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Monsieur Casey et membres du comité, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité.
Vous aurez déjà entendu ce que je vais vous dire sous différentes formes d'autres témoins, alors je vais vous présenter cet exposé aussi rapidement que possible pour vous laisser le temps de me poser des questions.
Je vous présente cet exposé au nom de notre groupe, un groupe indépendant de l'Université de la Colombie-Britannique. Nous avons reçu une subvention du ministère provincial de la Santé. Je ne voudrais pas manquer de modestie, mais nous sommes réputés dans le monde entier pour la qualité de notre travail, et nous n'avons pas de conflits d'intérêts. Nous avons souligné cette politique en créant notre groupe, en 1994 — nous ne voulions absolument aucun conflit. Mes collègues m'ont enjoint de ne pas divulguer mes propres conflits, parce qu'aucun d'eux n'a de conflits liés à l'industrie pharmaceutique et au sujet dont nous traitons ici.
Je vais vous décrire certaines leçons que nous avons tirées de notre expérience au cours de ces 22 dernières années. Je vais vous expliquer pourquoi je suis convaincu qu'un programme national d'assurance-médicaments doit reposer sur les meilleures données probantes si l'on veut en retirer les meilleurs résultats possible. Je vous expliquerai aussi pour quelles raisons l'évaluation des médicaments doit se faire indépendamment de l'industrie pharmaceutique. Ce sera beaucoup plus difficile qu'on serait porté à le croire, mais c'est la seule façon de protéger l'intérêt public lié non seulement à la santé, mais à l'argent des contribuables.
La Colombie-Britannique a instauré son programme PharmaCare en 1973. Il s'agissait d'une innovation du gouvernement, qui venait d'être élu en 1972. Cette politique était appréciée du public, mais on n'avait pas établi de liste des médicaments admissibles, alors tous ceux qui sortaient étaient automatiquement couverts. En 1989, les coûts de ce programme s'accumulaient au rythme de 16 % par année; par conséquent, ils doublaient tous les quatre ans ou quatre ans et demi. Le gouvernement avait perdu tout contrôle, et il était illogique d'affirmer que les avantages de ce programme doublaient tous les quatre ans et demi. Certains politiciens promettent de faire doubler les avantages tous les quatre ans et demi, mais tout le monde sait que c'est impossible.
En 1994, comme ces pressions se doublaient d'un grand déficit budgétaire provincial, le ministère de la Santé a reconnu qu'il lui faudrait des conseils impartiaux pour décider s'il devait payer les nouveaux médicaments. Il a créé notre groupe en nous imposant une politique sévère interdisant tout conflit d'intérêts. Nous ne devions pas détenir d'actions dans des compagnies pharmaceutiques, participer à des dîners organisés par ces compagnies et entretenir des contacts avec elles. Le ministère voulait ainsi nous protéger et nous isoler, non pas des enjeux intellectuels, mais de tout compromis éventuel.
Le ministère de la Santé a alors eu le courage de déterminer le financement en fonction des résultats de ce processus; cette façon d'agir était très novatrice en Colombie-Britannique.
Nous étions principalement chargés de préciser les données scientifiques et de les libérer de tout conflit et tout parti pris. Nous allions évaluer les faits avec un esprit ouvert, mais rigoureux, puis en résumer les résultats et remettre nos conclusions au gouvernement de la Colombie-Britannique pour éclairer ses décisions en matière de financement.
Nous devions présenter des preuves, et non des opinions. Par exemple, si je dis à un médecin que j'ai remarqué que les opioïdes atténuent très efficacement la douleur chronique de certains de mes patients, je ne fournis pas de preuves qui éclaireraient une décision politique gouvernementale. Il faut pour cela des essais cliniques randomisés qui produisent des conclusions efficaces.
Par conséquent, en 2007 — je mentionne l'année, parce que le Canadian Rx Atlas produit par le professeur Steve Morgan l'indique — les coûts des médicaments par habitant avaient suffisamment baissé en Colombie-Britannique. S'il s'était agi de la dépense moyenne du Canada, nous aurions dépensé 701 millions de dollars de plus chaque année à partir de 2007. Ces dépenses seraient beaucoup plus élevées à l'heure actuelle.
De cette somme, le gouvernement avait économisé 208 millions de dollars en choisissant des médicaments moins chers et en établissant les prix en fonction de produits de référence. Le reste de la somme totale économisée provenait du fait que PharmaCare ne couvrait pas plusieurs médicaments coûteux que d'autres gouvernements provinciaux remboursaient. J'ai choisi deux exemples pour vous démontrer cela. Le premier concerne les médicaments prescrits contre la maladie d'Alzheimer, et l'autre porte sur les soi-disant inhibiteurs COX-2 qui faisaient concurrence à l'ibuprofène et au naproxène et que l'on avait lancés sur le marché dès 1999 pour soigner principalement l'arthrose et l'arthrite rhumatoïde.
Aucune donnée probante n'indiquait que ces médicaments étaient plus efficaces. le programme PharmaCare de la Colombie-Britannique a refusé de les couvrir. Les résultats d'études de recherche universitaire menées après cela ont indiqué que cette décision n'avait nui à personne, mais qu'elle avait assurément sauvé la vie de centaines de résidents de la Colombie-Britannique et épargné une bonne partie de l'argent des contribuables.
Cet incident a déclenché la création du Programme commun d'évaluation des médicaments dont vous ont parlé certains témoins.
Je vais vous donner un exemple. Les soi-disant inhibiteurs du COX-2, que Santé Canada a été le premier à homologuer en 1999, étaient censés être beaucoup plus sécuritaires. Certains d'entre vous se souviendront des publicités sur Célebrex et sur Vioxx. Mais quelques années plus tard, on a retiré presque tout de suite du marché les deux médicaments de la marque Vioxx, le Rofécoxib et le Valdécoxib. C'est pourquoi la plupart d'entre vous n'en auront pas entendu parler. Plus tard, on a retiré du marché le lumiracoxib parce qu'il causait une toxicité du foie. Vous n'aurez donc probablement pas entendu parler de ce médicament non plus. Mais tous ces médicaments avaient été homologués au Canada.
En examinant soigneusement les données, nous avons constaté que ces médicaments n'étaient clairement pas plus efficaces que les autres. De ce temps-là, on nous accusait d'être un groupe universitaire; même les dirigeants hauts placés de l'université nous critiquaient. Je sais ce qu'on ressent quand le chef du département vous dit qu'il tolérera votre présence à son dîner de gala même si vous participez à l'initiative de thérapeutique. Pourtant, nos conclusions étaient justes.
Nos conclusions étaient correctes parce que nous avions lu avec attention les données des expériences — sur lesquelles nous avions pu mettre la main. S'inspirant de nos conclusions, PharmaCare n'a pas couvert ces médicaments. Par conséquent, nous en avons beaucoup moins consommé que l'Ontario, qui en a consommé énormément. Nous n'avons pas eu l'augmentation du nombre d'ordonnances que l'on a vue en Ontario. Nous avons hospitalisé moins de patients souffrant d'hémorragie intestinale. Nous avons eu beaucoup moins de frais. La Colombie-Britannique y est parvenue parce que son gouvernement avait écouté nos conclusions scientifiques, ce que les autres gouvernements n'avaient pas fait.
