HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 6 octobre 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. Bonjour tout le monde. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la crise des opioïdes au Canada. Je vais sans tarder entrer dans le vif du sujet étant donné que nous avons beaucoup de travail aujourd'hui.
J'aimerais vous présenter nos témoins de ce matin. Nous accueillons Lisa Lapointe, coroner en chef du British Columbia Coroners Service. Lisa, je vous remercie d'être avec nous.
Nous recevons Bonnie Henry, administratrice de la santé provinciale du ministère de la Santé de la Colombie-Britannique. Merci, Bonnie.
Nous avons aussi David Juurlink, du Sunnybrook Health Sciences Centre à Toronto. David est chef de la Division de la pharmacologie clinique et de la toxicologie dans cet établissement.
Nous accueillons les représentants de la Drug User Advocacy League. Sean LeBlanc en est le fondateur et le président. Je vous remercie. De son côté, Catherine Hacksel est organisatrice communautaire et adjointe à la recherche. Catherine, je vous remercie d'être ici.
Commençons sans plus tarder. La première intervenante est Lisa Lapointe, du British Columbia Coroners Service. Merci, Lisa.
Bonjour. Je vous remercie de me recevoir. J'aurai du mal à me limiter à 10 minutes, tellement il y a de choses à dire sur cette crise, mais je ferai de mon mieux.
Je vais vous parler un peu de l'enquête menée par le bureau des coroners pour que vous compreniez comment nous recueillons ces renseignements; vous donner quelques faits saillants tirés des données; vous donner de l'information sur les collaborations que nous avons développées en Colombie-Britannique pour tenter de réduire le nombre de décès; puis énumérer quelques-unes des stratégies que nous avons mises en place pour la suite des choses.
Un des éléments clés à souligner est l'importance de réaliser des enquêtes approfondies sur le décès. Si personne ne fait enquête et ne recueille d'information, personne ne saura qu'il y a un problème, bien entendu. Voilà qui semble vraiment être le gros bon sens, et je vais en parler dans un instant.
Il faut ensuite un plan stratégique de surveillance. Encore une fois, si personne ne surveille les décès, personne ne saura qu'il y a un problème. Il est intéressant de voir les différents niveaux de surveillance et de signalement pour ces types de décès d'un bout à l'autre du pays.
Le bureau des coroners de la Colombie-Britannique compte 90 coroners dans la province. En fait, les coroners répondent à tous les décès soudains et inattendus. Ils se rendent sur les lieux pour faire une enquête approfondie, qui comprend un examen du défunt, des lieux et de l'historique médical du défunt. Cette information est indispensable pour déterminer la suite des choses. Si personne ne soupçonne que le décès peut être attribuable à la consommation de drogues, personne ne commandera les évaluations adéquates et n'obtiendra de résultats concluants. Cela semble vraiment logique, mais il est essentiel de réaliser une enquête approfondie sur chaque décès soudain et inattendu.
Les coroners travaillent 24 heures par jour et 7 jours par semaine, et c'est important. Des gens meurent à différents moments aux quatre coins de la province. Nous avons un protocole d'enquête très clair, qui garantit que des informations uniformes sont recueillies sur chaque décès. Encore une fois, c'est d'une importance cruciale si on est à la recherche de tendances.
Nous avons aussi une équipe qui se consacre à la recherche en Colombie-Britannique. Voilà qui peut encore une fois sembler être une question de gros bon sens, mais à moins qu'on ne décide de surveiller un type de décès en particulier, personne n'aura de données. Cette pratique fluctue d'un bout à l'autre du pays, et chaque province et territoire procède différemment. En Colombie-Britannique, nous avons décidé d'exercer une surveillance assez étroite des décès attribuables à la consommation de drogue. C'est ainsi que nous avons pu recueillir les données que nous possédons et que nous diffusons publiquement. De telles décisions stratégiques peuvent vraiment être différentes d'une enquête sur les décès à l'autre, et d'une province à l'autre, de sorte que les pratiques fluctuent d'un bout à l'autre du pays.
J'aimerais parler du fait que nous avons toujours entendu le terme « surdose ». Dans mon bureau de coroners, nous commençons à changer de terminologie étant donné que ce mot laisse entendre qu'il y aurait une dose sécuritaire. Le terme a aussi une certaine connotation péjorative qui sous-entend que le toxicomane ne serait pas décédé s'il avait consommé la bonne dose. En fait, c'est vraiment trompeur puisqu'il n'existe aucune dose sécuritaire pour bon nombre de ces drogues. Le mot « surdose » donne à penser qu'il y a une dose sécuritaire, mais c'est faux. Nous voulons vraiment nous en départir, de sorte que nos rapports ne parlent plus de décès par surdose. Toutes les drogues illicites, qu'il s'agisse d'opiacés ou non, sont fabriquées dans des circonstances très douteuses, et on ne sait jamais ce que contient la substance consommée.
Je sais bien que la séance d'aujourd'hui porte sur la crise des opioïdes, mais les décès que nous signalons ne sont pas attribuables qu'aux opioïdes. Même si les déclarations des décès liés à la consommation de drogues illicites au sein de la province comprennent les opioïdes, comme l'héroïne et le fentanyl, elles englobent aussi d'autres drogues illicites telles que la cocaïne, la MDMA ou l'ecstasy et les méthamphétamines. Les drogues illicites, dont le nombre grimpe chaque mois, englobent toutes ces substances, et pas seulement les opioïdes. Elles comprennent également les médicaments d'ordonnance qui ont été détournés; il y a un petit marché de gens qui vendent leurs médicaments d'ordonnance, mais celui-ci n'a pas beaucoup de poids dans toute cette crise.
Encore une fois, les évaluations toxicologiques sont d'une importance capitale. Si personne ne détermine que la consommation de drogues illicites ou de toute substance peut avoir contribué à un décès, personne ne commandera les évaluations appropriées. Voilà qui témoigne encore une fois de l'importance de l'enquête initiale, puis des évaluations toxicologiques.
Nous avons en Colombie-Britannique ce qu'on appelle des évaluations toxicologiques « accélérées », ce qui signifie que notre centre provincial de toxicologie nous donnera les résultats en 48 à 72 heures. Il n'y a rien de tel dans le reste du pays. J'ai parlé à mes confrères, les coroners en chef et les médecins légistes en chef de partout au pays, et ils n'ont pas cette option. Cette évaluation toxicologique accélérée qui permet d'obtenir très rapidement les résultats du laboratoire est vraiment essentielle pour transmettre le message dans les meilleurs délais.
Je pense que vous savez qu'il y a eu 488 décès attribuables à la consommation de drogue illicite en Colombie-Britannique jusqu'à la fin du mois d'août. Comparativement, il y en a eu 505 pour la totalité de l'année dernière. Pour vous mettre en contexte, il y a eu l'année dernière 300 décès attribuables à des accidents de voiture dans la province. Cette épidémie de décès est donc beaucoup plus importante que les décès sur nos routes, pour lesquels il y a pourtant de nombreuses stratégies en place dans le but de les éviter. Il y a chaque mois quelque 61 décès attribuables aux drogues illicites. Si la tendance se maintient jusqu'à la fin de l'année, nous atteindrons 732 décès en 2016. C'est une hausse assez importante. L'augmentation notable des décès a commencé en 2012, ce qui est ironiquement le moment où le fentanyl est apparu pour la première fois dans notre radar.
Même s'il y a des décès dans tous les groupes d'âge, les victimes sont principalement des hommes de 19 à 39 ans. La plupart des décès surviennent chez les consommateurs fréquents de drogues illicites, mais nous avons aussi été témoins de décès chez des consommateurs occasionnels, comme des gens qui consomment de la drogue ensemble lors d'une fête. Il y a eu deux ou trois situations ces derniers mois où cinq ou six participants à une fête ont fait une « surdose », à défaut d'avoir un meilleur terme; ils sont tombés très malades, puis ont été soignés. La plupart d'entre eux ont survécu, mais il y a eu un ou deux décès. Ce sont généralement des consommateurs fréquents qui perdent la vie, mais nous voyons également des décès chez les consommateurs occasionnels.
En outre, un certain nombre de consommateurs très réguliers sont ce que nous appelons des consommateurs hautement fonctionnels. Cette expression peut sembler péjorative, mais ce n'est pas le cas. Elle désigne des gens qui travaillent, qui occupent des emplois stables dans toutes sortes de domaines, et qui consomment régulièrement des drogues illicites. Cette population est assez importante aussi.
La plupart des décès que nous examinons sont attribuables à une combinaison de substances. Très peu sont liés uniquement à l'héroïne, au fentanyl ou à la cocaïne. En fait, nous avons examiné 207 résultats récemment, et 96 % d'entre eux présentaient une combinaison de drogues. Il y avait de la cocaïne dans 46 % des cas, de l'alcool dans 36 %, des méthamphétamines dans 34 %, et de l'héroïne dans 30 % des cas — ces substances étaient combinées au fentanyl.
Le pourcentage de décès attribuables à la consommation de drogues illicites où le fentanyl a été détecté a considérablement augmenté depuis 2012. Cette année-là, 5 % des décès liés aux drogues illicites dans la province comportaient du fentanyl, un chiffre qui a atteint 60 % en 2016. C'est une hausse considérable. Cela ne signifie pas pour autant que tous ces décès ont été causés par le fentanyl, mais la substance a été détectée à divers degrés dans les résultats toxicologiques de tous ces décès. Sans fentanyl, nous ne savons pas combien il y aurait de décès. Si nous enlevions tous les décès liés au fentanyl, nous en aurions au moins 200, mais nos chiffres des années précédentes laissent entendre qu'il y en aurait entre 200 et 300. La consommation de fentanyl semble donc doubler le nombre de décès.
Je ne vais pas perdre de temps à vous expliquer ce qu'est le fentanyl. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il s'agit d'un opioïde de synthèse employé traditionnellement pour soulager la douleur. Cette substance est de plus en plus répandue sur les marchés clandestins. Elle nous arrive d'autres pays, surtout d'Asie, mais elle aussi fabriquée dans des laboratoires clandestins de la Colombie-Britannique. Quand on pense à un laboratoire, on imagine habituellement des blouses blanches et des installations stériles. Or, ces laboratoires se trouvent plutôt dans les cuisines et les sous-sols des individus. C'est très aléatoire, en quelque sorte. Les individus essaient de mesurer correctement les substances, mais ils se servent ensuite de mélangeurs à jus et de Mixmasters. Les composés ne sont aucunement dans un environnement sécuritaire. Comme nous pouvons le constater d'après le nombre de décès, ces laboratoires se trompent souvent dans leurs mélanges. La police en est bien consciente. Elle trouve du fentanyl sous forme de pilule et de liquide. La substance est utilisée de diverses façons.
Ce que nous observons en Colombie-Britannique, ce sont des décès attribuables à la consommation de drogues illicites, y compris un pourcentage important de décès liés au fentanyl. Nous voyons souvent des consommateurs peu méfiants. Certains pensent qu'ils achètent de la cocaïne, par exemple, mais la substance est bourrée de fentanyl. Soit les consommateurs deviennent très malades, puis sont soignés et survivent, soit ils meurent.
Nous trouvons que les avertissements sont paradoxaux. Nous avons tenté de collaborer étroitement avec nos milieux policiers à ce sujet. Les mots employés dans cette épidémie sont fort importants. Nos partenaires responsables de l'application de la loi veulent souvent aller sur le terrain pour avertir les consommateurs qu'il y a une héroïne très forte dans les rues, ou que le fentanyl est « très fort » ou « puissant », mais de tels mots peuvent provoquer la consommation.
Paradoxalement, il y a maintenant des gens qui recherchent activement du fentanyl justement à cause de son effet plus puissant. Il est très important de se rappeler que nous devons parler des risques et de l'effet toxique sans nécessairement dire que la drogue est plus puissante ou plus forte.
Je vais conclure. Le message est un des volets des plus importants. Nous avons diffusé des messages publics et parlé de ce qu'il faut dire ou non. La Colombie-Britannique a adopté une approche de réduction des méfaits. L'humiliation et le blâme n'aident personne. Nous voulons nous assurer que les gens qui consomment bénéficient d'une aide médicale à proximité. C'est notre plus grand message: « Ne consommez pas seuls; restez avec quelqu'un qui pourra vous aider si vous avez des ennuis. »
Nous avons un partenariat multisectoriel. Sans la collaboration de divers groupes, nous n'aurions pas pu aborder cette crise comme nous l'avons fait. Le Service d’ambulances de la Colombie-Britannique, le milieu de la santé, le bureau des coroners, les organismes d'application de la loi et les laboratoires travaillent tous ensemble pour essayer de trouver des solutions conjointement.
Parmi les changements apportés, le Service d’ambulances s'est attaqué à une politique consistant à ne pas appeler la police pour tous les cas de surdose. Encore une fois, l'objectif est d'encourager les gens à demander de l'aide plutôt que de craindre d'être arrêtés ou de causer des ennuis à quelqu'un. Voilà le tournant qu'il faut prendre pour prévenir des décès. Je vous remercie.
Merci, Lisa.
Nous allons sans plus tarder laisser la parole à Dre Bonnie Henry, du ministère de la Santé de la Colombie-Britannique. Elle est sous-ministre de la santé provinciale.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous présenter le travail accompli par la Colombie-Britannique afin de remédier à cette tragédie.
[Traduction]
Je vais vous présenter un bref exposé qui illustrera certains éléments que Lisa a soulevés.
Comme notre coroner l'a indiqué, la mobilisation s'organise dans l'ensemble du milieu de la santé et de la sécurité publique en Colombie-Britannique. C'est la première fois que nous avons recours à la loi sur la santé publique de la province pour déclarer une situation d'urgence. Le Dr Perry Kendall, responsable provincial de la santé, a déclaré la situation d'urgence le 14 avril dernier, lorsque nous avons commencé à remarquer l'augmentation spectaculaire du nombre de personnes qui mourraient de surdoses. Cette situation nous a permis de recueillir des informations que nous ne pouvions pas nécessairement obtenir sans cette directive, et de recevoir les données plus rapidement et des informations plus détaillées. Nous devions notamment comprendre un peu mieux qui était touché par la crise.
Les données que nous recueillons auprès des gens qui survivent à une surdose sont vraiment importantes pour orienter nos programmes et notre intervention. Nous avons commencé à recevoir des données sur les gens qui survivent à une surdose de la part des services d'urgence, des appels au 911 et de notre service d'ambulance. Cela nous a aidés à comprendre comment mieux distribuer la naloxone, par exemple. J'en parlerai dans un instant.
En juin, il y a eu un sommet sur la prévention des surdoses qui réunissait des gens des milieux de la sécurité publique, de l'application de la loi et de la santé, de même que des gens qui ont vécu une expérience et d'autres qui consomment des drogues. Il y a eu un grand travail de réflexion sur ce que nous pouvons faire pour surmonter cette crise de décès, mais aussi sur des solutions à plus long terme pour nous attaquer à la question des ordonnances excessives d'opioïdes et aux autres facteurs qui contribuent au problème.
