Bienvenue à la huitième séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes.
La séance d’aujourd’hui se déroulera sous forme hybride, conformément à l’ordre adopté par la Chambre le 23 septembre 2020. Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes. Sachez que la webdiffusion montre toujours la personne qui parle plutôt que l’ensemble du Comité.
Les témoins peuvent s’exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d’interprétation sont disponibles. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre plancher, français ou anglais.
Je crois savoir que M. Kent se joindra à nous dans la salle.
Avant de parler, veuillez patienter jusqu’à ce que je vous donne la parole, puis ouvrir votre microphone. Lorsque vous n’avez pas la parole, veuillez fermer votre microphone. Veuillez adresser vos commentaires à la présidence.
J’aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Accueillons Bindu Bonneau, directrice principale des Opérations de la Métis Urban Housing Corporation of Alberta, et Robert Byers, président-directeur général de la Namerind Housing Corporation.
Madame Bonneau, bienvenue au Comité. Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Allez-y.
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Je ne serai pas aussi bref.
Bonjour à tous, et merci de m’avoir invité ici aujourd’hui pour parler de l'élément essentiel qui manque à la Stratégie nationale sur le logement de 2017.
Je m’appelle Robert Byers et je suis président-directeur général de la Namerind Housing Corporation, à Regina, en Saskatchewan. Je suis également président du caucus autochtone de l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine, qui représente les intérêts des fournisseurs de logements et de services autochtones partout au pays.
Namerind, dont le siège se trouve à Regina, en Saskatchewan, est un organisme sans but lucratif qui fournit des logements aux Autochtones. Notre mission est de fournir des logements sûrs et abordables et des possibilités de développement économique aux Autochtones de Regina.
En 1977, nous avons constaté que les Autochtones avaient un très grand besoin de logements abordables. L’offre était un problème, mais la discrimination aussi. Nous avons donc décidé de prendre soin des nôtres. Cette décision a ouvert une démarche qui va désormais bien au-delà d'un toit pour nos locataires. Nous redonnons à la communauté autochtone la possibilité de créer des emplois, de la richesse et un sentiment d’appartenance.
Nous accordons de l'importance à chacun des membres de notre équipe, qu'ils soient autochtones, métis, non-autochtones ou appartenant à des minorités visibles. Nous avons également créé des partenariats communautaires pour améliorer la situation de toute la collectivité de Regina. Ensemble, nous sommes convaincus de pouvoir fournir des logements sûrs, abordables et autonomes à tous ceux qui en ont besoin.
Depuis avril 2020, la Namerind Housing Corporation est l’antenne communautaire de la stratégie de lutte contre l'itinérance « Vers un chez-soi » du gouvernement du Canada à Regina. Nous nous occupons des deux mécanismes de financement: le volet Communautés désignées et le volet Itinérance chez les Autochtones.
Namerind est chargé d'administrer plus de 5,6 millions de dollars de fonds pour l'initiative « Vers un chez-soi » durant l'exercice 2020-2021 pour aider les populations vulnérables de Regina à obtenir et à garder des logements sûrs, stables et abordables. Dans ce même cadre, nous collaborons étroitement avec le Regina Homelessness Community Advisory Board. C'est de toute nécessité, puisque 79 % des sans-abri de Regina se déclarent Autochtones.
Le caucus autochtone de l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine représente les intérêts de plus de 100 fournisseurs de logements et de services autochtones de partout au Canada. En 2018, grâce aux fonds attribués par Services aux Autochtones Canada et par la Société canadienne d’hypothèques et de logement, le caucus a entrepris une étude sur la situation des fournisseurs de logements autochtones dans les collectivités urbaines, rurales et nordiques.
Ses recommandations restent les mêmes. Presque toutes les mesures proposées attendent toujours une réponse. Je me ferai un plaisir de fournir ces renseignements aux membres du Comité après la réunion.
Selon les auteurs du rapport « Pour les Autochtones, par les Autochtones », il faudrait ajouter à la Stratégie nationale sur le logement déjà annoncée en novembre 2017 une stratégie composée des principales mesures suivantes: créer un centre national du logement géré « pour les Autochtones, par les Autochtones »; accroître l’offre de logements stables, sûrs et abordables à raison de 73 000 unités partout au Canada; accroître le soutien au bien-être et à la réussite à long terme des locataires grâce à des services complets; accélérer la lutte contre l’itinérance chez les Autochtones; et mettre l’accent sur le logement dans le Nord.
Ceux d’entre vous qui m'ont entendu en juin dernier savent que je suis un ardent défenseur d'une solution alliant logement et services complets pour les Autochtones. Il n’y a pas d’Autochtones qui ne subissent les séquelles du système des pensionnats. Nous avons besoin de vous comme partenaires.
Ceux d’entre vous qui m’ont entendu en juin dernier savent aussi qu’il fait plus froid maintenant à Regina et dans le Nord canadien. Ce n’est pas drôle d’être un sans-abri l'hiver à Regina. Je ne vois rien qui puisse laisser penser que cet hiver sera moins dur que celui de l’an dernier pour les sans-abri autochtones de Regina. C’est inacceptable.
En juin, il nous a été possible d’acheter un motel au centre-ville de Regina pour 3 millions de dollars. Il pourrait être transformé en immeuble de logements pour les sans-abri autochtones, notamment pour sortir les aînés et les jeunes mères qui ont des enfants des files d’attente des refuges. Je suis occupé à remplir des formulaires et je m’attends à recevoir une demande dans le cadre de l’initiative de logement rapide de la SCHL. Parfois, la principale difficulté est de savoir où se trouve l’argent.
Je vous remercie encore une fois de m’avoir invité aujourd’hui et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonsoir à nos deux témoins d’aujourd’hui. Merci de votre participation.
Je vais commencer par M. Byers, si vous le permettez.
Monsieur, j’ai lu votre déclaration sur votre site Web et je dois dire que j’ai été très impressionné. Deux ou trois choses ont attiré mon attention — en fait, beaucoup de choses, mais deux en particulier. Je m’en voudrais, bien sûr, de ne pas souligner la prévoyance dont votre organisation a fait preuve en diversifiant ses sources de revenus grâce à des projets comme votre centre commercial et votre pharmacie, dont vous avez dit quelques mots.
Personnellement, je crois que la réconciliation passe aussi par la réconciliation économique. Cela suppose notamment la capacité d’autosuffisance, et je pense que le gouvernement peut aider les communautés autochtones à créer leurs propres emplois, leur propre richesse, leur sentiment d’appartenance, comme vous le dites. C’est ce qui sous-tend en grande partie la philosophie que représente votre organisation.