Mon deuxième exemple est celui du Donépézil, de la rivastigmine et de la galantamine. Quiconque a un membre de la famille atteint d'Alzheimer ou de démence connaît les noms de ces médicaments. Ils étaient censés redonner l'espoir à ceux qui l'avaient perdu. On en a fait une publicité à tout casser. Mais les données probantes ont démontré — et elles le démontrent encore — que ces médicaments n'ont aucune efficacité. Même André Picard les mentionne dans son article publié dans le Globe and Mail d'aujourd'hui. Ils étaient dangereux pour certains patients. Ils auraient certainement causé des chutes, des effondrements, des évanouissements, de la diarrhée, de l'incontinence urinaire, etc.
PharmaCare ne les a pas couverts. Une fois de plus, les gens ont blâmé le gouvernement et l'organisme qui avait effectué l'examen scientifique de ces médicaments à cause de l'incroyable publicité que l'on avait faite sur leur efficacité. Je pense qu'aucune personne sérieuse au monde ne dirait que ces médicaments sont efficaces, à quelques exceptions cliniques près. Par conséquent, la Colombie-Britannique a consommé moins de ces médicaments que les autres provinces. Je crois que le monde entier s'entend pour dire que la Colombie-Britannique n'a rien perdu.
Les résultats d'autres études sur l'initiative d'établissement des prix à partir de produits de référence ont indiqué que Pharmacare a économisé énormément d'argent. Cette initiative découle du fait que nous n'avons décidé de payer que pour les médicaments les moins chers de la catégorie de ceux qui ont des effets similaires. Cela comprend les médicaments inhibiteurs de l'enzyme de conversion pour la tension artérielle, les statines — comme on le fait en Nouvelle-Zélande — et les antagonistes de canaux calciques. Les résultats d'études menées en partie par notre groupe et en partie par l'Université Harvard ont démontré que cette décision n'aurait pas de conséquences néfastes.
Alors pourquoi sommes-nous ici? Je souligne ceci pour vous rappeler que ce n'est pas notre but. Le but n'est pas d'offrir un plus grand nombre de médicaments. En lisant certaines questions auxquelles a répondu le Dr Eyolfson pendant son témoignage, j'ai constaté qu'il reconnaît que les médecins sont de moins en moins renseignés sur les médicaments. La Dre Anne Holbrook a aussi souligné cela dans son témoignage. Nous ne voulons pas voir un étudiant — comme celui que vous voyez dans cette photo — faisant face à un bureau couvert de médicaments et essayant de distinguer lesquels de ses patients devront payer de leur poche et lesquels seront payés par le gouvernement — certainement pas par le gouvernement.
Nous ne voulons pas non plus ce que vous voyez dans la photo suivante... celle-ci date de septembre, il y a deux mois. Cette femme est sous sédation excessive; on lui a administré trois antidépresseurs, et elle prend des médicaments contre le diabète. L'un de ces médicaments, le long stylo injecteur d'insuline que vous voyez ici, est une nouvelle version d'injection à action prolongée qui n'offre absolument aucun avantage. Le Programme commun d'évaluation des médicaments l'a évalué et a recommandé qu'on ne l'ajoute pas à la liste des médicaments admissibles. Les contribuables ne paient pas ce stylo, elle le paie de sa poche. Cette femme dirige un foyer d'accueil; elle a donc élevé de nombreux enfants qui ont le syndrome d'alcoolisation foetale et d'autres dont la mère était dépendante de l'héroïne. Elle a besoin d'argent, mais elle paie ces médicaments pour rien. L'assurance-médicaments nationale ne vise pas à créer de telles situations, mais à les éviter dans toute la mesure du possible.
Nous arrivons ainsi à ce qui est vraiment nécessaire. La Dre Monica Dutt a souligné cela en parlant d'un jeune garçon qui vit avec le diabète de type 1. Sans insuline, il meurt. Si j'ai bien compris le témoignage de la Dre Dutt, la mère la suppliait de lui donner des échantillons d'insuline parce qu'elle n'avait pas assez d'argent pour en acheter.
Voilà le type de situations pour lesquelles il faut créer l'assurance-médicaments. Nous avons ici le même principe que lors de la création de l'assurance-maladie au Canada. Tommy Douglas ou Emmett Hall — ou la personne qui, selon vous, a conçu l'assurance-maladie — visait justement à dispenser des traitements aux personnes qui en avaient réellement besoin.
Voici donc les objectifs à viser — et je reprends l'opinion de plusieurs autres témoins. D'abord, nous voulons améliorer la santé des Canadiens. Nous voulons éviter d'accroître les effets néfastes et nous voulons réduire le coût des médicaments — et faire tout cela avec fierté. Cela assurerait la durabilité du programme, et nous pourrions financer les autres déterminants de la santé comme l'eau potable, l'alimentation saine, l'éducation, le logement, la condition physique. Tous ces déterminants sont en très mauvais état dans ma province. Nous dépensons tellement en soins de santé — médicaments inclus — que nos écoles n'offrent plus de programmes de musique, par exemple. Vous savez aussi que dans notre pays, de nombreuses réserves autochtones n'ont pas d'eau potable.
Du point de vue technique, nous devrons fonder cette politique sur les meilleures données probantes, et les créateurs du programme devront être exempts de tout conflit d'intérêts. C'est ce que soulignent les États-Unis dans le cadre de la rédaction des lignes directrices. Nous sommes en retard sur eux au Canada, mais nous commençons à les rattraper.
De plus, le groupe indépendant devra se composer d'experts. J'ai relu le témoignage qu'Anne Holbrook vous a présenté ce matin, et elle a souligné qu'il ne reste que peu de pharmacologistes cliniciens au Canada. Nous aurons besoin d'éducateurs et d'experts indépendants pour faire cela.
Je vais conclure là-dessus. Je crois que dans votre trousse, vous avez la liste des autres membres de notre groupe universitaire qui ont collaboré à notre initiative thérapeutique.
[Français]
Merci beaucoup.
[Français]
Je suis heureuse de comparaître devant le Comité.
[Traduction]
Je suis vraiment heureuse d'être ici ce matin. Je remercie le comité permanent de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui.
Je vais commencer par vous présenter quelques faits. D'abord, l'arthrite est une maladie. Je dis cela parce que bien des gens ne le reconnaissent pas. C'est une maladie, et non un aspect inévitable du vieillissement. L'arthrite réagit au traitement, et non à la thérapie, et comme nous sommes ici pour en parler aujourd'hui, elle réagit aux médicaments.
Deuxièmement, l'arthrite est une maladie chronique. Cet aspect est crucial. La médecine s'est beaucoup concentrée sur les maladies graves, et c'est tout à fait normal. Mais nous devons aussi nous occuper des patients qui vivent avec une maladie chronique et avec des douleurs chroniques. Leur qualité de vie dépend d'un accès abordable aux médicaments qui leur conviennent.
Combien de Canadiens se trouvent dans cette situation? Ils sont 4,6 millions, et leur nombre ne cesse d'augmenter. Si ces tendances se poursuivent, d'ici à 2030 ce nombre aura doublé pour atteindre près de 10 millions de Canadiens. Non seulement ce bilan dévastateur entraîne des répercussions en matière de santé, mais il nuit à l'économie. L'arthrite est la deuxième des principales causes d'invalidité. Les gens qui en souffrent doivent cesser de travailler. Nous avons estimé qu'elle coûte ainsi 33 milliards de dollars par année; les deux tiers de cette somme représentent la perte de productivité. D'ici à 2040, ces effets économiques auront doublé. Nous appelons cela la « taxe de l'arthrite ».
