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Bienvenue à la cinquième réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes.
La réunion d’aujourd’hui se tient selon une formule hybride, conformément à l’ordre de renvoi de la Chambre du 23 septembre. Les délibérations d’aujourd’hui seront accessibles depuis le site Web de la Chambre des communes. Je rappelle que c’est toujours la personne qui parle qui apparaît à l’écran plutôt que l’ensemble du Comité.
Voici quelques règles à suivre pour assurer le bon déroulement de la séance.
Les membres comme les témoins peuvent s’exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d’interprétation sont offerts durant la réunion. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l’anglais ou le français. Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez à la vidéoconférence, cliquez sur l’icône du microphone pour activer votre micro.
Je rappelle aux membres que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Lorsque vous ne parlez pas, assurez-vous que votre micro est désactivé.
J’aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins: Carol Camille de la Lillooet Friendship Centre Society et Juliette Nicolet de l’Ontario Federation of Indigenous Friendship Centres.
Madame Camille, vous avez la parole pour cinq minutes pour votre déclaration liminaire.
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Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs du Comité sur le logement pour les Autochtones en région rurale, urbaine et nordique.
J’aimerais reconnaître le territoire traditionnel des peuples Stl'atl'imx et St'at'imc, sur lequel je vis et je travaille, ainsi que le territoire traditionnel sur lequel vous vous trouvez tous pour tenir cette réunion aujourd’hui.
Je m’appelle Carol Camille. Je travaille pour le Lillooet Friendship Centre dont je suis la directrice exécutive depuis 12 ans.
L’objectif initial du mouvement des centres d’amitié dans tout le Canada était de faciliter la migration des Autochtones depuis les réserves jusque dans les villes ou les centres urbains. Nous étions un lieu de rassemblement et un centre d’aiguillage vers les services communautaires. Aujourd’hui, les centres d’amitié ont pris tellement d’ampleur que nous offrons des services en matière d’éducation, d’emploi, de santé, de toxicomanie, pour mettre fin à la violence, de récréation, de refuge d’urgence, et beaucoup plus encore.
Les centres d’amitié sont le reflet de nos communautés et sont décrits comme des plaques tournantes pour les services. Nous disposons d’un petit budget et d’environ 36 000 points de service. Nous sommes par conséquent bien au fait de l’importance de faire chevaucher nos ressources. Nous savons comment mettre à profit un dollar et arrimer les services pour qu’ils soient polyvalents. Nous avons de solides antécédents pour ce qui est de recueillir des éléments probants pour convaincre nos bailleurs de fonds que soutenir nos organisations est un bon investissement.
Le Lillooet Friendship Centre dessert six bandes Upper St'at'imc dans les communautés environnantes. Toutes ces communautés ont un urgent besoin de logements. Actuellement, il y a un nombre insuffisant de logements locatifs dans la région de Lillooet. Beaucoup de maisons restent vides, et cette situation entraîne un manque de services chez nous. En effet, beaucoup de propriétaires qui ne vivent pas sur place louent leur maison à des entrepreneurs à des prix très exagérés. Pour les propriétaires de terrains et de maisons, cette solution permet de dépenser moins d’énergie et nécessite moins d’engagement de leur part. Il est donc plus facile de louer à des entrepreneurs qui ne viennent en ville que pour de courts séjours. Cependant, avec un taux de disponibilité locative presque nul dans la région de Lillooet, il n’est pas rare que trois ou quatre générations de la même famille partagent la même maison.
Les listes d’attente pour des logements dans la réserve sont longues pour les communautés autochtones locales. Par conséquent, les familles se trouvant sur les listes d’attente sont forcées d’aller vivre dans des communautés urbaines, souvent à une grande distance de leur famille immédiate.
Certains centres d’amitié urbains plus grands disposent de programmes de logement, mais la majorité des centres d’amitié en milieu rural et éloigné n’en ont pas. Comme le Lillooet Friendship Centre, ces centres d’amitié sont alors chargés de trouver des logements sûrs et abordables pour les familles et les personnes seules autochtones qui ont besoin d’un endroit où se loger, ou qui sont sans abri ou à risque de le devenir. Nous travaillons avec les familles et les propriétaires afin de trouver de nouvelles sources de logement, et même pour créer des relations avec ces propriétaires.
Voilà donc un aperçu des tâches que mon personnel et moi-même du centre d’amitié accomplissons sans grandes ressources pour les clients qui se présentent. Nous nous occupons de ces pénuries de services dans notre communauté et nous nous lançons à la recherche de financement pour combler les lacunes.
Tout notre personnel de soutien travaille avec des clients sans abri, des personnes ayant besoin de guérir des effets nocifs de la colonisation, des traumatismes causés par les pensionnats, de la toxicomanie et de l’itinérance. Depuis quelques années, nous fournissons des repas et des logements avec notre refuge pendant les conditions climatiques les plus sévères, soit du début de novembre jusqu’à la fin de mars. Récemment — tout juste la semaine dernière — nous avons reçu une aide supplémentaire du programme Vers un chez-soi pour améliorer les services que nous fournissons à nos clients 24 heures sur 24 dans notre refuge.
Les communautés autochtones de partout au Canada ont déclaré qu’elles allaient prendre soin de leurs membres peu importe l’endroit où ils vivent. Mais pendant la pandémie de COVID que nous traversons, les centres d’amitié ont réalisé que de nombreux bureaux et services à la clientèle de bandes sont devenus difficiles d’accès. Les services offerts dans les centres d’amitié ont enregistré une tendance à la hausse pour ce qui est de venir en aide aux clients autochtones de notre communauté. La pénurie de logements est l’un des problèmes auxquels nous avons à faire face.
Nous sommes impatients d’avoir la possibilité de présenter une demande d’aide financière pour du logement en région urbaine, rurale et éloignée au sein de nos communautés et de travailler avec les membres de nos communautés pour que ce projet réussisse.
Merci.
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Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs.