Deuxièmement, on voit très bien que votre organisation ne se contente pas de construire des maisons. Elle est également vouée à l'édification d'une communauté et au développement de relations solides entre les Autochtones et les non-Autochtones. Vous ne le savez probablement pas, mais j’ai été porte-parole pour les relations Couronne-Autochtones il n’y a pas si longtemps, et c'est là que j'ai compris que nous traversions une période de changement, pas seulement en raison de la COVID, mais aussi dans les relations du Canada avec ses peuples autochtones. Comme vous l’avez dit, les accords d’exploitation à long terme de la SCHL arrivent à échéance, et, pour de plus en plus de communautés, la réconciliation économique et l’autonomie deviennent réalité. Il y a une réelle aspiration à des stratégies de réconciliation vraiment dirigées par les Autochtones.
Je vais arrêter de perdre mon temps à parler et vous poser des questions.
Concernant le logement autochtone, est-ce qu'on vous a sollicité pour participer à la Stratégie nationale sur le logement?
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Je repense à ce qui s’est passé quand nous avons commencé. La subvention que nous recevions du gouvernement fédéral diminuait d’année en année, jusqu'à un peu plus de 100 000 $ ou peut-être 150 000 $, je crois. Cela ne suffisait pas, mais nous étions prêts. Nous devions nous y prendre autrement. Nous ne pouvions pas éternellement dépendre d'un palier de gouvernement ou d'un autre. Nous devions aussi compter sur nous-mêmes.
Nous devions nous y prendre autrement, et c'est ce que nous avons fait. Nous avons participé à d'autres projets dans notre communauté — en dehors du domaine du logement. Nous avons siégé à des conseils d’administration du monde des arts, par exemple. Nous sommes devenus membres de la chambre de commerce et avons siégé à son conseil d'administration. Nous sommes devenus partie intégrante de la communauté. Nous estimions que, si nous voulions que les autres nous fassent une place, il fallait participer. Nous avons posé beaucoup de questions, dans l’espoir qu’un jour quelqu’un nous en poserait. Et c’est arrivé. Ils ont commencé à nous poser des questions, et nous avons commencé à être invités à des activités et des réunions. Ils nous ont demandé où était Namerind Housing; ils avaient besoin de notre participation.
C’était une stratégie de longue haleine, à pas lents, mais nous en sommes maintenant au point où nous participons vraiment.
Récemment, le YMCA a dû fermer son immeuble principal au centre-ville de Regina. Nous avons depuis reçu un appel du président du conseil d'administration. Il veut nous présenter au maire pour voir ce que nous pouvons faire et savoir si nous avons des besoins pour les sans-abri. Cela prouve que la participation à de multiples projets nous donne vraiment la possibilité d’améliorer la situation de notre communauté.
Ce n'est pas évident d’être un organisme sans but lucratif dirigé par des Autochtones et de se faire dire: « Où est Namerind Housing? » et ensuite, d'obtenir qu'on nous appelle... Au début, je me demandais pourquoi ils nous appelaient. Maintenant, il y a toujours quelqu'un qui va probablement nous appeler.
Cela faisait partie de notre plan.
Le soutien que nous avons obtenu jusqu'ici a pris la forme d'investissements en capital. Comme organisme sans but lucratif, nous faisons office d'organe de notre gouvernement pour fournir des logements abordables et subventionnés. Investir du capital, c’est comme espérer que votre enfant handicapé participera à un marathon. C’est mon impression. Si on ne soutient pas les opérations, comment obtenir un rendement de ces investissements?
C’est à l'échelle des opérations qu'il n'y a pas suffisamment de soutien. On nous donne des millions de dollars pour construire des maisons. D’accord, c’est ce que nous faisons, mais que se passera-t-il dans cinq ans quand il faudra les réparer, ou dans 10 ans? Comment entretenir ces maisons et garder les subventions locatives?
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Je vous remercie de cette question.
En fait, à l’heure actuelle, nous faisons face à une pénurie de logements, non seulement pour nos jeunes ou nos étudiants, mais aussi pour nos aînés. Nous sommes une organisation métisse, et nous n’avons pas d’établissement pour les personnes âgées métisses avec tout le soutien nécessaire aux personnes qui ont besoin de soins de longue durée, c’est-à-dire les personnes qui ont besoin de soins de niveau 2, 3 ou 4 ou les personnes handicapées qui ont besoin de soins. Nous avons deux établissements pour personnes âgées. Celui où nous offrons des services d’aide à la vie autonome appartient à la Métis Capital Housing Corporation. Ce bâtiment a une cinquantaine d'années, et nous essayons de le rénover pour répondre aux besoins des gens qui y vivent. Il n'y a pas de services répondant à leurs besoins culturels.
Le plus grand obstacle auquel se heurtent les Autochtones, c’est que le type de logement dans lequel ils vivent aujourd’hui n’est pas adapté à leur culture. Nous n’avons pas de logements faciles d'accès. Voilà les problèmes auxquels sont confrontés nos aînés aujourd’hui.
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Je vous remercie de votre réponse.
Que pourrions-nous faire, madame Bonneau? Quelles seraient les solutions?
Dans le contexte particulier de la pandémie, on parle beaucoup de la situation fragile des personnes aînées, que ce soit sur le plan sanitaire, économique ou social. Si vous abordez la question culturelle, qui est effectivement spécifique à ces communautés autochtones, comment les programmes pourraient-ils venir soutenir cette adaptation à la réalité culturelle?
Nous cherchons à aider les gens et à trouver des solutions dans le cadre du programme. Auriez-vous quelques suggestions à nous faire?
Ma question s'adresse à M. Byers.
Mes salutations, monsieur Byers. Je vous remercie de votre présence.
Le projet que vous mettez en avant dans vos communautés est assez innovant. Vous dites que vous rencontrez des problèmes encore maintenant et, dans un récent rapport, vous faites état des types de solutions. Je pense que vous nous ferez parvenir celles qui pourraient être mises en avant.
Votre organisme reçoit-il des montants d'argent qui viennent de la Stratégie nationale sur le logement? Est-ce que des sommes d'argent vous viennent de la Stratégie?
Je veux d'abord remercier les témoins de leur présence ici aujourd'hui et, bien sûr, saluer mes collègues que je suis toujours contente de revoir.
Mes questions s'adressent à M. Byers.
J'ai vraiment aimé ce que vous avez dit au sujet de Regina. Je représente Winnipeg-Centre et 70 % des sans-abri sont évidemment des Autochtones. Les caractéristiques démographiques de ma collectivité sont en fait très similaires à celles de Regina. Vous avez réitéré le slogan « rien sur nous sans nous ». Je suis d'accord avec vous pour dire que nous sommes les mieux placés pour trouver nous-mêmes des solutions, pour comprendre nos histoires et savoir d'où nous venons. Je tiens simplement à vous remercier pour cela.
