Nous reviendrons à M. Sansfaçon à la fin des déclarations d'ouverture. Espérons que d'ici là, il sera techniquement en mesure de présenter son exposé.
Bienvenue à la 41e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes.
La séance d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre pris par la Chambre le 25 janvier 2021. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes, ne montrant que la personne qui parle et non le Comité en entier.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 26 mai 2021, le Comité entame son étude du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (maladie, blessure ou mise en quarantaine).
Je voudrais accueillir nos témoins afin de commencer notre rencontre avec des déclarations d'ouverture de cinq minutes, qui seront suivies par des questions.
Nous recevons aujourd'hui Claude DeBellefeuille, députée de . Nous entendrons également Chantal Renaud, qui témoigne à titre personnel; et Marie-Hélène Dubé, criminologue et fondatrice de la Campagne 15 semaines, ce n'est pas assez.
[Français]
J'espère que nous pourrons accueillir, après la résolution des problèmes techniques, M. Louis Sansfaçon.
[Traduction]
Nous recevons aussi Julie Kelndorfer, directrice des Relations gouvernementales et communautaires, de la Société canadienne de la sclérose en plaques.
Je voudrais formuler quelques observations supplémentaires à l'intention de nos témoins. Des services d'interprétation sont offerts au cours de la présente vidéoconférence. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français.
[Français]
Les services d'interprétation sont disponibles. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français. Lorsque vous parlez, exprimez-vous lentement et clairement. Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en mode sourdine.
Nous allons commencer par Mme DeBellefeuille.
Bienvenue, madame DeBellefeuille. Vous avez la parole pour cinq minutes.
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
C'est avec une certaine émotion que je me présente devant vous cet après-midi. Même si j'en suis à mon troisième mandat, c'est la première fois que j'ai le privilège de défendre un projet de loi en comité parlementaire. Je me sens très privilégiée de faire cela cet après-midi. Je veux souhaiter la bienvenue à l'ensemble des témoins. Je présente mes salutations à l'ensemble des membres du comité parlementaire.
Vous comprendrez qu'aujourd'hui, je suis principalement ici pour convaincre mes chers collègues libéraux d'accorder la recommandation royale au projet de loi . Ce projet de loi a obtenu l'appui de la majorité des partis de l'opposition à la Chambre des communes. Malheureusement, s'il n'a pas obtenu la recommandation royale du gouvernement libéral après l'étude en comité, mon projet de loi ne pourra pas continuer sa route.
Aujourd'hui, j'espère vous convaincre qu'il est évident que, 15 semaines, ce n'est pas assez, mais que, 26 semaines, cela ne suffit pas non plus. Je vais essayer de vous convaincre que, 50 semaines, c'est ce qu'il faut pour faire preuve de bienveillance et s'assurer que les travailleurs vulnérables qui n'ont pas choisi d'être malades pourront compter sur le soutien financier que constituent les prestations spéciales de maladie de l'assurance-emploi pour 50 semaines.
La raison pour laquelle on parle de 50 semaines, c'est parce que plusieurs études prouvent que, en moyenne, des gens ont besoin de plus de 26 semaines et d'autres, de plus de 50 semaines. Certaines maladies nécessitent une absence qui va au-delà de 15 semaines et de 26 semaines. Je vous donne quelques exemples. Selon des études probantes, il faut prévoir en moyenne une absence de 37 semaines pour se remettre d'un cancer du côlon. Si l'on a le malheur d'être atteint du cancer du rectum, cela peut aller jusqu'à 47 semaines. Les cas sont documentés.
Comme les données sont connues et probantes, je ne comprends pas, et les citoyens québécois et canadiens ne comprennent pas non plus, pourquoi le gouvernement ne veut pas faire avancer l'étude de mon projet de loi et permettre aux travailleurs malades qui combattent une maladie grave d'obtenir non pas 15 semaines ou 26 semaines, mais bien jusqu'à 50 semaines. Le directeur parlementaire du budget nous a dit que nous avions les moyens. Il a déjà publié deux études sur cette question et il confirme, sans surprise, que nous avons les moyens d'offrir à ces travailleurs vulnérables la protection et les outils nécessaires pour qu'ils puissent combattre en toute dignité leur maladie afin de revenir à l'emploi et, surtout, conserver leur lien d'emploi.
Certains employeurs ont fait savoir assez clairement que l'augmentation des cotisations — celles des employeurs ou celles des employés — est, somme toute, raisonnable. Elle pourrait être offerte à des travailleurs qui ne peuvent travailler temporairement à cause de la maladie et qui ont besoin de soutien financier pour payer leurs soins et leur transport médical assisté. Ces travailleurs, qui ont cotisé parfois toute leur vie, n'ont pas besoin de l'insécurité financière que provoque actuellement le programme d'assurance-emploi en maintenant la durée des prestations spéciales de maladie à 15 semaines.
Vous me direz — surtout mes collègues libéraux — que le gouvernement a promis dans le budget de faire passer à 26 semaines la durée des prestations. Or, 26 semaines, nous savons que ce n'est pas suffisant. Les données le démontrent déjà assez clairement. De plus, ce passage à 26 semaines pourrait entrer en vigueur par décret d'ici 2022.
Je vous demande de fermer les yeux et de penser aux personnes qui finissent aujourd'hui leur 15e semaine de prestations, qui ont entendu dire qu'elles pourraient en recevoir pendant 26 semaines et à qui je devrai dire que, ces 26 semaines, elles ne seront pas offertes tout de suite. Je devrai leur dire que le gouvernement n'a pas prévu cette hausse de manière exécutoire dans son budget, ce qui veut dire que, une fois le budget accepté et voté par les voies et moyens et par l'intermédiaire du projet de loi , le gouvernement aura le pouvoir discrétionnaire d'attendre jusqu'en 2022 pour appliquer cette hausse. Je trouve que c'est un peu jouer avec le cœur des personnes qui sont malades et qui veulent combattre à armes égales la maladie.
Nous ne choisissons pas d'être malades et nous ne choisissons pas notre type de maladie. Nous nous adressons aux travailleurs qui n'ont pas de protection, pas de convention collective ou de régime d'assurance-maladie privé.
Ces personnes ont souvent travaillé très dur au cours de leur vie. Un jour, elles tombent malades. Cela peut être la personne qui travaille à votre dépanneur et que vous voyez tous les matins depuis une dizaine d'années. Elle reçoit un peu plus que le salaire minimum, mais pas tellement plus, et elle n'a pas d'assurance-maladie privée. Si elle est atteinte d'un cancer du rectum et qu'elle doit s'absenter du travail pendant 47 semaines pour cause de maladie, elle sera payée pendant 15 semaines et elle touchera 55 % de son salaire. Pensez-vous bien sincèrement qu'un travailleur peut vivre en ne recevant que 55 % de son salaire?
