Distingués membres du Comité, au nom du directeur Mario Harel, président de l’Association canadienne des chefs de police, je suis ravi d’avoir l’occasion de vous rencontrer. En plus de mon rôle de chef adjoint du service de police d’Abbotsford, je suis président du Comité consultatif sur les médicaments de l’ACCP. Je suis accompagné du chef adjoint de la Police régionale d’York, Thomas Carrique, qui préside le Comité sur le crime organisé, et de Lara Malashenko, membre du Comité sur les modifications à la loi de l’ACCP et conseillère juridique auprès du Service de police d’Ottawa.
L’ACCP a pour mandat d’assurer la sûreté et la sécurité de l’ensemble des Canadiens en favorisant un leadership policier novateur, mandat qu’elle honore par le truchement des activités et des projets spéciaux d’une vingtaine de ses comités ainsi que par les liens actifs qu’elle entretient avec divers ordres de gouvernement. La sécurité de nos citoyens et de nos collectivités est au coeur de la mission de nos membres et de leurs services de police. Le projet de loi est une mesure législative exhaustive, et nous en parlerons avec rigueur dans nos remarques liminaires. En plus de notre témoignage d’aujourd’hui, nous vous avons remis un mémoire écrit détaillé pour que vous puissiez l’étudier.
Dès le départ, notre rôle a été de faire part de notre expertise au gouvernement pour tenter d’atténuer les répercussions de cette mesure législative sur la sécurité publique. Pour formuler nos avis, nous nous sommes fondés sur les discussions approfondies que nous avons tenues avec les membres de l’ACCP et divers comités. Nous avons participé à un certain nombre de consultations gouvernementales et présenté un mémoire au groupe de travail fédéral. Nous avons rédigé deux documents de discussion, intitulés « Recommandations du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis » le 8 février 2017 et « Le gouvernement présente un projet de loi pour légaliser le cannabis » le 28 avril 2017. Nous avons couvert les thèmes des deux documents de discussion dans notre mémoire écrit.
Les leaders de la police de partout au Canada ont dégagé sept thèmes clés de ce projet de loi qui influent directement sur le maintient de l’ordre, en l’occurrence: la formation et l’incidence sur les ressources policières, la culture et la possession personnelles, le crime organisé, la marijuana à des fins médicales, l’emballage et l’étiquetage, la restitution des biens, ainsi que la sensibilisation des jeunes et du public. Ces leaders ont aussi déterminé que la conduite avec facultés affaiblies par la drogue et notre capacité de la gérer efficacement influeront sur le maintien de l’ordre. Cependant, nous laisserons au projet de loi le soin d’aborder ce thème.
Nous aimerions souligner l’annonce qu’a faite le gouvernement fédéral le 8 septembre 2017 concernant l’affectation du financement. Nous sommes intéressés à connaître les détails de la répartition des fonds consacrés à nos ressources policières fédérales, provinciales et municipales. Nous souhaitons insister sur le fait que, pour offrir des services de police, il est nécessaire d’avoir la formation, les outils et la technologie voulus pour contribuer à assurer la sécurité publique et à perturber la participation du crime organisé dans le marché du cannabis illicite.
Afin d’appuyer la mise en œuvre efficace de cette mesure législative exhaustive, l’ACCP conseille vivement au gouvernement du Canada de, premièrement, reporter la date d’entrée en vigueur de juillet 2018 pour permettre aux services de police d’obtenir les ressources et la formation nécessaires, qui sont toutes les deux essentielles à la bonne mise en oeuvre de la proposée. Deuxièmement, nous lui demandons de mettre en place un cadre législatif établi avant la légalisation afin de donner aux organismes d’application de la loi des directives claires et de l’aide concernant le financement et la formation. Troisièmement, nous le prions de fournir suffisamment de détails pour permettre aux organismes d’application de la loi d’évaluer la disponibilité du financement compte tenu du besoin d’opter pour une approche plus normalisée et uniforme entre les provinces et les territoires à l’égard de la mise en oeuvre des ressources policières nécessaires pour légaliser la marijuana, et du besoin d’obtenir des directives supplémentaires au sujet de la formation des officiers de première ligne, notamment pour ce qui est de la saisie dans une installation de culture et de l’identification de cannabis illicite. Quatrièmement, nous lui suggérons d'accroître le financement destiné aux programmes de sensibilisation du public et des jeunes et la signification de contraventions au titre des dispositions prévues à cet égard dans la mesure législative. Cinquièmement, en raison des problèmes que l’on peut prévoir concernant la culture personnelle et l’application de la loi, nous demandons que les dispositions permettant aux adultes de faire pousser jusqu’à quatre plants de marijuana soient révoquées. L’ACCP prédit que l’application de ces dispositions serait problématique et qu’elle présenterait un risque supplémentaire pour les jeunes en faisant en sorte qu’ils soient plus exposés au cannabis et qu’ils y aient plus facilement accès qu’à l’heure actuelle.
Nous avons été ravis de voir dans l’annonce du 8 septembre 2017 que Finances Canada tiendra des consultations sur un nouveau régime fiscal en ce qui touche le cannabis. Cette question est d’une importance capitale car, malgré la qui est proposée, le crime organisé continuera de chercher des occasions d’exploiter le marché et d’en tirer parti. Nous continuerons de recommander que le coût du cannabis légal reste aussi bas, ou soit moins élevé, que celui qui est vendu au marché noir afin de décourager le gâchage des prix et les ventes illicites. Nous demandons aussi au gouvernement fédéral d’instaurer des exigences strictes en matière de sécurité, qui feraient en sorte que les organisations criminelles ne deviennent pas des producteurs autorisés, comme nous l'avons observé dans le cas de la marijuana vendue à des fins médicales.
Les services de police doivent accorder la priorité aux enquêtes sur la drogue pour des raisons de sécurité publique. Il est bien établi que nombre de services de police se concentrent actuellement sur les opioïdes à l’origine d’un nombre sans précédent de morts par overdose. Cependant, alors que nous nous dirigeons vers un régime réglementé du cannabis, il importe de reconnaître qu’une application stricte est nécessaire dès le départ pour protéger les jeunes et contribuer à perturber le crime organisé.
Bien que l’engagement pris le 8 septembre de verser du financement aux services de police pour appliquer la proposée soit positif, on se pose toujours des questions quant à la façon dont il sera affecté. Nous souhaitons réitérer qu’il est nécessaire d’avoir des équipes de police consacrées à l’application de cette mesure législative pour perturber le crime organisé et empêcher le cannabis de se retrouver entre les mains de nos jeunes.
Compte tenu de l’infiltration du crime organisé dans l’industrie de la marijuana à des fins médicales, l’ACCP recommande la fusion de la et du Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales afin d’éviter de la confusion, d’harmoniser les efforts de Santé Canada et des organismes d’application de la loi, et de limiter les activités du crime organisé en réduisant le nombre de producteurs et de distributeurs autorisés.
L’ACCP recommande que les exigences en matière d’emballage soient rigoureuses afin que l’étiquetage soit clair de façon à permettre à la police de faire la distinction entre le cannabis légal et illégal et à donner aux utilisateurs des renseignements adéquats pour faire des choix éclairés concernant leur consommation de cannabis. En outre, comme autre mécanisme de protection et de dissuasion, nous recommandons que l’étiquetage contienne un avis concernant les sanctions imposées en cas de vente de cannabis aux jeunes.
L’ACCP se préoccupe des dispositions sur la restitution des biens qui semblent exiger des policiers qu’ils conservent et restituent les plants de cannabis qu’ils auront confisqués. Les services de police au pays ne disposent pas des installations ou des ressources pour ce faire. En conséquence, nous demandons que le projet de loi tienne compte de ces préoccupations en déchargeant les services de police de toute responsabilité associée à la détérioration des plants de cannabis confisqués ou à un quelconque dédommagement.
En terminant, on devrait continuer de s’attacher à protéger les jeunes en ayant recours à la sensibilisation et à d’autres moyens non prévus dans le Code criminel. À titre d’exemple, la Loi sur le cannabis permettra aux jeunes d’avoir en leur possession ou de partager cinq grammes ou moins avec des amis, ce qui est non conforme aux objectifs visés par le projet de loi. Des exemples du Colorado et de Washington ont montré que la légalisation pourrait encourager une consommation accrue de marijuana parmi les jeunes. En conséquence, les activités de sensibilisation menées par la police sur les effets de la consommation de marijuana sont primordiales pour décourager la consommation chez les jeunes.
Nos recommandations ne visent pas à remettre en question l’intention du gouvernement de restreindre, de réglementer et de légaliser la consommation de cannabis au Canada, mais plutôt à jeter l’éclairage sur ces questions pour lesquelles on n’a toujours pas de réponses. Nous nous préoccupons de l’incidence de cette loi et, comme il a été dit précédemment, nous avons pour responsabilité d’atténuer son incidence sur la sécurité publique — notre principal objectif sur le plan du maintien de l’ordre.
Il est clair que nous louons le gouvernement pour l’engagement qu’il a pris de consulter les intervenants et le public. Nous louons aussi les efforts des ministres, des parlementaires et des fonctionnaires déterminés à présenter la mesure législative la plus exhaustive qui soit dans le but mutuel de proposer un cadre responsable avant la légalisation de reconnaître que le monde entier est tourné vers le Canada dans le cadre de ce processus.
Dans l’intérêt d’assurer la sécurité publique et de préserver la qualité de vie dont nous avons la chance de jouir au Canada, nous sommes reconnaissants de pouvoir faire part au gouvernement de notre expérience de la prévention de la criminalité et de l’application de la loi. Nous reconnaissons que les drogues illicites sont un problème dans le monde entier et qu’elles touchent les collectivités locales, les familles et les particuliers. Alors que le monde entier observe le Canada pendant ce processus complexe, nous sommes résolus à travailler avec le gouvernement et le public canadiens afin de veiller à ce qu’on adopte une réglementation exhaustive pour atténuer les risques pour la santé publique associés au cannabis avant d’en légaliser la consommation. Nous appuyons nombre des objectifs globaux de la mesure législative tout en reconnaissant que d’autres intervenants sont mieux outillés pour offrir des connaissances spécialisées dans les domaines de la santé publique et des services sociaux. Nous appuyons aussi les efforts pour dissuader les activités criminelles et en réduire le nombre en imposant de lourdes sanctions pénales à ceux qui enfreignent la loi, surtout ceux qui importent et exportent du cannabis et qui en fournissent aux jeunes.
Nous remercions sincèrement tous les membres du Comité d’avoir permis à l’Association canadienne des chefs de police de formuler des commentaires et des suggestions concernant le projet de loi . Nous avons hâte de répondre à vos questions.
Merci.
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Bonjour, monsieur le président, et merci de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui devant le Comité.
En tant que service de police provincial de l’Ontario, la PPO est investie d’un mandat unique. Elle offre des services de police de première ligne à plus de 70 % des municipalités ontariennes, donc à plus de 13 millions de personnes. Elle est aussi responsable d’une vaste gamme de programmes et de services provinciaux, y compris des enquêtes criminelles, de l’expertise technique, des services de police autochtones, de la sécurité routière et des interventions spécialisées. L’unité chargée des enquêtes et du crime organisé s’attache notamment à protéger les collectivités de l’Ontario contre les personnes ou les groupes impliqués dans la criminalité grave ou organisée. Nous sommes résolus à rejoindre et à sensibiliser le public ainsi qu’à appliquer des mesures pour réduire les préjudices et la victimisation.
En prévision du projet de loi , il est important de tenir compte de l’incidence que cette mesure législative aura sur les opérations policières à la grandeur du pays. En tant que membre de l’ACCP, la PPO appuie les commentaires et recommandations présentés par nos éminents collègues. Mes remarques d’aujourd’hui porteront sur les principaux éléments du projet de loi qui sont le plus alarmants pour la Police provinciale de l’Ontario et qui pourraient compromettre la sécurité et le bien-être des Ontariens s’ils ne sont pas mis en oeuvre de façon stratégique et graduelle.
Le premier sujet dont j’aimerais traiter est celui de la culture du cannabis à la maison. La PPO se préoccupe de l’incidence que la production à la maison aura sur nos collectivités et n’appuie pas l’approche fédérale permettant de faire pousser jusqu’à quatre plants de cannabis par résidence. La culture personnelle comporte un certain nombre de facteurs de risque, y compris l’exposition des jeunes au cannabis; les questions de santé et de sécurité, comme la moisissure et les risques d’incendie; la surproduction; et le potentiel de trafic. Le rapport que l’ACCP a présenté au Comité jette l’éclairage sur l’exploitation qui est survenue dans le cadre de divers programmes de marijuana à des fins médicales, et la PPO estime que ce type d’abus serait encore plus répandu dans le cas de la marijuana à des fins récréatives.
Même si Santé Canada estime actuellement qu’un plant cultivé à l’intérieur donnera 28 grammes de cannabis, cette quantité n’est pas représentative de la réalité de la culture de la marijuana. Les experts de l’application de la loi en matière de drogue de la PPO estiment qu’un plant cultivé à l’intérieur produit entre 60 et 100 grammes de cannabis. En outre, la plupart des plants de cannabis cultivés à l’intérieur atteignent une hauteur d’environ quatre pieds, soit plus que la limite de 100 centimètres. Si la moitié des unités dans un complexe d’habitation de 200 appartements en centre urbain ou en banlieue cultivait quatre plants de marijuana, ou plus, on pourrait estimer qu’entre 400 et 600 plants sont cultivés dans un immeuble pendant l’année sans la ventilation ou les capacités électriques adéquates et à proximité des enfants. Pareille situation compromettrait sérieusement la sécurité publique. De plus, nous pourrions observer une hausse des violations de domicile ou de propriété, que les policiers connaissent sous le nom de « vols de culture ». La fréquence de ces cas dans les collectivités desservies par la PPO a augmenté régulièrement au cours des trois dernières années et continue de s’accroître.
Les experts de la PPO s’attendent à devoir assumer une lourde charge de travail et subir de nombreuses pressions sur le plan des enquêtes concernant la surproduction de marijuana à la maison; les limites de possession; les introductions par effraction et les vols; ainsi que le détournement du cannabis vers le marché illicite. Il est impossible de gérer adéquatement tous ces problèmes avec les ressources dont on dispose actuellement.
J’aimerais maintenant attirer votre attention sur les défis relatifs à la formation. Compte tenu des délais serrés de la légalisation fédérale, la PPO, comme bien des services de police partenaires, s’inquiète de la mesure dans laquelle elle sera prête à l’appliquer en juillet 2018.
Environ 6 000 membres de la PPO en uniforme auront besoin de recevoir de la formation sur les lois et le système de contraventions. On s’attend à ce que les ressources supplémentaires pour offrir de la formation et des outils afin de faire en sorte que les agents connaissent leurs pouvoirs et les procédures adéquates engagent des coûts importants.
La PPO prévoit de nombreuses difficultés pendant la transition vers un nouveau contexte d’application de la loi. Comment les agents détermineront-ils le poids à accorder aux cas d’accusation de possession? L’âge et les limites de possession pour divers types de cannabis porteront-ils à confusion? Comment les services de police géreront-ils les saisies et la restitution des biens? Procédera-t-on à des essais de validation? Quel sera le rôle de la police dans le contexte du processus d’inspection de Santé Canada?
Pour ce qui concerne les questions de formation et d’application qui viendront par la suite, le projet de loi aura aussi une incidence très marquée sur les programmes de police autochtone de l’Ontario, y compris les 20 communautés autochtones gérées par la PPO. Certaines collectivités sont déjà aux prises avec des problèmes de toxicomanie, et on craint que la légalisation du cannabis ait d’autres conséquences sur le plan de la santé, en particulier pour les jeunes Autochtones. On s’attend à ce que les services de police autochtones, qui sont déjà sous-financés et incapables d’accroître leurs capacités, doivent aussi faire face à d’importants défis au chapitre de l’application de la loi.
La protection des jeunes, surtout autochtones, est l’une des principales préoccupations de la PPO. Elle reconnaît qu’il sera difficile d’essayer d’appliquer les dispositions concernant la possession de cannabis chez les jeunes et le partage de marijuana entre amis. Nous croyons que ce type de partage permet de dissimuler le trafic illicite de drogues. Bien que la loi fédérale fixe à 18 ans l’âge minimal et permette aux jeunes de posséder et de distribuer jusqu’à cinq grammes de cannabis, la PPO préfère que l’âge minimal soit fixé à 19 ans et que ceux qui ne l’ont pas atteint ne soient pas autorisés à posséder la moindre quantité de marijuana. Cela permettrait de faire de la possession chez les jeunes, de la consommation et du partage de cannabis une infraction provinciale passible de contraventions, ainsi que de saisir le cannabis dont les jeunes sont en possession.
La PPO estime qu’un mécanisme provincial de contravention empêchera les jeunes de se retrouver dans le système de justice pénale lorsque des accusations relatives au cannabis sont portées contre eux. En collaboration avec le gouvernement provincial et nos partenaires communautaires et policiers, la PPO entreprendra une campagne de sensibilisation visant les jeunes afin de traiter des nouvelles lois en matière de possession, de conduite avec facultés affaiblies, ainsi que des dangers du cannabis illicite.
Pour ce qui concerne le crime organisé, il est difficile de nier les occasions d’entreprendre des activités criminelles sur le marché du cannabis. Le commerce illégal du cannabis génère des milliards de dollars annuellement et s’est établi dans l’industrie de la marijuana à des fins médicales. La PPO a enquêté sur des douzaines d’opérations de culture de la marijuana à des fins médicales autorisées par Santé Canada dans lesquelles les plantes donnent beaucoup plus de marijuana que les quantités permises. À titre d’exemple, en enquêtant sur une installation de culture dans un immeuble commercial, on a déterminé qu’il était possible de faire pousser un total de 508 plants dans le contexte de quatre autorisations de Santé Canada. En fait, nous avons constaté que 979 plants se trouvaient dans l’immeuble. Certains plants matures atteignaient entre huit et neuf pieds de hauteur.
Si nous appliquions le rendement estimé de Santé Canada, les 508 plants auraient dû produire 31 livres de marijuana séchée, alors que le rendement réel a été de 2 032 livres. S’il n’avait pas été saisi par la police, ce produit illicite se serait retrouvé entre les mains des vendeurs dans les rues et aurait été fourni à des dispensaires illégaux à la grandeur de la province.
Bien que le gouvernement de l’Ontario ait annoncé qu’il prévoyait mettre en oeuvre une stratégie d’exécution de la loi pour mettre fin aux opérations illégales, on s’attend à ce que ces dispensaires continuent de poser problème au chapitre de l’application de la loi et à ce que le crime organisé cherche à détourner le système de vente au détail du cannabis légal en offrant à prix réduit les graines, les plantes clonées et le cannabis séché — comme il l’a fait dans l’industrie du tabac de contrebande. Le gouvernement fédéral doit s’assurer que le prix de la marijuana est raisonnable, sinon il encouragera la croissance du commerce illicite.
La PPO croit aussi que les processus d’attestation de sécurité de Santé Canada ne sont pas suffisamment rigoureux pour prévenir l’infiltration du crime organisé dans l’industrie de la marijuana à des fins médicales. À l’approche de la légalisation du cannabis, les particuliers qui présentent des demandes pour posséder et administrer des installations de production réglementées par le fédéral doivent être assujettis à un processus de vérification plus rigoureux. Il en va de même pour leurs employés et toute entreprise avec laquelle ils passent des marchés.
Nous sommes aussi favorables à cette approche dans le contexte de la vente au détail provinciale. Un manque de supervision de la production et de la vente de cannabis accroîtra aussi la probabilité que des abus soient commis.
En outre, la PPO appuie les recommandations formulées par l’ACCP de combiner les modèles de production du cannabis à des fins médicales et à des fins récréatives et, par le fait même, d’éliminer les autorisations de production à des fins personnelles et médicales. Cette structure simplifiée aiderait la PPO et nos partenaires policiers à s’attaquer aux installations de culture illicites sous le contrôle du crime organisé.