Le gouvernement a promis de présenter une stratégie sur le logement tenant compte des différences entre les Premières Nations, les Inuits et les Métis, mais malheureusement, nous l'attendons toujours. À notre dernière réunion, deux témoins ont recommandé l'élaboration d'une stratégie sur le logement pour les Autochtones vivant en milieu urbain, mais rien n'a été fait. Est-ce nécessaire d'après vous? Quel type de financement serait nécessaire pour garantir la viabilité et le succès d'une telle stratégie?
Mme Bindu Bonneau a dit que c'est formidable d'avoir l'infrastructure, mais qu'en est-il des coûts de fonctionnement? Pouvez-vous donner plus de détails à ce sujet, monsieur Byers?
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Je remercie nos deux témoins de leur présence.
Samedi dernier, tout en courant dans ma ville natale d'Abbotsford, j'écoutais l'émission The House à CBC. L'émission portait sur une Première Nation dénée des Territoires-du-Nord-Ouest, et l'animateur discutait avec le chef Ernest Betsina de la Première Nation dénée de Yellowknife. Celui-ci a longuement parlé d'un programme de logement autochtone en vigueur dans les années 1980, le HAP, dans le cadre duquel le gouvernement du Canada achetait des matériaux de construction et les fournissait ensuite à des membres de diverses Premières Nations du Nord canadien pour qu'ils construisent leurs propres maisons, avec l'aide d'experts au besoin. Le chef de la Première Nation dénée disait que ce programme avait donné aux gens un sentiment de propriété, tout en leur permettant de construire leur maison et de ne plus être dépendants d'autres programmes gouvernementaux. Ce programme était très apprécié, semble-t-il.
Monsieur Byers, connaissez-vous ce programme d'aide au logement, le HAP, qui était en vigueur dans les années 1980?
D'après ce que j'ai entendu à cette émission de radio, c'était un programme fantastique parce que le logement devenait un enjeu de souveraineté. De plus, c'était un programme pour les Autochtones, géré par des Autochtones. Il semblait en phase avec le modèle de réconciliation et favorisait l'indépendance à l'égard du gouvernement fédéral.
Comme aucun de vous ne connaît ce programme, je vais garder ces questions pour un prochain témoin.
Monsieur Byers, quels conseils donneriez-vous à la Première Nation de Matsqui, dans ma circonscription, qui vient d'acquérir un terrain commercial de choix dans la ville d'Abbotsford? Quelles mesures doit-elle prendre pour investir judicieusement dans des espaces commerciaux et résidentiels qu'elle finira inévitablement par développer?
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Je ne connais pas bien Abbotsford ni ce terrain particulier... mais j'ai toujours dit que j'aurais aimé que nous investissions davantage dans l'immobilier commercial, dans des bâtiments comme notre centre commercial et notre pharmacie. Ces investissements ont été très rentables pour nous.
Il est difficile d'investir dans le logement sans l'aide financière du gouvernement, parce qu'il n'y a pas d'argent à faire avec les logements abordables ou sociaux, alors que l'immobilier commercial est rentable. Notre centre commercial nous rapporte près de 1 demi-million de dollars par année et nous réinvestissons cet argent dans le logement abordable. Je voudrais bien que nous ayons plusieurs centres commerciaux.
Pour revenir à Abbotsford, je conseillerais au groupe de faire des investissements à long terme, de s'intégrer au milieu des affaires et, comme l'a dit M. Long, de favoriser la réconciliation économique. Ce serait un grand pas, et il pourrait ensuite se lancer dans le développement et construire des logements sociaux et abordables. C'est mon opinion.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos deux témoins d'être parmi nous.
Il y a très peu de temps que je suis à Ottawa, mais je sais, par contre, que le gouvernement en général ne semble pas se rendre compte qu'il existe une différence entre les problèmes des régions rurales et éloignées et ceux des régions urbaines au Canada. C'est vraiment noir et blanc. Il est impossible de reproduire dans une région rurale et éloignée un service ou un programme qui donne de bons résultats en milieu urbain. Cela ne fonctionne tout simplement pas.
J'aimerais revenir sur une question que mon collègue, M. Long, a posée à M. Byers.
Monsieur Byers, vous avez parlé d'un modèle autochtone inspiré de la SCHL. Pouvez-vous nous dire si les actuels programmes fédéraux tiennent suffisamment compte de la perspective autochtone? Est-ce pour cette raison que vous pensez qu'une agence autochtone similaire à la SCHL serait une bonne chose?
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Bonsoir et merci, monsieur le président et membres du comité permanent, de me donner l'occasion de m'exprimer sur un sujet aussi important que le logement pour les Autochtones vivant en milieu urbain, rural et nordique.
Je m'appelle Julia Christensen et je suis titulaire de la chaire de recherche du Canada en gouvernance et politique publique dans le Nord. Je me joins à vous de la belle ville de St. John's, située sur les terres ancestrales des Béothuks. Cette ville est également un lieu important pour les Inuits, les Innus et les Micmacs de toute la province. Quant à moi, je suis née et j'ai grandi sur le territoire du chef Drygeese, à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest.
Au cours des 14 dernières années, j'ai fait de la recherche et j'ai cosigné et signé de nombreux articles sur le logement, l'itinérance, la mobilité rurale-urbaine et les déterminants sociaux de la santé dans le Nord. Je dirige également le programme At Home in the North, financé en partenariat par la SCHL et le CRHS, dans le cadre du réseau canadien de recherche collaborative sur le logement.
Aujourd'hui, je veux vous parler de la crise du logement persistante dans le Nord qui fait ressortir, de diverses façons, l'émergence de formes cachées et visibles d'itinérance dans le Nord canadien. Quand nous parlons de la crise du logement dans le Nord, nous parlons, en réalité, d'un manque chronique de logements qui persiste depuis le déploiement des premiers programmes de logement dans le Nord, vers le milieu du XXe siècle.
Dès le départ, la situation du logement dans le Nord s'est caractérisée par l'insuffisance et le coût inabordable des logements. Cette insuffisance de logements explique la persistance du surpeuplement des logements, de l'hébergement temporaire chez des parents ou amis et de l'itinérance cachée, en particulier dans les hameaux et les villages. Elle explique aussi pourquoi des maisons familiales deviennent des refuges.
Je veux aussi attirer l'attention sur les différentes formes que prend la crise du logement dans les villes nordiques. Les problèmes des villes et des villages du Nord en matière de logement sont trop souvent négligés parce que ces agglomérations, en raison de la faible densité de leur population, ne ressemblent pas à un milieu urbain conventionnel. À l'instar des villes du sud du Canada, elles sont pourtant des centres de services administratifs, économiques et sociaux, sans oublier les services de transport et de santé, desservant les vastes régions du Nord.