La situation est déjà difficile pour une personne qui sait qu'elle a une longue lutte à mener et qu'un rétablissement est nécessaire pour [difficultés techniques] revenir au travail, mais elle le devient encore davantage si les prestations prennent fin après 15 ou 26 semaines.
Aujourd'hui, on peut dire que, en tout et pour tout, à peu près 150 000 personnes sont abandonnées chaque année par le système de l'assurance-emploi. Ce sont 411 nouvelles Émilie Sansfaçon par jour qui sont en train de lutter et qui perdent tout d'un coup le soutien financier que sont les prestations spéciales de maladie de l'assurance-emploi.
Vous comprendrez que je suis de tout cœur avec ces travailleurs. J'ai reçu énormément d'appels et de courriels pour m'encourager à convaincre les députés, surtout mes collègues libéraux, de demander la sanction royale pour le projet de loi et d'être à l'écoute des 620 000 personnes qui ont signé la pétition de Mme Marie‑Hélène Dubé. Elle vous demande de prolonger la durée des prestations jusqu'à 50 semaines, parce qu'il est bien évident que, 15 ou 26 semaines, ce n'est pas suffisant.
Je suis prête à répondre aux questions, monsieur le président.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour à toutes et à tous.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de témoigner au sujet du projet de loi .
Atteinte de la COVID de longue durée, je compte parmi presque un demi-million de Canadiens qui, selon les estimations actuelles, souffrent ou ont souffert des effets débilitants à long terme de la COVID‑19.
Mon cauchemar a commencé il y a exactement 14 mois aujourd'hui, le 15 avril 2020, lorsque j'ai commencé à éprouver des problèmes de santé invalidants, y compris de graves difficultés respiratoires, une tachycardie posturale, une intolérance à l'exercice, un malaise post-effort et une fatigue profonde.
J'étais loin de me douter que la maladie qui allait bouleverser ma vie et m'accabler sans relâche, pendant les 14 mois à venir et plus longtemps encore, n'était que le début d'un combat beaucoup plus important. Après deux mois de lutte contre la maladie, mon état s'est tellement détérioré que j'ai dû garder le lit pendant six semaines. Oui, à certains moments, je croyais sincèrement que j'allais mourir étouffée dans mon lit.
Cependant, le fait de ne plus pouvoir travailler n'était pas une raison pour moi de m'inquiéter. Je pouvais me concentrer sur ma guérison puisque je détenais une assurance-invalidité offerte par mon employeur. Comme prévu, j'ai reçu des prestations d'invalidité de courte durée pendant les 16 premières semaines de mon congé, au cours desquelles j'ai fait 2 tentatives de retour au travail infructueuses. Malgré cela, ma demande de prestations d'invalidité de longue durée a subséquemment été rejetée. C'est alors que j'ai fait une demande de prestations de maladie de l'assurance-emploi.
Comme ma santé ne s'améliorait pas, je me doutais bien que 15 semaines de prestations ne suffiraient pas à subvenir à mes besoins jusqu'à ce que je puisse retourner au travail ou jusqu'à ce que l'action en justice que j'ai intentée contre ma compagnie d'assurance soit réglée. Je me retrouverais bientôt sans le moindre revenu. Je serais bientôt obligée de vendre ma maison pour survivre. Je comprends que pour certains, une maison n'est qu'une maison, mais pour moi, c'était de loin mon bien le plus précieux, acquis grâce à une vie de travail acharné, de dévouement et de sacrifices.
Plus tôt cette année, dans le but de sensibiliser les représentants élus à mes difficultés financières, à la perte à laquelle je faisais face et à la triste réalité vécue par d'autres victimes de la COVID de longue durée partout au pays, j'ai raconté mon histoire dans les médias, en vain.
Les nouveaux propriétaires ont pris possession de la maison de mes rêves il y a trois semaines et demie.
Qu'auraient signifié pour moi 50 semaines de prestations de maladie de l'assurance-emploi? D'abord, je serais en train de témoigner depuis le bureau de ma maison de rêve en ce moment même. Oui, le montant aurait été inférieur au revenu que j'aurais dû recevoir de ma compagnie d'assurance, mais il aurait été suffisant pour me permettre de garder ma maison jusqu'à ce que je puisse reprendre le travail avec succès, ou jusqu'à ce que mon action en justice soit réglée, ou encore jusqu'à ce que la pandémie soit suffisamment maîtrisée pour que je puisse louer des chambres dans ma maison en toute sécurité pour joindre les deux bouts. Cela aurait fait toute la différence.
Étant donné que la vaste majorité des Canadiens ne possèdent pas d'assurance-invalidité, pour de nombreuses victimes de la COVID de longue durée, les problèmes financiers s'accumulent depuis déjà au‑delà d'un an. Comme moi, elles doivent épuiser leurs économies, encaisser leurs REER et vendre leur voiture, leur maison et d'autres biens pour survivre. Dans un pays comme le Canada, c'est tout simplement inacceptable.
Alors que de nouveaux programmes de soutien gouvernementaux ont été créés et que d'autres ont été adaptés pour aider les personnes dont les sources de revenus ont été touchées de manière négative par la pandémie, en plus d'être ignorées, les personnes atteintes de la COVID de longue durée ont subi de la discrimination en n'étant rendues admissibles à aucun de ces programmes.
Je vous pose donc cette question: comment se fait‑il qu'au Canada, un an et demi après le début d'une pandémie mondiale, les personnes malades soient les seules à ne pas recevoir l'aide financière supplémentaire dont elles ont besoin pour survivre? Je contribue financièrement à ce pays depuis plus de 32 ans maintenant; je n'aurais jamais dû perdre ma maison parce que je suis tombée malade. Aucun Canadien ne devrait avoir à vivre une telle expérience.
Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais en choisissant de prolonger les prestations de maladie de l'assurance-emploi de 15 à 50 semaines, vous fournissez aux Canadiens malades et vulnérables beaucoup plus qu'une aide financière. Vous leur donnez la tranquillité d'esprit et la possibilité de se concentrer sur ce qui compte le plus: recouvrer la santé. Vous leur offrez la chance de guérir, afin qu'ils puissent reprendre leur vie et redevenir des citoyens productifs.
Au chapitre des prestations de maladie de l'assurance-emploi, le Canada peut et doit faire mieux.