Cela ne compte même pas les coûts intangibles et très humains de l'arthrite, comme les jeunes enfants atteints d'arthrite juvénile qui ne peuvent pas jouer dehors avec leurs amis, la jeune mère dont l'état est tellement avancé qu'elle ne peut plus prendre ses enfants dans ses bras, les grands-parents qui ont tant de douleur qu'ils ne vont plus rendre visite à leur famille.
Ce sont là les coûts intangibles, mais très humains de l'arthrite. J'en parle, parce que je tiens à souligner tout le bien que l'on ferait en offrant un accès aux médicaments plus complet, plus abordable et plus équitable.
Je vais vous présenter la première de mes recommandations principales en disant qu'en effet, la Société de l'arthrite appuie fortement l'assurance-médicaments universelle. Ce programme comblera les lacunes, le manque terrible de couverture auxquels les gens atteints d'une maladie chronique se heurtent à l'heure actuelle. Ce programme étendra l'accès aux médicaments, stimulera la productivité et atténuera les douleurs.
Je vous assure que selon les gens auxquels je parle régulièrement, ce besoin est énorme. Comme nous le savons tous, les coûts de ces médicaments sont couverts dans les hôpitaux; mais les gens qui vivent avec l'arthrite ne vont presque jamais à l'hôpital, et les assurances ne couvrent pas tout le monde de façon égale. En 2013, nous avons mené un sondage auprès de plus de 1 000 Canadiens atteints d'arthrite. Nous avons découvert que 63 % d'entre eux ont l'assurance de leur lieu de travail. Autrement dit, quatre sur dix des arthritiques n'ont pas d'assurance. Un grand nombre d'entre eux doivent cesser de travailler ou prendre une retraite anticipée parce que leurs traitements les empêchent de demeurer productifs. Quant à ceux qui ont un régime d'assurance privée, ils ont une foule de problèmes: certains médicaments sont couverts et d'autres non, leurs primes augmentent, les prestations plafonnent toujours plus. Nous nous inquiétons surtout du fait que leurs options sont limitées à cause de l'accès restreint aux nouvelles thérapies.
J'en arrive ainsi à ma deuxième recommandation principale. Oui, nous voulons un programme d'assurance-médicaments universel, mais il ne doit pas viser uniquement à réduire les coûts. Il faut aussi s'engager à offrir un bon choix. Je vais vous expliquer pourquoi.
Je sais que bien des gens pensent que l'un des avantages d'un programme d'assurance-médicaments sera de réduire le coût des médicaments les plus chers. En allongeant la liste des médicaments admissibles plus longue, ou même en dressant une liste nationale, nous renforcerons notre pouvoir de négociation collective pour réduire les prix, ce qui nous permettra d'acheter les médicaments en vrac et ainsi d'économiser considérablement. C'est excellent, mais nous ne devrions pas établir une liste trop limitée en n'offrant pas toute la gamme des médicaments disponibles. En effet, chaque personne qui vit avec l'arthrite réagit différemment aux médicaments.
Il est donc important d'offrir le choix d'une gamme de médicaments. Cela s'applique particulièrement aux nouveaux médicaments biologiques que l'on appelle les « produits biologiques ». Cette nouvelle catégorie de médicaments contient des organismes vivants. Ce sont des composés biologiques, et non chimiques. C'est pourquoi les gens y réagissent différemment en fonction de leur constitution biologique. Ces médicaments transforment souvent la vie des patients de façon miraculeuse.
Je vais vous parler d'un cas en particulier. Il s'agit d'un jeune homme qui s'appelle Matthew. Il était en bonne voie vers une carrière d'athlète quand il a contracté l'arthrite rhumatoïde. Il est devenu complètement invalide. Il a quitté l'école, il ne pouvait plus fonctionner, sa douleur était constante. Maintenant, grâce aux produits biologiques, sa vie s'est transformée. Sa douleur a presque disparu. Il va terminer ses études universitaires et s'engager dans une carrière. Évidemment qu'il ne peut plus se lancer dans l'athlétisme.
Mais son vrai problème est celui des coûts. Ses médicaments lui coûtent entre 20 000 $ et 25 000 $ par année. Comme il n'est plus étudiant, l'assurance de son père ne le couvre plus. Cette famille est prête à se ruiner financièrement pour que leur fils puisse obtenir les traitements qui transforment sa vie.
Nous avons besoin de l'assurance-médicaments universelle. De cette façon, les gens comme Matthew seraient couverts. Mais ce programme ne sera pas efficace si nous le structurons trop étroitement. Comme je vous l'ai dit, les gens réagissent différemment aux produits biologiques, alors si le programme ne couvre qu'un seul médicament de cette catégorie contre l'arthrite, bien des gens comme Matthew ne recevront pas d'aide. De même, en forçant les patients à changer de traitement pour prendre des médicaments moins chers — comme les produits biosimilaires qui apparaissent sur le marché — on risque de leur imposer des traitements beaucoup moins efficaces.
À notre avis, on devrait laisser aux patients le soin de décider, en consultant leur médecin traitant, quel traitement et quels médicaments leur conviennent le mieux. Je sais que ce choix n'est pas simple. En offrant plus de choix ou en laissant les patients en décider, l'assurance-médicaments risque de ne pas produire autant d'économie qu'on le voudrait. Mais à mon avis, il est crucial d'établir un système équilibré qui réponde vraiment aux besoins des Canadiens, surtout ceux qui sont atteints d'une maladie chronique comme l'arthrite.
L'assurance-médicaments universelle est vraiment nécessaire. Nous avons 4,6 millions de personnes qui vivent avec l'arthrite et qui ont une peine folle à payer les médicaments qu'il leur faut. Je supplie le comité d'établir deux priorités, et non une seule. Pour instaurer un programme vraiment efficace, il faudra viser non seulement la réduction des coûts, mais un choix plus étendu.
Sur ce, je conclus mon allocution. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur Casey et mesdames et messieurs du comité.
Vous avez reçu une copie de chacun de nos mémoires et de mon allocution, alors je vais essayer de m'en tenir à ce que j'ai écrit.
Tout d'abord, je remercie profondément M. Gagnon et son équipe. J'étais censée comparaître le 17 mai, et nous avons dû jongler avec les dates parce que nous désirions vraiment venir vous parler.
Je suis donc présidente nationale des syndicats des infirmières et des infirmiers. Nous représentons près de 200 000 infirmières et infirmiers actifs partout au pays, ainsi que les étudiants en sciences infirmières. Nous comptons parmi les défendeurs les plus convaincus de la création d'un programme national d'assurance-médicaments.
Nous sommes heureux que ce comité ait assumé ce mandat d'élaborer un programme national d'assurance-médicaments. Il ne s'agit pas d'une autre étude; vous allez présenter une liste des mesures à prendre pour créer ce programme.
Nous avons fait pression sur le Conseil de la fédération; je vous expliquerai cela dans quelques instants. Nous avons parlé de ce programme directement aux ministres des gouvernements fédéral et provinciaux et avons reçu beaucoup de soutien. Puis, bien entendu, nous avons défendu cette cause pendant la campagne électorale fédérale et pendant des campagnes électorales provinciales.
Nous avons aussi publié le document de recherche de M. Marc-André Gagnon, de l'Université Carleton, intitulé Vers une politique rationnelle d'assurance-médicaments au Canada. Dans le passé, vous en auriez reçu un exemplaire.