En terminant, il est important pour le gouvernement fédéral de donner des directives claires aux intervenants touchés et d’envisager de prolonger les délais d’application pour assurer la mise en oeuvre efficace de cette mesure législative. La PPO comprend que la légalisation du cannabis, de la marijuana, est un processus complexe et que, à titre d’organisation policière provinciale, elle a un rôle important à jouer. Les membres de la PPO sont résolus à faire respecter les lois canadiennes. Nous nous réjouissons à la perspective de travailler dans le contexte d’un cadre législatif conçu pour assurer la sécurité de nos collectivités et la protection des jeunes et des personnes vulnérables.
Au nom de la PPO, encore une fois, je suis vraiment ravi de participer à la présente discussion.
Merci.
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Distingués membres du Comité, bonjour.
Je m’appelle Mark Chatterbok et je suis chef adjoint des opérations au service de police de Saskatoon. Je co-préside aussi le Comité de l’apprentissage et des ressources humaines de l’Association canadienne des chefs de police avec Steve Schnitzer du Justice Institute of British Columbia.
Je suis ravi d’être parmi vous aujourd’hui pour vous donner le point de vue du service de police de Saskatoon qui, comme tous les services de police municipaux au pays, se prépare à la mise en œuvre du projet de loi . J’aimerais commencer par vous parler un peu de certains des défis auxquels nous sommes actuellement confrontés dans nos collectivités et notre province et à quel point il est essentiel que la mise en place de la nouvelle mesure législative se fasse de façon minutieuse et réfléchie.
Saskatoon a connu une croissance et un développement économiques rapides, surtout grâce à son secteur des ressources naturelles, mais la période de ralentissement qu’elle traverse depuis quelques années a modifié les pressions exercées sur les services de police. Nous avons observé une hausse des infractions relatives à la propriété, laquelle se rapporte, en grande partie, au commerce illicite de drogues, surtout des méthamphétamines.
Nous avons observé que le pourcentage de nos citoyens qui vivent chaque jour en situation de désavantage socioéconomique est constant. Certains deviennent sujets aux dépendances et à la victimisation criminelle, ils finissent par participer à des activités criminelles et vivent dans des logements insalubres ou se retrouvent sans abri. Bien qu’il s’agisse d’une question communautaire beaucoup plus vaste, elle contribue à l’environnement global dans lequel nous assurons le maintien de l’ordre.
J’aimerais aborder la question de la conduite avec facultés affaiblies. Nous nous attendons à ce que la nouvelle loi ait pour effet de hausser le nombre de conducteurs avec facultés affaiblies. Cette augmentation se manifestera dans une ville et une province où les statistiques à ce chapitre sont déjà nettement trop élevées.
La Saskatchewan se distingue depuis malheureusement longtemps comme province qui compte le plus de cas de conduite avec facultés affaiblies au pays. Afin de réduire ces nombres, la province a adopté une nouvelle loi pour alourdir les sanctions en cas de conduite avec facultés affaiblies, dont une politique de tolérance zéro pour les conducteurs de moins de 21 ans aux facultés affaiblies par l’alcool ou la drogue.
En tant que service de police, nous sommes déjà proactifs au chapitre de l’application de la loi régissant la conduite avec facultés affaiblies. Chaque année, nous effectuons de nombreuses vérifications ponctuelles et en informons ouvertement le public par le truchement des médias sociaux et traditionnels, mais le nombre de cas reste élevé.
En conséquence, le service de police de Saskatoon s’inquiète d’une hausse des cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue ou une combinaison d’alcool et de drogue. Comme notre chef de police, Clive Weighill, l’a déclaré publiquement, il aimerait savoir ce qui se produira lorsqu’on détectera la présence de THC dans le sang d’un conducteur dont le taux d’alcoolémie s’est révélé être de 0,07. Techniquement, ce conducteur pourrait être en deçà de la limite légale dans le cas des deux substances, mais quel serait l’effet de la présence de ces deux substances sur ses facultés?
En 2015, on a enregistré 43 homicides contre 53 décès attribuables aux conduites avec facultés affaiblies en Saskatchewan. Avec une population comme celle de cette province, ces nombres sont très préoccupants. Malheureusement, notre service de police n’a toujours pas remarqué de changement de comportement appréciable lorsqu’il est question de conduite avec facultés affaiblies. Par conséquent, nous recommandons fortement que le gouvernement fédéral investisse considérablement dans une stratégie de sensibilisation du public avant de mettre en oeuvre la mesure législative.
Nous sommes favorables aux amendements que l’on propose d’apporter au projet de loi , et le service de police de Saskatoon veut participer à la mise en oeuvre efficace de cette nouvelle mesure législative. Nous croyons qu’il faudra, pour ce faire, obtenir la collaboration continue de tous les ordres de gouvernement et le soutien des organismes d’application de la loi, surtout pour nos agents de première ligne, qui feront face tous les jours aux conséquences de ces changements.
À l’approche de la date de légalisation, il est de plus en plus important de créer une stratégie de sensibilisation du public. Nous abondons dans le même sens que l’ACCP pour dire que pareille stratégie devrait être mise en place immédiatement.
Une stratégie de sensibilisation du public devrait s’attacher à informer les jeunes, les parents et les populations vulnérables. Cet élément doit être enrichi des commentaires de tous les organismes appropriés, et les services de police voudraient participer à cette discussion et à cette préparation. Les personnes qui élaborent pareille stratégie ne devraient pas porter de jugement, garder l’esprit ouvert et faire en sorte que les gens puissent s’y identifier et la comprendre. Les programmes éducatifs devraient offrir de vrais renseignements, et il faut dégager des preuves pour rejoindre ce public-cible.
Nous devrons travailler étroitement avec le secteur de la santé et les conseils scolaires pour transmettre adéquatement cette information aux jeunes dans nos collectivités. Il faudra collaborer de près pour faire front commun. Dans nos écoles, les ressources sont déjà pleinement utilisées pour sensibiliser les jeunes aux drogues et leur offrir d’autres programmes, et ce projet de loi ne fera qu’accroître la demande d’informations supplémentaires à transmettre.
J’aimerais maintenant discuter de l’incidence qu’aura le projet de loi sur la formation des policiers. Il faudra offrir une quantité considérable de formation pour que des agents formés à cette fin soient en mesure de repérer les personnes dont les facultés sont affaiblies par la drogue.
Selon la Colorado State Patrol, dans plus de 91 % des cas, les conducteurs sous l’emprise de la marijuana avaient été arrêtés pour excès de vitesse. Les études au Colorado ont aussi montré que le nombre de conducteurs ayant obtenu un résultat positif à un test de dépistage de THC était plus élevé pendant la journée qu'à tout autre moment. Nous savons qu’on considère que la période de pointe se situe pendant la journée, période pendant laquelle il y a le plus de véhicules, de bicyclettes et de piétons sur les routes.
Dans les deux cas, ces statistiques prouvent le besoin d’offrir de la formation spécialisée à nos agents de première ligne.
Le service de police de Saskatoon compte actuellement 11 experts en reconnaissance de drogues qui ont été formés, et je m’attends à ce qu’il doive au moins doubler ce nombre dans un avenir très proche. Je prévois que ce sera aussi le cas de bien d’autres services de police au pays. Cependant, cette formation est coûteuse; à l’heure actuelle, elle n’est offerte qu’aux États-Unis où les capacités sont limitées, si bien qu’on doit souvent attendre qu’une place se libère.
Pour nombre de services de police, cette formation sera trop coûteuse, ce qui pourrait finir par entraîner des retards au bord de la route; cependant, les tribunaux ne verront pas cela comme une raison valable de ne pas respecter les droits que leur garantit la Charte — à juste titre. En conséquence, je recommande fortement que le gouvernement fédéral offre le financement et l’aide nécessaires à la mise en place d'un programme d’expert en reconnaissance de drogues ici au Canada, qui permettra de régler les questions liées aux coûts et aux capacités de formation que j’ai mentionnées.
Nous avons notamment peur de l’inconnu; en particulier, de ne pas savoir avec exactitude l’incidence que cette nouvelle mesure législative aura sur nos ressources existantes. Nos ressources sont déjà sollicitées à droite et à gauche. Le Saskatoon Board of Police Commissioners a récemment embauché un cabinet d’experts-conseils pour procéder à un examen de nos opérations, et l’étude a révélé que nos agents de première ligne peuvent consacrer 29 % de leur temps à des activités proactives et suggère qu’ils y consacrent plutôt 40 %.
Nous savons déjà que les principales enquêtes sur les drogues prennent un temps considérable, nécessitent des ressources spécialisées et sont très coûteuses. Pouvons-nous nous attendre à ce que le nombre d’enquêtes importantes sur les drogues augmente après l’adoption de cette mesure législative? Je pense que oui.
Il est possible qu’il y ait une hausse du nombre de ce que je qualifierais de plaintes normales auprès de la police, par exemple, des différends entre voisins, des querelles en milieu familial, des activités douteuses, etc. Nous savons que l’alcool est un facteur qui contribue souvent à ces types de plaintes. La question à laquelle on ne peut répondre est celle de savoir si la consommation de marijuana donnera ou non des résultats semblables.
Nombre de services de police municipaux, y compris en Saskatchewan, ont cerné d’éventuels coûts cachés que la nouvelle mesure législative pourrait entraîner. Ils se manifesteraient sous forme de problèmes sociaux, qu’il revient habituellement aux agents de première ligne de traiter.
Je terminerai mon intervention en formulant des commentaires sur les dispositions du présent projet de loi relatives à la culture et à la possession à des fins personnelles dans une habitation. Le service de police de Saskatoon partage les préoccupations soulevées par l’Association canadienne des chefs de police et recommande que l’on remette en question la culture à des fins personnelles. Nous ne sommes pas favorables à la culture à domicile, quels que soient la taille des plants et leur nombre, car cela créera des occasions de détournement et augmentera le nombre de plaintes de surproduction sur lesquelles il sera difficile d’enquêter et qui auront une incidence négative sur nos ressources actuelles. La culture à domicile fera sans doute en sorte qu’il soit plus facile pour les enfants de s’en procurer.
En terminant, en tant que service de police municipal qui ressentira directement les effets de la mise en oeuvre du projet de loi , le service de police de Saskatoon souhaite souligner l’engagement qu’a pris le gouvernement de consulter les intervenants. Nous appuyons son désir de mettre en place la mesure législative la plus efficace possible. Nous sommes résolus à assurer la sécurité publique et à offrir quotidiennement des services à nos citoyens, quels que soient les défis auxquels nous sommes confrontés.
Au nom du service de police de Saskatoon, je vous sais gré de nous avoir aimablement invités à vous faire part de nos commentaires ce matin.
Merci.
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Merci beaucoup. C'est un honneur et un privilège de témoigner ce matin devant le Comité. J'ai transmis un mémoire au Comité et j'aimerais faire quelques autres commentaires et souligner certains points contenus dans ce mémoire.
Premièrement, je dois dire que je louange l'approche adoptée par le gouvernement en ce qui concerne la légalisation du cannabis. Une réglementation qui veille à la santé publique est essentielle. Je crois que c'est une approche qui accroîtra nos connaissances des effets néfastes et des avantages de la consommation du cannabis. J'aimerais aussi me faire l'écho de certains points présentés hier par Mark Ware sur l'étendue de ce que nous ignorons et de ce que nous devons savoir et la mesure dans laquelle les données semblent parfois pointer dans les deux directions. L'un des grands avantages de la légalisation est que nous serons beaucoup mieux outillés pour répondre à de telles questions.
Je crois qu'il est important de reconnaître qu'à bien des égards il s'agit d'une question liée aux droits de la personne. La marijuana a été criminalisée en 1923 par une simple déclaration de la Chambre des communes affirmant qu'une nouvelle drogue était inscrite à l'annexe. Nous n'avions aucune connaissance sur la drogue à l'époque, et il est maintenant évident que, pour la majorité des utilisateurs dans la majorité des cas, l'alcool et le tabac sont plus toxiques et plus invalidants et entraînent une morbidité beaucoup plus grande.
Nous ne devons jamais perdre de vue qu'il est question ici de la formidable force du droit pénal et que les adultes qui consomment cette drogue ne méritent pas que des dispositions pénales s'appliquent à eux, et il en va de même pour les enfants et les mineurs qui en consomment. J'aimerais ajouter que la Loi sur les stupéfiants adoptée en 1961 prévoyait les sanctions les plus sévères pour la possession et la distribution de cannabis, alors que pratiquement aucune accusation n'avait été portée relativement à cette drogue depuis 50 ans. Entre 1908 et 1961, il y a eu environ 1 000 condamnations toutes drogues confondues. En 1961, nous avons adopté la Loi sur les stupéfiants après un long débat en vue de déterminer si la peine capitale serait une sanction appropriée pour les trafiquants de drogues, dont le cannabis. Or, en 1967, déjà plus d'un millier de Canadiens avaient été condamnés pour possession simple de cannabis, et plus de la moitié d'entre eux avaient passé du temps derrière des barreaux. Cette période a été décrite comme la période de lutte contre le cannabis. Cependant, déjà en 1975, 40 000 personnes étaient reconnues coupables chaque année, et l'emprisonnement n'était plus une option pratique.
Pour ce qui est de mes commentaires concernant la réduction au minimum des effets néfastes chez les jeunes, je crois que l'âge de 18 ans — l'âge serait probablement plutôt de 19 ans dans la majorité des provinces — me semble raisonnable, ce qui est similaire à ce qui prévaut pour l'achat d'alcool. Je crois que nous ne devons pas perdre de vue qu'il ne s'agit pas d'une drogue aussi dangereuse que l'alcool, et les types d'approches à adopter doivent donc être en quelque sorte similaires. Parallèlement, j'aimerais souligner qu'à bien des égards nous n'avons pas très bien réussi à limiter, par exemple, la promotion de l'alcool.
L'établissement de l'âge minimal à 25 ans ne ferait qu'encourager la poursuite des activités illicites, de même que l'achat de cannabis pour les jeunes par des personnes de plus de 25 ans. Je crois que l'annexe 4 doit être élargie pour inclure les produits comestibles et les bombes, tout en nous assurant que ces produits sont emballés de manière à n'entraîner aucun dommage non intentionnel, en particulier aux enfants et aux jeunes. J'aimerais également souligner que le paragraphe 62(7) donne le pouvoir au ministre de refuser une demande de permis de production à une personne qui a déjà fait l'objet d'une condamnation relative au cannabis. Je soutiens que la participation actuelle au commerce illicite ne devrait pas être une raison suffisante pour refuser une telle demande, mais les menaces, l'utilisation de la force ou une preuve de mauvaise foi découlant d'autres condamnations au pénal semblent toutes de bonnes raisons pour empêcher une personne de participer à cette industrie.
J'avance également que l'utilisation d'un domicile pour la culture d'au plus quatre plants peut à juste titre faire l'objet de restrictions sur le plan du zonage; c'est fort probablement le cas pour une habitation multifamiliale. Cela se fera parfois par l'entremise d'une copropriété, d'un contrat de location ou parfois d'une municipalité. Je crois que cela se fera par l'entremise de la municipalité. Je répète qu'il faut veiller à la sécurité publique en ce qui concerne la culture du cannabis.
Je comprends que le régime de distribution ne relève pas du gouvernement fédéral, mais j'aimerais faire valoir les commentaires suivants. Si les autorités n'offrent pas un accès raisonnable grâce à un nombre suffisant d'établissements gouvernementaux ou privés qui seront soumis à une réglementation publique, les activités sur le marché noir risquent de se poursuivre. Je crois également que le modèle de gestion de la marijuana médicinale semble plus utile et plus compatible avec la santé publique que le modèle dans le cas de la marijuana à des fins récréatives. Dans la mesure du possible, je crois que nous devons mettre l'accent sur les avantages potentiels de l'utilisation du cannabis.
En ce qui concerne la question de la sécurité et de la protection du public, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre la logique et l'application pratique de l'article 8 de la Loi sur le cannabis, soit la création d'une infraction criminelle pour la possession de cannabis illicite. Compte tenu de la possibilité de cultiver jusqu'à quatre plants, comment les autorités détermineront-elles qu'une personne est en possession de cannabis illicite et surtout pourquoi traiterions-nous cela comme un crime?
En ce qui a trait à l'article 9, je comprends l'envie de restreindre le commerce à ceux qui suivent les règles, mais notre approche concernant le cannabis est beaucoup plus sévère et contraignante que notre approche relative au tabac et à l'alcool. Compte tenu du risque relatif à la santé publique de chacune de ces drogues, ce n'est pas logique.
J'aimerais revenir sur la question des droits de la personne. L'idée d'adopter une mesure législative qui maintiendrait une infraction criminelle pour la possession de cannabis me semble incohérente avec au moins une partie de la logique derrière la mesure. Je sais que le a répété que l'objectif est d'éliminer le marché noir et de réduire l'accès, mais n'empêche qu'une partie de l'objectif est aussi de reconnaître que les personnes qui ont consommé du cannabis ou qui en consomment ne méritent pas d'être considérées comme des criminelles.
Il faut utiliser les leviers économiques pour restreindre le commerce par tous les moyens. Les injonctions civiles et les amendes non criminelles semblent appropriées. Nous ne devons pas perdre de vue que la consommation ou la production de cannabis par des adultes ne sont pas plus moralement choquantes que la production de bière, de vin ou de spiritueux. Cet aspect doit ou devrait au moins être l'une des raisons qui nous ont poussés en premier lieu à déposer cette loi.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie de me donner le privilège d'être avec vous aujourd'hui. C'est un sujet qui me tient à coeur et que je suis de près.
J'ai remis un mémoire au Comité, et j'espère vous en présenter certains des faits saillants.
Il semble y avoir des éléments un peu déconcertants dans la logique commune qui sous-tend l'ensemble de la question. Puisque les gens fument du cannabis, nous pourrions tout aussi bien le légaliser. Suivant la même logique, nous pourrions dire que puisque les jeunes boivent à l'âge de 18 ans, autant se débarrasser carrément de l'âge légal pour consommer de l'alcool. Je suis toutefois troublé par la logique sur laquelle nous nous appuyons.
Selon les recherches médicales, il semble que le cerveau continue de se former jusqu'à l'âge de 25 ans. Étant donné que la consommation de cannabis nuit à ce développement, toute politique gouvernementale fondée sur la science en général fixerait à 25 ans l'âge légal pour en acheter. Tout autre chiffre est complètement arbitraire.
La légalisation du cannabis semble être tout à fait incompatible avec l'objectif gouvernemental de réduction du tabagisme. Comme vous le savez, des dispositions législatives exigent un emballage neutre, apparemment dans le but de réduire le tabagisme. Pendant ce temps, le gouvernement incite et encourage volontiers la population canadienne à fumer davantage. Je ne sais pas exactement si les conséquences sur la santé sont différentes.
Des informations en provenance des États de Washington et du Colorado donnent à penser que des coûts faramineux sont associés à la légalisation du cannabis. Puisque ces sommes seront en grande partie assumées par les provinces — coûts en santé publique, pour les services sociaux, l'application de la loi et le système de justice —, je crois que nous devons en évaluer le coût. Je pense que les dépenses connexes justifient un paiement de péréquation du gouvernement fédéral, car celui-ci légalise le cannabis essentiellement sur le dos des provinces et de leurs contribuables.
À titre d'exemple, les affaires de conduite avec facultés affaiblies par la drogue sont moins susceptibles d'être classées par mise en accusation: 59 % par rapport à 71 % lorsque les facultés sont affaiblies par l'alcool. Les poursuites prennent plus de temps devant les tribunaux: 28 % d'entre elles durent plus de 30 jours, comparativement à 16 % pour les infractions liées à l'alcool. Le délai médian de traitement des causes portées devant les tribunaux était de 227 jours, comparativement à 127 dans le cas de l'alcool. Les poursuites sont également moins susceptibles d'aboutir à un verdict de culpabilité, de sorte que nous allons monopoliser encore plus des tribunaux déjà occupés avec ces mesures législatives sur la conduite avec facultés affaiblies.
