JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la justice et des droits de la personne
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 23 novembre 2020
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonsoir ou bonjour à tous. Je déclare ouverte la 10e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Voici d'abord quelques règles de régie interne. Si vous souhaitez prendre la parole, veuillez activer votre micro. Si vous n'avez pas la parole, assurez-vous que votre micro est désactivé. Lorsque vous prenez la parole, veuillez parler lentement et clairement afin qu'il n'y ait pas de retard dans l'interprétation.
Sur ce, mettons-nous au travail. Dans le cadre de notre étude article par article du projet de loi C-7, nous recevons des témoins du ministère de la Justice et du ministère de la Santé. Bien entendu, les députés peuvent leur poser des questions. Je vais vous les présenter très rapidement. Nous recevons Carole Morency, Joanne Klineberg et Caroline Quesnel. Elles représentent le ministère de la Justice. Nous accueillons également Abby Hoffman, Sharon Harper et Karen Kusch, du ministère de la Santé.
Très brièvement, avant de passer à l'étude article par article du projet de loi C-7, la greffière m'a posé une question sur la motion de M. Cooper, qui propose d'autoriser le dépôt de mémoires après la date limite du 12 novembre. Je m'en remets aux députés pour préciser à quel moment nous devrions cesser de recevoir des mémoires. Pour l'instant, nous n'avons pas de date butoir.
Monsieur Cooper, voulez-vous en parler?
Madame la présidente, je pense que nous devrions continuer à accepter les mémoires jusqu'à la fin de ces audiences.
D'accord. Je vous remercie. C'est ce que j'avais besoin de savoir.
Y a-t-il des députés qui veulent ajouter quelque chose?
Donnez-nous un instant, monsieur Moore. Nous avons un problème technique.
Je vous remercie beaucoup.
Pour clarifier ce que M. Cooper a dit, les mémoires portant sur le projet de loi C-7 devraient pouvoir être déposés jusqu'à la fin de notre étude article par article. Est-ce exact, monsieur Cooper?
Je ne sais pas si j'ai une date précise à proposer, mais je me contenterai de dire que nous devrions continuer d'accepter les mémoires dans l'intérêt du Comité. Même après l'étude article par article, si le projet de loi est renvoyé à la Chambre, je doute que cela porte préjudice... Pourquoi y aurait-il un problème si les membres du Comité continuaient de recevoir des mémoires à titre informatif?
Les mémoires dont nous parlons se rapportent uniquement au projet de loi C-7.
Une fois qu'un mémoire est envoyé aux greffiers, le document doit ensuite passer par tout un processus de traduction.
Oui, je comprends cela, mais je suppose qu'à ce stade-ci, je propose simplement que nous permettions un maximum de souplesse.
Oui, et c'est exactement pour cette raison que, lors de la dernière séance, tout le monde a voté en faveur de votre motion. La question de la greffière était de savoir s'il y aurait une date butoir pour le dépôt des mémoires portant sur le projet de loi C-7.
Monsieur Moore, est-ce que cela concerne cette question?
Madame la présidente, je pense que nous devrions accepter les mémoires jusqu'à ce que nous ayons terminé l'étude article par article du projet de loi. Selon toute vraisemblance, si des mémoires sont remis au Comité, c'est pour permettre aux membres du Comité de s'en servir pour éclairer leurs positions au sujet des divers amendements. Après l'étude article par article, un rapport est présenté à la Chambre et, évidemment, les intervenants peuvent transmettre tous les renseignements voulus aux 338 députés. Ils peuvent faire de même lorsque le projet de loi sera à l'étude au Sénat.
À mon avis, il ne serait pas utile d'envoyer des mémoires au Comité une fois que nous aurons terminé notre travail et que le projet de loi aura fait l'objet d'un rapport à la Chambre.
Oui, madame la présidente.
En somme, M. Virani a dit ce que je pensais. J'approuve l'intention de M. Cooper. Je suis d'accord pour dire que cela ne porte pas préjudice. Le hic, bien sûr, c'est que nous ne voulons pas manquer de respect à quiconque dépose un mémoire. Si le document est reçu après l'étude article par article et que l'auteur s'attend à ce que le Comité soit toujours en mesure de l'examiner, je ne veux pas qu'il soit induit en erreur. C'est tout. Je pense donc que nous devons être consciencieux quant à l'intention de ceux qui déposent des mémoires.