Nous avons créé de nouvelles lignes directrices sur la prescription des opioïdes, qui ont été publiées par le Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique. Ces consignes sont d'ailleurs examinées dans le reste du pays.
Avec l'aide du gouvernement fédéral, nous avons fait en sorte qu'il soit plus facile pour les médecins de prescrire le Suboxone, un traitement de substitution aux opioïdes combiné qui aide les gens à se défaire de leur dépendance aux drogues illicites, et qui leur donne une chance de choisir une autre voie.
En juillet, le premier ministre a formé un groupe de travail mixte composé de représentants des milieux de la santé et de l'application de la loi. Le groupe est coprésidé par le Dr Perry Kendall et Clayton Pecknold, le chef du service de police de la province.
Deux ou trois choses sont arrivées par la suite. Comme vous le savez peut-être, InSite, qui est un des seuls sites d'injection supervisée à Vancouver, un organisme autonome du quartier Downtown Eastside, a prolongé ses heures d'ouverture en fonction des données que nous avons recueillies, qui montraient des sommets de surdoses et de décès à certaines périodes.
Nous avons lancé une campagne de sensibilisation du public puisque le problème ne concerne pas seulement les personnes qui consomment des drogues sur une base régulière, comme on l'a dit. Différents segments de la population sont touchés, y compris des personnes qui se sont fait prescrire des opioïdes pour des raisons très valables, mais en doses très élevées, et qui en ont fait une surdose.
Une de nos grandes réussites, c'est que nous avons élargi notre programme de naloxone à emporter. Nous l'avons lancé dans la province il y a environ trois ans, c'est-à-dire en 2012. À ce jour, nous avons distribué plus de 13 000 trousses de naloxone gratuites. L'objectif est d'inciter les toxicomanes à s'entraider, et bien des gens ont survécu à des surdoses parce que des collègues, des amis ou des membres de la famille leur ont administré la naloxone. Grâce à la radiation de la liste et à l'approbation des vaporisateurs nasaux de naloxone, les services de police, les services d'incendie et les services d'urgence fournissent désormais de la naloxone et s'en servent pour aider des gens. La naloxone a d'ailleurs été déréglementée en septembre, de sorte que le produit n'a plus besoin d'être prescrit par un pharmacien, et que nous pouvons l'offrir dans plusieurs centres de distribution en santé publique de la province.
Cette diapositive présente les données que la coroner a décrites, et qui nous ont permis de remarquer une augmentation spectaculaire du nombre de décès par surdose ces deux ou trois dernières années. La dernière colonne à l'extrême droite de la page présente les données jusqu'à la fin d'août 2016 seulement. Comme vous pouvez le voir, nous sommes en voie de dépasser largement le nombre de décès de l'année dernière. Ce tableau ne montre que le nombre de décès; il ne reflète pas les centaines de personnes qui se retrouvent à l'urgence dans l'ensemble de la province et qui survivent à leur surdose. C'est une période critique où nous pouvons intervenir, et une fenêtre où les victimes peuvent à tout le moins recevoir de la naloxone, et que nous pouvons cibler dans le cadre de formations sur la façon d'administrer la naloxone. C'est une occasion d'entrer en communication avec ces gens, où ils pourraient être disposés à choisir une autre voie, loin de la drogue.
Je vais vous montrer une série de cartes que nous avons créées lorsque nous avons commencé à recueillir des données plus détaillées sur les endroits où les surdoses se produisent au sein de la Colombie-Britannique. Ces cartes vous donneront une idée de la raison pour laquelle il y a eu une telle mobilisation dans l'ensemble du gouvernement et de la province.
Les cartes présentent les taux par rapport à la population. Plus le rouge est sombre, plus les taux sont élevés. Vous avez ici la distribution des décès par surdoses de drogues illicites en Colombie-Britannique qui sont survenus de janvier à mars 2016. Les données sont comparées à celles de l'année 2010. À cette époque, nous avions l'habitude de voir des surdoses dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, et c'est ce que les gens imaginent généralement. Mais nous constatons maintenant que le phénomène touche l'ensemble de la province et des collectivités, y compris le nord, l'intérieur et l'Île de Vancouver, et pas seulement le quartier Downtown Eastside. À Vancouver, l'épidémie ne se limite plus aux secteurs qui étaient autrefois touchés; il y a des décès partout dans la métropole. Des gens meurent dans les lieux publics et dans leur foyer.
Vous avez ici des renseignements que Lisa a présentés aussi, mais sous forme d'image. Vous y voyez le pourcentage de décès par surdose de drogues illicites où du fentanyl a été détecté. La proportion a monté en flèche, passant de moins de 5 % en 2012 à plus de 60 %, mais comme Lisa l'a indiqué, la substance n'est pas employée seule. L'alcool est très souvent un facteur, et d'autres drogues aussi. C'est quelque peu alarmant, car la plupart des gens qui nous informent sont des membres du milieu partenaires dans cette mobilisation, et ils disent qu'il reste très peu d'héroïne en Colombie-Britannique. Il s'agit désormais de fentanyl illégal. La substance est beaucoup plus facile à importer que l'héroïne étant donné qu'il en faut une petite quantité, et les trafiquants de drogues cherchent à maximiser leurs profits. Il est plus facile pour eux de fabriquer la substance et de l'importer que l'héroïne, de sorte qu'il reste très peu d'héroïne.
Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que la substance est désormais mélangée avec des stimulants comme la cocaïne. Les gens ne s'attendent pas nécessairement à ce qu'un dépresseur, comme les opioïdes ou le fentanyl, soit combiné à ce genre de drogues. Ils n'y sont pas nécessairement prêts, de sorte que nous constatons des concentrations de surdoses chez des gens qui consomment de la cocaïne le week-end, par exemple, et qui n'ont ni la naloxone ni la formation nécessaire pour savoir quoi chercher ou comment intervenir.
Comme il est indiqué, la plupart des victimes sont des jeunes hommes, dont beaucoup consommaient des drogues depuis un certain temps. C'est vraiment une question de hasard, en quelque sorte. Si un toxicomane consomme sur une base régulière, son risque d'absorber une dose toxique de fentanyl augmente énormément. Chaque jour où nous pouvons garder ces gens en vie est un jour où ils peuvent choisir une autre voie.
Voici une description de la façon dont nous avons organisé notre mobilisation. Nous avons un groupe de travail mixte qui relève de notre ministre de la Sécurité publique et solliciteur général, de même que du ministre de la Santé. Ce groupe est présidé par le Dr Kendall et Clayton Pecknold, directeur des services de police de la Colombie-Britannique.
Au milieu de la boîte rose, vous verrez que nous avons un grand groupe de personnes qui sont parties prenantes de cette mobilisation, soit des responsables de l'application de la loi et de la santé, ou des personnes qui ont vécu de près la problématique, y compris les familles des toxicomanes, le milieu de la toxicomanie et des consommateurs de drogues. Ces gens nous donnent des conseils très précieux sur ce qui se passe dans les rues, et aussi sur notre mobilisation et sur ce qui est logique ou non à leurs yeux. Ce groupe nous a précieusement aidés à façonner notre intervention.
Il y a aussi un certain nombre de groupes de travail, et je vais parler de quelques-uns des travaux. Notre plan de travail immédiat sur trois mois compte a un certain nombre d'enjeux précis.
Une des plus grandes choses que nous voulions réaliser était d'élargir la portée du programme de naloxone. Le fait que la substance a été déréglementée à l'échelle fédérale et qu'elle est désormais sans ordonnance nous a grandement aidés, car nous avons maintenant une préparation intranasale à distribuer. C'est particulièrement utile pour les responsables de l'application de la loi, qui n'étaient pas à l'aise avec la forme injectable. D'ailleurs, la substance vient majoritairement sous cette forme injectable, dont l'efficacité est très bien démontrée. Les gens peuvent très facilement apprendre à l'utiliser. Nous avons créé quelques vidéos plus particulièrement à l'intention des jeunes, qui s'intitulent « Naloxone Wakes You Up », et qui montrent comment utiliser la substance. Nous serions ravis de les transmettre aux gens.
Nous avons fait beaucoup de travail en ce qui a trait au traitement de substitution aux opiacés, pour en élargir l'accès et montrer aux médecins comment l'utiliser, plus particulièrement dans le cas du Suboxone, une forme beaucoup plus sûre de traitement de substitution aux opiacés. Nous l'avons dissocié des programmes de méthadone que nous offrions autrefois. Nous avons également élargi son utilisation jusqu'au champ d'exercice du personnel infirmier, pour que celui-ci puisse surveiller les traitements de substitution aux opiacés aussi.
Veuillez m'excuser Bonnie, mais je vais devoir vous laisser une dernière minute pour conclure, si vous le voulez bien.
Oui, je suis rendue à mon dernier point.
Parmi les autres éléments dont nous élargissons la portée se trouve la vérification des drogues, qui permet aux toxicomanes de vérifier si leur drogue contient du fentanyl avant d'en consommer. Il existe des obstacles législatifs à ce chapitre. Nous exerçons un contrôle et une surveillance, et améliorons l'accès aux services de consommation supervisés partout dans la province — et encore une fois, il y a des obstacles législatifs à l'échelle fédérale, et il nous serait utile que ces barrières soient levées.
En outre, nous réalisons une vaste campagne d'éducation et de sensibilisation de la population à propos du fentanyl illégal et sur ce qu'il faut faire à ce chapitre.
Voici simplement un graphique qui montre le nombre de trousses de naloxone que nous avons distribuées dans la province.
En résumé, il y a deux ou trois choses que nous aimerions porter à votre attention. La province aimerait recevoir du soutien pour étendre les services de consommation supervisée. Plus particulièrement, la Loi sur le respect des collectivités compte un certain nombre d'obstacles plutôt extrêmes, et nous aimerions qu'ils soient limités ou éliminés. Nous comprenons qu'il faut veiller à ce que les services de consommation sécuritaires soient mis en place en toute sécurité et avec le soutien du milieu. Nous savons comment y arriver dans le respect de l'esprit des dispositions législatives, et sans les obstacles extrêmes dressés par la loi.
Nous aimerions collaborer avec le gouvernement fédéral pour qu'il accorde des exemptions relatives à la vérification des drogues en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Nous croyons que ce service peut être important pour aider les gens à comprendre ce qu'ils prennent avant de consommer une substance.
Nous voulons accroître l’accessibilité aux traitements contre les troubles liés à l’utilisation des opioïdes, plus particulièrement à certains traitements efficaces à libération prolongée qui sont offerts au sud de la frontière. Nous savons que certains habitants de la Colombie-Britannique n'y ont pas accès aux États-Unis.
Encore une fois, nous vous serions vraiment reconnaissants de nous aider sur ces points.
Je vous remercie infiniment de votre temps.
Excellent. Merci beaucoup, Bonnie.
Nous allons tout de suite passer à David Juurlink, du Sunnybrook Health Sciences Centre.
David, je vous remercie.
Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
Je suis médecin spécialisé en médecine interne et en pharmacologie. Je ne suis pas un spécialiste des dépendances. Je n'ai pas reçu une longue formation en santé publique, mais je fais passablement de recherche dans le domaine de l'innocuité des médicaments, qui est devenue une grande préoccupation pour moi au cours des sept dernières années environ.
Je vais vous faire part de certaines de mes réflexions sur ce problème, tel que je le perçois. Si vous avez déjà entendu certaines des choses que je vais dire, je m'en excuse.
Au début des années 1990, j'étais pharmacien en Nouvelle-Écosse. J'ai été formé là-bas, et, pendant mes études en médecine et mon internat, j'ai exercé la profession de pharmacien. J'ai travaillé dans à peu près trois douzaines de pharmacies dans la province. À cette époque, lorsque des patients se présentaient à la pharmacie avec une ordonnance pour de la morphine, il s'agissait de patients qui avaient le cancer.
À la fin des années 1990, lorsque je terminais mes études en médecine interne, la situation avait passablement changé. On observait que l'OxyContin — un médicament qui est entre une fois et demie et deux fois plus puissant que la morphine — était largement prescrit pour soulager des douleurs chroniques au dos, des douleurs à la hanche, l'ostéoarthrite, la fibromyalgie, etc. Il était même prescrit pour traiter des blessures mineures à la cheville. Cette situation est survenue parce que les médecins croyaient qu'il était sécuritaire et efficace d'utiliser des opioïdes pour traiter des douleurs chroniques.
La plupart des médecins n'hésitaient pas du tout à prescrire des opioïdes à des patients en fin de vie ou à des patients avec une fracture ouverte du fémur. Les douleurs chroniques étaient très répandues, et les médecins recevaient quotidiennement des patients souffrants, et ils hésitaient à utiliser les autres médicaments disponibles. L'acétaminophène — le Tylenol — ne fonctionne pas très bien. Les autres médicaments — les anti-inflammatoires — engendraient toutes sortes d'effets secondaires terribles. Nous avons tous été témoins de patients qui se sont retrouvés avec des problèmes d'intestin ou des problèmes de rein à cause de ce médicament.
Par conséquent, nous étions très heureux d'entendre dire que nous pouvions utiliser les opioïdes et que nous devrions en prescrire davantage. Il est important de savoir que ce message provenait directement ou indirectement des compagnies qui produisent ces médicaments, dont la vente leur a rapporté des dizaines de milliards de dollars.
Ces compagnies envoyaient des représentants pharmaceutiques aux cabinets des médecins, mais il y avait plus encore. Des leaders d'opinion dans le domaine du traitement de la douleur de partout en Amérique du Nord donnaient des conférences dans le cadre de la formation médicale continue, dans de grands restaurants. J'ai moi-même assisté à certaines de ces conférences, où on nous disait non seulement que nous devrions prescrire ces médicaments, mais aussi que, si nous ne les prescrivions pas, nous serions perçus comme étant des médecins allergiques aux opioïdes qui privaient leurs patients d'un traitement éprouvé. On a vanté les vertus de ces médicaments. Les compagnies pharmaceutiques se sont infiltrées dans des institutions, notamment ma propre école de médecine. Des personnes à la solde de ces compagnies ont enseigné à des étudiants en médecine pendant des années sans dévoiler leur conflit d'intérêts et ils ont exagéré l'utilité de ces médicaments.
Comme je l'ai dit plus tôt, pour la plupart d'entre nous, c'est un message que nous étions très heureux d'entendre. Nous savons maintenant, par contre, avec le recul, que nous aurions dû être plus avisés. Je peux vous dire qu'aucune étude valable n'a démontré que l'utilisation à long terme d'opioïdes améliore l'état du patient. Lorsque je prescris un médicament à un patient, l'objectif global est qu'il procure plus d'avantages que d'inconvénients, et aucune étude n'a jamais prouvé que c'est le cas avec les opioïdes.