En 2015, le taux de conduite avec facultés affaiblies était le plus faible enregistré en 30 ans de données disponibles. Sur quelque 72 000 infractions, les jeunes sont représentés de manière disproportionnée. Un sur six d'entre eux était récidiviste. Dans environ 2 700 cas, les facultés étaient affaiblies par la drogue. C'est près du double des quelque 1 400 cas répertoriés en 2009. C'est peut-être simplement attribuable à la consignation des données, mais cela semble montrer que tandis que la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool baisse, celle avec facultés affaiblies par la drogue augmente.
Il y a eu environ 2 500 accidents de la route mortels en 2012, dont 614 conducteurs avaient consommé de la drogue, soit 24 % environ. La drogue la plus courante était d'ailleurs le cannabis. Il y en a 407 autres qui avaient consommé à la fois de la drogue et de l'alcool. Autrement dit, le cannabis est en cause dans environ le quart des accidents de la route mortels au Canada. Puisque la tendance semble être à la hausse, le projet de loi rendra les routes canadiennes moins sécuritaires et entraînera des accidents qui causeront la mort de plus de gens. La seule façon d'éviter le pire consiste à prendre des mesures draconiennes dans le Code criminel pour endiguer le problème.
Le Canada risque également de devenir l'Uruguay de l'Amérique du Nord. Lorsque ce pays a légalisé le cannabis, il est devenu le noyau de la culture et de l'exportation du cannabis en Amérique du Sud. Pour ce qui est du Canada, sachez que le Canada et le Paraguay sont les deux seules grandes sources d'approvisionnement des cigarettes de contrebande sur un marché tel que le Mexique. Compte tenu de la relative mollesse de nos lois sur la culture et la fabrication, nous avons pu constater la présence de réseaux de transport.
Pour ce qui est de la vente, la légalisation incitera davantage les gens à produire le cannabis au Canada, puis à l'exporter dans l'ensemble du continent. Le profit généré par le crime organisé ne se limitera donc pas au Canada; ces groupes exploiteront les conditions favorables du pays afin de fabriquer la drogue.
Compte tenu des défis qui entourent le tabac de contrebande, la légalisation du cannabis devrait s'accompagner de la création d'un ombudsman qui pourra coordonner les efforts d'application de la loi entre les organismes fédéraux, de même qu'entre les instances fédérales, provinciales et locales ainsi que les organismes. Si nous comparons les marchés des cigarettes de contrebande de l'Ontario et du Québec, la situation du Québec démontre qu'une application de la loi systématique et méthodique permet de réduire considérablement la taille du marché noir tout en augmentant les recettes fiscales.
Sur le plan des recettes fiscales, j'aimerais ajouter que le gouvernement ne va probablement pas les augmenter autant qu'il l'espère. Étant donné qu'une taxe est imposée sur le produit, un marché de contrebande vendra nécessairement le cannabis moins cher. Compte tenu de la taille et la maturité du marché des cigarettes de contrebande dans l'ensemble du pays, et plus particulièrement en Ontario, on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un marché de contrebande aussi important demeure en place, puisqu'il sera probablement géré par les mêmes individus qui s'occupent du marché de la cigarette de contrebande. Par exemple, certains détenteurs de permis vont probablement produire du cannabis légalement, puis seront incités à le vendre illégalement moyennant une meilleure marge bénéficiaire. C'est possiblement ce qui motive actuellement le gouvernement ontarien à ne pas octroyer de permis aux fabricants individuels.
Pour conclure, je dirais que la décriminalisation est peut-être souhaitable, mais pas la légalisation.
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Monsieur le président, messieurs les vice-présidents et chers membres du Comité, bonjour.
Je me présente. Je suis Paul-Matthieu Grondin, bâtonnier du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de Me Pascal Levesque, président de notre Comité en droit criminel, et, à ma gauche, de Me Luc Hervé Thibaudeau, président du Comité sur la protection du consommateur.
Nous vous remercions, monsieur le président, d'avoir invité le Barreau à vous faire part de sa position sur la question de la légalisation et de l'encadrement du cannabis au Canada. Sans toutefois prendre position sur l'opportunité de légaliser le cannabis, de façon générale, le Barreau accueille favorablement le projet de loi , qui propose un régime complet et des mesures claires relativement à la production, la distribution et la vente de cette substance.
Dans une perspective de protection du public, nous tenons toutefois à revenir sur quelques enjeux majeurs qui méritent d'être soulignés.
Nous tenons à réitérer l'importance des mesures de sensibilisation, de prévention et d'éducation, notamment sur le plan juridique, s'adressant au public et plus particulièrement aux jeunes. Afin de permettre au public de faire un choix éclairé quant à la consommation de cannabis à des fins récréatives, il est essentiel d'allouer des fonds à la recherche dans des domaines les plus variés, notamment en santé, en sociologie et, évidemment, en droit.
Il faut rappeler que ce sont les plus jeunes qui consomment davantage de cannabis. En effet, Statistique Canada nous informe que le groupe d'âge qui consomme le plus de cannabis est celui des jeunes de 14 à 24 ans, comme vous le savez. Ainsi, les jeunes devraient être davantage ciblés par les efforts de sensibilisation et de prévention.
Pour parler des enjeux découlant du régime applicable aux mineurs, l'une des questions importantes pour le Barreau du Québec, je cède maintenant la parole à Me Levesque.
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Le projet de loi criminalise la possession de cannabis d'une manière qui est plus stricte pour les personnes mineures que pour les personnes majeures. En matière de possession, il impose en effet aux mineurs une limite de 5 grammes et moins, alors qu'il s'agit de 30 grammes et moins pour les personnes de 18 ans et plus. À ce sujet, le Barreau rappelle l'importance de ne pas criminaliser les personnes mineures pour des comportements qui sont permis chez les adultes. Il faut se rappeler qu'il s'agit d'une population particulièrement vulnérable, qui doit être protégée adéquatement.
À cet égard, rappelons que le système de justice pénale pour les adolescents est distinct de celui destiné aux adultes. Il est fondé sur le principe voulant que la culpabilité morale soit moins élevée, et il met notamment l'accent sur la réinsertion sociale ainsi que sur la réadaptation des jeunes. Ainsi, il faut éviter de soumettre ces derniers aux conséquences que peut engendrer une condamnation au criminel. Compte tenu de l'importance de ne pas criminaliser les jeunes pour la possession simple de cannabis en deçà de la limite permise, nous vous recommandons dans leur cas de décriminaliser la possession de moins de 30 grammes de cannabis, c'est-à-dire de 5 à 30 grammes, et de prévoir une infraction pénale pour toute possession de plus de 5 grammes, et ce, jusqu'à 30 grammes.
En matière pénale, l'amende est la conséquence la plus commune. En revanche, au criminel, une conséquence peut impliquer l'emprisonnement. Mentionnons également que le régime de contraventions prévu dans le projet de loi ne s'applique pas aux personnes mineures. À cet égard, on nous renvoie plutôt à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Dans le projet de loi, on prévoit que les personnes de 18 ans ou plus commettant certaines infractions peuvent être poursuivies et qu'une sommation peut être remise, à la discrétion de l'agent de la paix. Les jeunes, qui constituent une population particulièrement vulnérable, sont exposés à un processus criminel régulier en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Ainsi, nous considérons que la sensibilisation, l'éducation et la prévention sont les meilleurs moyens pour éradiquer la consommation de cannabis chez les jeunes. En effet, il ne faut pas avoir recours au système de justice criminelle pour compenser un système de prévention et d'éducation inadéquat.
Concernant le régime de contraventions, le projet de loi prévoit la possibilité que, dans certains cas, un agent de la paix impose une contravention à une personne qui commet une infraction liée au cadre juridique proposé. Le paiement de la contravention implique une inscription dans le dossier judiciaire, qui est distinct du casier judiciaire. En effet, on parle d'un dossier judiciaire et non d'un casier judiciaire dans le projet de loi. Or la notion de dossier judiciaire n'est pas définie dans la loi. Nous nous demandons qui est responsable de ce dossier, quand il est créé, quelles informations il comprend, quand les informations seront détruites, qui aura accès à ce dossier et à quelles fins ces informations seront utilisées. Par ailleurs, il y aurait lieu de prévoir un régime de sanctions pour toute infraction aux obligations de classification et d'utilisation du dossier.
Je cède maintenant la parole à Me Thibaudeau, qui va vous entretenir des questions relatives aux normes d'étiquetage prévues dans la Loi sur le cannabis proposée et de la vente de cannabis par les provinces.
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Bonjour. Je remercie infiniment le président et les membres du Comité d'avoir invité la Criminal Lawyers' Association à parler ce matin de ce projet de loi des plus important.
Je suis l'ancienne directrice de l'association, ainsi que la présidente de la Defence Counsel Association of Ottawa. Je suis une avocate criminaliste qui pratique depuis près de 20 ans, ainsi que professeure auxiliaire à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa.
J'aimerais dire d'emblée que les objectifs et les buts du projet de loi sont louables, à savoir protéger la santé et la sécurité publiques en établissement des exigences strictes en matière de sécurité et de qualité du produit, ainsi qu'en réduisant le fardeau que représentent actuellement les infractions liées à la marijuana dans notre système de justice pénale. Nous savons que les Canadiens sont des consommateurs relativement grands de marijuana. Nous savons aussi qu'il est fort probable que les jeunes essaient la marijuana à un moment donné. À la lumière de ces deux faits inéluctables, il est judicieux de faire tomber les préjugés associés au cannabis chez les Canadiens.
À la lecture du projet de loi, qui est assez complexe et détaillé, on constate que même si les dispositions éliminent de nombreux aspects de la stigmatisation liée à la consommation de marijuana, les auteurs s'en remettent encore beaucoup au droit pénal pour appliquer la loi. Je trouverais toutefois préférable de ne pas dépendre du droit et des sanctions pénales pour appliquer ce qui devrait être un texte réglementaire concernant un produit qui devrait être légal.
Des spécialistes en criminologie comme Anthony Doob et Rosemary Gartner, du Centre de criminologie et d’études sociojuridiques de l'Université de Toronto, nous ont appris que la prison n'a pas plus d'effet dissuasif sur la criminalité que des peines moins sévères. Or, nous savons précisément que c'est la certitude de détection qui a un effet dissuasif. Nous savons également qu'un individu envoyé en prison n'est pas moins susceptible de récidiver qu'une personne dans une situation semblable qui arrive à obtenir une peine sans incarcération. Malgré ces constatations, les gens écopent de longues peines d'emprisonnement parce que la société est incapable de concocter des peines judicieusement adaptées à la gravité du comportement.
Nous savons également que les enfants de parents emprisonnés sont plus susceptibles d'avoir à leur tour des démêlés avec la justice. Parmi les autres effets collatéraux de parents incarcérés, on remarque que ces jeunes sont plus susceptibles de devenir sans-abri et de vivre dans la pauvreté. Ce ne sont là que quelques exemples des conséquences de l'imposition d'une peine d'emprisonnement pour la possession ou la distribution de cannabis.
Le recours au droit pénal pour assurer le respect des règlements d'application de la loi expose également les jeunes à des accusations criminelles. Même si les affaires relèvent de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, ou LSJPA, il peut y avoir une période de garde en milieu fermé. Voilà qui a des répercussions graves et importantes sur la vie d'un jeune. Nous devons vraiment y réfléchir sérieusement lorsque nous parlons d'un produit comme la marijuana, sachant que nous souhaitons décourager les jeunes d'expérimenter la drogue, mais que certains d'entre eux en consommeront fort probablement. Nous souhaitons leur éviter les pires conséquences de l'expérimentation, à savoir être mêlé au système.
Comme M. Levesque l'a souligné, il y a une anomalie dans le projet de loi du fait qu'un adulte puisse être en possession d'une quantité de marijuana sèche plus importante qu'un jeune. Cela signifie que les jeunes sont plus susceptibles d'écoper d'une sanction pénale ou d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale. Je trouve cela quelque peu anormal, étant donné qu'un adulte devrait être plus moralement coupable qu'un enfant. Même s'il est clair qu'on essaie de dissuader les jeunes d'avoir des quantités importantes de marijuana, la solution n'est pas de les exposer davantage aux sanctions pénales.
Il y a selon moi un autre problème important, à savoir la structure de la disposition sur les contraventions dans le projet de loi. En effet, le pouvoir discrétionnaire conféré aux policiers leur permet de décider si un individu sera poursuivi en vertu du Code criminel ou de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS), ou s'il écopera d'une simple contravention. Il y a toutefois très peu de lignes directrices concrètes dans le projet de loi qui indiquent aux policiers comment agir et, dans le même ordre d'idées, qui indiquent aux procureurs comment exercer leur pouvoir discrétionnaire et décider de procéder par voie de mise en accusation ou par voie sommaire, ce qui entraîne une conséquence moins sérieuse.
Si l'objectif de la sanction pénale est d'avoir un effet dissuasif sur toute infraction à la loi — autrement dit, éliminer le marché noir et le crime organisé, et décourager toute violation de la loi —, le fait qu'une option de contravention soit prévue et que la population ignore si les contrevenants écoperont de poursuites pénales en vertu du Code criminel ou d'une contravention signifie que la loi ne sera pas claire dans l'esprit des gens. Le résultat ne sera pas certain. Or, cette imprécision ou incertitude quant aux conséquences mine l'objectif avoué de la disposition sur la contravention et le recours au droit pénal.
Nous souhaitons que la loi soit bien comprise pour qu'elle soit respectée uniformément. Si nous donnons aux policiers tout le pouvoir discrétionnaire de décider, sans ligne directrice, si un individu écopera d'une contravention ou d'une poursuite criminelle, ce pouvoir discrétionnaire sera appliqué inégalement.
La LSJPA en vigueur est un bon exemple. Cette loi prévoit une façon précise de prendre des mesures de rechange à l'égard des jeunes. Le paragraphe 6(1) de la loi permet à l'agent de police d'évaluer si des mesures de rechange sont appropriées. Il peut soit ne prendre aucune mesure, soit émettre un avertissement ou une mise en garde, soit renvoyer l'adolescent à un programme ou un organisme convenable. D'après mon expérience, cependant, le recours à ces programmes de déjudiciarisation préalables à la mise en accusation varie d'un agent à l'autre. Certains connaissaient ces dispositions de la LSJPA et les offrent aux jeunes, mais nombreux sont ceux qui ne le font pas, ou qui ignorent complètement les critères à invoquer pour justifier la décision d'offrir ces programmes ou non.
Grâce à une loi déjà en vigueur, nous pouvons donc constater que s'en remettre entièrement à la discrétion du policier peut entraîner une application inégale de la loi. Nous savons aussi que les Autochtones sont généralement surreprésentés dans le système de justice pénale. Par conséquent, un modèle d'application de la loi qui repose uniquement sur le pouvoir discrétionnaire, sans la moindre orientation législative, fera inévitablement en sorte que ceux qui sont déjà surreprésentés dans le système continueront de l'être.
Il se peut aussi qu'un jeune de 18 ans qui passe un joint à un adolescent plus jeune s'expose à une longue peine pour avoir fourni de la marijuana à un jeune; je crois que M. Spratt a abordé la question hier. Pour ce qui est des facteurs relatifs à la peine, selon les dispositions sur la détermination de la peine qui sont énoncées au paragraphe 15(2), le fait que l'individu soit « dans tout ... lieu public normalement fréquenté par des jeunes ou près d’un tel lieu » est considéré comme une circonstance aggravante. La LRCDAS propose d'ailleurs une disposition similaire.
Je suis d'avis que c'est un terme bien trop large qui pourrait faire l'objet d'une contestation fondée sur l'article 7. D'après mes interactions avec les procureurs qui ont affaire à cette disposition de la LRCDAS, ceux-ci sont très réticents à s'adresser aux tribunaux pour lancer une contestation constitutionnelle. Je suis d'avis que la disposition pourrait être contestée parce qu'elle est bien trop large. Un lieu public où des jeunes pourraient se trouver peut désigner pratiquement n'importe quel endroit.
Je tiens cependant à souligner que le paragraphe 15(4) permet au juge de reporter la détermination de la peine pour permettre à l'individu d'obtenir des services de réadaptation avant sa peine. C'est une chose que nos juges font souvent de toute façon, mais le fait de le codifier dans la loi les encourage dans cette voie. C'est une disposition utile puisqu'elle met l'accent sur la réadaptation au sein de la loi.
Pour conclure, j'aimerais dire que le projet de loi est un pas dans la bonne direction. Il compte de nombreux objectifs fort louables, le moindre n'étant pas de protéger la santé publique et les jeunes, ainsi que de décourager la production et l'approvisionnement de drogue au sein du crime organisé.
En revanche, le recours aux sanctions pénales pour un produit faisant l'objet de mesures législatives et réglementaires constituera toujours un défi quant au maintien de la proportionnalité, surtout lorsque les jeunes sont exposés à la menace de poursuites criminelles.
En outre, on ignore quels seront les effets d'une condamnation, suivant le système de contravention, sur les déplacements, surtout aux États-Unis, sur les certificats de polices et sur l'emploi. On ignore aussi si ce sera considéré comme une infraction antérieure en matière de drogue dans l'examen d'autres infractions. Les Canadiens qui choisissent de plaider coupable en envoyant le formulaire de contravention par la poste doivent être conscients des conséquences indirectes qui pourraient en découler.
Merci beaucoup.
Je m'appelle Sam Kamin et je suis le professeur Vicente Sederberg des politiques sur la marijuana à la faculté de droit Sturm de l'Université de Denver. Je possède un doctorat en sciences juridiques et un Ph. D. de l'Université de la Californie à Berkeley, et j'enseigne le droit constitutionnel et le droit pénal depuis plus de 18 ans.
En 2012, le gouverneur Hickenlooper m'a demandé de participer au groupe de travail qu'il mettait sur pied pour mettre en oeuvre l'amendement 64 légalisant l'usage de la marijuana chez les adultes au Colorado.
L'année suivante, le lieutenant-gouverneur de la Californie, Gavin Newsom, m'a nommé à un poste semblable au sein d'une commission d'experts qu'il a créée en Californie pour l'examen des meilleures pratiques en matière de réglementation et de légalisation de la marijuana.
Depuis, je continue de travailler comme conseiller pour l'État et pour les administrations locales concernant la réglementation de la marijuana. J'ai beaucoup écrit sur l'interaction entre les lois des États et les lois fédérales dans ce domaine, et j'ai donné aux étudiants en droit des cours sur la réglementation de la marijuana et la politique publique en cette matière.
La semaine dernière, j'ai soumis un mémoire au Comité exposant mes impressions sur la façon dont la réglementation sur la marijuana a été prise au Colorado. Comme je l'ai indiqué dans mon mémoire, je crois que le Colorado a essentiellement réussi malgré diverses embûches. En fait, de nombreux opposants à la légalisation dans notre État en sont venus à convenir du succès de la réglementation de la marijuana.
Étant donné que vous avez divers témoins qui peuvent parler directement des détails de l'expérience de réglementation du Colorado, en particulier à ma droite, j'aimerais utiliser le temps que j'ai aujourd'hui pour parler de ce que le Canada peut espérer apprendre de l'expérience américaine alors qu'il envisage de prendre des mesures réglementaires visant la légalisation et la réglementation de l'usage de la marijuana chez les adultes.
Dans mon mémoire, j'énonce cinq leçons que nous avons retenues de notre expérience et qui pourraient être utiles au Canada et au Comité, et je serai ravi de répondre à toutes les questions que vous aurez à leur sujet.
Premièrement, je pense qu'il est important de comprendre les limites de la réglementation de la marijuana. Des mesures réglementaires fermes comme celles de la Californie et de Washington peuvent empêcher le crime organisé de faire la production autorisée de marijuana et peuvent contribuer à assurer que les produits de marijuana sont uniformes, bien étiquetés et exempts de contaminants. Cependant, la réglementation ne peut à elle seule résoudre tous les problèmes liés à l'interdiction de la marijuana. En fait, je pense que la réglementation des entreprises titulaires d'un permis est peut-être la tâche la plus facile, dans la légalisation de la marijuana, et je vais vous illustrer cela par un exemple.