Je vous remercie.
Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui, et je suis heureuse d'être parmi vous.
Je suis aussi très contente d'avoir entendu Mme Renaud parler des répercussions de la COVID‑19 de longue durée. J'en ai d'ailleurs parlé lors de mon témoignage précédent, ici, au mois d'avril dernier.
Je vous rappelle un peu mon histoire. Après avoir survécu au cancer à trois reprises en cinq ans, j'ai lancé ma pétition en 2009, laquelle a amassé plus de 620 000 signatures, dont plus de 500 000 signatures papier d'une province à l'autre. Cette pétition a mené à plus de 13 projets de loi et à de nombreuses promesses politiques. Vous savez donc que, depuis tout ce temps, je milite à l'échelle nationale pour que la situation s'améliore. Je suis fière de constater qu'il y a des politiciens, comme Mme DeBellefeuille, qui travaillent très fort à cet égard. Si nous sommes ici aujourd'hui pour faire avancer un projet de loi, en même temps, je trouve inconcevable que ce soit le 13e projet de loi depuis 2009.
J'aimerais rappeler que le Parti libéral, avant son arrivée au pouvoir, était l'un des partis qui a milité le plus pour faire prolonger les prestations à 52 semaines. J'ai travaillé avec M. Denis Coderre sur le projet de loi C‑291. Il est triste de voir qu'une fois le parti arrivé au pouvoir, tout a changé, malheureusement.
En fait, il a été démontré qu'il était possible de prolonger les prestations à 50 semaines. Les experts le recommandent depuis toujours. Subitement, on annonce que la durée sera de 26 semaines. Je m'explique mal ce revirement, car nous avons les moyens pour le faire. J'ai eu justement une rencontre avec et en décembre 2019. Il avait alors été clairement établi que la durée des prestations ne serait pas de 26 semaines et que cela serait inadéquat. Le gouvernement devait revenir avec une autre proposition. M. Sansfaçon en parlera plus longuement tout à l'heure.
Le rapport du directeur parlementaire du budget démontre bien que c'est possible. Près de 80 % des gens qui dépassent la période de prestations ont besoin d'un minimum de 41 semaines de prestations. Si l'on établit une période de 26 semaines, beaucoup de personnes tomberont à travers les mailles du filet. Il a fallu 50 ans pour réussir à avoir une possible augmentation.
Je pense qu'en tant que pays, le Canada passe à côté de l'objectif. Une durée de prestations de 26 semaines amènera encore les personnes à vivre des difficultés financières et à se retrouver dans la pauvreté. Mme Renaud l'a mentionné, ce sont des gens qui ont cotisé au régime toute leur vie.
La COVID‑19 de longue durée, c'est un problème qui est en émergence. On dit que le gouvernement a seulement aidé 23 % des personnes malades, mais, en raison de la COVID‑19 de longue durée et de toutes les complications qui vont suivre, ce pourcentage va diminuer. Il y aura encore beaucoup plus de personnes malades. C'est faux de dire que l'on peut toujours fonctionner avec le soutien de programmes temporaires. Cela n'a pas de bon sens. Ce problème vient illustrer quelque chose qui existe depuis beaucoup d'années.
J'ai entendu de nombreux témoignages de gens qui ont perdu leur maison, leur dignité, tout, parce qu'il ne leur manquait que quelques semaines de prestations pour s'en sortir. Sincèrement, je n'en reviens pas encore de toute cette situation.
Le Canada est le seul pays du G7, à part les États‑Unis, à donner moins de un an de prestations. Tous les autres pays offrent entre un an et trois ans. Nous sommes les seuls à donner un si faible pourcentage, qui se situe aux alentours de 55 %. L'Australie et les Pays‑Bas offrent deux ans de prestations. La Hongrie et même l'Afrique du Sud donnent un an de prestations.
Je ne comprends pas que le Canada ne soit pas gêné de se faire traiter de cancre en matière de programmes sociaux par l'Organisation des Nations unies, ou ONU. Qu'est-ce qui se passe au Canada? Qu'y a-t-il de si différent ici?
Dans le cadre des discussions concernant le dernier budget, j'ai entendu des gens dire que, si la période de prestations s'étendait au-delà de 26 semaines, les prestataires allaient en abuser, qu'ils allaient prendre un plus grand nombre de congés, voire qu'ils ne reviendraient plus travailler.
On nous a dit que des études avaient été faites à ce sujet. Où sont-elles? Qui les a faites? C'est une bonne question, parce qu'elles n'ont jamais pu être retrouvées.
Si cela posait un problème, je pense que la situation aurait été documentée depuis longtemps par tous les autres pays qui ont déjà des mesures plus sensées en place. Des 15 semaines de prestations actuelles, les gens en utilisent 9,8 en moyenne. Donc, [difficultés techniques] je crois que l'on aurait vu depuis longtemps les gens étirer leur congé de maladie jusqu'au bout.
Je rappelle que c'est le médecin qui accorde le congé de maladie et que ce ne sont pas les gens eux-mêmes qui s'octroient des congés. Je ne vois pas sur quoi l'on se base pour dire qu'après 50 semaines de prestations de maladie, les gens seraient désengagés. Je ne pense pas qu'après cette période, compte tenu de toutes les factures à payer, une personne déciderait qu'elle n'a plus besoin de retourner travailler parce qu'elle se serait enrichie avec cela.
J'ai affronté le cancer trois fois, avec toutes les conséquences qu'il a eues et qu'il a encore sur ma vie aujourd'hui, et je sais que les gens veulent retourner travailler, qu'ils aient eu le cancer ou une autre maladie. Ce n'est pas juste pour l'argent, c'est pour leur dignité. Ils veulent prendre leur place comme citoyens actifs. Je trouve donc cela terrible, que l'on pense de telles choses.
J'aimerais aussi attirer votre attention sur deux autres points dont on ne parle pas assez souvent.
Premièrement, beaucoup de gens doivent recourir aux programmes d'aide sociale et de dernier recours à cause de cette mesure inadéquate. Si l'on augmente le nombre de semaines de prestations à seulement 26, le nombre de personnes qui sont dans cette situation ne va pas diminuer beaucoup. Cela crée un manque à gagner important. Il y a des personnes qui ne retournent pas travailler à cause de cela, parce qu'elles ne sont pas capables de s'en sortir. On assiste à un phénomène de transmission intergénérationnelle de la pauvreté. Comme vous pouvez le voir en regardant le tableau fourni dans mon mémoire, cela se transmet sur un minimum de trois à cinq générations. Pour une famille qui a manqué d'argent à cause de cela et qui a dû recourir à l'aide sociale, on peut donc s'attendre à voir 1 000 familles vivant dans la pauvreté, sans que l'on puisse en retrouver la cause. C'est sans parler de tous les coûts supplémentaires que cela engendre et que l'on connaît. Cela crée également toutes sortes de problèmes en ce qui a trait aux programmes de santé et aux programmes sociaux.