Depuis la fin des années 1990, l'itinérance visible est devenue un problème social de taille dans les capitales territoriales ainsi que dans les centres régionaux du Nord.
Dans mon travail de recherche, le traumatisme intergénérationnel associé aux pensionnats et au système de protection de l'enfance est cité comme étant le principal déterminant social de la santé ayant eu des effets négatifs sur l'accessibilité au logement et la durabilité des options de logement dans le Nord. De plus, les dénombrements ponctuels et d'autres études menées à l'échelle communautaire et régionale ont démontré que la majorité des hommes et des femmes vivant dans l'itinérance dans les centres urbains du Nord sont originaires de petites communautés environnantes.
Le besoin criant de logements dans les petites collectivités nordiques, conjugué au manque de ressources et de services de soutien dans les centres urbains du Nord, est un facteur clé expliquant le mouvement rural-urbain des sans-abris. C'est pourquoi toute approche globale visant à répondre aux besoins des Autochtones du Nord en matière de logement doit tenir compte de la dynamique créée par l'insécurité liée au logement dans les petites collectivités et dans les centres régionaux, ainsi que des interconnexions complexes entre les deux. Cela comprend non seulement l'accès au logement, mais aussi l'accès à des services de soutien et de santé.
Dans les villes nordiques, le secteur public est souvent le principal, voire le seul fournisseur de logements abordables, mais la demande dépasse de loin l'offre. De plus, comme la majorité des logements sociaux sont destinés à des familles, les logements pour adultes vivant seuls sont incroyablement rares. Le marché locatif privé devient donc la principale source de logements pour les adultes célibataires à faible revenu. En raison d'une combinaison de facteurs, notamment des loyers parmi les plus élevés au Canada et la forte présence d'un très petit nombre d'entreprises privées de location dans les villes nordiques, il est souvent impossible de trouver des logements abordables et accessibles sur le marché locatif privé.
Il y a toutefois énormément de résilience, d'innovation et d'espoir. On constate des progrès importants dans le cadre du programme Logement d'abord et des projets d'habitation entrepris en collaboration par les instances territoriales, municipales et autochtones du secteur sans but lucratif. Ces programmes ne sont toutefois pas conçus ni financés pour offrir des logements supervisés à long terme, même si de nombreux résidants ayant profité de ces programmes et des fournisseurs de logements ont fait savoir que la vaste majorité des bénéficiaires du programme avait besoin de logements supervisés à long terme.
De plus, les nombreux programmes de logement communautaires mis sur pied et gérés par les instances communautaires et régionales autonomes sont porteurs d'espoir. On en trouve des exemples dans les Territoires du Nord-Ouest, notamment à Nunatsiavut et à Fort Good Hope, par l'intermédiaire de la K'asho Got'ine Housing Society. Toutefois, les fonds versés aux collectivités diffèrent grandement et il y a un manque de ressources chronique pour assurer la prestation du programme de manière efficace et durable.
Enfin, la pandémie de COVID-19 a clairement fait ressortir le manque chronique de logements dans le Nord et le lien indéniable entre le logement et les soins de santé. Des ressources ont été rapidement débloquées pour loger temporairement des sans-abris dans des refuges d'urgence et de débordement, des logements supervisés, des programmes de gestion de la consommation d'alcool ou des chambres d'hôtel.
Bon nombre de ces mesures sont temporaires. Il faut de toute urgence aider les populations et les collectivités du Nord à établir elles-mêmes leurs stratégies de logement afin que nous puissions tirer des leçons de la pandémie, favoriser un changement réel et durable, au lieu de simplement revenir au statu quo.
Je vous remercie. Marsi. Nakurmiik.
Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, et un merci spécial à Mme Gazan, notre députée de Winnipeg, de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous ce soir.
Je vais faire porter mes observations principalement — peut-être même totalement — sur la situation du logement des Autochtones en milieu urbain. J’ai vécu hors réserve toute ma vie et j’ai 73 ans. J’ai eu à exercer un rôle de leader communautaire en Ontario, en Colombie-Britannique et au Manitoba.
Au chapitre du logement, je ne dirais jamais que le besoin, comme l’a dit Mme Christensen... Le besoin, il est là. Il existe dans le Nord. Il se fait sentir avec acuité dans les réserves des Premières Nations, chez les Métis, chez les Inuits. C’est également très important pour la communauté urbaine historique, qui s’est vraiment développée dans la mouvance d’organismes de bienfaisance autochtones sans but lucratif dans toutes les grandes villes du Canada et dans certaines petites villes également. Ici, à Winnipeg, voilà plus de 60 ans que cela existe.
Ici, Kinew Housing est l’un de nos plus importants groupes de logement. Il s’agit d’un authentique organisme autochtone sans but lucratif de logement en milieu urbain. J’ai déjà travaillé pour Aiyawin Housing, qui n’existe plus. Avant de disparaître, cet organisme avait construit plus de 300 logements dans le cadre de l’ancien programme de logement pour les Autochtones en milieu urbain de la SCHL. Me fondant sur mon expérience, je dirais que, depuis que la SCHL s’est retirée de ce programme, la situation n’a jamais été la même pour le logement autochtone hors réserve. C’est lamentable. On prévoit que la population autochtone de Winnipeg passera à 114 000 d’ici le recensement de l’an prochain. C’est la population la plus jeune et celle qui croît le plus rapidement. C’est une population dont les besoins en matière de logement sont parmi les plus élevés qui soient.
Nous avons besoin d’approches novatrices en matière de logement pour les Autochtones, approches qui peuvent venir de nous. Par exemple, nous venons de lancer un projet pour les sans-abri à Winnipeg. Nous l’appelons « le village ». Nous allons établir 24 logements sur notre terrain — je suis le coprésident de Thunderbird House et aussi son directeur général par intérim — spécialement conçus pour loger les personnes aux prises avec l’itinérance, dont beaucoup, nous le savons, ont des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie.
Ces logements seront construits à partir de conteneurs, et leur coût unitaire sera d’environ 60 000 $. C’est une approche très rentable. Les logements seront pratiquement indestructibles. Ensuite, nous établirons toutes sortes de soutiens communautaires pour ces personnes. Nous nous penchons sur les questions de sécurité. Nous allons avoir des interventions pour lutter contre ces dépendances: alcool, drogues, toutes ces choses. Nous travaillons avec le Service de police de Winnipeg sur les questions de sécurité et avec Mama Bear Clan. Il s’agit d’un projet très holistique qui témoigne de la capacité réelle des citoyens autochtones en milieu urbain de se rassembler pour une action commune, principalement par l’entremise de leurs organismes de bienfaisance sans but lucratif.
