HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 16 mai 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
J’ouvre la séance.
Bienvenue à la 55e séance du Comité permanent de la santé.
J’aimerais remercier tous nos témoins de leur présence aujourd’hui. Je m’excuse de notre retard, mais ce sont des choses qui arrivent ici. J’espère que cela ne vous a pas causé trop d’inconvénients, et je tiens à vous remercier de votre patience. La séance se poursuivra plus tard que prévu. J’espère donc que cela ne pose pas de problèmes à personne.
Aujourd’hui, nous étudierons d’abord le projet de loi C-211, Loi concernant un cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique.
Parmi les témoins que nous entendrons, il y a Mme Anne-Marie Ugnat, directrice exécutive, Centre de surveillance et de recherche appliquée, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada. Soyez la bienvenue.
De plus, nous entendrons par vidéoconférence Dr Jitender Sareen, professeur de psychiatrie à l’Université du Manitoba. Je vous remercie infiniment de prendre le temps de participer à la séance.
Nous accueillons aussi Natalie Harris, paramédicale en soins avancés, County of Simcoe, qui témoignera à titre personnel.
Nous vous donnerons l'occasion de faire une déclaration liminaire d’une durée maximale de 10 minutes. Ensuite, nous passerons aux questions.
Nous allons commencer par Mme Ugnat.
Monsieur le président, honorables membres, je vous remercie de m’avoir invitée à parler devant votre comité à propos de l’étude du projet de loi C-211, Loi concernant un cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique.
J’aimerais commencer en réitérant une déclaration que l’Organisation mondiale de la Santé a faite en 2004 : il n’y a pas de santé sans santé mentale.
Les maladies mentales, y compris le trouble de stress post-traumatique ou le TSPT, sont des maladies qui sont diagnostiquées et reconnues du point de vue médical, et qui entraînent une déficience importante des capacités cognitives, affectives et relationnelles d’une personne. Les maladies mentales sont l’aboutissement d’une interaction complexe de facteurs biologiques, développementaux et psychosociaux. Les facteurs environnementaux, comme l’exposition à un événement traumatisant, peuvent précipiter l’apparition ou la récurrence d’une maladie mentale.
La santé mentale au Canada est un problème complexe qui a des effets directs et indirects sur un grand nombre de Canadiens chaque année.
Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans la coordination et la collaboration des activités de santé mentale. Il a également un rôle en ce qui a trait à la compréhension des preuves scientifiques relatives à l’ampleur des défis et aux meilleures solutions pour les aborder. Ces preuves contribuent au développement des ressources de l’information sur les pratiques exemplaires et l'innovation.
Alors que le gouvernement fédéral a également la responsabilité d’offrir des services de santé mentale aux populations fédérales particulières, comme les militaires actifs des Forces armées canadiennes, les anciens combattants, les membres actifs et les membres retraités de la Gendarmerie royale du Canada et du Service correctionnel du Canada, les populations autochtones, les nouveaux arrivants, y compris les réfugiés et les personnes incarcérées dans des établissements fédéraux du Canada, l’Agence de la santé publique du Canada, où je travaille, est mandatée pour servir la population canadienne en général. À ce titre, nous travaillons avec d’autres ministères, des intervenants et des partenaires dans les domaines de la promotion et de la surveillance de la santé mentale pour les Canadiens.
Plusieurs partenaires fédéraux et nationaux jouent un rôle dans la promotion de la santé mentale.
Statistique Canada est responsable de faire la collecte des données sur la population canadienne au moyen du recensement et des enquêtes sur la population. L’Institut canadien d’information sur la santé ou l’ICIS, détient et gère des données administratives sur la santé sur le plan national comme les données sur la facturation des hôpitaux. Santé Canada administre la stratégie antidrogue qui comprend la surveillance de l’utilisation des substances illicites. La Commission de la santé mentale du Canada assume la coordination d’un réseau de partenaires par l’entremise de la Mental Health and Addiction Information Collaborative, dont nous à l’Agence, Statistique Canada, l’ICIS, Santé Canada et d’autres partenaires sommes membres.
L’Agence de la santé publique du Canada contribue grandement à la compréhension de la santé mentale au Canada en assurant à l'échelle nationale la surveillance de la santé mentale, de la maladie mentale, de l’automutilation et du suicide, de la violence familiale et des risques connexes, ainsi que des facteurs de protection. Ces domaines sont très souvent associés au TSPT soit à titre d'éventuels facteurs déclenchants dans le cas de traumatismes liés à la violence familiale, soit à titre de résultat associé à la maladie mentale et même au suicide.
La surveillance de la maladie mentale est une activité centrale de santé publique qui se fonde sur les enquêtes sur la population, comme celles menées par Statistique Canada, et sur les données administratives recueillies par les provinces et les territoires, qui comprennent les factures soumises par les médecins et les dossiers de congés des hôpitaux liés aux registres d’assurance-maladie.
Le projet de loi C-211 propose l’amélioration du suivi des taux d’incidence et des coûts économiques et sociaux associés au TSPT. Actuellement, la surveillance du TSPT dans la population canadienne en générale est fondée sur les données recueillies par les enquêtes nationales sur la population menées par Statistique Canada, comme l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes : santé mentale, 2012.
En 2012, 1,7 % de la population âgée de 15 ans et plus a déclaré qu’elle avait un TSPT. C’est une augmentation par rapport à 2002 alors que 1,0 % de la population avait déclaré avoir un TSPT. Cette augmentation est principalement causée par la hausse de prévalence chez les femmes, qui est passée de 1,2 % en 2002 à 2,4 % en 2012. Il est important de noter que l’on considère que les estimations des TSPT diagnostiqués et déclarés volontairement calculés à partir des données de l’enquête sous-estiment la prévalence réelle du trouble.
Un autre facteur à prendre en considération pour la surveillance du TSPT est l’utilisation des données administratives sur la santé des provinces et des territoires qui a donné de bons résultats dans le cas d’autres maladies chroniques, grâce au Système national de surveillance des maladies chroniques. Le SNSMC est un réseau de systèmes provinciaux et territoriaux de surveillance des maladies chroniques, qui est dirigé par l’Agence de la santé publique du Canada et qui repose sur le couplage des données sur les hospitalisations et des données sur la facturation des médecins.
En ce qui concerne précisément le TSPT, les données sur la facturation des médecins ne sont pas accessibles dans toutes les provinces et tous les territoires étant donné que, dans certaines de ces administrations, ces données ne sont pas codées avec le même degré de précision. Les normes de codage sont propres à chaque administration et leur uniformisation fait partie du rôle l’ICIS. Cependant, il se pourrait qu'il soit possible d’assurer la surveillance dans quelques provinces et territoires qui sont actuellement en mesure de déclarer le TSPT. À l’échelle nationale, il serait peut-être possible d’assurer une surveillance à l’aide de données administratives sur des catégories plus larges, comme les troubles d’adaptation qui englobent d’autres troubles liés au stress, dont le TSPT.
Le TSPT est fréquemment traité par des méthodes thérapeutiques qui ne sont pas couvertes par le système de soins de santé, comme l’ergothérapie, la psychothérapie et le travail social. Par conséquent, les données administratives sur les soins de santé sous-estimeraient la prévalence de la maladie et serviraient plutôt d’indicateur de l’utilisation des services de santé. À l’heure actuelle, il n’existe aucun système de surveillance qui recueille des données sur les services communautaires qui ne sont pas offerts par les systèmes de soins de santé.
Il faut également noter que, dans le cadre des enquêtes nationales sur la population, les répondants ont été appelés dans le passé à indiquer s'ils avaient un TSPT, et on considère que les estimations fondées sur les diagnostics autodéclarés sont plus faibles que la prévalence réelle du trouble étant donné que des personnes peuvent ne pas avoir été diagnostiquées ou ne pas vouloir communiquer leur diagnostic.
Les enquêtes qui se fondent sur la déclaration de symptômes donnés correspondant au TSPT plutôt qu'à l’autodéclaration de TSPT diagnostiqués par un médecin pourraient fournir des renseignements précis sur la prévalence et les répercussions du trouble à des fins de surveillance. Par exemple, en 2001, des chercheurs de l'Université McMaster ont mené une étude en se servant d’outils d’enquête fondés sur les symptômes, et ils ont signalé une prévalence à vie des TSPT de 9,2 %, soit une prévalence plus élevée que celle rapportée par l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes: santé mentale, 2012. En raison de l’importance de l'échantillon de répondants qui serait requis pour mener cette enquête ainsi que de la teneur et longueur de l'enquête, ses coûts seraient considérables.
En ce qui concerne les prochaines étapes, il pourrait être possible, comme je l'ai mentionné, d'améliorer la surveillance du TSPT en se servant des enquêtes et des données administratives.
L'Agence de la santé publique du Canada est déterminée à travailler avec des partenaires et des intervenants afin d’établir des moyens d'évaluer le fardeau du TSPT au Canada et d'en faire rapport.
Je vous remercie de votre attention. Je suis prête à répondre à toutes vos questions.
Merci beaucoup. Je suis heureux d’être ici.
Pour que le Comité puisse comprendre le contexte de mes observations, j’aimerais vous renseigner un peu à mon sujet. Je suis psychiatre et chef du département de psychiatrie de l’Université du Manitoba. J’offre des services de consultation et de traitement psychiatrique à la clinique de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel d'Anciens Combattants Canada à Winnipeg, ainsi qu’au Centre des sciences de la santé de Winnipeg.