Deuxièmement, on se retrouve avec une foule de gens qui ont non seulement perdu leur dignité, mais qui ne paient plus de taxes ni d'impôts. Il y a là un manque à gagner incroyable. De plus, comme je l'ai dit, cela surcharge le système de santé. Les inégalités socioéconomiques en matière de santé imposent un fardeau économique direct annuel d'au moins 6,2 milliards de dollars. Il est vrai que ce ne sont pas uniquement des gens qui sont en difficulté à cause de l'insuffisance des 15 semaines de prestations de maladie, mais c'est une partie du problème. C'est une roue qui tourne et cela se répercute partout. Personne ne gagne à rester dans cette situation.
On a fait une étude qui démontre qu'il est possible d'augmenter davantage le nombre de semaines de prestations, et les statistiques démontrent que c'est ce qu'il faut faire. Je ne comprends donc pas ce revirement de situation, alors que les libéraux sont maintenant au pouvoir et qu'ils ont l'occasion de mettre en place des mesures qui seraient incroyablement mieux adaptées au XXIe siècle. En 1971, quand cette loi a été mise en place, les gens décédaient du cancer. C'était triste. Maintenant, les gens y survivent.
Je vous remercie de votre attention.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour. Je m'appelle Julie Kelndorfer. Je suis la directrice des Relations gouvernementales et communautaires de la Société canadienne de la sclérose en plaques. Je compte aussi parmi les 90 000 Canadiennes et Canadiens atteints de sclérose en plaques. Le Canada a l'un des taux les plus élevés de sclérose en plaques au monde.
Je suis ravie d'être ici pour discuter avec vous du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi, maladie, blessure ou mise en quarantaine, et pour vous présenter l'importante perspective des Canadiens atteints de sclérose en plaques.
Les moments difficiles que nous connaissons aujourd'hui ressemblent à ce que vivent les personnes qui doivent composer avec la sclérose en plaques au quotidien. Chaque jour, les personnes touchées par la sclérose en plaques doivent faire face à l'adversité et mobiliser toute leur énergie pour persévérer: la femme souffrant d'une forme progressive de sclérose en plaques qui a de la difficulté à boutonner sa blouse le matin, mais qui est déterminée à danser au mariage de sa petite-fille; l'athlète qui ignore les picotements et l'engourdissement dans ses jambes pour mener l'équipe de son école secondaire à la victoire; l'avocate dont la vision et les pensées sont embrouillées; le père qui a de la difficulté à prononcer le nom de son enfant; la passionnée de vélo qui commence à perdre l'équilibre.
Le Canada affiche l'un des taux les plus élevés de sclérose en plaques au monde. Les Canadiens savent que la sclérose en plaques peut être brutale, injuste et accablante; que c'est une maladie qui prend sans jamais redonner, et qui menace sans cesse d'en prendre encore plus. La sclérose en plaques touche l'ensemble de la population canadienne, non seulement les personnes qui en souffrent, mais aussi leur famille.
Permettez-moi de commencer par une histoire. Imaginez un instant une diplômée universitaire de 29 ans, mariée et mère d'un fils d'un an, qui commence sa carrière dans le secteur sans but lucratif. Un jour, elle entre dans le cabinet de son médecin et repart sans savoir ce que l'avenir lui réserve. Pourquoi? Parce qu'elle vient de recevoir un diagnostic de sclérose en plaques. Cette femme, c'est moi il y a 17 ans.
Comment réagiriez-vous si l'on vous disait que vous avez une maladie imprévisible et souvent invalidante du système nerveux central, qui affecte votre cerveau et votre moelle épinière, et qu'on ignore ce qui vous attend? On vous dit que vous faites partie des 12 personnes qui reçoivent un diagnostic de sclérose en plaques chaque jour et que l'incidence de cette maladie est 3 fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Le problème, c'est que personne ne peut vous dire quels seront les symptômes, quand ils se présenteront et quelle sera leur gravité, des symptômes comme ceux que j'ai éprouvés: de la fatigue, de la douleur, de l'engourdissement, des spasmes, des tremblements, des vertiges, de la faiblesse et plus encore. On ne peut pas non plus vous dire où vous les ressentirez. Tout dépend de la partie du cerveau et de la moelle épinière qui est touchée, ce qui peut varier considérablement d'une personne à l'autre et, à l'occasion, chez la même personne.
Ce jour‑là, j'ai quitté le cabinet du médecin, je suis montée dans ma voiture, j'ai téléphoné à mon mari et je lui ai dit en pleurant que quoi qu'il arrive, je ne voulais pas me retrouver dans un établissement de soins de longue durée. Pourquoi ai‑je réagi de cette façon? Parce qu'à l'époque, c'est ce que je savais de la sclérose en plaques. Ma tante est décédée dans la cinquantaine d'une forme progressive de la sclérose en plaques. Elle ne pouvait plus se déplacer seule ni parler; elle ne pouvait que hocher la tête. Elle vivait dans un établissement de soins de longue durée avec des personnes de 20 ou 30 ans de plus qu'elle. J'avais peur que la même chose m'arrive.
Je ne savais pas que d'autres personnes étaient atteintes de cette maladie sans souffrir de la forme progressive qu'avait ma tante. Comme ces personnes, j'avais reçu un diagnostic de sclérose en plaques récurrente-rémittente. Cette forme de la sclérose en plaques est caractérisée par des périodes imprévisibles, mais clairement définies au cours desquelles de nouveaux symptômes apparaissent ou les symptômes existants s'aggravent. Entre les rechutes, la rémission est complète ou presque. Quatre-vingt-cinq pour cent des personnes qui reçoivent un diagnostic de sclérose en plaques sont atteintes de cette forme; on l'appelle aussi une invalidité épisodique.
Quand j'ai reçu mon diagnostic, je m'inquiétais de la sécurité financière de notre famille. Mon fils n'avait qu'un an. Nous commencions dans la vie. Nous avions un prêt hypothécaire, des paiements de voiture, des prêts étudiants et d'autres dépenses. Qu'arriverait‑il si j'avais une rechute et que je ne pouvais pas travailler à temps plein, mais seulement à temps partiel pendant que je me rétablissais? Aurais‑je accès à de l'aide financière?
