sont désespérés. Ils s'injectent des drogues. C'est une habitude qui coûte de 600 à 1 000 $ par jour et ils n'ont pas d'emploi. Manifestement, ils doivent trouver cette somme chaque jour. Ils ont donc recours à la prostitution, à la vente de drogues ou au vol. Le crime est inacceptable et nous en faisons tous partie.
J'ai donc décidé d'appeler le centre de désintoxication d'Ottawa, car ce centre reçoit beaucoup de financement. Devinez quoi? Il n'offre pas un traitement de désintoxication médical. Si vous téléphonez à ce centre parce que vous êtes en sevrage de benzodiazépines, d'alcool ou d'opioïdes, on vous répond qu'il n'y a aucun médecin, infirmière ou infirmier sur les lieux et que vous devez aller à l'hôpital. Mais si vous téléphonez à l'hôpital, on vous répond qu'on ne peut pas vous aider.
Vous ne pouvez pas aller à l'hôpital Royal. Il n'y a pas de service d'urgence dans notre hôpital psychiatrique et il faut donc se rendre au service d'urgence de l'hôpital général, notre hôpital universitaire, et demander où se trouve le service de toxicomanie. On vous répond qu'il n'y en a aucun. Lorsque vous demandez ce que vous devez faire, on vous répond d'attendre, ce que vous faites pendant 13 ou 20 heures, tout en présentant de graves symptômes de sevrage. Ensuite, un étudiant de première année en médecine ou un médecin résident vous examine, mais comme l'a dit Dr Wood, cette personne n'a reçu aucune formation en traitement de la toxicomanie.
Voici le cas d'un patient qui a été amené à l'hôpital en ambulance. Il était inconscient. Je ne peux pas vraiment lire ceci — ce sont des pattes de mouche, comme l'écriture de tous les médecins —, mais on dit que le patient a été trouvé inconscient à un arrêt d'autobus. On l'a réveillé et on a posé un diagnostic d'intoxication. Ensuite, pour renouveler ses médicaments d'ordonnance, il fallait assurer un suivi avec son médecin de famille, mais il n'en avait pas. Et c'est tout ce qu'on a fait. Cela se produit dans un hôpital universitaire de notre pays. C'est un piètre résultat. J'enseigne fréquemment à l'université et je fais passer des examens au College Royal. Si vous donnez cette réponse dans le cadre d'un examen, vous l'échouerez. Vous ne pouvez pas laisser une personne mourante quitter un hôpital. C'est ridicule. Mais c'est ce que nous faisons tout le temps, jour après jour.
Le gouvernement semble penser qu'il suffit de créer des sites d'injection pour régler ce problème. Oh, et il ne faut pas oublier de distribuer des brochures. Voici la brochure qu'on vous donne. J'ai demandé à plusieurs représentants des médias d'examiner cette brochure avec moi. Nous avons téléphoné à tous les intervenants suggérés pour vérifier si nous pouvions obtenir de l'aide. Après quatre heures, les représentants des médias ont dû se rendre compte qu'aucune aide n'était offerte.
Personne ne vous aidera. Pas un seul centre de traitement ne vous administrera de la méthadone ou du Suboxone. Aucun traitement médical n'est offert. Aucun médecin ne participera à l'intervention. Il n'y a rien. Vous devez remplir des formulaires du SAATO, un document de 12 pages. Comment cela vous aide-t-il? Vous êtes en train de mourir d'une maladie et vous remplissez des formulaires. Imaginez que vous souffrez de douleurs graves à la poitrine et qu'on vous demande de remplir un formulaire de 12 pages et d'attendre ensuite pendant 13 heures. C'est un scénario impossible.
À titre de médecin et de médecin spécialisé en toxicomanie dans cette province, j'ai honte de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Vous pouvez l'entendre dans ma voix et dans mon enthousiasme. En ce moment, j'ai 1 000 patients — 1 000 patients. Je fais face à cette situation tous les jours. Nous tentons d'aider ces gens du mieux que nous pouvons. Nous collaborons avec le SATJ, les commissions de libérations conditionnelles et les prisons.
C'est un cauchemar bureaucratique. Il s'agit d'un problème de santé facilement traitable, mais nous ne faisons rien, à part parler du fentanyl, du fentanyl et encore du fentanyl. Nous avons un groupe de gens qui ne connaissent pas le sujet dont ils parlent ou un groupe de sensationnalistes suivis par les médias plutôt qu'un groupe de personnes qui parlent d'un problème de santé traitable appelé « dépendance » et qui nous conseillent de prendre le temps de revenir aux années 1980 pour étudier les méthodes utilisées à l'époque, lorsque ce problème n'existait pas. Nous avions de nombreuses ressources à l'époque. De 10 à 20 % des gens avaient ce type de problème, mais ils recevaient des traitements.
Toutefois, si ces gens ne peuvent pas voir un psychiatre, ne peuvent pas consulter un médecin spécialisé en toxicomanie et ne peuvent pas recevoir de traitements, que sont-ils censés faire? Ils se retrouveront évidemment dans les environs du marché. Chaque individu récemment mentionné dans les nouvelles était l'un de nos patients. La fille qui s'est fait poignarder l'autre jour ne s'est pas fait poignarder à cause du fentanyl. Elle a été poignardée parce qu'il lui manquait 15 $ pour payer sa cocaïne. Le vendeur s'en est rendu compte, il est revenu et il était tellement drogué qu'il l'a tuée à coups de couteau devant le centre d'hébergement. On a tiré sur un autre homme l'autre jour. Il s'agissait d'un autre crime lié aux drogues. C'était également l'un de nos patients.
Ces gens ont besoin d'aide. Ils sont désespérés. Ils vivent dans une zone de guerre ici. Vous n'avez qu'à vous promener au centre-ville pour les observer. Vous pouvez m'accompagner et je vous les montrerai. Cela se passe ici, dans la capitale du Canada, et c'est honteux. Nous devrions saisir cette occasion d'annoncer, ensemble, que nous allons tous poser des gestes concrets pour résoudre ce problème. Nous ne laisserons pas ces gens mourir.
Merci.
J'aimerais remercier chaleureusement tous les témoins de la passion qu'ils manifestent à l'égard de cet enjeu. Nous comprenons certainement votre message.
Nous passons maintenant aux questions. La parole est à M. Oliver.
J'aimerais remercier les trois témoins de leurs excellents témoignages, et des recommandations et des réflexions qu'ils nous ont présentées.
J'aimerais prendre un peu de recul et faire un bilan de la situation. Le gouvernement et les membres de notre Comité sont certainement très préoccupés par le nombre de surdoses et de décès, surtout ceux attribuables aux opioïdes. De nombreux témoins nous ont dit qu'il s'agit d'une crise de santé publique et non d'un problème de nature criminelle. Je vous ai entendus dire la même chose.
La ministre de la Santé a dévoilé une stratégie fédérale globale qui consiste à mieux informer les Canadiens sur les risques liés aux opioïdes, à appuyer de meilleures pratiques en matière d'ordonnance, à réduire l'accès facile aux opioïdes non nécessaires, à appuyer de meilleures solutions de traitement fondées sur de meilleures données probantes pour les patients, à permettre l'utilisation de la naloxone, à importer des vaporisateurs nasaux de naloxone des États-Unis et à rendre illégaux des drogues et des produits chimiques utilisés pour fabriquer du fentanyl.
Un sommet pour parler de la crise des opioïdes se déroulera en novembre, et je crois qu'il est organisé par la ministre de la Santé. Nous tentons d'obtenir des recommandations de témoins comme vous pour les présenter au cours de cette discussion.
M. Wood a indiqué très clairement qu'il était nécessaire d'offrir aux fournisseurs de soins de santé primaires une formation en toxicomanie et en stratégies de traitement, d'établir des lignes directrices et des normes en matière de pratique afin qu'une méthodologie soit suivie à cet égard, de financer directement le traitement des dépendances plutôt que d'offrir un financement qui vise à la fois les problèmes de santé mentale et les problèmes de toxicomanie, et de créer une base de données sur les ordonnances en ligne.
Docteur Ujjainwalla, je tente de dégager les conseils que vous nous avez donnés. J'ai entendu parler d'une lacune. Est-elle attribuable au fait que nous n'avons pas de catégorie de diagnostics pour ce problème de santé? Par exemple, la personne qui a été laissée au service d'urgence n'a reçu aucun diagnostic. Avons-nous besoin d'un GDC...
On a posé un diagnostic d'intoxication. Cela revient à ce que disait Dr Wood et à ce dont je parlais. Je ne peux pas travailler comme chirurgien de la rétine en ce moment, car je n'ai aucune formation dans ce domaine.
Si vous me confiez ce travail, vous ne survivrez pas. Si vous voulez qu'on vous retire l'appendice maintenant, ne vous adressez pas à moi. Toutefois, si vous souhaitez que votre fils atteint d'une dépendance au fentanyl se rétablisse et retrouve une vie normale, je peux vous aider.
Où sont tous les médecins spécialisés en toxicomanie? Où sont les médecins comme Dr Wood et moi-même dans ces comités qui tentent d'expliquer la situation aux membres des conseils d'administration des hôpitaux, aux RLISS et à tous ces gens qui leur donnent du financement?
Vous parlez de la naxalone, par exemple. Il n'y a pas de limite...