Au cours des 17 dernières années, j’ai eu l’occasion d’aider des gens atteints de troubles de stress post-traumatique et de troubles anxieux et de l’humeur, et d’apprendre ainsi de leur expérience. J’ai également obtenu des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada pour étudier la santé mentale des militaires et la prévention du suicide chez les Premières Nations.
En ce moment, je dirige et épaule une équipe de chercheurs et de cliniciens qui examinent les répercussions des traumatismes et du stress post-traumatique sur les Canadiens. Dans le cadre d’une des études, nous menons, en collaboration avec Statistique Canada, une vaste enquête qui suit des militaires canadiens sur une période de 15 ans.
Je tiens à mentionner que j’appuie fermement le projet de loi C-211. Je crois comprendre que le projet de loi permettra d’élargir le dialogue à l’échelle tant fédérale que provinciale en vue d’élaborer un cadre fédéral visant à reconnaître et traiter les troubles de stress post-traumatique.
Je vais résumer ce que je crois comprendre en ce qui concerne les connaissances actuelles sur le TSPT au Canada et à l’échelle internationale. On reconnaît de plus en plus, partout dans le monde, les répercussions considérables du stress traumatique et du TSPT. Grâce à des études menées à l’échelle internationale, nous savons que le TSPT est associé à d’énormes coûts que doivent assumer la personne atteinte et la société. Nous savons également que de 60 à 80 % des Canadiens seront exposés à une grave expérience traumatique à un moment donné ou à un autre de leur vie. La plupart des gens exposés à une telle expérience feront preuve de résilience et n’auront pas besoin de recevoir des traitements. Le soutien social est le facteur de protection qui compte le plus après une exposition à un traumatisme.
Cependant, nous savons que de 20 à 30 % des gens exposés à un grave événement traumatisant développeront non seulement un trouble lié au traumatisme, comme le trouble de stress post-traumatique, mais aussi d’autres affections telles que la dépression, un trouble d’anxiété comme le trouble panique, ou un problème de toxicomanie.
Un pourcentage croissant des connaissances accumulées montrent qu’une exposition à des traumatismes répétés sur une période de temps peut accroître le risque de TSPT. Nous savons aussi que les blessures physiques, les traumatismes liés à des agressions, les accidents de véhicules à moteur et l’apparition rapide de maladies graves sont associés au TSPT.
Notre groupe a démontré que les gens atteints d’un TSPT sont trois fois plus susceptibles d’avoir un comportement suicidaire que les gens qui n’en sont pas atteints.
Les femmes, les réfugiés, les agents de la sécurité publique, les professionnels de la santé, les militaires et les anciens combattants courent un plus grand risque de développer un TSPT. Ce savoir découle de quelques études canadiennes, mais surtout d’études menées aux États-Unis et ailleurs.
La plupart des gens qui ont subi une blessure traumatique au travail et développé par la suite un TSPT ont du mal à reprendre leur travail, et leur retour est accompagné de problèmes complexes.
Nous savons aussi que la concomitance de problèmes de santé physique, comme la douleur chronique, ou de toxicomanies est courante et associée à la morbidité et à la mortalité.
De plus, nous savons que les personnes atteintes d’un TSPT peuvent avoir une incidence considérable sur leur famille, leur partenaire intime ainsi que leurs enfants, et nous sommes également conscients que les conflits relationnels, les divorces et les séparations peuvent déclencher des comportements suicidaires chez les personnes atteintes de dépression et d’un TSPT.
Enfin, nous savons que la plupart des membres du secteur public atteints d’un TSPT doivent attendre longtemps avant de recevoir des traitements fondés sur des données probantes.
Les Canadiens qui font appel au système public ont un accès restreint à des traitements psychiatriques et psychologiques, et bon nombre des personnes ayant un TSPT reçoivent des médicaments et des traitements, tels que des benzodiazépines comme Ativan, ou de la marijuana à des fins médicales, qui ne sont pas recommandés dans les lignes directrices établies par consensus d’experts.
Les thérapies familiales et conjugales peuvent améliorer la condition de ces gens, mais elles ne sont souvent pas offertes. Les gens qui vivent dans des collectivités éloignées ont un accès limité aux traitements psychologiques et psychiatriques.
Nous savons que la détection rapide des symptômes de stress post-traumatique et une intervention immédiate peuvent alléger la souffrance d'une personne et améliorer sa capacité de fonctionner. Nous savons également qu'une combinaison de médicaments et de traitements psychologiques peut contribuer à réduire les souffrances chez la plupart des personnes souffrant de l'ESPT.
On s'intéresse de plus en plus aux approches novatrices pour offrir les traitements psychologiques, notamment la thérapie cognitivo-comportementale sur Internet ou en salle de classe.
Il y a eu une expansion rapide des services de santé mentale au sein des cliniques des Forces armées canadiennes et d'Anciens Combattants Canada au cours des 15 dernières années. Cette augmentation a permis de réduire les délais d'attente et d'obtenir de meilleurs résultats pour les militaires et les anciens combattants canadiens souffrant de blessures liées au stress opérationnel. Au Manitoba, nous soulignons la nécessité d'avoir des modèles interdisciplinaires semblables pour permettre aux civils qui souffrent de l'ESPT d'avoir un accès opportun aux traitements dont ils ont besoin.
La télémédecine et les soins par téléphone se sont également révélés efficaces pour venir en aide aux populations rurales aux États-Unis. Ces modèles de soins offrent également un bon rapport coût-efficacité.
Enfin, tout investissement destiné à améliorer la détection et le traitement de l'ESPT doit faire l'objet d'une solide évaluation.
Merci beaucoup. Je répondrai volontiers à vos questions.
Je vous remercie pour vos observations.
Je cède maintenant la parole à Natalie Harris pour 10 minutes.
Bonjour, mesdames et messieurs les députés, membres du Comité permanent de la santé, analystes, agents des délibérations et de la vérification, et honorable président.
Je m'appelle Natalie Harris, et je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui pour vous dire à quel point le projet de loi du député Todd Doherty, le projet de loi C-211, est important à mes yeux et aux yeux de nombreux premiers intervenants, vétérans, militaires et agents correctionnels de partout au Canada. Il est essentiel d'élaborer un cadre national visant à surmonter les difficultés que posent la reconnaissance des symptômes de l’état de stress post-traumatique et l’établissement rapide de son diagnostic et de son traitement afin de sauver la vie de ceux qui veillent au bien-être des citoyens et qui les protègent au quotidien.
Je n'ai jamais eu de difficulté à dire que je suis ambulancière paramédicale en soins avancés dans le comté de Simcoe, en Ontario, et mère de deux beaux enfants, Caroline et Adam, mais c'est seulement au cours des deux dernières années, grâce au soutien de ma famille et de mes amis, que j'ai eu le courage de dire que je souffre de l'état de stress post-traumatique et que j'ai tenté de m'enlever la vie en 2014 lorsque je n'avais plus aucun espoir de recevoir le traitement ni le soutien dont j'avais besoin pour survivre.
Vous vous demandez peut-être ce qu'une fille ordinaire comme moi peut vous apprendre aujourd'hui. Je ne représente peut-être pas une organisation, mais je représente quelque chose de très important. Je représente ce qui pourrait être votre soeur, votre mère, votre fille, votre épouse, votre amie ou votre conjointe qui souffre en silence, sans oser demander de l'aide, de peur de ne plus pouvoir exercer le métier qu'elle adore, d'être ridiculisée, de subir les préjugés associés aux maladies mentales pour le reste de ses jours et de ne pas être entendue.
En octobre 2014, l'ESPT m'a fait vivre dans un monde rempli de peur et de tristesse qui m'empêchait de respirer. Je vivais dans la noirceur et j'avais des réflexions tordues et un raisonnement illogique. Je répondais à des voix qui me disaient que je devais me faire du mal, parce que je ne valais rien, et que tout le monde se porterait mieux sans moi. En octobre 2014, l'ESPT m'a poussée à vouloir m'enlever ma vie. Ce jour-là, après avoir avalé la moitié d'un contenant de relaxants musculaires, j'ai écrit une lettre d'adieu dans laquelle je disais: « Je suis désolée. Tout ira bien. Je vous aime. » Et puis j'ai avalé le reste du contenant.
J'ai commencé à me sentir fatiguée. Je savais que le médicament faisait effet. Je suis demeurée étendue sur mon lit à fixer le plafond, plus engourdie que je ne l'avais été au cours de ma vie, et j'attendais que mon heure arrive. Je me souviens de m'être sentie malade, et à travers mon brouillard, j'ai réussi à me rendre à la salle de bain. C'est tout ce dont je me souviens. J'étais certaine que je n'allais plus jamais me réveiller. Pour autant que je sache, j'étais morte.
Ce que je ne savais pas, c'est que mes collègues m'ont trouvée et m'ont conduite à l'hôpital où je suis restée inconsciente pendant 12 heures. Les médecins et les infirmières m'ont injecté des litres de liquides dans l'espoir de sauver mon foie. Les heures se sont écoulées, et j'ai fait un ictère, car mon foie se portait très mal.