Merci.
Merci.
Par conséquent, le Comité souhaite-t-il recevoir des observations écrites jusqu'à la fin de l'étude article par article?
Levez le pouce si vous êtes d'accord.
C'est parfait. Merci beaucoup à tous.
Monsieur Moore, je crois que vous vouliez invoquer le Règlement.
Oui. Les membres de notre personnel sont censés pouvoir assister à la séance par téléphone. Apparemment, ils utilisent une ligne téléphonique pour suivre les délibérations, et chaque député peut avoir un membre de son personnel sur cette ligne. Toutefois, quelques-uns d'entre eux m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas se connecter en ce moment.
Quelqu'un pourrait-il vérifier le problème technique que ces employés rencontrent lorsqu'ils essaient de suivre notre séance en temps réel? Je sais que c'est le cas pour deux ou trois membres du personnel du Parti conservateur. J'ignore si les autres partis éprouvent le même problème.
Pourrions-nous régler ce problème afin qu'ils puissent participer pleinement à ce qui se passe?
Merci, monsieur Moore.
Y a-t-il d'autres députés dont le personnel se trouve dans la même situation?
Un membre de mon personnel affirme, lui aussi, que la ligne ne fonctionne pas, madame la présidente.
Les techniciens se penchent là-dessus en ce moment.
Les lignes téléphoniques ont été activées. Si vous voulez demander aux membres de votre personnel de réessayer...
Merci d'avoir soulevé cette question, monsieur Moore.
(Article 1)
La présidente: Maintenant que nous avons réglé les problèmes, je vous rappelle que, vers la fin de la dernière réunion, il y avait un peu de confusion à propos du libellé de l'amendement NDP-2. Je crois comprendre que, vers 17 heures aujourd'hui, on a présenté un libellé révisé. Les députés seraient-ils à l'aise si nous utilisions ce libellé pour remplacer le texte de l'amendement NDP-2 dont nous avions discuté à la dernière séance?
Je suis simplement curieux de savoir une chose. Bien qu'il s'agisse de l'amendement NDP-2, et je respecte cela, nous nous retrouvons maintenant avec un amendement libéral. S'agit-il toujours d'un amendement néo-démocrate au projet de loi C-7, d'un amendement libéral-néo-démocrate ou d'un amendement libéral?
À ma connaissance, puisque l'amendement initial a été proposé par M. Garrison et que, lors de la dernière séance, M. Virani a tenté de proposer des amendements favorables, il y a eu une certaine confusion quant au libellé des amendements favorables. Nous avons donc ici le nouveau libellé.
Je propose aux membres du Comité que nous utilisions tout simplement ce libellé pour poursuivre le débat sur l'amendement NDP-2. Je crois que tous les députés ont le libellé sous les yeux.
Merci, madame la présidente.
À titre de précision, cela reste l'amendement NDP-2. Il s'agit donc d'un amendement du NPD. Est-ce bien cela?
Merci, madame la présidente.
J'aimerais soulever un point semblable à celui de mon collègue. À vrai dire, j'aimerais obtenir un éclaircissement. Sur l'ordre du jour qui a été distribué pour la séance de ce soir, il est écrit « étude article par article », et le premier point s'intitule « LIB-1 ».
Je suis quelque peu déroutée, car il s'agissait d'une motion du NPD et d'un amendement favorable. L'auteur a accepté l'amendement; je pense donc que cela reste l'amendement NDP-2, c'est-à-dire un amendement proposé par le NPD. Cela ne peut pas devenir soudainement, comme par miracle, un amendement libéral, mais je peux me tromper. Corrigez-moi si j'ai tort, mais ne sommes-nous pas en train de débattre de l'amendement NDP-2, tel que modifié par un amendement favorable, ou y a-t-il un autre amendement LIB-1?
C'est exactement ce que nous faisons. Nous débattons de l'amendement NDP-2, en tenant compte de l'amendement favorable, mais je vais demander à notre greffier législatif d'apporter des précisions.
Merci, madame la présidente.
Oui, vous avez raison. Le problème, c'est qu'il n'existe pas d'amendement favorable. Soit il y a un amendement, soit il y a autre chose, mais la notion d'amendement favorable est pour ainsi dire inexistante. C'est la raison pour laquelle vous voyez la mention de LIB-1 à l'ordre du jour, mais le procès-verbal indiquera NDP-2 puisque telle est la volonté du Comité. C'est ainsi que cet amendement sera nommé dans le procès-verbal du Comité.