Je comprends qu'il existe une lacune, mais que faut-il faire? S'il existait un diagnostic de toxicomanie ou...
La solution passe par l'action. Il faut passer à l'action. Il faut élaborer un programme de traitement complet pour traiter les dépendances.
Vous n'avez qu'à chercher « Hazelden Betty Ford » dans Google. C'est la norme d'excellence en matière de traitement.
Vous savez, lorsque les gens me demandent de leur expliquer comment résoudre ce problème en 15 secondes, je trouve cela ridicule. Il faut du temps pour expliquer ce que cela signifie. Si vous visitez ce site Web, je peux vous montrer ce que...
Il faut donc que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership en affirmant qu'il est nécessaire de...
Docteur Wood, pouvez-vous formuler des recommandations précises que notre Comité pourrait communiquer au Parlement au sujet de la mise en oeuvre de certaines de ces pratiques?
Je crois qu'il y a un large consensus dans la salle. Le gouvernement fédéral doit vraiment s'assurer que, par l'intermédiaire du Collège des médecins de famille, le programme de formation inclut un volet sur la prévention et le traitement de la toxicomanie.
Je ne veux pas m'attaquer aux spécialistes — je suis moi-même un spécialiste —, mais il s'agit d'une maladie tellement courante. Elle n'est pas rare comme le sont la polyarthrite rhumatoïde ou toute autre maladie peu commune. Comme vous le savez, elle touche 10 % de la population. Il nous faut donc une stratégie axée sur les soins primaires pour former les médecins. Dans l'exemple qui a été donné sur la salle d'urgence, on dit qu'il s'agit d'une intoxication, mais on sait exactement ce qui se passe. C'est seulement que le système de soins de santé est un peu pris au dépourvu; on ne sait pas quoi faire. Il s'agit donc de former les fournisseurs de soins de santé et d'établir des lignes directrices et des normes fondées sur des données probantes.
À titre d'exemple, au St. Paul's Hospital de Vancouver, de janvier à août, il y a eu 2 700 cas de surdoses non mortelles à l'urgence. Les publications indiquent clairement que les gens victimes d'une surdose non mortelle risquent de finir par mourir d'une surdose. Il y a donc un auditoire très captif. On veut faire quelque chose à cet égard. Il n'y a pas de système. On ne parle pas d'un système défaillant: il n'y a pas de système.
Je ne veux pas donner l'impression que la situation est décourageante au point où personne ne sait quoi faire. Il devrait y avoir des normes qui s'appliquent à l'urgence, et des voies fondées sur les preuves et des renvois à des programmes, car je vous le dis, le contribuable paie beaucoup d'argent pour l'envoi d'ambulances, l'envoi de policiers, le traitement des infections, le traitement des maladies pulmonaires ou du foie — toutes les choses qui viennent avec des problèmes de toxicomanie non traités. Il y a donc des économies à réaliser, mais il est nécessaire de former les professionnels de la santé et d'établir des lignes directrices.
Merci beaucoup.
Il y a une autre question que j'aimerais poser avant que mon temps soit écoulé.
Nous n'avons pas entendu de conseil ou d'observation au sujet de l'industrie pharmaceutique: l'OxyContin, les opioïdes, le fait qu'on encourageait leur prescription initialement ou qu'on recommandait aux médecins de les prescrire. Avez-vous une opinion sur le rôle de l'industrie pharmaceutique à cet égard, et avez-vous des conseils à nous donner?
Je serai ravi d'en parler.
Cela a été amplement décrit, et des poursuites ont été lancées, pour des centaines de millions de dollars, aux États-Unis en raison des manigances des fabricants de l'OxyContin. Comme je l'ai mentionné, il y avait un manque de connaissances dans le milieu médical. La présentation de la douleur comme un cinquième signe vital et les insinuations selon lesquelles l'OxyContin est un produit sécuritaire qui ne cause pas de dépendance étaient clairement fausses. L'influence qu'a l'industrie pharmaceutique sur les médecins a eu d'énormes répercussions négatives. On a donc l'occasion de réglementer à cet égard également.
Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter que si je ne peux vous faire de recommandation précise, c'est entre autres parce que les choses fonctionnent tellement mal, qu'on ne sait pas par où commencer. Comme je l'ai dit, vous pourriez consulter le site Web d'Hazelden Betty Ford, présenter cela au gouvernement fédéral et dire que c'est ce qui se passait dans les années 1970, 1980 et 1990. Nous devons ouvrir ces portes.
Concernant ce qu'a dit le Dr Wood au sujet des 2 700 personnes qui ont été victimes d'une surdose non mortelle, quelle occasion unique de leur prescrire le Suboxone. Pourquoi ne pas simplement prescrire à la personne du Suboxone, l'envoyer à ma clinique et lui fournir le traitement? C'est simple: cela se règle en deux temps trois mouvements. À la place, les gens ne savent pas ce qu'ils font. Ils sont irrités par ces personnes. Ils consacrent, comme il l'a dit, beaucoup de ressources et jettent de nouveau ces personnes à la rue. Elles se font arrêter par la police et retournent en prison. Voilà le problème.
Tout indique vraiment qu'il faut rouvrir les portes. On ne peut pas faire attendre des gens pendant deux ans avant qu'ils puissent consulter un psychiatre. C'est ridicule. On ne peut pas ne pas avoir de centres de traitement ou de désintoxication non médicale. C'est ridicule. Nous sommes en 2016.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux vraiment remercier nos témoins, car l'un des aspects qu'il manque à notre étude, à mon avis, c'est le point de vue des intervenants de première ligne.
Je veux commencer par vous, docteur Ujjainwalla. Je pense qu'en fait, vous êtes le premier professionnel de la santé à comparaître devant notre Comité qui travaille auprès de personnes dépendantes des opioïdes tous les jours, et je vous remercie de nous donner votre point de vue. Je vous remercie également de l'exprimer avec beaucoup de passion. Je pense que tout le monde ici constate à quel point vous êtes dévoué, mais aussi découragé de voir que les différents paliers de gouvernement ne prennent pas vraiment le taureau par les cornes pour régler le problème. Je vous remercie de votre travail, et j'ai quelques questions à vous poser.
Je vois que vous le faites. Aucun autre témoin qui a comparu devant nous ne soigne les personnes concernées. Je me demande si vous pourriez expliquer quels types de soins appropriés vous prodigueriez à une personne dépendante des opioïdes qui diffèrent de ce dont il a été beaucoup question au cours de nos réunions, soit les centres d'injection sécuritaire ou lieux d'injection supervisée. Vous venez de dire qu'on abandonne les gens dans la rue, et donc, ils entrent, mais on les rejette à la rue. Pourriez-vous nous donner des conseils sur les soins qu'il convient de fournir? Vous soignez ces gens, vous les aidez. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
La question rejoint celle de M. Oliver concernant ce qu'on dirait aux gouvernements provinciaux et fédéraux sur la façon de traiter cette maladie qu'est la toxicomanie. En tant que médecins, nous nous basons sur des données probantes, et ce que nous disons, c'est que nous devons utiliser les ressources ou les processus qui aident les gens. Je suis médecin depuis 30 ans, et j'ai été formé pour aider les gens, pour traiter les maladies que l'on peut traiter.
Supposons qu'un patient est aux soins palliatifs et qu'il mourra. Mon père est décédé à l'unité des soins palliatifs, et je sais ce que c'est. Il n'allait pas se rétablir, alors oui, on lui a donné beaucoup d'opiacés. C'était correct, car il avait mal aux os et il allait mourir. Or, c'est une tout autre histoire lorsqu'il s'agit d'une personne de 26 ans qui, deux ans plus tôt, faisait partie de l'équipe de soccer de l'Université McGill et qui vit maintenant dans la rue et s'injecte de l'héroïne et fume du crack, alors que deux ans plus tôt, elle vivait à Westmount. Voilà une personne que nous pouvons aider.
Comment aide-t-on ces gens? Cela passe par la désintoxication médicale. Qu'il s'agisse d'alcool, de benzodiazépines, d'opiacés ou d'amphétamines, cela n'a pas vraiment d'importance. Il faut élaborer un plan global dans le cadre duquel on examine les problèmes un à un, et il faut le faire de la bonne façon. Malheureusement, on ne peut pas le faire en 10 minutes. Souvent, il faut hospitaliser la personne pour pouvoir prendre le temps d'analyser les choses de plus près, comprendre l'élément biopsychosocial pour traiter cette femme afin que le sevrage soit effectué de façon adéquate.
Pour nous, dans le monde des opiacés, le Suboxone et la méthadone sont des cadeaux du ciel. Pensez-y: si une personne vole jusqu'à 1 000 $ par jour pour acheter des timbres de fentanyl, pensez au crime. La personne a 26 ans, et elle doit obtenir 800 $ aujourd'hui. Il est 8 heures, et elle vit un sevrage pénible. Le sevrage des opiacés, c'est comme avoir le virus de Norwalk et une crise de panique en même temps. C'est tout simplement horrible. Elle fera n'importe quoi. Il nous faut donc voir au sevrage, et le Suboxone et la méthadone fonctionnent très bien.