Ma famille et mes amis discutaient sérieusement des arrangements funéraires. Il s'en est fallu de peu, mais j'ai survécu, on ne sait trop comment. Je n'étais pas prête à quitter ce monde, car il me restait un travail important à faire, et c'est pourquoi je suis ici aujourd'hui.
J'ai entrepris mes études en soins paramédicaux en 2001. Peu de temps après avoir obtenu mon diplôme, j'ai été embauchée. C'était comme si je réalisais un rêve, même durant la crise du SRAS, période au cours de laquelle j'ai été engagée. Ce n'est pas tout le monde qui peut en dire autant au sujet de sa carrière. J'apprenais quelque chose de nouveau tous les jours, j'avais une stabilité financière et j'aidais les gens. J'étais dans une période glorieuse de ma vie, mais même si j'adorais mon travail, d'une année à l'autre, j'avais de en plus de mal à faire face aux diverses situations, et je ne comprenais pas pourquoi.
Quand je répondais à des appels difficiles, je me disais à moi-même: « Je ne vais pas perdre cette carrière extraordinaire. J'ai travaillé trop fort. J'ai surmonté tellement de difficultés au cours de ma vie. Je sais que je vais m'en sortir », mais intérieurement, j'ai commencé à développer un répertoire d'illusions pour me cacher à moi-même mes propres émotions. À l'époque, je connaissais à peine le stress post-traumatique et je ne savais pas en reconnaître les signes, parce qu'on ne nous l'avait pas enseigné à l'école.
J'ai commencé à observer de petits changements au cours des premières années, à mesure que les jours passaient et que les appels se multipliaient. Je me montrais forte dans la plupart des cas, mais quand j'y repense, avec le recul, je vois la détérioration de ma capacité d'adaptation en tant qu'ambulancière.
Au fil des années, alors que je travaillais à temps plein, je suis littéralement devenue à l'aise avec mon malaise. Je me suis habituée à vivre une vie remplie de souvenirs horribles, de cauchemars incessants et d'images terribles de détresse et de douleur. Cela peut paraître barbare pour quiconque ne travaille pas dans le domaine des services d'urgence, mais cela fait partie intégrante de nos vies.
Certains diront que nous avons couru après, mais c'est faux. Nous avons choisi une carrière passionnante qui nous permettait d'aider les gens. Personne n'a choisi de souffrir de maladie mentale. Nous voulions sauver des vies, et non pas devenir prisonniers de souvenirs de patients qui hurlent de douleur. Nous nous sommes engagés à atteindre des objectifs, et non pas à crouler sous le poids de la tristesse.
Nous pensions être suffisamment forts, mais personne n'est à l'abri. La force ne se mesure pas en fonction du nombre de décès que nous constatons. Elle se mesure par le nombre de décès dont nous acceptons de parler pour pouvoir dormir la nuit. Les premiers intervenants sont des gens extraordinaires, mais accepter d'en devenir un ne signifie pas qu'on accepte d'avoir le coeur brisé.
Ce n'est pas normal qu'une personne coincée dans une voiture vous supplie de lui couper une jambe et un bras parce qu'elle ne peut plus endurer la souffrance que lui causent ses multiples fractures ouvertes sur tout le corps. Ce n'est pas normal d'apprendre que le patient qui s'est pendu la veille avait une deuxième corde qui aurait servi à sa femme, si son fils n'avait pas composé le 911 au bon moment. Ce n'est pas normal de voir une jeune femme, enceinte de sept mois, qui se flatte le ventre avec le seul membre qu'elle arrive à bouger, car elle vient de subir un AVC qui la laissera handicapée pour le reste de ses jours. Ce n'est pas normal de voir un automobiliste mort, écrasé entre la chaussée et sa voiture, à côté de son téléphone cellulaire, parce qu'il textait au volant, et ce n'est pas normal d'apprendre que les trois soeurs qui se trouvaient à bord de l'autre voiture ne sont désormais plus que deux. Ce n'est pas normal de voir toutes les atrocités qu'ont dû subir deux femmes innocentes assassinées. Ce n'est pas normal de tenir dans ses bras un bébé bleu. Ce n'est pas normal de regarder un enfant faire une crise d'épilepsie pendant 30 minutes parce que les médicaments qu'on lui a administrés ne fonctionnent tout simplement pas. Ce n'est pas normal de voir autant de personnes mourir sous nos yeux; elles sont si nombreuses qu'on ne peut même pas les compter.
Notre travail n'est pas normal, alors pourquoi faudrait-il toujours se sentir à l'aise? Pourquoi devrait-on s'étonner devant autant de premiers intervenants qui s'enlèvent la vie parce qu'ils ne peuvent plus endurer leurs souvenirs? Nous nous sommes habitués à l'inconfort, et c'est préoccupant.
Chers membres du Comité, il faut reconnaître sans tarder les souffrances des héros et de leur famille partout au pays. Le Canada doit valoriser leurs sacrifices en leur offrant de l'éducation et du soutien.
Il reste tant de choses à faire pour prévenir la mort de nos héros locaux, et le projet de loi C-211, du député Todd Doherty, est un bon point de départ. Il est devant nous, et il ne faut pas le mettre de côté. Si nous le faisons, le temps perdu se traduira par des vies perdues.
J'aimerais terminer mon témoignage en vous lisant un poème que j'ai écrit en souvenir de mon ami et collègue, Bob Cooke, qui s'est suicidé en septembre 2014. Tu nous manques, Bob, et nous ne t'oublierons jamais.
Si tu pouvais connaître sans jamais éprouver
Cette noirceur que certains ne peuvent s’expliquer
Si tu savais combien chaque souffle est un martyre
Le réconfort me fuit, mes poumons se déchirent
Si tu pouvais chasser toutes mes cicatrices
Balayer les nuages qui chaque jour m’assombrissent
S’il était possible que des réponses bien réelles
Viennent éradiquer cette peur irrationnelle
Si seulement chaque larme n’avait jamais coulé
Empêchant mon courage de se manifester
Si je détenais la force d’esquisser un sourire
De soutenir une douleur qui ne veut pas finir
Si tu pouvais cacher cette cruelle morsure
Que les ténèbres laissent en guise de signature
Si je pouvais seulement avoir la certitude
Que le passage du temps apporte la quiétude
Mais j’ai beau essayer d’y croire de toute ma foi
Je ne peux esquiver cet éternel combat
Tant de souhaits qui s’envolent et montent vers les cieux
Rejoindre tous les autres qui nous ont dit adieu
Ces vœux je les ferai encore une fois demain
Je trouverai une façon de poursuivre mon chemin
À travers la nuit noire, je suivrai cette voie
Un moyen de survivre une journée à la fois
Et si...
Ce n'est pas moi qui ai décidé d'accrocher mon uniforme. Malheureusement, l'ESPT a pris cette décision à ma place. Par conséquent, je vous demanderais d'aller de l'avant avec ce projet de loi et d'établir, au Canada, le meilleur cadre national qui soit pour nos héros, de sorte que chacun d'eux puisse choisir le bon moment pour accrocher son uniforme.
Voici mon propre uniforme. Il était rangé dans un placard depuis quelque temps déjà. Je n'arrivais même pas à le regarder jusqu'à hier. J'étais si triste, démolie, et j'avais tellement le coeur brisé de devoir quitter cet emploi que j'adorais tant et qui me manque encore à ce jour. Je vous demanderais de prendre bien soin de mon uniforme. Lorsque le projet de loi sera adopté, et que nous déploierons des efforts pour sauver des vies partout au pays, pourriez-vous le remettre au député Todd Doherty pour qu'il en prenne soin?
Je vous remercie du temps que vous m'avez consacré.
Je vous remercie pour vos témoignages ce matin.
Comme par hasard, j'ai rencontré les représentants de la Commission de la santé mentale du Canada, et je leur ai dit que le témoignage le plus émouvant que j'avais entendu jusqu'ici était celui d'un ambulancier de Vancouver dans le cadre de notre étude sur le fentanyl et les opioïdes. Je n'oublierai jamais son témoignage, comme je n'oublierai jamais le vôtre.
Ce sont des témoignages comme le vôtre qui nous permettent de nous faire une idée concrète du problème. Et seuls vous pouvez le faire. Merci.
Nous allons maintenant amorcer une période de questions de sept minutes.
Monsieur Kang.
Tout d'abord, je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui. Natalie, je vous remercie pour votre témoignage très touchant. Je deviens émotif lorsque j'entends ce genre de témoignage. Il y a certes des gens qui travaillent sur le terrain et qui réclament de l'aide. J'estime que notre comité doit leur venir en aide. Merci encore.
Dans son préambule, le projet de loi C-211 mentionne expressément les « personnes ayant occupé des fonctions de premiers répondants, de pompiers, de militaires, d'agents correctionnels ou de membres de la Gendarmerie royale du Canada ».
Ma question s'adresse à M. Sareen ou à quiconque veut répondre.
Le diagnostic et le traitement de l'ESPT pour ces groupes sont-ils différents que pour d'autres personnes? Existe-t-il des facteurs qui font qu'une personne est plus vulnérable ou plus résiliente? Selon vous, quels autres groupes souffrent de l'ESPT?
Je pense que les symptômes de l'ESPT sont relativement les mêmes au sein des différents groupes. Les gens revivent sans cesse le traumatisme et font des cauchemars récurrents; c'est d'ailleurs la principale différence entre l'ESPT et la dépression ou l'anxiété.