C'est clair comme de l'eau trouble, à l'instar de la plupart des règles de procédure. Merci beaucoup.
Merci, madame la présidente. Par votre intermédiaire, M. Garrison pourrait-il nous expliquer comment cet amendement modifie le sien?
C'est pour connaître votre avis sur le changement qui a été apporté et sur la façon dont il améliore ou modifie ce que vous avez proposé à l'origine et ce dont nous avons débattu initialement.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Le libellé est, je crois, plus clair que celui que j'ai présenté initialement, en ce sens qu'il précise qui doit consulter qui, et qui doit informer qui de la consultation.
À vrai dire, l'intention initiale de mon amendement répondait à la demande des évaluateurs et des fournisseurs de l'aide médicale à mourir, qui ont estimé que la nouvelle disposition pour le deuxième volet n'était pas très claire quant au processus de consultation des personnes ayant une expertise supplémentaire.
Le nouveau libellé atteint exactement le même objectif et, à bien y penser, je crois qu'elle facilitera la tâche pour ceux qui travaillent avec la loi.
Je suis tenté de dire simplement « idem », madame la présidente. Au fond, il s'agit d'une clarification qui tient compte de l'intention de M. Garrison, à savoir la possibilité de recourir à une expertise si l'expert ne se trouve pas physiquement dans un endroit donné, tout en s'assurant que la personne qui consulte cet expert fait part des résultats de cette consultation à l'autre évaluateur.
Je vous remercie, monsieur Virani. Comme il n'y a pas d'autres mains levées pour débattre de l'amendement NDP-2, je vais passer à la mise aux voix.
Madame la greffière, ce sera un vote par appel nominal. La question est la suivante: « L'amendement NDP-2 est-il adopté? »
Madame la présidente, pour que les choses soient bien claires, s'agit-il de l'amendement NDP-2, tel que modifié par le libellé qui a été proposé?
Absolument, il s'agit de l'amendement NDP-2, tel que modifié par le libellé qui a été envoyé par courriel à tous les membres du Comité plus tôt aujourd'hui, à 17 h 2, par notre greffier législatif.
Merci, madame la greffière.
Nous passons maintenant à l'amendement PV-2.
Monsieur Manly, vous pouvez en parler brièvement, si vous le souhaitez.
Merci, madame la présidente.
Cet amendement a été adapté à partir d'une demande faite par Inclusion Canada, et il m'a été envoyé par Graham Morry, le directeur général de la Nanaimo Association for Community Living, qui l'a appuyé.
J'ai également rencontré des représentants d'Inclusion BC et plusieurs militants locaux qui sont en faveur de cet amendement. Il s'agit d'un changement mineur aux mesures de sauvegarde en cas de mort naturelle non prévisible. L'amendement demande que l'on s'assure que la personne a été informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, notamment, lorsque cela est indiqué, les services de consultation psychologique, les services de soutien en santé mentale, les services de soutien aux personnes handicapées, les services communautaires et les soins palliatifs et qu’il lui a été offert de consulter les professionnels compétents qui fournissent de tels services ou soins.
J'ai travaillé pendant plusieurs années avec des personnes ayant diverses capacités dans le cadre de programmes d'emploi et de formation professionnelle, notamment avec des jeunes aux prises avec des obstacles à l'emploi et des personnes handicapées. Dans le cadre de ce travail, j'ai aiguillé les gens vers tous les services que je viens d'énumérer, à l'exception des soins palliatifs. J'ai pu établir ces liens et fixer des rendez-vous en quelques semaines. Étant donné que les dispositions de sauvegarde prévoient une période de 90 jours pour la mort naturelle non prévisible, je pense que les gens ont amplement le temps de chercher et d'obtenir ces consultations et que cela ne constitue pas un obstacle qui empêche les gens d'avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Si les consultations devaient se faire auprès de spécialistes, je pourrais alors voir en quoi cela constituerait un obstacle, car, malheureusement, il faut beaucoup plus de temps pour consulter un spécialiste au pays.