Ce que j'ai appris alors et que je continue de découvrir tous les jours, cependant, c'est que les programmes actuels de soutien du revenu et d'aide à l'emploi pour les personnes handicapées n'ont pas été conçus en fonction des invalidités épisodiques. Au Canada, bon nombre des programmes destinés à aider les personnes handicapées sont conçus en fonction d'un paradigme binaire: soit on peut travailler, soit on ne peut pas. Les personnes atteintes d'invalidités épisodiques sont peu nombreuses.
L'emploi est un facteur clé pour conserver un revenu adéquat et réduire la pauvreté. Des recherches montrent que les personnes atteintes de sclérose en plaques affichent des taux de chômage disproportionnellement élevés compte tenu de leurs études et de leurs antécédents professionnels. Pourtant, de nombreuses personnes aux prises avec la sclérose en plaques qui veulent travailler ont peine à le faire.
Souvent, le problème est un manque de souplesse, d'adaptabilité et de compréhension des invalidités épisodiques. Il faut absolument laisser tomber la conception binaire du travail, selon laquelle ou bien la personne peut travailler et n'a pas droit à de l'aide, ou bien elle ne peut pas travailler et a droit à de l'aide. Plus de 60 % des personnes souffrant de sclérose en plaques finissent par arriver à un point où elles ne peuvent plus travailler. Il est donc clair qu'il faut en faire plus pour soutenir les personnes atteintes d'invalidités épisodiques.
Malheureusement, le programme de prestations de maladie de l'assurance-emploi, qui a été conçu dans le but précis de remédier à ces problèmes, n'a pratiquement pas subi de modifications depuis les années 1970. Pour contextualiser, à l'époque où il a été mis sur pied, il était légal de fumer à bord des avions, les pantalons à pattes d'éléphant étaient en vogue et le régime universel d'assurance-maladie faisait ses premiers pas. Le programme fournit aux employés assurés jusqu'à 15 semaines d'aide financière s'ils sont incapables de travailler pour des raisons médicales. Pour y être admissible, il faut avoir accumulé au moins 600 heures de travail. Bien qu'il constitue un important filet de sécurité, il comporte aussi des défauts de conception et des éléments dépassés, notamment la perception binaire du travail, qui ne s'applique pas aux personnes devant reprendre leurs activités professionnelles progressivement ou à celles atteintes d'invalidités épisodiques.
Pour les 13 millions de Canadiens qui ne bénéficient pas d'une assurance-invalidité de courte durée selon un rapport de 2015 de l'Institut de recherche en politiques publiques intitulé Leaving Some Behind: What Happens When Workers Get Sick, cela signifie qu'à la fin des 15 semaines, ces personnes peuvent soient être rétablies soit ne plus rien recevoir. Par ailleurs, d'après le rapport de la table ronde sur l'assurance-emploi de 2019, 3 des 4 grands partis ont reconnu dans leur programme électoral de 2018 qu'il était temps de prolonger la période de prestations de 15 semaines. Nous étions ravis de constater que la prolongation des prestations de maladie de l'assurance-emploi faisait partie de [Difficultés techniques] soutenir un plus grand nombre de Canadiens au moyen de ces prestations.
En 2019, le Comité HUMA a publié un rapport sur les invalidités épisodiques. C'était ma dernière comparution devant le Comité. Le rapport stipule qu'Emploi et Développement social Canada doit prendre des mesures importantes pour améliorer le soutien offert aux personnes aux prises avec des invalidités épisodiques.
Souffrir de sclérose en plaques, c'est vivre dans l'incertitude et l'imprévisibilité. Or là où il devrait et pourrait y avoir de la certitude et de la prévisibilité, c'est au chapitre des mesures de soutien offertes aux personnes atteintes de sclérose en plaques ou d'invalidités épisodiques. Aujourd'hui, en 2021, alors que la pandémie bouleverse notre économie et prive les Canadiens de leur gagne-pain, le temps est venu d'agir. Au nom des Canadiennes et des Canadiens atteints de sclérose en plaques et des dizaines de milliers d'autres membres de notre communauté, la Société canadienne de la sclérose en plaques demande au Comité d'appuyer la prolongation des prestations de maladie de l'assurance-emploi.
Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole.
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Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui et d'accepter que je témoigne devant vous.
Je m'appelle Louis Sansfaçon. Pour moi, c'est un privilège d'avoir été invité à vous présenter cette allocution. De toute évidence, rien ne me destinait à un pareil événement. Cependant, les circonstances de la vie, la promesse faite à ma fille, Émilie, et mon désir de bien faire valoir sa volonté me motivent et expliquent ma présence.
C'est donc à titre de citoyen et à la douce mémoire de ma fille que je le ferai.
Je suis le père d'Émilie. À l'âge de 29 ans et demi, elle a reçu un diagnostic de cancer colorectal au stade 3. La gravité de la maladie a nécessité deux interventions. Une première consistait, malheureusement, à mettre un terme à sa grossesse, qui ne faisait que commencer. La deuxième, trois jours après l'annonce, a été de procéder à une intervention chirurgicale très importante.
Vous comprendrez tous qu'il n'était pas question pour elle de retourner au travail. Elle a donc fait une demande pour obtenir des prestations de maladie de l'assurance-emploi. Elle a alors appris qu'elle ne bénéficierait que de 15 semaines de prestations pour guérir. Elle a donc obtenu 11 semaines de moins qu'un proche aidant, qui, lui, pouvait l'accompagner durant 26 semaines. Pourtant, son médecin spécialiste venait de lui indiquer que le protocole de soins allait durer au moins 38 semaines. L'absurdité de cette situation est évidente, voire irréelle.
Émilie a tout tenté, en vain, pour obtenir plus de semaines de prestations. Elle a fait des appels téléphoniques et multiplié les rencontres. Une fois les 15 semaines épuisées depuis quelques mois déjà, malgré la fatigue, mais persuadée que sa jeunesse lui permettrait de traverser cette épreuve, et, surtout, devant un gouffre financier, elle a décidé de retourner au travail afin d'accumuler les heures qui lui étaient nécessaires pour se qualifier à nouveau pour l'assurance-emploi et de se prémunir contre une récidive, peu probable, croyait-elle.
Entre-temps, ma fille et moi avons fait des démarches auprès de notre député et ministre, . Il s'est dit bien attristé de la situation et qu'il la comprenait, mais nous n'avons obtenu aucune prise de position de sa part, sauf pour nous dire qu'il travaillerait à l'amélioration de la situation et que l'assurance-emploi était particulièrement difficile à gérer, compte tenu de la multitude de programmes.