Le détournement de marijuana du Colorado, où elle est légale, vers d'autres États où elle ne l'est pas est rarement attribuable aux méfaits d'entreprises soumises aux lois du Colorado. En fait, je pense qu'il y a deux grands facteurs qui contribuent au détournement de la marijuana vers l'extérieur du Colorado, soit, pour commencer, les criminels qui profitent de la prévalence de la production de marijuana au Colorado afin de la produire à cet endroit en vue de l'exporter ailleurs.
Cela est interdit par la loi de l'État et la loi fédérale, et seuls les organismes d'application de la loi peuvent intervenir, plutôt que les organismes de réglementation. Le Colorado continue de travailler de concert avec ses partenaires du système fédéral afin de mettre au jour la production illégale de marijuana et d'arrêter les personnes qui en sont responsables.
Le deuxième grand facteur, c'est que les gens achètent de la marijuana légalement au Colorado, pour aller la vendre illégalement ailleurs. Encore là, ce que le système réglementaire peut faire pour empêcher cela est limité. Il est possible d'éduquer les consommateurs sur les lois applicables, mais s'ils choisissent d'ignorer la loi, cela relève des organismes d'application de la loi plutôt que des organismes de réglementation.
La deuxième grande leçon apprise de l'expérience de réglementation de la marijuana par le gouvernement américain et le Colorado, c'est qu'il est essentiel d'établir des mesures pertinentes d'évaluation du régime de réglementation de la marijuana et de commencer à les mettre en application dès que possible, dans tous les cas avant la mise en oeuvre des mesures réglementaires.
Le seul moyen de savoir si la légalisation permet de réaliser les objectifs est de fixer des objectifs clairs à l'avance et d'établir les mesures de succès pertinentes. Par exemple, le projet de loi a comme principal objectif de réduire l'usage du cannabis chez les jeunes — bien qu'on puisse se demander si passer de l'interdiction à la réglementation représente la meilleure façon d'en réduire l'usage.
Il faut aussi étudier les autres torts associés à la consommation de cannabis, notamment l'usage du cannabis par les groupes vulnérables, l'usage intensif ou problématique chez les adultes, et la consommation qui peut représenter un danger pour autrui, comme la conduite avec les facultés affaiblies.
Dans ce contexte, il est aussi important de ne pas examiner la question du cannabis en vase clos. Personne ne veut voir une augmentation de la consommation de cannabis parmi les groupes vulnérables, mais il est important de déterminer si le cannabis s'ajoute à la consommation d'autres substances comme l'alcool, le tabac ou des drogues dures, ou la remplace. Si les adolescents choisissent la marijuana plutôt que l'alcool, par exemple, c'est certainement moins grave que s'ils ajoutent la marijuana à la combinaison de substances qu'ils consomment déjà.
De plus, il est important de comprendre que les changements apportés aux pratiques d'application de la loi peuvent influer sur les mesures du comportement en perturbant l'analyse des données. Par exemple — et nous avons vécu cela au Colorado —, si nous formons comme il se doit les patrouilleurs à reconnaître les signes d'une intoxication à la marijuana, nous pouvons nous attendre à un nombre accru d'arrestations pour conduite avec les facultés affaiblies par la marijuana, que cela se produise davantage ou pas. Tout simplement, former plus d'agents à le faire mène à un plus grand nombre d'arrestations, ce qui peut donner à croire que les cas de conduite avec les facultés affaiblies augmentent alors que ce n'est pas le cas.
Le troisième principe à retenir d'après moi est le suivant. En légalisant le cannabis à l'échelon fédéral, le Canada donnera aux provinces l'occasion d'adopter des modèles de réglementation qui ne sont pas possibles en ce moment aux États-Unis. Tant que le cannabis sera interdit par les lois fédérales, dans notre pays, les États seront nécessairement limités quant aux types de régimes de réglementation pouvant être mis en oeuvre.
Par exemple, l'interdiction qui demeure à l'échelon fédéral rend impossible la livraison de cannabis par la poste fédérale, contrairement à ce que le Canada peut faire. De même, il est impossible pour les États américains de concevoir un modèle de distribution géré par l'État et correspondant à celui qui permet de vendre de l'alcool au Canada et dans certains États américains, alors que l'Ontario semble envisager cela pour la distribution du cannabis.
Le contrôle de la distribution par l'État comporte de nombreux avantages éventuels. Le gouvernement peut contrôler les prix, reconnaître facilement les fournisseurs autorisés, percevoir tous les revenus plutôt que de simplement taxer le produit, et contrôler la façon dont on fait la promotion du produit auprès des consommateurs. Cependant, étant donné qu'avec un tel modèle, les employés de l'État violeraient directement les lois fédérales, il y aurait dès lors un conflit direct entre les lois de l'État et les lois fédérales, aux États-Unis. Aucun État américain n'a donc essayé de le faire.
Les provinces seront libres de déterminer s'il faut réglementer la distribution du cannabis sur leur territoire, ainsi que la façon de le faire, ce qui leur offre de formidables possibilités. Si les diverses provinces adoptent divers modèles de réglementation, nous pourrions en venir à bien mieux comprendre les façons dont les divers modèles de réglementation influent sur les comportements des consommateurs. Nous n'avons pas été en mesure de mesurer cela aux États-Unis. La plupart de nos régimes de réglementation sont assez semblables. S'il y avait une variété de modèles de distribution au Canada, avec les modèles et les mesures dont j'ai parlé tout à l'heure, nous pourrions en apprendre beaucoup sur les régimes de réglementation qui sont efficaces et sur ceux qui ne le sont pas.
Le quatrième principe, c'est qu'il est important de ne pas trop faire valoir les avantages financiers de la légalisation du cannabis. Il est tentant de voir la légalisation du cannabis comme étant financièrement avantageuse sur deux plans. On consacre moins d'argent à l'application de la loi tout en tirant plus de revenus de l'imposition d'une substance qui était auparavant vendue sur le marché noir. Je crois qu'il faut être prudent sur ce plan, pour deux raisons.
Premièrement, comme je l'ai décrit précédemment, réglementer la production et la vente de cannabis ne signifie pas qu'on cesse d'appliquer la loi. Il faudra prendre des mesures pour éradiquer la production et la vente illégales et pour canaliser la production vers le marché autorisé. De plus, il ne faut pas négliger les coûts liés à l'établissement et au fonctionnement d'un solide régime de réglementation du cannabis.
Deuxièmement, il faut être prudent concernant les incidences financières du cannabis, car les législateurs ne doivent pas s'attendre à ce que la taxe sur le cannabis donne des recettes marquantes, surtout au début. L'observation de la réglementation par les producteurs s'accompagnera de coûts élevés, et pour que le cannabis réglementé soit concurrentiel par rapport au cannabis du marché noir, il faudra initialement que les taux d'imposition demeurent bas. Je crois qu'il y a de bonnes raisons de renoncer à l'interdiction du cannabis, mais gonfler les coffres de l'État n'en fait pas partie.
La cinquième et dernière leçon apprise, c'est qu'il est important de comprendre que la décision de légaliser et de réglementer le cannabis plutôt que de l'interdire ne représente que le premier pas. La réglementation du cannabis est un processus itératif plutôt qu'unique. L'une des leçons essentielles que le Colorado et d'autres États ont apprises, au cours des cinq dernières années, c'est que les comportements des consommateurs changent rapidement en réaction à la réglementation et aux forces du marché. La légalisation s'accompagnera de conséquences non voulues, et les organismes de réglementation devront faire preuve de souplesse et d'agilité pour être en mesure de suivre. Il faudra de la patience pour cerner et résoudre les lacunes de la réglementation.
Je crois qu'avec l'expérience du Colorado et d'autres États américains, on peut dire que le jeu en vaut la chandelle, mais que le processus ne se fait pas sans complications ni frustrations.
Je vous remercie du temps que vous m'accordez aujourd'hui, ainsi que de l'invitation à comparaître devant le Comité. Je suis impatient de répondre à vos questions.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Il est vraiment malheureux que je doive parler après Me Kamin, car je vais essentiellement répéter ses propos. Il est à espérer que vous verrez cela comme une preuve suffisante de notre accord quant aux diverses tendances qu'il a exposées.
Je vais commencer par vous parler un peu de mon cheminement, qui est, je pense, un peu inhabituel. Après mon exposé, si vous avez des questions, je serai ravi d'y répondre. Je possède un diplôme de premier cycle en comptabilité de l'Université du Colorado, à Boulder, et une maîtrise en administration des affaires de l'Université de Chicago, qui se trouve en Illinois. Je suis un homme d'affaires. Je ne suis pas un avocat ni un législateur. Cependant, j'ai une perspective unique, puisque du point de vue du gouverneur, j'ai une approche équilibrée qui met l'accent à la fois sur la santé publique et la sécurité publique, et que j'envisage ce qu'il faut en réalité au marché des affaires, avec la croissance continue de cette industrie et la légitimité qu'elle acquiert dans notre État.
Je joue ce rôle depuis un total de cinq semaines. Donc, si je me trompe sur des détails ou si je ne réponds pas bien à une question, je vous prie de me pardonner, et je suis sûr que Me Kamin me l'indiquera. Cela étant dit, je précise que j'apprends très vite, sans quoi je n'aurais pas accepté votre invitation à venir témoigner aujourd'hui.
En ce qui concerne mon travail au département du revenu, je suis responsable de quatre entreprises de l'État: la loterie du Colorado, la division de l'imposition, la division des véhicules à moteur et la division de contrôle. Cette dernière division comporte cinq domaines d'application précis: l'alcool et le tabac, les jeux, les courses de chevaux, les concessionnaires automobiles et le cannabis. Pour l'ensemble du département, les quatre entreprises représentent environ 12 milliards de dollars en revenus de l'État, ce qui correspond à environ 50 % des revenus annuels de l'État. La division de contrôle du cannabis visant la marijuana représente quant à elle 200 millions de dollars, sur les 12 milliards. Comme Me Kamin l'a souligné, c'est une industrie importante de l'État, et mes collègues et moi y consacrons une bonne partie de notre temps, mais en réalité, les avantages économiques découlant de cette industrie sont relativement minimes.
Je vais vous parler des observations faites par notre gouverneur au moment de l'adoption de l'amendement initial. Le cannabis à des fins médicinales a été approuvé au moyen de l'amendement 20, et il a fallu que nos citoyens votent pour que cet amendement de la constitution de l'État soit permis. À ce moment-là, notre gouverneur s'opposait franchement au processus de légalisation. Quoi qu'il en soit, la vente au détail de cannabis a été approuvée en 2012 et mise en oeuvre en 2014. Cela allait à l'encontre des voeux de notre gouverneur. Deux ans plus tard, il tenait des propos un peu plus neutres. Au moment de la légalisation, il aurait dit que les revenus additionnels en impôt ne valaient pas la difficulté de mettre en place les mesures réglementaires nécessaires. Récemment, il a affirmé croire que l'expérience fonctionnait, en fait. Les recettes fiscales sont certainement une bonne chose. Nous ne savons pas si cela vaut le travail qu'il a fallu accomplir. Les citoyens du Colorado ont parlé, et il nous incombait de faire respecter la loi qu'ils ont incluse dans notre constitution.
Le marché au Colorado comporte trois segments. Nous avons ce que nous estimons être le marché noir et gris — le segment criminel —, le segment des particuliers, qui comprend les dispensateurs de soins et ceux qui cultivent leurs propres plants à domicile, et le secteur commercial homologué et réglementé. C'est ce dernier segment qui relève de la division de contrôle du cannabis — mon domaine d'expertise. Je ne peux parler des deux autres que sur une base anecdotique, mais je n'en ai pas l'expertise. Je vais cependant revenir sur les observations de Me Kamin voulant que le déroutement semble dans une grande mesure venir du secteur qui n'est pas soumis à la réglementation, soit le marché noir ou gris, ou le segment des particuliers, dont certains fournissent le marché noir et gris. J'espère bien pouvoir répondre à quelques questions sur la limite du nombre de plants sur le marché de la culture à domicile, et je vous dirai qu'il est judicieux de le faire, si vous envisagez la légalisation.
Pour vous donner une idée de la taille du marché, je suis l'autorité chargée de la délivrance des licences pour l'État du Colorado, ce qui signifie que toute entreprise ou tout employé souhaitant se lancer dans cette industrie doit passer par mon département, la division de contrôle du cannabis. Ils doivent se soumettre à une vérification des antécédents réalisée par le FBI, ce qui comprend la vérification des antécédents judiciaires, et ils doivent se soumettre à un processus de vérification de la solvabilité permettant de déterminer que leurs finances sont conformes et qu'aucune entreprise criminelle ne les soutient.
Le total au 1er septembre 2017 est d'environ 2 900 licences réparties assez également, avec 1 500 licences médicales et 1 388 licences pour la vente au détail. La différence entre les deux est importante, comme vous le savez certainement.
J'ai énuméré les intervenants que nous avons cernés au cours des diverses itérations de notre processus de légalisation et dans le cadre de notre processus de réglementation qui se poursuit. Nous croyons très fermement qu'il faut encourager un processus axé sur la collaboration. C'est aussi vrai au sein de notre État qu'à l'extérieur, parce que nous travaillons avec les trois autres États qui ont légalisé le cannabis depuis que nous avons entrepris cela, ainsi qu'avec le département de la Justice à l'échelon fédéral, et les autres entités touchées par la légalisation du cannabis à des fins récréatives dans les États en question.
De plus — et c'est franchement ce qui importe le plus d'après moi —, nous travaillons en très étroite collaboration avec le public, qu'il s'agisse des exploitants — des entreprises qui s'adonnent à ce commerce —, des consommateurs qui achètent le produit et, surtout, des professionnels de la santé.
Pour nous, selon notre façon de voir ce marché, ce qui passe avant toute chose, c'est la santé et la sécurité du public. Il faut absolument que cela soit déterminant. Premièrement, c'est la bonne chose à faire. Deuxièmement, il y a une sensibilisation accrue à cela parce que ce n'est pas légalisé à l'échelle fédérale. Troisièmement, nous estimons important de veiller à ce que nos citoyens soient en santé et qu'ils respectent les lois de sorte que nous ne leur permettions pas d'avoir des ennuis qu'ils ne pourraient avoir autrement.
Les principaux intervenants avec lesquels nous travaillons régulièrement sont les législateurs de l'État. Je tiens à souligner qu'à titre d'administrateur au sein du gouvernement, je n'estime pas avoir la responsabilité de faire les lois. C'est l'assemblée législative du Colorado qui les adopte, dans une grande mesure comme vous le faites ici. Il m'incombe de prendre les lois qu'elle adopte, de les interpréter et de les mettre en oeuvre sans parti pris dans toute la mesure dont nous sommes capables pour veiller à ce que nous réalisions la volonté des citoyens et de l'assemblée législative du Colorado.
Le groupe suivant que je signalerais est celui des gens de la santé publique et de la sécurité publique. Le troisième groupe est celui des médecins. Le quatrième est celui des intervenants des domaines juridique et judiciaire. Le cinquième est celui de l'industrie du cannabis, et le sixième, celui des consommateurs.
L'enjeu, pour mon bureau et pour la division de contrôle du cannabis, est de trouver un juste équilibre entre, d'un côté, la sécurité et la santé du public, et de l'autre, la qualité marchande et la capacité des entreprises de l'industrie de fonctionner sans porter le poids d'une réglementation excessive, tout en ayant la réglementation gouvernementale nécessaire à la protection de la santé et de la sécurité du public. Nous chercherons toujours à maintenir cet équilibre naturel, et il y aura toujours cette tension naturelle.
Notre processus d'établissement des règles est très axé sur la collaboration. Dans notre travail d'interprétation des lois adoptées par l'assemblée législative, nous encourageons fortement tous les intervenants que j'ai mentionnés précédemment à participer à la conversation et à nous faire part de leurs points de vue, afin que nous puissions très bien comprendre les éléments essentiels à examiner quand nous mettons la réglementation en oeuvre.
Encore une fois, notre principal souci, qui passe avant toute chose, c'est la santé et la sécurité du public. Nous avons trois lignes directrices, quand il s'agit de la réglementation à mettre en oeuvre. La première est d'empêcher les mineurs d'avoir accès au cannabis. La deuxième est de tenir les criminels à l'écart. La troisième est d'empêcher le cannabis de se rendre dans les autres États.
Étant donné que vous envisagez la légalisation à l'échelle fédérale, je ne pense pas qu'empêcher le cannabis de se rendre ailleurs est un élément important de cette conversation, mais empêcher les mineurs d'y avoir accès et tenir les criminels à l'écart sont des éléments vraiment importants. Je serai ravi de répondre à toutes les questions que vous aurez à ce sujet, surtout pour ce qui est de protéger les mineurs et de les empêcher d'avoir accès au cannabis.
Nous trouvons important d'avoir un service chargé des communications publiques qui fait activement part de nos préoccupations au marché du cannabis. Sur ce plan, nous avons deux grands messages, soit, premièrement, ce qu'il est bon de savoir et, deuxièmement, ce qui viendra ensuite. La raison pour laquelle nous nous concentrons sur ces deux choses est qu'il est important que nos mineurs comprennent les préoccupations et les problèmes de santé potentiels qui sont liés à l'usage de ce produit à un jeune âge. Ce que nous avons constaté, grâce à des études de marché visant ce qui reste à venir, c'est que ce qui empêche les mineurs d'utiliser ce produit illégalement ou de manière inappropriée est l'accent qu'ils mettent sur leurs buts pour le reste de leur vie. Nous croyons que si nous arrivons à communiquer ces messages de façon efficace et succincte à nos jeunes, cela a beaucoup d'effet sur leur choix d'en consommer ou pas. Nous croyons que les données viennent confirmer que la consommation actuelle et historique que font la population en général et les jeunes du Colorado est inférieure à la moyenne aux États-Unis et que la tendance est à la baisse depuis quelques années. Nous croyons que cela témoigne d'un environnement réglementaire solide et bien pensé.
Sur ce, je vais vous laisser le reste du temps.
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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle Abigail Sampson, et je suis la coordonnatrice régionale pour l'Ontario de NORML Canada — l'Organisation nationale pour la réforme des lois sur la marijuana au Canada.
Depuis sa fondation en 1970, NORML a pour mission d'influencer suffisamment l'opinion du public pour qu'on en vienne à légaliser la consommation raisonnable de cannabis par des adultes, ainsi que de revendiquer pour les consommateurs l'accès à du cannabis de qualité, sûr, pratique et abordable. NORML compte en ce moment, à l'échelle mondiale, plus de 150 chapitres qui travaillent très fort à la réforme des lois sur le cannabis dans leurs collectivités.
NORML Canada félicite le gouvernement pour l'engagement qu'il a pris de légaliser le cannabis à l'échelle fédérale et de faire du Canada le premier pays du G20 à réglementer la production et la vente de cannabis pour tous les adultes. Un peu partout dans le monde, d'autres États ont déjà, pour le cannabis, une culture florissante, et nous pouvons tirer des leçons de leurs politiques, de leurs expériences et de leurs succès.
Voici les cinq éléments que nous souhaitons présenter au Comité.
Le premier est qu'il faut cesser les arrestations d'ici à ce que le cannabis soit légalisé. NORML Canada affirme que le gouvernement doit immédiatement mettre fin aux arrestations pour possession simple et autres infractions liées au cannabis d'ici à la légalisation, en juillet 2018. Si des accusations sont portées contre quelqu'un, le gouvernement doit cesser de chercher à obtenir des peines d'emprisonnement et doit plutôt se concentrer maintenant sur des solutions de rechange constructives. Les Canadiens ne doivent pas continuer d'avoir un dossier criminel pour une substance qui sera légale dans moins d'un an. Le Canada épargnera ainsi d'importantes ressources liées au maintien de l'ordre et à la poursuite de ces infractions simples à l'encontre de Canadiens qui sont par ailleurs respectueux des lois.