Je me trouve à Toronto, et j’aimerais reconnaître que Toronto se trouve sur les territoires traditionnels de plusieurs Premières Nations qui ont partagé cette région pour diverses raisons. Ma maison en particulier se trouve tout près d’un ancien campement de la nation sénéca.
Je tiens à remercier Mme Camille, parce qu’elle a donné une excellente description du travail effectué dans les centres d’amitié que l’on retrouve dans un grand nombre de communautés aux quatre coins du Canada. Son expérience se répercute en Ontario.
Concernant la gamme de services offerts et les difficultés entourant le logement, en Ontario, la situation démographique diffère légèrement de celle des autres provinces. Par exemple, 85,5 % des Autochtones de l’Ontario vivent à l’extérieur des réserves. En effet, l’Ontario possède la plus grande population et la plus forte proportion d’Autochtones vivant hors réserve. Bon nombre sont à la recherche d’un logement, et font face à une insécurité extrême à cet égard. Bien entendu, la pandémie de COVID-19 n’a fait qu’aggraver les choses.
Les centres d’amitié en Ontario et l’OFIFC se sont vraiment retrouvés en première ligne pour ce qui est de fournir des logements depuis quelques années, et cette activité n’a fait qu’augmenter au cours des six à huit derniers mois. Les centres d’amitié fournissent directement 151 unités de logement. Il y a 29 centres d’amitié dans toute la province qui fournissent directement 151 unités de logement. Et ce chiffre ne fait qu’augmenter au fil du temps. Il s’agit d’un développement relativement nouveau parce que les besoins sont tellement grands. Les centres d’amitié ont de fait commencé à assurer la distribution de logements eux-mêmes.
L’OFIFC compte aussi parmi les trois actionnaires d’un organisme à but non lucratif s’occupant du logement, l’Ontario Aboriginal Housing Services Corporation, qui est propriétaire d’au moins 2 400 unités de logement individuelles qui sont fournies suivant divers critères, de préférence à des clients autochtones.
La chose importante à comprendre est que le succès des centres d’amitié en Ontario est en train de créer un véritable mouvement sur le plan économique, social et civique dans la communauté autochtone qui compte beaucoup sur la prestation de services axés sur la culture. Lorsque la Stratégie nationale sur le logement est sortie, ce fut une grande déception pour nous de constater que l’on n’avait pas prévu de logements destinés spécifiquement aux Autochtones. Cette décision aurait créé de l’espace pour des services axés sur la culture dans le domaine du logement. Elle aurait aussi créé de l’espace pour l’autodétermination dans le domaine du logement et fait en sorte que des organisations comme la nôtre auraient pu se pencher sur le problème du logement dans ce pays. Bien entendu, la pandémie de COVID est arrivée et a révélé à quel point la situation est désastreuse. Voici donc où nous en sommes.
Il est important aussi de comprendre ce que l’on entend par « dirigé par des Autochtones ». Lorsqu’on parle de choses qui sont gérées par des Autochtones, on veut parler de choses qui sont régies par des Autochtones, gérées par des Autochtones, administrées par des Autochtones, livrées sur le terrain par des Autochtones, à la suite de recherches menées par des Autochtones et évaluées par des Autochtones. Cette approche est le secret de la grande réussite du mouvement des centres d’amitié, d’un bout à l’autre du Canada, et assurément en Ontario.
Concernant ce que l’OFIFC aimerait voir, c’est-à-dire l’élaboration d’une stratégie nationale sur le logement en région urbaine, rurale et nordique, il faut aussi comprendre comment cela pourrait se recouper avec la loi habilitante dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il faudrait aussi tenir compte de l’aspect lié à l’autodétermination qui est crucial pour que les fournisseurs de services possédant la plus grande expertise puissent continuer à faire leur travail.
Je vais m’arrêter ici pour l’instant.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie beaucoup de votre question.
Je vais continuer en anglais, au bénéfice de vos collègues.
[Traduction]
Pour commencer, nous prévoyons que les centres d’amitié participeront de plus en plus à la prestation de services de logement, parce que les besoins sont criants. De fait, si vous regardez un exemple du Québec, le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec, entame actuellement une phase qui consiste à fournir des logements aux étudiants, et il élargit son approche en matière de logements.
C’est une situation qui est en train de se généraliser, d’un bout à l’autre du pays. Le logement est tout simplement un domaine dans lequel les centres d’amitié vont commencer à offrir des services.
Comment la Stratégie nationale sur le logement pourrait-elle nous être le plus utile? La meilleure chose serait d’élaborer une stratégie distincte qui soit réservée au logement pour les Autochtones en région urbaine, rurale et nordique. Historiquement, les intérêts autochtones, les préoccupations autochtones et les réussites autochtones n’ont jamais été abordés dans le contexte d’une approche conforme au groupe dominant.
Une approche distincte, spécifique pour aborder ces enjeux est nécessaire. À défaut de quoi, il faudrait, au minimum, qu’un volet distinct soit créé à l’intérieur de la Stratégie nationale sur le logement dans sa version actuelle. Quoi qu’imparfaite, cette dernière approche correspondrait un peu mieux à ce dont on a besoin — une mise en œuvre qui considère les allocations puisées à même un financement distinct et distribuées de manière indépendante par un organisme indépendant directement aux Autochtones...
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Cela nous ramène un peu à la question posée par M. Vis sur la durabilité. Un financement sur trois ans n'est pas un financement durable. Commençons par cela. Le peu de financement qui est disponible est habituellement alloué à très court terme. De plus, aucun gouvernement n'a fonctionné différemment — tous partis confondus.
Tout le monde est prêt à financer des projets pour un an, deux ans ou trois ans — peut-être même quatre, ce qui n'est pas si mal. Toutefois, comme l'a signalé Mme Camille tout à l'heure, lorsqu'il s'agit de logement, il faut établir des échéanciers qui s'étirent sur des décennies. Mais cela n'arrive jamais.
C'est une tendance dans toute la programmation. À l'échelle provinciale, nous avons réussi à négocier de meilleures ententes. Avec le gouvernement fédéral aussi, nous avons conclu une entente de 10 ans en matière d'emploi. C'est l'approche qui doit être adoptée de manière uniforme.