Soit dit en passant, la plupart des études portent sur une période 8 ou 12 semaines. Elles sont menées sur des patients très soigneusement sélectionnés qui n'ont aucun facteur de risque ou très peu de facteurs de risque de la dépendance. Ils ne prennent pas de benzodiazépine, ils ne souffrent pas d'une maladie mentale et ils n'ont vécu aucun traumatisme durant l'enfance. Ces études démontrent qu'après quelques semaines, ces médicaments réduisent la perception de la douleur. Le fait qu'il n'existe aucune étude à long terme n'a pas empêché Santé Canada et la FDA d'approuver ces médicaments pour une utilisation à long terme, ce qui fait que nous sommes témoins d'une expérience sur la population qui dure depuis 20 ans. Nous savons, parce que nous l'avons observé, que les effets bénéfiques de ces médicaments s'estompent très souvent, et augmenter les doses ne règle pas ce problème, cela ne fait qu'accroître la toxicité. Presque toutes les personnes qui prennent quotidiennement ces médicaments en sont dépendantes. Elles en ont toujours besoin. Il est impossible de cesser ces médicaments. Même s'ils ne procurent plus un soulagement de la douleur, le patient aura l'impression qu'il en a besoin, car s'il cesse de les prendre, il devient malade. Les patients ont donc besoin de ces médicaments pour se sentir bien.
On nous avait aussi expliqué que la dépendance était une conséquence rare de l'utilisation à long terme de ces médicaments. Je me souviens qu'on nous ait dit que moins de 1 % des patients développeront une dépendance. C'est faux. À l'heure actuelle, 10 % est l'estimation la plus juste. Pensez à cela: Des centaines de milliers de patients au Canada prennent ces médicaments parce qu'ils leur ont été prescrits par des médecins bien intentionnés, et 10 % d'entre eux sont en train de développer une dépendance.
Nous savons également que des doses élevées provoquent la mort. Je ne peux pas vous dire le nombre de patients que je vois et qui prennent des centaines de milligrammes de morphine ou l'équivalent. Une étude menée en 2015 a démontré très clairement que les personnes qui prennent des doses élevées d'opioïdes sont plus susceptibles de mourir à cause de leur médication que quoi que ce soit d'autre.
Nous parlons de dépendance et de décès, mais il y a plus encore. Le nombre de décès au Canada, comme on vous l'a sûrement déjà mentionné, est inconnu. La Colombie-Britannique, qui compte environ 4,7 millions d'habitants, devrait enregistrer environ 700 décès. C'est un des chiffres les plus élevés avec celui de l'Alabama, qui affiche le taux le plus élevé aux États-Unis.
On peut examiner la situation sous un angle différent. En 2014, nous avons publié un document portant sur les décès en Ontario, qui révèle que, chez les personnes âgées de 25 à 34 ans, un décès sur huit est attribuable à un opioïde. C'est un chiffre très élevé. Lorsqu'on fait le total des décès dus à des opioïdes en Ontario — rappelez-vous qu'il s'agit de personnes qui meurent dans la vingtaine, la trentaine et la quarantaine, et qui auraient dû vivre jusqu'à 70 ou 80 ans ou même davantage — on constate que le nombre total d'années de vie perdues équivaut à un treizième de toutes les années de vie perdues à cause de tous les types de cancer réunis.
Il y a d'autres conséquences également. Les personnes qui conduisent un véhicule sous l'influence d'opioïdes s'exposent à des collisions. Cela a été démontré de façon convaincante. Il y a aussi des risques de chutes. Je vois souvent des personnes âgées qui prennent des opioïdes pour des douleurs chroniques — et qui n'en retirent aucun bienfait, d'après ce que je peux constater — qui tombent et qui se cassent la hanche ou le cou et qui se blessent à la tête. Il y a aussi la constipation. On pense que ce n'est qu'un désagrément. J'ai vu plus d'un patient mourir d'un problème de constipation causé par ces médicaments.
Cela peut sembler paradoxal, mais ces médicaments peuvent accentuer la douleur. À mesure qu'on augmente la dose, la douleur empire à cause de ces médicaments. Ils perturbent également le sommeil. Je suis convaincu qu'ils entraînent la dépression chez certaines personnes et qu'ils les amènent à se suicider. Très souvent, on attribue la cause du suicide à la douleur plutôt qu'à ces médicaments en tant que tel.
Il y a également des épidémies comme celle du syndrome de sevrage néonatal. En Ontario, entre 1992 et 2011, le nombre de bébés nés avec une dépendance aux médicaments a été multiplié par 15. Il est question ici seulement des médicaments sur ordonnance. Parce qu'on a prescrit allègrement ces médicaments de façon bien intentionnée, tous les gens en Ontario ont des opioïdes dans leur pharmacie. C'est une affirmation un peu exagérée, mais c'est ainsi que ces médicaments deviennent disponibles pour ceux qui veulent en faire l'expérience, les jeunes de 16 ou 17 ans qui sont curieux et qui se retrouvent à développer une dépendance.
L'épidémie a évolué au cours des dernières années, comme on vous l'a mentionné. On ne parle plus seulement de l'OxyContin et du Dilaudid; on parle maintenant du fentanyl et de l'héroïne. Ces drogues sont utilisées depuis longtemps, mais on a créé un marché pour répondre à la demande provoquée par toutes ces prescriptions bien intentionnées, un marché qui n'avait pas du tout la même ampleur au début des années 1990.
Il s'agit d'une crise qui a été largement provoquée par les médecins et qui est attribuable au fait que lorsqu'on commence à prendre des opioïdes, il est difficile d'arrêter. Elle a pris de l'ampleur en 2012 à la suite de la reformulation de l'OxyContin. La compagnie pharmaceutique Purdue a retiré du marché l'ancienne version du médicament pour offrir une nouvelle version résistante à l'altération, ce qui a amené bien des gens à se tourner vers l'héroïne et le fentanyl.
On ne le dira jamais trop: il est possible d'obtenir un kilogramme de fentanyl qui provient de la Chine pour 10 000 ou 20 000 $. Cette quantité peut se transporter dans une boîte à chaussures et on peut faire un profit de 20 millions de dollars. Comme on vous l'a dit, cette substance ne se retrouve pas seulement dans l'héroïne, mais également dans des faux comprimés d'OxyContin et de Xanax, la cocaïne et la métamphétamine.
On ne connaît pas précisément l'ampleur du problème au Canada. Nous savons qu'aux États-Unis les CDC estiment qu'au cours des 20 dernières années, environ un quart de millions de personnes sont décédées à cause des opioïdes, dont plus de la moitié étaient des opioïdes sur ordonnance, et environ 2,1 millions de personnes aux États-Unis souffrent d'une dépendance. Nous ne disposons pas de telles données au Canada. Je présume qu'environ 20 000 Canadiens sont décédés au cours des 20 dernières années à cause de ces médicaments. Le fait qu'aucun élu fédéral ne peut nous donner ce chiffre constitue une honte nationale.
Il s'agit de la plus importante crise concernant l'innocuité des médicaments des temps modernes, et il n'est pas exagéré d'affirmer que chacun d'entre vous connaît quelqu'un qui est aux prises avec des problèmes liés à un opioïde. C'est effectivement le cas, que vous en soyez conscients ou non, et il est tout à fait possible que vous connaissiez quelqu'un qui a perdu un être cher à cause de ces médicaments. Pourtant, l'Agence de la santé publique du Canada est demeurée relativement muette sur la question, bien qu'elle ait le mandat « de promouvoir et protéger la santé des Canadiens au moyen du leadership, de partenariats, de l'innovation et de la prise de mesures dans le domaine de la santé publique. » Si vous faites une recherche dans son site Web avec le mot fentanyl, vous ne trouverez pratiquement rien.
Santé Canada semble avoir essentiellement transmis ce dossier au Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, un organisme capable selon moi de faire du bon travail, mais qui n'a pas assez de ressources et qui ne se concentre pas uniquement sur les opioïdes. Son travail concerne aussi l'alcool et les autres drogues. On a vraiment l'impression que personne ne s'occupe de ce dossier et que tout le monde est prêt à le refiler à quelqu'un d'autre. Ce n'est que récemment que nous avons commencé à observer un certain leadership à l'échelon fédéral lorsqu'on a accéléré la décision de faire de la naloxone un médicament vendu sans ordonnance, ce qui va faciliter les choses pour les sites d'injection supervisée, qui jouent un rôle très important. Il y aura aussi un sommet qui se tiendra en novembre.
Pour régler le problème, la solution doit impliquer la collaboration, être proportionnelle à l'ampleur de la situation et elle doit être appliquée de toute urgence.
Si 30 ou 40 Canadiens décédaient toutes les semaines à cause du virus Zika, vous seriez abasourdis par l'ampleur du problème. C'est exactement ce qui se produit en ce moment. Nous devons suivre la situation dès maintenant, et pas seulement en Colombie-Britannique, qui est la seule province actuellement à le faire. Nous devons tenir le compte non seulement des décès, mais aussi des cas de surdoses non mortelles.
La naloxone sauve des vies, et elle devrait être disponible partout. Elle devrait être offerte gratuitement au dépanneur du coin et à la station-service.
Santé Canada a de bonnes raisons de revoir sa décision au sujet de ces médicaments. Comme je l'ai dit, aucune étude n'a pu démontrer que ces médicaments sont sécuritaires et efficaces pour traiter les douleurs chroniques. Je pense que l'usage de ces médicaments devrait être revu et que, lorsque des médecins décident de les prescrire pour traiter des douleurs chroniques, ils devraient le faire pour un usage non conforme, un usage qui n'a pas été approuvé officiellement par l'organisme de réglementation national.
Nous devrions envisager sérieusement de retirer l'approbation des médicaments les plus puissants qui existent sur le marché: les timbres de fentanyl dont les doses vont jusqu'à 75 et 100 microgrammes, l'OxyNEO 80 et les doses les plus élevées de Dilaudid. Les dispositions de la loi de Vanessa confèrent à la ministre le pouvoir de le faire.
Nous devons également changer la façon dont les médecins prescrivent les médicaments. Les médecins doivent être moins rapides à prescrire ces médicaments et ils doivent également augmenter les doses moins rapidement qu'ils ne le font actuellement. Toute une génération de médecins n'a plus confiance en ces médicaments. Nous n'avons pas la même perception des choses qu'il y a 20 ans.
Il est important d'éduquer les médecins, mais ce n'est pas l'unique solution au problème. L'industrie ne doit plus du tout avoir la mainmise sur ces médicaments, et les spécialistes du traitement de la douleur ne doivent plus accepter d'argent de la part des compagnies pharmaceutiques.
Au début de l'année prochaine, de nouvelles lignes directrices en matière de prescription seront publiées à l'intention des médecins. Je siège au comité directeur qui en est responsable, et je peux vous dire qu'elles seront utiles. Quoi qu'il en soit, il vaut mieux que le moins grand nombre de patients possible commence à prendre de tels médicaments. Il faut aussi réduire prudemment les doses très élevées que prennent certains patients et suivre leur cas de très près.
Une grande partie de la population est aux prises avec une dépendance. Je crois qu'il est très important que nous envisagions cette situation comme un problème de santé publique et non de criminalité. Lorsqu'une personne vole dans une pharmacie ou commet un vol à main armée dans un magasin, elle ne le fait parce qu'elle est une mauvaise personne, mais parce qu'elle a besoin d'aide.
Un grand nombre de ces personnes veulent s'en sortir. Elles ont besoin d'avoir accès rapidement à des thérapies de substitution, comme le Suboxone. Elles ont besoin de soutien. Il nous faut davantage de cliniciens qui savent comment traiter ces personnes, et il faut pouvoir avoir accès à eux rapidement. Nous avons aussi besoin de centres d'injection supervisée. Je crois qu'on a expliqué que la Loi sur le respect des collectivités constitue un obstacle important à la mise sur pied de ces centres.
Je vais terminer avec un dernier point. Il ne s'agit pas d'une épidémie normale. Personne n'a jamais réclamé une plus grosse épidémie d'Ebola, de Zika ou de grippe. Certains feront valoir que les médecins ne devraient pas prescrire ces médicaments différemment parce qu'ils sont nécessaires pour traiter les douleurs chroniques, mais je crois que c'est tout à fait le mauvais message à envoyer. Il ne faut pas tenir compte de tels commentaires.
Je vais m'arrêter là.
Je vous remercie beaucoup, monsieur. Votre exposé était très instructif.
Nous allons maintenant entendre Catherine Hacksel et Sean LeBlanc de la Drug Users Advocacy League.
Vous disposez de 10 minutes.
Premièrement, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
J'aimerais mentionner que je travaille également au sein d'une équipe de soutien par les pairs à Ottawa. Je travaille quotidiennement directement avec des consommateurs de drogues, presque exclusivement des consommateurs d'opiacés.
DUAL est un organisme sans but lucratif qui a été créé en 2010. Il n'approuve pas et ne désapprouve pas la consommation de drogues, parce qu'il considère cela comme un problème qui existe dans la société. Il y aura toujours des consommateurs de drogues, et notre travail consiste simplement à les renseigner le mieux possible. Nous offrons plusieurs services, dont certains sont gérés par Catherine, dans quelques centres d'accueil. L'objectif est essentiellement de donner une voix à ceux qui n'en n'ont pas.
J'ai moi-même déjà été aux prises avec une dépendance aux opiacés. J'en ai consommé pendant environ 15 ans. Il n'y a absolument rien de plaisant là-dedans. Il est extrêmement difficile de délaisser la consommation de ces drogues. J'ai eu une enfance somme toute normale. Je n'ai jamais pensé que je serais une personne qui s'injecte des opiacés. Malheureusement, j'ai vécu quelques traumatismes durant mon adolescence, et je voulais seulement éliminer la douleur.
C'est l'avantage des opiacés: ils permettent d'engourdir la douleur, d'une façon qui n'est pas du tout saine ou utile, mais pour quelqu'un qui souffre vraiment, les opiacés permettent d'échapper à la douleur.
Ma vie a pour ainsi dire dérapé. Je me suis retrouvé à la rue et j'ai perdu l'estime de moi-même. Comme je suis entêté, j'ai réussi à m'en sortir et, en 2010, j'ai commencé à fournir du soutien aux toxicomanes et j'ai créé DUAL. C'est essentiellement l'absence d'inclusion qui m'a donné la volonté de mettre sur pied cet organisme afin de donner une voix aux gens. J'ai commencé notamment à siéger à différents comités. Ces comités ont toujours été composés d'excellents médecins, de policiers et d'épidémiologistes, mais ils ne comptaient jamais des personnes qui ont déjà consommé des drogues. S'il y en avait, c'était habituellement symbolique.
C'est pourquoi je suis ravi d'avoir été invité aujourd'hui. C'est rare qu'une telle offre se présente. Je crois que la meilleure façon d'obtenir des résultats relativement à cette crise consiste à travailler en collaboration. Il faut que les médecins, les coroners, les policiers et, de façon plus importante, d'anciens consommateurs de drogues, car ce sont eux les spécialistes, travaillent ensemble.
La crise de l'OxyContin a commencé en 2010 environ en Ontario. Comme les autres témoins l'ont souligné, c'est ce qui a créé un besoin pour le fentanyl et l'héroïne. Ces drogues sont devenues très puissantes, et de nombreux jeunes en consomment, et c'est très troublant.