Le deuxième vise les sanctions pénales pour les cas de non-conformité à la Loi sur le cannabis. NORML félicite le gouvernement d'avoir créé un régime de contravention pour les transgressions mineures. Cependant, les peines maximales s'appliquant aux contraventions graves devraient être semblables à celles qui sont prévues dans la Loi sur le tabac au Canada. Nous croyons que l'incarcération devrait être réservée uniquement aux violations les plus graves, et que les peines ne devraient pas être supérieures à celles qui sont imposées pour le tabac et l'alcool. De plus, les mesures législatives sur le cannabis ciblent de manière disproportionnée nos populations et nos communautés les plus vulnérables, représentent un fardeau pour notre système de justice pénale et se sont révélées plus dommageables que le cannabis lui-même.
Quant aux exemples venant d'autres États, il existe des peines plus sévères pour ceux qui ont commis des infractions plus graves aux lois sur le cannabis, mais en Californie, la personne de plus de 18 ans qui vend ou livre du cannabis à des personnes qui ont entre 14 et 17 ans s'expose à une accusation d'acte délictueux grave s'accompagnant d'une peine d'emprisonnement de 3 à 7 ans. Par comparaison, la distribution de l'équivalent de plus de 30 grammes de cannabis séché, en vertu de la Loi sur le cannabis qui est proposée, est considérée comme une infraction punissable par mise en accusation s'accompagnant d'une peine maximale de 14 ans de prison, ce qui est nettement plus sévère, en plus d'être disproportionné par rapport aux torts causés par l'usage du cannabis. Notre Commission Le Dain, qui remonte à 1972 — il y a 45 ans —, recommandait que le gouvernement fédéral convertisse en infraction mixte le trafic de cannabis, prévoyant une peine maximale de 6 mois sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou de 5 ans sur déclaration de culpabilité par mise en accusation.
Le troisième vise des exigences accessibles pour la participation au marché légal du cannabis, y compris la culture en coopérative. NORML Canada croit en un contexte juridique diversifié permettant aux jardins communautaires, aux coopératives et aux producteurs désignés de participer au marché et de faire concurrence aux grandes sociétés. Il est essentiel que les exigences relatives à la participation à l'industrie du Canada soient accessibles pour que la stratégie de légalisation fonctionne, et il faut que ces exigences favorisent l'intégration de divers intervenants dans le marché nouvellement légal du cannabis, y compris l'expertise du marché gris ou du marché illégal.
Si l'on regarde les exemples d'ailleurs, la Californie est un État où la transition des pratiques existantes au contexte réglementé se fait de manière inclusive. Pendant près de 19 ans, des jardins communautaires et des coopératives ont produit du cannabis hors des cadres d'un système de réglementation. Le libellé actuel de la Medical Cannabis Regulation and Safety Act — la MCRSA — permet à ces établissements de poursuivre leurs activités jusqu'à janvier 2018, à condition que les entreprises soient conformes au zonage, aux exigences locales et aux exigences de l'État. Cela leur donne le temps de faire une demande de licence en bonne et due forme. Plutôt que de fermer ces commerces, on donne aux bons joueurs la possibilité de poursuivre leur commerce, de servir leur clientèle et de faire le nécessaire pour entrer dans le cadre légal.
Le quatrième est le pardon des infractions antérieures liées au cannabis. NORML Canada va continuer de réclamer un régime du cannabis légal qui permet le pardon des condamnations antérieures liées au cannabis et qui couvre non seulement le préjudice causé par les condamnations, mais aussi les cas d'arrêts de procédures, de retraits et d'acquittements, ainsi que les dossiers et les bases de données de la police, même en l'absence d'un verdict de culpabilité. De plus, un dossier lié au cannabis ne devrait pas empêcher un Canadien de participer au nouveau marché du cannabis légal, que ce soit en production ou en distribution.
Je vous donne des exemples d'ailleurs. Cherchant à réparer les torts causés à des résidents d'Oakland ayant été incarcérés pour des infractions liées à la possession de cannabis au cours des 10 dernières années, le conseil municipal a approuvé un programme visant à aider les criminels condamnés d'infractions liées à la drogue à faire leur entrée dans l'industrie du cannabis légal. L'Equity Permit Program — le premier programme du genre au pays — permettra aux personnes incarcérées récemment d'obtenir des permis liés au cannabis médicinal. En mettant ce programme en oeuvre, Oakland s'assure ainsi que les personnes qui font leur entrée dans l'industrie du cannabis légal possèdent l'expérience et l'expertise qu'il faut pour exploiter et faire croître une entreprise de cannabis prospère. De plus, Oakland reconnaît les torts causés par la lutte antidrogue en permettant à ceux qui ont été incarcérés d'y participer.
Le cinquième élément est la conduite avec les facultés affaiblies. NORML Canada ne favorise pas la conduite de véhicules à moteur ou l'opération de machinerie complexe sous l'effet du cannabis, mais estime que le gouvernement devrait continuer de se pencher sur la création d'un système juste qui cible les conducteurs dont les facultés sont affaiblies et qui évite d'arrêter et d'accuser des Canadiens innocents pour la simple présence de cannabinoïdes dans leur système, selon une limite légale. La limite légale correspond à une concentration précise d'une substance, par exemple le THC ou l'alcool dans le sang, qui entraîne une accusation criminelle en cas de dépassement de la limite. Cependant, les limites légales ne tiennent pas compte de l'affaiblissement des capacités et peut mener à des accusations criminelles pour toute personne qui dépasse la limite, même en l'absence de signes à cet effet. Il faut accorder une attention spéciale aux utilisateurs de cannabis à des fins médicales qui en font peut-être un usage quotidien, ou presque quotidien, pour gérer leurs symptômes. Il faut aussi veiller à ce qu'ils ne soient pas injustement ciblés ou criminalisés à cause d'un niveau arbitraire mesuré en nanogrammes. Nombreux sont ceux qui dépasseront cette limite, sans que cela réduise de quelque façon que ce soit leur capacité de conduire en raison de leur tolérance élevée.
Je passe aux exemples d'autres endroits. Pour protéger les patients, le Royaume-Uni a adopté des mesures législatives qui permettent une défense de nature médicale pour les personnes qui consomment des drogues, dont le cannabis, pour des raisons médicales sans pour autant avoir les facultés affaiblies. Selon la défense de nature médicale, les conducteurs ne sont pas coupables des infractions en soi si leurs facultés ne sont pas affaiblies et s'ils répondent aux conditions suivantes: le médicament a été prescrit, fourni ou vendu pour traiter un problème médical ou dentaire, et il a été pris conformément aux directives données par le prescripteur ou à l'information fournie avec le médicament. Une défense de nature médicale accompagnant une limite légale garantit qu'il faut établir la preuve de la conduite avec facultés affaiblies, outre la simple présence de THC, pour que les patients ne soient pas injustement criminalisés pour avoir simplement dépassé la limite légale. Les limites légales sont arbitraires et, surtout, si elles ne sont pas réfutables, elles iront à l'encontre de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
En conclusion, si le Canada étudie les expériences de réglementation du cannabis d'autres États, il pourra tirer des leçons des mesures qu'ils ont prises, adopter des politiques qui fonctionnent et éviter de commettre des erreurs menant à de mauvaises politiques.
Merci.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Je me nomme Rick Garza, directeur du Liquor and Cannabis Board de l'État de Washington. Je vous ai communiqué un diaporama que je vous présenterai et dont vous avez, je pense, une version imprimée. Je ne dispose que de 10 minutes. Comment, en si peu de temps, résumer les cinq années d'existence de la loi, dont ce sera l'anniversaire en novembre. Je ferai de mon mieux.
En ce qui concerne le premier objectif de notre organisme, il est vraiment intéressant de constater que les auteurs de l'initiative 502 se sont inspirés fidèlement de notre loi sur les alcools, adoptée en 1934, après la Prohibition.
La deuxième diapo expose notre objectif, créer un marché étroitement contrôlé et réglementé pour le cannabis, tout comme celui que nous régissons pour l'alcool. Nous avons ainsi créé un système de réglementation du cannabis à trois niveaux, contrairement aux autres États.
Sachez que peu importe l'origine des lois, référendum, assemblée législative, modification de la Constitution, celles qu'ont adoptées le Colorado, l'État de Washington, l'Oregon et l'Alaska présentent des différences.
L'une d'elles, inspirée par l'ancienne loi sur les alcools, était de ne pas autoriser l'intégration à trois niveaux. Autrement dit, le producteur ou le transformateur de cannabis dans l'État de Washington ne peut pas détenir d'intérêts financiers directs ou indirects dans l'entreprise d'un détaillant, et, manifestement, la réciproque est vraie. Cette exigence remonte à la loi originelle sur les alcools, alors qu'on déplorait que tous les bars, avant la Prohibition, étaient contrôlés par les grands brasseurs et distillateurs du pays et de l'État.
Pour la rédaction du projet de loi sur le cannabis, on s'est inspiré du système créé en 1934. On a créé des permis pour les producteurs, les transformateurs et les détaillants. La commission applique aussi les lois et les règlements touchant ces détenteurs et, comme pour l'alcool, nous prélevons et répartissons les taxes et les droits.
Au début, nous avons notamment dû attendre neuf mois pour savoir si le gouvernement fédéral nous autoriserait, nous, le Colorado et l'État de Washington, à tenter cette expérience. En août 2013, les deux États ont adhéré en commun au protocole Cole, essentiellement l'énoncé de huit directives que, désormais, ils devaient appliquer.
Je pense que le directeur Michael Hartman, du Colorado, a parlé des thèmes vraiment les plus importants de ces directives. Comment empêcher la distribution de la substance aux mineurs et sa consommation par eux? Comment tenir les entreprises criminelles à l'écart du groupe des détenteurs de permis et de nos fondements juridiques et comment réagir au problème de détournement vers d'autres États ou de l'entrée de produits illégaux dans le système des produits légaux? Voici, très rapidement, comment nous nous y sommes pris.
Essentiellement, en novembre 2012, les adultes de plus de 21 ans étaient assujettis à des limites de possession, tout comme pour l'alcool: 1 once de marijuana prêt à consommer, 16 onces sous forme solide et 72 onces sous forme liquide. Comme je l'ai dit, la loi avait créé un système à trois niveaux, producteur, transformateur et détaillant.
Elle frappait le cannabis d'une taxe d'accise de 37 %. Jusqu'à maintenant, notre État a frappé l'alcool des taxes parmi les plus élevées du pays; les cigarettes, des taxes les plus élevées; le cannabis, d'une taxe d'accise assez élevée.
J'ai notamment oublié de préciser que le régime réglementaire auquel l'État de Washington assujettit les alcools, depuis la Prohibition, s'inspire du modèle canadien, plus précisément de celui de la Colombie-Britannique.
Vous verrez dans la nouvelle loi sur le cannabis des coïncidences intéressantes que voici entre les deux lois. La loi sur le cannabis a aussi établi à cinq nanogrammes un seuil de THC sanguin pour la conduite avec les capacités affaiblies; elle a limité le nombre d'emplacements pour les points de vente, la publicité, le nombre de points de vente, encore une fois comme dans les lois et règlements originels puis elle a réservé la répartition des recettes entre les soins de santé, la recherche et l'éducation.
Le premier élément du protocole Cole concernait la façon de tenir à l'écart les éléments criminels de l'obtention de permis pour cette industrie. Comme le Colorado, nous enquêtons sur les antécédents criminels de tous les demandeurs. Leurs empreintes digitales sont donc communiquées à la police de l'État de Washington, puis confiées au FBI, pour qu'il examine leurs antécédents criminels, pas seulement dans notre État, mais, aussi, dans tous les États-Unis.
Nous soumettons aussi les financiers ou les investisseurs aux mêmes processus. L'enquête sur les antécédents criminels est même poussée plus loin que pour l'alcool. Le financier ou l'investisseur potentiel doit également se soumettre à une vérification de ses antécédents criminels, y compris la prise des empreintes digitales. De toute évidence, le demandeur est soumis à une enquête sur ses antécédents financiers, tout comme nous le ferions pour le demandeur d'un permis de débit d'alcool. Nous voulons connaître l'origine de l'argent qui servira à créer l'entreprise, les moyens financiers du demandeur, qui doit satisfaire à l'exigence de résidence dans l'État depuis au moins six mois. Au début, on exigeait trois mois.
On exige aussi que ces entités — producteurs, transformateurs ou détaillants de cannabis — ne puissent être éloignés de moins de 1 000 pieds d'une école, d'une garderie, d'un centre de transit, d'une salle de jeux électroniques, d'une bibliothèque, d'un terrain de jeu, d'un parc public, tous des endroits où, manifestement, se trouveraient des enfants.
Pour prévenir le problème du détournement, un système logiciel robuste et exhaustif retrace pour nous le produit depuis le début du cycle, le semis, jusqu'à sa vente en en captant tous les déplacements depuis le producteur jusqu'aux détaillants en passant par le transformateur.
Comment limitons-nous l'accès? Tout comme dans l'État de Washington, pour l'alcool, par des vérifications du respect de la loi régissant la vente du produit aux jeunes. Nous en faisons trois par année et par détaillant. Le taux de respect, aujourd'hui, est de 93 %. En fait, pour les deux derniers mois, je crois qu'il était de 98 %, mieux même que pour la vente d'alcool dans l'État.
Nous avons limité le nombre d'établissements de production et de vente au détail. La possibilité de détournement et les craintes du gouvernement fédéral nous ont amenés à établir ce que la demande était à l'égard des personnes de plus de 21 ans dans l'État de Washington, et nous avons limité notre production à cette population, et le nombre de points de vente au détail à environ 500 à l'échelle de l'État, en nous inspirant encore une fois du vieux modèle de vente des alcools par lequel, jusqu'en 2011, notre État a distribué et vendu au détail les spiritueux, comme vous pouvez vous le rappeler. Nous nous sommes inspirés de ce même modèle pour déterminer le nombre de points de vente dans l'État. J'ai effleuré les limites de possession, tout à l'heure, et, manifestement, comme pour l'alcool, il existe une limite d'âge.
Encore une fois, une autre différence entre nous et les autres États est que nous n'autoriserons pas la culture à domicile du produit destiné à une consommation récréative ou personnelle, et des lois ont été adoptées après cette initiative pour autoriser cette culture. De fait, on nous a chargés d'examiner des solutions et de formuler des recommandations, ce que nous sommes en train de faire, à un comité législatif sur l'éventuelle autorisation de la culture à domicile. Elle serait autorisée pour la consommation à des fins médicales, mais pas pour celle à des fins personnelles.
Voyons maintenant les ventes. Elles se sont chiffrées à 250 millions des dollars à notre premier exercice, à près de 900 millions au deuxième et à 1,3 milliard en juillet dernier. Les ventes journalières moyennes s'élèvent à environ 4 millions. Voyez les recettes de la taxe d'accise et les prévisions de recettes initiales et celles qui se sont concrétisées. C'est intéressant. Il a fallu rédiger une note financière sur l'initiative pour déterminer les prélèvements de taxe d'accise ou les recettes éventuelles de l'État. L'estimation était de zéro à deux milliards de dollars en cinq ans, parce que, bien sûr, personne ne connaissait d'avance la croissance de l'industrie. D'après ces chiffres, les recettes des cinq premières années s'élèveront peut-être à 1,3 milliard de dollars.
L'intérêt de l'initiative est que, aussi, les recettes sont destinées aux services sociaux, y compris les soins de santé. En fait, la moitié de l'argent finance le programme d'assurance-maladie de l'État et le programme fédéral homologue, puis, évidemment, il y a le fonds général qui est l'affectation de l'État. Il prélève un pourcentage assez élevé, mais vous pouvez constater qu'on s'est efforcé de financer la prévention et la diminution des toxicomanies. Le ministère de la Santé a mis sur pied des programmes de santé publique pour discuter avec les parents et les jeunes du cannabis, et nos universités reçoivent elles aussi du financement.
Le document présente des exemples de financement. La prévention et le traitement des toxicomanies sont assurés pour toutes les drogues, puis le ministère de la Santé reçoit des recettes assez importantes pour créer une campagne de sensibilisation exemplaire par les médias sociaux, semblable à celle qui a été réalisée contre le tabagisme, il y a quelques années.
La sécurité du consommateur a été un élément inattendu. Voyez, sur la diapo, des exemples de friandises (oursons de gélatine, sucettes et barbe à papa) qui étaient distribuées sur le marché noir et le marché gris des produits médicaux dans l'État de Washington. La commission a rédigé un règlement. Les produits comestibles ou infusés peuvent être particulièrement attrayants pour les enfants, comme tout ce qui ressemble à des friandises. Le croira qui voudra, mais ça se trouvait sur les marchés noir et gris de produits médicaux. La commission a créé un comité de quatre personnes qui examine tous les conditionnements, tout l'étiquetage et tous les produits. Beaucoup de produits ont été refusés. Encore une fois, tout ce qui pourrait attirer les enfants n'est pas autorisé.
Quant à certains enjeux actuels, visiblement le conflit avec le droit fédéral continue de faire problème. Si nous en avions le temps, nous pourrions parler des problèmes ou des difficultés d'accès aux services bancaires. Grâce au processus rigoureux que nous avons prévu pour l'attribution des permis, nous avons mieux réussi que les autres États. Quatre caisses de crédit régional et banques à charte de l'État ont fourni des services bancaires. En règle générale, après que les demandeurs de permis ont signé une décharge, nous communiquons aux banques leur dossier, qui renferme les résultats de la vérification des antécédents criminels et l'énumération des sources de financement. C'est souvent coordonné avec notre système de traçabilité pour voir les montants et les ventes déclarés à l'État, pour contrôler leurs correspondances avec les comptes bancaires des détenteurs.
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Je vous remercie beaucoup, mesdames et messieurs, membres du Comité.
Je m'appelle Marc-Boris St-Maurice. J'ai été directeur général de NORML Canada. Je suis également le fondateur du Bloc Pot, un parti politique provincial du Québec qui est favorable à la légalisation de la marijuana, et du Parti marijuana, au niveau fédéral. Je dirige aussi le Centre compassion de Montréal, un dispensaire de cannabis. Je suis en outre membre du Parti libéral, mais cela ne m'empêchera pas de critiquer votre projet de loi, soyez-en assuré. Il y a 25 ans que je me bats pour la légalisation de la marijuana. Je vous demande pardon si mes propos vous semblent choquants, mais ce n'est pas une affaire personnelle. Il est de mon devoir de critiquer ce projet de loi.
D'abord, il ne faut pas oublier que, si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que des militants comme nous sont descendus dans les rues pour revendiquer leurs droits, se sont battus pour les faire valoir et se sont fait arrêter. Parce que c'est nous qui sommes le plus touchés et concernés et qui sommes victimes de la prohibition, vous vous devez d'accorder une importance significative à nos propos. Je ne veux rien présumer des intentions de votre gouvernement. Par contre, mon expérience des 25 dernières années fait que j'ai énormément de craintes quant à la façon dont le gouvernement prévoit légaliser le cannabis.
Comme j'ai été persécuté, criminalisé, incarcéré et aliéné, vous pardonnerez ma méfiance. Je me sens directement visé lorsqu'on parle d'éliminer l'élément criminel du marché. Je suis l'un de ces criminels. Comme plusieurs autres Canadiens, j'ai un dossier criminel qui ne comporte que des infractions liées au cannabis et rien d'autre. C'est pourquoi je suis devenu militant. Je me sens menacé lorsque j'entends dire qu'on veut m'éliminer du marché. Or, quand je me sens menacé, je prépare ma défense. On devrait plutôt parler de façons de récupérer, intégrer et légitimer des gens comme moi. Il faudrait en quelque sorte nous légaliser. Je me rassure en me disant que si la prohibition n'a pas réussi à m'éliminer, ce n'est sûrement pas la légalisation qui le fera.
Vous devriez vous inspirer de l'exemple d'Oakland, en Californie, où l'on permet aux gens qui ont des dossiers criminels liés au cannabis d'être les premiers à faire une demande de permis pour la distribution ou la production de cannabis.
[Traduction]
Il s'agit d'une opération de vérité et de réconciliation, à Oakland, en Californie, pour dédommager les consommateurs de cannabis.
[Français]
Là-bas, on admet les torts causés aux consommateurs par les autorités, on s'excuse auprès d'eux et on tente de réparer ces torts. C'est le premier pas vers la réconciliation.