Dans la même veine, nous avons regroupé près de 25 de ces organismes au sein d’un nouveau collectif urbain appelé le Winnipeg Indigenous Executive Circle, et nous sommes maintenant parmi les 32 coalitions urbaines au Canada. Nous, les groupes urbains, nous nous sommes réunis à Toronto l’an dernier. Nous avons rencontré le rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement. Nous nous sommes réunis afin d’exhorter le gouvernement fédéral à travailler avec nous pour élaborer une stratégie distincte de logement pour les Autochtones en milieu urbain.
Il n’est pas nécessaire d’appliquer des critères d’inclusion ou d’exclusion. Le processus actuel adopté par le gouvernement fédéral, basé sur les relations de nation à nation et des distinctions entre l’APN, le RNM et l’ITK, ne permet pas la participation des Autochtones en milieu urbain, mais leur voix, leur expérience, sont pourtant légitimes.
À Winnipeg, comme je l’ai dit, nous avons une expérience de plus de 60 ans dans l’élaboration d’une myriade de programmes et de services pour les Autochtones qui sont arrivés et continuent d’arriver en ville et qui, après leur arrivée, éprouvent souvent des difficultés et se retrouvent sans abri. Ils arrivent sans diplôme d’études, ne peuvent pas trouver d’emploi et ne sont pas habitués à vivre en ville. Ils sont rapidement victimes de nombreux types de prédation, comme les gangs et toutes ces choses.
Je suis revenu à Winnipeg en 1983 et j’y suis depuis, sauf pour deux années passées à Vancouver, de 2005 à 2007. Aujourd’hui, Winnipeg est presque méconnaissable du fait du nombre croissant de personnes qui, jour après jour, vivent misérablement dans la rue. Je peux vous affirmer catégoriquement que, dans cette ville, bon nombre des nouvelles approches, des approches novatrices adoptées pour travailler avec ces personnes — les plus marginalisées, les plus vulnérables — sont maintenant dirigées par des leaders autochtones.
Nous avons fait de End Homelessness Winnipeg un organisme autochtone. Nous avons établi un nouveau plan quinquennal, mais nous travaillons aussi avec tous les organismes non autochtones. Une fois la COVID...
Excusez-moi. Je pense que mon temps de parole est écoulé.
Merci beaucoup de m’avoir écouté.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue, madame Christensen et monsieur Johnston.
Je vais commencer par vous, monsieur Johnston. En consultant le site Web de End Homelessness Winnipeg, je constate que vos objectifs sont très clairs. Il s’agit d’entretenir et d’améliorer les logements existants et d’acquérir sur le marché privé locatif des maisons de chambres et des chambres d’hôtel individuelles.
Vous avez parlé du projet Thunderbird et de ce programme des plus novateurs pour créer des logements très peu coûteux, ce qui, je suppose, dépendra dans une large mesure de ce que les règlements de la Ville de Winnipeg permettront.
Ma première question est la suivante: si l’appel lancé par le caucus sur le logement autochtone pour la création de 73 000 logements et un investissement de 25 milliards de dollars sur 10 ans devait avoir des suites, quel serait le nombre de logements dont vous auriez besoin, et sans tarder, à Winnipeg?
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos deux témoins d’aujourd’hui.
Madame Christensen, j’ai lu rapidement l’un de vos rapports, Indigenous Homelessness: Perspectives from Canada, Australia, and New Zealand, qui m’a beaucoup intéressée. Il m’arrive souvent de penser qu’on aurait intérêt, quand on a un problème, à regarder ce qui se passe ailleurs, pour voir comment les choses se comparent.
Pourriez-vous nous livrer vos réflexions et nous donner un aperçu de ce que vous avez constaté?
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Dans le contexte australien, l’idée de l’itinérance spirituelle, aussi connue sous le nom de « mal du pays des Kooris », était très profonde pour Mme Peters — ma corédactrice pour ce volume — et pour moi. C’est un concept dont nous avons beaucoup parlé, étant auteurs de chapitres dans cet ouvrage.
Il explique les expériences d’itinérance comme devant être situées dans un contexte colonial, en ce sens que la dépossession, le déracinement et le traumatisme intergénérationnel, par exemple, structurent vraiment les déterminants sociaux de la santé qui, en bout de ligne, ont une incidence sur l’accès au logement et la viabilité du logement. Ces facteurs soulignent également la nécessité de stratégies de logement dirigées par les Autochtones et par les communautés pour répondre aux besoins et aux désirs propres au contexte et à la culture qui existent dans toutes les communautés autochtones.
Comme M. Johnston l’a souligné également, lorsqu’il est question de logement pour les Autochtones, nous parlons de diverses cultures et communautés, non seulement en milieu rural par rapport à l’urbain, mais aussi dans le spectre des Inuits, des Premières Nations et des Métis. Chacun de ces groupes a des priorités et des besoins très différents en matière de logement. Nous avons beaucoup discuté de ce sujet, en particulier dans les contextes canadien et australien.
Il y a aussi beaucoup d’études novatrices sur le logement menées par des Autochtones en Australie et en Nouvelle-Zélande. Je dois dire que cela se fait aussi au Canada. Cependant, il faut plus de chercheurs qui sont autochtones et qui peuvent avoir le genre de discussions sur les priorités autochtones en matière de logement qui sont inaccessibles pour une chercheuse non autochtone comme moi. Cela permet également de nouvelles formes de collaboration entre les chercheurs universitaires et les communautés autochtones.
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Cela a commencé pendant mes recherches de doctorat, lorsque j’étudiais la région d’origine des sans-abri, en particulier aux Territoires du Nord-Ouest. Les personnes que j’ai interviewées et avec qui j’ai collaboré, qui ont vécu l’itinérance, m’ont appris que, souvent, leur cheminement vers l’itinérance résultait de leurs efforts pour acquérir ou maintenir un sentiment d’appartenance malgré leur passage d’une petite collectivité à un centre urbain, que ce soit pour suivre des enfants qui avaient été pris en charge par l’État, par exemple, et placés en foyer d’accueil, ou pour rejoindre certains membres de leur famille ou des amis qui vivaient aussi dans des refuges.
Le fait que ces liens avec les amis et la famille étaient très profonds faisait voir, à mes yeux, la nécessité d’examiner les parcours menant à l’itinérance, ainsi que les parcours vers chez soi, et comment ces efforts pour trouver, construire et préserver un chez-soi pouvaient effectivement être intégrés dans les programmes et services que nous offrons, comme le soutien au logement à long terme, idéalement pour les parents dont les enfants sont pris en charge, et des places leur permettant de rendre visite à leurs enfants.
De la façon dont le système de logement est établi à l’heure actuelle, si vos enfants sont pris en charge, vous serez évincés de votre logement et, étant sans logement, vous ne pourrez pas retrouver la garde de vos enfants. C’est l’horrible cercle vicieux dans lequel se trouvent les parents. Dans les faits, ils perdent la capacité de maintenir des liens authentiques et durables avec leurs enfants.