En ce qui concerne les agents de la sécurité publique, on reconnaît maintenant que les gens qui sont exposés de façon répétée à des traumatismes dans le cadre de leur travail sont plus susceptibles de développer l'ESPT. C'est un changement qui a été apporté récemment aux critères du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.
Les principaux facteurs de risque peuvent être l'exposition à des traumatismes durant l'enfance, le fait d'être une femme, l'absence de soutien social et la pauvreté. Les blessures physiques sont un facteur de risque important, tout comme les traumatismes cérébraux. On a appris dernièrement que les gens qui séjournent dans une unité de soins intensifs, parce qu'ils sont gravement malades, risquent également de souffrir de l'ESPT et de dépression.
Les principaux facteurs de protection sont le soutien social, l'instruction et les solides réseaux au sein de la collectivité.
Ce n'est que la pointe de l'iceberg.
Vous avez parlé des coûts associés à l'ESPT. A-t-on des études qui nous indiquent combien ce trouble coûte à la société?
On ne dispose pas de bonnes données au Canada concernant le coût. Ce serait pourtant très utile de connaître l'incidence économique de ce trouble.
La plupart des études connues ont été réalisées aux États-Unis et en Europe, et le coût estimé pour la société se chiffre en millions de dollars, non seulement en raison de la perte de productivité qu'il occasionne, mais aussi des coûts associés aux soins de santé. Les gens qui souffrent de l' ESPT ont souvent des problèmes de santé physique concomitants, ce qui fait en sorte qu'ils sollicitent beaucoup les services de santé physique et mentale.
À votre avis, comment pourrait-on reconnaître plus rapidement les symptômes chez les personnes souffrant de l'ESPT? Que peut-on faire pour détecter plus rapidement ce trouble, de manière à ce que toute la société en bénéficie?
Nous en avons beaucoup à apprendre des militaires et des anciens combattants canadiens qui se sont investis dans l'amélioration de l'accès aux traitements psychologiques et psychiatriques. J'ai ici un extrait d'une étude qui révèle que plus tôt on a accès à un traitement adéquat, meilleurs seront les résultats. Si une personne est atteinte du diabète et en souffre pendant longtemps sans être traitée, cela pourrait avoir un effet très négatif sur sa vie et sa famille. C'est la même chose pour le stress post-traumatique, la dépression et l'anxiété, si nous pouvons réduire les délais d'attente et améliorer l'accès à des traitements fondés sur des données probantes... Nous savons que des traitements existent et sont efficaces, mais en raison du manque de financement pour des services de santé mentale au Canada en général, beaucoup de gens doivent attendre longtemps avant de pouvoir obtenir ces services.
À votre avis, quel effet l'ESPT at-t-il sur la famille de la personne qui en souffre? S'agit-il d'un effet à long terme?
L'effet à long terme du stress post-traumatique sur les militaires canadiens figure parmi nos sujets d'étude. Nombre de personnes ont de bonnes relations avec leur famille, et le soutien social les aide vraiment. Nous savons également que l'ESPT peut entraîner des séparations et des divorces, et avoir des répercussions néfastes sur les enfants. Il est crucial d'aider la personne et le réseau familial pour que la famille puisse surmonter l'épreuve, comprendre que la personne est aux prises avec un problème de santé mentale et apprendre comment l'aider à s'en sortir.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je voulais profiter de l'occasion pour remercier les témoins. Je remercie également Todd d'avoir pu d'attaquer à ce problème important au cours de son premier mandat de député. Le travail qu'il a accompli pour mobiliser tout le monde est vraiment formidable, et je tiens à l'en remercier.
Nathalie, votre témoignage était très émotif. D'être présent quand vous avez offert votre uniforme... Je pense que je parle au nom de toutes les personnes ici présentes quand je dis que c'est pour nous un immense honneur de vous recevoir.
Quand Todd a présenté ce projet de loi, comment en avez-vous entendu parler? Étiez-vous en rapport avec lui et avez ainsi pu vous impliquer? Comment les choses se sont-elles passées?
C'est une excellente question, que je vous remercie d'avoir posée.
J'ai initialement joué un petit rôle quant à la loi provinciale relative à l'ESPT, c'est-à-dire le projet de loi 163 que le ministre Flynn a proposé. Par la suite, dans le cadre des efforts que j'ai déployés en faveur de ce projet de loi, j'ai eu la chance de rencontrer John Brassard, député de Barrie—Innisfil, qui est la circonscription où je réside. Nous nous sommes liés d'amitié en nous aidant mutuellement afin de sensibiliser la communauté, et c'est grâce à M. Brassard que j'ai fait la connaissance de Todd.
Nous entretenons depuis une merveilleuse relation afin de tenter d'éduquer la population sur ce qu'il faut faire pour réduire les préjugés. J'ai joué un rôle précieux en me faisant la voix de Todd et de John. Il est extrêmement important de parler du simple potentiel d'avoir des symptômes avant que des soins puissent être offerts à quelqu'un. C'est quelque chose que j'ai mis bien du temps à comprendre, et je suis devenue très malade. Ce projet de loi vise à favoriser l'éducation et à réduire les préjugés au Canada. C'est à cet égard que je joue un rôle.
Pourriez-vous nous parler brièvement de la culture parmi les premiers intervenants? Ma famille compte de nombreux militaires et agents de police, et on n'abordait pas certains sujets, car c'était considéré comme un signe de faiblesse ou de choses semblables.
Pourriez-vous expliquer au Comité ce que vous pensez de la culture parmi les premiers intervenants? Est-ce une mentalité encore très répandue?
Voilà encore une excellente question.
Malheureusement, cette façon de penser est encore très répandue. J'ai cependant observé des progrès considérables ces dernières années, grâce à des campagnes extraordinaires, comme Cause pour la cause de Bell, qui sensibilisent la population et aident les gens à ne pas se sentir faibles. Sick Not Weak est une autre campagne formidable.
J'ai le bonheur de compter quelques amis du milieu paramédical dans l'assistance. Juste avant la séance, nous disions que nous n'aurions jamais voulu admettre à nous-mêmes que nous puissions être malades en raison de notre passion pour notre carrière. Nous ne voulions pas accrocher notre uniforme. Ce n'est pas tant aux autres qu'à nous même que nous ne voulions pas admettre le problème. Nous nous voilions les yeux. Voilà ce qui se passe.
Malheureusement, dans mon cas, je me suis tournée vers l'alcool et les médicaments dans l'espoir de faire taire des démons qui hantaient mon esprit et mes rêves afin d'éviter d'abandonner ma carrière. C'est ainsi que j'en suis venue à faire une tentative de suicide.
J'ai suivi un traitement. La perte de ma carrière m'a brisé le coeur. Voilà qui montre à quel point elle fait partie de nous. Il m'a fallu beaucoup de temps pour m'en remettre. Cela étant dit, vous pouvez voir maintenant qu'il est difficile pour les premiers intervenants d'admettre le problème. Ils ne veulent pas l'admettre. Nous en sommes encore malheureusement là.
Grâce à l'éducation, à ce projet de loi, à la prévention et à la diminution des préjugés, je pense qu'un bien plus grand nombre de premiers intervenants pourront jouir d'une longue carrière. Je prends aussi souvent la parole dans des collèges et devant des groupes de soutien entre pairs. J'ai notamment créé le groupe Wings of change, qui vise à améliorer la résilience et la sensibilisation à l'aube de la carrière des premiers intervenants et à commencer à discuter de la question à ce moment-là.
Ma fille participe à un programme de base afin d'entrer dans la police, et les gens se demandent « Mais comment cela arrivera-t-il? »
Vous savez quoi? Je comprends sa passion. Je l'appuie dans ses objectifs de carrière, mais je suis très bien placée pour l'éduquer. J'espère qu'avec le temps et un projet de loi fédéral permettant de faire comprendre que la maladie n'est pas synonyme de faiblesse, on améliorera la situation et réduira le coût des traitements qu'il faut offrir. Je sais que pour ma part, si j'avais reçu de l'aide plus tôt, je n'aurais certainement pas dû suivre autant de mois de traitement, entrecoupés de rechutes. Le projet de loi est excellent.
Je pense que le fait que vous racontiez votre histoire, non seulement au Comité, mais aussi aux Canadiens qui suivent la séance, est vraiment une grande aide.
À votre avis, comment, exactement, l'adoption de ce projet de loi contribuera-t-elle à éliminer les préjugés relatifs au trouble de stress post-traumatique en milieu de travail, particulièrement pour les groupes visés par la mesure?
Ce qui est crucial, c'est de pouvoir parler. Dans mon cas, j'avais aussi une attitude réprobatrice envers moi-même. En parlant, on peut mettre fin à la réprobation, non seulement à celle que les autres ont envers nous, mais également à celle que nous avons envers nous-mêmes. En pouvant parler d'un problème admis par le gouvernement fédéral, on élargira la communauté de soutien.
Comme je l'ai déjà indiqué, je viens de Barrie, et grâce au groupe de soutien entre pairs que j'ai mis sur pied, je compte maintenant bien des amis dans le milieu paramédical et la police dans toutes les régions du pays. Voilà qui met en lumière le rôle que le gouvernement fédéral peut jouer. C'est le Canada, vous savez. C'est notre pays. Le fait d'avoir un projet de loi portant sur les symptômes et les difficultés qu'éprouvent les premiers intervenants et les gens visés permet d'entamer immédiatement la conversation. Voilà ce qu'il faut faire.