Je pense qu'il s'agit d'un amendement très raisonnable qui donnera aux personnes handicapées une plus grande confiance à l'égard du processus d'aide médicale à mourir. Il est important que ces personnes soient entendues et qu'elles se sentent écoutées et respectées. Je crois personnellement que cette mesure législative comporte des mesures de sauvegarde adéquates, mais je voudrais que le projet de loi soit plus clair pour les personnes handicapées et leur communauté afin que leurs préoccupations soient entendues.
Je vous remercie.
Merci, madame la présidente.
Je profite de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à M. Manly au sein du Comité. J'apprécie son message, ses points de vue et son mandat, comme on vient de l'entendre.
Je m'oppose respectueusement à cet amendement. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, veille à ce que les personnes aient l'occasion de consulter des professionnels compétents pour des services appropriés, tout en respectant l'autonomie des patients quant à la décision d'accepter ou de refuser de suivre des conseils, de tenir compte des renseignements ou d'obtenir les services qui pourraient leur être proposés ou offerts. En outre, madame la présidente, le projet de loi exige que les personnes soient informées des moyens disponibles pour soulager leurs souffrances, qu'elles les examinent sérieusement et qu'elles aient l'occasion de consulter des professionnels qui fournissent ces soins.
L'amendement proposé obligerait les personnes aptes, dont le décès n'est pas raisonnablement prévisible, à entreprendre toutes les consultations qui leur sont proposées afin d'être admissibles à l'aide médicale à mourir. Pour ces raisons, je m'oppose respectueusement à l'amendement.
Je vous remercie.
Je suis désolé, madame la présidente. Je crois que c'était pour le tour précédent. J'ai essayé d'enlever la main levée. Je vous présente mes excuses.
Je comprends les propos de notre collègue, M. Manly. Nous avons certainement entendu beaucoup de témoignages au Comité de la part de personnes handicapées ou de groupes de défense canadiens en la matière. Ils ont beaucoup d'inquiétudes quant à l'élargissement de la portée de la loi, comme le proposent les libéraux.
Jusqu'ici, tous les amendements que nous avons essayé de proposer pour protéger davantage les personnes handicapées ou pour les rassurer un peu ont été rejetés, notamment par les libéraux et les néo-démocrates.
C'est, me semble-t-il, un ajout très raisonnable qui clarifie les choses. Je pense pouvoir appuyer cet amendement. À la lumière des observations faites par M. Manly sur la rapidité avec laquelle il pouvait aiguiller les gens vers d'autres services de soutien et d'autres consultations, force est de constater que ce n'est pas un fardeau trop lourd. Cet amendement ne change pas l'effet du projet de loi et de ce que le gouvernement libéral propose ici, mais il donne une certaine tranquillité d'esprit. C'est la réalité sur le terrain.
Durant la période des questions aujourd'hui, le ministre Lametti a déclaré encore une fois, en réponse à une question, que lorsque les gens en viennent à prendre une telle décision, il n'y a aucun doute dans leur esprit parce qu'ils ont fait tout ce qui s'imposait pour assimiler l'information, si bien que l'affaire est close. Toutefois, nous avons entendu des témoignages sur les idées suicidaires passagères. D'après certains témoignages — en fait, il y a des rapports auxquels j'ai déjà fait référence —, des gens auraient effectivement changé d'avis.
Tout le monde est différent. Si nous croyons vraiment à l'autonomie individuelle, il me semble que nous devrions dire très clairement que les gens auraient la possibilité de consulter d'autres spécialistes et d'obtenir tous les services de soutien dont ils ont besoin et qu'ils seraient encouragés à le faire, en fonction de leur cas particulier.
Ce sont les individus qui déclenchent ce processus. Ils sauraient s'ils veulent le faire. Ils sauraient s'ils ont le sentiment que cela les rassurerait. Ils ont peut-être déjà pris leur décision, mais ils ont seulement un petit doute et ils veulent en parler avec quelqu'un d'autre. Il y a tellement de scénarios possibles.
Il me semble que cet amendement comporte une proposition judicieuse. Lorsque j'entends dire qu'un groupe comme Inclusion Canada est en faveur de ce libellé et qu'il a peut-être même donné son appui à M. Manly à cet égard, cela me paraît très convaincant, compte tenu des témoignages que nous avons entendus.