Nous ne sommes pas non plus le crime organisé. Le cannabis, c'est plutôt le crime désorganisé. Nous devons créer un marché diversifié et ouvert à tous. Ce qui m'importe le plus, c'est le droit des entrepreneurs qui sont issus du milieu du cannabis de pouvoir s'intégrer et participer à cette nouvelle industrie.
On ne demande pas à la communauté hétérosexuelle de gérer tous les commerces dans le village gai. On ne demande pas à l'Église catholique de gérer la distribution des produits kascher ou halal ni à un végétarien de s'occuper de l'association des bouchers du Canada. Alors pourquoi mettre la responsabilité du marché du cannabis entre les mains de gens qui ne connaissent rien à ce produit?
Nous, les usagers, les producteurs, les fournisseurs et les militants, avons créé une industrie et possédons une expertise inégalée en la matière. La perte de cette expertise et de ces connaissances serait un désastre pour la nouvelle industrie de la marijuana. Le marché existant est trop bien établi et intégré pour ne pas avoir un rôle à jouer dans l'évolution de la distribution du cannabis. Jamais ne pourrons-nous accepter d'être mis à l'écart de cette nouvelle industrie pour laquelle nous nous battons depuis plus de 25 ans. Ce serait une autre injustice et une insulte à tous ceux qui ont payé le prix de la lutte contre la prohibition.
Plusieurs catégories de producteurs devront être créées pour permettre à toutes sortes de modèles de coexister dans un marché dynamique, et cela devra inclure les gens de ma communauté. Il semble y avoir une espèce de honte, de culpabilisation systémique autour du plaisir que les gens peuvent avoir à consommer du cannabis. Pourquoi cette honte autour du pot mais pas autour de l'alcool? Nous célébrons nos microbrasseries et nos viticulteurs comme de grands artisans. Les grands crus, les millésimes et les cépages sont considérés à juste titre comme du grand art. Nous trinquons allègrement pour célébrer mariages, anniversaires et toute autre occasion. Or le fumeur de cannabis, lui, doit se cacher dans la ruelle pour savourer son péché mignon. Pourquoi? Pour la grande majorité des utilisateurs, le cannabis est un loisir, un divertissement et une détente qui ne cause aucun problème majeur.
Je crains que le problème que pose la légalisation telle que proposée, c'est que nous cherchons à tempérer cette honte envers le cannabis au moyen d'un modèle légal qui donnera l'illusion d'une bonne conscience sociale. Nous devons donc aborder ce sujet en gardant en tête cette majorité pour qui la consommation pose peu ou pas de problème. Essayer de trouver un système qui arrivera à régler les difficultés de cette minorité de cas problématiques est tout à fait futile.
En conclusion, si 100 ans de prohibition ne nous ont pas arrêtés, une légalisation mal exécutée ne le fera sûrement pas.
Sur ce, avec tout le respect que je vous dois, j'apprécie cette invitation et je suis ouvert à toutes vos questions pour contribuer à élaborer un projet qui sera équitable pour tous les Canadiens et Canadiennes.
Je vous remercie.
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D'accord. Parfait. Merci.
Je ne veux pas nécessairement vous livrer mon opinion sur votre choix de stratégie. Je serai heureux de répondre aux questions sur nos expériences en la matière et les résultats des règlements que nous avons promulgués. La consommation par les jeunes nous préoccupe beaucoup tous, et tous, nous y réfléchissons beaucoup.
Un élément à mon avis perfectible de votre projet de loi est les montants affectés à la sensibilisation des jeunes et leur éducation à l'intérieur d'un délai donné. Au Colorado, nous y avons affecté 12 millions de dollars, pour une population d'environ 5 millions de personnes. À ce que je sache, le Canada est bien plus peuplé. D'après les documents que j'ai consultés hier dans l'avion qui me transportait ici, vous y auriez affecté 9 millions de dollars pour tout votre pays. D'après moi, c'est perfectible.
Jusqu'ici, comme M. Garza l'a dit, sur le marché réglementé, nous nous focalisons beaucoup sur le respect de la loi. Pour vérifier le respect des règlements sur la consommation des mineurs, nous envoyons soit des agents de police de la division du respect des règlements sur la marijuana soit des agents qui collaborent avec les services locaux d'application de la loi, pour essayer d'acheter de la marijuana avec des moins de 21 ans, l'âge légal au Colorado.
Nos statistiques ressemblent beaucoup à celles qu'a dévoilées M. Garza pour l'État de Washington. Je pense que notre taux de conformité est de 92 %. Je crois qu'il a parlé de 93 % dans son cas et de 98 % au cours des derniers mois. Ce sont des résultats admirables, et j'espère vraiment que nous pourrons faire aussi bien.
Un point que, franchement, nous pourrions améliorer est le nombre de ces vérifications, qui n'a pas été assez élevé. Ces quatre dernières années, nous en aurions réalisé environ 600 en tout; dont 350 ces deux dernières années. Le rythme a commencé à s'accélérer. Nous prévoyons d'en faire plus.
Je pense que le fait d'avoir établi des tactiques rigoureuses pour assurer le respect des règlements en vigueur dans cette partie du marché est une mesure extrêmement importante, qui s'ajoute au volet de sensibilisation du public.
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C'est un honneur pour moi de m'adresser au Comité; je vous remercie. Je m'appelle Marco Vasquez et je suis chef de police à la retraite au Colorado. J'ai travaillé dans des services de police au Colorado pendant plus de 40 ans. J'ai passé 32 de ces années au Denver Police Department, où j'ai travaillé à l'application de la loi sur les stupéfiants pendant environ 12 ans. Je me suis retiré du service de police de Denver en 2008 et j'ai été nommé chef du Sheridan Police Department, près de la frontière sud-ouest de Denver. Puis, en 2011, je suis devenu le premier chef des enquêtes de la nouvelle division d'application de la loi sur l'usage de la marijuana à des fins médicales, ou la MMED.
J'ai aidé à élaborer le cadre de réglementation visant les entreprises de marijuana utilisée à des fins médicales au Colorado. En 2013, je suis revenu à la police municipale: j'ai été nommé chef de l'Erie Police Department, une ville située à environ 25 milles au nord de Denver. En même temps, je suis aussi devenu coprésident de la Colorado Association of Chiefs of Police pour les questions relatives à la marijuana.
Durant mes 40 années de carrière au sein de la police, la sécurité publique et la protection de nos collectivités ont toujours été mes priorités. J'ai une certaine connaissance de l'expérience vécue au Colorado par rapport à la légalisation de la marijuana puisque j'ai été chef des enquêtes de la MMED pendant deux ans et, je le répète, puisque j'ai occupé le poste de président de la Colorado Association of Chiefs of Police.
En 2013, la CACP a préparé un exposé de position sur la marijuana. Il a été publié le 13 mars 2014. J'aimerais vous en lire un extrait:
La Colorado Association of Chiefs of Police (CACP) reconnaît que l'amendement 20 et l'amendement 64 de la Constitution du Colorado ont été adoptés par les électeurs en 2000 et en 2012 respectivement. L'Assemblée générale du Colorado a adopté des lois dans le but de légaliser la culture, la distribution, la possession et la consommation en privé de petites quantités de marijuana et de marijuana à des fins récréatives. En 2013, l'Assemblée générale du Colorado a adopté des lois qui ont légalisé et réglementé la culture commerciale et la vente au détail de petites quantités de marijuana. Les lois portant sur la culture, la vente et la possession de marijuana à des fins médicales et récréatives ont été adoptées par l'Assemblée générale du Colorado et promulguées par le gouverneur. La CACP reconnaît que les points de vue et les normes de la société à l'égard de la consommation de marijuana évoluent, mais nous croyons que la sécurité publique est aussi de la plus haute importance pour nos citoyens, nos entreprises et nos visiteurs.
La Colorado Association of Chiefs of Police est d'avis que la mission et la préoccupation principales des agents chargés de l'application de la loi qu'elle représente sont la prévention et la réduction de la criminalité et du désordre. La légalisation de la marijuana aura des conséquences néfastes sur la sécurité routière et sur la sécurité des collectivités du Colorado. La CACP effectue des recherches et travaille à la mise en place de pratiques et de stratégies qui protégeront nos collectivités.
Il est reconnu que les agents de la paix du Colorado ont le devoir et la responsabilité de faire respecter la Constitution du Colorado, les amendements qui y sont apportés, ainsi que les lois locales, étatiques et fédérales.
L'incompatibilité de la législation fédérale et de la législation de l'État en ce qui touche la marijuana demeure un obstacle important qui doit être supprimé dès que possible.
La Colorado Association of Chiefs of Police croit que l'usage répandu de la marijuana pourrait nuire à la sécurité, à la santé et au bien-être des citoyens et des entreprises du Colorado, ainsi que des visiteurs. La consommation de marijuana risque de compromettre notre sécurité routière, et la légalisation de la marijuana risque de causer une augmentation de la consommation de marijuana et d'autres drogues dans nos écoles.
La Colorado Association of Chiefs of Police soutient les efforts de sensibilisation visant à réduire la consommation de marijuana chez les jeunes et à souligner les dangers que la consommation de marijuana pose pour les collectivités et les individus.
Je le répète, ce que je viens de vous lire est un extrait de l'exposé de position publié en mars 2014. J'ai été membre de nombreux groupes de travail et comités, notamment le sous-comité d'application de la loi du groupe de travail sur la mise en oeuvre de l'amendement 64, ainsi que des comités sur la collecte de données, les produits comestibles et la puissance. J'ai discuté avec de nombreuses parties intéressées, y compris des propriétaires d'entreprises, des agents chargés de l'application de la loi, des organismes de réglementation et des décideurs politiques. Je crois avoir une bonne compréhension de ce qui s'est produit durant le processus de légalisation de la marijuana au Colorado.
C'est un honneur pour moi de m'adresser à vous en compagnie de plusieurs spécialistes de la légalisation de la marijuana. Les autres témoins en savent beaucoup plus long que moi sur la légalisation de la marijuana, mais je peux parler de ses répercussions sur l'application de la loi au Colorado.
J'utilise une formule simple pour décrire ce qui se passe au Colorado. Lorsqu'on accroît l'accès à un produit, qu'on diminue la perception du risque et qu'on augmente l'acceptabilité sociale, l'usage du produit se répand. Une fois que l'usage est répandu, il devient très difficile de faire en sorte que la marijuana ne tombe pas dans les mains des jeunes. Des études dont les résultats ont été confirmés montrent que la consommation de marijuana chez les jeunes de moins de 30 ans, surtout la consommation chronique, peut nuire au développement du cerveau. Nous savons aussi qu'un jeune sur six devient dépendant à la marijuana.
Nous avons certainement constaté une augmentation de la consommation de marijuana au Colorado, et je suis d'avis que cette augmentation finira par intensifier le désordre et les facteurs de risque chez les jeunes. Nos collectivités sont déjà en proie à un désordre accru.
Parce que la légalisation de la marijuana au Colorado touche la consommation, la culture et la distribution à la fois commerciales et non commerciales, les organismes d'application de la loi ont eu beaucoup de choses à apprendre rapidement. Nous avons eu des difficultés surtout par rapport à l'industrie non commerciale et non autorisée des marchés gris et noir. M. Andrew Freedman pourra parler de certaines mesures que l'État a prises à l'égard de l'industrie de la marijuana non réglementée au Colorado.
Les questions ayant eu une incidence sur l'application de la loi au Colorado que nous avons cernées au cours des dernières années comprennent le manque de systèmes de collecte de données permettant de quantifier les répercussions de la légalisation de la marijuana et le manque de clarté dans la mise en oeuvre des amendements 20 et 64. Les organismes de réglementation et d'application de la loi essaient toujours de comprendre l'intention du législateur, notamment le terme « en public ».
Par ailleurs, les produits comestibles et les concentrés nous ont pris par surprise, et ils ont eu des répercussions négatives sur la santé et la sécurité publiques. Les concentrations élevées de THC trouvées dans les produits de vapotage et les extraits remettent en question nos connaissances sur le cannabis. Quelques explosions ont été causées par l'extraction d'huile de cannabis au butane au Colorado.
La toxicomanie demeure très courante au Colorado, et la légalisation de la marijuana n'a pas entraîné une diminution du recours aux opioïdes pour le traitement de la douleur. Le Colorado a la particularité d'occuper le deuxième rang de la consommation abusive d'opioïdes aux États-Unis.
En outre, la détection et la poursuite des conducteurs aux facultés affaiblies posent problème depuis le début. Au Colorado, nous avons une norme permissive de 5 nanogrammes, mais la marijuana est très différente de l'alcool, et nous n'avons pas les outils nécessaires pour évaluer à quel point les facultés sont affaiblies par le THC. Le nombre de décès liés au THC a augmenté.
La culture dans des milieux non réglementés, comme chez les dispensateurs de soins et dans les coopératives, a contribué au détournement vers les jeunes et au trafic à l'extérieur de l'État. Des criminels organisés se sont installés au Colorado et font pousser de grandes quantités de marijuana dans des maisons louées et des entrepôts. Presque toute leur marijuana est envoyée à l'extérieur de l'État.
Il y a eu une hausse du désordre et de la criminalité à Denver, au Colorado. Le nombre de sans-abri a augmenté, et beaucoup de sans-abri nous disent qu'ils se trouvent dans cette situation à cause de la légalisation de la marijuana.
Enfin, les organismes d'application de la loi du Colorado ont de la difficulté à porter certaines accusations criminelles pour des comportements manifestement illégaux. À certains endroits, il y a eu ce qui semble être des cas d'invalidation de la part du jury, et nous avons constaté que les ordonnances municipales sont plus efficaces que les lois de l'État.
Selon un article paru hier, je crois, dans le Washington Post, aux États-Unis, le nombre de consommateurs de marijuana qui sont des utilisateurs chroniques grimpe; le nombre de personnes qui en consomment tous les jours aurait augmenté de 19 % en 2016. Les utilisateurs quotidiens ont augmenté de 50 % depuis 2002. Selon une étude menée en 2014 par le Département du Revenu du Colorado, 20 % des utilisateurs chroniques consomment 80 % du cannabis au Colorado.
Ainsi, sur le plan de l'application de la loi et de la santé publique, d'après moi, les plus grandes préoccupations sont l'utilisateur chronique, ainsi que les répercussions de la situation sur la sécurité routière et la sécurité des collectivités.
Merci.
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Je suis ravi d'être ici. Je tiens à dire que c'est un grand honneur pour moi de pouvoir m'adresser à vous et je vous remercie de me recevoir.
C'est vrai que j'ai été directeur de la coordination de la marijuana pour l'État du Colorado, un poste qui, à sa création, en a rendu plus d'un perplexe; les gens se demandaient quelles étaient les qualifications requises. Je vous assure que j'ai été sélectionné strictement parce que j'étais avocat et je connaissais bien les lois du Colorado, et parce que j'étais, à l'époque, le chef du personnel du lieutenant-gouverneur.
Je me suis demandé quelles leçons tirées de notre État vous seraient les plus utiles aujourd'hui. Je me suis dit qu'un des points les plus importants, c'est la distinction entre les moments où la meilleure stratégie était de sensibiliser les Coloradans et ceux où il était préférable d'avoir recours à des principes punitifs d'application de la loi. J'ai donc tenté de diviser mon exposé principalement entre ces deux catégories. Je vous présenterai aussi d'autres informations pertinentes qui nous auraient été utiles à l'étape où vous en êtes.
J'aimerais parler d'abord de la consommation chez les jeunes. Bien sûr, l'éducation par rapport à la consommation chez les jeunes est importante; je pense que personne ne dirait le contraire. Au Colorado, nous n'avons pas employé le bon ton au début, ce qui a certainement eu une incidence sur l'influence de nos campagnes de sensibilisation de la population et sur notre capacité d'éduquer les jeunes dès le départ. L'administration ne le voyait pas comme une tactique d'effarouchement, mais le message de la première campagne était: « Ne sois pas un rat de laboratoire. » Le but était d'informer les jeunes que les résultats des premières études étaient négatifs et de leur demander s'ils voulaient que ce soit leur cerveau que la science étudie plus tard.
Ce à quoi nous n'avons pas songé en créant cette campagne, c'est que les jeunes sont toujours un peu sceptiques lorsqu'ils écoutent le gouvernement parler de la marijuana. Dans les campagnes suivantes, comme « Protège l'avenir », nous nous sommes efforcés d'évacuer toute forme de condescendance; nous avons tentons de parler aux jeunes de leurs objectifs de vie. Nous leur avons posé des questions comme: « Veux-tu obtenir ton permis de conduire? », « Veux-tu avoir des bonnes notes, veux-tu que quelqu'un t'accompagne à la danse, veux-tu faire partie d'une équipe sportive? », et « Penses-tu vraiment que la marijuana va t'aider à y arriver? ».
Nous avons obtenu de bien meilleurs résultats aux post-tests réalisés après cette campagne. Nous avons donc tiré une leçon sur la façon de formuler le message de manière à sensibiliser les jeunes plutôt qu'à les réprimander.
En outre, au Colorado, nous nous sommes appuyés fortement sur de très bonnes recherches issues de l'État de Washington concernant le recours à des spécialistes de la santé comportementale dans les écoles pour repérer les jeunes à risque, qui peuvent ensuite participer en tant que bénévoles à des programmes de santé comportementale. Jusqu'à maintenant, c'est la méthode la plus fructueuse que nous avons trouvée à la fois pour prévenir la consommation chez les jeunes et pour éloigner les jeunes de la toxicomanie.
L'autre domaine qu'il vaut la peine de mentionner, c'est la consommation responsable. Après la légalisation, vous allez probablement entendre beaucoup parler de gens qui se rendent à l'hôpital ou qui appellent les centres antipoisons. La plupart des études ont montré que dans la majorité des cas, il s'agit de consommateurs naïfs — les touristes étant les consommateurs naïfs par excellence — qui essaient de nouveaux produits.
L'exemple que les gens connaissent le mieux, bien que ce ne soit certainement pas le seul, ce sont les produits comestibles. Des touristes arrivent, ils n'ont nulle part où fumer et, franchement, les produits comestibles se consomment plus facilement. Ils en achètent et ils en prennent trop, comme ils prendraient trop d'alcool, mais c'est probablement pire avec la marijuana parce que l'effet n'est pas immédiat. Ils finissent par en consommer trop, ils prennent parfois aussi d'autres substances, comme de l'alcool, et ils se retrouvent à l'urgence.
La bonne nouvelle, c'est que l'effet principal est un court épisode psychotique; on pourrait croire que ce n'est pas une bonne nouvelle, mais ce l'est. La personne est un danger pour elle-même et pour autrui durant l'épisode, mais il n'y a aucun effet à long terme sur la santé; il faut simplement attendre la fin de l'épisode.
L'autre point à souligner et la raison pour laquelle j'ai placé cette question dans cette catégorie, c'est que nos efforts de sensibilisation ont contribué à réduire le nombre de cas. Les taux d'hospitalisation et le nombre d'appels aux centres antipoisons ont diminué depuis que nous avons mené notre campagne de sensibilisation aux effets considérables que les nouveaux produits peuvent avoir sur les utilisateurs et, de façon générale, depuis que nous travaillons à éduquer les consommateurs naïfs.
Le troisième secteur est la conformité des titulaires de permis.
Nous avons remarqué que notre système comprend assez d'incitatifs pour que les titulaires de permis veuillent respecter la loi, et plus nous leur montrerons les moyens de se conformer à la loi, plus les taux de conformité augmenteront. L'éducation doit toucher à tout, des pesticides jusqu'à la consommation chez les jeunes.
En général, du moins de la façon dont le régime a été construit au Colorado, les titulaires de permis avaient beaucoup trop d'argent en jeu. Comme ils ne voulaient pas perdre leur permis, les taux de conformité étaient très élevés dans certains cas, beaucoup plus élevés que les taux de conformité chez les titulaires de permis d'alcool se trouvant dans des situations comparables.