Je voudrais remercier les témoins d'aujourd'hui d'avoir livré des témoignages aussi convaincants.
Madame Ugnat, je voudrais commencer par vous. Vous avez indiqué, si j'ai bien saisi vos statistiques, que la fréquence de l'ESPT a doublé chez les femmes de 2002 à 2012. Je vous ai entendue préciser que les chiffres sont probablement en dessous de la vérité. Je présume donc qu'ils sont encore plus élevés.
Mme Anne-Marie Ugnat: Oui.
M. Don Davies: Ma recherche, si elle est exacte, indique que les femmes sont deux fois plus susceptibles que les hommes de recevoir un diagnostic de trouble de stress post-traumatique. Savez-vous s'il existe des recherches sur les différences entre les hommes et les femmes ou sur la fréquence de l'ESPT chez les femmes?
Personnellement, je n'en connais pas, mais je renverrais à la question au Dr Sareen, qui effectue des recherches. Pour notre part, nous surveillons plutôt l'état des choses au pays pour déterminer le fardeau et décrire la condition des gens. Pour ce qui est de dire si plus de femmes que d'hommes sont touchées, nous avons parfois accès aux facteurs de risque, ce qui nous permet d'établir des liens, mais ce n'est pas toujours le cas. Nous décrivons les conditions pour pouvoir étayer les politiques.
Sur le plan des recherches, le Dr Sareen serait peut-être mieux placé pour vous répondre.
Les études menées de par le monde montrent que les femmes sont deux fois plus susceptibles que les hommes d'être atteintes par l'ESPT. Nous cherchons actuellement à déterminer, au sein de la population générale et de l'armée canadiennes, si les hommes sont plus ou moins susceptibles que les femmes d'être atteints par l'ESPT quand ils sont confrontés au même événement traumatisant . Nous avons constaté que les femmes sont plus susceptibles que les hommes d'en être atteintes. Les résultats de ces travaux n'ont pas encore été publiés.
Je voudrais parler un peu d'autres groupes de la population. Il me semble que vous en avez mentionnés quelques-uns, docteur Sareen, dont les réfugiés et les Premières nations. Je veux commencer par ces dernières.
Bien entendu, j'ai fait quelques lectures sur les pensionnats. C'est une période de l'histoire canadienne où un grand nombre de personnes ont été traumatisées. Je voudrais savoir ce que vous pensez de la fréquence de l'ESPT au sein de la population autochtone. Considérez-vous qu'il s'agisse d'un problème important et que nous devrions envisager d'intégrer les Autochtones dans ce cadre législatif?
Je pense qu'il s'agit d'un problème très important dont il faut tenir compte dans le cadre. Pour l'instant, il n'existe pas d'étude épidémiologique sur les problèmes de santé mentale dans les communautés autochtone au Canada. Le peu d'études qui existent ont été réalisées aux États-Unis et montrent qu'environ 30 % des femmes vivant dans les réserves des Premières nations souffrent de l'ESPT. Mais nous n'avons pas actuellement d'étude sur la santé mentale des Premières nations au Canada. Nous savons que les pensionnats ont engendré un traumatisme très important chez les femmes autochtones, comme vous l'avez souligné; aucune estimation n'a toutefois été réalisée au sujet de l'ESPT au Canada.
Selon moi, le projet de loi dont nous sommes saisis a, parmi ses nombreuses vertus, l'avantage de réclamer l'établissement d'un programme national de surveillance médicale afin d'utiliser les données pour suivre les taux d'incident et d'augmenter la pose de diagnostic. À votre avis, ces démarches serait-elles particulièrement utiles en permettant peut-être de recueillir dans les communautés des données comme celles qui ont été publiées aux États-Unis?
Certainement. Je pense qu'il est vraiment important que les politiques s'appuient sur des données. Nous savons que les militaires et les anciens combattants ont investi dans des enquêtes très poussées que Statistique Canada a réalisées au sein des communautés. Ce ministère bénéficie d'une excellente méthode à cet égard. Si nous investissons dans le traitement et l'admission du problème, je pense qu'il est primordial de connaître la fréquence des troubles.
Je veux laisser du temps à M. Harris, mais j'ai une brève question à vous poser, si vous pouvez y répondre rapidement.
L'ESTP comprend-il un élément intergénérationnel? Je pense ici aux survivants des pensionnats et la manière dont les problèmes peuvent se transmettre d'une génération à l'autre. Ce phénomène existe-t-il?
Oui. Des preuves montrent que le traumatisme a un lien génétique. C'est une question d'impulsivité. De plus, le fait que les parents soient aux prises avec un traumatisme ou l'ESPT a des répercussions considérables sur l'enfant. On comprend de mieux en mieux que l'exposition à un événement traumatisant pourrait modifier notre biologie et notre bagage génétique. Il existe donc une influence réciproque à cet égard.
Merci.
Madame Harris, je tiens à souligner que vous avez livré un témoignage extrêmement courageux. Non seulement était-il profondément touchant, mais il vous a fallu faire preuve d'un courage incroyable pour comparaître. Je veux vous en remercier.
J'ai une brève question à vous poser. Dans votre exposé, dont j'ai noté certains passages, vous avez indiqué que la représentation est très importante et que la « peur de ne pas être entendue » est particulièrement profonde. Le présent projet de loi traite d'un sujet absolument important: les répercussions de l'ESPT sur les premiers intervenants, les agents de la GRC, les anciens combattants et les agents de police. Vous opposeriez-vous à ce que nous élargissions le projet de loi pour qu'il englobe les femmes, les Autochtones et les réfugiés afin qu'ils soient entendus?
Bien sûr que non.
Quand je suivais un traitement, une des plus importantes leçons que j'ai apprises d'une personne perfectionniste, c'est qu'il faut viser d'abord le progrès plutôt que la perfection. À l'évidence, tout est perfectible; c'est la nature humaine. Je considère toutefois que la mesure proposée par M. Doherty nous permet de commencer à progresser maintenant. Plus nous pouvons inclure de gens, mieux c'est. Visons les 100 %. Plus nous pouvons aider de Canadiens, mieux c'est. Je pense toujours que le projet de loi actuel est un excellent début.
Merci beaucoup à tous les témoins.
Madame Harris, à l'instar de mes collègues, je vous remercie de tout coeur de l'honnêteté et la franchise de votre témoignage. Je pense que nous devons, par votre entremise, remercier les agents de la GRC, les premiers intervenants, les militaires, les agents correctionnels et le personnel d'intervention d'urgence qui, au nom de notre société, interviennent dans des situations épouvantables. Ils sont témoins d'événements qu'aucun d'entre nous ne voudrait voir au cours de sa vie. Ce travail engendre des problèmes de santé mentale, du stress et de l'anxiété. Souvent, nous ne prenons pas suffisamment de temps pour penser à ce groupe de gens qui accomplissent ce travail volontairement en notre nom.
Le projet de loi C-211 vise à assurer la surveillance de l'ESPT pour qu'il y ait un diagnostic uniformisé et un traitement pour lutter contre ce trouble, ainsi que de l'éducation et de la diffusion d'information à ce sujet au Canada. Même si je suis généralement en faveur de cette mesure, je me demande si elle s'attaque vraiment au coeur du problème. Je me demande si le coeur du problème, ce n'est pas la réticence de nombreuses organisations à admettre l'ESPT en raison du fardeau financier que cela pourrait leur imposer et le fait que certains employeurs pourraient ne pas vouloir admettre l'existence de l'ESPT à cause de ce fardeau.
Par exemple, vous avez évoqué le projet de loi 163, en Ontario, dans le cadre duquel on présume que si un premier intervenant ou un travailleur de cette catégorie souffre de l'ESPT, il s'agit sans contredit d'une maladie professionnelle. Le traitement peut donc débuter bien plus tôt et le processus s'enclenche bien plus rapidement. Les commissions des accidents du travail du Manitoba et de la Saskatchewan travaillent à des dispositions semblables, où l'on présume que l'ESPT est attribuable au travail. On possède déjà d'assez bonnes connaissances sur le sujet et on sait comment détecter et traiter l'ESPT. Faut-il mieux éduquer la population à ce sujet ou doit-on réellement améliorer la réceptivité des employeurs et des autres commissions des accidents de travail, voire du gouvernement fédéral et de l'armée, afin qu'ils admettent que l'ESPT peut être attribuable aux activités professionnelles?
Il s'agit, ici encore, d'une excellente question. Je suis d'accord avec vous sur ces deux points. Il est absolument essentiel que les employeurs admettent que l'ESPT est notre blessure, et il faudrait présumer que les blessures de stress post-traumatique dont nous souffrons découlent de notre travail. À mon avis, toutefois, il faudra du temps pour vraiment convaincre tous les milieux de travail, à l'aide d'informations et de recherches fondées sur des données probantes, que c'est le cas. Ces démarches prennent malheureusement du temps. Je constate toutefois que les choses avancent. Comme il s'agit d'une mesure fédérale, je ne pense pas que les employeurs puissent se défiler. Ils ne peuvent plus faire fi du problème ou se cacher derrière des préjugés pour nier la vérité, c'est-à-dire que l'ESPT touche des gens qui risquent leur vie et sont confrontés à des traumatismes quotidiennement. Cependant, je crois énormément aux recherches fondées sur les données probantes, dont il faut tirer parti et qu'il faut utiliser pour établir la rentabilité. Je considère, une fois de plus, que nous avons beaucoup de chemin à parcourir pour réaliser des progrès au lieu de viser la perfection, et ce projet de loi constitue un excellent départ.