Vous vous demandez peut-être pourquoi les infirmières et infirmiers défendent la création d'un programme national d'assurance-médicaments avec tant d'ardeur. C'est tout simple: pendant chacun de nos quarts de travail, nuit et jour, nous constatons les répercussions que les patients subissent en ne prenant pas leurs médicaments d'ordonnance. Nous voyons aussi les provinces et les territoires essayer désespérément d'équilibrer leurs budgets de soins de santé en faisant des compressions. En effet, le Canada dépense 30 milliards de dollars en médicaments d'ordonnance. Ce chiffre a quadruplé au cours de ces 20 dernières années — euh... oui, j'étais déjà infirmière il y a 20 ans.
Nous sommes sur le point de publier un nouvel article sur le coût des médicaments, mais sous un angle économique un peu différent. Nous parlerons des milliards que notre pays gaspille. Cet article sortira en début décembre. Je suis sûre que vous en recevrez tous une copie. Nous veillerons à l'imprimer sur du papier laminé avec de belles images pour être sûrs que vous le lirez.
Nous avons entendu dire que les médicaments d'ordonnance sont plus chers au Canada que partout ailleurs au monde. On prévoit que ces coûts grimperont plus encore à cause des nouvelles thérapies qui sont toujours plus complexes, du vieillissement de la population et des régimes de protection de brevets établis en toujours plus grand nombre.
Nous savons que grâce au Conseil de la fédération, les provinces et les territoires ont réduit les coûts des médicaments en les achetant en vrac. Nous savons aussi qu'ils ont moins de marge de manoeuvre et d'efficacité qu'un programme national de médicaments d'ordonnance. Incapables de contrôler directement les coûts des médicaments, les provinces et les territoires réduisent automatiquement leurs budgets de soins de santé.
Les infirmiers et infirmières de notre pays sont découragés en voyant les gouvernements dépenser beaucoup plus que nécessaire en médicaments d'ordonnance, puis réduire leurs budgets de soins de santé. Les patients s'en trouvent toujours plus vulnérables, car ils reçoivent des soins de moins bonne qualité. En écoutant les témoignages que le comité a déjà entendus, on en conclut qu'il n'y a qu'une solution possible, et elle est très claire.
Aux membres de votre comité et à tous les élus, au nom des infirmières et infirmiers de première ligne que je représente, je dis qu'il est grand temps d'agir. Les preuves sont puissantes et claires. La plus grande difficulté sera de mobiliser la volonté politique de le faire. Il faut que nous nous demandions non pas si, mais comment mettre sur pied la structure d'un programme national d'assurance-médicaments pour le Canada.
Pour ce faire, nous devons examiner les meilleures pratiques exemplaires au monde et concevoir un système qui s'insérera bien dans le contexte canadien. Il est tout à fait possible de le faire. Ceux qui disent le contraire ne connaissent pas l'histoire de notre pays. Nous avons toujours su établir des politiques publiques solides qui servent tous les Canadiens.
Hier, j'ai rencontré la . Un membre de son équipe m'a dit d'un air malicieux que je demandais le modèle de la Nouvelle-Zélande. Je lui ai répondu très simplement qu'il nous faut un modèle canadien élaboré à partir de toutes les données probantes que nous trouverons dans le monde. Notre façon de faire actuelle est inefficiente et coûte trop cher, et je vous dirai honnêtement qu'elle n'est pas très judicieuse.
Plus exactement, nous devrions réformer le système de soins de santé de manière à répondre aux besoins de tous les patients. Nous économiserions ainsi des milliards de dollars. Nous nous devons de réinvestir ces milliards de dollars afin de répondre aux priorités des soins de santé des Premières Nations, d'établir une stratégie sécuritaire pour les aînés, de renforcer les ressources humaines en soins de santé ainsi que de soutenir les soins de santé mentale, les soins de longue durée et les soins à domicile, pour ne nommer que quelques-unes des priorités.
Les libéraux ont promis d'investir 3 milliards de dollars en soins à domicile. Selon les résultats d'études menées à ce sujet, un programme national d'assurance-médicaments coûterait entre un et quatre milliards de dollars et générerait des économies de 7 à 11 milliards de dollars. Il s'agit là d'un excellent rendement sur notre investissement. Ces économies pourraient financer les soins à domicile, les besoins en soins de santé mentale et tous les problèmes dont nous entendons parler en matière de soins de santé.
Il est évident que pour établir un programme national d'assurance-médicaments, il faudra suivre des étapes clairement définies. Nous espérons justement que le comité pourra proposer au gouvernement les étapes claires à suivre pour mettre sur pied un programme national d'assurance-médicaments. Il faudra pour cela que tous les gouvernements du pays et les professionnels de la santé collaborent.
Il faudra aussi examiner les assurances offertes dans les lieux de travail. En instaurant l'assurance-médicaments, on limitera la liste ouverte des médicaments admissibles qu'utilisent à l'heure actuelle les compagnies d'assurance. Je suis chef de syndicat et négociatrice, alors je le sais et je suis d'accord avec cela. Mais comme elles l'ont toujours fait, les compagnies d'assurance s'adapteront et offriront des produits différents. Je ne m'inquiète pas du tout pour elles.
Les assurances privées joueront encore un rôle dans notre système de soins de santé. Mais nous n'agissons pas dans l'intérêt supérieur du pays en laissant des compagnies privées contrôler 60 % de la couverture des médicaments que les Canadiens paient très cher sans couverture universelle. N'oublions pas que le rôle d'un gouvernement est de répondre aux besoins de ses citoyens. Les grandes entreprises ont toujours su s'adapter aux changements de politiques publiques.
Nos membres désirent un programme national d'assurance-médicaments fondé sur des données probantes et sur une liste de médicaments admissibles dressée en fonction des données probantes. Il n'est pas vrai que les travailleurs vont se révolter. De nombreux syndicats, dont le mien, ont adopté des résolutions soutenant un programme national d'assurance-médicaments. Nous continuons à le soutenir. Il est grand temps que l'on élabore les politiques gouvernementales en tenant compte des soins de santé, et la meilleure façon de commencer est de prendre en charge les médicaments d'ordonnance.
Je me souviens du jour où les provinces et les territoires ont conclu leur première entente de coopération pour acheter en vrac. Ils épargnent environ 490 millions de dollars par année. Cette économie va augmenter, mais ce n'est presque rien. N'oublions pas que notre pays n'est pas très peuplé. Notre population est à peu près égale à celle de la Californie. Nous devons en faire plus que d'acheter en vrac. Il faut que nous changions la façon dont nous utilisons nos médicaments d'ordonnance, c'est aussi simple que cela.
Je me souviens aussi de la dernière négociation sur l'Accord sur la santé. Nous ne voulons pas que cela se reproduise. Nous n'avons pas besoin d'une autre étude en comité sur les produits pharmaceutiques du pays. C'est le message que j'ai transmis à la hier. Il faut agir sans tarder. Les provinces et les territoires ne peuvent pas attendre que l'on mène une autre étude sur ce qu'il faudrait faire de l'Accord sur la santé ou sur l'assurance-médicaments.
Je vais conclure sur une note personnelle. Il y a des années, j'étais une jeune infirmière militante qui tapait de ses petits pieds et qui s'époumonait contre les compressions que subissaient les soins de santé de sa belle province du Nouveau-Brunswick. Certains d'entre vous s'en souviendront; notre premier ministre était McKenna, le Parti libéral avait pleins pouvoirs, il gouvernait sans parti d'opposition. Le premier ministre McKenna m'a dit: « Linda, arrête de te plaindre. Trouve des solutions. Je n'ai plus d'argent ».