Il ne faut pas aller trop loin par contre, à mon avis. Les opioïdes sont utiles pour certaines personnes qui souffrent énormément. Je connais des personnes qui ne peuvent pas se faire prescrire un opiacé en raison des préjugés associés à leur consommation. Je le répète, je n'approuve pas leur utilisation, mais j'admets qu'ils sont utiles pour certaines personnes dans notre société. Certains en ont besoin, et je crois qu'il faut garder cela en tête.
Je vais être très bref et je vais m'exprimer librement, car les autres témoins ont dit tout ce que j'avais à dire sur le sujet. J'ai fait allusion plus tôt la désintoxication. Lorsque j'ai voulu cesser de consommer, il n'existait pas vraiment de substituts. Il y avait la méthadone, mais aucun traitement n'était offert. J'ai essayé d'entrer dans un centre de désintoxication, mais ce n'était pas possible. Même maintenant, pouvoir ou non suivre un traitement dépend d'un coup de dé. Nous devons absolument accroître tous les différents types de traitement. À l'heure actuelle, il n'y en a qu'un, et c'est la désintoxication. C'est tout. Cela ne fonctionne pas pour tout le monde. Personne ne souhaite devenir une personne qui s'injecte des opiacés, mais c'est un problème qui existe dans la société, et je crois que nous devons nous y attaquer de façon responsable.
Il s'agit d'un problème médical, comme d'autres témoins l'ont souligné, et non pas de criminalité. Je crois que nous devons continuer de l'envisager ainsi. Presque toutes mes recommandations ont déjà été formulées par les autres témoins, mais je tiens à dire qu'il faut absolument supprimer le projet de loi C-2 ou à tout le moins certaines parties de cette mesure législative, et autoriser les centres d'injection supervisée. La Cour suprême a rendu un jugement unanime en faveur du centre InSite de Vancouver, qui pourra demeurer ouvert, et pourtant, aucun autre centre d'injection supervisée n'a vu le jour au pays. Je dois dire honnêtement, qu'il devrait y en avoir un, sinon plusieurs, dans chaque grande ville. Il a été démontré qu'ils contribuent à diminuer le nombre de surdoses et de décès ainsi que la transmission de maladies.
De plus, notre organisme va souvent rencontrer les jeunes dans les écoles, mais nous avons très peu de marge de manoeuvre quant à ce que nous pouvons leur dire, surtout dans les écoles publiques. Nous ne pouvons pas parler de réduction des méfaits; tout est basé sur l'abstinence. Bon nombre de personnes qui consomment des drogues, en particulier des opioïdes, commencent à cet âge. L'adolescence est une période extrêmement importante, et on ne nous permet pas de parler franchement aux jeunes.
Je crois qu'informer les jeunes et leur montrer que rien de positif ne résultera des problèmes de dépendance, en particulier aux opioïdes, peut être très bénéfique.
À mon avis, nous devons renseigner les personnes qui sortent de prison. À l'heure actuelle, il y a beaucoup de cas de surdose parmi ces gens. Ils consomment à leur sortie de prison et prennent la même dose qu'ils prenaient avant leur emprisonnement, ce qui est suffisant pour causer leur mort. Je suis désolé d'être aussi émotif, mais il s'agit de mes amis, des gens avec lesquels je travaille, des gens que j'aime. J'ai perdu mon meilleur ami, qui a été victime d'une surdose de fentanyl et cela me touche beaucoup. À Ottawa, il y a un cas de surdose d'opioïdes environ tous les 10 jours, ce qui, de toute évidence, n'est tout simplement pas acceptable.
J'ai apporté une trousse de naloxone, ce qui est très bien. En fait, je l'ai utilisée à deux reprises, et j'ai vu des gens pratiquement être sauvés d'une surdose. Le problème concernant ces trousses, à l'heure actuelle, c'est que la dose de naloxone est tellement faible et que les doses de drogues sont tellement élevées qu'elle ne bloque pas la surdose aussi bien qu'elle le devrait. J'aimerais vraiment qu'on augmente la dose de naloxone, qui est inoffensive, de sorte qu'elle réponde aux besoins.
J'aimerais également qu'on crée d'autres types de traitement. À l'heure actuelle, même aider une personne à aller en désintoxication est difficile. Chaque jour, des gens s'adressent à moi et me disent qu'ils veulent faire le ménage dans leur vie, mais nous n'arrivons pas à trouver une place nulle part. C'est essentiellement aléatoire. Si l'on réussit à trouver une place pour quelqu'un, c'est très bien; si on n'y arrive pas...
Le plus important, c'est que nous devons continuer à inclure dans les discussions des gens qui se sont retrouvés dans cette situation et des gens qui consomment. Nous avons de vastes connaissances dont, je crois, nous pouvons faire part aux gens. Comme je l'ai dit plus tôt, de concert avec des chercheurs, des médecins et des politiciens, aussi, évidemment, nous pouvons vraiment nous attaquer au fond du problème. Il existe des solutions. Je crois que les Canadiens veillent vraiment au bien-être des autres. Nous croyons vraiment à un système de soins de santé. C'est une question médicale, et je pense qu'il nous faut continuer à traiter cela de cette façon.
Dans notre organisme, nous utilisons une expression, et d'autres groupes de consommateurs de drogue au pays le font aussi: rien ne se fera pour nous, sans nous. Nous aimerions seulement qu'un plus grand nombre de gens, de tous les niveaux de la hiérarchie, participent parce qu'il existe des solutions à ces problèmes. Nous avons réglé beaucoup de choses durant la crise de l'Oxy, et je crois que nous pouvons vraiment le faire dans le cas du fentanyl. Continuons tout simplement à travailler dur, et je pense que ces problèmes peuvent être enrayés très rapidement.
Encore une fois, veuillez m'excuser d'avoir été émotif. J'avais la voix étouffée la plupart du temps, et je suis vraiment ravi d'avoir été invité à comparaître devant vous. Merci beaucoup.
Merci, Sean. Je suis vraiment heureux de voir que vous allez mieux, et je vous remercie de votre exposé.
Sean, vous disposez d'une minute, et j'aimerais vous poser une très brève question sur la trousse de naloxone. Dans quelle mesure est-il facile pour vous d'en distribuer à vos patients, à vos clients?
J'ai maintenant été formé pour pouvoir le faire, mais cela a demandé beaucoup de travail. Nous n'avons distribué que 250 trousses, ou devrais-je dire que Santé publique n'a distribué que 250 trousses à Ottawa en cinq ans. Cela ne représente même pas une trousse par semaine. Un grand nombre de pharmacies en distribuent maintenant, ce qui est vraiment formidable. On ne forme peut-être pas les gens le mieux possible et bon nombre de pharmacies ne comprennent toujours pas qu'elles sont en mesure de s'en débarrasser.
Je crois que quelqu'un a dit que 13 000 trousses ont été distribuées en Colombie-Britannique. Je pense que nous pourrions facilement atteindre ce nombre dans d'autres provinces également.
Excellent. Merci, Sean.
Nous passons maintenant aux questions, et nous commencerons par le député John Oliver.
John.
Je vous remercie beaucoup, et je vous remercie tous pour les témoignages. Ils sont empreints de passion.
Sean, je vous remercie beaucoup de nous avoir parlé de votre expérience personnelle.
Dave, je veux seulement savoir si j'ai bien compris quelque chose. Je crois que vous avez dit qu'en Ontario, un décès sur huit est lié à la consommation d'opioïdes maintenant, et que le nombre d'années de vie perdues en raison des opioïdes est plus élevé que celles perdues à cause du cancer, peu importe de quel type. Ai-je bien compris?
Ce n'est pas exactement cela. Il y a quelques années, nous avons publié un article qui portait simplement sur tous les décès enregistrés en Ontario et ceux qui étaient causés associés à des opioïdes, et nous les avons classés en groupes d'âge. Ce que nous avons principalement constaté, à part le fait que le nombre de décès associés aux opioïdes avait monté en flèche au fil des ans — ce qui n'a rien de surprenant —, c'est qu'en 2010, le groupe d'âges des 25 à 34 ans...
... est la tranche de la population dans laquelle un décès sur huit était attribuable à un opioïde et, globalement, le nombre total d'années de vie perdues équivalait à environ un treizième du nombre de vies perdues à cause de tous les types de cancer réunis.
David, j'ai été ravi de vous entendre dire également que vous observez un certain leadership à l'échelon fédéral.
La ministre de la Santé a présenté une stratégie fédérale en cinq points: mieux informer les Canadiens sur les risques liés aux opioïdes; soutenir l'amélioration des pratiques d'ordonnance; réduire l'accès aux opioïdes inutiles; soutenir l'amélioration des traitements proposés aux patients; et améliorer la collecte de données probantes et les regrouper. On n'a pu prendre des mesures concernant la naloxone, et des vaporisateurs nasaux sont maintenant importés des États-Unis.
Bonnie et vous avez fait un certain nombre de recommandations.
Bonnie a parlé de l'idée d'étendre les services de consommation supervisée et a dit que le projet de loi C-2 pose un problème majeur partout au Canada. Elle a dit également qu'il fallait faire de la vérification des drogues un service de réduction des méfaits pour s'assurer qu'on peut voir ce que l'on ingère. Enfin, elle a parlé de la nécessité d'accroître l'accessibilité aux traitements contre les troubles liés à l'utilisation des opioïdes.
David a parlé de changements sur le plan des ordonnances et d'une meilleure formation des médecins pour assurer une meilleure gestion de l'utilisation des opioïdes.
Vous avez tous dit qu'il fallait améliorer la surveillance, et que nous avons besoin d'un programme national de surveillance.
John a dit qu'il faut augmenter la dose de naloxone comprise dans certaines de ces trousses.
Avez-vous d'autres recommandations? La ministre a organisé une consultation spéciale qui se tiendra en novembre. Avez-vous d'autres conseils à nous donner pour améliorer la situation ou avez-vous des conseils à donner à la ministre?
Nous recommanderions une meilleure réglementation des précurseurs, les produits chimiques qui forment ces produits, et la réglementation de ceux-ci. La réglementation des presses à comprimés...
C'est inscrit sur la liste de la ministre, et on essaie d'ajouter les produits chimiques utilisés dans la production du fentanyl illégal à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. C'est en marche.
D'accord. Veuillez m'excuser.
Les presses à comprimés commerciales doivent être réglementées.
Nous recommanderions l'adoption de bonnes mesures législatives sur les bons samaritains qui, je crois, ont été présentées en Chambre. Il s'agit de mesures modestes, mais il s'agit d'une stratégie en matière de santé pour l'intervention en cas de surdose. Ce ne seront plus les policiers qui interviendront, et le projet de loi est axé sur la santé plutôt que sur...
Dans mes observations, j'ai dit, et je ne saurais trop insister sur ce point, qu'à mon avis, Santé Canada a de bonnes raisons de revoir sa décision au sujet de ces médicaments.
Lorsqu'on se retrouve au fond d'un trou, la première chose à faire, c'est de cesser de creuser. À moins de cesser de prescrire ces médicaments, comme nous l'avons fait pendant 20 ans, le problème ne disparaîtra pas.
J'aimerais qu'on renseigne davantage les gens, surtout à l'école publique et dans les écoles secondaires.
Pour être honnête, je dirais que la réduction des méfaits a sauvé ma vie.
En ce qui concerne la distribution de seringues, la distribution de ces trousses et la méthadone, bon nombre de conseils scolaires, par exemple, nous empêchent de parler véritablement des drogues présentement. Je crois qu'il serait très bon d'assouplir les restrictions.
J'aimerais que le gouvernement fédéral adopte des stratégies d'application et d'interdiction sur l'importation de drogues illicites. Il serait bon que nous fassions tout ce que nous pouvons par l'intermédiaire de l'ASFC, l'Agence des services frontaliers du Canada, pour essayer d'améliorer notre capacité à empêcher leur entrée et pour améliorer les relations avec d'autres pays, en particulier la Chine, où l'on fabrique une bonne partie de ces substances.
Bonnie, je crois que vous avez mentionné que vous avez lancé des campagnes dans les médias sociaux et que vous essayez de sensibiliser la population.
Quels messages désireriez-vous transmettre principalement à de jeunes Canadiens qui pourraient envisager de faire un usage récréatif de ces drogues?
Évidemment, je leur dirais en premier lieu que ce sont des produits dangereux et qu'il ne faut pas les consommer.
Comme nos collègues l'ont mentionné, nous savons que des jeunes vont en faire l'essai. Il s'agit d'expliquer comment s'aider mutuellement et comment utiliser la naloxone. Nous avons une campagne intitulée « Naloxone Wakes You Up », pour que les gens sachent comment on l'utilise et comment savoir si un ami est victime d'une surdose et qu'il leur faut appeler le 911. Nous avons beaucoup collaboré avec les forces de l'ordre en Colombie-Britannique pour que l'expérience soit positive, de sorte qu'elles ne mettent pas en état d'arrestation des gens lorsqu'ils interviennent dans les cas de surdose, ce qui a déjà posé problème.
Nous faisons participer beaucoup de jeunes à l'élaboration de ces outils, et des gens qui ont vécu l'expérience nous aident à parler franchement aux enfants de ces questions.
J'inciterais les gens à visiter le site Web Towardtheheart.com que nous avons créé en Colombie-Britannique. Il s'agit d'une collaboration entre des gens qui consomment des drogues, des gens qui ont vécu une expérience et le milieu de la santé. Nous avons beaucoup d'outils destinés aux jeunes et aux gens de tous âges concernant les mesures à prendre, les risques et les moyens d'intervenir.
J'ai trouvé votre conseil selon lequel il faut éviter d'utiliser certains mots comme « puissant » excellent. Je crois que c'est peut-être Mme Lapointe qui a soulevé ce point.
J'ai une dernière question à poser à David. L'épidémie de fentanyl en Colombie-Britannique est ahurissante. Je pense que de 2012 à 2015, le taux de décès associés aux drogues illicites incluant le fentanyl est passé de 5 à 62 %.
Avez-vous des données sur la présence du fentanyl en Ontario?
En Ontario, le taux a doublé au cours des quatre dernières années. En Alberta, je pense que le nombre de décès liés au fentanyl a augmenté d'environ 5 000 % en trois ou quatre ans. On ne parle plus des ordonnances, mais bien des produits illicites provenant de la Chine qui entrent au Canada, et qui sont produits au pays jusqu'à un certain point.
Je serai très bref. Il existe des formes de fentanyl plus dangereuses. En Ontario, nous ne faisons même pas de test à cet égard. Je sais qu'il y en a. Nous ne les cherchons pas.
Je vais tout d'abord poser une question à Mme Henry. Vous avez parlé un peu de l'idée de fournir de la naloxone. Je crois que nous convenons tous que c'est une très bonne chose à faire. Par contre, ce qui m'inquiète, c'est que nous parlons aussi des tests pour vérifier la présence de fentanyl dans les drogues qui sont utilisées, et nous aimerions le faire.
S'il est possible d'effectuer des tests sur le fentanyl et de fournir des trousses de naloxone, j'imagine que peu importe si l'on trouvait du fentanyl ou non, certains consommateurs de drogues décideraient d'en consommer de toute façon puisqu'ils ont accès à la naloxone.