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Le financement annuel du logement social par le gouvernement fédéral est en baisse depuis le début des années 1990, comme vous l’avez mentionné. Il a été remplacé par des contributions, importantes certes, mais ponctuelles, qui sont annoncées à la pièce. Cela a été extrêmement problématique pour les communautés du Nord parce qu’il devient alors très difficile de s’engager dans une planification à long terme. Il n’y a aucune certitude d’une année à l’autre quant au financement sur lequel on pourra compter, et il est très difficile de faire évoluer les programmes et de les rendre souples et les adapter aux besoins changeants.
Ce qui se passe, c’est que d’importantes contributions financières sont annoncées, et elles semblent effectivement considérables — des millions et des milliards de dollars —, mais que, dans la réalité, quand on regarde de près la Stratégie nationale sur le logement, par exemple, et les 240 millions de dollars qui ont été consacrés au Nunavut pour répondre aux besoins chroniques en matière de logement, cela se traduit, en fait, par 48 nouveaux logements par année. Pour peu qu’on considère le nombre d’unités de logement nécessaires au Nunavut, c’est une goutte d’eau dans l’océan.
Il devient difficile de vraiment s’attaquer au problème dans son ensemble. Il devient difficile de planifier à long terme. Cela signifie également que, lorsque le financement est acheminé par l’entremise du gouvernement territorial et non directement aux communautés, celles-ci doivent, au fond, accepter d’adapter et de redéfinir leurs besoins en matière de logement en fonction des priorités établies par le gouvernement territorial.
Il devient tout simplement très difficile de faire de la planification à long terme, ce qui, je n’arrête pas de le répéter, est un énorme défi à relever pour vraiment faire quelque progrès pour sortir de la crise du logement dans le Nord.
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Devrais-je aller en premier? D’accord.
Home in the North, le partenariat que je dirige, compte 40 partenaires communautaires, pour la plupart des instances gouvernementales autochtones dans les territoires nordiques, des organismes autochtones et des ONG.
Ce que j’entends clairement de la part des partenaires autochtones, c’est le désir de voir un financement direct aux communautés autochtones, au niveau communautaire. Je pense que c’est l’un des grands obstacles qui empêchent de répondre aux besoins en matière de logement très spécifiques sur le plan culturel et contextuel et de pouvoir élaborer et mettre en œuvre des programmes pouvant donner priorité à des groupes précis au sein d’une communauté.
Par exemple, à Fort Good Hope, la K'asho Got'ine Housing Society a mis en œuvre un programme de logements de transition pour les hommes célibataires de la communauté, parce qu’elle considère qu’il s’agit d’un domaine prioritaire. Ce programme est l’aboutissement de ses propres efforts pour reprendre en main, dans le cadre de l’autonomie gouvernementale, les décisions concernant l’élaboration de programmes de logement dans la communauté.
Cette évolution serait grandement favorisée si le financement fédéral allait directement au niveau communautaire, sans passer au préalable par le gouvernement territorial. Je considère qu’il s’agit d’un obstacle majeur à la mise en œuvre de programmes de logement adaptés à la communauté et à la culture.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui. Mon ami M. Johnston, voilà un bon moment que nous ne nous sommes pas vus à cause de la COVID, même si nous travaillons dans la même collectivité. Je suis donc très heureuse de vous voir aujourd'hui. Ma première question s'adresse à vous.
Selon l'Association des femmes autochtones du Canada, les femmes autochtones vivant hors réserve sont victimes de discrimination fondée sur le sexe et la race de la part d'éventuels propriétaires. Nous savons que la violence faite aux femmes et aux filles autochtones a été, sans doute possible à Winnipeg, une véritable crise dont l'un des éléments, l'atteinte à notre sécurité, nuit à la capacité de trouver un logement adéquat.
Le paragraphe 4.7 du document « Appels à la justice » de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées demande aux gouvernements « d'appuyer l'établissement et le financement durable à long terme de refuges, d'espaces sûrs, de maisons de transition, de maisons d'hébergement de deuxième étape et de services dirigés par les Autochtones, et libres d'accès pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones ».
J'ai été très heureuse de travailler avec mon collègue Adam Vaughan afin d'assurer, après bien des années, le financement d'un espace sûr, libre d'accès 24 heures sur 24, sept jours sur sept, pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA.
Je me demande si vous pouvez nous parler de l'importance cruciale des espaces sûrs et des maisons d'hébergement libres d'accès 24 heures sur 24, sept jours sur sept, comme moyens de sauver des vies, en particulier pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones. Nous savons avec certitude que Thunderbird House, dans ma circonscription... Vous savez que j'habite tout près de la rue Main. Nous constatons le déclin de la santé mentale et le manque de places pour les gens qui ne sont peut-être pas prêts à s'échapper de la toxicomanie, par exemple. Pouvez-vous nous parler de l'importance de ce moyen de sauver des vies dans notre collectivité?
Il ne fait aucun doute que les moyens dont vous parlez sont nécessaires et il est absolument essentiel que les solutions viennent des femmes elles-mêmes et que les logements qui seront éventuellement construits répondent à leurs besoins particuliers. Même au sein des groupes, des différences existent, et il faut en tenir compte pour assurer l'efficacité des projets de logement de cette nature.
Les soutiens permettant des interventions utiles dans toutes les situations difficiles auxquelles les femmes peuvent être confrontées et les liens avec les organismes doivent être en place. Comme je l'ai déjà dit, il y a au moins 25 organismes autochtones en milieu urbain et, de plus, nous voyons maintenant une expansion, expressément pour les Premières Nations, de... le Eagle Urban Transition Centre, par exemple.
Les connaissances, l'expérience et l'esprit d'innovation ne manquent pas au sein de la communauté urbaine pour travailler avec les groupes de femmes afin d'atteindre ces objectifs en matière de logement.
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Oui, je vous en suis reconnaissante, monsieur Johnston, parce que je sais que les familles des femmes autochtones assassinées et disparues se battent très fort pour obtenir des espaces sûrs et libres d'accès. Je vous suis reconnaissante de votre engagement dans le domaine du logement depuis des années et de vos efforts pour améliorer la situation dans notre collectivité, et je vous en remercie.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Christensen et porte sur les intersectionnalités. Novembre était le Mois de la sensibilisation aux personnes handicapées autochtones. Nous savons que les Autochtones du Canada ont un taux d'incapacité sensiblement plus élevé que la population générale et qu'ils sont souvent victimes de discrimination intersectionnelle, à la fois parce qu'ils sont handicapés et qu'ils sont autochtones.