Les premiers ministres Gallant, Notley, Wynne — je connais les noms des 13 premiers ministres — disent tous la même chose aujourd'hui: nous n'avons plus d'argent pour les soins de santé. Il faut trouver une solution. Nous savons que la solution consistera à cesser de gaspiller des milliards de dollars pour payer les coûts gonflés de médicaments d'ordonnance mal prescrits. Maintenant, nous devons commencer par instaurer un programme national d'assurance-médicaments, réinvestir dans la santé de nos collectivités et enfin faire notre travail — votre travail de députés.
Finalement, parlons commerce. Comme je n'ai que 10 minutes, je vais terminer sur ce sujet. Vous devez exclure les soins de santé et les nouveaux programmes quand vous négociez des transactions commerciales avec d'autres pays.
Merci beaucoup.
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Merci. Je tiens aussi à remercier les autres témoins.
Je m'appelle Doug Coyle. Je suis professeur et directeur par intérim de l'École d'épidémiologie à l'Université d'Ottawa. Je suis économiste de la santé. Je travaille dans ce domaine de recherche depuis 26 ans. Comme le Dr Perry, je n'ai aucun conflit d'intérêts à déclarer.
Je siège au Comité d'examen des médicaments du ministère de la Santé de l'Ontario. J'y aide à présenter des recommandations sur le financement des nouveaux médicaments. Avant cela, j'ai siégé au Comité consultatif canadien d'expertise sur les médicaments, qui présente des conseils similaires au niveau national. J'ai aussi siégé au Comité consultatif ontarien des technologies de la santé, qui présente des recommandations sur le financement de nouvelles technologies à installer dans les hôpitaux.
Je vous remercie de m'avoir offert cette occasion de présenter mes opinions. À l'Université d'Ottawa, j'enseigne aux étudiants de deuxième cycle les méthodes d'évaluation des coûts et des avantages des nouvelles technologies afin de déterminer si leur utilisation est la plus judicieuse pour les maigres ressources de notre système de soins de santé. J'ai mené plusieurs études dans ce domaine sur des médicaments, des appareils, des vaccins, des programmes de dépistage et des programmes d'exercice.
Je suis passionnément convaincu de la nécessité de maintenir un système de soins de santé financé par les deniers publics. Cette conviction est fondée premièrement sur le fait que l'égalité d'accès aux soins de santé devrait être un droit. Deuxièmement — ne l'oublions jamais —, la prestation de soins de santé sous forme de denrée commerciale est inefficiente.
On m'a demandé de présenter aujourd'hui mes opinions sur une stratégie nationale d'assurance-médicaments. Avant de le faire, je tiens à vous rappeler que quand je me suis installé au Canada, en 1995, on parlait déjà avec passion d'une stratégie nationale d'assurance-médicaments. Malheureusement, on n'a pas fait beaucoup de progrès en 21 ans.
On a établi le Programme commun d'évaluation des médicaments et le pan-Canadian oncology drug review pour aider les ministères provinciaux à examiner les données sur les coûts et sur les avantages des nouveaux médicaments. Cependant, bien que ces deux organismes présentent des recommandations, ils n'ont pas de pouvoir de décision sur les remboursements.
On a récemment mis sur pied l'Alliance pancanadienne pharmaceutique dans toutes les provinces pour les aider à fixer, avec l'industrie, des prix qui permettraient de couvrir les nouveaux médicaments. Le gouvernement fédéral vient de se joindre à cette Alliance. Le reste de mon allocution portera sur les problèmes qui entravent cet arrangement.
À mon avis, pour assurer la durabilité de notre système de soins de santé, nous devons établir un processus pancanadien équitable et transparent de prise de décisions sur le remboursement des interventions en soins de santé. Bien que les derniers développements semblent positifs, je vais souligner certaines préoccupations liées au financement actuel des médicaments.
Mes préoccupations découlent de trois principes fondamentaux sur lesquels devrait reposer la stratégie nationale d'assurance-médicaments: l'équité, la transparence et la cohérence de la prise de décisions sur les interventions en soins de santé.
Toutes les décisions liées aux soins de santé devraient reposer sur un principe d'équité. Par conséquent, pour décider de ce que le programme couvrira ou non, il faudra suivre un processus qui reconnaisse la nécessité de traiter les gens de façon égale. Malheureusement, toutes les technologies ne présentent pas un bon rapport qualité-prix. Malgré les prétentions de l'industrie, la plupart des nouvelles technologies, sinon toutes, ne produisent pas d'économies à long terme. Les coûts que l'on évite en les adoptant ne suffisent pas à compenser leur coût d'achat.
Il faut évaluer les prix pour déterminer si les avantages potentiels des technologies que l'on adopte les compensent. En fin de compte, comme nous examinons un système dont le budget est restreint, nous ne devrions pas mesurer la technologie en dollars, mais en avantages qu'une technologie apporte à la prestation des soins de santé par rapport aux autres technologies que nous ne pouvons plus financer. Pendant trop longtemps, au Canada, les décisions sur le remboursement des médicaments n'ont pas tenu compte de cet aspect fondamental de la prise de décisions.
Pour en revenir à notre problème, l'Alliance pancanadienne pharmaceutique cause de graves préoccupations. Elle entame des négociations, mais ne conclut que rarement une entente avec une compagnie sur un médicament bien précis. Nous savons tous que si nous entrons dans le bureau d'un concessionnaire d'automobiles en lui annonçant que nous allons conclure un marché, nous n'obtiendrons pas le meilleur prix qu'il pourrait nous offrir.
Ensuite — et ceci est crucial pour la prise de décisions future —, l'Alliance ne semble pas avoir déterminé les offres minimales à accepter. Pour apporter une contribution utile à la stratégie nationale d'assurance-médicaments, l'Alliance doit établir un cadre définissant les bons et les mauvais résultats des transactions qu'elle conclut afin de quitter la table de négociation lorsque la partie opposée n'offre rien d'avantageux.
Heureusement, certaines techniques de recherche soutiennent la prise de décisions difficiles. L'Alliance se doit de les adopter.
Je vais vous présenter l'exemple de Soliris. Vous en aurez peut-être entendu parler: Soliris est un médicament administré contre une maladie qui s'appelle hémoglobinurie paroxystique nocturne. Heureusement, on l'appelle aussi HPN — je n'arrive même pas à prononcer ces mots —, ce qui nous aidera à en parler sans trop de peine.
La HPN est un trouble sanguin rare. Le Soliris est efficace. Il réduit les risques de thromboembolie, la cause principale de décès de cette maladie, et il réduit la nécessité d'effectuer des transfusions sanguines, qui constituent le coût principal de la gestion de cette maladie.
Cependant, le Soliris coûte 500 000 $ par patient par année. C'est probablement la raison pour laquelle vous avez entendu parler de ce médicament. Les résultats d'une analyse indépendante indiquent qu'il vaudrait la peine de le financer sur une base d'équité si l'on en réduisait le prix de 98,5 %.
Le financement du Soliris à sa valeur marchande coûterait presque 25 millions de dollars par année, même si on ne l'administrait qu'à 20 % des patients admissibles. Ces 25 millions de dollars pourraient financer de nombreux autres services de santé qui avantageraient beaucoup plus la santé des Canadiens.
L'Alliance a réussi à conclure une entente avec le fabricant de Soliris pour traiter la HPN. Vu l'immense réduction du prix qu'il faudrait obtenir, il est très improbable que cette entente découle d'une décision équitable et raisonnable.