Les secteurs où il faut s'attendre au pire ont déjà été abordés à quelques reprises. Le plus important est le détournement vers l'extérieur du pays et, dans le cas du Colorado, vers l'extérieur de l'État. Malheureusement, aux États-Unis, la légalisation se fait une région à la fois plutôt que dans tout le pays en même temps. Bien sûr, lorsque vous partagez une frontière avec un État qui pratique la prohibition, l'incitatif économique de cultiver le produit et de l'expédier est très grand. Vous devez donc être en mesure d'examiner votre système et de déceler les failles qui pourraient ouvrir la porte aux abus.
Au Colorado, cette faille était la culture à domicile. Comme le chef Vasquez l'a mentionné, c'est principalement le régime de marijuana à des fins médicales qui permettait la culture à domicile dans une assez grande mesure, mais le régime de marijuana à des fins récréatives la permettait aussi. Les organismes d'application de la loi ne s'y retrouvaient donc plus entre les deux, et il y a eu beaucoup de cas d'invalidation de la part du jury. Nous avons dû retourner à la table de travail et rectifier nos lois. C'est aussi par cette porte que le crime organisé est entré au Colorado, et, franchement, le crime violent aussi.
Ainsi, le premier conseil que je donne à tous, c'est d'examiner attentivement le régime non autorisé. Penchez-vous également sur le régime autorisé, et partout où vous constatez de l'abus lié au détournement vers l'extérieur de l'État ou du pays, prenez vite des mesures pour y mettre fin.
Par ailleurs, il y a des questions sur lesquelles nous en savons trop peu, et honnêtement, nous avons hâte de voir ce que le Canada fera afin d'en apprendre davantage. Il y a certainement des tendances qui méritent notre attention.
La conduite avec facultés affaiblies par la drogue en est une. Nous employons deux ensembles de données à cet égard. D'abord, nous avons les données sur les arrestations pour conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Je vous dirais qu'à ce point-ci, ces données ne sont pas fiables et ne valent pas la peine d'être examinées, parce que chaque État qui a adopté des lois sur la marijuana a ensuite adopté de nouvelles lois sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. De plus, ils ont employé une partie des fonds pour former les policiers afin qu'ils puissent contrôler les gens pour conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
Le FARS, un système d'information sur les accidents mortels, est bien plus utile. Il n'a pas beaucoup changé depuis la légalisation et il est plus objectif que nos systèmes liés à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. En ce moment, nous ne pouvons pas établir la causalité, mais selon les tests, le nombre de personnes qui conduisent avec facultés affaiblies par la drogue a augmenté, et cela comprend le THC actif. Cela signifie que chez les personnes impliquées dans un accident mortel, les tests révèlent une plus grande présence de THC actif chez un plus grand pourcentage de conducteurs qu'avant la légalisation. Il s'agit d'un secteur qui nécessite à la fois beaucoup plus de recherches et, franchement, l'adoption de pratiques exemplaires parce que peu de travail a été fait sur ce plan jusqu'à maintenant.
La consommation chez les adultes a aussi été mentionnée. Au Colorado, nous n'avons pas de données de qualité qui montrent dans quelle mesure l'incapacité fonctionnelle, la consommation excessive et les troubles liés à la consommation de cannabis ont changé depuis la légalisation. Honnêtement, si je pouvais refaire les sondages d'il y a 10 ans, je poserais des questions sur la fréquence de consommation, mais nos questions principales concernent la consommation sur une période d'un an et de 30 jours. Vous devriez faire en sorte que vos systèmes de données recueillent ces informations dès que possible, et non dans 5 à 10 ans. Nous n'avons même pas de ligne de tendance encore au Colorado.
Pour aborder très brièvement d'autres questions pertinentes, je sais que la taxation et l'utilisation des recettes seront toujours des sujets de discussion. D'après moi, l'argument du marché noir n'est pas le facteur le plus important en ce moment. Les économies d'échelle sont beaucoup plus étroitement liées à la réduction progressive du prix de la marijuana que les recettes fiscales. C'est certainement possible d'établir des taux d'imposition trop élevés et de créer un marché noir — comme avec les cigarettes —; vous devez donc en tenir compte.
Durant les premières années de la légalisation, toutefois, le prix de la marijuana dépendra beaucoup plus des économies d'échelle que de questions relatives aux recettes fiscales. Peu importe ce que vous avez en tête, gardez l'esprit ouvert parce que le prix diminuera rapidement en fonction des économies d'échelle.
Cela étant dit, à mon avis, les recettes fiscales ne devraient pas être un des moteurs de la légalisation. Au Colorado, elles représentent moins de 1 % de notre revenu total, mais dans l'esprit des électeurs, elles en constituent environ 95 %. Les médias en parlent donc constamment, ce qui porte les gens à croire que c'est assez pour réparer les écoles ou le transport, alors que ce ne l'est pas.
Je vous encourage à songer à investir les fonds dans des problèmes de santé publique précis, les sans-abris par exemple, des dossiers dans lesquels on ne verse habituellement pas de flux de rentrées et où il est possible d'apporter des changements considérables, car peu importe le dossier dans lequel vous choisirez d'investir les fonds issus de la marijuana, vous devrez être prêts à ce que ces fonds cessent de se renouveler. Tout le monde pense qu'on peut tout régler grâce aux recettes générées par la marijuana.
Enfin, je vais parler des données, de la façon de les analyser, et je vais présenter des suggestions. Nous avons cinq normes relatives aux données.
Premièrement, vous devez prendre les mesures nécessaires pour avoir de très bonnes données de base. Nous n'avions pas de bonnes données de base sur les exclusions temporaires de l'école liées à la marijuana. Nous avions juste des données sur les exclusions temporaires liées à la drogue. La marijuana est peut-être la cause de 50 à 60 % de ces exclusions, mais cette approximation n'est pas suffisante. Vous devez absolument avoir des données au préalable, y compris sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue; cela vous aidera à percevoir rapidement les problèmes de santé et de sécurité publiques.
Deuxièmement, dans la mesure du possible — et c'est très difficile —, il faut éviter l'observation orientée. D'après moi, un des effets de la légalisation, c'est que tout le monde devient très conscient de la marijuana, y compris les médecins. Ils diront qu'ils notent plus souvent la présence de marijuana qu'auparavant parce qu'ils posent plus de questions. Si vous pouvez éviter l'observation orientée, encore une fois, vous aurez de meilleures données qui vous permettront de remarquer les problèmes de santé et de sécurité publiques.
Troisièmement, on vous incitera à recueillir des données pour déterminer si la légalisation est une bonne ou une mauvaise idée. À mon avis, ce ne sont pas les données qu'il faut chercher. Votre pays a déjà décidé ce qu'il voulait faire. Vous devriez plutôt chercher des données pertinentes relatives à la santé et à la sécurité publiques qui pourront mener à des changements.
Enfin, quatrièmement, les données doivent être recevables. Je connais beaucoup d'organismes qui disposent de bonnes données sur le suivi du cannabis de la semence jusqu'à la vente, mais qui ne sont pas prêts à les présenter devant le tribunal. Si vous n'avez pas suffisamment confiance en vos données pour les utiliser de la manière dont vous avez besoin de les utiliser, elles sont inutiles. Vous pouvez faire beaucoup de choses avec vos données. Je vous recommande de veiller à ce que tous vos systèmes, surtout celui de suivi du cannabis de la semence jusqu'à la vente, communiquent avec vos systèmes de données de santé et de sécurité publiques afin que vous déceliez les problèmes le plus rapidement possible.
Sur ce, je serai ravi de répondre à vos questions. Merci d'avoir pris le temps de m'écouter.
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Merci beaucoup. Je vous demande pardon pour les problèmes techniques. Je suis en vacances à Hawaï et je n'ai donc pas accès à mon réseau de soutien habituel.
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de l'expérience de l'État de Washington et de sa transition d'un système non réglementé de consommation à des fins médicales à un système réglementé de consommation à des fins récréatives et médicales. Le système relatif à l'usage médical a été approuvé au moyen d'une initiative des électeurs en 1998. L'initiative était très simple. Elle permettait la défense affirmative pour les poursuites criminelles intentées contre les patients et leurs fournisseurs de soins qui possédaient un approvisionnement en marijuana de 60 jours ou moins. Elle n'autorisait pas la production ou le traitement commercial, la vente ou d'autres transactions, la réglementation par un organisme gouvernemental quelconque, le droit de consommer de la marijuana, ainsi que la légalisation ou la protection des patients et de leurs fournisseurs de soins contre les arrestations.
Comme je travaille au département de la Santé, je m'intéresse beaucoup au rôle du fournisseur de soins de santé. Les médecins, les ostéopraticiens, les adjoints aux médecins, les infirmières praticiennes autorisées avancées et les naturopathes peuvent autoriser la consommation de marijuana à des fins médicales. Ils peuvent discuter des risques et des avantages, signer le formulaire d'autorisation du patient et témoigner en cour. Ils devraient aussi offrir de l'information sur la marijuana, mais ils ne peuvent pas légalement fournir ou administrer de la marijuana.
Ensuite, peu de choses se sont passées pendant de nombreuses années, jusqu'à l'adoption, en 2012, de l'initiative concernant l'usage récréatif, qui permet, bien sûr, aux adultes âgés de 21 ans et plus d'acheter jusqu'à une once de marijuana et les quantités équivalentes de liquides et de produits comestibles, obtenus à partir d'un réseau de producteurs privés, de transformateurs et de détaillants autorisés par l'État. Les caractéristiques du marché récréatif qui manquait au marché médical étaient la réglementation et l'application de la loi, le suivi des semences jusqu'à la vente, les exigences relatives aux essais et à l'étiquetage, les portions limitées, les restrictions applicables aux produits qui pourraient attirer les enfants, ainsi que toute forme de taxation.
Lorsque l'initiative relative à l'usage récréatif a été adoptée en 2012, elle a attribué un certain pourcentage des recettes fiscales au département de la Santé pour créer et maintenir un programme d'éducation et de santé publique qui comprend une ligne d'information sur la consommation de marijuana, des subventions et des programmes pour les autorités sanitaires locales, ainsi que des campagnes médiatiques d'éducation ciblant les jeunes et les adultes séparément. Un des problèmes que cela a posés, c'est que le programme était financé par les recettes fiscales; or, la légalisation est entrée en vigueur en janvier 2013, tandis que les ventes ont seulement débuté le 7 juillet 2014. Ainsi, pendant 18 mois, la marijuana était légale dans l'État de Washington, mais nous ne touchions pas de recettes fiscales pour financer le régime.
Un conseil que je vous donnerais, à vous ou à n'importe quelle entité gouvernementale qui met en place un régime relatif à la marijuana, c'est de prendre les mesures voulues afin de disposer de fonds pour l'éducation dès le départ et non de dépendre uniquement des recettes fiscales, ce qui vous placera dans une situation défavorable. Nos citoyens voulaient ardemment du matériel éducatif, mais nous n'avions pas les fonds nécessaires pour en créer. Maintenant que nous touchons des recettes de ventes, nous recevons environ 7,5 millions de dollars par année pour nos campagnes de sensibilisation, et nous en sommes à notre troisième campagne. Nous avons d'abord ciblé les parents et abordé la façon de parler à leurs enfants. Ensuite, nous nous sommes adressés aux jeunes de 16 à 18 ans. Actuellement, nous travaillons à une campagne qui vise les jeunes de 13 à 15 ans.
Lorsque les ventes de marijuana utilisée à des fins récréatives ont commencé, nous nous sommes retrouvés avec deux systèmes parallèles: un marché récréatif fortement réglementé et taxé, et un marché médical non réglementé, non taxé et un peu chaotique. L'assemblée législative a donc commencé à chercher un moyen d'harmoniser les deux systèmes.
Cela s'est produit en 2015. Un projet de loi a été adopté pour prescrire un règlement sur l'usage de la marijuana à des fins médicales par l'entremise d'un système unique de producteurs autorisés, de transformateurs et de magasins de détail, avec un étiquetage uniforme, des essais, des normes relatives aux produits et des exigences précises pour les patients âgés de moins de 18 ans. Nous n'avions jamais eu ces mesures en place dans notre système médical initial. Nous ne tenions pas compte des patients mineurs. Par conséquent, nous avions des enfants qui obtenaient une autorisation pour se procurer de la marijuana à des fins médicales sans que leurs parents soient au courant, ce qui soulevait de nombreuses préoccupations.
Les objectifs de l'harmonisation, du point de vue du département de la Santé, visaient notamment à clarifier l'expression « usage de la marijuana à des fins médicales ». Nous avons des normes très strictes dans notre loi concernant les circonstances pour être admissible à l'usage de la marijuana à des fins médicales, mais un grand nombre de personnes utilisent la marijuana pour s'auto-médicamenter. Est-ce un usage à des fins médicales ou récréatives? Nous voulions également des allégements fiscaux pour les patients inscrits dans notre base de données ou notre registre. De plus, nous voulions leur offrir une protection contre les arrestations pour la première fois, car, comme je l'ai dit, les gens n'avaient qu'une défense affirmative au tribunal jusque-là. Nous voulions également mieux protéger nos patients en nous assurant que les produits qu'ils consomment étaient testés et étiquetés adéquatement pour qu'ils obtiennent ce qu'ils pensaient obtenir lorsqu'ils se rendaient à notre dispensaire non homologué.
Dans mes diapositives, qui ont été imprimées, je pense, vous pouvez voir certains des produits — nous avons deux pages de produits — et le type de substances que nous retrouvions sur le marché médical non réglementé avant 2015. Il y avait notamment des imitations de friandises et de gâteries populaires, des produits qui contiennent 1 000 milligrammes de THC dans un simple paquet. Comme vous le savez peut-être, une portion renferme 10 milligrammes, ce qui représente une grande quantité de marijuana. De plus, la friandise ressemble à un Twinkie. Un jeune enfant pourrait ne pas savoir qu'il s'agit d'un produit qui contient de la marijuana.
J'ai également ici une photo que j'ai prise dans un dispensaire médical de produits comestibles sans inscriptions et non étiquetés. J'étais dans ce dispensaire. J'ai tenu un sac de craquelins Goldfish qui avaient été enduits de concentré de marijuana et j'ai interrogé trois travailleurs différents à ce dispensaire sur le contenu du sac, et les trois m'ont fourni des réponses différentes. D'un point de vue de la santé publique, c'est très préoccupant. Si vous êtes un patient et que vous avez besoin de ces produits pour votre santé, et que vous allez dans un dispensaire et que vous n'êtes pas en mesure de savoir ce que vous achetez... Vous n'aurez pas des produits uniformes et sécuritaires. Vous ne pourrez pas vous fier à ces produits.
Après que le projet de loi en vue d'assurer une uniformité a été adopté en 2015, le département de la Santé s'est vu confier trois tâches importantes. Il y avait plusieurs tâches, mais je veux vous parler de trois d'entre elles. L'une est d'établir des règles pour les produits qui seraient bénéfiques aux patients. Une autre est de créer au sein du département de la Santé une nouvelle profession réglementée du nom de « consultant en usage de la marijuana à des fins médicales », et une autre est d'établir une base de données, mais la majorité des gens parlent d'un registre. Nous étions, jusque-là, le seul État qui avait légalisé la marijuana à des fins médicales et qui n'avait pas de registre. C'était une situation très frustrante. On me téléphonait régulièrement pour me demander combien de patients nous avions dans l'État de Washington qui consommaient de la marijuana à des fins médicales, et je n'avais aucune réponse à leur fournir parce que nous n'avions pas de moyen de les retracer.
Pour les produits conformes, lorsque nous déterminions les produits qui sont bénéfiques aux patients, nous écoutions attentivement ce que nos patients avaient à dire et ce qu'ils voulaient de leur système. Ils voulaient de meilleurs tests de dépistage de pesticides, de métaux lourds et de mycotoxines parce que les produits n'étaient pas testés sur le marché à des fins récréatives. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous voulions également des exigences additionnelles pour l'étiquetage, la manipulation sécuritaire et la formation des employés. Dans mes diapositives, que vous avez devant vous, j'ai une photo sur laquelle on peut voir à quoi ressemble un produit conforme. Les produits qui répondent à toutes ces exigences et ces règles peuvent utiliser une étiquette élaborée par le département de la Santé pour montrer à l'acheteur que le produit satisfait à ces normes de qualité améliorées.
Pour les consultants en usage de la marijuana à des fins médicales, c'était un compromis entre notre initiative à des fins récréatives qui soutenait que les gens dans les magasins de détail n'étaient d'aucune façon autorisés à discuter des avantages médicaux de la marijuana. Comparez cela à ce qui se passait dans nos dispensaires non homologués où les travailleurs pratiquaient essentiellement la médecine sans permis au quotidien et qui pouvaient notamment dire aux gens que s'ils utilisent un produit, ils guériront leur cancer et n'auront pas à revoir leur oncologue.
La mesure législative essayait d'atteindre un équilibre entre les deux en créant une nouvelle profession où les gens ont une certaine formation, mais ne sont pas des professionnels de la santé. À l'heure actuelle, nous avons trois programmes de formation pour les consultants. Deux de ces programmes sont offerts en ligne, si bien que nous pouvons rejoindre les populations rurales. Nous avons reçu un peu plus de 1 100 demandes et émis 720 certificats. Ce sont des gens qui peuvent seulement travailler dans un magasin de détail et qui peuvent donner des conseils sur la sélection des produits, mais pas sur les soins médicaux.
Notre troisième grande tâche consistait à créer une base de données. Elle a été mise en ligne le 1er juillet 2016, le jour où tous les dispensaires non homologués et essentiellement illégaux ont dû fermer leurs portes. Les cartes initiales et renouvelées coûtent un dollar. Ce n'est pas obligatoire. C'est sur une base volontaire, et si vous êtes dans la base de données, vous avez l'avantage de ne pas payer la taxe de vente. Vous pouvez cultiver plus de plantes. Vous pouvez acheter plus de produits. C'est complètement sur une base volontaire.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Mon épouse canadienne est très fière de moi en ce moment. C'est un honneur de comparaître devant vous. Ma belle-mère est probablement encore plus fière, alors c'est probablement plus important. Je tiens à vous remercier tous de tenir ces délibérations. J'aimerais que nous ayons un vrai débat à ce sujet aux États-Unis, plutôt que de diffuser des messages télévisés de 30 secondes financés par les gens qui ont gagné la bataille. C'est une approche bien meilleure et, personnellement, je veux remercier le gouvernement et tous les citoyens canadiens d'être un pays accueillant et d'avoir accueilli mes beaux-parents qui fuyaient la persécution il y a de cela 35 ou 40 ans. C'est un endroit très spécial.
À mesure que le Canada se lance dans cette discussion en tant que pays qui se classe au deuxième rang dans le monde pour la consommation de cannabis, je pense que vous avez deux choix pour apporter des changements de politique.
Premièrement, les législateurs peuvent écouter les défenseurs de la santé publique et les gens pour qui l'adoption de ces politiques n'offre aucun incitatif financier. L'opinion de ce groupe désintéressé se fonde sur des données scientifiques et sur ce qui s'est produit avec d'autres substances légalisées dans le passé. Nous avons déjà légalisé des substances, à savoir l'alcool, le tabac et des produits pharmaceutiques sur ordonnance. À partir de ces renseignements, la majorité de ces associations, les gens qui travaillent dans le secteur de la santé publique, rejettent la légalisation pour favoriser une réforme relative au cannabis qui abolirait les sanctions pénales et qui ne punirait pas les utilisateurs, mais qui ne normaliserait et ne commercialiserait pas le cannabis et n'en ferait pas la promotion. Je pense qu'il y a une fausse dichotomie selon laquelle on doit soit criminaliser, soit légaliser. Je pense que c'est une fausse dichotomie.
Maintenant, si on ne peut pas le faire et que les décisions ont été prises, alors je dirais qu'une politique de découragement et de dissuasion axée sur des règlements et des messages fondés sur des données scientifiques solides au sujet des résultats de l'utilisation du cannabis est certainement préférable à la politique visant à faire passer les gens d'affaires avant la santé et la sécurité du public.