Les montants sont toujours insuffisants. Les organisations autochtones sont toujours déficitaires, contrairement aux organisations non autochtones — c'est une situation qui se reproduit constamment et de manière générale. Nous pouvons le constater en Ontario, où les montants reçus par les organisations varient littéralement d'un tiers jusqu'à deux tiers dans des régions comparables et dans le même domaine.
C'est une lutte permanente. Et force est d'admettre qu'elle traduit un racisme systémique. Nous pouvons sous-payer les Autochtones et les administrateurs autochtones. Nous pouvons offrir aux Autochtones des services merdiques. C'est la mentalité qui prévaut, et c'est très problématique.
C'est bien pour le gouvernement, parce que nous, les centres d'amitié, fournissons de manière constante des services de grande qualité pour très peu d'argent. Et au bout du compte, cela finit par nous nuire, parce que nous le faisons. Et nous devons continuer à le faire, et le gouvernement peut continuer de nous sous-payer.
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Je remercie nos deux témoins de leur présence aujourd'hui.
Je tiens aussi à remercier l'ensemble des centres d'amitié pour ce qu'ils accomplissent. Comme le faisait remarquer Mme Nicolet, l'éventail des services est large; il ne s'agit pas d'offrir un service en particulier. J'ai eu l'occasion dans ma circonscription de rencontrer des étudiants qui avaient décroché un emploi d'été dans le cadre du programme Emplois d'été Canada et qui avaient été employés par des centres d'amitié. C'est formidable de voir ce qu'ils font sur le plan de l'éducation, des aînés et même des services liés à la toxicomanie, et d'autres services de ce genre. Je veux vous remercier de faire tout cela.
Jusqu'ici nous avons entendu — et cela semble être un thème, cet après-midi — que le financement annoncé est insuffisant. Non seulement pour le logement, mais aussi pour tous les services qui sont offerts par les centres d'amitié.
Étant donné que nous savons que ces services sont très diversifiés, j'aimerais savoir en quoi les centres diffèrent d'un endroit à l'autre, autrement dit, selon qu'ils se trouvent dans une région rurale ou dans une région urbaine.
Mme Camille a mentionné dans sa déclaration liminaire que les centres en région rurale et éloignée ne disposent pas toujours de programmes de logement. Je me demande ce que le gouvernement fédéral pourrait faire en particulier pour pallier ce problème. Est-ce seulement un problème de financement, ou manque-t-on d'idées créatives? C'est tellement important d'adopter un point de vue autochtone, assurément, et pour y arriver, il faut que des voix autochtones se fassent entendre lors de l'élaboration de politiques.
J'aimerais vous entendre sur ce que nous pourrions faire en particulier pour venir en aide aux régions rurales et éloignées.
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Je pense qu'il faut adopter une approche holistique pour éliminer ces obstacles socioéconomiques. Il ne s'agit pas seulement d'augmenter le financement dans un domaine en particulier, il faut l'augmenter dans tous les domaines.
Pour empêcher l'itinérance dans les communautés urbaines et rurales et pour y mettre fin, il faudrait beaucoup de choses pour maintenir le continuum de l'emploi et de l'éducation. Le logement est l'un des maillons de la chaîne. Historiquement, on peut voir que lorsque les Autochtones vivent dans une maison ou une région, ils ont tendance à ne pas déménager aussi souvent tant qu'il y a des logements disponibles pour eux dans leur propre communauté.
Introduire des programmes plus robustes en matière de logement, d'éducation et d'emploi, et favoriser la réalisation de projets à l'endroit où ils vivent sont des éléments essentiels pour maintenir le continuum du logement.
Je suis fermement convaincue que les petites collectivités... Très souvent, si la population est inférieure à 5 000 habitants, elle n'est pas admissible à présenter une demande pour certains de ces programmes. Il existe bien sûr des mesures de soutien pour ces petites collectivités, mais elles ne toucheront sûrement pas les programmes insuffisants qui sont déjà en place.
Merci.
J'aimerais aborder la question de la santé et de la sécurité. Toute personne a besoin d'un logis sûr. Cela contribue énormément à la stabilité dans la vie en général, et les Autochtones ne sont pas différents. Ils ont assurément besoin d'un logis sûr eux aussi.
Je me demande si vous avez constaté des différences entre les localités urbaines, rurales et éloignées. Autrement dit, j'aimerais savoir si, disons, le fait de vivre dans une région éloignée ou rurale plutôt que dans une région urbaine ajoute un élément de vulnérabilité supplémentaire, particulier ou différent par rapport à ce que vivent les Premières Nations.
J'ignore si cela a du sens, mais quelles sont les autres vulnérabilités, si elles existent, découlant du simple fait de se trouver dans une région rurale et éloignée, et qui pourrait influer sur la situation du logement?
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En Ontario, les circonstances sont très particulières, et elles ne sont pas nécessairement les mêmes d'un bout à l'autre du pays. Dans le premier cas, il y a l'Ontario Aboriginal Housing Services Corporation, une organisation avec laquelle les centres d'amitié collaborent régulièrement en vue de développer ce capital. Les centres d'amitié de l'Ontario sont capables de travailler facilement avec l'OAHS.
L'autre particularité de l'Ontario est que le gouvernement provincial fournit un certain soutien à la programmation, c'est un avantage que l'on ne retrouve pas beaucoup dans le reste du pays. Nous avons donc un très large éventail de programmes subventionnés par la province, notamment pour les services à l'enfance.
L'une des choses qu'il faut comprendre au sujet du logement, c'est la grande diversité des éléments. C'est pourquoi nous pensons qu'une approche globale nationale ne donnera pas de bons résultats. Par exemple, en Ontario, nous avons peut-être besoin de capital, mais nous avons aussi des besoins sur le plan des opérations. Nous avons aussi besoin d'une aide financière pour tout ce qui doit être construit autour des logements. Dans les autres provinces, vous aurez besoin de ces trois choses, ou peut-être de seulement l'une d'entre elles.