Nous devrions soutenir l'innovation en ne finançant que les technologies qui présentent un bon rapport qualité-prix, y compris celles qui ne sont pas commanditées par des entités commerciales. En garantissant le financement des nouvelles technologies, nous n'aidons pas les industries. Les industries qui comptent trop sur des subventions gouvernementales et sur des ententes d'approvisionnement préférentielles tombent dans la stagnation et le déclin. À mon avis, nous décrivons ici le destin de l'industrie pharmaceutique.
Si vous décidez d'instaurer une stratégie nationale d'assurance-médicaments, elle devra reposer sur le principe fondamental de la transparence. Il nous faut un processus de prise de décisions beaucoup plus transparent ainsi que des ententes transparentes entre les fabricants et les bailleurs de fonds du système de soins de santé.
L'Alliance pancanadienne pharmaceutique est principalement chargée de faciliter ces ententes entre les ministères et les fabricants. Ces ententes sont généralement confidentielles; personne ne peut donc déterminer si elles servent les intérêts supérieurs des Canadiens. L'ouverture encourage l'innovation et assure l'équité pour tous les Canadiens.
Finalement, voici mon message le plus important: il est important de financer toutes les interventions de soins de santé offertes aux Canadiens.
Nous nous concentrons aujourd'hui sur les produits pharmaceutiques. Cela correspond très bien à l'objectif type du financement des nouvelles technologies commanditées par des entités commerciales. Cela incite à favoriser le financement de ces technologies sur d'autres interventions de soins de santé desquelles les personnes qui en défendent la couverture ne tirent pas profit.
Nous devons cependant examiner toutes les technologies qui s'offrent à nous. Nombre d'entre elles sont sous-financées malgré les preuves de leur efficacité et de leur bon rapport qualité-prix. Plusieurs d'entre elles ne sont pas commanditées par des entités commerciales.
Vu le changement de démographie dans notre pays et le besoin croissant de soins à long terme à domicile et en établissement, notre concentration sur l'assurance-médicaments nous incite de bien des façons à ignorer le problème primordial auquel se heurte notre système de soins de santé et de services sociaux. La prestation de soins en établissements de soins palliatifs, à domicile et dans les foyers pour personnes âgées ne reçoit aucune promotion commerciale. Les sociétés qui défendent la cause des soins de santé l'ignorent souvent. On ne mène pas beaucoup de recherche pour en souligner les avantages et on ne la défend pas souvent, car elle n'a pas de commanditaires commerciaux.
Permettez-moi de résumer mon message en répétant les observations suivantes.
Pour que notre système de soins de santé financé par l'État soit durable, les décideurs doivent être prêts à prendre les décisions difficiles de ne pas financer certaines des nouvelles technologies. En ne prenant pas ces décisions avec constance et équité, les décideurs actuels n'agissent pas comme ils le devraient. Cela nuit à tous les Canadiens. L'équité doit faire partie des principes de base. Il n'est pas équitable de financer des technologies qui nous empêchent d'offrir celles qui nous apportent plus d'avantages. C'est une chose courante dans le domaine des produits pharmaceutiques.
La transparence est cruciale. Il est scandaleux de décider en cachette des soins de santé que l'on va financer, surtout lorsqu'il s'agit de médicaments, et de conclure des ententes confidentielles. C'est une faille qu'il faut absolument corriger.
Enfin, et bien que nous nous concentrions aujourd'hui sur une stratégie nationale d'assurance-médicaments, je tiens à souligner l'importance de prendre constamment des décisions judicieuses et logiques sur le financement de toutes les interventions en soins de santé et non uniquement de celles qui sont commanditées par des instances commerciales. Seulement sous de telles conditions la stratégie nationale de soins de santé pourra-t-elle profiter à long terme aux Canadiens et assurer la durabilité du système de soins de santé que nous appuyons tous avec passion.
Je vous remercie de m'avoir consacré de votre temps.
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Merci d'avoir posé cette question.
N'oublions pas que l'établissement des prix relève en partie du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, qui a toujours agi avec beaucoup de douceur. À ma connaissance, il n'a jamais vraiment essayé de contrôler sérieusement le prix des médicaments au Canada.
À ce que je sache, la conception de l'ACMTS s'inspire du processus que nous suivons en Colombie-Britannique; malheureusement, il perpétue l'une des erreurs qu'a commises le gouvernement de la province en 1994-1995, qui était de garantir la confidentialité à l'industrie pharmaceutique sous prétexte de protéger ses secrets commerciaux. Par exemple, le rapport que j'ai produit sur le Donépézil — de la marque Aricept — n'a jamais été divulgué en public, parce que le gouvernement de la Colombie-Britannique avait promis à la société Pfizer de ne pas le publier.
En ce qui concerne le Programme commun d'évaluation des médicaments, je vais vous donner un exemple. On m'avait demandé de participer à l'examen de deux médicaments. Je n'ai pas le droit de vous les nommer, alors je ne vous les nommerai pas. Mais les médicaments que nous examinions étaient la Prégabaline — de la marque Lyrica — contre la douleur ainsi qu'une forme de Fantanyl que l'on laisse fondre sous la langue ou dans la bouche.
J'ai reçu pour ce travail des honoraires de 10 000 $ en vertu d'un contrat que j'ai signé avec l'Université de la Colombie-Britannique. J'ai été obligé de signer une entente de confidentialité indiquant que je ne divulguerais pas ce que je découvrirais à quiconque, y compris au peuple canadien. J'ai reçu l'approbation de l'université et de son comité de déontologie; à mon avis, c'est scandaleux. Je suis vraiment heureux que la réunion d'aujourd'hui soit ouverte à tous les Canadiens dans les deux langues.
Voici ce que j'ai appris de cet examen et ce que je ne vous dis pas: la Prégabaline soigne moins efficacement la douleur neuropathique — la douleur que les diabétiques ressentent dans les pieds — qu'un médicament plus ancien, l'Amitriptyline; la Prégabaline n'a pas beaucoup plus d'effet qu'un placébo. Reconnaissons cependant que le Programme commun d'évaluation des médicaments n'a pas recommandé qu'on l'ajoute aux listes provinciales des médicaments admissibles. Mais qui a payé tout le travail d'évaluation honnête de ce médicament? Pourquoi les résultats des études que la compagnie pharmaceutique a menées sont-ils demeurés secrets? Voilà la faille à corriger dans le Programme commun d'évaluation des médicaments.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus participer à cette réunion importante. Avant de poser mes questions, je voudrais demander un consentement unanime sur la motion que je dépose, monsieur le président. Comme nous avons étudié la crise des opioïdes et que nous avons travaillé très fort pour produire le rapport provisoire, je voudrais demander un consentement unanime sur une motion qui, selon moi, vient fort à propos.
Je propose que conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité demande à la de comparaître sans délai pour témoigner sur le Sommet sur les opioïdes et sur les mesures à prendre pour résoudre cette grave crise.
Je n'ai pas déposé cette motion avant cela, parce que nous débattions du projet de loi sur l'Alzheimer. Tout d'abord, je remercie les membres du comité d'avoir collaboré à la production d'un rapport sur cette crise qui est tellement grave qu'il est urgent d'intervenir. Je crois qu'au cours des 24 heures qui viennent de s'écouler, sept ou huit Canadiens sont morts d'une surdose d'opioïdes. Comme la ministre sort de ce sommet, il me semble qu'il serait bon de lui demander de venir témoigner pour que nous puissions ajouter cet important témoignage à notre rapport. Je ne pense pas que cette crise se résoudra d'elle-même. C'est vraiment une crise, tout le monde le reconnaît.