Par ailleurs, on peut ignorer les scientifiques et ne pas écouter les experts en santé et sécurité publiques, de même que les obligations du pays en vertu des traités internationaux des Nations unis, et écouter les gens qui ont un intérêt financier à promouvoir, à normaliser et à légaliser le cannabis. Ces lobbyistes et les groupes qu'ils représentent toucheront des sommes importantes si le cannabis est légalisé. Plus il y a de gens qui en consomment, plus ils gagneront d'argent. Nous connaissons les conséquences de cette approche avec l'expérience que d'autres pays ont eue avec le tabac. Cela a été notre plus grande catastrophe en matière de santé publique mondiale: faire fi des données scientifiques sur les effets négatifs, promouvoir l'utilisation du tabac auprès des enfants et d'autres populations vulnérables et manipuler la substance pour accroître ses effets d'accoutumance et ses profits.
Malheureusement, dans mon pays, aux États-Unis, nous avons emprunté la dernière avenue. Elle a déjà entraîné des conséquences négatives. Bien entendu, l'ensemble complet des conséquences négatives ne se feront pas sentir avant plusieurs décennies probablement, telles que la maladie mentale, la schizophrénie, la psychose, car ces problèmes ne se manifestent pas du jour au lendemain.
Nous savons que l'utilisation du cannabis est en hausse, comparativement au reste du pays, dans les États où il a été légalisé. Une industrie commerciale qui abonde en lobbyistes nuit régulièrement à une réglementation adéquate. Rendez-vous dans des endroits comme l'Oregon et vous verrez des panneaux publicitaires sans mises en garde, des coupons et des produits comestibles de couleurs vives. Ils étaient censés être réglementés en dehors du marché. Il y a également des inquiétudes concernant la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
Je travaille dans ce dossier depuis plus de 20 ans. J'ai examiné la question d'un point de vue non partisan. J'ai travaillé récemment au sein de l'administration Obama où j'ai eu le privilège de participer à la rédaction de la stratégie nationale de lutte contre la drogue du président, qui misait sur une approche axée sur la santé publique. J'ai également travaillé avec des intervenants d'autres partis. J'ai conseillé le Royaume-Uni avant et après mes études de doctorat à Oxford. Je suis profondément préoccupé par l'orientation que nous prenons dans ce dossier car le cannabis moderne de qualité supérieure n'est pas le cannabis d'autrefois. Nous avons appris à manipuler les niveaux de THC, et c'est la raison pour laquelle j'ai cofondé avec Patrick Kennedy, le fils du regretté sénateur Ted Kennedy, un groupe du nom de Smart Approaches to Marijuana.
Nous avons fait front commun avec de grands organismes de santé et de sécurité publiques pour rejeter catégoriquement la légalisation en tant que bonne politique publique, mais aussi pour rejeter la criminalisation et l'arrestation de personnes pour la consommation de petites quantités de cannabis, mais nous sommes très préoccupés par les variétés de cannabis qui existent de nos jours — qui viennent sous forme de produits comestibles attrayants qui plaisent aux enfants comme des bonbons, de la crème glacée et des sodas —, ce qui représente une grande partie du marché du cannabis dans les États qui ont légalisé la substance.
La légalisation et l'industrialisation sont responsables de ces produits. Soyons très clairs. Il n'existe aucun moyen efficace de fabriquer des produits très puissants sans avoir accès à la technologie et aux capitaux que génère la légalisation.
Je suis très inquiet du fait que d'anciens dirigeants provinciaux, des gens qui ont servi le bien public et qui ont quitté leur poste, annoncent maintenant qu'ils démarreront des entreprises dans le secteur du commerce du cannabis et utilisent ces renseignements privilégiés.
En ce qui concerne la santé, vous avez entendu les témoignages de gens qui ont étudié ce dossier de façon beaucoup plus poussée que moi, notamment des représentants de l'association des psychiatres du Québec et d'autres organismes. Personne ne conteste les répercussions négatives, les répercussions à long terme plus particulièrement, de l'usage intensif de cannabis sur les jeunes. Les jeunes Canadiens seront moins employables, pour être honnête, sur le marché mondial si l'usage du cannabis continue d'augmenter. Ils ne pourront pas rivaliser contre d'autres pays. Je pense que c'est un véritable problème. Je pense que le lieu de travail est un problème réel au même titre que la sécurité en matière d'emploi.
Je ne vais pas lire tout le témoignage. Je vais mentionner, par exemple, ce que la National Academy of Sciences a déclaré dans mon pays. Les plus éminents scientifiques viennent de se rencontrer et ont rendu public l'examen scientifique le plus exhaustif à avoir été diffusé dans le monde sur les effets négatifs du cannabis sur la santé. Je vous exhorte à le consulter. Je vous exhorte également à prendre connaissance des sondages qui ont été menés sur l'utilisation du cannabis chez les jeunes au pays. Quelques-uns de ceux auxquels Andrew a fait référence abordent la question des admissions à l'urgence, et nous avons des données des États du Colorado et de Washington à ce sujet également.
Outre l'utilisation chez les jeunes et les admissions à l'urgence, je pense que le marché noir est une grave préoccupation. Nous nous berçons d'illusions si nous pensons que les grandes organisations de trafic de drogue ne saisiront pas toutes les chances qu'elles ont pour trouver un moyen d'être légitimes par l'entremise du marché légal. Nous voyons cette situation dans d'autres États. Nous nous berçons également d'illusions si nous pensons qu'ils disparaîtront et n'essaieront pas de faire concurrence au prix du cannabis du gouvernement. Les économies prédominent pour ce qui est du prix. Plus le prix de la drogue est faible, plus une personne est susceptible de l'utiliser, et le marché illégal peut facilement faire concurrence au marché légal. En fait, un rapport de la police de l'État de l'Oregon qui a fait l'objet d'une fuite en mars a révélé que 70 % du marché du cannabis dans cet État, qui a légalisé le cannabis il y a de cela quelques années, provient encore du marché noir. Un passage de ce rapport se lit comme suit:
L'exportation illicite de cannabis doit être endiguée puisqu'elle porte atteinte à l'esprit de la loi et à l'intégrité du marché légal [...] elle prive d'un pouvoir économique le marché, le gouvernement et les citoyens [...] et elle le donne aux criminels, ce qui nuit aux efforts relatifs à la conformité de l'État.
En 2016, un porte-parole du service de police de Seattle a signalé que les opérations de culture illégales à grande échelle sont encore très répandues et qu'il en trouve encore.
Un autre problème qui a été soulevé est la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Une étude récemment rendue publique par le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances a chiffré à 1 milliard de dollars le coût de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis. Qu'adviendra-t-il si l'utilisation du cannabis augmente de 1, de 5 ou de 10 % à la suite de la normalisation? Nous pouvons débattre des ensembles de données qui sont les meilleures pour la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, mais la Fondation AAA pour la sécurité routière a relevé récemment une forte augmentation dans l'État de Washington, par exemple, des consommateurs de cannabis impliqués dans des accidents d'automobile mortels. D'après des données scientifiques, nous savons que le cannabis double ou triple le risque d'accident en raison d'une réduction du délai de réaction, entre autres.
Les coûts sont très importants. Ne pensez pas qu'il n'y aura pas de coûts liés à la réglementation et à l'application à la suite de la légalisation du cannabis. Bien des gens sont surpris. Ils disent: « Attendez un instant. Nous pensions que nous éliminions l'application de la loi. » Ce n'est pas le cas, en fait. Vous devrez investir dans l'application des règles que vous créez. Par exemple, aux États-Unis, le plus grand nombre d'arrestations ne sont pas à cause de l'héroïne, de la marijuana ou du crack. Elles sont à cause de l'alcool. Il y a les utilisateurs qui n'ont pas l'âge requis, la conduite avec facultés affaiblies et la consommation en public. Si des sondages récents menés auprès de Canadiens vous intéressent, je vous dirais que la consommation en public de cannabis, les effets nuisibles de la fumée secondaire et le problème des habitations à multiples logements seront de grands problèmes. C'est la raison pour laquelle, par exemple, les associations de propriétaire immobiliers ont invoqué les arguments qu'ils ont invoqués, et je partage leur avis.
Comme Andrew l'a mentionné, ce n'est pas non plus un avantage fiscal. Si vous voulez parler de revenus, discutons des coûts également. On ne peut pas examiner un seul côté de la médaille. Une mauvaise façon d'examiner les entreprises est de seulement regarder les revenus. Quels sont les coûts? Quels sont les coûts au Canada associés à la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue, à la sécurité publique, à la santé publique, etc.?
Enfin, aucun changement politique ne devrait être apporté sans que l'on s'engage à améliorer la collecte de données. À mon avis, la collecte des données n'a malheureusement pas été bonne jusqu'à présent au Canada. Toutefois, des données robustes nous permettent de façonner et de changer les politiques. Il y a de nombreux aspects à examiner, que j'ai inclus dans mon mémoire.
Comme je l'ai dit, j'appuie entièrement les recommandations de la majorité de vos organismes de santé et d'autres associations qui se rendent compte que ce changement de politique fera des victimes. Le gouvernement devrait donc s'engager à réduire le plus possible le nombre de victimes et mettre en place des mesures de dissuasion. Bref, il devrait mettre la pédale douce. Les seules personnes qui bénéficieront d'une mise en oeuvre accélérée seront les gens d'affaires qui attendent avec impatience de s'enrichir. Il n'y a aucun avantage à aller trop vite dans ce dossier. Je partage les préoccupations des provinces comme la Saskatchewan et le Manitoba, qui ont sonné l'alarme sur la question de l'âge et de la vitesse à laquelle les choses vont de l'avant.
Je comprends qu'il est peut-être trop tard, mais je pense quand même que le fait de renoncer à la légalisation pour plutôt réduire les sanctions pénales et dissuader les gens de consommer de la marijuana est le meilleur moyen d'assurer la santé publique. Si, en dépit des meilleures données disponibles démontrant que la santé publique serait compromise, vous allez de l'avant avec la légalisation, nous recommandons de faire passer l'âge limite à 25 ans, comme l'a proposé l'Association médicale canadienne. Le cerveau n'est pas complètement développé avant l'âge d'environ 30 ans. Il semble donc logique de faire passer l'âge limite à 25 ans.
Lancez une campagne de découragement et de dissuasion. Limitez les profits des détaillants, par exemple, en créant des magasins appartenant au gouvernement sans but lucratif et en ayant des emballages neutres. Nous ne pouvons malheureusement pas faire de publicité et de commercialisation aux États-Uns en raison d'une petite chose qu'on appelle le premier amendement, qui est, à notre avis, très important et positif. Dans ce cas-ci, il nous nuit aux États-Unis, car le discours commercial est protégé au même titre que la liberté d'expression. Espérons que vous pourrez trouver un moyen de réduire la commercialisation.
Défendez les droits des non-utilisateurs, des victimes, des enfants et des populations vulnérables. Où seront situés les magasins de marijuana? Seront-ils dans les quartiers riches ou dans les quartiers où vivent les groupes les plus vulnérables? C'est un énorme problème. Aux États-Unis, il y a huit fois plus de magasins d'alcool dans les communautés de personnes de couleur les plus pauvres qu'ailleurs. Je pense que le Canada devrait entendre ce qu'ont à dire les groupes d'affaires, les associations d'habitation et les associations médicales, comme vous le faites en ce moment, avant d'élaborer une politique quelconque. Engagez-vous à mettre en place un système de collecte de renseignements robuste.
Merci.
Je vous remercie beaucoup de vos témoignages.
Madame Weeks, je veux vous remercier, vous, en particulier. Vous êtes en vacances à Hawaï et vous passez du temps avec nous. C'est quelque chose d'assez unique, et je vous en remercie beaucoup.
Je veux seulement dire brièvement quelque chose. Au Canada, la marijuana thérapeutique a été légalisée il y a plus d'une décennie maintenant. Ce n'est donc pas un sujet nouveau pour nous. Durant les élections de 2015, le gouvernement a dit clairement que ce serait une priorité. En juin 2016, un groupe de travail a été formé. Il a rencontré des médecins, des avocats, des chercheurs, des responsables de l'application de la loi et de nombreux groupes d'intervenants de différentes provinces.
Le groupe de travail a reçu 20 000 mémoires qui, avec ces recommandations, ont mené à la préparation du projet de loi. Le projet de loi est plus conservateur. Nous avons entendu le président, le vice-président ainsi que d'autres personnes dire qu'il était plus conservateur que les recommandations que le groupe de travail a présentées. Il a été présenté en avril et nous en discutons aujourd'hui. Il nous reste encore neuf mois avant le moment où il deviendra probablement loi, et je pense que le processus a été très rigoureux et très réfléchi.
Il y a un problème au Canada. J'entends constamment d'autres membres du Comité fournir des données, mais le fait est qu'au pays, 21 % des jeunes ont admis avoir consommé de la marijuana au cours de la dernière année, et du côté des jeunes adultes, la proportion est de 30 %. Selon une récente étude de l'UNICEF, le Canada est au dernier rang. On parle d'enfants, de 11, 13 et 15 ans, qui ont dit avoir consommé du cannabis au cours des 12 derniers mois. Le Canada est au dernier rang parmi 29 nations. Nos enfants sont les plus grands consommateurs de marijuana parmi les enfants de 29 pays industrialisés, ce qui fait que nous devons faire quelque chose à cet égard.
Monsieur Sabet, votre témoignage m'a laissé perplexe. Je vous ai entendu dire ce que nous savons déjà, soit qu'il n'est pas sain pour des jeunes de consommer de la marijuana. Il y a peut-être des risques psychiatriques à long terme, mais on ne sait pas si cela a été prouvé. Je vous ai entendu dire « ne la légalisez pas », mais ensuite « il ne faut pas que les gens soient accusés de possession de marijuana ».
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Oui, selon l'estimation de la taille du marché établie par la police d'État de l'Oregon.
Évidemment, les trafiquants de drogue font le trafic de diverses drogues. Donc, encore une fois, à moins qu'on parle de toutes les drogues — ce qui n'est pas et ne devrait pas être le cas, à mon avis — et de réduire le prix des drogues de façon assez marquée pour forcer les trafiquants de drogue à abandonner ce marché, cela devient difficile.
Si vous le permettez, j'aimerais discuter d'une différence dont on n'a pas parlé, je crois, et qui est très intéressante, en particulier pour des représentants élus qui doivent rendre des comptes aux électeurs. Je n'ai pas les chiffres pour l'Oregon, et Mme Weeks peut nous donner ceux pour l'État de Washington, mais nous avons observé au Colorado que la majorité des collectivités ont, en fait, voté contre la présence d'un commerce de marijuana dans leur localité.
D'une part, nous avons voté pour l'amendement 64, peu importe le numéro — la légalisation —, parce que nous voulons éviter que des gens soient emprisonnés. Nous voulions quelque chose de nouveau et nous avons décidé d'adopter la même approche qu'avec l'alcool. D'autre part, si nous demandons aux gens s'ils accepteraient que cela se fasse dans leur cour, près de l'endroit où leurs enfants vont à l'école, ils répondent la plupart du temps: « Non, non, non, faites-le là-bas et non ici. »
Encore une fois, je ne suis pas assez renseigné sur les détails du projet de loi relatifs aux contrôles à l'échelle locale, mais il s'agit d'un enjeu fort intéressant. Pour la plupart des gens, cet enjeu ne semble pas revêtir une grande importance, sauf lorsque cela les touche de près. Ensuite, vous recevez des appels de vos électeurs qui disent: « Vous savez, je pensais que ce serait une bonne idée; nous devrions peut-être réglementer cette activité. On ne va pas ouvrir un commerce de ce genre ici, n'est-ce pas? Que pouvons-nous faire pour l'empêcher? »
Il est très intéressant de constater que même dans un État assez libéral comme l'Oregon — vous avez vu les résultats de la majorité des circonscriptions lors de la dernière élection —, même dans les circonscriptions où le vote a été favorable à la légalisation au moment du scrutin, les gens se sont prononcés contre l'établissement d'un commerce de cannabis dans leur propre collectivité. Je pense que ce serait là une discussion digne d'intérêt.
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Le cannabis est accessible, disponible, et déjà normalisé. À mon avis, personne n'a tort; vous avez raison des deux côtés. L'usage du cannabis a chuté de manière spectaculaire au Canada au cours des 20 dernières années, mais le pays vient toujours au premier ou au deuxième rang au monde à cet égard. En quelque sorte, la question est de savoir si vous considérez que votre verre d'eau est à moitié plein ou à moitié vide.
Il va sans dire qu'il y aura toujours des consommateurs de cannabis et que le produit sera prévalent, mais lorsque les lois et la société ont des mécanismes pour encourager ou décourager l'usage, je dirais qu'il faut décourager l'usage, en particulier chez les jeunes. À mon avis, c'est difficile à faire lorsque le cannabis devient essentiellement un signe de l'entrée dans l'âge adulte, qu'il devient normalisé et qu'il jouit de la même perception que celle que nous accordons à l'alcool.
Dans le cas du tabac, nous avons observé une réduction de l'usage, alors qu'il est légal. C'est un cas intéressant, parce qu'il contredit en quelque sorte ce que je dis. Quant à l'alcool, il y a bien plus de gens qui boivent de l'alcool que de gens qui consomment du cannabis. Il y a beaucoup plus de jeunes qui boivent de l'alcool que de gens qui utilisent le cannabis dans la population générale, mais dans le cas du tabac, aux États-Unis et au Canada, nous avons vu un renversement de tendance dans certains groupes d'âge.
Il y a plus de jeunes qui fument du cannabis que de jeunes qui fument du tabac. Est-ce parce que le tabac est légal? Je ne pense pas. Le tabac a été légal pendant toute la vie de cette génération. Nous n'avons pas affaire à un cas où l'usage d'un produit illégal a baissé après qu'il soit devenu légal. Non, l'usage du tabac a chuté en raison d'un changement sociétal qui perdure depuis deux ou trois décennies. En tant que société, nous avons décidé qu'il n'y avait pas matière à débat. Le produit est nocif. Nous voulons en décourager l'usage. Si vous veniez ici et que vous affirmiez que le produit est bon pour la santé, ou que c'est un médicament, ou qu'il permet de guérir le cancer et la dépendance aux opioïdes, vous seriez la risée de tout le monde. En tant que société, nous en sommes arrivés à cette conclusion, ce qui nous a permis de réduire l'usage du tabac, même s'il était légal.
Ce qui me préoccupe par rapport au cannabis, qu'il soit légal ou non, c'est qu'on se retrouve sur le plan culturel dans une situation inverse à celle que nous avons pour le tabac. Nous sommes rendus à un point où les jeunes pensent que c'est un produit médicinal. En passant, sur le plan médicinal, je tiens à souligner que le cannabis a des applications médicales, ce qui est aussi le cas pour l'opium. Nous ne fumons pas l'opium pour obtenir les effets de la morphine. Je ne crois pas qu'il est nécessaire de fumer du cannabis pour en obtenir les effets thérapeutiques potentiels. Selon moi, nous devrions traiter ce produit comme tout autre produit pharmaceutique. Nous devrions en prélever les éléments essentiels et les administrer en doses sûres.
Ce qu'il faut retenir, c'est que nous sommes loin de cela avec le cannabis, étant donné que les jeunes pensent qu'il est sans danger. Je ne crois pas que les jeunes pensent qu'il est sans danger parce qu'il est illégal. À mon avis, les jeunes pensent qu'il est sans danger parce qu'en tant que société, nous n'avons pas diffusé des informations scientifiques fondées sur des faits probants dans les divers secteurs de la société. Nous sommes parfois allés beaucoup trop loin, et ce fut certainement le cas aux États-Unis. Je pense que si vous tentiez d'abord cette approche et que vous tentiez de faire comprendre que son usage n'est pas normal, comme pour le tabac, vous pourriez obtenir des résultats positifs. Ce qui me préoccupe, en fait, c'est que la normalisation du cannabis pourrait avoir comme conséquence de populariser de nouveau le tabagisme, qui n'est plus du tout à la mode chez les jeunes. Y a-t-il des preuves qui démontrent que l'usage du tabac a augmenté à certains endroits en raison de la légalisation du cannabis? Je ne sais pas, mais je pense que c'est un aspect que nous devrions examiner et qui devrait nous préoccuper.