Selon Statistique Canada, en 2017, 32 % des membres des Premières Nations vivant hors réserve, 30 % des Métis et 19 % des Inuits avaient une ou plusieurs incapacités qui les limitaient dans leurs activités quotidiennes. Comment devrait-on tenir compte de ce taux disproportionné d'incapacité chez les Autochtones dans l'élaboration et le financement de stratégies de logement qui les concernent?
Si je pose la question, c'est que, souvent, les logements qui sont créés ne sont pas nécessairement accessibles ou ne comprennent pas les soutiens nécessaires, comme le veut l'article 19 de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, pour vivre dans la dignité. Pourriez-vous nous en parler plus précisément?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins de ce qu'ils nous apprennent. C'est étonnant, tout ce que nous entendons.
Dans le même ordre d'idées, nous avons entendu parler de la capacité de vraiment remettre le processus décisionnel entre les mains de la collectivité locale. Vous avez parlé d'une série d'obstacles auxquels vous êtes confrontés, et je suis heureux d'en entendre parler. Nous avons entendu des histoires semblables de la part d'autres témoins qui ont comparu devant le Comité, et il semble malheureusement y avoir un thème commun.
J'aimerais aussi parler brièvement de la voie de la réconciliation économique. Je pense que c'est un aspect très important du problème. Il y a trois points dont j'aimerais parler et qui ont été évoqués comme solutions possibles. Certaines de ces questions ont déjà été abordées ici dans la dernière demi-heure et quelques-unes ont été soulevées dans vos témoignages. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je peux les exposer une à la fois, mais si quelqu'un veut intervenir avec une réponse, cela me va également.
La première solution consiste à habiliter les communautés autochtones à accroître leurs pouvoirs financiers — qu'ils soient liés à la fiscalité, à taxe d'accise sur les ressources naturelles à la vente de biens, peu importe — afin de renforcer leur capacité économique.
La deuxième solution reviendrait, en gros, à collaborer avec les institutions financières autochtones, comme le Conseil de gestion financière des Premières Nations, la Commission de la fiscalité des Premières Nations ou l'Administration financière des Premières Nations, afin de lever certains des obstacles découlant de la Loi sur les Indiens qui découragent les investissements du secteur privé dans les communautés autochtones, y compris dans bon nombre de vos projets prioritaires, et de réduire le coût du capital à long terme au moyen de politiques susceptibles d'améliorer les cotes de crédit et d'offrir une plus grande sécurité aux prêteurs.
La troisième solution serait de créer un institut de l'infrastructure des Premières Nations pour aider les Premières Nations intéressées à se doter d'une infrastructure plus solide sur les plans budgétaire, économique et environnemental, tout cela en coordonnant mieux les options budgétaires et financières et en apportant des innovations à tous les éléments de l'infrastructure. Pour l'essentiel, il s'agirait de supprimer la partie où... Même Mme Gazan a mentionné qu'en sa qualité de directrice adjointe elle devait présenter demande après demande, alors que les écoles hors réserve obtenaient automatiquement ce qu'elles demandaient. Il s'agit peut-être simplement, pour les Premières Nations, de créer leur propre institut de l'infrastructure, qui favoriserait la réalisation de projets proposés à l'échelle locale.
Je ne sais pas qui veut répondre en premier ou si quelqu'un veut répondre, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Vous parlez des Premières Nations en particulier. Ce n'est que l'une des quatre composantes de la réalité autochtone de Winnipeg et du Manitoba. Il y a les Premières Nations, les Métis, les Inuits et les Autochtones en milieu urbain.
Les Premières Nations créent ce que nous appelons des réserves urbaines à Winnipeg. Nous en avons déjà deux, et il y en a une autre plus grande, sur environ 110 acres, qui est à l'état de projet. Au fond, les Premières Nations peuvent construire ce qu'elles veulent sur ces sites, mais cela demeure une partie de la réserve. Elles sont toujours régies en grande partie par la Loi sur les Indiens et ses règlements d'application qui, comme vous l'avez souligné, constituent parfois des obstacles à l'investissement de sources du secteur privé.
À l'avenir, nous espérons que le gouvernement fédéral, dans ses négociations avec les Premières Nations... La chose la plus importante que nous pourrions faire à cet égard serait d'abroger la Loi sur les Indiens et de la remplacer par une nouvelle relation légale avec les Premières Nations. Nous pourrions aussi corriger le déséquilibre historique dû à l'absence de relations avec les Métis qui, sans la Loi sur les Indiens, seraient aujourd'hui membres de nos communautés. Encore une fois, la preuve nous en est donnée par les efforts que font des Métis du Manitoba pour rétablir une ancienne réserve autour de Duck Bay.
Beaucoup des obstacles au financement de toute source autre que le gouvernement résident dans la Loi sur les Indiens elle-même. Elle doit être abrogée. Il n'y a pas de doutes ou d'hésitations à avoir à ce sujet. Elle a largement dépassé sa durée de vie utile.
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Une grande partie de notre travail ici, à Winnipeg, et de notre réussite d'avoir rassemblé ces organismes, tient à ce que nous avons emprunté cette voie dans un esprit de vérité et de réconciliation, retrouvant certaines de nos façons de faire historiques, si vous voyez ce que je veux dire: structures de gouvernance historiques, pensée historique, pensée holistique.
Cela m'a changé. Je vous ai dit plus tôt que j'ai grandi hors réserve et que nous étions la seule famille autochtone dans une petite ville à l'extérieur de Thunder Bay, en Ontario. J'ai donc perdu ma langue et toute possibilité de l'apprendre. J'ai ainsi perdu la faculté de participer de quelque façon valable à des cérémonies ancestrales et à d'autres activités culturelles, mais j'ai par ailleurs acquis une compréhension étendue des peuples non autochtones, des autres Canadiens, ainsi que de la lutte contre le racisme et la discrimination. Tout cela a commencé sur le terrain de jeu, mais la plupart d'entre nous ont fini par devenir amis parce que nous avons eu à interagir les uns avec les autres.
L'un des événements les plus dommageables de l'histoire du Canada a été la ségrégation dans les réserves et tout ce qui l'a accompagnée. Chaque fois que vous séparez les peuples les uns des autres, vous obtenez des résultats de ce genre. Ce constat est fondé sur des données probantes. Il y a les résultats psychologiques et les résultats sur la santé, toutes sortes de conséquences négatives pour les personnes qui vivent ces situations.
À mesure que j'acquérais une meilleure compréhension de la situation, grâce à une interaction plus poussée avec les membres de ma famille restés dans la réserve et à ma participation aux pourparlers constitutionnels du temps de l'ancien premier ministre Trudeau, j'ai eu une prise de conscience révélatrice, et cela m'a vraiment permis de comprendre pourquoi mes parents, qui avaient grandi dans la réserve, étaient si différents de moi sur certains plans importants. Je me suis alors rendu compte que le système d'éducation dans les réserves, comme nous le savons tous, n'était pas à la hauteur de celui à l'extérieur des réserves. C'est en grande partie ce qu'ont vécu les gens d'aujourd'hui qui s'efforcent tant à être inclus dans ce que nous appelons le Canada afin de pouvoir trouver un foyer, ce qu'ils appellent un foyer, ce que signifie un foyer pour eux.