Je remercie les membres du comité qui ont participé à la visite non officielle de cette clinique. J'ai été profondément touché en parlant à une personne dépendante de ces opioïdes et en apprenant qu'il y a de l'espoir et que nous pouvons aider ces gens. Je crois que la ministre aura d'excellents renseignements à nous transmettre, puisque le sommet vient de se terminer. Avant de laisser trop de temps s'écouler, nous apprécierions beaucoup le témoignage de la ministre aussitôt que possible pour compléter et achever ce rapport important.
C'est pourquoi je demande un consentement unanime. Je crois que c'est assez évident.
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La Colombie-Britannique nous a montré la valeur de l’indépendance, et on sait très bien qu’une personne sans parti pris et sans conflit d’intérêts portera inévitablement un jugement différent de celui d’une personne compromise.
Les Américains l’ont appris. Il y a cinq ans, l’Académie nationale de médecine a recommandé que des directives fiables soient élaborées par des gens sans conflits d’intérêts.
Le professeur Gord Guyatt, de l’Université McMaster, qui est un scientifique canadien de renommée internationale, a souligné la nécessité de réviser les directives médicales canadiennes selon les mêmes principes, pour qu’on puisse dire à un cardiologue: « Vous êtes un merveilleux médecin, et tout le monde sait que vous avez une grande expérience clinique, mais, comme vous avez été le porte-parole d’une compagnie pharmaceutique, vous ne pouvez pas faire partie du comité d’élaboration des directives. »
Je crois que le Dr David Juurlink a expliqué — en tout cas il l’a fait au sommet sur les opioïdes — que, avec une directive sur les opioïdes, les gens qui pourraient être en conflit d’intérêts en sont exclus. C’est un peu comme le meilleur de notre système judiciaire. C’est le seul moyen de porter le meilleur jugement.
Je pense que l’autre réponse importante est qu’on a besoin de plus d’éléments d’information. Par exemple, il y a presque sûrement parmi les plus vieux d’entre nous, ici, quelqu’un qui a une fibrillation auriculaire, et, si ce n’est pas encore le cas, ça arrivera à l’un d’entre nous d’ici cinq ou dix ans. Quand ça arrive, on ne sait pas quel est le meilleur traitement anticoagulant. Il existe actuellement cinq médicaments oraux possibles au Canada. Personne ne peut vous dire quel est le meilleur traitement — aucun cardiologue, aussi expert qu’il soit —, et selon la Société canadienne de cardiologie, on ne le saura jamais parce que personne ne fera jamais d’expériences pour le savoir.
Non, bien sûr que non. Les entreprises pharmaceutiques qui fabriquent le produit A ne vont pas faire un essai comparatif honnête avec les produits B et C pour le savoir, mais si nous, les Canadiens, nous voulons savoir — et je suis de ceux à qui ça risque d’arriver étant donné mes antécédents familiaux — quel est le meilleur traitement, il va falloir procéder à un essai financé par le gouvernement, sur le modèle de l’administration des anciens combattants des États-Unis ou des instituts nationaux de santé des États-Unis, ou encore du conseil de recherches médicales d’Angleterre. Même au Canada, dans le temps, le Conseil de recherches médicales faisait certains essais. On pourrait se renseigner, et ce serait un élément crucial de la recherche d’information nécessaire à l’élaboration d’un programme rationnel.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Nous allons continuer la discussion. Mes questions vont justement porter sur les conflits d'intérêt.
Cela me semble intéressant, parce que la notion de conflit d'intérêts était présente à cet égard il y a quelques années et pourrait continuer de l'être à l'avenir, mais avec des paramêtres, des points de vue et des façons de juger ces aspects qui seraient différents.
J'ai bien entendu le témoignage de Mme Silas en ce qui concerne l'indépendance des décisions d'un comité ou d'un groupe indépendant relativement à leur imputabilité.
À mon avis, il est pertinent qu'un comité soit complètement indépendant, libre de ses actions et de ses choix. Cependant, il demeure qu'il y a des choix à faire et que l'imputabilité à cet égard revient toujours à un gouvernement, que ce soit au palier provincial ou fédéral. Le financement provient des gouvernements.
En définitive, en ce qui a trait aux conflits d'intérêts et à l'imputabilité, quelle relation voyez-vous entre ces deux concepts? Mme Silas peut d'abord répondre et, par la suite, je céderai la parole au Dr Coyle et au Dr Perry.
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J'apprécie aussi la question, mais il est peut-être préférable que je réponde en anglais.
[Traduction]
Comme dirait Mike Harcourt, je suis un politicien en convalescence. J’ai donc vu les deux côtés du problème, et je suis fier d’être un bon médecin spécialiste. Les médecins sont formés et dressés, comme le savent trop bien les infirmières, à penser qu’ils sont spéciaux et qu’ils sont des êtres supérieurs aux autres. Les infirmières ont un peu cette mentalité aussi. Notre espèce a beaucoup de difficulté à penser qu’elle pourrait être achetée, en contradiction ou influencée par un conflit d’intérêts.
Une voix: C’est partout pareil.
M. Thomas Perry: C’est partout pareil, en effet, et j’en ai pris l’habitude, puisque, en tant qu’élu, j’ai été chargé de m’occuper de la première loi très stricte sur les conflits d’intérêts en Colombie-Britannique, à cause d’une situation de corruption évidente. Quand je suis revenu à l’université, je me suis rendu compte que mes ex-collègues n’étaient pas habitués à déclarer leurs conflits d’intérêts.
Voici un numéro récent du Canadian Medical Association Journal. Je serais heureux de le faire circuler si le comité le permet. C’est en partie en français. Je l’avais apporté pour le lire dans l’avion. L’article principal porte sur l’augmentation affolante de l’incidence du diabète parmi les peuples autochtones, et puis je me suis rendu compte que, sur la couverture, il était écrit « Happy Januversary », qui est une publicité pour la marque Januvia, qui est de la sitagliptine, médicament vendu pour traiter le diabète.
Je ne vais pas être trop précis, mais un responsable très important de mon université a distribué des questionnaires sur la couverture de ce médicament en Colombie-Britannique en utilisant du papier à en-tête Merck. Est-ce que c’est acceptable de la part d’un médecin occupant un poste important dans une université? Son prédécesseur il y a plusieurs années a distribué le même genre de questionnaires sur du papier à en-tête Merck au sujet de médicaments contre le cholestérol.
C’est un exemple de… ce n’est pas quelqu’un de mauvais. C’est un excellent médecin, mais je dis que c’est un exemple de l’étendue du problème de l’impuissance à reconnaître les conflits d’intérêts, et la seule solution est une indépendance vraiment absolue et l’insistance du gouvernement, qu’il soit fédéral, provincial ou territorial, à ne pas permettre ça, pas plus que vous ne le permettez ici au Parlement.
Merci à tous d’être venus nous voir.
Docteur Perry, j’ai bien aimé votre description de vous-même comme politicien en convalescence. Je parle de moi-même comme d’un « médecin urgentiste en convalescence ». C’est à cause de mon expérience, de tout ce qu’on ne pouvait pas faire dans mon département, que j’ai pensé à faire ce que je fais maintenant.
Comme Mme Silas, je suis extrêmement conscient de ce qui se passe quand les gens n’ont pas les moyens de se payer leurs médicaments. J’ai passé la plus grande partie de ma carrière dans un hôpital de centre-ville, où il y avait beaucoup de pauvreté. Certains patients qui arrivaient étaient en danger de mort parce qu’ils n’avaient pas les moyens de se payer leur insuline. Certains finissaient sur dialyse parce qu’ils manquaient chroniquement des moyens de se payer leur insuline. C’était le genre de situation.