Émilie et moi avons obtenu une audience privée avec le premier ministre, ainsi qu'avec la . Nous avons alors obtenu de M. Trudeau l'engagement de faire mieux que 26 semaines de prestations. M. Trudeau nous a dit, à ce moment-là, que le gouvernement minoritaire allait probablement aider à soutenir une proposition de prestations d'une durée supérieure à 26 semaines, et qu'il comprenait la situation. Cependant, nous n'avons pas obtenu plus d'information à ce moment-là, et il n'a pas précisé sa pensée.
Sans avoir réussi à cumuler le nombre d'heures nécessaires, Émilie a été informée du fait qu’elle devait faire face, malheureusement, à une récidive importante.
Malgré son état, Émilie a continué à faire des apparitions à la télévision et a donné quelques entrevues à des journaux pour sensibiliser l'opinion publique, car elle n'avait reçu aucune promesse réelle de changement. Elle voulait que les prestations de maladie passent de 15 à 50 semaines.
Évidemment, ces 50 semaines ne constituent pas un cadeau. Il ne suffit pas de s'inscrire pour obtenir 50 semaines. Il faut qu'il y ait un suivi médical. À partir du moment où quelqu'un est guéri et qu'il peut retourner au travail, il le fait. Comme bien d'autres l'ont dit avant moi, les gens ne veulent pas juste survivre avec seulement 55 % de leur salaire. Ils veulent retourner au travail pour se valoriser par le travail et être des exemples pour leurs enfants. Ces 50 semaines ne sont pas l'occasion de s'offrir un voyage au Club Med. Il s'agit, d'ailleurs, d'un maximum de 50 semaines. Si une personne est guérie après 34 semaines, elle retourne au travail à ce moment-là. Cependant, elle n'a pas à subir le stress de se demander comment joindre les deux bouts entre la 15e semaine — maintenant la 26e — et la 34e semaine.
Or, Émilie n'ayant pas accès à des prestations de maladie, ses amis et la famille ont organisé des soupers-bénéfice, des soirées-spectacles et une campagne de financement participatif au moyen de la plateforme GoFundMe afin de soutenir financièrement cette petite famille comprenant deux enfants, âgés respectivement de trois ans et de sept ans.
Il est quand même aberrant de voir que, au Canada, Émilie a dû se résigner à mendier ou à demander la charité, ni plus ni moins, car c'est bien de cela qu’il s'agit. Elle a dû demander la charité. Bien sûr, elle n'a pas contribué à l'assurance-emploi pendant 26 ans, puisqu'elle est morte à 31 ans. Toutefois, compte tenu du fait qu'elle a cotisé au régime pendant 15 ou 16 ans, elle aurait dû profiter d'un soutien financier.
Au cours de la même période, le Canada a été touché par la pandémie. Des mesures financières exceptionnelles ont été prises pour soutenir 9 millions de personnes, et c'est bien ainsi.
Émilie, comme des centaines de milliers de malades, partout au Canada, avait épuisé ses prestations de 15 semaines, on le sait, et elle n'a pas eu droit à la Prestation canadienne d'urgence, ou PCU, comme cela a été dit précédemment.
Étant donné que sa maladie n'était pas liée à la COVID‑19, Émilie ne pouvait pas démontrer sa disponibilité pour le travail. Je suis surpris lorsque j’entends le gouvernement dire qu'il ne laissera tomber aucun Canadien. Il serait selon moi urgent et important de définir le statut d'un travailleur malade. Est-il toujours un Canadien? Puisque nous ne sommes pas à l'abri d'autres virus et que la COVID‑19 aura ses propres conséquences à moyen et à long terme, il faudra y réfléchir.
Imaginons la situation d'une dame qui reçoit aujourd'hui un diagnostic de cancer. Puisque les hôpitaux n'ont pas la capacité de l'accueillir immédiatement, les semaines passeront, la maladie prendra de l'ampleur et gagnera du terrain. Finalement, elle entamera ses traitements vers la 11e semaine de ses 15 semaines de prestations de maladie. C'est une situation stressante et aberrante.
Comme je vous l'ai dit, Émilie est décédée le 5 novembre 2020, à l'âge de 31 ans, soit moins de 11 mois après avoir rencontré . Elle n'a jamais su que le gouvernement avait pris position sur cette question et annoncé dans son budget que le nombre de semaines de prestations ne serait augmenté qu'à 26 semaines. Vous n'avez pas connu Émilie. J'ose à peine imaginer quelle aurait été sa déception, surtout que l'on a brisé une promesse.
Plusieurs mesures ont été annoncées dans le récent budget. Le gouvernement a fixé à 26 semaines la durée des prestations de maladie, faisant fi du vote majoritaire en deuxième lecture en faveur du projet de loi , parrainé par la députée Claude DeBellefeuille, que vous avez entendue plus tôt.
Le simple citoyen qui apprend par le truchement des journaux que le vote a été majoritaire sera convaincu que les changements auront lieu et qu'il sera possible d'accorder 50 semaines de prestations de maladie, mais il n'en est rien. Les jeux politiques et le possible déclenchement des prochaines élections viendront probablement changer la donne. Je ne connais pas bien la structure gouvernementale, mais j'ai l'impression que ces éléments peuvent peser dans la balance.
La Société canadienne du cancer, quant à elle, indique que le traitement du cancer du sein et du côlon, deux des cancers les plus importants et les plus souvent diagnostiqués chez les Canadiens, nécessite de 26 à 37 semaines de traitement. [Difficultés techniques] prouve que les 26 semaines qui seront accordées un jour ne feront assurément pas l'affaire. Le 19 avril 2021, la Société canadienne du cancer a publié un communiqué mentionnant les résultats d'un sondage Ipsos selon lesquels 84 % des répondants étaient d'accord pour que la durée des prestations de maladie soit fixée à 50 semaines. De toute évidence, c'est logique.
Revenons à l'essentiel. Nous ne devrions jamais oublier qu'aucun travailleur n’a demandé à être malade. Personne ne dit qu'il aimerait être malade. Certains cotiseront toute leur vie au régime d'assurance-emploi et n'auront jamais à y recourir, et c'est bien ainsi. D'autres, moins chanceux, qui ont aussi versé les mêmes montants, devront faire face à la maladie. Bien sûr, certains règleront leur situation avant de dépasser les 15 ou les 26 semaines de prestations de maladie.