En toute franchise, je ne pense pas que ce soit une bonne idée pour les législateurs de proposer une mesure législative qui passe pratiquement sous silence un segment très important de la société canadienne, à savoir les personnes handicapées. Ces gens nous ont clairement fait savoir qu'ils nous tendaient la main et qu'ils nous demandaient de ne pas les traiter différemment, mais d'apporter des amendements et d'améliorer le projet de loi pour qu'ils se sentent au moins rassurés et pour qu'ils n'aient pas l'impression d'être isolés ou écartés.
Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas répondre à cet appel, bien franchement.
Compte tenu de ce qui précède, j'appuie cet amendement. Merci.
Merci, madame Findlay.
Je cède la parole à M. Moore, puis à M. Cooper.
Nous vous écoutons, monsieur Moore.
Merci, madame la présidente.
Tout d'abord, je pense que l'amendement de M. Manly est bien réfléchi. Nous avons entendu les témoignages de personnes vulnérables, de Canadiens vivant avec un handicap. Il s'agit donc d'une réponse à certaines des préoccupations soulevées par certains de nos témoins...
Dans cette discussion, j'entends souvent des citations de professionnels de la santé ou de médecins, mais nous parlons souvent d'évaluateurs ou de prestataires de l'aide médicale à mourir, et je pense que nous, les membres du Comité, avons une responsabilité. J'ai écouté les évaluateurs et les prestataires de l'aide médicale à mourir, mais le milieu des médecins et des fournisseurs de soins de santé...
En ce qui a trait à cet amendement du Parti vert, les membres du Comité ont reçu un mémoire — du moins, c'est le cas en ce qui me concerne — du groupe Physicians Together for Vulnerable Canadians. Le document a été signé par plus de 800 médecins. Il s'agit de médecins qui se disent obligés d'exprimer leur « stupéfaction en voyant comment des personnes, qui ont peu d’expérience vécue des réalités en jeu dans la pratique quotidienne de la médecine, ont subitement et fondamentalement changé la nature de la médecine » en apportant des changements au régime de suicide assisté.
Sur cette question précise, et je tiens à insister là-dessus, ils affirment:
... les auteurs du projet de loi C-7 estiment suffisant d’offrir aux patients et patientes de l’information sur les autres moyens possibles d’atténuer leurs souffrances, [mais] il n’est pas obligatoire que le service leur soit accessible.
Combien de fois avons-nous entendu ce message? Dans les quelques témoignages que nous avons reçus au sujet du projet de loi, j'ai entendu à maintes reprises, de la part de personnes handicapées et d'autres personnes qui s'en inquiètent, que le choix entre la mort assistée et les autres options n'est pas un vrai choix si ces autres options ne sont pas accessibles.
Les mêmes médecins ajoutent ceci:
Nous vivons dans un pays où le délai d’attente dans certaines régions pour voir un psychiatre est de 4 à 8 fois plus long que la période de réflexion de 90 jours proposée dans le projet de loi pour les personnes dont la mort naturelle n’est pas considérée comme « raisonnablement prévisible », et où 70 % des citoyens et citoyennes dont la vie tire à sa fin n’ont toujours pas accès à des services de base en soins palliatifs. Pourtant, l’AMM est considérée comme un service essentiel aux termes de la Loi canadienne de la santé, alors que les soins palliatifs ne le sont pas. Ce projet de loi crée les conditions requises pour une mort facile et à bon marché par euthanasie ou suicide assisté.
Ce n’est pas le genre de médecine que nous avons consacré notre vie à pratiquer. Notre intention est de guérir et de diminuer les souffrances...
Ces médecins ont envoyé cette déclaration à notre comité. Ils disent que ce n'est pas un vrai choix si une personne n'a pas pu examiner à fond tous les services, y compris les services de soins palliatifs, qui lui sont offerts. Ils affirment que 70 % des Canadiens en fin de vie n'ont toujours pas accès à des services de base en soins palliatifs.
Le projet de loi C-7 élargit considérablement le cadre législatif canadien régissant l'aide médicale à mourir. Mon but dans ce dossier, c'est d'écouter les témoignages et de veiller à ce que notre comité fasse tout en son pouvoir pour protéger les Canadiens vulnérables, ceux qui sont au plus bas dans leur vie, et pour faire respecter les droits fondamentaux des Canadiens, de sorte que la prise de décision concernant l'aide médicale à mourir repose sur la meilleure information disponible.