Je crois que c'est une question complexe: les traumatismes, le travail et les conséquences de tout cela.
J'aimerais souligner l'importance de l'égalité. Peu importe si vous êtes un policier ou un ambulancier de la ville ou encore un membre de l'armée canadienne, vous devriez avoir accès aux mêmes services en matière de santé mentale. À l'heure actuelle, à cause des systèmes fédéral et provinciaux, et à cause de la complexité des accidents de travail — comme vous l'avez mentionné —, il est difficile pour les gens de se retrouver dans le système de santé.
Je crois que le diagnostic présumé du TSPT entraîne certains avantages, puisqu'il décharge le patient du fardeau d'associer le TSPT au travail. Il faut toutefois trouver un équilibre. L'objectif est d'aider les gens à se rétablir et à être le plus fonctionnels possible.
Le projet de loi est très encourageant, parce qu'il réunit les intervenants fédéraux et provinciaux à la même table pour discuter du TSPT et tirer des leçons du travail réalisé avec l'armée et les anciens combattants canadiens. Nous avons échangé avec la Commission des accidents du travail du Manitoba dans le but de développer des modèles de soins semblables à ceux offerts aux anciens combattants, puisque chaque personne et chaque Canadien devrait avoir accès aux mêmes soins.
J'aimerais souligner l'importance d'élaborer des politiques fondées sur des données probantes. Il est extrêmement important de pouvoir mesurer l'ampleur du problème, de pouvoir l'étudier au fil du temps pour voir s'il s'accentue ou s'il diminue, de pouvoir examiner les facteurs de risque et de désigner les personnes les plus touchées au sein de la population, et d'apprendre des autres collectivités qui ont pris des mesures pour aborder la question. Ainsi, on aurait non seulement une idée du fardeau qui pèse sur la population, mais aussi des ressources nécessaires pour les aider et de la cible visée.
Merci.
Au bout du compte, le comité doit approuver ou amender le projet de loi C-211. Un des articles du projet de loi énonce que le cadre doit comprendre « l’établissement d’un programme national de surveillance médicale qui utilise les données recueillies par l’Agence », l'Agence de la santé publique.
Anne-Marie, savez-vous si l'Agence de la santé publique recueille actuellement des données qui nous permettraient d'établir un tel programme?
L'Agence de la santé publique du Canada recueille des données, mais pas sur le TSPT de façon précise. Nous recueillons des données sur la maladie mentale, mais, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, le TSPT est associé à divers défis.
En règle générale, nous travaillons avec nos partenaires pour établir de bonnes définitions de cas, qui ne sont pas parfaites, mais qui satisfont les intervenants et les experts du domaine, de sorte que nous puissions recueillir de meilleures données.
Il faudrait peut-être travailler avec Statistique Canada pour préparer des sondages ciblés ou travailler avec les provinces et les territoires afin qu'ils nous transmettent les données qu'ils recueillent déjà.
Donc, tout est en place, mais il faudrait améliorer les méthodes de suivi pour veiller à ce que le taux d'incidents...
Il faut améliorer le suivi, les définitions de cas et le degré de précision des données recueillies par les provinces.
Voilà qui termine notre série de questions de sept minutes.
Nous passons maintenant à celle de cinq minutes. Madame Harder, vous êtes la première intervenante. Allez-y.
Tout comme mes collègues, je vous remercie de votre présence ici aujourd'hui. Je remercie particulièrement Mme Harris. Merci beaucoup de votre témoignage. C'est un privilège de pouvoir entendre votre histoire et de comprendre l'incidence du TSPT sur vous et votre famille. Encore une fois, merci de votre vulnérabilité.
Madame Ugnat, j'aimerais clarifier une chose. Si j'ai bien compris, vous dites qu'un cadre fédéral nous aiderait à recueillir des données sur la prévalence du TSPT et à y répondre en créant des programmes appropriés et en offrant des traitements adéquats. Est-ce exact?
Vous ne savez pas quelle est la prévalence du TSPT; vos données visent seulement la santé mentale en général.
La mise en place d'un cadre national nous permettrait de recueillir des données précises sur le TSPT, n'est-ce pas?
Le cadre nous permettrait d'étudier le TSPT. Cela ne veut pas dire que nous ne pourrions pas le faire à l'heure actuelle.
Est-ce qu'un cadre national permettrait de réunir toutes les provinces et de faciliter le processus?
Possiblement, mais je crois que ce sont les détails qui posent problème. Les renseignements recueillis par les provinces ne sont parfois pas assez précis. Il faudrait probablement que les provinces travaillent plus ou changent leur définition.
D'accord. Merci.
Madame Harris, en ce qui a trait au projet de loi, croyez-vous qu'on doive l'adopter tel quel, en mettant l'accent sur les premiers répondants, ou qu'on doive le mettre en suspens ou même ne pas l'adopter du tout et rédiger un nouveau projet de loi qui aurait une plus grande portée et dont le préambule ne viserait pas uniquement les premiers répondants? Devrions-nous prendre un certain recul et élargir la portée du projet de loi avant d'aller de l'avant ou croyez-vous qu'il y ait urgence de passer à la prochaine étape?
Je crois qu'il y a urgence. Je suis tout à fait pour l'adoption du projet de loi maintenant. Mon objectif n'est pas de minimiser l'importance de certaines vies ou de certaines familles, mais avec ce qu'il y a sur la table présentement, nous pourrons réaliser des progrès et aider les personnes qui figurent sur la liste. Ces vies seront complètement changées, en mieux. Si l'on ne va pas de l'avant, on perdra des vies.
Je pense qu'il est très important d'aller de l'avant avec le projet de loi. Nous savons que les premiers répondants présentent un risque plus élevé de TSPT que les civils. J'appuie pleinement l'adoption du projet de loi. Je crois qu'il est important de songer à l'ajout des femmes autochtones à la liste. Je crois qu'il faudra pour cela tenir d'autres discussions et établir des partenariats avec les collectivités des Premières Nations. Je crois qu'il est important de centrer les efforts sur les ambulanciers et les premiers répondants, et de collaborer avec l'armée et les anciens combattants pour tirer des leçons et améliorer l'accès et les soins.
Docteur Sareen, diriez-vous qu'à l'heure actuelle, nous sommes confrontés à une épidémie de TSPT chez les premiers intervenants? Est-ce qu'il y a urgence d'agir?
Oui, nous sommes face à une situation d'urgence. Je crois que nous n'avons pas une bonne idée des taux de TSPT parmi les ambulanciers. Le Dr Nick Carleton, de l'Université de Regina, est responsable d'une étude à ce sujet. Bientôt, on aura accès à ces données, mais le Canada et les États-Unis reconnaissent davantage aujourd'hui que ces gens sont exposés à des expériences traumatiques importantes dans le cadre de leur travail. Je crois qu'il est très important de s'attaquer à cette question. Comme c'est le cas pour les anciens combattants, on a mis beaucoup plus d'accent sur l'amélioration du système au cours des 10 à 15 dernières années.
Je remercie tous les témoins et je remercie Mme Harris de son témoignage très touchant.
Docteur Sareen, savez-vous si l'on réalise d'autres essais cliniques au Canada ou ailleurs sur les traitements novateurs du TSPT, comme le traitement virtuel ou d'autres?
On a réalisé des essais aux États-Unis avec l'exposition à la réalité virtuelle, qui permet ce qu'on appelle l'inoculation contre le stress, pour préparer les gens à la guerre. Nous avons récemment examiné la documentation sur l'entraînement à la résilience. La plupart des études associées à ces essais n'ont pas démontré leur efficacité. Nous avons reçu des fonds de la Commission des accidents du travail en vue de mettre sur pied un programme de thérapie cognitivo-comportementale pour accroître la résilience des agents de la sécurité publique. Nous venons de le lancer.
Je sais qu'il y a une certaine stigmatisation et aussi certains obstacles qui nuisent au diagnostic du TSPT. Pouvez-vous nous parler de ces principaux obstacles?
Premièrement, l'obstacle le plus important et le plus commun, c'est qu'on ne comprend pas que les symptômes dont souffre une personne sont associés à un problème de santé mentale. Souvent, les premiers symptômes sont des troubles du sommeil, des signes d'irritabilité ou des problèmes de concentration, alors la personne ne comprend pas ce qui se passe et se fait des reproches. Je crois que cela revient à ce qu'on dit les autres témoins: il faut aider la population à comprendre et à reconnaître le TSPT; c'est très important.
Deuxièmement, il y a les conséquences sur le travail. Si une personne reçoit un diagnostic de TSPT, qu'arrivera-t-il à ses possibilités d'avancement professionnel? Est-ce que ses collègues vont la juger? C'est un obstacle important auquel est confronté le personnel militaire.
Le troisième obstacle n'en est pas nécessairement un: c'est le fait de vouloir régler le problème par soi-même. C'est ce que nous facilitons en offrant une thérapie cognitivo-comportementale autonome qui permet aux gens de recevoir de l'aide plus rapidement.