Cependant, je vous demande aujourd'hui de considérer des éléments déterminants. Le fait d'amender le projet de loi autorisant la possibilité d'obtenir jusqu'à 50 semaines de prestations de maladie doit être motivé par la recherche de l'équité, de l'humanisme et, surtout, de la volonté de protéger ces travailleurs contre une forme de discrimination. Mme Marie‑Hélène Dubé parle souvent d'assurer la dignité et le respect de la personne, car il s'agit bien d'individus, et non d'une simple statistique gérée par un système informatique. Un jour, on apprendra que cette statistique nuira à l'application de nouvelles mesures parce qu'il y aura un problème informatique.
Il est évident que, lorsque nous sommes malades, nous ne militons pas, nous n'organisons pas de manifestations. Tout notre temps et tous nos efforts sont mobilisés pour favoriser un retour rapide au travail, auprès de notre famille.
Au Sommet du G7, qui s'est tenu au Royaume‑Uni, le Canada s'est engagé à donner des milliards de dollars pour l'aide humanitaire. C'est son rôle, surtout en période de pandémie. Pourtant, ici même, en 2019, plus de 420 000 Canadiens ont demandé à recevoir des prestations de maladie de l'assurance-emploi et, comme nous le savons maintenant, les deux tiers d'entre eux ne bénéficieront pas de prestations adéquates. Une réflexion s'impose et une décision s'impose tout autant.
Mon témoignage rejoint également la position de la Fondation québécoise du cancer, des centrales syndicales, des groupes de défense des droits des chômeurs et de diverses organisations. La maladie n'a pas de nationalité ni de religion. Elle n'a certainement pas de province ni de frontière, et j'ose espérer, pour les électeurs, qu'elle n'a pas de circonscription.
La maladie touchera éventuellement l'un de vos proches ou vous-même. En tant qu'électeur, vous souhaiteriez que votre gouvernement prenne des décisions qui respectent vos droits et votre dignité. C'est ce qu'Émilie aurait exigé. Ce sont les demandes et l'information que je lui ai promis de diffuser.
Je vous remercie de votre attention.
Je suis prêt à répondre aux questions des membres du Comité.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie sincèrement, mesdames et messieurs, pour vos témoignages très touchants.
Madame DeBellefeuille, félicitations pour tout ce que vous avez accompli dans ce dossier. Il a fallu de grands efforts pour porter le projet de loi jusqu'ici, et je tiens à vous féliciter sincèrement pour votre travail acharné. La vie de milliers de Canadiens pourrait s'en trouver améliorée, comme nous l'avons entendu dans les témoignages présentés aujourd'hui.
Monsieur Sansfaçon, votre témoignage m'a particulièrement touchée, vous qui êtes ici au nom de votre fille, Émilie Sansfaçon, qui avait le même âge que moi lorsqu'elle est décédée du cancer l'automne dernier. Comme tous le savent, Mme DeBellefeuille a nommé le projet de loi en l'honneur de votre fille, en reconnaissance des courageux efforts qu'elle a déployés pour attirer l'attention du et du gouvernement libéral, un exploit remarquable pour une si jeune personne. Son décès me désole profondément. Je vous remercie d'être ici en son nom. Les gestes que vous, son père, faites en sa mémoire m'émeuvent. Encore une fois, merci.
J'aimerais vous poser une question concernant les progrès que le gouvernement libéral a réalisés dans ce dossier, ou l'absence de progrès. Comme d'autres témoins et vous l'avez mentionné, en février 2020, la Chambre des communes a adopté une motion visant à prolonger la période de prestations de maladie jusqu'à 50 semaines. Cette motion a reçu l'appui de tous les partis. Pourtant, il y a plus d'un an de cela, et aucun progrès n'a été fait. Nous savons que les libéraux ont promis 26 semaines, soit la moitié de la période préconisée par votre fille, ainsi que par Mme Dubé, Mme Kelndorfer et les autres témoins ici présents. Même si cette mesure est adoptée, elle n'entrera en vigueur que l'été prochain, en 2022.
J'aimerais savoir ce que vous pensez des progrès que le gouvernement libéral a accomplis jusqu'à maintenant, ou de l'absence de progrès.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous, chers collègues.
J'aimerais remercier de tout cœur les témoins de leurs témoignages. Comme l'a dit Mme Dancho, ils sont émouvants. Cela m'arrive rarement, mais certains des témoignages m'ont laissé sans mot.
J'aimerais citer quelques faits. Nous le savons, mais 90 % des Canadiens — ou 82 % — sont en faveur d'une prolongation des prestations de maladie. Nous savons que cela va de 26 à 37 semaines, que ce soit pour des traitements pour un cancer du sein ou un cancer du côlon.
Nous accueillons régulièrement des citoyens qui sont admissibles à la période de 15 semaines à mon bureau de circonscription. Nous leur disons ensuite qu'ils peuvent combiner les 15 semaines aux 45 semaines pour obtenir un maximum de 50 semaines. Bien sûr, et les témoignages nous ont confirmé ce que nous savions, il faut cela dit être admissible à travailler.
J'ai récemment lu un article dans le Calgary Sun. J'y ai lu l'histoire d'un homme, Scott Reason, qui souffre d'effets à long terme de la COVID et qui ne peut pas travailler. Il était bien sûr admissible à la période de 15 semaines. Son entreprise a gardé son poste dans l'espoir qu'il puisse reprendre le travail, mais il n'est pas apte à le faire et n'est donc pas admissible à la prestation.
J'aimerais d'abord m'adresser à vous, madame Renaud. Votre situation et votre témoignage ont été particulièrement percutants. J'ai lu l'article sur M. Reason dans le Calgary Sun, puis j'ai entendu votre témoignage.
Pourriez-vous nous parler un peu plus de ce que vous avez vécu? Vous avez dit que vous auriez aimé pouvoir témoigner de chez vous, où vous n'avez pas pu rester en raison de ce que vous avez vécu. Pourriez-vous nous parler un peu plus de votre expérience?
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Je vous remercie beaucoup de la question, madame Chabot.
Nous avons eu cet après-midi de bons exemples de ce qu'il faudrait. Vous avez entendu quatre témoignages de personnes, pour qui les 15 semaines de prestations n'ont pas été suffisantes. Cela veut dire que, si vous le vouliez, nous pourrions passer l'année à écouter des témoignages de personnes pour qui les 15 semaines n'ont pas été suffisantes. La plupart d'entre elles n'ont pas eu assez de 26 semaines non plus, puisqu'elles ont été atteintes de maladies qui ont nécessité plus de 26 semaines d'absence du travail.