Il ne s'agit pas du traitement; il s'agit d'aider la personne à abandonner graduellement cette vie horrible dans laquelle elle se procure des produits pharmaceutiques ou de l'héroïne et à se trouver dans une situation où elle est assez stable pour changer sa vie. C'est le prochain volet. Une personne qui va dans un centre de traitement, qu'il s'agisse de Bellwood, d'Homewood ou d'un autre centre, commence à changer sa vie. Le problème, ce sont les raisonnements. Nous nous concentrons sur le comportement des personnes, c'est-à-dire, la consommation de drogues. Elles en consomment pour faire face à tous leurs problèmes. Elles aiment le faire parce que cela les fait sentir normales. Le problème, ce sont les conséquences de la consommation. Ce qu'il nous faut faire, c'est examiner les problèmes physiques, affectifs et psychologiques, la situation professionnelle, financière, familiale, etc.
Encore une fois, au cours des 25 dernières années, j'ai envoyé des professionnels, des médecins et de nombreux politiciens suivre un traitement aux États-Unis. Ils sont restés là-bas pendant trois mois et à leur retour, ils ont été capables de rester sobres. Si je pouvais vous aider à comprendre à quoi ressemble un programme de traitement complet, alors vous pourriez l'expliquer au reste du monde.
Je peux concevoir qu'une approche globale fonctionne. Beaucoup de témoins nous ont dit que les centres d'injection sécuritaire constituent la solution. Je trouve plutôt qu'on abandonne ces gens en quelque sorte, qu'on ne fait que les replonger dans ce qu'ils font jour après jour. Je me demande si vous pouvez nous parler des réalisations de votre centre. Faites-vous des injections sécuritaires dans...?
Tout d'abord, je ne doute pas que vous ayez beaucoup entendu parler des centres d'injection. L'utilisation du mot « sécuritaire » est un moyen de communication. Si j'avais une seringue remplie de fentanyl dans la main, est-ce que quelqu'un se porterait volontaire pour que je lui injecte le produit dans le cou? J'en doute, car ce n'est pas quelque chose de sécuritaire à faire.
Pour ce qui est du mot « supervisé », l'idée provient de la situation — je suis sûr que le Dr Wood pourrait en parler — à Vancouver. Fort bien, c'est une question de santé publique liée au VIH et à l'hépatite C. Il ne s'agit pas d'une question de dépendance, à mon avis. C'est presque comme de la poudre aux yeux de la part du gouvernement pour dire que si nous faisons ceci, alors nous n'avons pas à établir un programme complet qui coûterait des milliards de dollars comparativement à un centre d'injection qui coûte peut-être un demi-million de dollars.
D'après mon expérience, si j'avais la possibilité d'aller mieux, pourquoi je n'en profiterais pas? Voici l'une des analogies que j'utilise. Supposons que je suis un sauveteur et qu'une personne est en train de se noyer. Je la sors de l'eau, je fais la RCR. Elle est en vie. Par la suite, je la lance dans l'eau. Pourquoi ferais-je une chose pareille? Puisque les personnes sont sur place, traitons-les, car il existe des traitements pour cette maladie.
Le problème, à mon avis, c'est que partout, la porte est fermée. C'est comme si c'était devenu une « option de traitement » alors que c'est plutôt que les sans-abri peuvent se rendre dans ces endroits, et j'imagine que s'ils cessaient de respirer, quelqu'un les réanimerait. Le fait est qu'à Ottawa seulement, probablement entre 3 000 et 4 000 personnes s'injectent à la maison quotidiennement, et ils le font cinq à huit fois par jour, ce qui représente 30 000 injections par jour. Ce n'est donc pas tout le monde qui en meurt.
Ce que je veux dire principalement concernant le traitement, c'est que si une femme est sans-abri, est atteinte de l'hépatite C, n'a pas mangé, souffre de maladies, de problèmes de toxicomanie, de dépression, et doit se prostituer tous les matins afin d'obtenir de l'argent, pensez-vous vraiment qu'elle veut se réveiller le matin? Ce n'est pas une vie. C'est un véritable enfer. Je pourrais vous montrer des photos. Si je vous montrais le visage de ces personnes, vous constateriez qu'elles vivent un enfer. Elles ne veulent pas faire cela. Si je leur donnais un choix, s'il y avait une autre option...
Or, il n'y a pas d'autre option. Voilà le problème. Voilà pourquoi je vous dis tout cela. Il n'y a pas d'autre option.
J'ai ouvert cette porte parce que j'ai constaté que c'était nécessaire. Nous avons aidé 1 000 personnes en trois ans. Nous avons sept médecins qui travaillent sans relâche, toute la journée, pour essayer d'aider les gens. Notre problème, c'est que nous ne pouvons pas passer à l'étape subséquente. Il n'y a pas de fonds pour l'aide psychologique ou pour tout type de programmes de traitement. Il n'y a que des obstacles partout.
On dirait presque qu'il y a une conspiration visant à ne pas traiter la toxicomanie. On dit plutôt « écoutez, voici la solution: venez dans notre sous-sol pour recevoir une injection, et nous vous donnerons un dépliant et vous repartirez ». C'est la solution offerte pour traiter la toxicomanie. À mon avis, en tant que Canadiens, nous ne croyons pas cela. Je connais beaucoup de personnes vraiment merveilleuses qui appuient mon idée de fondation que je vais essayer d'établir, pour privatiser cela, pour établir nos propres centres. Si le gouvernement ne le fait pas, je crois que nous devrons le faire. Je ne peux tout simplement pas voir des gens mourir et souffrir tous les jours.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leurs exposés.
Ma question s'adresse à vous, docteur Wood. Dans les années 1990, dans ma collectivité, le quartier est du centre-ville de Vancouver, où il y a eu une épidémie de surdoses, à l'époque, le médecin hygiéniste a annoncé une intervention d'urgence en santé dans notre quartier. En réalité, des gens meurent de surdoses. Les gens de notre collectivité se sont rassemblés, et 1 000 croix ont été plantées dans le parc du quartier pour rendre hommage à chaque personne décédée. Je comprends que les traitements sont nécessaires.
À la suite de ces efforts, des représentants municipaux et des deux paliers de gouvernement se sont réunis — je vois que la Dre Hedy Fry est ici — et nous avons travaillé ensemble pour proposer l'approche des quatre piliers: réduction des méfaits, traitement, prévention et application de la loi. Ce qui a émané du pilier de la réduction des méfaits, c'est le centre d'injection supervisée, ce qui était fondé sur des données probantes. Depuis ce temps, le centre a montré que personne ne meurt d'une surdose à cet endroit, d'où les possibilités pour les gens de suivre un traitement et un chemin différent ultérieurement.
Le centre d'injection supervisée de Vancouver est-il un programme efficace? Pouvez-vous nous le dire, docteur Wood? Je crois comprendre qu'il y a également le centre Onsite, qui est situé au-dessus du centre d'injection supervisée. Je me demande si vous pouvez en dire plus à ce sujet et parler du lien essentiel qui vient après Onsite et de ce qu'il manque.
Mon observation philosophique la plus importante, ce serait de dire à quel point il est contre-productif d'opposer les interventions en santé publique et les traitements médicaux et les interventions de rétablissement, car il n'est pas nécessaire de les voir comme des activités d'intervention opposées ou isolées.
Je comprends très bien l'exaspération de mon collègue à l'égard du type d'attention qu'on accorde aux interventions en santé publique alors que le système de traitement n'existe pas encore. Il nous faut une approche globale. À défaut de cela, comme je l'ai dit, nous dépensons dans les soins de santé. Chaque cas d'infection à VIH coûte en moyenne environ 500 000 $ à notre système de soins de santé. Prenez en considération le montant dépensé pour prendre soin d'une personne qui souffre de lésions cérébrales hypoxiques et qui, pour cette raison, devra être placée dans un établissement pour le reste de sa vie et se faire soigner aux frais des contribuables. L'hépatite C chronique est courante. Plus de 70 % des gens qui s'injectent des drogues en sont atteints. Le médicament utilisé pour le traitement de l'hépatite C coûte environ 1 000 $ la dose. Non seulement des gens meurent et le gouvernement n'intervient pas, mais cela représente d'énormes coûts de soins de santé.
Concernant la réduction des coûts, Insite a permis de réduire le nombre de cas de surdose de même que de partage des seringues et d'autres types de comportement à risque élevé, ce qui fait que, bien entendu, il a notre appui. Je pense que tout le monde devrait l'appuyer, car partout au Canada, il y a des programmes qui, par exemple, pour réduire les méfaits et les coûts, fournissent des aiguilles propres aux gens. Un programme comme celui d'Insite correspond, en fait, à ce que j'appellerais une approche conservatrice, en ce sens qu'il permet au système de soins de santé de faire en sorte qu'une aiguille ne se retrouve pas dans un parc, que les jeunes ne voient pas une personne s'injecter des substances, qu'une intervention se déroule dans un milieu où l'on peut inciter une personne à suivre un traitement.
Malheureusement — et je sais que c'est une énorme source de frustration pour mes collègues spécialisés en toxicomanie —, aux nouvelles, on montre des centres d'injection, et on laisse entendre que le contribuable investit énormément. Je vous dirais que le Vancouver Coastal Health, dont je suis le directeur médical des services de toxicomanie, consacre des centaines de millions de dollars à la santé mentale chaque année. Il dépense un montant presque négligeable, moins d'un sixième de cela, pour la toxicomanie, et une minuscule partie, une somme vraiment anodine, dans l'injection supervisée, ce qui fait alors économiser des sommes énormes aux contribuables. Parmi les choses qu'il est capable de faire, il a un programme de désintoxication à l'étage au-dessus qui s'appelle Onsite, qui peut accueillir des gens, les aider pendant le processus de désintoxication et les amener à suivre un traitement. Il le fait de façon très efficace.