C'est ce que je crains. J'ai l'impression que cela pourrait faire perdurer le problème plutôt que de le résoudre. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.
Vous avez tout à fait raison. En fait, certaines personnes cherchent à obtenir le test. On nous a dit que certains narcotrafiquants envoient des gens pour faire vérifier leurs drogues, parce qu'ils ne veulent pas donner du fentanyl à leurs consommateurs de cocaïne. Quoi qu'il en soit...
Pour ce qui est de perpétuer l'utilisation, je ne crois pas que ce soit un problème. Nous avons mené un projet pilote à InSite, le centre d'injection supervisée à Vancouver. Certaines personnes ne font pas le test. Les gens se rendent à InSite parce qu'ils ne veulent pas que leur dépendance aux drogues les tue. C'est une occasion d'intervenir, de les traiter avec respect, de leur donner la possibilité de se sortir du cycle dans lequel ils sont. Nous ne voyons pas cela comme un moyen de perpétuer l'utilisation ou d'encourager les gens à consommer. Ce que nous constatons, c'est que chaque jour, ils restent en vie et que c'est une occasion de sortir de ce cycle.
La naloxone maintient les gens en vie. Ce que nous constatons, c'est que les gens vérifierions leurs drogues, et parce qu'il faut en utiliser une petite partie, s'il c'est difficile à obtenir et qu'on est dans cette situation, on pourrait ne pas vouloir faire cela. Nous constatons que des gens le font après une surdose pour voir si c'en était la cause.
C'est encore difficile, parce que si les tests servant à vérifier les drogues sont accessibles, nous ne connaissons pas les paramètres. Ils ne sont pas conçus pour les drogues, mais pour les tests d'urine. Nous n'avons pas encore de bonnes capacités de vérification des drogues, mais nous y travaillons.
Merci.
Un député de l'autre côté de la table a également dit qu'on met l'accent sur les sites d'injection sécurisés, sur l'utilisation sécuritaire, la consommation sécuritaire, si l'on veut. On met l'accent sur les traitements de substitution. Je n'entends pas beaucoup parler de désintoxication ou de thérapies permettant aux gens de cesser de consommer des drogues illicites.
Je crois, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, que toute personne sur cette planète a beaucoup de valeur et que chacune naît avec un incroyable potentiel. Je crois également que ce potentiel ne peut se réaliser que si la personne a la chance d'être en santé. Il me semblerait donc raisonnable de croire que la consommation de drogues illicites empêche sûrement la personne de réaliser son plein potentiel.
En gardant tout cela à l'esprit, je suis clairement pour tout traitement qui puisse aider la personne à cesser de consommer des drogues illicites et à se réaliser pleinement comme personne. Je me demande donc pourquoi on ne mettrait pas l'accent sur le traitement. Pourquoi ne pas mettre l'accent sur des services aidant les gens à surmonter leur dépendance, puisqu'ils n'en veulent probablement pas de toute façon, pour la plupart, et à s'épanouir pleinement comme personne et à réaliser le potentiel avec lequel ils sont nés? Pourquoi ne pas privilégier cette approche, pourquoi ne pas investir notre énergie et notre argent de cette façon, plutôt que de prendre toutes ces autres mesures?
Je comprends qu'il y a des stades intermédiaires. Je le comprends bien. Je me demande seulement pourquoi cela ne fait pas partie de la conversation ici.
Madame Henry, j'aimerais d'abord vous entendre à ce propos.
C'est un volet très important de notre conversation. Je suis certaine que David vous en parlera. C'est difficile, parce que nous avons besoin d'interventions immédiates pour empêcher les gens de mourir et qu'ils puissent se rendre jusque-là. Vous avez totalement raison. Sean vient de le dire: aucun enfant ne rêve de devenir dépendant à ces drogues et personne ne souhaite mourir dans la rue du fentanyl. Ce n'est le but de personne dans la vie. Par exemple, nous nous sommes rendu compte par le projet InSite — qui comprend InSite et OnSite — que le fait de traiter les gens avec respect, de les amener à gérer leur dépendance plutôt que d'en mourir les aide à amorcer un changement et à accepter de se faire traiter pour cesser de consommer.
Je pense que l'une des difficultés, c'est que nous sommes pris avec un anachronisme, une idée de la désintoxication et du traitement qui se fonde sur l'alcool et les programmes d'abstinence de 28 jours. Cela ne fonctionne pas pour les opioïdes. La dépendance physiologique aux opioïdes et leurs effets sur le corps et l'esprit diffèrent beaucoup de la dépendance à l'alcool. Les traitements de substitution aux opioïdes aident les gens à cesser de consommer des drogues illicites. Ils remplacent la désintoxication, qui expose les personnes à un grand risque de surdose et de décès et qui constitue un traitement très traumatique et difficile. Le traitement de substitution ne se veut pas un traitement à vie pour la plupart des gens. Il sert pendant une certaine période et permet à la personne de cesser de consommer des drogues illicites, après quoi elle pourra cesser de consommer des substituts en temps et lieu.
Je m'excuse, mais par manque de temps, je devrai vous interrompre ici. J'ai eu l'occasion de visiter InSite ce printemps. J'y ai parlé avec le directeur et je lui ai demandé s'il déployait des efforts quelconques pour aider les gens à cesser de consommer des drogues, et il m'a répondu « non ». Il m'a dit que ce programme était un succès s'il aidait les gens à s'injecter de la drogue en toute sécurité, point final. Je lui ai donc demandé s'il y avait des partenariats avec des organisations...
... pour aider les gens... Je comprends que différentes organisations peuvent travailler en partenariat vers l'atteinte de cet objectif. Il m'a dit « non ». C'est très décevant pour moi, parce que je peux voir la valeur d'un site d'injection sécurisé, mais encore une fois, ce ne doit être qu'une solution intermédiaire.
Comment pouvons-nous assurer ensuite une collaboration entre organisations pour aider davantage les gens.
Je pense que vous avez peut-être mal compris son approche. Le but d'InSite n'est pas de dire aux gens qu'ils doivent cesser de consommer de la drogue, mais de les aider ce jour-là. Il y a par ailleurs un programme de traitement, de désintoxication, qu'on appelle OnSite, qui est offert dans le même bâtiment. Donc selon la philosophie d'InSite, ce programme est l'occasion de trouver d'autres façons d'aider les gens à cesser de consommer. Je m'y suis rendue à de nombreuses reprises, et je sais que la philosophie, dans la salle d'injection, n'est pas de dire aux gens d'arrêter chaque fois qu'ils se présentent sur les lieux. On leur demandera plutôt de: « Comment allez-vous aujourd'hui? Pouvons-nous vous aider aujourd'hui? » Cela dit, il y a clairement des liens à faire pour aider les gens à cesser de consommer, et il y a un programme de traitement OnSite. Nous tenons compte de tout le spectre des interventions possibles.
Merci, monsieur le président, et merci à toutes les personnes ici présentes aujourd'hui. Ce sont des témoignages très puissants et convaincants.
Madame Henry, nous savons que le Dr Perry Kendall, médecin hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique, a déclaré une urgence de santé publique dans sa province. Il a dit qu'une « collaboration efficace avec le gouvernement pourrait vraiment contribuer beaucoup à réduire le nombre de décès par surdose ».
Pouvez-vous brièvement nous expliquer ce qui a poussé le Dr Kendall à déclarer l'état d'urgence de santé publique en Colombie-Britannique et croyez-vous qu'il y aurait lieu de déclarer l'état d'urgence national en matière de santé publique?
C'est une très bonne question.
Je suis l'adjointe du Dr Kendall, et nous avons pris cette décision en consultation avec nos collègues du Bureau des coroners. Nous avons un réseau de personnes qui suivent la situation de près.
Si nous avons déclaré l'état d'urgence, c'est que comme ce graphique le montre, même si nous avions probablement les meilleurs programmes de dépistage, de suivi et de surveillance au pays pour ce genre de chose, nous n'arrivions pas à changer la donne. Nous avions un programme d'administration de naloxone à domicile, mais les gens mouraient quand même. Dans notre province, il y a deux personnes qui meurent chaque jour de ce type de surdose.
Nous avions l'impression d'avoir besoin d'un cadre d'intervention beaucoup plus détaillé et du pouvoir de recueillir de l'information que nous ne pouvions pas recueillir selon le cadre législatif en vigueur en Colombie-Britannique. Nous voulions pouvoir colliger plus de données pour bien comprendre le profil des personnes touchées, où elles se trouvent et où nous pourrions offrir des programmes et des interventions.
Nous avons sonné l'alarme en partie pour sensibiliser les gens et en partie pour acquérir de nouveaux pouvoirs, afin de recueillir plus d'information pour réagir de façon plus coordonnée.
Vivek Murthy, le Surgeon General des États-Unis, a fait parvenir une lettre à tous les fournisseurs de services des États-Unis au sujet des problèmes qu'ils éprouvent. Nous ne sommes pas les seuls touchés par ce fléau. Le taux de prescription des opioïdes au Canada est le deuxième plus élevé au monde. Les États-Unis se classent juste devant nous. Il y a des États qui ont la même...
Madame Henry, croyez-vous qu'il faudrait déclarer l'état d'urgence national en matière de santé publique...
Oui. Comme le coroner l'a déclaré, nous ne mesurons pas l'ampleur du phénomène au pays. Il touche le Canada d'un océan à l'autre. J'aimerais qu'il y ait une stratégie nationale, et je pense qu'il serait très utile d'exercer un leadership national à ce chapitre.
Madame Lapointe, le Service de police de Vancouver a pour politique de ne pas répondre aux appels au 911 en cas de surdose, et les représentants de la GRC ont affirmé dans leur témoignage de mardi qu'ils n'ont jamais même envisagé d'adopter une telle politique. Le devraient-ils?
Absolument.
J'ai entendu notre ministre de la Sécurité publique dire récemment que nous ne pouvions pas nous sortir de cette situation à coups d'arrestations. Nous savons que cette façon de faire ne fonctionne pas (la honte, le blâme et l'arrestation de personnes). C'est un échec retentissant. En fait, les décès et les surdoses ne font qu'augmenter en conséquence. Il faut traiter la situation comme un problème de santé, de sorte que si une personne se sent mal après avoir pris de la drogue, elle puisse appeler l'ambulance et se faire traiter à l'hôpital. C'est la seule façon de sauver des vies.
Dans la même optique de traitement, quand on est atteint d'une maladie mortelle ou potentiellement mortelle, comme le cancer, on s'attend à être traité, à avoir accès à des traitements. Quand une personne devient dépendante à des drogues, elle devrait avoir accès à des traitements.
Permettez-moi de réagir à cela, madame Henry et madame Lapointe.
Je vais être franc. Il semble y avoir divergence d'opinions dans cette pièce à l'égard de la stratégie du gouvernement avec le projet de loi C-2. Le gouvernement semble refuser obstinément de reconnaître qu'il doit modifier le projet de loi C-2.
Madame Henry, pour reprendre vos mots, le projet de loi C-2 contient des « obstacles extrêmes ». L'honorable Hedy Fry, quand elle était porte-parole libérale en matière de santé, a dit que le projet de loi C-2 était conçu pour empêcher l'ouverture de centres de consommation sécurisés. Je pense que le Dr Perry Kendall l'a dit lui aussi.
Je vais vous poser la question directement. Le gouvernement libéral semble laisser entendre que le problème n'est pas le projet de loi C-2. Il suffirait d'expliquer les besoins aux divers groupes, et si nous pouvions faciliter le processus, il pourrait y avoir un plus grand nombre de centres d'injection sécurisés.
Le fait est qu'il y a deux centres d'injection au Canada: InSite et le Centre du Dr Peter. Il n'y a pas un seul nouveau centre d'injection qui a ouvert au pays depuis un an et demi. Nous avons reçu une seule demande, de la Ville de Montréal. Au Toronto Board of Health, tout le monde me dit que compte tenu des obstacles actuels, il faut des mois et des centaines d'heures pour réussir à soumettre une demande.
Ma question est la suivante: quels sont d'après vous les obstacles inutiles créés par le projet de loi C-2?
Je pourrais vous en parler longuement. Nous décrivons certains de ces obstacles dans le rapport écrit que nous vous avons fait parvenir.
Il y a environ 25 éléments différents dans le projet de loi C-2 que je considère comme des obstacles. Parmi les principaux, il y a l'obligation de demander l'avis des voisins, qui ne se fondent pas nécessairement sur des faits, et différents autres avis. C'est contraignant de solliciter ce genre d'opinion, parce qu'on se trouve à raviver les questionnements sur les services de consommation supervisés et leur valeur. C'est difficile.
Un autre élément tout aussi ridicule, c'est qu'il faut nommer toutes les personnes qui travailleront dans l'établissement et qu'aucune ne peut avoir de casier judiciaire. Des gens comme Sean ne pourraient pas travailler dans ce genre de centre, ce qui nous semble ridicule, parce que le soutien par les pairs est un aspect vraiment important et utile.
Il y a toute une série d'éléments que je pourrais assurément vous décrire.
Merci. Vous pourriez peut-être faire parvenir au Comité la liste de tous les obstacles que vous voyez...
... parce que ce qui me turlupine, c'est ce lien qui fait qu'il s'agit d'un problème de santé et non de maintien de l'ordre. Il faut obtenir l'approbation du chef de police local. Pour quel autre service médical ou de santé faut-il obtenir la signature du chef de police au Canada? Est-ce que ce ne devrait pas être une décision médicale plutôt qu'une décision en matière criminelle?
En effet, et c'est l'opinion du chef de police. Je vous dirai que nous avons reçu beaucoup de réponses positives des services policiers de la Colombie-Britannique, y compris de la Division E de la GRC.
Par la voix de sa ministre, Santé Canada a manifesté l'intérêt de travailler avec nous afin d'essayer de surmonter certains de ces obstacles, mais nous avons toujours l'impression que le mieux serait d'abroger ou de réviser en profondeur le projet de loi C-2.
Docteur Juurlink, j'aimerais vous donner la chance de vous exprimer. Vous avez dit qu'il n'y avait pas de système national de surveillance au Canada. Nous ne savons même pas combien de Canadiens meurent chaque année de la consommation d'opioïdes. Vous avez parlé du CCLT. Vous avez dit qu'il s'agissait d'un organisme non gouvernemental sous-financé. Ce dernier a fait 58 recommandations, dont il n'aurait pas dressé l'ordre de priorité ou qui n'auraient pas été mises en oeuvre. Que pouvez-vous nous dire de ces recommandations? Ont-elles été suivies? Quelles sont celles qui devraient l'être d'après vous?
Je pense que certaines d'entre elles ont été suivies. Je vous renverrais au CCLT lui-même pour qu'il vous informe de l'état des diverses recommandations.
Ce que je voulais dire, avec ce commentaire, c'est que par définition, certaines de ces 58 recommandations sont plus importantes que d'autres. En voici une que j'ai sous les yeux:
Améliorer et encourager l'accès aux traitements, lesquels devraient comprendre:
i. des interventions pharmacologiques;
ii. du soutien psychologique et du counselling;
iii. des programmes de prise en charge du sevrage.