C'est à ce chapitre que les gouvernements nous font tourner en bourrique. L'absence de collaboration et de coordination intergouvernementale nous rend les choses très difficiles. Et, franchement, c'est stupide, parce que c'est une belle occasion ratée de tirer parti de ce que tous les différents acteurs accomplissent dans le domaine pour obtenir plus d'impact.
Que pourriez-vous faire? Je pense que vous pourriez commencer par prêter attention à ce qui se passe sur le terrain partout où vous allez, et ensuite, vous pourriez déterminer quels sont les besoins. Vous devriez interroger les gens. Les besoins à Lillooet seront différents de ceux de Sioux Lookout ou de Moosonee, ou encore de Toronto, d'ailleurs. De fait, il pourrait y avoir davantage de similitudes entre Sioux Lookout et Lillooet qu'entre Toronto et Sioux Lookout, ou encore entre Toronto et Lillooet. De toute façon, il s'agit vraiment d'adopter une approche vous permettant de déterminer le meilleur moyen de tirer parti du financement que vous fournissez plutôt que de dire, « Nous allons procéder ainsi, et nous adopterons la même approche partout ». Cette approche n'est pas très utile.
Est-ce que cela répond à votre question?
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J'ai un petit côté délinquant, je me fais souvent rappeler à l'ordre. Je suis désolée.
Madame Nicolet, vous avez raison de dire qu'il ne peut pas y avoir de politique uniforme d'une province à une autre, parce que les réalités sont différentes. Par exemple, en Ontario, 85 % des communautés autochtones vivent en milieu urbain, alors que c'est le contraire au Québec, où la majorité d'entre elles vivent encore dans les réserves.
Comment pourrait-on estimer le besoin réel en matière de logements de qualité et abordables? Je ne vous demanderai pas de le chiffrer, puisque vous avez dit que la solution devait être pérenne, qu'il fallait une vision à long terme et qu'un financement à la pièce n'était pas convenable. La solution doit tenir compte des réalités des peuples autochtones et du fait que la gestion, dans tous les sens du terme, doit être effectuée par ces communautés.
Comment pourrait-on estimer réellement ce besoin si on avait à le chiffrer? Je parle de logements de qualité et abordables. Cela nous donnerait une meilleure perspective afin de nous mettre à l'œuvre pour répondre réellement aux besoins plutôt que de le faire à la pièce. Pourrait-on obtenir ces données?
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Merci, monsieur le président.
Pendant la pandémie, j'ai entendu souvent qu'il ne fallait laisser personne derrière. Mais nous savons que les Autochtones dans ce pays, à la suite de violations délibérées des droits de la personne, ont été laissées derrière avant la pandémie. Cette situation est aujourd'hui exacerbée par la pandémie, et plus particulièrement dans le domaine du logement.
Madame Camille, vous avez déclaré qu'il était fréquent de voir, dans le domaine où vous travaillez, des gens qui se retrouvent forcés de quitter leur communauté en raison d'un manque de logements, et qui doivent se rendre dans un centre urbain à la recherche d'un logis.
Quelle incidence cette situation a-t-elle sur la santé mentale? Comment le fait de ne pas avoir le droit fondamental de se loger convenablement influe-t-il sur la santé des Autochtones qui vivent tant dans les réserves qu'à l'extérieur de ces réserves?
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Merci, monsieur le président, et merci à vous, mesdames, de vos témoignages fascinants et de ce que vous accomplissez dans ces communautés.
Dans le cadre de mon précédent rôle de porte-parole de l'opposition pour les relations Couronne-Autochtones, j'ai rencontré beaucoup de dirigeants communautaires et d'intervenants financiers dans le domaine du logement. Le conseil reçu était souvent le même, d'ailleurs je pense que vous l'avez toutes deux mentionné dans vos témoignages aujourd'hui. Les communautés autochtones veulent avoir les outils nécessaires pour prendre leurs propres décisions, y compris dans le domaine du logement. Et elles veulent aussi avoir la capacité financière de le faire.
Ce que cela semblait vouloir dire, comme vous l'avez déjà mentionné, c'est qu'il n'est pas seulement question de logements, mais aussi d'assainissement des eaux, de programmes sociaux, d'éducation et... La liste est longue.
Du point de vue du logement, j'aimerais connaître votre opinion sur certains des thèmes suivants. Ce sont des sujets d'une grande importance, et je ne dispose que de cinq minutes. Aussi, parlons des programmes d'infrastructure autochtones, parce que la première partie de ce que vous avez mentionné concernait le financement.
Est-ce qu'un partenariat avec les communautés autochtones dans le cadre d'accords sur la capitalisation de l'infrastructure comme celui du fonds de 1 milliard de dollars créé par l'Alberta pour créer des possibilités pour les Autochtones pourrait être une solution potentielle au problème du logement? Et est-ce que cela pourrait permettre plus particulièrement de créer de nouvelles sources de revenus pour les communautés afin de leur permettre de tirer parti du capital pour progresser vers l'autodétermination économique?
J'attaquerai la deuxième partie de ma question une fois que vous aurez répondu. Merci.
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En matière de financement, ce dont nous avons besoin, ce sont les moyens d'atteindre l'autodétermination. Que ce soit bien clair: ce qui est nécessaire, ce sont les moyens d'atteindre l'autodétermination et d'être capables d'adopter des approches fondées sur la culture. Des approches qui ne sont pas nécessairement liées au marché.
Prenez le cas, par exemple, de l'Ontario Aboriginal Housing Services Corporation. Cette société offre un éventail d'options: loyer établi en fonction du revenu, subventions et aussi des programmes qui permettent aux gens d'acheter leur propre maison. Il existe entre autres un programme particulier qui permet aux femmes qui fuient la violence d'acheter la maison dans laquelle elles vivent. Des logements ont été construits spécialement à cette fin, pour permettre l'accès à la propriété.
Les approches de marché, toutefois, ne sont pas nécessairement les meilleures pour ce qui est de nous donner la grande souplesse requise pour répondre aux besoins de la communauté, et ce, parce que les besoins sont immenses.