Concernant les gens qui veulent opposer l'un de ces volets à un autre, c'est vraiment insensé. Nous avons besoin d'une approche globale. Nous avons besoin d'un système de soins pour la toxicomanie qui prend les gens où ils sont, et ces programmes sont très utiles. Il nous faut ouvrir la porte au traitement de la toxicomanie et au rétablissement, mais cette porte, comme des documents publiés en Europe l'indiquent, signifie prendre les gens où ils sont. Je dirai franchement que ces interventions sont liées à la réduction du nombre d'injections dans la collectivité, et j'appuie certainement une démarche de santé publique, et cela s'est avéré efficace à Vancouver.
Si des erreurs ont été commises, c'est à cause de l'importance insuffisante qui a été accordée au traitement de la toxicomanie dans les années 1990. Nous essayons de nous en sortir maintenant à l'aide de certaines mesures dont j'ai parlé. Cela inclut la formation des fournisseurs de soins de santé et l'élaboration de normes et de lignes directrices, mais sur le plan des pratiques médicales fondées sur les données probantes, le centre d'injection supervisée fait assurément preuve d'efficacité. Évidemment, il nous faut une approche globale.
Merci.
Pour poursuivre dans la même veine, je dirais qu'il est clair que les centres d'injection supervisée et les approches basées sur la réduction des méfaits sauvent des vies. Ils s'attaquent à toutes sortes de problèmes qui ont des répercussions sur la collectivité également.
Vous avez parlé de la question des traitements. Onsite fournit de l'aide à cet égard. Or, lorsqu'ils sortent d'Onsite — je sais que c'est un problème dans ma propre collectivité —, les gens n'ont pas de meilleurs choix. Je pense souvent que d'autres options de traitement à plus long terme ne sont pas accessibles, et par conséquent, nous créons tout un problème au sein du système. Les gens se retrouvent devant une porte tournante.
Cela étant dit, docteur Wood, pourriez-vous nous dire quelle mesure doit être prise à la prochaine étape? En attendant, nous faisons face à une autre crise concernant l'utilisation du fentanyl. Des gens meurent dans nos collectivités, non seulement dans la mienne, mais partout au pays. Pourriez-vous parler du projet de loi C-2 et nous dire si, selon vous, il devrait être abrogé?
Concernant votre première question, Onsite est situé dans le quartier est du centre-ville de Vancouver, et ce que vous dites est exact: c'est un endroit où les gens qui sont en crise, dont la vie est un enfer, voient la possibilité de vivre autre chose. On leur fournit un lit, mais que se passera-t-il après? Évidemment, nous voulons sortir les gens du quartier. Il n'y a pas d'investissements dans des systèmes axés sur le rétablissement. À moins d'investir 20 000 $ dans un programme de traitement qui coûte cher, la porte n'est tout simplement pas ouverte. Les listes d'attente sont longues. Cela n'a absolument aucun sens.
Je ne suis pas avocat, et je ne veux pas soulever un débat politique concernant le projet de loi C-2. Je pense seulement que beaucoup de faussetés ont été véhiculées. J'ai constaté dans quelle mesure, lorsque ces choses suscitent des confrontations, les gens deviennent figés dans leur position. Ils mettent des oeillères. Ils ne comprennent pas que se concentrer sur la prévention des interventions en santé publique ne permet pas d'atteindre l'objectif lié à une autre chose qui se présente. Je n'ai simplement pas vu cela. J'encourage fortement tout le monde à essayer de s'élever au-dessus de la partisanerie dans cette crise et à se concentrer sur les meilleures solutions. De toute évidence, il s'agira d'une approche fondée sur les données probantes.
Un peu plus tôt, on a suggéré que cela coûtera cher. Je veux seulement répéter que nous dépensons cet argent. Nous le dépensons pour les salles d'urgence, les services liés au VIH et à l'hépatite C, et des programmes destinés à des gens qui ont des lésions cérébrales hypoxiques. Il y a aussi un coût lié à la productivité, et bien entendu, un coût pour les familles qui ont perdu un être cher. L'argent est dépensé dans les conséquences.
Si nous pouvons réduire ces coûts grâce à des programmes de santé publique qui ont fait leurs preuves, bien entendu, j'appuie l'idée, mais nous avons aussi besoin d'une approche globale, une approche qui inclut un bon système de traitement. La formation des fournisseurs de soins de santé et l'établissement de lignes directrices et de pratiques exemplaires: c'est un excellent moyen de déterminer où il faut investir cet argent et d'aller de l'avant.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je remercie les trois témoins d'être parmi nous ce matin.
Je ne travaille pas dans le domaine médical, mais je vois qu'il s'agit bel et bien d'un signal d'alarme. Je suis ici entouré de médecins, ce qui fait que l'aspect médical pourra facilement être abordé.
Je vais plutôt parler de l'aspect social de l'approche, et ce, malgré les imperfections que cela peut comporter. L'être humain est une personne imparfaite. C'est du moins ce que mes 50 ans d'expérience m'amènent à conclure.
Docteur Ujjainwalla, d'après ce que j'ai compris, toutes les classes de la société sont touchées par les dépendances. À cet égard, il n'y a pas de frontières entre les classes. Tout le monde peut devenir dépendant de médicaments. Est-ce exact?
Par contre, est-ce plus aigu au sein d'une classe particulière ou parmi des gens qui ont moins de chance dans la vie? Je pense, par exemple, à des gens qui sont moins bien entourés et qui entrent dans un cycle de dépendance et de non-solution parce que l'aide familiale n'existe pas et que l'aide de la société n'est pas adéquate.
Est-ce en partie ce que vous avez constaté pendant toutes vos années de pratique?
[Traduction]
Oui. Je crois que la dépendance, comme toute autre maladie à laquelle nous sommes confrontés dans le domaine médical, traverse toutes les frontières. Si vous êtes diabétique, votre revenu n’a aucune importance. De façon générale, la dépendance, qui englobe la toxicomanie liée à la consommation d’alcool et d’autres drogues, touche tout le monde.
Pendant 25 ans, comme je l’ai indiqué, j’avais seulement affaire à des professionnels. Parmi toutes les personnes aux prises avec une dépendance, il y avait des députés, des députés provinciaux, des médecins, des avocats, des comptables, des dentistes et des pharmaciens. C’était un des aspects, et je peux vous dire que j’ai traité des centaines de personnes.
En ce qui concerne les gens qui sont malheureusement consommateurs d’opioïdes, de cocaïne et d’amphétamines, les conséquences de la consommation de ces drogues, qui peut commencer... Croyez-le ou non, j’ai parmi mes patients deux joueurs de hockey professionnels qui se sont blessés en jouant au hockey. Ce sont simplement des hommes ordinaires qui ont subi une fracture au bras. Leur état ne faisait qu’empirer, ce qui est fréquent chez des gens qui développent une dépendance aux médicaments.
Oui, monsieur le président, et j’aimerais avoir l’occasion de le faire avant de partir. Je dois m’en aller, et comme on n’aura peut-être aucune question à me poser, j’aimerais faire un commentaire sur ce qui vient d’être dit, si vous le permettez.
J’aimerais d’abord dire quelque chose. Je suis venu ici pour présenter une approche d’intervention pour les cas de surdose, mais je dois dire que dans nos installations, nous avons un centre de jour, avec des pairs et des travailleurs communautaires, et nous avons aussi des logements. Nous établissons des contacts avec des sans-abri. Nous essayons de les inciter à suivre un traitement et à participer à un programme de trois ans qui comporte un plan d’action pour se prendre en main. C’est une des choses que nous faisons.
Il y a aussi un autre aspect. Lorsqu’on parle des sites d’injection supervisée, il serait important que les Canadiens aient des discussions sur les salles de consommation, pour que les gens sachent qu’on n’y trouve pas seulement des gens qui s’injectent des drogues avec des seringues, mais aussi des personnes qui fument du crack et qui consomment d’autres substances.
Il y a aussi une réaction à l’égard de choses qui dérangent la population, au centre-ville de Vancouver et de Montréal, ou même ici, à Ottawa. Le traitement est aussi une réaction, comme la naloxone, d’ailleurs. Je pense qu’il est très important de commencer à sensibiliser les jeunes le plus tôt possible, dès les premières années du primaire, selon une approche axée sur la réduction des préjudices plutôt que sur l’interdiction, qui est la pire chose à faire, car cela crée une certaine tentation à consommer.
J’aimerais aussi mentionner que les utilisateurs ne sont pas tous dans la rue. Certains ont un domicile. Je tiens également à souligner que l’état des gens qui consomment des drogues empire en fonction de la détérioration de leurs conditions de vie. Une personne qui n’a pas un travail satisfaisant, qui n’a pas un revenu décent, qui n’habite pas un logement salubre et qui ne s’alimente pas bien verra son état se détériorer très rapidement. C’est quelque chose qu’il est très important de comprendre. La personne qui a la capacité de subvenir à ses besoins et d’avoir une bonne qualité de vie pourrait ne pas se retrouver dans la rue, au centre-ville. Elle pourrait souffrir d’une dépendance pendant de nombreuses années avant de chercher à se faire soigner.