Ces propositions laissent entendre qu'il doit y avoir des établissements de soins de santé. Ces mesures ne pourront pas se concrétiser assez vite. Ce document date d'il y a trois ans et demi. Il devrait déjà y avoir de tels services partout. C'est pourquoi je pense qu'il aurait fallu fixer des priorités, mais cela n'a pas été fait.
Je remercie tous les témoins.
Docteur Juurlink, vous avez mentionné la prescription d'opioïdes par les médecins. Quels genres de restrictions devraient être imposées aux médecins qui prescrivent des opioïdes?
Quels genres d'ordonnances devraient rédiger les médecins? Il y a des perspectives très différentes...
Non, pouvez-vous nous parler de mesures de prévention? Vous avez dit qu'un décès sur huit chez les 25 à 34 ans en Ontario est attribuable à une surdose d'opioïdes, donc quels genres de mesures de prévention pourrions-nous prendre, d'après vous? Les médecins pourraient-ils ne pas avoir l'autorisation de prescrire de fortes doses d'opioïdes, par exemple?
Je pense qu'il y a assurément différents contextes, mais que comme médecin, quand je rédige des ordonnances, je suis conditionné à vouloir aider mon patient. Je suis constamment confronté à la douleur, et j'ai peur des autres médicaments. Je suis rendu à l'aise avec les opioïdes en raison de ce qu'on m'a enseigné, même si c'est faux en grande partie. Je veux dire que d'après moi, il faudrait rééduquer les médecins ou les deséduquer au sujet de ces substances.
Il faudrait insister sur le fait que le but d'un médicament est de faire plus de bien que de tort, mais qu'il est très fréquent que ce ne soit pas le cas des opioïdes. Ils peuvent être bénéfiques pour certains patients à long terme, mais plus la dose est forte, moins c'est probable. C'est pourquoi je pense que les médecins ne devraient pas avoir le droit de prescrire des doses aberrantes de 200 ou de 300 milligrammes. Il est inconcevable que ce soit bénéfique pour quelqu'un.
Je pense aussi que quand des doses aussi élevées sont utilisées selon les directives, comme dans l'OxyNEO 80 et les timbres à forte dose de fentanyl, on dépasse le seuil critique des anciennes lignes directrices canadiennes. Au-delà de ce seuil, il est très probable que les méfaits soient plus grands que les bienfaits. De telles doses ne devraient pas être prescrites, mais elles le sont pourtant. C'est culturel. Nous en prescrivons depuis 20 ans, mais il faut arrêter de le faire.
Monsieur LeBlanc, vous dites qu'il faut apprendre à nos jeunes le concept de la réduction des méfaits. À quel âge doit-on le leur enseigner? Au primaire ou au secondaire?
Je vois des enfants de si peu que 13 ans commencer à prendre du fentanyl, à Ottawa du moins. Il ne semble pas y avoir de gradation. Quand j'étais jeune, les gens commençaient par la marijuana, après quoi ils prenaient de l'alcool puis des substances plus fortes. Aujourd'hui, ils prennent du fentanyl dès le début, ils consomment des opiacés puissants à un très jeune âge, donc oui, je crois qu'il faudrait commencer les campagnes d'éducation à ce sujet dès le début du secondaire, en 7e et 8e années.
Merci.
Madame Lapointe, vous avez mentionné le choix des mots. Y a-t-il des mots forts concernant l'héroïne qui joueraient un rôle dans la crise? Les mots choisis ont-ils une grande incidence? Pouvez-vous nous donner d'autres exemples de façons dont le choix des mots et leur définition jouent un rôle dans la crise en Colombie-Britannique?
Avant de répondre à cela, j'aimerais souligner qu'il y a un vide de connaissances dans ce domaine. Nous n'avons pas de données probantes pour l'ensemble du pays sur l'identité exacte des personnes qui décèdent, le moment où elles décèdent et pourquoi elles décèdent. Nous ne savons pas, par exemple, combien des personnes qui meurent actuellement se sont fait prescrire des opiacés. Si l'on veut mettre en oeuvre des solutions fondées sur des données probantes, il faut des données probantes, et nous n'en avons pas. J'exhorte vivement le Comité de demander un investissement en recherche.
Pour répondre à vos questions, nous entendons dire, ici et là, par ceux qui travaillent avec les consommateurs de drogues illicites, que les mots utilisés pour désigner certaines drogues dures, particulièrement puissantes, poussent un certain segment de la population toxicomane à vouloir ces drogues. Il y a actuellement des gens qui cherchent activement du fentanyl, parce qu'il procurerait une plus grande euphorie, parce qu'il est plus fort que l'héroïne qu'ils utilisaient jusque-là, par exemple.
J'aimerais également souligner clairement que les décès attribuables à la drogue en Colombie-Britannique, actuellement, ne sont pas tous liés aux opiacés. La cocaïne est souvent en cause. L'alcool est souvent en cause. Nous commençons à faire des recherches pour distinguer les différentes substances, mais tant que nous saurons pas exactement quelles substances tuent les gens et comment ils ont commencé à les consommer, je crois que nous ne pourrons pas mettre en place de solutions vraiment efficaces.
Je vous remercie toutes et tous d'être ici. J'ai assisté à plusieurs séances du Comité jusqu'ici, et je dirais que toute personne de 19 à 39 ans qui souhaite regarder une séance du Comité, tout parent, ferait probablement le meilleur usage possible de son temps en consacrant deux heures à l'écoute des témoignages présentés par les gens en contact avec les personnes en surdose, par les personnes qui prescrivent ces drogues, par les personnes qui constatent de leurs yeux l'urgence en matière de santé en Colombie-Britannique et, malheureusement, par les gens qui les voient mourir. C'est probablement le groupe de témoins ayant le plus de profondeur jamais entendu sur la question, donc je tiens à vous en féliciter.
Docteur Juurlink, quelle est l'utilité des services de consommation supervisés pour éviter la crise des opioïdes?
Elle est inestimable. Les gens consommeront toujours des drogues. Ce ne sont pas tous les toxicomanes qui souhaitent continuer d'en consommer. Beaucoup voudraient arrêter, et ils devraient avoir l'occasion de le faire. C'est un fait pur et simple que les gens ne meurent pas dans les centres d'injection sécurisés. Je suis d'accord avec Sean pour dire qu'il devrait y en avoir dans toutes les collectivités du pays. Mais il y a des obstacles, et pendant qu'on continue de faire des pieds et des mains pour obtenir toutes les approbations nécessaires, les gens meurent dans les toilettes publiques. Cela ne devrait pas arriver.
Docteure Henry, en Colombie-Britannique, quel pourcentage des victimes de cette crise des opioïdes meurent en raison de dépendances à des médicaments d'ordonnance par rapport à des dépendances à des drogues à usage récréatif? Avons-nous des données — même préliminaires — à cet égard?
Nous n'avons pas de données là-dessus, bien que je puisse dire que la crise en Colombie-Britannique a évolué et qu'elle diffère légèrement de ce que nous voyons en Ontario à l'heure actuelle. Ce ne sont généralement pas les opioïdes d'ordonnance qui posent problème, mais bien les opioïdes illicites que les gens achètent dans la rue. Cela a peut-être commencé par un dérivé de fentanyl illicite, mais il est clair que les problèmes actuels découlent du fentanyl illicite surtout fabriqué ailleurs et importé en Colombie-Britannique.
Si quelqu'un allait dans un site de consommation sécuritaire et voulait tester le produit qu'il utilise, existe-t-il des appareils de détection permettant de déceler le niveau de fentanyl ou de déterminer s'il en contient? Existe-t-il pareille technologie susceptible d'être utile dans des endroits comme les sites de consommation sécuritaire pour que les personnes puissent tester leur produit très rapidement afin de s'assurer de ne pas faire d'overdose par la suite?
La réponse abrégée est « en quelque sorte ». On a procédé à des essais pilotes à InSite avec des petits tests qui ressemblent à des tests de grossesses — avec les petites barres —, mais qui ne peuvent détecter que le fentanyl et non certains de ces autres opioïdes illicites qui circulent, et nous ne savons pas dans quelle mesure ils sont efficaces. Ce n'était qu'un essai pilote.
Un des problèmes que nous occasionne la Loi réglementant certaines drogues et autres substances est qu'elle ne permet pas aux gens qui travaillent à InSite de manipuler les drogues, si bien que les consommateurs doivent faire leurs propres tests. C'est un peu délicat et compliqué, et ils ont besoin d'aide.
Il y a des spectromètres de masse qui détectent mieux le contenu des substances mais, encore une fois, ils doivent être opérés par quelqu'un. C'est là où nous pensons pouvoir obtenir des exemptions utiles au titre de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour permettre à ce service d'être offert à plus grande échelle à certains endroits. À l'heure actuelle, je ne peux pas légalement tester la drogue de quelqu'un à sa place.
Merci, Randeep.
D'accord, nous allons maintenant passer à notre deuxième série de questions. Vous avez cinq minutes chacun.
Nous allons commencer par le député Colin Carrie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voulais porter un point à l'attention de Mme Lapointe et de Mme Henry. Vous avez mentionné les presses à comprimés et les précurseurs du fentanyl. Je sais qu'un de nos collègues au Sénat, Vern White, a déposé deux projets de loi d'initiative parlementaire, et je pense qu'il a eu des discussions avec la ministre. Je crois que nous essayons d'accélérer l'étude de ces projets de loi.
Je vais prendre un point de vue anticonformiste. Il n'aura peut-être pas la cote auprès des gens du présent groupe, mais il est semblable à celui de Vern White, qui aborde la question dans une optique de sécurité publique tout autant que de traitement.
Ma première question s'adresse à Mme Henry.
Nous avons parlé de notre manque de statistiques fiables et même mentionné que les statistiques à InSite sont dérivées d'un questionnaire. Sur son site Web, InSite affirme que seulement 7 % des ses utilisateurs finissent par aller à OnSite, et leurs statistiques montrent que seulement 50 % d'entre eux continuent le traitement. En conséquence, si on en juge par leurs propres statistiques, seulement 3,5 % des gens suivent un traitement, et nous ignorons combien d'entre eux continuent par la suite.
Vous demandez l'abrogation de la Loi sur le respect des collectivités. Je pense que la situation à Vancouver est très unique, extrême même, y compris avant la mise sur pied du site d'injection InSite. J'ai visité InSite et je continue de trouver la situation là-bas extrême et très triste. Cependant, ne croyez-vous pas que les collectivités devraient avoir une opinion?
Je veux citer quelqu'un qui adopte un point de vue différent. Il s'appelle Bill Blair. Lorsqu'il était policier — il est maintenant politicien — il a dit: « Ils [le] font à Vancouver depuis un certain nombre d'années, ce qui a soulevé [certaines] questions. Je ne connais pas un seul endroit à Toronto où cela n'aurait pas d'incidence négative importante sur les collectivités ». Lorsqu'il a été question du côté éducatif de la chose, il a aussi fait allusion à ce qu'il a qualifié de « message ambigu qui vient d'une société qui affirme qu'on ne peut consommer ces drogues illégales — mais que si on [le] fait, on nous fournira un endroit à cette fin ».
Pensez-vous vraiment que les collectivités ne devraient pas avoir d'opinion, qu'elles ne devraient pas avoir leur mot à dire? Je croirais que si une collectivité s'oppose à un site d'injection supervisé, il ne sera pas couronné de succès. Pensez-vous vraiment qu'il faille abroger cette loi?
Je pense que les collectivités doivent absolument avoir une opinion, mais il doit s'agir d'une opinion éclairée et fondée sur des preuves. Il existe beaucoup de preuves de l'efficacité d'InSite, pas seulement pour sauver des vies, mais aussi pour réduire la criminalité et les répercussions sur la collectivité. Vous avez tout à fait raison de dire que le centre-est de Vancouver est une collectivité comme aucune autre au Canada — fort heureusement, car les problèmes y sont nombreux.
Je pense que le modèle d'InSite comme site d'injection sécuritaire indépendant n'est pas ce qu'on envisage dans bien des collectivités. On envisage plutôt ce qu'on appelle des « services de consommation sécuritaire », c'est-à-dire où les gens peuvent consommer de la drogue dans un milieu dans lequel ils peuvent bénéficier de soins de santé au besoin. Cependant, je pense qu'on oublie la première partie de notre message, en l'occurrence que c'est dangereux et qu'on ne devrait pas le faire. Comme le Dr Juurlink le dit, les gens vont consommer de la drogue, et nous devons leur donner la possibilité de rester en vie assez longtemps pour réaliser leur potentiel.
Je pense que les services de consommation sécuritaire jouent ce rôle, mais qu'ils doivent être intégrés au système de services de santé. Le centre Dr. Peter en est un autre bon exemple. On y travaille très discrètement en offrant d'autres services de santé. C'est un service qui a été très efficace. Nous avons accompli beaucoup de travail avec nos collègues du secteur de l'application de la loi en Colombie-Britannique, et ils ont parlé aux services de police de Vancouver de l'efficacité de cet arrangement. Les points de vue des gens ont changé, et ils ont besoin d'être informés...
C'est ce dont je parle — de données fiables et fondées sur des preuves — et nous venons de dire que nous ne les avions pas. Cependant, on continue de citer InSite comme un exemple à suivre ou une initiative phare pour le Canada. J'ai pris connaissance de la documentation, et elle semble avoir été rédigée par un ou deux types différents qui passent leur temps à se citer l'un l'autre. Il y a un type qui s'appelle Kerr et un autre, je crois, qui s'appelle Montaner. Lorsque vous prenez la chose du point de vue du gouvernement, les sites d'injection semblent être un effort visant à mettre tous les oeufs dans le même panier. Je crois que le président de l'association des policiers disait sur CTV qu'à cause d'InSite, ils ont dû affecter 100 agents au secteur pour y assurer le maintien de l'ordre et la sécurité des personnes qui s'y trouve. À 100 000 $ par agent, cette mesure coûte 10 millions de dollars par année. Ce montant permettrait d'offrir des programmes de traitement de 90 jours à plus de 1 000 personnes.
Je pense qu'on a mené des travaux de recherche très rigoureux concernant InSite. M. Kerr fait partie des principaux chercheurs dans ce projet, pour lequel il a reçu des subventions de recherche indépendantes.
Comme je l'ai mentionné, nous examinons nombre de modèles différents de consommation sécuritaire qui sont intégrés aux services de santé et au continuum de services offerts aux gens, y compris les options de traitement.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être venus. Votre apport est très précieux.
Avant de commencer à poser des questions, j'aimerais préciser que je suis urgentiste. J'ai passé ma carrière entière à pratiquer la médecine d'urgence, dont les huit dernières années au centre-ville de Winnipeg. Ce type de sujet me tient beaucoup à coeur, car il a occupé une grande partie de ma vie professionnelle.