Si une personne dont la vie tire à sa fin n'a pas été en mesure de consulter un médecin en soins palliatifs, comment est-elle censée prendre une telle décision? Voilà l'argument que ces médecins — ils sont plus de 800 — ont fait valoir à notre comité.
C’est pour ces raisons et d’autres que je pense que cet amendement particulier est parfait. Je pense qu’il s’agit d’une garantie supplémentaire. Je ne pense pas du tout qu’il soit trop contraignant. N’oubliez pas qu’il s’agit de cas où la mort n’est pas raisonnablement prévisible, c’est pourquoi nous voulons nous assurer que les Canadiens auront pu se prévaloir de toutes les options possibles.
Voilà pourquoi j'appuierai volontiers cet amendement des Verts de M. Manly.
Merci beaucoup, madame la présidente. Je voudrais moi aussi signifier mon appui à l’amendement de M. Manly. Je pense qu’il est très raisonnable et, à certains égards, modeste.
Nous avons entendu à maintes reprises des témoins, en particulier ceux qui représentaient les personnes handicapées, parler de la nature inadéquate de la disposition de se contenter d'informer le patient des alternatives dans le contexte où la mort n’est pas raisonnablement prévisible. Se contenter d’informer sans obliger les intervenants concernés à chercher des alternatives ou sans garantir l’accès à ces alternatives met en danger les personnes vulnérables, ces personnes vulnérables qui, lorsqu’elles font une demande d’aide médicale à mourir, sont souvent au sommet de leur vulnérabilité.
Je voudrais noter que le ministre a souvent dit, comme d’autres, que lorsque quelqu’un fait une demande d’aide médicale à mourir, il a longuement réfléchi à la procédure et il est donc important d’une manière ou d’une autre que cette procédure soit accélérée, ce que je ne comprends pas très bien. Lorsque nous parlons de cas où la mort n’est pas raisonnablement prévisible, une telle posture ouvre la porte à des situations où une personne pourrait avoir eu un accident, vécu un événement traumatisant ou reçu un diagnostic qui met littéralement sa vie sens dessus dessous. Nous avons entendu des témoignages où l'on faisait état de gens qui avaient des idées suicidaires, en particulier dans des circonstances où ils avaient eu de mauvaises nouvelles ou des épisodes de douleurs et des souffrances intenses, sans avoir eu la possibilité de connaître ou de cerner les traitements dont ils auraient pu se prévaloir.
Je tiens à revenir sur le passage de la Dre Catherine Ferrier devant ce comité. Je vais lire une partie de son témoignage pour les besoins du compte rendu, car je crois que ses propos sont importants dans le contexte de cette motion. Mme Ferrier travaille en tant que médecin à la clinique gériatrique du Centre universitaire de santé McGill depuis 1984. Voici ce qu'elle disait:
Le taux de suicide chez les gens ayant subi un traumatisme de la moelle épinière est 20 fois plus élevé qu'au sein de la population en général, et ce, pendant une période de cinq ans. Ceux qui choisissent de se suicider ne sont pas nécessairement déprimés ou incapables de prendre une décision. C'est seulement que leurs options deviennent extrêmement limitées et qu'il leur faut beaucoup de temps pour s'adapter à leur nouvelle réalité, mais ils finissent par y arriver. Après cinq ans, leur taux de suicide est le même que celui du reste de la population. Il faut les protéger contre leur propre désespoir. C'est la raison pour laquelle notre société prend des mesures de prévention pour contrer les désirs suicidaires. C'est aussi pour cette raison que nous ne pouvons pas autoriser l'aide médicale à mourir après une réflexion de 90 jours seulement.
Elle s’oppose à cette période de 90 jours. On peut en débattre. Moi aussi, je suis en désaccord avec cette période de 90 jours. En ce qui concerne l’amendement de M. Manly, j’ai cité un exemple, mais il y a beaucoup d’autres exemples de personnes souffrant d’une maladie ou d’une affection qui ont une propension au suicide beaucoup plus élevée que la moyenne, du moins jusqu'à ce qu'elles aient pu s’adapter à leur condition après un certain temps. Cela montre donc l’importance de l’amendement, puisqu'il permettra au patient de recevoir de l'information, certes, mais aussi d'obtenir des consultations appropriées.
Je tiens à souligner que cet amendement est conforme, d’une certaine manière, à ce qui a été dit dans le rapport final du Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada.