Je sais qu’il y a une belle occasion d’améliorer la situation et de faire des économies. On parle beaucoup de faire des économies dans le système de santé. Quelqu’un a dit qu’on ne devrait pas discuter du montant des économies, mais se demander si c’est la chose à faire. Je suis le premier à être d’accord avec ça, mais on a quand même un système financé par le gouvernement qui ne dispose que d’un budget déterminé. Il faut que ça soit rentable, et, d’après ce que j’ai entendu aujourd’hui, on dirait bien que c’est le cas, en fait. On dirait bien que les économies qui pourraient être faites permettraient dans une grande mesure de compenser les coûts de ce programme.
Je voulais juste confirmer ce que vous avez dit, madame Yale, au sujet du choix laissé aux patients concernant ce qui fonctionne le mieux. Sur le choix des médicaments, ne pensez-vous pas que, s’il s’agissait d’un médicament plus coûteux, il faudrait avoir la preuve scientifique qu’il est plus efficace et entraîne moins d’effets secondaires ou des effets secondaires comparables?
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Certainement. Merci de cette question.
Ce qu’il y a d’intéressant dans le cas de l’arthrite, c’est que sur les 4,6 millions de Canadiens qui en sont atteints, environ un million de personnes souffrent d’arthrite inflammatoire, auxquelles sont applicables les thérapies biologiques dont je parlais. La plupart des Canadiens souffrent d’ostéo-arthrite, qui consiste en une détérioration progressive des articulations, et le seul traitement, actuellement, est le remplacement de l’articulation, en dehors du contrôle de la douleur et, comme vous l’avez signalé, des solutions non pharmacologiques. On ne devrait jamais perdre de vue l’importance des solutions non médicales, qu’il s’agisse de physiothérapie, d’exercice, de régime alimentaire, de nutrition, etc., pour prévenir la progression de la maladie.
En règle générale, les gens atteints d’arthrite ne sont pas nécessairement bien servis par les médicaments disponibles de nos jours, et pourtant on parle d’un très grand nombre de gens… On ne parle pas d’une maladie orpheline touchant un petit nombre de gens ayant besoin de médicaments très coûteux, mais de millions de Canadiens atteints d’ostéo-arthrite progressive et attendant des années que leur maladie atteigne le seuil où un remplacement d’articulation pourrait — ou non — être une solution. Nous pensons qu’on a besoin de beaucoup plus de nouveaux traitements pour atténuer les effets de cette maladie et la douleur qu’elle provoque et pour éviter la chirurgie, qui coûte très cher au système de santé et qui est la seule solution parce qu’il n’y a pas d’autres traitements pour prévenir la progression de la maladie.
Quant aux maladies orphelines, je n’ai pas l’expertise nécessaire pour me prononcer sur le fait qu’on devrait fournir ou non ces médicaments ou dire à partir de quelle base on pourrait fournir des traitements pharmacologiques essentiels pour les maladies orphelines.
Je suis sûre que c’est dans vos cordes, Doug.
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C’est une excellente question.
Je crois qu’une partie de la réponse se trouve dans ce que j’ai lu dans la transcription d’une réunion antérieure. Je crois que c’était le Dr Eyolfson qui disait que les étudiants en médecine et les médecins en savent beaucoup moins sur les médicaments qu’il y a 20 ou 30 ans. La Dre Anne Holbrook l’a également dit à votre comité. J’en suis bien content parce que c’est quelque chose dont ceux d’entre nous qui travaillent dans le domaine de la pharmacologie clinique — j’ai reçu le même genre de formation que les Drs Holbrook et Juurlink — se plaignent depuis des années. Nous sommes impuissants à changer la tendance du programme de formation. Je ne crois pas que ce soit un complot du secteur pharmaceutique. Je pense que le mal vient de l’intérieur des facultés de médecine.
Avant de venir ici, j’ai demandé à quelques-uns de mes étudiants de quatrième année de médecine s’ils avaient quelque chose à dire au comité. Et ils disent qu’ils ont besoin d’être mieux informés de l’usage des médicaments, qu’ils veulent que ce soit réintégré à leur programme de formation et qu’ils ont besoin de professeurs libres de tout conflit d’intérêts. On ne peut pas accepter que nos professeurs refusent de déclarer leurs conflits d’intérêts et se fassent les porte-parole d’une compagnie pharmaceutique, comme l’annonce que je vous ai montrée tout à l’heure. Ça devrait être élémentaire dans une université moderne en 2016, et pourtant ce n’est pas le cas pour les raisons dont j’ai parlé tout à l’heure.
J’ai eu l’occasion de faire valoir cet argument directement, en face à face, auprès près que je suis de Mme Silas, au doyen de notre faculté de médecine il y a dix ans, et je pense qu’il a cru que je délirais. Eh bien non, je ne délire pas. Parlez à mes étudiants ou venez à certaines de mes conférences. Les thérapies pharmacologiques sont devenues beaucoup plus compliquées, comme l’a expliqué Mme Yale, mais le savoir, lui, a diminué. Il va falloir faire un travail énorme pour régler ce problème, et ça suppose aussi une éducation de la population.
Une autre mesure serait également très utile: Santé Canada pourrait être plus transparent, les examens des médicaments courants pourraient être plus transparents et mieux communiqués, afin que des profanes intelligents, comme vous, non formés en médecine, puissent en prendre connaissance et tirer leurs propres conclusions. Il n’y a aucune raison qu’une personne intelligente et suffisamment instruite, ayant fait des études secondaires ici, ne puisse pas comprendre si un médicament est utile ou non.
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Je n’ai pas de point de vue idéologique à ce sujet, mais je vais vous donner un exemple précis du problème avec un médicament.
La gabapentine est un médicament commercialisé sous le nom de Neurontin, dont on vantait les vertus contre la « douleur neuropathique » chronique. De 2000 à 2004 environ, c’est devenu une superproduction de 3 milliards de dollars par an aux États-Unis. L’entreprise Pfizer a été poursuivie et condamnée pour racket et fraude par une cour fédérale des États-Unis pour la promotion de ce médicament, parce qu’il n’existait quasiment aucune preuve qu’il était efficace et qu’il existait par contre beaucoup de preuves qu’il ne l’était pas.
Ils ont pu dissimuler ce fait en recrutant des leaders d’opinion parmi les médecins, qui ont dit qu’il fallait commencer par une petite dose, puis en prendre de plus en plus sur une longue période, et rien de ça n’était vrai. Il n’y avait pas de réaction claire à un certain seuil. Le médicament n’était pas du tout efficace. On pouvait parfaitement se rendre compte en quelques heures, et évidemment en un jour ou deux, si le médicament atténuait la douleur, et pourtant ils ont réussi à vendre pour 3 milliards de dollars de ce produit.
Le résultat, comme le Dr Eyolfson pourra sûrement vous le confirmer, est que les gens croient qu’il faut prendre de la gabapentine pendant un an ou deux. En tant que médecin, on peut se demander pourquoi les gens continueraient de payer pour ça même de leur propre poche — ou pour du Lyrica, qui n’est pas couvert dans la plupart des provinces — et la réponse est: « Eh bien, mon médecin m’a dit de continuer parce que ça finira par fonctionner. »
Ça semble grotesque, mais je n’aurais pas fini de remplir cette salle de toutes les larmes de mon corps si je vous disais le nombre de fois que j’ai vu cette situation et que j’ai vu des gens gaspiller leur argent, qu’ils auraient pu utiliser à des fins plus utiles, ou les fonds publics gaspillés.