Docteur Juurlink, je vous sais gré des commentaires que vous avez faits concernant les pratiques de prescription des médecins. Je vois des gens qui viennent consulter, et nous obtenons une liste informatisée des médicaments qu'on leur a prescrits, et lorsqu'ils n'en n'ont plus, ils viennent à l'urgence et nous disent « Le cabinet de mon médecin est fermé », ou pire, « Mon médecin refuse de continuer à me les prescrire, alors pouvez-vous le faire? »
Nous avons essayé de faire intervenir le Collège des médecins et chirurgiens du Manitoba pour imposer des types de lignes directrices et de restrictions en ce qui touche les pratiques de prescription pour essayer de mieux les contrôler. Ils ont plus ou moins fermé les yeux sur la chose. Ils affirment ne pas avoir coutume de microgérer la façon dont les médecins pratiquent la médecine.
Penseriez-vous que les collèges, les organismes de réglementation dans chaque province, pourraient jouer un rôle plus important pour contribuer à changer le comportement des médecins en ce qui concerne les ordonnances?
Oui. Je pense que la Colombie-Britannique est déjà passée à l'acte. En fait, le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis a instauré des lignes directrices concernant les prescriptions plus tôt cette année, et je pense que la Colombie-Britannique en a ordonné l'utilisation.
Cette démarche n'est pas sans danger, car ces lignes directrices ne tiennent pas compte des personnes qui consomment des centaines de milligrammes par jour. Si elles se retrouvent soudainement sans drogue, ces personnes iront en acheter dans la rue et mourront parce qu'elles auront consommé une substance contenant du fentanyl, par exemple.
À titre de membre du comité directeur des nouvelles lignes directrices canadiennes en matière de prescription de médicaments contre la douleur chronique, je pense qu'il est important que chaque organisme de réglementation provincial et territorial encourage fortement, voire ordonne, que l'on suive les lignes directrices qui paraîtront au début de 2017.
Merci. J'ai toujours pensé que ce devrait être le cas. C'est bon d'entendre quelqu'un abonder dans le même sens.
Madame Henry, M. LeBlanc — que je remercie d'avoir eu le courage de se présenter aujourd'hui et de nous livrer son témoignage — a fait allusion à une des choses dont nous avons parlé, c'est-à-dire le système pénal. Bien des personnes qui consomment des drogues sont dans ce système, doté d'installations de traitement terriblement inadéquates. Êtes-vous d'accord pour dire que nous avons besoin de meilleurs centres de désintoxication dans notre système correctionnel?
Absolument et, dans notre réponse, les services correctionnels provinciaux et fédéraux font partie de nos partenaires. Nous avons commencé par offrir la naloxone dans nos établissements correctionnels provinciaux. On travaille à pouvoir offrir les traitements. Il s'agit là de questions vraiment importantes.
Comme il a été mentionné, la période qui suit la sortie d'un établissement correctionnel est cruciale. Pendant leur incarcération, les détenus n'ont pas eu un accès régulier aux drogues, si bien qu'ils sont très à risque de mourir d'une overdose à leur sortie. Il est donc important de les soutenir à ce moment-là.
Nous entendons aussi dire que, étant donné que les drogues sont introduites assez régulièrement en milieu carcéral, les détenus doivent les consommer très rapidement pour éviter d'être repérés. En conséquence, les cas d'overdose sont actuellement très nombreux dans nos établissements. Nous pensons que notre façon de les gérer adéquatement, d'encourager les gens et d'offrir des traitements de substitution aux opioïdes en prison est vraiment primordiale.
Merci.
Il me reste une minute, et je veux approfondir la question.
Un des avantages qu'offre un programme comme InSite, en plus de prévenir les overdoses, bien sûr, est de fournir aux utilisateurs du matériel et des aiguilles propres. C'est donc dire que vous réduisez aussi les taux de transmission de maladies transmissibles par le sang, comme le VIH et l'hépatite.
Il y a plusieurs mois, on a mentionné aux nouvelles qu'on refuse d'offrir quelque chose comme des programmes d'échange d'aiguilles en prison en raison d'une politique de « tolérance zéro ». Êtes-vous d'accord pour dire qu'il faut instaurer un programme de réduction des méfaits dans notre système correctionnel?
Tout à fait. C'est un point en faveur duquel nous militons depuis un certain temps. Nous pensons que la réduction des méfaits est un des piliers importants dans cette réponse et qu'on devrait aussi y accorder de l'importance dans nos établissements correctionnels.
Il vous reste cinq secondes. Désolé, docteur. Si vous réussissiez à pondre une question en cinq secondes, je serais impressionné.
Nous allons retourner du côté des conservateurs et donner la parole à M. Carrie.
Vous avez cinq minutes.
Je vais partager mon temps avec Mme Harder. Je vais poser une question.
Docteur Juurlink, je pense que vous avez frappé en plein dans le mil en ce qui concerne un des vrais enjeux, mais vous avez dit des choses controversées. Je vais me faire l'avocat du diable, car nous avons normalement différents points de vue dans un groupe, et je vais essayer d'être dur envers vous. Je ne crois pas que cela vous pose problème.
Vous avez dit que la crise est causée par les médecins et que, grosso modo, nous devons cesser de prescrire ces médicaments, car les médecins sont conditionnés à aider. Je pense que c'est une très bonne choses, et des études le démontrent. Vous avez mentionné les opioïdes qui se trouvent sur le marché. Lorsque nous étions au pouvoir, l'ancienne ministre de la Santé de l'Ontario, Deb Matthews, et les gouverneurs américains nous ont vertement critiqués lorsque nous avons dit que nous devrions privilégier une approche fédérale afin de prévenir les emplois détournés de ces opioïdes car, s'ils doivent être prescrits, il faut faire en sorte que ce soit par une très petite population.
Je crois qu'elle a aussi dit que dans l'une de ses collectivités autochtones, 78 % des gens avaient une dépendance aux opioïdes. Le commentaire du chef qui a vraiment terrifié tout le monde a été celui selon lequel le revendeur de drogue dans sa collectivité portait une blouse blanche.
Que pensez-vous du fait qu'ils soient prescrits, comme M. LeBlanc l'a mentionné, pour certaines conditions? Certaines personnes sont venues à mon bureau pour me dire: « Le fentanyl me permet, en quelque sorte, de fonctionner normalement au quotidien lorsqu'il est prescrit de façon appropriée ». Nous pouvons en débattre. Ces médicaments — la catégorie entière — devraient-ils être plus difficiles à obtenir, et être à la fois formulés de manière à prévenir les emplois détournés et plus difficiles à prescrire pour les médecins?
Je tiens simplement à apporter une correction à ce que vous venez de dire. Je pense que vous avez affirmé que j'aurais dit que ces médicaments ne devraient pas être prescrits. Je n'ai rien dit de tel: ils ont un rôle.
Je pense que les formulations conçues de manière à prévenir les abus sont une bonne chose en général. Vous pouvez les écraser, les mastiquer et vous retrouver avec un niveau beaucoup plus élevé dans le sang que si vous les gardiez intacts, mais il vous est impossible de les pulvériser, de les injecter ou de les inhaler. Cela dit, c'est une erreur de penser que c'est la façon de régler ce problème. Ces produits ont tendance à se matérialiser sur le marché lorsque le brevet sur le produit original arrive à échéance, alors une personne cynique pourrait se demander s'il s'agit principalement d'une décision commerciale. C'est tout ce que je dis.
Le fait est que les abus d'opioïdes se font principalement par voie orale. Je sais pertinemment que lorsque les médecins entendent parler des formulations conçues de manière à prévenir les abus, ils pensent qu'elles ne peuvent, en quelque sorte, faire l'objet d'abus. Bien au contraire. Si vous pouviez claquer des doigts et faire en sorte qu'il soit impossible d'en abuser, ce serait génial. J'estime que ce n'est pas une partie importante de la solution à ce problème.
Je veux simplement dégager les caractéristiques de l'épidémie dont nous sommes témoins. Je me demande donc, madame Lapointe, si vous seriez la mieux placée pour répondre à ma question.
Pouvez-vous nous parler des groupes démographiques qui sont en cause? Je sais que ce problème touche plus d'hommes que de femmes, mais observe-t-on un pourcentage plus élevé auprès d'un groupe ethnique en particulier? Voilà pour ma première question.
Nous ne recueillons pas de données sur l'ethnicité; je ne saurais donc vous le dire. Nous avons commencé à compiler des données pour l'autorité sanitaire des Premières Nations de la Colombie-Britannique; nous serons donc en mesure de rendre public, à un moment donné, le nombre d'Autochtones ou de membres des Premières Nations qui en meurent. D'après les données démographiques, ce problème touche en général, comme vous l'avez dit, les hommes de 29 à 49 ans — ou parfois plus — et de tous les milieux. On parle surtout de toxicomanes invétérés.
Je veux être claire: nos critères portent uniquement sur les drogues illicites; nous ne tenons pas compte des décès liés à des médicaments d'ordonnance.
Étant donné que nous recueillons des données sur des gens qui survivent à une surdose, l'image que nous obtenons à leur sujet est différente, du moins dans certaines régions de la province. En outre, nous observons des différences d'ordre géographique. Dans certaines régions de la province, il y a une répartition plus égale entre les garçons et les filles, les hommes et les femmes. Par ailleurs, ceux qui survivent à une surdose ne sont souvent pas des consommateurs de longue date, mais des consommateurs occasionnels qui s'adonnent à la drogue dans des résidences privées plutôt que dans des lieux publics. Il y a une différence, et c'est pourquoi ces données sont si utiles pour nous, car elles nous permettent de savoir quand intervenir afin d'aider les gens à cesser de consommer de la drogue.
Passons à la question suivante, et vous pourriez peut-être y répondre tous les deux. Elle comporte deux parties.
Premièrement, je me demande pourquoi la province de la Colombie-Britannique est si durement touchée. Je vous invite à livrer vos réflexions à ce sujet. La Colombie-Britannique semble afficher des taux exponentiels par rapport à d'autres provinces.
Deuxièmement, dans la même veine, pourquoi y a-t-il eu une augmentation aussi draconienne au cours des cinq dernières années? Quand je vois les couleurs sur la carte que vous nous avez montrée, je trouve cela très frappant. J'aimerais beaucoup comprendre pourquoi ce phénomène a pris les proportions d'une épidémie ces cinq dernières années.
Un problème n'existe que si on sait qu'il y en a un. Voilà pour le premier point. Le bureau des coroners de la Colombie-Britannique a adopté une approche assez tolérante à l'égard du risque pour ce qui est de faire état de ces données. Nous recevons les données dans les 48 ou 72 heures, et nous rapportons ces décès tous les mois. Vous ne verrez pas cela ailleurs au pays. Les autres provinces et territoires ne recueillent pas les renseignements de la même façon et, le cas échéant, ils ne les déclarent pas de la même manière. D'après nos mesures de surveillance, nous savons qu'il y a un problème. Nous pourrions nous rendre compte que d'autres régions du pays sont également touchées, mais ce serait au bout de plusieurs mois ou années, lorsque les données seront communiquées.
En ce qui a trait à l'augmentation du nombre de décès, le fentanyl en est la cause principale. À mon avis, étant donné que nous sommes sur la côte et que ce produit provient, en bonne partie, de la Chine, c'est ainsi qu'il aboutit dans nos collectivités à partir de nos ports. Je crois que c'est aussi la raison pour laquelle on en voit en Colombie-Britannique et en Alberta.
Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Vous avez parlé de traitement il y a quelques minutes. Je ne voulais pas omettre cet aspect parce que je préconise le traitement. D'après nos entretiens avec les familles ayant perdu un être cher, nous savons qu'elles ont fait des pieds et des mains pendant des mois, voire des années, pour que leur proche puisse obtenir le bon traitement. Sean pourrait vous en parler mieux que moi, mais à un moment donné, la personne qui consomme de la drogue accepte de se faire traiter pour se débarrasser de son accoutumance. Toutefois, cette occasion ne dure pas longtemps. Si le traitement n'est pas disponible lorsque la personne est prête à le recevoir, elle se remettra à consommer de la drogue et elle finira par en mourir ou par ne plus décrocher. On rate ainsi une occasion.
Par conséquent, vous avez tout à fait raison de dire que le traitement est un élément crucial. Il doit être mis à la disposition des gens, et ce, gratuitement. Nous savons également que certaines familles dépensent des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars, pour que leurs proches puissent avoir accès au traitement. Ce n'est pas tout le monde qui dispose de tant d'argent. C'est donc un très bon argument.
Je tiens à remercier les témoins.
Nous parlions de prévention et d'éducation. Je connais une organisation à Calgary, appelée Drug Awareness Foundation Calgary, qui organise des journées portes ouvertes pour essayer de sensibiliser les gens aux dangers des drogues. Or, chaque fois que la fondation organise une journée portes ouvertes, certains craignent qu'en essayant de prévenir les gens de ne pas consommer de la drogue, on risque d'encourager les jeunes à en faire l'essai. Cela devient, en quelque sorte, une arme à deux tranchants.
Estimez-vous que nous faisons de la prévention et de la sensibilisation comme il se doit, c'est-à-dire en prenant garde de ne pas encourager les jeunes à s'adonner à la drogue?
Nous pouvons aborder la question en tenant compte des autres mesures que nous avons prises. Examinons comment nous avons sensibilisé les enfants aux conséquences de la consommation d'alcool. D'après les études que nous avons réalisées en Colombie-Britannique, la consommation d'alcool est en baisse chez les adolescents. En ce qui concerne le tabagisme, ce problème n'existe plus dans ce groupe d'âge.
Nous avons parlé de ces questions à des élèves. Nous leur avons parlé de la marijuana, par exemple, ainsi que d'autres drogues. Ils nous disent: « Oh, on n'en entend jamais parler. Comme on ne reçoit pas d'information de façon officielle à l'école, on en entend parler dans la rue. On nous raconte des faussetés, et c'est ce qui rend le tout tentant à nos yeux. »
Je crois que nous devons parler aux gens, avec beaucoup de franchise et de transparence, au sujet des drogues, de leurs usages, de leurs avantages et de leurs dangers afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées. Quand nous nous y prenons bien, nous avons constaté que cela fonctionne.
En faisons-nous assez? Il a fallu cinq ans pour en arriver à la crise du fentanyl. N'aurions-nous pas pu l'entrevoir auparavant, lorsque la crise en était à ses débuts?
D'ailleurs, y a-t-il à l'horizon une autre drogue qui, d'après vous, pourrait succéder à celle-ci? Sommes-nous vigilants par rapport à d'autres drogues?
Vous remarquerez que le problème a atteint son point culminant dans les années 1990, et c'est à cette époque que le crack a fait son apparition en Colombie-Britannique. Nous nous penchons là-dessus depuis un certain temps, et ce phénomène avait atteint son apogée surtout dans le quartier Downtown Eastside. On voyait beaucoup de gens en mourir.
La réponse a été bien différente. Nous avons établi un partenariat avec le bureau du coroner et d'autres organismes en Colombie-Britannique, et nous examinons ces données depuis un certain nombre d'années. Nous avons bel et bien vu certaines tendances se manifester.