Ce rapport, qui était très important lorsque nous avons examiné le projet de loi C-14, disait « qu’une demande d’aide médicale à mourir ne peut être véritablement volontaire si le demandeur n’a pas accès à des soins palliatifs appropriés pour alléger ses souffrances ». Assurément, lorsque la mort n’est pas raisonnablement prévisible, la personne devrait, au minimum, être tenue de se prêter à une consultation.
Je tiens à souligner qu'en s’engageant dans cette voie, le Canada ferait cavalier seul à l'échelle internationale. Nous aurions à n'en pas douter le régime le plus permissif du monde. Je note qu’aux Pays-Bas, par exemple, un médecin doit confirmer qu’il n’existe aucun autre moyen potentiel de soulager la souffrance de quelqu'un avant de prodiguer une aide médicale à mourir. En l'état, nous nous contenterions de fournir des informations, mais sans obligation de veiller à ce que la personne puisse réellement prendre une décision en connaissance de cause. Vous ne pouvez pas prendre une décision vraiment éclairée et vous ne pouvez pas exercer votre autonomie si le seul choix que s'offre à vous est entre le soulagement de souffrances intolérables et l’aide médicale à mourir.
Pour toutes ces raisons, je pense que l’amendement de M. Manly est sensé.
Par ailleurs, je trouve troublant que, après avoir entendu 72 organisations nationales représentant les personnes handicapées et faisant valoir leurs droits, après avoir entendu les préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des personnes handicapées et après avoir entendu les questions posées sur le respect par le Canada de ses obligations internationales aux termes de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, notamment l’article 10, les députés ministériels aient fait peu de cas de toutes ces questions. Je voudrais juste...
... compte tenu de ces préoccupations, j'espère que les députés ministériels seront disposés à appuyer ce que je considère comme étant un bon amendement, bien que très modeste.
Merci.
Merci, monsieur Cooper.
Monsieur Manly, si vous voulez répondre à certaines des réserves ou des questions qui ont été soulevées, vous pouvez le faire maintenant, mais brièvement, je vous prie.
J’allais simplement dire que beaucoup de choses sont énumérées ici avec la mention « lorsque cela est indiqué », ce qui signifie que ce ne sont pas des services qui devront être offerts à tout le monde. Il y a « lorsque cela est indiqué, les services de consultation psychologique, les services de soutien en santé mentale, les services de soutien aux personnes handicapées, les services communautaires et les soins palliatifs ». Je pense que de nombreuses personnes auront déjà fait appel à certains de ces services avant de demander l'aide médicale à mourir.
Je ne veux pas enlever à quelqu’un le droit de dire qu’il ne veut pas avoir à faire appel à des services de santé mentale ou à des services d’aide aux personnes handicapées, mais je pense que beaucoup de gens font déjà appel à ces services. Nous voulons nous assurer que les personnes handicapées ont effectivement eu la possibilité de bénéficier de ces consultations et de voir les mécanismes de soutien dont elles peuvent se prévaloir.
Dans mon travail, j’ai eu des jeunes qui menaçaient de se suicider. Ils étaient à bout de nerfs parce qu’ils n’obtenaient pas les services et les choses dont ils avaient besoin. Pour travailler avec eux, il fallait juste un peu de patience et de temps et un certain travail au sein de la communauté afin d'assurer qu’ils aient accès aux choses dont ils avaient besoin pour pouvoir s’épanouir dans leur milieu.
C’est tout ce que j’ai à ajouter. Je vous remercie.
Merci, madame la présidente. Je suis assurément reconnaissant de l'occasion qui m'est donnée ce soir de parler de cela.
J'aimerais juste avoir une précision concernant l'intervention de M. Cooper. J'ai trouvé que M. Cooper avait beaucoup parlé de l’amendement. Je me demande simplement quelles sont les règles d’engagement à cet égard. J’ai moi aussi beaucoup de choses à dire à ce sujet. Je suppose que ce que je vous demande, madame la présidente, c'est si je peux parler aussi longtemps que je le souhaite à condition que cela concerne l'amendement. Est-ce bien cela?
Absolument. Nous parlons de la pertinence de l'amendement et plus précisément de ce qu'il fait et de son incidence sur le projet de loi C-7, comme nous le faisons pour tous les articles.