Ce sont 150 000 Canadiens que nous abandonnons chaque année, parce que l'on refuse de modifier le nombre de semaines. Vous conviendrez avec moi que, 15 semaines, c'est une période qui n'a plus lieu d'être. Les 26 semaines, on pense qu'elles sont déjà en vigueur, mais elles ne le sont pas du tout, comme M. Sansfaçon l'a bien dit. Elles le seront seulement quand le gouvernement va décider de les mettre en place, ce qui n'est pas encore arrivé. Des élections risquent d'être déclenchées et des mois risquent de s'écouler avant l'entrée en vigueur des 26 semaines de prestations, alors que, au moment où l'on se parle, des gens finissent aujourd'hui leur 15e semaine de prestations.
Nous avons le privilège et l'occasion de nous occuper de ces travailleurs vulnérables et abandonnés en prenant aujourd'hui un engagement gouvernemental qui ne modifierait pas la Loi sur l'assurance-emploi chaque semaine. Cela fait 40 ans que cette loi n'a pas été touchée. Or, nous proposons une modification qui répondrait aux nouveaux besoins des travailleurs et permettrait de moderniser les prestations spéciales de maladie en vue de mieux répondre aux travailleurs que nous échappons et que nous allons échapper aussi dans les années à venir.
Nous ne comprenons pas cette insensibilité de la part du gouvernement, parce qu'au fond, le dossier est bien documenté. Quand j'écoute M. Long, j'ai le goût de lui dire qu'il le sait très bien que 26 semaines ne suffisent pas pour un grand nombre de travailleurs malades.
Comme le disait M. Sansfaçon, nous ne demandons pas que tous les travailleurs malades se rendent à 50 semaines. Nous voulons plutôt que ceux et celles qui ont malheureusement besoin de plus de 15 semaines ou de 26 semaines puissent obtenir le soutien dont ils ont besoin pour guérir et revenir au travail.
Nous faisons de la politique et nous adoptons des projets de loi sur toutes sortes de sujets qui ne collent pas à la réalité des gens. Ils ne résonnent pas dans la population. Or, le projet de loi concernant les prestations spéciales de maladie, lui, résonne. Les gens le comprennent, et nous sommes rendus à l'étape qui consiste à moderniser la Loi sur l'assurance-emploi.
Cela m'attriste profondément, madame Chabot, de voir cette résistance politique, qui n'est pas comprise par la majorité des Québécois et des Canadiens, parce que le projet de loi a tellement de sens et qu'il est tellement bien documenté.
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Merci, monsieur Vaughan.
Merci, madame Kelndorfer.
Chers collègues, il ne reste que 30 minutes à la présente séance. Le Comité a quelques travaux auxquels il doit voir, alors je suis désolé de mettre fin à la période de questions pour ce groupe d'experts des plus fascinants, mais c'est exactement ce que nous devons faire.
[Français]
Permettez-moi de remercier et de féliciter Mme DeBellefleuille de son leadership, grâce auquel son projet de loi émanant d'un député s'est rendu à cette étape. Nous lui en sommes très reconnaissants et nous la félicitons.
Chers témoins, je vous répète le message que vous avez déjà entendu. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir raconté des histoires très personnelles dans le cadre d'un forum public, et nous vous remercions de votre passion.
[Traduction]
Merci beaucoup à tous les témoins d'avoir été là aujourd'hui. Il ne fait aucun doute que ces enjeux sont extrêmement importants dans votre vie personnelle et pour les personnes au nom desquelles vous parlez. Ce que vous faites est très apprécié. Sachez que tous les membres du Comité ont été touchés par vos propos. Nous vous remercions infiniment d'avoir été là et, comme cela a été mentionné, d'avoir eu le courage de raconter avec autant de force ce que vous avez vécu.
Sur ce, vous pouvez rester, mais vous êtes libres de partir.
Nous allons maintenant passer aux travaux du Comité.
Chers collègues, nous allons travailler en public, il n'est donc pas nécessaire de se déconnecter.
Il y a quatre points que j'aimerais aborder, et Mme Dancho en a un.
Madame Dancho, afin de nous assurer de ne pas manquer de temps pour le point que vous souhaitez aborder, vous pouvez y aller tout de suite avec votre présentation — si cela vous convient —, et ensuite, nous pourrons peut-être essayer de travailler sur ma liste pendant les 26 minutes restantes.
Madame Dancho, vous avez la parole.
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J'estime qu'il s'agit là d'une demande de bon aloi. Y a‑t‑il des commentaires à ce sujet?
Par souci de clarté, la formulation proposée que l'on m'a fournie est la suivante:
Que, dans le contexte de l’étude sur les répercussions de la COVID‑19 sur les aînés, les témoignages et la documentation recueillis par le Comité lors de la 1re session de la 43e législature dans le cadre de l'étude sur la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID‑19 soient pris en considération par le Comité durant la session courante.
Je pense, compte tenu de l'intervention de Mme Falk, que nous pouvons ajouter « en plus de tout autre témoignage, verbal ou écrit, fourni au cours de l'étude actuelle ».
Le Comité est‑il d'accord? Je crois voir un accord. Merci.
[Difficultés techniques] une question à poser concernant le rapport sur le programme d'assurance-emploi. Ce rapport sera prêt à être déposé à la Chambre lundi, et j'ai l'intention de le faire lundi. Si ce plan change, je vous le ferai savoir immédiatement, mais tout s'annonce bien pour l'instant.
La question suivante est adressée au Comité: le Comité est‑il disposé à demander aux analystes de préparer un communiqué de presse sur le dépôt du rapport sur la réforme de l'assurance-emploi?
Y a‑t‑il des commentaires à ce sujet? Je pense que nous sommes d'accord.
Je prie nos analystes de considérer cela comme une instruction ferme.
La dernière question concerne la Bourse de recherche de la Flamme du centenaire. Nous avons eu une discussion à ce sujet, mais nous n'avons pas encore adopté de motion pour fixer la date limite pour la soumission des demandes ou pour fixer le montant de ladite bourse. Lors de la discussion que nous avons eue le 27 mai à ce sujet, il a été proposé que le montant de la bourse soit fixé à 6 700 $ et que la date limite de soumission des demandes soit le 1er juillet, ce qui semble maintenant un peu trop rapproché dans le temps.
Nous sommes ouverts à vos propositions à ce propos. Êtes-vous toujours à l'aise avec le montant de 6 700 $, et pouvez-vous nous proposer une date limite raisonnable pour la soumission des demandes?
[Français]
Madame Chabot, vous avez la parole.