Les marchés du logement de l'Ontario sont comme ceux de la Colombie-Britannique: ils sont dingues. Il est donc plus important pour nous de nous engager dans des approches qui mettent l'accent sur l'abordabilité ainsi que sur la flexibilité et l'autodétermination. Voici quelle serait ma réponse.
Je tiens d'abord à remercier les membres du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de m'avoir invitée à m'exprimer sur ce sujet très important du logement pour les Autochtones dans les régions urbaines, rurales et nordiques.
Je salue tout particulièrement M. Adam Vaughan et M. Michael McLeod, qui défendent la cause du logement dans le Nord. En tant que femme qui ai connu l'itinérance, je leur suis reconnaissante de leurs efforts.
Je me considère comme un colon et comme une personne qui sait ce qu'est le sans-abrisme et qui est allée jeune dans le Nord pour fuir la violence. Chez moi, les réactions traumatiques intériorisées à la violence subie dans l'enfance se sont manifestées sous forme de dépression clinique, d'idées suicidaires constantes et d'un sentiment d'impuissance et de désespoir. Elles se sont aussi manifestées dans un mode de vie chaotique, une instabilité et une prise de risques qui ont limité ma capacité de nouer durablement des relations saines et de bien m'intégrer en milieu de travail.
C'est dans ce contexte que j'ai rencontré et noué des liens avec des femmes et des familles des Premières Nations, inuites et métisses victimes de traumatismes similaires, mais à un niveau génocidaire que décrit bien le rapport de la Commission de vérité et réconciliation.
En tant que témoin direct depuis plus de 45 ans des politiques et pratiques continues instituées par les gouvernements et les fournisseurs de services de logement, je peux témoigner des méthodes déshumanisantes, marginalisantes et destructrices par lesquelles les deux systèmes ont contribué à la situation actuelle de taux épidémiques de pauvreté, d'itinérance, de toxicomanie et de violence dans le Nord.
Ce sont ces cadres coloniaux, décrits de façon trompeuse comme aidant les Autochtones qui étaient incapables de fonctionner sans aide, qui m'ont incitée à militer et à créer un refuge avec un minimum de restrictions, dirigé par des pairs, dont je me suis occupée pendant 25 ans.
Je peux affirmer sans hésiter que moi-même et d'autres femmes dont je sais qu'elles savent d'expérience ce qu'est l'itinérance — et dans le contexte autochtone, des femmes et des familles autochtones — , nous connaissons parfaitement les problèmes et les solutions. Nous pouvons fournir des exemples concrets des deux.
Je sais que mon temps de parole est limité, mais j'aimerais énumérer quelques-uns des problèmes et quelques-unes des solutions.
Les problèmes tiennent au fait que les fonds et les ressources sont détenus par les gouvernements et des fournisseurs de services qui fonctionnent dans un cadre colonial aujourd'hui; que les hommes et les femmes autochtones n'ont pas voix au chapitre dans le processus décisionnel et dans la conception des solutions; qu'il y a une itinérance cachée et qu'il est donc difficile de dire de quel type de logements on a besoin exactement et de quels montants on a besoin pour le logement; qu'il y a des monopoles du logement, notamment dans le Nord, ce qui inclut la société de logement qui expulse massivement des personnes qui se retrouvent à la rue et dans la brousse, sans autre option de logement; que tous les ministères appliquent des politiques punitives, que le parc de logements est insuffisant et qu'un fossé sépare le secteur de « la violence à l'égard des femmes » et le secteur de « l'itinérance chez les femmes ».
Les solutions passent par une stratégie nationale du logement. Nous en avons une, et j'en suis vraiment reconnaissante, seulement, elle présente des lacunes. Ainsi, elle ne comprend pas de volet autochtone contrôlé par la communauté autochtone.
Nous avons besoin d'une stratégie urbaine du logement pour les Autochtones. Nous devons pouvoir accéder à des fonds fédéraux sans passer par les gouvernements provinciaux et territoriaux, simplement parce que, du moins dans notre région et de mon point de vue, ils sont totalement immobilisés et ne savent pas comment débloquer les fonds.
Une autre solution consiste à faire en sorte que les programmes destinés aux Autochtones soient contrôlés par des collectivités et des organismes autochtones. Évidemment, je suis très favorable à la campagne Recovery for All de l'Alliance canadienne pour mettre fin à l'itinérance et aux recommandations du Women's National Housing and Homelessness Network.
Par ailleurs, il est nécessaire aussi de veiller à ce qu'il y ait une approche sexospécifique. Ce n'est pas du tout que les femmes soient plus importantes que les hommes, mais elles vivent l'itinérance différemment et les facteurs qui contribuent à l'itinérance chez les femmes ne sont pas les mêmes.
Enfin, je peux vous donner deux ou trois exemples d'indicateurs manifestes des problèmes et des solutions, si vous voulez. Je ne sais pas combien de temps il me reste.
Je commencerai par un exemple, celui d'une femme autochtone d'une petite collectivité dans le Nord qui a gagné le premier jugement rendu par l'ONU en application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la CEDAW, contre le Canada et contre la société de logement des Territoires du Nord-Ouest pour racisme et discrimination, après qu'elle a perdu son logement à cause de la violence de son conjoint. L'ONU a recommandé que le gouvernement du Canada engage et forme des femmes autochtones afin qu'elles donnent des conseils juridiques à d'autres femmes autochtones sur leurs droits et le droit au logement.
La recommandation des Nations unies n'a pas été suivie à ce jour, malgré les appels à la justice de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et la femme qui a eu gain de cause est toujours sans abri aujourd'hui.
L'autre exemple que je donnerai est celui de la maison de transition du YMCA à Yellowknife qui a été entièrement détruite par un incendie un soir et, tout à coup, 33 familles autochtones se sont retrouvées sans abri. Toutes ces familles ont été hébergées du jour au lendemain dans des logements du marché privé qui étaient vacants, et elles y ont eu accès grâce à un supplément pour le loyer.