Selon mon expérience, ce n’est pas tout le monde qui veut suivre un traitement. Certaines ne se considèrent pas comme malades. Il est donc très important de tenir compte de ces facteurs lorsqu’on met en place des programmes au Canada.
Merci.
Merci beaucoup. Je vous remercie d'être venu. Je sais que vous devez partir tôt; nous vous sommes reconnaissants de votre contribution aujourd'hui.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je serai bref. Après 25 ou 30 ans de pratique, de métier et d'expérience, le même problème existe encore aujourd'hui, 25 ans plus tard. C'est même peut-être pire parce que, finalement, cela augmente. Les solutions de type « sparadrap » qui ont été utilisées il y a 10, 15 ou 20 ans ne suffisent plus. Pourtant, j'ai l'impression qu'on en rajoute tout le temps pour essayer de colmater les fuites.
On parle d'équipes multidisciplinaires et d'interventions qui seraient en amont du problème. Qu'attend-on pour avoir un Betty Ford Center, comme vous en avez parlé, Dr Ujjainwalla?
Depuis toutes ces années, qu'ont donné les interventions que vous avez faites sur le plan gouvernemental? Pour ma part, je suis ici depuis à peine un an. En fait, hier, cela a fait un an, et je suis très heureux d'y être. Toutefois, quand on voit tout cela, on se demande dans quel monde on vit.
Je pense connaître une partie de la réponse. J'ai l'impression qu'il coûte moins cher de mettre un sparadrap, de se fermer les yeux et de se dire que cela s'est bien passé pendant cinq ans.
Monsieur Lévesque, j'ai l'impression que vous faites partie de cette solution de type « sparadrap ». Je ne dis pas cela pour critiquer votre intervention. En effet, elle est extrêmement importante parce que, à court terme, elle peut sauver des vies. Par contre, cela ne règle pas le problème.
Ai-je tort quand je mentionne qu'il s'agit d'un cercle vicieux? Vous avez parlé de l'eau et du sauveteur. Bien qu'on sauve la personne, on sait qu'elle retournera nager. Toutefois, si elle ne sait pas nager car on ne le lui a pas appris, on n'a pas réglé son problème.
Où doit-on agir? Il y a l'aspect politique et il y a l'aspect financier. Tout a des limites, mais où doit-on agir? Que doit recommander le gouvernement à cet égard? Je vais vous laisser une ou deux minutes pour répondre à ces questions.
[Traduction]
Ce sont de formidables observations. Je vais les renvoyer aux politiciens qui sont ici. Dites-moi pourquoi on ne le fait pas. C'était quelque chose de bien et cela n'existe plus. Là est la question; c'est une question rhétorique. Je vous remercie de votre commentaire.
Si la volonté est là, si des gens veulent aider ces personnes, alors vous pouvez le faire. Si vous considérez que ce n'est pas un problème, ou encore que vous ne le vivez pas ou ne le comprenez pas, comment pourrez-vous créer un programme de traitement exhaustif comme celui dont nous parlons? Je pense qu'il incombe à ce comité d'informer les Canadiens sur la nature de la maladie qu'est l'assuétude et sur les diverses composantes qui y sont associées — les composantes associées à la santé publique et toutes les autres choses dont M. Lévesque a parlé — afin que nous ne percevions pas cela comme une solution de type « sparadrap ».
Toutefois, à l'instar de mon collègue, je conviens qu'il ne faut pas opposer les spécialistes de la santé publique aux médecins spécialistes en toxicomanie, aux spécialistes et aux travailleurs sociaux. Nous devons travailler en équipe. À mon avis, ce qui est différent, maintenant, c'est que nous ne travaillons pas en équipe. Tout est si régionalisé, et il y a beaucoup trop de bureaucratie. Tout le monde se préoccupe de son propre emploi et de ce genre de choses. Des gens se disent spécialistes de la réduction des préjudices, par exemple. C'est comme un match entre les Leafs et les Canadiens, sauf qu'on a le spécialiste de la réduction des préjudices contre le spécialiste du traitement. C'est ridicule. Ce que nous devons faire, c'est de travailler ensemble et de reconnaître qu'il existe diverses strates. Comme pour tout autre domaine de la médecine, certaines personnes doivent être aux soins intensifs et d'autres peuvent être soignés en tant que patients externes.
Voilà le problème, et voilà pourquoi j'aborde toutes ces choses. Dans la situation actuelle, si vous voulez consulter un psychiatre, il y a une période d'attente de deux ans. Comment cela peut-il fonctionner? Vous voulez consulter un spécialiste en toxicomanie? Il n'y en a pas. Donc, comment cela peut-il fonctionner? On ne peut aller dans un hôpital psychiatrique.
Voilà ce que je veux faire valoir. Si nous rouvrons ces portes, comme cela se faisait dans les années 1970 et 1980, nous pourrons être fiers de ce système et nous pourrons le mettre au point. Il suffit d'avoir la possibilité de dire que la volonté politique existe et que les Canadiens souhaitent ce changement.
Merci beaucoup. Le temps est écoulé.
C'est là-dessus que se termine la série d'interventions de sept minutes. Nous passons maintenant aux interventions de cinq minutes, avec M. Webber, M. Eyolfson, M. Carrie et Mme Fry.
Monsieur Webber, la parole est à vous.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Lévesque, je vous remercie d'être resté plus longtemps. Je vous en suis reconnaissant. J'aimerais simplement parler de votre centre et de vos progrès par rapport à la trousse PROFAN. Quelles difficultés avez-vous à vous procurer la naloxone?
En fait, nous avons de la naloxone parce que nous avons ce que nous appelons une ordonnance collective du Dr Massé du Département de santé publique de Montréal. C'est pour cette raison que nous en avons. Nous avons des fioles pour faire des injections. Il s'agit d'une trousse qui contient tout le nécessaire. Pour l'obtenir, les personnes doivent pour l'instant suivre une formation. Lorsque le projet de loi sera adopté, cela pourrait changer.
Il y a donc cette formation en deux volets, et il y a même une formation plus courte pour former les vendeurs de drogue. Une fois qu'ils ont obtenu cette formation... Je vois mal toutefois comment on parvient à donner un cours de cinq heures à un toxicomane pour lui enseigner comment s'administrer de la naloxone.
Premièrement, nous savons que les toxicomanes se démènent pour trouver de l'argent, alors nous leur versons une certaine somme. S'ils suivent la formation de courte durée, nous leur donnons 25 $, et s'ils suivent la formation d'une journée, c'est 50 $. De cette façon, nous savons que la personne pourra obtenir sa drogue si elle en a besoin.
Je crois qu'il y en cinq. Les gens peuvent venir chercher chez nous une carte qu'ils présentent à la pharmacie pour obtenir la naloxone. C'est ainsi que cela fonctionne.
À l'heure actuelle, c'est le Département de santé publique qui assume le coût, c'est-à-dire le ministère. Durant la première année, il s'agissait d'un projet pilote puis, vu les résultats, il y a eu une deuxième année et nous en sommes maintenant à la troisième année.
Non, nous ne sommes pas un centre d'injection supervisée. Les gens peuvent consommer chez nous; nous pouvons superviser et nous pouvons aider les gens.
Non, nous ne pouvons pas vérifier les drogues, car nous pourrions être arrêtés pour possession de drogues.
Je vais passer rapidement au Dr Wood.
Docteur Wood, vous avez bien entendu visité Insite et Onsite. Vous travaillez en Colombie-Britannique. J'ai des statistiques dont j'aimerais vous faire part. En 2015, il y a eu plus de 263 000 visites au centre Insite. De ce nombre, 464 personnes ont été envoyées au centre de traitement Onsite pour obtenir de l'aide. Ce nombre représente seulement 7 %. Je trouve étonnant que ce pourcentage soit si bas. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
Oui, certainement. Premièrement, le nombre d'injections ne représente pas le nombre de personnes. Le centre Insite n'est pas pour tout le monde. Les personnes qui le fréquentent sont généralement des itinérants qui vivent dans la rue à proximité du centre. Dans le quartier Downtown Eastside, on estime qu'il y a environ seulement 4 700 personnes qui s'injectent des drogues. Le centre Onsite dispose de 12 lits.
Pour répondre à votre question, comme on l'a dit, il ne s'agit pas d'un véritable centre de traitement des dépendances. De nombreuses personnes ont commencé à s'en sortir grâce à Onsite, mais on peut considérer que ce n'est qu'une porte d'entrée vers un traitement complet dans lequel on n'a tout simplement pas investi.
Insite a sauvé des vies et il a fait épargner de l'argent au système de santé. Toutefois, nous n'avons pas réussi à adopter une approche globale, car on n'a pas investi dans le traitement des dépendances dans une mesure qui correspond à l'ampleur du problème. Les fonds ont été consacrés aux répercussions des dépendances.
Pouvez-vous nous dire rapidement si Onsite ou Insite dispose du matériel nécessaire pour vérifier si les drogues sont sécuritaires?