Au final, nous en sommes rendus au point où il a fallu décréter l'état d'urgence parce que toutes nos mesures habituelles ne menaient à rien, malgré nos efforts pour essayer d'intervenir, d'accroître la sensibilisation dans la rue, de veiller à ce que les gens sachent ce qui se passe, notamment par l'entremise d'un certain nombre de campagnes. Nous avions besoin d'un partenariat plus vaste pour tenter de régler ces crises à mesure que le nombre de décès augmentait.
Divers facteurs ont entraîné l'augmentation de la consommation. Nous avons observé des problèmes liés aux conditions économiques dans certaines parties de la province. Nous avons compris que cela ne se limitait plus à une région particulière de la province; c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles nous avons déclaré l'état d'urgence.
Nous avons parlé du projet de loi C-2. Je crois que la ministre de la Santé examinera les obstacles créés par le projet de loi C-2.
Docteur Juurlink, vous avez fait une observation sur la façon dont les médecins prescrivent les médicaments. Je sais que certaines personnes iront de médecin en médecin pour obtenir, par exemple, de l'OxyContin. Elles vont s'en procurer pour leur usage personnel, mais aussi pour la vente.
Comment pouvons-nous contrôler les médicaments? Y a-t-il une sorte de mécanisme en place pour que les médecins sachent...?
[Note de la rédaction: inaudible] pour enrayer ce problème, mais nous pouvons tirer des leçons, une fois de plus, de l'expérience de la Colombie-Britannique, qui, vers le milieu des années 1990, a lancé un programme appelé PharmaNet. Presque du jour au lendemain, tous les médecins et pharmaciens avaient accès à des données en temps réel. Si quelqu'un obtenait une ordonnance à Richmond et une autre le lendemain à Burnaby, on le saurait en consultant le profil pharmacologique.
Nous avons montré, il y a quelques années, que ce programme avait entraîné une baisse fulgurante et spectaculaire des cas d'obtention d'ordonnances multiples pour les opioïdes et les benzodiazépines. Il faut instaurer un tel modèle dans l'ensemble des provinces et territoires du Canada afin de retracer tous les médicaments prescrits. Il n'y a pas de bon argument pour ne pas le faire.
Merci, docteur.
M. Davies sera le dernier à poser des questions aujourd'hui. Vous avez trois minutes.
Il y a quelques années, le Comité de la sécurité publique a mené une étude sur le taux de toxicomanie et de santé mentale dans le système correctionnel fédéral. Nous en sommes arrivés à la conclusion que 80 % des détenus dans le système fédéral avaient un problème de dépendance.
Est-ce qu'un recours accru aux tribunaux de traitement de la toxicomanie et aux programmes de désintoxication dans le système de justice serait une mesure positive pour aider les détenus à s'affranchir de leur dépendance?
C'est une très bonne question. Il y a un tribunal de traitement de la toxicomanie à Vancouver, mais je n'ai pas vu les données qui s'y rattachent. D'après ce que m'ont dit des gens qui travaillent dans le domaine, c'est un gros succès.
Sachez que j'ai travaillé dans le système correctionnel provincial et, à l'époque — vers 2006, 2007 et 2008 —, nous avons fait le même constat, à savoir que 63 % des détenus souffraient de problèmes de toxicomanie ou de problèmes de santé mentale ou, en général, des deux.
Il est très difficile de traiter les détenus ayant des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale. Ce n'est pas un endroit optimal pour les gens. Là encore, si vous tenez à adopter une approche en matière de santé, l'incarcération d'une personne atteinte d'une maladie n'est pas la meilleure façon de la soigner.
Il est absolument essentiel d'envisager de nouvelles façons de traiter les gens qui seront sans cesse renvoyés en prison.
Monsieur LeBlanc, d'après votre expérience et celle des personnes que vous connaissez, si on donnait aux toxicomanes faisant l'objet d'accusations criminelles l'occasion d'éviter le système correctionnel et de suivre plutôt un traitement, serait-ce là une option qui les intéresserait?
Je crois que oui, dans la plupart des cas. Je pense toutefois qu'il faut s'adapter aux besoins. À l'heure actuelle, le tribunal de traitement de la toxicomanie mise plutôt sur l'abstinence. Quand les gens échouent, ils continuent d'être punis pour leur crime initial. Dans bien des cas, cependant, cette approche donne de très bons résultats. Par contre, il y a beaucoup de limites. Lorsqu'ils suivent un traitement, les gens ne peuvent pas travailler ni aller à l'école en raison du temps qu'ils doivent y consacrer. Selon moi, si nous pouvions faire certains ajustements, ce serait encore plus réussi.
Docteur Juurlink, je reviens à vous. Vous avez dit qu'il n'y avait pas de système national de surveillance au Canada et que nous ne savons même pas combien de Canadiens meurent chaque année de la consommation d'opioïdes. Comment régler ce problème? Qui devrait recueillir les données et comment faut-il s'y prendre?
On a besoin de données, d'une part, sur les décès et, d'autre part, sur les surdoses non mortelles. Les données sur les décès devraient provenir des coroners régionaux, lesquels devraient avoir le pouvoir de recueillir et de rendre publiques les données en temps réel. On ne peut pas régler un problème si on ne prend même pas la peine de le mesurer. Pour ce qui est des surdoses non mortelles, je crois que l'information devrait provenir principalement de l'ICIS, qui tient des registres nationaux sur les visites à l'urgence et les hospitalisations. À mon avis, ces deux types de données vous donneront l'heure juste sur le problème.
Avez-vous quelque chose à ajouter?
Le hic, c'est que l'ICIS ne dispose pas de données à jour, et les données sur les visites à l'urgence ne sont pas généralisées partout au pays, mais c'est un début.
Je sais qu'il y aura un sommet en novembre, mais il me semble que le groupe de travail mixte de la Colombie-Britannique a formulé d'excellentes recommandations. Avons-nous besoin d'un groupe de travail mixte national composé de représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux afin d'endiguer cette crise canadienne?
Oui. Premièrement, et je ne veux pas toujours revenir là-dessus, mais nous devons établir des critères, parce que nous ne savons même pas si nous parlons de la même chose dans l'ensemble du pays. Les données recueillies par l'Ontario sur les décès sont-elles les mêmes que celles compilées par la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse?
Nous avons besoin d'une définition normalisée, et je crois que le gouvernement fédéral devra jouer un rôle de premier plan à cet égard en précisant les données qu'il faut compiler, de sorte que les provinces et les territoires se mettent ensuite à les recueillir.
Chaque hôpital au pays pourrait être doté d'une personne autorisée à signaler, chaque semaine, le nombre de surdoses enregistré par les services d'urgence. Ce serait chose facile. On fait état de toutes sortes d'autres questions qui sont bien moins importantes. Ce ne serait donc pas difficile à faire.
Je le répète, nous avons besoin d'une définition. Qu'est-ce qu'une surdose de drogue? S'agit-il d'une surdose attribuable à la consommation de médicaments d'ordonnance, d'opioïdes illicites, de cocaïne ou de stimulants? Toutes ces substances diffèrent les unes des autres et, à ce titre, elles exigent des solutions distinctes.
Monsieur le président, je crois que nous avons devant nous les membres de notre groupe de travail mixte. C'est la vérité.
Malheureusement, nous devons mettre fin à la période des échanges avec nos témoins. Je tiens à vous remercier tous sincèrement d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Vos réponses nous ont été fort utiles. Merci beaucoup.
Nous devons maintenant nous occuper de quelques travaux du Comité. Vous êtes les bienvenus si vous voulez assister à cette partie de la réunion. C'est tout à fait relié au sujet à l'étude aujourd'hui. Donc, vous pouvez rester si vous le désirez.
À la dernière séance, Mme Sidhu a déposé une motion et elle veut maintenant en faire la proposition, d'après ce que je crois comprendre.
Aimeriez-vous relire votre motion, madame Sidhu?
Oui. Merci, monsieur le président.
Comme j'ai donné avis de ma motion à la dernière séance, j'en fais la proposition aujourd'hui même.
La motion tient compte de ce que certains témoins nous ont dit.
Madame Sidhu, je dois vous interrompre. Comme il y a beaucoup de bruit, nous suspendrons nos travaux une ou deux minutes.
Nous reprenons nos travaux.
Encore une fois, madame Sidhu, je m'excuse de vous avoir interrompue; revenons à votre motion. Veuillez poursuivre.
Merci, monsieur le président.
J'ai donné avis de ma motion lors de la dernière réunion, et j'aimerais aujourd'hui la proposer:
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité prie la ministre de la Santé de faire diligence pour procéder à l'examen des lois et règlements actuels en matière de sites d'injection supervisés. Cet examen, réalisé avec une méthode reposant sur de solides données probantes, devrait avoir comme objectif final d'améliorer la santé et la sécurité des Canadiens.
Monsieur le président, je trouve très étrange cette motion, étant donné que la ministre peut déjà le faire à sa propre discrétion. Je pensais qu'elle avait déjà passé en revue les dossiers dont elle a la charge.
Vous pouvez dire que je suis dépassé, mais mon commentaire porte sur l'expression « safe injection sites » dans la version anglaise. Je n'aime pas ce que sous-entend « safe » — sécuritaire, en français. Je crois que nous avons entendu qu'il n'existe aucune manière sécuritaire de consommer de l'héroïne de rue. Cette héroïne peut contenir toute une gamme de substances. Vous pourriez vous injecter du kérosène dans les veines. Ce n'est pas quelque chose de sécuritaire.
J'aimerais proposer un amendement favorable, si nous décidons d'aller de l'avant.
La ministre peut le faire de toute manière.
À la deuxième phrase, après « Cet examen, réalisé avec une méthode reposant sur de solides données probantes, devrait », j'aimerais ajouter les mots « être présenté au Comité et » avant « avoir comme objectif final d'améliorer la santé et la sécurité des Canadiens ». Si le Comité fait une telle demande à la ministre, il me semble logique de recevoir un rapport en vue de voir ce qu'elle a répondu.
J'aimerais également ajouter les mots « qui renforcent les consultations avec les collectivités qui seront touchées » après les mots « réalisé avec une méthode reposant sur de solides données probantes », parce que je crois que c'est très important. Si nous voulons connaître du succès, il faut obtenir le soutien des collectivités.
Voilà ce que je propose pour améliorer la motion.
Je m'excuse. J'aimerais proposer un autre changement. Au lieu de « sites d'injection supervisés », pourrions-nous parler, par exemple, de « sites de consommation »? J'aimerais changer le libellé, parce que cela n'a rien de sécuritaire.
Pour ce qui est du dernier point, nous parlons parfois de « sites de consommation supervisés ». C'est une autre formulation que nous pouvons utiliser.
L'autre amendement que je crois nécessaire viserait à supprimer les mots « et la sécurité ». Nous sommes le Comité de la santé. Si nous disions plutôt « Cet examen [...] devrait avoir comme objectif final d'améliorer la santé des Canadiens » et que nous supprimions les mots « et la sécurité », cela correspondrait à l'objectif. Je crois que nous avons entendu des témoins nous répéter sans cesse que l'objectif du projet de loi est de prendre cette décision pour des raisons de santé et non en fonction d'enjeux liés à la criminalité ou à la sécurité. Pour être franc, je crois que le concept de la santé englobe la sécurité.
J'aimerais supprimer les mots « et la sécurité ».
D'accord. Monsieur Davies, nous débattrons d'abord de l'amendement de M. Carrie, puis nous le mettrons aux voix.
Monsieur Carrie, voulez-vous...?
J'aimerais mentionner que nous avons accueilli des responsables de la santé, et le mandat de la ministre est la santé et la sécurité des Canadiens.
Ce n'est pas logique d'après moi de supprimer les mots « et la sécurité » sans d'abord le demander à la ministre.
Je crois comprendre que le premier amendement propose de remplacer les mots « sites d'injection supervisés » par quelque chose comme « sites de consommation supervisés ».
Je crois comprendre que le premier amendement propose de remplacer les mots « sites d'injection supervisés » par quelque chose comme « sites de consommation supervisés ».
Le troisième amendement vise à ajouter les mots « qui renforcent les consultations avec les collectivités qui seront touchées », parce que la présence d'un site d'injection dans une collectivité peut à jamais en changer le paysage. Je crois qu'il est important de prendre le pouls des citoyens pour qu'ils aient leur mot à dire.
Je m'excuse. Quel est l'amendement? J'ai perdu le fil.
Nous utiliserions l'expression « sites de consommation supervisés », puis, Colin, vous voulez que l'examen soit présenté au Comité. Est-ce bien cela?
À la dernière phrase, j'aimerais ajouter les mots « qui renforcent les consultations avec les collectivités qui seront touchées ».
Si je comprends bien, il est question d'un amendement qui apporterait ces trois changements, n'est-ce pas?
... déjà dépassé l'heure prévue et que je dois me rendre ailleurs.
Mon premier amendement, si tout le monde est d'accord, vise à remplacer « sites d'injection supervisés » par « sites de consommation supervisés », soit l'expression proposée par Don.
Est-ce que cela convient à tout le monde?
Voilà pour un amendement. Dans les deux amendements, il y a des changements très différents. Nous devons les mettre aux voix.
J'ai proposé en premier l'amendement, et le temps est malheureusement écoulé, monsieur le président. J'ai un autre...
Mettons aux voix l'amendement et les trois changements qu'il contient: la modification du libellé par « sites de consommation supervisés », l'ajout des mots « être présenté au Comité » et le troisième...
À la deuxième phrase, j'ajouterais les mots « qui renforcent les consultations avec les collectivités qui seront touchées ».
L'amendement à la motion est mis aux voix.
(L'amendement est rejeté.)
Le vice-président (M. Len Webber): Monsieur McKinnon, allez-y.
J'aimerais proposer un amendement qui vise à remplacer « sites d'injection supervisés » par « sites de consommation supervisés ».
D'accord. Cet amendement à la motion est mis aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Le vice-président (M. Len Webber): Ce changement sera apporté.
Monsieur Davies, allez-y.
J'aimerais proposer d'ajouter les mots « et que la ministre soit tenue de faire rapport au Comité des résultats de son examen ».
Soit dit en passant, je n'entends pas par cela la ministre elle-même. Cela signifie seulement que son ministère est tenu d'en faire rapport au Comité.
D'accord. Je présume que nous sommes prêts à mettre aux voix votre amendement à la motion.
(L'amendement est adopté.)
(La motion modifiée est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
Le vice-président (M. Len Webber): D'accord. La motion proposée par Mme Sidhu, telle que modifiée, est adoptée. Merci.
Nous n'avons pas le temps d'aller à huis clos, mais nous devrons trouver du temps pour discuter de nos prochaines réunions.
En fait, nous avons une liste de témoins pour notre prochaine réunion. Nous les inviterons, puis nous discuterons à cette occasion de nos prochaines réunions.
Monsieur le président, une liste circule parmi les membres du Sous-comité du programme et de la procédure, et nous pourrions aussi y poursuivre la discussion à ce sujet.
J'aurais aimé vous suggérer à un moment donné certains témoins. Je peux le faire à micro fermé, si vous le préférez.
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