Si elles n'y avaient pas eu accès avant, c'est parce que le propriétaire, qui exerce un monopole dans le Nord, a pour politique déclarée, mais illégale, de ne pas louer à des bénéficiaires de l'aide sociale. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, qui est son principal locataire, refuse de contester cette politique en vertu de la législation sur les droits de la personne ou devant les tribunaux.
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Bonsoir. Je souhaite aussi remercier le comité permanent de me donner l'occasion de m'exprimer.
Comme il a été dit, je m'appelle Lance Haymond. Je suis le chef de la communauté algonquine de Kebaowek. Je suis titulaire du portefeuille du logement pour l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador. Par ailleurs, je suis coprésident du Comité des chefs sur le logement et l'infrastructure au niveau national à l'APN. L'autre coprésident est le chef régional Kevin Hart, du Manitoba.
Je suis accompagné de M. Guy Latouche, qui est urbaniste et conseiller de l'AFNQL pour le dossier du logement et de l'infrastructure.
Nous avons été informés que le comité s'intéresse aux obstacles au logement que rencontrent les Autochtones. Sachez que ce problème est pour nous une préoccupation constante. De plus, nous avons dans les Premières Nations du Québec des besoins et des problèmes bien établis en matière de logement.
Il est depuis longtemps reconnu que les collectivités autochtones se heurtent à des problèmes de logement considérables. Depuis 1996, des rapports aussi importants que celui de la Commission royale sur les peuples autochtones et de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics, en 2019, ont largement examiné cette question.
La situation du logement dans les collectivités des Premières Nations au Québec est bien connue depuis 20 ans. Nous recueillons des données depuis 2000, nous les actualisons tous les quatre ans, et nous avons les meilleures données du pays sur les besoins en matière de logement.
Il est à noter que notre parc de logements actuel compte 15 541 unités, mais que nous devons l'augmenter de 10 000 unités, en rénover 8 000 et fournir des infrastructures à plus de 9 000 endroits pour répondre aux besoins. Cela signifie que le besoin financier s'élève à près de 4 milliards de dollars rien que pour le Québec.
Le besoin de nouvelles unités de logement tient notamment à des maisons surpeuplées, à la croissance démographique en cinq ans et au besoin de logement de membres qui vivent actuellement en dehors des réserves, mais qui voudraient vivre dans leur collectivité d'origine.
La migration des membres représente près de 20 % des besoins en matière de logement au Québec. La situation du logement en dehors des collectivités n'est pas bien documentée. Cependant, nous savons que les Autochtones qui migrent vers des zones urbaines ont souvent beaucoup de mal à trouver des logements convenables et abordables. Il n'est pas rare que les conseils de bande ne puissent pas servir leurs membres hors réserve à cause de lacunes dans les programmes gouvernementaux.
Ce qui m'amène à parler du rôle du logement dans la société. Le logement a des effets déterminants sur la santé et le bien-être des personnes et des collectivités, sur le bon fonctionnement de l'économie et sur de nombreux aspects des caractéristiques sociales et culturelles de la société. Nous entendons souvent dire que le logement est un déterminant de la santé. C'est vrai et encore plus dans le contexte de la pandémie actuelle.
C'est aussi un déterminant de la réussite scolaire de nos jeunes et du développement économique de bon nombre de nos collectivités. N'oublions pas que c'est un facteur essentiel de l'inclusion sociale.
Dans son rapport, le commissaire Viens soulignait que la grave crise du logement qui frappe les Premières Nations semble être l'épicentre de nombreux problèmes des Premières Nations au Québec.
Plusieurs indices montrent que le logement est un secteur sous-financé en ce qui concerne les Premières Nations. Au fil des années, l'évolution des affectations du budget fédéral n'a pas suivi les besoins. En moyenne, on ajoute entre 225 et 250 unités par an au parc de logements des collectivités. Je vous rappelle que les besoins actuels sont de 10 000 unités sur cinq ans, et c'est bien démontré.
Les programmes fédéraux existants répondent à moins de 15 % des besoins en matière de logement dans les réserves. Le problème de logement des Premières Nations au Québec est inquiétant. Les populations augmentent, le secteur est sous-financé et l'écart entre les besoins et les réalisations se creuse.
J'ajouterai que la pandémie a, entre autres, pour effet secondaire de faire exploser les coûts de construction. Je crains, même si le statu quo est maintenu, que l'onconstruise moins de logements dans les collectivités des Premières Nations avec les enveloppes budgétaires courantes de Services aux Autochtones et de la Société canadienne d'hypothèques et de logement.
Les retards accumulés se ressentent concrètement dans les conditions de vie dans le parc de logements: des logements surpeuplés et des unités vétustes dont beaucoup ont besoin de travaux de rénovation majeurs.
La situation s'aggrave si nous prenons en considération les différents problèmes que connaissent les Premières Nations et qui compliquent la réalisation des projets de logement. En fait, nos Premières Nations doivent surmonter une série d'obstacles dans la réalisation de leurs projets de logement.
Nous en avons identifié cinq.
Le sous-financement chronique et les difficultés d'accès à des capitaux en est un, car l'accès à tous les programmes de contribution au logement et de garantie de prêt ministérielle existants dépend, en fait, de la situation financière et des ressources de la collectivité.
Ensuite, il y a le manque de capacité à plusieurs niveaux, à commencer par les infrastructures de base. Je parle des services publics d'adduction d'eau et d'égouts qui sont indispensables pour tout projet de logements et qui constituent un préalable pour obtenir des financements auprès de nos partenaires fédéraux.
Dans certaines collectivités, les problèmes se posent même en amont. Elles n'ont pas les terrains nécessaires pour construire des logements. Nous ne devons jamais oublier l'aspect humain. Il est nécessaire d'améliorer les capacités des ressources humaines dans plusieurs Premières Nations.
Ensuite, il y a l'emplacement. Bon nombre de collectivités, notamment celles qui se trouvent dans des régions éloignées ou isolées où l'économie n'est pas florissante, dépendent beaucoup du logement social. Cependant, le programme de la SCHL permet à peine de construire 60 unités de logement social par an dans les collectivités des Premières Nations du Québec.