Non, mais je crois qu'il serait utile de modifier la réglementation, car nous avons observé une transition vers le fentanyl. En général, mes patients ne cherchent pas à obtenir du fentanyl. Le fentanyl est une force du marché. Les gens qui ont des connaissances en économie savent qu'il n'est pas cher, qu'il peut être importé et qu'il n'a pas à être cultivé comme le pavot. Il est une force du marché parce qu'il y a longtemps que ce type de drogue est illégal. Le crime organisé voit les possibilités et les exploite. Il pourrait y avoir une incidence sur le marché si on pouvait vérifier les drogues.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux pour votre présence. Même si M. Lévesque est déjà parti, je tiens à le remercier également. J'ai bien apprécié tous vos commentaires.
Docteur Ujjainwalla, je dois vous dire que j'ai été urgentologue pendant près de 20 ans à Winnipeg, principalement à l'hôpital universitaire du centre-ville. Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que, durant notre formation, ce qu'on nous enseigne au sujet des dépendances est loin d'être suffisant. À l'école de médecine, j'ai seulement reçu une formation de deux heures sur les dépendances qui servait à nous expliquer ce que nous devrions faire si nous avions un collègue qui souffre d'une dépendance. Je savais à qui m'adresser si je découvrais qu'un de mes collègues est toxicomane. C'est essentiellement tout ce que j'ai appris à l'école de médecine. J'en ai appris davantage lorsque j'ai fait ma résidence, car j'ai fait une résidence de cinq ans à l'urgence. La plupart des choses que j'ai apprises au sujet du traitement des dépendances m'ont été enseignées par certains des médecins qui assuraient notre formation, car ils étaient à la fois urgentologues et spécialistes des dépendances. C'est entre les quarts de travail, en discutant tout simplement avec eux que j'en ai appris le plus à propos des dépendances, ce qui ne constitue pas une méthode d'apprentissage très bien structurée, d'autant plus qu'il s'agit d'un sujet très important.
Je conviens que nous n'avons pas les centres de traitement qu'il nous faut. Les médecins de famille ne savent pas quoi faire avec les toxicomanes; ils nous les envoient. Ils viennent à l'hôpital et s'attendent à ce qu'on les garde pour traiter leur dépendance à la morphine ou au fentanyl. Nous devons leur dire que nous ne pouvons pas les garder, car nous n'avons pas de programme de traitement conçu pour eux. Le département de médecine interne ne peut pas non plus les garder, et nous ne pouvons pas les garder à l'urgence. Nous pouvons leur donner une ordonnance pour de la clonidine et les orienter vers un centre de traitement, qui ne pourra pas les recevoir avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. C'est tout ce que nous pouvons faire.
Au départ, je n'étais pas d'accord avec vous, docteur Ujjainwalla, lorsque vous avez parlé de la réduction des méfaits, mais peut-être que je vous ai mal compris. Je crois que nous pourrions convenir que ce n'est pas la seule solution. S'il n'y avait que les centres d'injection supervisée, on ne parviendrait pas à régler le problème. Je crois que nous sommes tous les deux d'accord là-dessus. On a dit que c'était une solution de fortune. Comme je l'ai dit lors d'une autre réunion, lorsque je vois à l'urgence un patient qui saigne, je dois lui mettre un pansement. Si quelqu'un s'est fait poignarder, je conviens que cela n'aurait jamais dû arriver, qu'il aurait fallu empêcher cela, mais cette personne est tout de même blessée.
N'êtes-vous pas d'accord que ces centres contribuent à sauver des vies, mais qu'il faut aussi investir davantage dans le traitement des dépendances?
J'ai dit que les centres de réduction des méfaits et d'injection supervisée pourraient constituer un traitement à court terme pendant qu'on veille à investir davantage.
C'est une petite partie de la solution; je suis d'accord avec mon collègue. Par exemple, à Ottawa, il y aurait probablement seulement entre 20 et 40 itinérants du refuge de la rue Nelson qui viendraient. Il n'y en aurait pas davantage. Je vois des toxicomanes qui proviennent des quatre coins de la ville. Personne ne va prendre l'autobus en février depuis Orléans pour se rendre à un centre d'injection supervisée.
Je suis d'accord avec vous. C'est ce que je disais; je conviens que c'est une petite partie de la solution à un très gros problème.
En effet. J'ai été urgentologue dans une petite communauté pendant une dizaine d'années, où il n'y avait pas de spécialistes sur place. Lorsque je recevais quelqu'un avec une fracture du fémur, je lui faisais une perfusion, je lui installais une attelle, et ensuite j'appelais l'orthopédiste à North Bay. La différence dans le cas qui nous occupe, c'est que les urgentologues ne nous appellent pas, le Dr Wood et moi-même. Il serait très facile de mettre en place un programme qui ferait en sorte que les urgentologues communiqueraient avec un spécialiste du traitement des dépendances, administreraient du Suboxone à la personne, puis l'enverraient à ma clinique le lendemain pour qu'on commence un traitement prodigué par des thérapeutes rémunérés par le gouvernement. C'est aussi simple que cela. Cela pourrait se faire très rapidement, mais c'est l'élément manquant. Ce n'est pas ce que font les urgentologues, et ils ratent ainsi une occasion unique de venir en aide à ces gens. Ils les voient comme des personnes en quête de drogues.
Cela ne se fait pas au Manitoba. Il n'y a personne que je peux appeler et qui pourrait voir la personne dans les jours qui suivent et lui administrer du Suboxone.
Oui, tout à fait. J'ai passé les huit dernières années dans un hôpital qui dessert toute la population.
Je suis tout à fait d'accord. Ce que je peux faire, c'est leur administrer par exemple... le Suboxone est assez nouveau. Nous utilisons la clonidine, qui est assez efficace. Nous faisons des appels, et on nous dit de mettre leur nom sur la liste, mais il peut s'écouler une semaine avant qu'on communique avec eux. Il n'y a personne comme vous, à qui je peux les envoyer immédiatement. J'aimerais bien pouvoir faire cela, et c'est ce que nous voulons. C'est ce que nous demandons. Je suis heureux que vous soyez là aujourd'hui pour nous dire à quel point c'est nécessaire.
Si vous inscrivez dans Google « Suboxone New York » ou « Suboxone Californie », vous n'en croirez pas vos yeux. Il y a des milliers de médecins qui font cela. Il serait facile de mettre cela en place. Pour une raison ou une autre, on n'utilise pas beaucoup le Suboxone au Canada, alors que dans une ville comme Chicago, tous les urgentologues l'utilisent.
C'est très simple, et cela éviterait aux urgentologues de s'occuper de tout cela. Il suffirait de leur administrer du Suboxone et de me les envoyer le lendemain, et c'est tout. Ce serait très facile.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais avoir votre opinion. Je ne veux pas que vous pensiez que je vous dresse l'un contre l'autre.
Docteur Wood, nous avons examiné les statistiques qui figurent dans le site Web de Insite, et elles semblent positives. Nous avons les statistiques pour 2007. Il y a eu environ 3,5 millions de visites depuis que le centre a ouvert ses portes, et environ 18 000 inscriptions au cours de cette période. Comment définissez-vous la réussite, et comment déterminez-vous si le jeu en vaut la chandelle? Je pense que tout le monde convient qu'il faut adopter une approche globale, mais dans le site Web, on dit que, parmi toutes ces personnes qui sont inscrites, 1 200 ont séjourné dans une maison de transition. On ne dit pas vraiment combien de cas ont été bien gérés grâce à un traitement. On ne le mentionne pas. Donc, 1 200 sur 18 000, cela représente 6,6 %, si on considère que le fait d'aller dans une maison de transition constitue une mesure du succès. Est-ce ainsi qu'on mesure la réussite et est-ce que cela nous donne une idée du nombre de personnes qui ont été prises en charge correctement?
Docteur Ujjainwalla, peut-être que vous pourriez nous donner votre opinion. Le centre Insite engendre des coûts. L'association des policiers affirme qu'une centaine d'agents sont affectés là-bas. Si nous multiplions ce nombre par le montant de la rémunération de chaque policier, soit 100 000 $, nous arrivons à un total de 10 millions de dollars. Cette somme n'inclut pas la rémunération des pompiers, des ambulanciers paramédicaux, etc. Si vous aviez les ressources nécessaires, et que ces millions de dollars servaient à soigner les 18 000 personnes inscrites, comment définiriez-vous le succès?
Le problème, c'est que les objectifs sont différents. Ces centres sont créés pour des raisons de contrôle des maladies infectieuses et de santé publique. Nous sommes en faveur de l'établissement d'un centre d'injection supervisée à Ottawa. J'appuie cela activement. J'ai mis sur pied une clinique de traitement de l'hépatite C à Ottawa. Je soutiens donc les initiatives en santé publique.
Je crois que personne n'a la même idée du succès, de la façon de définir le succès. Pour ces gens, le succès est peut-être d'avoir un lit où dormir et de pouvoir prendre un repas.
Le problème est qu'il faut le définir correctement. Dans le milieu de la médecine, nous passons beaucoup de temps à définir le succès et à déterminer le meilleur traitement en fonction des données probantes que nous possédons. Si le succès pour votre fille est de quitter la rue et de dormir dans un lit propre, et c'est ce que vous voulez... J'explique à mes patients que c'est comme s'ils faisaient partie de l'équipe C de hockey, mais il y a également l'équipe B, l'équipe A et l'équipe AAA. Chaque équipe a des attentes différentes. Voulez-vous être une personne qui a un emploi, une famille, qui paie ses impôts et qui profite de la vie? Ou voulez-vous être une personne qui doit agresser des gens et voler dans des pharmacies pour pouvoir consommer? Je ne sais pas à quelle équipe vous voulez appartenir. Il faut savoir aussi si vous connaissez bien ces équipes.