Il y a trois principaux obstacles. Le premier, c'est de ne pas comprendre qu'on a un problème de santé mentale; le deuxième, ce sont les conséquences et la stigmatisation au travail; le troisième n'est pas nécessairement un obstacle, mais bien un désir de régler le problème par soi-même.
Que recommanderiez-vous au comité pour aborder ces obstacles? J'ai besoin d'une recommandation claire.
Je crois que le projet de loi vise à encourager les conversations et la sensibilisation à l'égard du TSPT au Canada. J'appuie pleinement le projet de loi.
Je crois que l'éducation est très importante en vue de faire la différence entre ce qui est normal et ce qui est anormal. L'une des choses que j'ai apprises, c'est que si une personne est exposée à un événement grave et traumatisant comme être témoin d'un suicide ou de la mort subite d'un proche, qu'elle souffre toujours et n'est pas redevenue elle-même après un mois, il s'agit d'un moment décisif. Si la personne souffre toujours, elle a probablement besoin d'un traitement. Nous croyons qu'il est important d'offrir un accès rapide et convivial à ces personnes et aussi d'amener ces traitements aux personnes plutôt que de les obliger à se déplacer pour suivre une thérapie individuelle ou de groupe.
Nous avons mis sur pied ce qu'on appelle des cours de thérapie cognitivo-comportementale dans le but de réduire les temps d'attente pour les gens qui veulent suivre une telle thérapie. On sait que les gens sont habitués dès la petite enfance à aller à l'école, mais ne veulent pas nécessairement suivre un traitement psychologique. C'est l'une des nouvelles façons de réduire la stigmatisation et d'améliorer l'accès.
Merci à vous tous, et surtout à vous, madame Harris, d'avoir partagé votre histoire et aussi pour le travail que vous faites maintenant. Selon ce que je comprends, vous sensibilisez les étudiants des collèges de votre communauté à la situation.
J'aimerais vous poser quelques questions au sujet de votre formation. Lorsqu'on vous a formée pour devenir ambulancière, vous a-t-on préparée à ce que vous pourriez voir sur le terrain? Vous a-t-on dit que vous seriez confrontée à d'horribles situations afin de vous préparer aux événements traumatisants que vous alliez voir? A-t-on pris des mesures à cet égard?
À l'école, on a beaucoup appris à l'aide de scénarios. On utilisait des moulages et des acteurs pour refléter le plus possible la réalité... Nous devions suivre une formation de 400 heures, qui est obligatoire dans la plupart des programmes de soins ambulanciers, où nous accompagnions un ambulancier sur la route. Ce qu'on voyait dépendait toutefois du volume d'appels du poste d'ambulances. Par exemple, un de mes amis a vu un cas d'ASV — absence de signes vitaux — à son premier jour sur la route; il a aussi accouché un bébé. Ce sont deux appels assez importants que certains ambulanciers ne recevront peut-être pas au cours de leur carrière.
Nous avons suivi des cours de psychologie, mais on a abordé rapidement la question du stress post-traumatique, et on parlait surtout de traiter les anciens combattants qui en souffrent; on n'a donc jamais discuté de la possibilité de vivre personnellement une telle situation dans le cadre de notre travail.
Absolument. Il faudrait à tout prix aborder la question dans le cadre de la formation des ambulanciers et aussi celle des militaires. Mon gendre se trouve actuellement à Mossoul, en Irak, et je m'inquiète non seulement de lui, mais de tout le monde qui se trouve là-bas. Il faut qu'on leur parle du TSPT. Cela pourrait leur arriver. Je crois qu'il faut être proactifs plutôt que réactifs lorsqu'il s'agit du TSPT.
Nous avons fait beaucoup de progrès. Je sais qu'au cours des dernières années, certaines organisations comme le Tema Conter Memorial Trust ont offert des bourses collégiales pour qu'on fasse de la recherche, qu'on sensibilise la population et qu'on réduise la stigmatisation. Les collèges misent aussi sur le soutien par les pairs et reconnaissent que cela fait partie de notre réalité. Nous y arrivons, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire.
Bien. Merci de le faire.
Je vais céder la parole à M. Doherty. Il voudrait vous poser quelques questions.
J'aimerais ajouter qu'il est très important d'évaluer toutes les interventions en matière de traumatismes. Nous savons par exemple que les séances de verbalisation suivant un incident critique, qui visent une intervention de groupe à la suite de l'exposition à un traumatisme, ont été créées dans le but de prévenir le TSPT, mais il s'avère qu'elles ne sont pas utiles et peuvent même causer du tort. La principale chose que nous avons apprise à la lecture de la documentation sur les traumatismes et le TSPT, c'est que chaque personne se rétablit différemment. Si une personne ne veut pas parler de son traumatisme devant un groupe, il ne faut pas la forcer à le faire.
Il est très important que ce cadre fédéral encourage la création de politiques fondées sur les données probantes en matière d'intervention, parce que le défi associé aux traumatismes et au TSPT, c'est qu'ils touchent 80 % de la population. Il faut vraiment bien penser les interventions.
Toutefois, je suis tout à fait d'accord: il est très important de former les gens qui vont travailler, afin qu'ils aient les compétences nécessaires pour gérer ce qu'ils vont voir. J'ajouterais simplement une évaluation à cet égard.
Merci, docteur Sareen, et je remercie nos invités.
Natalie, votre témoignage était bouleversant, comme toujours. Nous le savons.
Je veux dire deux choses. Nous parlons beaucoup des premiers intervenants dans le cadre de notre étude sur le projet de loi. Le projet de loi ne porte pas seulement sur les premiers intervenants, mais aussi les anciens combattants et les militaires, ceux qui portent l'uniforme tous les jours pour servir nos collectivités et notre pays. Je veux seulement que ce soit mentionné.
De plus, docteur Sareen, vous avez dit que les Forces canadiennes prennent de très bonnes mesures depuis six ou sept ans. Le programme RVPM, soit le programme En route vers la préparation mentale, correspond exactement à ce dont M. Webber parlait, et le projet de loi consiste essentiellement à faire appliquer ces pratiques exemplaires partout au pays.
À titre d'information pour mes collègues ici présents, un agent de la GRC qui est déployé en Nouvelle-Écosse et qui souffre de stress post-traumatique ne peut peut-être pas recevoir les services qui sont offerts en Colombie-Britannique. Il s'agit donc d'assurer l'uniformité des soins et du diagnostic au pays. Ce n'est qu'un exemple que je donne.
Je veux m'adresser à Natalie.
Natalie, vous êtes une auteure accomplie et vous avez partagé votre expérience, ce qui change vraiment la perception des gens concernant l'ESPT, et les gens peuvent voir ce qui se passait dans votre tête, si je peux m'exprimer ainsi, pendant vos moments les plus sombres. Vous avez un blogue que vous avez commencé pendant votre hospitalisation, et il en a résulté un livre intitulé Save-My-Life School: A first responder's mental health journey. J'aimerais que vous parliez un peu du blogue et du livre, si possible.
Bien sûr. Merci.
En 2014, j'ai commencé mon blogue après avoir vu Clara Hughes, l'une de nos olympiennes exceptionnelles — elle a participé six fois aux Jeux olympiques —, à la télévision. Elle était en train de parler de Bell Cause pour la cause aux nouvelles. Je peux vous dire que je me sentais stigmatisée au maximum. J'étais très fière de ma carrière. J'enseignais à l'hôpital Sunnybrook pour le Georgian College. J'étais la première paramédicale en soins avancés dans le comté de Simcoe.
Je ne voulais vraiment pas que qui que ce soit sache que je me battais contre quelque chose qui pouvait mettre ma carrière en péril. J'ai vu Clara Hughes parler de son combat, et cela m'a donné la force de démarrer un blogue. Je l'ai commencé, je crois, durant ma toute première journée en consultation externe, à l'hôpital Royal Victoria Hospital, à Barrie. J'ai consigné par écrit toutes les bonnes et les moins journées. J'ai continué au cours de mon séjour au centre Homewood, à Guelph, un hôpital de réadaptation, pour le traitement de mon ESPT et de ma dépendance.
Par la suite, j'ai écrit sur ma vie actuelle et la façon dont je gère les symptômes que je ressens encore, et la mesure dans laquelle ma famille et mes enfants ont contribué quelque peu à l'écriture du livre également. J'ai contribué à faire tomber les préjugés pour les enfants de leur âge.
C'est notre olympienne, Clara Hughes, qui a écrit l'avant-propos. De plus, il y a un témoignage de notre conseiller d'Ottawa, Jody Mitic. J'ai été très chanceuse d'avoir un soutien exceptionnel, notamment de la part de Todd Doherty et de John Brassard, pour le livre. Il est révélateur pour bien des gens. Comme l'a dit M. Doherty, il n'est pas nécessaire de souffrir de maladie mentale pour lire mon livre. Ce que les gens aiment, c'est que le livre les transporte dans la tête d'une personne qui souffre de maladie mentale. Il n'y a pas de détours; il peut être très sombre. En fait, certaines personnes ont de la difficulté à le lire parce qu'il est très vrai.
Je vous remercie de me laisser vous parler de cet aspect.