Je trouve judicieux d'investir dans le logement dans les collectivités des Premières Nations. Lorsqu'on admet que le logement joue un rôle essentiel dans la société, il est facile d'imaginer tous les avantages d'une intervention en amont pour tous les paliers de gouvernement, comme le fait d'éviter d'avoir à gérer des crises généralisées.
Nous avons une stratégie au Québec pour sortir de cette crise. Elle repose sur trois piliers: améliorer les compétences et les capacités au sein des collectivités, réaliser un projet de rattrapage en matière de logement, et une nouvelle approche sur le plan de la gouvernance. Cette stratégie fait appel à tous les intervenants, et franchement, nous ne pouvons pas nier que des investissements fédéraux supplémentaires seront nécessaires pour que nous puissions commencer à combler ce manque croissant.
Je vous remercie.
Pour revenir à votre première question, je suis d'accord avec Mme Hache. Je pense vraiment que le partenariat doit être clairement défini. La difficulté quand on parle d'entités provinciales — et en particulier, au Québec —, c'est qu'elles s'empressent de nous dire qu'elles ne sont pas responsables du logement dans les réserves. C'est une difficulté immédiate.
Nous avons vu des cas, et le meilleur exemple qui me vient à l'esprit est celui de la Colombie-Britannique, où le gouvernement provincial investit des sommes d'argent considérables pour combler le manque de fonds fédéraux. Il y aura donc plus de logements dans les réserves pour les collectivités qui vivent en Colombie-Britannique. Il me semble que si plus de provinces étaient prêtes à avoir ce genre de dialogues, ce serait un bon début et, pour nous, une autre option à examiner.
Quant à savoir si cela peut se faire dans le cadre de la Loi sur les Indiens ou en dehors, je ne crois vraiment pas que ce soit pertinent dans la discussion. À mon avis, ce sont la volonté politique et la nature du partenariat à définir qui donneront, en définitive, des résultats. Il n'est pas vraiment nécessaire de supprimer la Loi sur les Indiens pour créer des fonds d'investissement qui renforcent les capacités, génèrent des revenus et nous aident à répondre à nos besoins en matière de logement dans tout le pays.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous nos témoins. Vous nous apportez des points de vue fort intéressants sur une question fort importante qui doit être examinée.
Ma question s'adresse à Mme Arlene Hache.
Premièrement, je vous souhaite la bienvenue, madame Hache. Je suis heureux de vous voir ici. Je sais que pendant votre longue carrière qui s'étend sur plusieurs décennies, vous vous êtes consacrée au travail de terrain et vous êtes venue en aide aux gens, aux sans-abri, aux femmes, aux familles... Vous avez aidé des gens à trouver un logement dans le Nord. Vous avez vu les programmes se succéder, les projets aussi. Certains ont donné de bons résultats, d'autres ont été moins fructueux.
Tout à l'heure, vous avez commencé à parler de solutions. Si vous aviez la possibilité aujourd'hui de concevoir un programme en mettant à profit tout votre savoir et toute votre expertise, à quoi ressemblerait-il?
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À mon avis, il faut comprendre la réalité des gens et en tenir compte plutôt que de travailler à partir d'une idée de ce qu'elle devrait être.
Il y a 20 ans, nous offrions des options d'hébergement peu restrictives qui tenaient compte de mon expérience de l'itinérance. Mon objectif était de mettre les femmes à l'abri du froid. Leur attitude et mes attentes étaient secondaires. Aujourd'hui, 30 ans plus tard, tout le monde parle de l'accès à des logements avec un minimum de restrictions comme si c'était une nouveauté.
C'est la manière de vivre dans les communautés: les restrictions sont rares parce qu'elles sont très inclusives. À mon avis, les options d'hébergement peu restrictives doivent être sous la supervision des membres des communautés, et ce sont eux qui doivent les concevoir et les offrir.
Aujourd'hui, j'ai été contactée par une communauté des Territoires du Nord-Ouest. La communauté veut mettre sur pied un projet de logements mais, pour le réaliser, elle devra accepter que la société d'habitation en devienne la propriétaire. Les logements n'appartiendraient pas à la communauté. Encore une fois, une communauté se fait dire qu'elle ne peut pas faire ce qu'elle veut.
Nous avons aussi parlé du vandalisme dans les petites communautés. J'ai indiqué que nous étions intéressés et que des travailleurs de la construction pourraient donner une formation aux femmes pour qu'elles puissent construire et entretenir leur logement pour éviter le problème du vandalisme.
Il faut intégrer l'éducation et l'acquisition de compétences aux modèles de logements et il faut diversifier ces modèles. Les femmes que je rencontre ne veulent pas vivre avec cinq autres femmes et 50 autres enfants que les leurs. Elles veulent avoir leur propre chez-soi et être capables de subvenir aux besoins de leur famille.
Je pourrais vous parler longuement des solutions possibles. Il en existe beaucoup. J'ai été à même de constater qu'elles fonctionnent. J'aimerais avoir la possibilité d'en discuter plus longuement.
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Je vais vous donner un exemple. Vous rappelez-vous l'Arnica Inn? C'est un bon exemple de l'absence de communication entre le ministère fédéral et le ministère territorial. Le groupe de femmes était prêt à aller de l'avant. Le propriétaire de l'hôtel était prêt à aller de l'avant. Cependant, au lieu de se parler, les deux paliers de gouvernement se blâmaient l'un l'autre et l'entente a finalement été mise de côté.
Puis la COVID-19 a frappé et, deux semaines plus tard, le dossier a refait surface et il a fallu moins de trois mois pour que l'hôtel soit acheté, que des logements soient offerts et que des gens trouvent un toit. J'ai appris de cette affaire que la collaboration entre les gouvernements est possible.
Cela dit, vous avez certainement entendu parler des 60 millions de dollars que le gouvernement fédéral a versés au gouvernement territorial et qui dorment dans les coffres depuis deux ans.