Il est très difficile d'écrire qu'on a réussi et qu'on a sauvé des vies. Je me dis toujours qu'on pense sauver une vie, mais il se peut que la personne soit malheureuse, misérable et que sa vie soit un enfer. Pourquoi dire qu'on sauve des vies et que, par conséquent, il faudrait investir? Il faudrait plutôt s'attarder à ce qui est important: devrions-nous changer le système pour que chacun puisse avoir accès à un logement, à une éducation et à des soins pour traiter sa maladie?
Je conviens que cet argument... J'ai entendu beaucoup d'agents de police. J'ai travaillé avec les chefs de police de l'Ontario. Ils vivent bien entendu de la frustration. Pensez-y. Les centres d'injection supervisée ne fournissent pas de drogues; les toxicomanes doivent avoir leurs propres drogues. Cela signifie qu'à Ottawa, par exemple, les personnes qui consomment doivent se livrer à des activités criminelles dans le marché. Elles se prostituent, elles volent ou elles vendent des drogues. Une fois qu'elles ont les drogues, elles se rendent au centre pour s'injecter. Elles tombent enfin endormies et elles se sentent bien, puis quelqu'un les réveille pour voir si elles sont encore en vie. Elles doivent alors partir pour aller se procurer d'autres drogues. Elles ont besoin de peut-être 300 $, alors elles vont commettre d'autres actes criminels, et rien ne change vraiment.
Ce que je veux dire, c'est qu'à mon avis, on facilite ou on encourage une existence de misère et en même temps, parce qu'on évite des décès, on dit que cela suffit à justifier des investissements. Je crois que nous sommes tous à côté de la plaque. Si c'est le mieux qu'on peut faire, si c'est tout ce qu'on peut obtenir, par exemple si on est dans une zone de guerre, alors c'est très bien, mais je crois qu'on s'entend tous au sujet de tous les autres aspects, qu'il s'agisse de l'éducation ou d'un autre domaine... Prenons les forces armées, par exemple. Nous voulons les meilleures. Nous voulons aussi le meilleur système d'éducation, et tout le monde veut envoyer son enfant à l'école privée.
Qu'est-ce qui est différent dans ce cas-ci? C'est la vie que ces gens mènent. Ils sont malades, mais il est possible de les soigner. Alors, si on peut les soigner, pourquoi ne le fait-on pas? Si on ne peut pas soigner la personne et qu'elle reçoit des soins palliatifs parce qu'il est certain qu'elle va mourir, alors c'est différent. Pour revenir aux propos du Dr Wood, je dois dire qu'il en coûte près de 100 000 $ par mois pour traiter ces personnes qui souffrent de l'hépatite C. Ces gens-là n'ont pas d'argent, ce sont des itinérants.
On n'a pas encore parlé des pénitenciers, mais, soit dit en passant, il en coûte 120 000 $ par année pour garder ces personnes en milieu carcéral. C'est très coûteux. Il est vrai qu'ils semblent mieux après leur passage en prison, tout simplement parce qu'ils n'ont pas consommé de drogues, qu'ils ont été nourris et qu'ils ont vécu dans un endroit sûr. Cela pourrait être un objectif à viser, mais il en coûterait très cher pour l'atteindre.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
J'aurais aimé entendre la réponse du Dr Wood à la question.
Je veux m'attarder à un aspect. Je ne suis pas un membre du Comité, mais j'ai voulu participer à l'étude sur la crise des opioïdes. Je conviens tout à fait avec le Dr Wood que nous devons envisager le problème du point de vue de la santé publique et qu'il faut bien entendu examiner ce qui se passe lorsque les gens suivent un traitement. Comment les soutenir et comment contribuer à leur réhabilitation? Comment faire en sorte qu'ils aient accès à un logement et comment fournir tout le soutien nécessaire pour les aider une fois le traitement terminé?
Je tiens à dire rapidement, parce que je ne veux pas utiliser tout mon temps, que Jenny Kwan et moi-même étions les ministres responsables de l'Accord de Vancouver, qui a permis l'ouverture du centre d'injection supervisée, grâce à des données probantes provenant d'Europe. Nous étions confrontés à une situation où des gens mourraient. Qu'allons-nous faire si cette année un millier de personnes en Colombie-Britannique meurent d'une surdose? Si tous ces décès étaient attribuables à une bactérie, à un virus ou à de la viande avariée, nous serions en train de nous démener pour régler ce problème.
Je veux parler de plusieurs aspects. Que peut-on faire dans l'immédiat pour que les gens cessent de mourir? On ne fera rien si on pense que ce n'est pas grave que des personnes meurent à cause de leur toxicomanie, car elles ne sont pas importantes. Il est question de décès et nous voulons y mettre fin. Nous voulons prévenir les maladies, car c'est une question de santé publique.
J'aimerais que le Dr Wood me dise ce que nous devrions faire immédiatement, à son avis. Je répète que le projet de loi C-2 a empêché les gens d'avoir accès à ce traitement immédiat qui permet d'éviter qu'ils ne meurent d'une surdose, mais nous avons réussi à faire en sorte qu'ils y aient accès. Des vies ont été sauvées.
Que devrions-nous faire d'autre, docteur Wood, dans l'immédiat? Vous avez parlé de ce que nous pouvons faire à moyen et à long terme, c'est-à-dire former les médecins et revoir les lignes directrices cliniques. Que devons-nous faire dans l'immédiat, dès maintenant, pour empêcher que des personnes meurent? Que pouvons-nous faire maintenant?
Je vais essayer de répondre à cette question et à la question précédente concernant le succès et l'investissement. Premièrement, il ne s'agit pas d'essais cliniques, alors nous devons notamment examiner les données concernant les décès.
Pour mettre les choses en contexte, je dois préciser que le centre Insite a vu le jour parce qu'il y avait une urgence de santé publique, comme on l'a mentionné. Nous avions le taux d'infection au VIH le plus élevé des pays développés. En raison de l'approche globale que nous avons adoptée, qui comprend l'ouverture du centre Insite, les nouvelles infections au VIH ont diminué de plus de 90 %. Insite est un programme de santé publique, et non pas un programme de logement ni un programme de soins. Alors, les attentes que nous avons ne sont pas réalistes.
En Colombie-Britannique, on devrait enregistrer plus de 1 000 décès cette année, des décès de jeunes gens dans la fleur de l'âge. Alors, parce que des gens meurent, nous avons besoin d'initiatives en santé publique immédiatement. Nous devons fournir de la naloxone à emporter, comme nous en avons parlé, et nous devons mettre en place des stratégies en santé publique pour régler le problème des surdoses, notamment la consommation supervisée. Je crois que cette solution de fortune est bonne, car il est vrai que, lorsqu'une personne saigne, il faut lui appliquer un pansement, mais il faut aussi une approche globale visant à éviter le saignement.
Nous ne voulons pas un système qui sert uniquement à sortir les gens de l'eau, sans chercher à savoir pourquoi ils se sont retrouvés dans l'eau au départ. Il ne faut pas s'intéresser seulement à la structure. Nous devons adopter une approche nationale pour le traitement des dépendances aux opioïdes, et c'est ce que vise à faire l'initiative de recherche financée par le gouvernement fédéral par l'entremise des Instituts de recherche en santé du Canada.
Il faut également former les professionnels de la santé. Pour revenir à l'exemple du service des urgences à Winnipeg, je dois dire que c'est la même chose au Vancouver Coastal Health, qui reçoit des toxicomanes depuis longtemps. Les ressources n'existent toujours pas, alors les urgentologues ne peuvent pas appeler un centre quelconque et dire « Je vous envoie quelqu'un qui doit recevoir du Suboxone », ou « J'ai commencé à administrer ce soir du Suboxone, et vous devez voir cette personne demain matin. »
Je vais revenir à ce que j'ai fait valoir au sujet de la santé mentale et de la toxicomanie. Nous avons besoin de stratégies axées sur la toxicomanie et il faut investir dans la santé mentale et la toxicomanie pour que l'argent soit disponible pour les interventions auprès des toxicomanes. Nous devons nous concentrer sur les lignes directrices et sur les praticiens, et il ne faut pas séparer les types d'interventions.
Je vous remercie beaucoup.
J'aimerais rapidement poser une question. Vous avez parlé de ce que nous devons faire dans l'immédiat, et c'est ce qui me préoccupe en ce moment. Je suis d'accord avec vous au sujet des mesures à long terme et de l'approche globale. J'ai une grande question à vous poser. Dans quelle mesure l'héroïne peut-elle faire partie d'un traitement dans le cas d'une dépendance aux opioïdes? Est-ce que les gens peuvent prendre de l'héroïne ou un substitut de cette drogue?
En réalité, comme pour les autres maladies, nous avons besoin d'un modèle de soins par paliers. Certaines personnes qui ont une dépendance aux opioïdes n'ont pas besoin de Suboxone. Elles n'ont pas besoin de médicaments. En participant à un programme de soutien par les pairs ou à un programme de désintoxication, elles seront en mesure de se rétablir. Elles n'ont pas besoin d'une approche médicale intensive.