La dernière chose que je dirai, c'est que le nouveau village, unique en son genre, que nous sommes en train de créer est très semblable à un village autochtone historique. Cependant, au lieu d'avoir des tipis en toile ou en peaux d'animaux, ils sont, dans ce cas-ci, faits d'acier, mais on y retrouve quand même les éléments caractéristiques. Il y a le feu central et un tipi, un véritable tipi, à proximité. Il s'agit d'incorporer des éléments culturels historiques qui font que les gens puissent se rétablir et retrouver leur mode de vie traditionnel. Ils s'entraident, ils ont la possibilité de s'entraider. C'est vraiment important lorsqu'il s'agit de s'attaquer à des problèmes comme la dépendance à l'alcool ou aux drogues. Le soutien que les gens peuvent se donner les uns aux autres est précieux.
J'en ai été témoin. J'ai vu sur place comment un programme de désintoxication obligatoire à Thunder Bay, ma ville natale, était géré par une femme des Premières Nations. Les résultats obtenus étaient assez incroyables. Ces nouveaux genres de programmes de lutte contre la toxicomanie ne sont pas encore disponibles ici au Manitoba parce que, comme vous le savez, certains gouvernements ont de la difficulté à apprécier à leur juste valeur ces nouvelles approches, pourtant fondées sur des données probantes, pour s'attaquer à ce genre de problèmes. De ce fait, il arrive souvent, un peu partout au Canada, que des programmes existent dans une province et pas dans d'autres.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Ma question, ou mon commentaire, s'adresse à M. Johnston.
Je trouve que ce que vous mentionnez est assez important. Je parle de la réponse que vous semblez avoir trouvée à l'extérieur de la réserve, particulièrement au Manitoba, sur le plan culturel et pour les communautés, pour le vivre ensemble. Cela respecte les réalités des peuples autochtones, des Métis, des Inuits.
L'objet de notre étude porte essentiellement sur le logement autochtone en milieu urbain, nordique et rural afin d'identifier les obstacles et les défis et de voir si les programmes sont bien ou mal adaptés. Nous avons une réponse à donner, et le gouvernement doit pouvoir dire si ces programmes correspondent à la réalité et aux besoins que vous vivez. Au début de votre témoignage, vous avez parlé de la SCHL et vous avez dit que cela avait été une erreur. Je ne suis pas certaine d'avoir très bien compris. Les projets que vous proposez sont-ils des projets porteurs qui nécessitent un soutien important?
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Merci beaucoup, madame Chabot.
Vous avez raison de dire que les approches que nous avons adoptées ici à Winnipeg ont fait leurs preuves, principalement parce qu'elles sont culturellement pertinentes; elles reconnaissent chaque personne, qu'elle soit dénée, ojibwée, anishinabe, ininew, crie, michif ou métisse. Il s'agit de reconnaître le caractère unique de chaque personne sur le plan culturel, puis de travailler avec elle pour créer des programmes et des services qui lui profiteront. On peut faire participer d'autres personnes de sa communauté à l'élaboration de nouvelles approches pour tenter de faire en sorte que, avec l'investissement fait dans le traitement, le logement et les autres soutiens, les résultats obtenus soient plus durables. En fait, la personne sera en guérison toute sa vie.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Johnston.
Je tiens à dire que j'ai vraiment aimé les observations que vous avez faites au sujet de la dépossession des terres et de ses répercussions sur les peuples autochtones. J'ai souvent dit qu'ils nous ont d'abord enlevé nos terres, puis nous ont laissés sans abri sur nos propres terres. J'ai donc été vraiment heureuse d'entendre vos observations. J'ai souvent été assez critique à l'endroit du gouvernement fédéral actuel, mais aussi des précédents qui ont gravement et systématiquement sous-financé les communautés autochtones, y compris les populations autochtones en milieu urbain.
Croyez-vous que la violation du droit des Autochtones au logement explique pourquoi nos communautés — y compris ma circonscription, Winnipeg-Centre, où se trouve l'une des plus fortes populations autochtones en milieu urbain au pays, et j'en ai discuté longuement avec mon collègue Adam Vaughan — sont aujourd'hui aux prises avec une sérieuse crise pendant la COVID?
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Oui, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites.
La question qui se pose au Canada est la suivante: voulez-vous vraiment inclure les peuples autochtones dans tout ce qui se fait dans ce pays et êtes-vous disposés à faire les investissements nécessaires?
Cela fait combien d'années — 150 ans ou plus — que nous ne faisons pas les investissements nécessaires. Cela va à l'encontre du bon sens. Il s'agit ici d'êtres humains, c'est ce que nous sommes. Nous n'avons jamais été perçus de cette façon, mais nous le sommes. Ce sont les humains qui créent presque tout dans notre pays, alors donnez aux peuples autochtones la chance de montrer qu'ils peuvent apporter des solutions positives. Nous travaillons déjà avec de nombreux organismes non autochtones de Winnipeg, avec certains chefs d'entreprise comme Mark Chipman, le propriétaire des Jets de Winnipeg.
Les relations sont le fondement de notre société. Si on ne peut pas établir des relations positives entre les différents groupes qui composent notre société, à quoi aboutit-on? À des conflits.
Personne ne peut expliquer tout ce que nous faisons, mais collectivement, oui, nous le faisons. À Winnipeg seulement, grâce aux partenariats que nous sommes en train d'établir avec des Canadiens non autochtones dans de nombreux endroits différents, avec de nouveaux Canadiens, avec des réfugiés et dans le cadre de l'entente de partenariat de Winnipeg, nous savons maintenant que cet effort rapporte des dividendes et qu'il en rapportera encore plus. De meilleurs résultats se traduiront par des coûts bien moindres pour l'ensemble du pays.
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Non, le temps est écoulé, monsieur Vis. Je suis désolé. M. Vaughan est du même sentiment que vous.
Merci beaucoup aux témoins.
Merci beaucoup, chers collègues. Nous nous reverrons jeudi.
Mesdames et messieurs les témoins, vous pouvez constater que vous avez suscité beaucoup d'intérêt. Les membres du Comité demandent plus de temps, mais je dois résister à la tentation de leur donner satisfaction. L'heure de clore la séance est arrivée.
Je suis prêt à recevoir une motion de levée de séance. Ou peut-être y a-t-il consentement unanime pour la lever?
Des députés: D'accord.
Le président: Merci à tous.
La séance est levée.