Pour ce qui est du blogue, il s'agit de Paramedic Nat. J'encourage vivement le Comité à y jeter un coup d'oeil. Cela devrait faire partie de votre étude.
Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse au Dr Sareen et à Anne-Marie, ou vous pouvez tous y répondre, s'il vous plaît.
Dans le cadre du projet de loi C-211, nous nous penchons sur l'ESPT. Notre pays est diversifié et les démarches adoptées concernant l'ESPT et la santé mentale varient d'une collectivité à l'autre. Croyez-vous que le projet de loi devrait être élargi pour que soient incluses différentes cultures et collectivités? Quelles mesures pouvons-nous prendre pour nous assurer que le cadre relatif à l'ESPT respecte ces différentes cultures et collectivités?
Peut-être que le Dr Sareen pourrait commencer.
Comme l'a dit Mme Harris, il est vraiment important de poursuivre la discussion. L'autre aspect, ce sont les blessures au travail. C'est une question très importante.
Nous savons que le stress post-traumatique est très important. Des enfants, des femmes, des membres de collectivités des Premières Nations et des réfugiés en souffrent. Le projet de loi sensibilisera les gens du pays à l'ESPT. Parce que c'est lié au travail, je pense que cela soulève certains des éléments complexes que l'un des autres membres du Comité a mentionnés. Cela nous amène à nous demander quelle part de la responsabilité relève de l'employeur et quelle part, du système public, et c'est une discussion complexe qui doit avoir lieu.
Pour ce qui est de la collecte d'information de surveillance, cela dépend de la qualité de l'information que nous pourrions recueillir et de la possibilité d'identifier les différentes collectivités.
Comme les autres témoins, je crois que ce qui importe, c'est de hausser la barre, d'aller de l'avant, et de tirer des enseignements des différentes collectivités que nous sommes en mesure d'examiner assez en profondeur pour comprendre, ce qui nous aidera à établir des relations avec les autres collectivités et de les aider aussi.
Je suis d'accord avec vous, mais ce qui me préoccupe, c'est qu'il ne faudrait pas le faire petit à petit. Si nous élargissons le projet de loi le plus possible maintenant, nous n'aurons pas à y revenir et à régler la question à court terme. L'occasion ne se représentera peut-être pas avant un long moment.
Je pense que ce serait une bonne idée d'élargir sa portée et d'inclure d'autres personnes qui souffrent de l'ESPT, et je demanderais à M. Doherty d'examiner la question.
C'est ce qui me préoccupe. Êtes-vous d'accord avec moi à cet égard?
Je ne connais pas suffisamment le processus, mais tout comme vous, je pense que l'ESPT touche de nombreux Canadiens, et qu'imposer des limites d'une certaine manière peut poser problème.
L'un des aspects importants dont il faut tenir compte, c'est qu'il s'agit d'un problème de santé mentale lié au travail. On aura un cadre différent si de la violence ou des agressions ne sont pas en cause. Je pense qu'il s'agit d'y aller étape par étape, des militaires et des anciens combattants aux agents de la sécurité publique. Je veux bien qu'on reconnaisse l'importance de l'ESPT dans différents groupes, mais je crois que le problème qui pourrait se poser, c'est que si on essaie de réunir les groupes autochtones et les groupes de réfugiés et qu'on examine le stress post-traumatique, l'approche à adopter ne sera pas la même que celle qui est adoptée lorsqu'il s'agit de problèmes liés au milieu de travail. Voilà pourquoi je crois que ce niveau est important.
Docteur Sareen, je veux revenir sur cette question. Je crois que tout le monde ici appuie fortement le projet de loi. Ce qui m'apparaît de plus en plus clair en quelque sorte, c'est qu'il y a une différence pour ce qui est de déterminer si le projet de loi vise à créer un cadre fédéral relatif à l'état de stress post-traumatique lié au travail ou s'il vise à créer un cadre fédéral relatif à l'état de stress post-traumatique, point. Il y a des signes des deux options dans le projet de loi. Dans la description, on parle de tous les Canadiens qui en sont atteints. Ensuite, on utilise des mots qui semblent indiquer qu'il ne porte que sur les cas où l'ESPT est lié au travail. Je crois que le Comité devra faire un choix à cet égard.
Il me semble qu'il peut y avoir des différences entre, par exemple, les premiers intervenants, les paramédicaux ou les pompiers, qui font face à des événements traumatisants quotidiennement, chaque semaine ou de façon continue et une personne qui a fait face à un événement traumatisant — une femme qui a été violée ou un enfant qui a été témoin du meurtre de ses parents, par exemple. Ce n'est sans doute pas un traumatisme moins important, et il peut mener au même état, mais j'imagine qu'il y a des aspects distincts.
Pouvez-vous m'aider à déterminer s'il faut faire une distinction ou s'il est possible d'établir un cadre fédéral couvrant toutes les causes de l'ESPT?
Je pense qu'un cadre général peut couvrir tous les cas. Il y a une plus grande reconnaissance maintenant dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'American Psychiatric Association. Dans l'édition la plus récente, le critère de l'exposition à un traumatisme lié au travail a été ajouté. Auparavant, ce n'était pas vraiment reconnu. L'exposition répétée à un traumatisme, comme le vivent les paramédicaux, les pompiers ou les policiers, ne faisait pas partie des critères. Elle a été ajoutée en raison de cette reconnaissance.
Vous avez tout à fait raison: les répercussions peuvent être différentes si une personne est exposée constamment à des traumatismes dans le cadre de son travail et si une personne a un accident de la route, et elles revivent leurs expériences. Je suis...
Puis-je vous interrompre, docteur Sareen? Je vais manquer de temps.
Je veux connaître votre point de vue au sujet d'une troisième catégorie. Je pense aux réfugiés et aux anciens combattants, aux réfugiés qui fuient des zones de conflit ou de guerre. Je pense à une personne qui a vécu à Alep pendant trois ans et qui a été exposée exactement au même type de traumatisme et de violence auxquels un ancien combattant ou un soldat auraient été exposés. Il ne s'agirait pas de traumatisme lié au travail, non?
Non.
Cela nous ramène au point selon lequel l'ESPT reste l'ESPT, dans les différentes populations. Or, dans certains types de travail, la personne est sans cesse replongée dans la situation.
Le sénateur Roméo Dallaire a parlé de l'impuissance qu'il ressentait parce qu'il ne pouvait pas intervenir devant la terreur dont il a été témoin au Rwanda.
Je crois qu'il y a une petite différence pour une personne qui est exposée à un traumatisme dans le cadre de son travail et qui se sent coupable d'avoir survécu ou responsable d'avoir agi, ou de ne pas avoir agi, pour empêcher des décès et des blessures.
Votre temps est écoulé.
C'est ce qui met fin à une autre formidable réunion du Comité de la santé. Nous remercions beaucoup les témoins de leur contribution.
Je veux préciser quelques points avec Mme Harris. Vous avez un uniforme. Êtes-vous sûre de vouloir vous en départir?
Absolument.
Encore une fois, c'est un honneur pour moi de choisir l'endroit où je me départis de mon uniforme. Cela fait partie de mon rétablissement. C'est vraiment un honneur pour moi d'avoir cette possibilité.
Notre cher messager, M. Dan Dumais, a proposé... Il a un sac pour l'uniforme. Il propose que tous les membres du Comité le signent. Lorsque le projet de loi sera adopté, nous le remettrons à M. Doherty, à votre demande.
C'est ce que nous ferons, si tous les membres l'acceptent, et je crois qu'ils l'accepteront.
J'ai une question. Vous avez parlé de votre traitement. Je sais qu'il doit s'agir d'un traitement compliqué. Quel élément vous a aidé le plus?
C'était de pouvoir parler librement du fait que j'avais besoin d'aide et de ne pas avoir honte de le faire, de me sentir libre d'agir. C'est ce en quoi consistent les discussions, la sensibilisation, la réduction des préjugés. D'après mon expérience, compte tenu du nombre important de gens différents qui souffrent de la même maladie, il est important que ces gens aient le sentiment qu'ils ne sont pas seuls, qu'ils peuvent en parler, et qu'il y a de l'espoir.
Je vous remercie beaucoup de votre participation.
Je vous remercie d'avoir comparu à partir du Manitoba. Je vous en suis très reconnaissant.
C'est ce qui met fin à la première partie de notre séance. Nous allons prendre une pause de deux minutes, et nous reprendrons. Nous avons quelques points à examiner.
Nous reprenons pour quelques minutes.
Nous avons quelques points à examiner.
Notre prochaine séance aura lieu le 6 juin. Nous avons besoin de témoins pour l'étude sur la maladie de Lyme. Le greffier aimerait que vous proposiez des témoins d'ici vendredi pour cette étude.
Les amendements au projet de loi C-211 devraient être présentés immédiatement. Nous procéderons à l'étude article par article jeudi. Si vous avez des amendements à proposer, vous devriez nous en avertir.
Nous avons ici les effets de la pornographie sur la santé publique, M-47, une bibliographie d'études et de sources soumises par M. Viersen, mais elle n'a pas été traduite en français. Plaît-il au Comité d'accepter la version anglaise? Tout le monde est d'accord? D'accord.
Monsieur Kang.
Je ne crois pas, car ce n'est qu'une bibliographie. Le document ne contient que les noms, les articles et les dates. Il ne s'agit même pas d'un texte.
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