Pour d'autres personnes, le Suboxone est efficace. S'il ne l'est pas, nous pouvons leur donner de la méthadone, conformément aux lignes directrices du Vancouver Coastal. Il y a de nouvelles thérapies qui comportent la prise orale de morphine à longue durée, qui est utilisée comme agoniste pour contribuer au sevrage.
Pour certaines personnes — et je le répète, ce n'est qu'un très petit groupe — les coûts peuvent être très élevés. Il s'agit de personnes qui ont subi beaucoup de traumatismes, qui souffrent souvent du syndrome d'alcoolisme foetal ou de lésions cérébrales hypoxiques ou encore d'autres maladies qui touchent le cerveau et qui entraînent un comportement compulsif. Les données scientifiques donnent à penser que, pour certaines personnes, la prise de diacétylmorphine — héroïne est en fait l'appellation commerciale d'une drogue qui avait été commercialisée par la société pharmaceutique Bayer — dans le cadre d'un programme rigoureusement contrôlé, peut être efficace. Il n'est pas question de mettre en place un programme de traitement à l'héroïne partout au pays, car c'est seulement pour un très petit groupe qu'un tel programme sera efficace et qu'il apportera des avantages sur le plan de la santé et de la sécurité publiques. Pour bien d'autres personnes, une proportion très élevée, aucun médicament n'est nécessaire.
Comme mon collègue l'a mentionné, ce genre de programme n'existe pas. Il faut véritablement adopter une approche globale fondée sur des données probantes. La Collaboration Cochrane a procédé à une méta-analyse des essais menés avec la diacétylmorphine, qui en ont démontré l'efficacité. Vous pourriez consulter cette analyse.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président
Je remercie encore une fois les témoins.
Je voudrais revenir à la crise à laquelle nous sommes confrontés. Je sais que la médecin hygiéniste de Vancouver, Patricia Daly, a déclaré publiquement que la demande d'ouverture d'un autre centre d'injection supervisée ne progresse pas en raison du projet de loi C-2. Les nombreux efforts déployés pour mettre sur pied d'autres centres en vue de sauver des vies ont été freinés. Elle l'a affirmé publiquement. Je sais que les autorités sanitaires de Vancouver tentent d'ouvrir cinq autres centres d'injection supervisée en raison de la crise actuelle.
Docteur Evan Wood, êtes-vous au courant de ce processus et pensez-vous que mettre sur pied d'autres centres d'injection supervisée contribuerait à sauver des vies?
Oui, bien sûr. Les listes d'attente sont très longues à Insite. Il y a des articles scientifiques qui démontrent que cela fait partie des raisons pour lesquelles les gens s'injectent de la drogue dans les ruelles.
Pour vous décrire un peu la situation, c'est une vie horrible, comme mon collègue l'a mentionné. Les gens utilisent l'eau des trous d'eau, ils défèquent dans ces ruelles, puis utilisent l'eau qu'ils y trouvent pour s'injecter des drogues de rue dans les bras au moyen de seringues usagées. Ce sont souvent les exclus parmi les exclus de la société, ils risquent une interaction négative avec un prédateur de rue s'ils font la queue quelque part. Ils n'ont accès à aucun programme de santé, donc ils vont se piquer dans les rues.
Il faut offrir ce genre de programmes à plus grande échelle, mais comme je l'ai déjà dit et comme vous l'entendez de toutes parts, le financement associé à ces soins est relativement maigre comparativement aux sommes faramineuses que nous coûtent les conséquences à long terme de la dépendance. Il serait bien bien plus avisé de dépenser cet argent dans des programmes de traitement efficaces pour assurer la santé publique et de nous doter d'un système de soins axé sur le rétablissement, puisqu'il n'y en a pas à l'heure actuelle mais que c'est vraiment un besoin.
Pour ce qui est de la loi elle-même, je sais que le gouvernement fédéral travaille avec Vancouver Coastal Health dans les limites de la loi existante, mais les professionnels de la santé publique comme la Dre Patty Daly, qui est active dans ce domaine, estiment que cette loi nous coûte trop cher et qu'elle ne nous permet absolument pas d'obtenir les résultats positifs escomptés.
Merci.
Vous avez mentionné des investissements en toxicomanie et la nécessité d'adopter une approche globale. Je suis absolument d'accord avec vous. Je pense que l'un des piliers devrait en être la réduction des méfaits. Je n'en reviens pas quand je pense que ma fille ou mon fils pourrait mourir en s'injectant de la drogue s'il ou elle était toxicomane; je voudrais qu'il ou elle survive pour pouvoir tourner la page, idéalement recevoir un traitement de désintoxication, puis réussir sa vie. J'y pense constamment parce que mes électeurs se meurent; ce sont les fils et les filles de quelqu'un, c'est très réel.
Cela dit, nous savons quels sont les problèmes liés à la réduction des méfaits, il faut que la personne puisse se bâtir un avenir. Pour ce qui est des autres piliers, je comprends qu'il faut investir davantage dans les traitements. Je crois que vous avez mentionné, docteur Wood, que les dépendances engendrent 40 milliards de dollars de dépense évitables. Si nous investissions cet argent dans la prévention de la toxicomanie, le traitement et les services de réduction des méfaits, quelle serait la situation? Dans un monde idéal, quelle forme tout cela prendrait-il? De quel genre d'investissement avons-nous besoin pour nous doter d'une stratégie pancanadienne qui nous permettrait de nous attaquer au problème de façon globale?
Pour la prévention, malheureusement, la science ne dresse pas clairement la voie à suivre quant à la façon d'en discuter avec les jeunes dans les écoles secondaires. Il a été démontré que ce genre d'interventions est habituellement inefficace. Cela dit, si nous voulons favoriser la prévention, il nous faut indéniablement une stratégie nationale pour éviter la prescription dangereuse d'opioïdes. En ce sens, le Comité pourrait insister pour réclamer un système de surveillance afin d'assurer des pratiques sûres en matière d'ordonnance.
Pour ce qui est du traitement, il doit être accessible. Nous dépensons tellement pour gérer les conséquences à long terme des toxicomanies, nous avons absolument besoin de traitements accessibles. Il faut d'ailleurs aussi des stratégies de santé publique, comme l'a souligné M. Lévesque. Beaucoup de personnes... J'ai expliqué que certaines sont vraiment traumatisées, elles peuvent souffrir de lésions cérébrales hypoxiques ou du syndrome de l'alcoolisme foetal. Ces personnes peuvent ne pas être très motivées à aller chercher des traitements, même quand la porte est ouverte.
Il y a aussi les prisons, et je suis d'accord pour dire que les prisons offrent souvent aux gens la chance de se reprendre en main, mais bien trop souvent, à grands frais pour les contribuables, les gens ne sortent de prison que pour rechuter et recommencer immédiatement à consommer parce qu'ils n'ont pas reçu de traitement en prison. Il faut donc une stratégie globale.
Je pense que nous consacrons bien trop d'énergie à traiter la chose comme un problème de justice pénale et que nous dépensons beaucoup trop d'argent de cette façon. Je crois que la guerre à la drogue a mené à l'apparition de drogues encore plus puissantes comme le fentanyl et il faut y voir une partie du problème.
Je peux peut-être ajouter quelque chose à cela, madame Kwan.
Pensons différemment. Nous avons été abordés par un groupe de la Suède et un autre du Kentucky. Ils ont construit des établissements où les gens sont envoyés plutôt que d'être emprisonnés, donc plutôt que d'aller en prison, ils sont placés dans ces établissements. Ils y sont très rapidement encouragés à travailler. Ce sont des établissements de l'État. L'État possède des entreprises de peinture, de traiteur ou je ne sais quoi d'autre. Ces personnes y acquièrent une estime personnelle et remettent de l'ordre dans leur vie. Elles ont une grande productivité.
Les Suédois sont venus me présenter leur programme, qui a l'air fantastique. Il y en a un semblable au Kentucky. Il y a 2 000 lits à Lexington, où on offre le même genre de programme qui fonctionne très bien. Je pense que nous pourrions avoir avantage à regarder ce qui se fait de différent à l'extérieur du Canada.
Non, vous n'avez plus de temps. Vous avez largement dépassé le temps imparti.
Je tiens à dire aux témoins, au nom du Comité, à quel point nous apprécions vos témoignages. Pour ceux et celles d'entre nous qui n'ont jamais été exposés à cela, c'est un témoignage profond. Nous vous en sommes très reconnaissants et nous vous remercions de ce que vous faites.
Docteur Ujjainwalla, vous avez offert au Comité d'aller visiter les installations de Recovery Ottawa.
J'ai demandé au greffier de vérifier si c'est possible. Je ne suis pas certain que nous le pourrons. Nous en discuterons en comité. Si nous en avons le temps et si le Comité décide de le faire, je pense qu'il nous serait bien utile de voir ces installations. Ce n'est que mon point de vue.
Je tiens à vous remercier tous deux infiniment de ce que vous faites. Je vous remercie d'avoir témoigné aujourd'hui et de nous avoir fourni toute cette information. C'était très touchant et très profond. Merci beaucoup.
Il n'y a pas de point à l'ordre du jour à la rubrique Travaux du Comité.
La séance est levée.
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