Je ne vous cacherai pas que je me suis énervée. Je leur ai dit que s'ils ne savaient pas quoi en faire, je pourrais m'en occuper. Je sais comment préparer des propositions et je sais comment parler aux gens dans les communautés.
Je suis d'accord avec vous que nous avons besoin de plus de ressources, mais ce n'est pas tout. Il existe une perception, et c'est important de le réaliser, que le gouvernement est trop déconnecté pour être considéré comme une source valable de soutien. Ce n'est pas mon avis. Je préfère de loin travailler avec le gouvernement fédéral parce que le gouvernement territorial, pour une raison que j'ignore, est complètement immobilisé.
Il faut des ressources sur le terrain, bien évidemment, mais il faudrait aussi que les ressources offertes par le fédéral soient accessibles sans passer par le gouvernement territorial.
J'espère que cela va mieux pour le son. J'ai été obligée de changer de plateforme à la recommandation des TI.
Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant le Comité. Leurs témoignages sont très riches.
Mes questions s'adressent au chef Haymond.
J'ai plusieurs questions à vous poser sur les lacunes des programmes mis en place à l'intention des Premières Nations. D'ailleurs, j'ai lu que, dans la Stratégie nationale sur le logement, des budgets 2017-2018 prévoyaient 600 millions de dollars sur trois ans, une somme visant spécifiquement à soutenir le logement dans les réserves des Premières Nations. Je comprends, selon votre témoignage, que ces sommes sont nettement insuffisantes. Parmi les lacunes, vous avez mentionné le sous-financement chronique. J'aimerais savoir si vous voyez des améliorations.
Vous avez dit qu'il faudrait des nouvelles façons de faire en matière de gouvernance. Vous avez dit que l'un des problèmes, entre autres, c'est que 20 % des besoins concernent la migration de membres qui vivent hors réserve.
Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur ces questions?
Merci beaucoup.
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Je suis désolé, je n'entends pas la traduction.
[Français]
Cela ne me dérange pas, parce que j'ai compris la majorité de vos questions. Je vais toutefois vous répondre en anglais.
[Traduction]
Vous avez raison. C'est un défi. Les programmes actuels sont loin d'être suffisants pour répondre aux besoins en matière de logement au Québec. Nos chiffres nous indiquent que les besoins en logement des Premières Nations du Québec sont passés de 7 000 unités en 2000 à 10 000 unités en 2018.
Cela s'explique notamment par le fait que la partie réservée au logement dans les budgets annuels des dépenses en immobilisations des Premières Nations n'a pas bougé depuis 1990. Depuis 30 ans, l'indice des prix à la consommation a augmenté de façon phénoménale, mais les provisions pour les coûts de matériel et de main-d'œuvre n'ont pas suivi le rythme des hausses des coûts de la construction de logements dans les communautés.
La pandémie donne le meilleur exemple de la façon dont la situation ne fera qu'empirer. Je m'explique.
Au début de mars, juste avant l'éclosion de la pandémie, ma communauté a négocié un budget avec le ministère des Services aux Autochtones et la province de Québec pour un projet de construction d'un nouveau poste de police. Nous avons négocié un budget de 2,7 millions de dollars pour ce projet. En juin, quand nous avons rouvert nos bureaux et commencé à prendre des dispositions pour poursuivre les échanges, nous avons demandé de nouvelles estimations qui indiquaient que les coûts étaient passés de 2,7 millions à 3,177 millions de dollars en moins de trois mois. C'est un exemple parmi bien d'autres.
Les chiffres nous indiquent qu'il y a une nette amélioration quand le gouvernement fédéral injecte des fonds supplémentaires dans le logement des Premières Nations. Quand c'est le cas, la courbe des besoins ne s'infléchit pas, mais elle change. Autrement, la croissance du parc de logements dans les communautés dépend des budgets fédéraux ordinaires.
J'ai mentionné tout à l'heure que les budgets de la SCHL nous permettent de construire une soixantaine de logements au Québec. Nous en construisons en moyenne de 225 à 250 chaque année, ce qui est encore trop peu, mais c'est mieux que rien et c'est grâce aux investissements importants des communautés des Premières Nations.
Actuellement et dans un avenir prévisible, le contexte n'est pas très encourageant. L'ampleur des besoins, la croissance démographique et la hausse des coûts de construction risquent fort d'entraîner une détérioration des conditions de logement des membres des Premières Nations si l'aide financière n'augmente pas.
Par exemple, nous avons profité des retombées du Programme canadien de vérification du rendement énergétique qui a été lancé en 2009-2010 en guise de mesure d'encouragement. Grâce au financement de 600 millions de dollars sur trois ans, il y avait plus d'argent dans le système et nous avons construit plus de logements.
J'espère que j'ai répondu à votre question.
Merci.
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Pour répondre simplement, oui. Je pense que nous sommes entendus, une fois encore, parce que nous avons un comité de liaison régional au Québec qui réunit M. Latouche, des représentants de SAC et de la SCHL et moi-même pour trouver ensemble des solutions. Je suis convaincu que cela nous aide à trouver de vraies solutions.
Le but ultime, comme je l'indiquais dans mes observations préliminaires, est de nous occuper du logement pour nos collectivités des Premières Nations et de le contrôler, mais nous avons beaucoup à faire. Nous devons renforcer les capacités dans nos collectivités. Nous avons besoin d'agents de logement solides. Il faut que les chefs et les conseils sachent vraiment ce que coûte le logement. À l'heure actuelle, nos efforts portent sur le renforcement des capacités.
Le deuxième axe de notre stratégie concerne les différents types de financement et de programmes que nous, Premières Nations, pouvons mettre sur pied et qui sont le plus logiques pour nous au Québec. Je crois fermement que les solutions à nos problèmes en matière de logement viendront de nous ici, dans la région. Nous trouverons notre propre solution.
Le troisième axe vise à changer la gouvernance relative à l'offre de logements, en ceci que, si nous réalisons les points un et deux, nous déciderons de la structure de gouvernance dont nous avons besoin pour nous occuper entièrement des logements destinés aux Premières Nations pour les collectivités membres au Québec.