Excellent. Merci beaucoup, madame la présidente. Merci de cette précision.
Comme je l’ai déjà dit, la vitesse à laquelle le projet de loi C-7 est traité est pour le moins affligeante. On a laissé très peu de temps pour la consultation des groupes concernés. Les professionnels de la santé et les groupes qui défendent les Canadiens vulnérables ont été exclus du processus de consultation, mais heureusement, ce soir, nous avons permis la présentation de mémoires. Je pense que c’est un grand pas en avant pour ce comité.
Dans d’autres pays dont les lois autorisent l’euthanasie, on a toujours considéré cette solution comme étant le dernier recours, et non comme une option de traitement initial. L’exigence typique dans ces nations est que la norme de soins doit être appliquée avant d’être proposée. Ce point a été soulevé par de nombreux médecins et autres professionnels de la santé à l'échelle du pays, qui ont fait valoir leurs réserves quant au danger que ce projet de loi fait planer sur les groupes vulnérables de notre pays.
Je suis reconnaissant envers nos collègues du Parti vert d’avoir proposé cet amendement précieux qui pourrait très bien sauver des vies. L’amendement propose de modifier le libellé de l’alinéa 241.2(3.1)g) proposé. Selon cet amendement, les personnes dont le décès n’est pas raisonnablement prévisible seraient tenues de consulter des professionnels qui ont une expérience pertinente en matière de soins et de services pour les personnes ayant reçu un diagnostic similaire ou étant dans un état similaire.
Il est de la plus haute importance que les patients bénéficient également de cette consultation auprès des professionnels appropriés. Ces professionnels doivent être des personnes qui fournissent couramment le service ou les soins applicables à ce que nécessiterait le diagnostic ou l'affection du patient. La responsabilité de veiller à ce que les personnes envisageant l'aide médicale à mourir soient pleinement informées avant de prendre une décision aussi importante devrait être primordiale. Lorsqu’une personne se trouve dans une situation si désespérée qu’elle est amenée à envisager de mettre fin à sa propre vie, elle doit bénéficier de tout le soutien disponible, ce qui, bien entendu, signifie qu'elle doit être informée des alternatives à l'aide médicale à mourir.
Je suis sûr que souvent, lorsqu’une personne reçoit un diagnostic de problème chronique ou de handicap, elle peut avoir l’impression que le monde s’écroule...
Monsieur Lewis, vos signaux audio et vidéo sont vacillants.
Est-ce que les membres sont capables d’entendre et de comprendre M. Lewis?
Monsieur Lewis, pourriez-vous vérifier votre connexion? Vous pourriez peut-être essayer de vous brancher avec les TI et nous pourrions revenir à vous un peu plus tard, si cela vous convient.
Merci, monsieur Lewis.
Monsieur Thériault, c’est bon de vous voir en bonne santé au Comité. Allez-y, je vous prie.
[Français]
Merci, madame la présidente. C'est gentil de votre part.
Je suis désolé, mais je ne suis pas d'accord sur les interventions, néanmoins pertinentes, de mes collègues. En effet, elles reposent sur des prémisses qui ressemblent à ce qui suit. L'alinéa g) se situe à la fin des mesures de sauvegarde du paragraphe 241.2(3.1), qui dit ceci:
Avant de fournir l’aide médicale à mourir à une personne dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible [...]
Lorsqu'une personne fait une telle demande, on ne peut pas présupposer qu'elle le fait d'une façon non éclairée. Tout un processus entoure les demandes que font des personnes atteintes de maladies ou d'affections dégénératives, de déficiences qui leur imposent un handicap et une souffrance intolérables, une affection, une souffrance ou un état irréversible.
Le projet de loi C-7 dit que, lorsqu'une telle demande est faite, il faut s'assurer d'un certain nombre de choses. Or, je pense qu'il ne faut pas présupposer que, parce qu'une personne est atteinte d'une déficience physiologique ou cognitive, elle n'a pas autant d'autonomie morale que vous et moi. C'est la prémisse qui est oubliée au départ. L'autre qui est également oubliée est la suivante. Lorsqu'une loi ou le Code criminel prévoit une mesure disculpatoire, elle ne peut pas, dans les faits, être illusoire et non accessible de façon équitable sur tout le territoire.
Dans le projet de loi C-7, après toutes les autres mesures, on dit ce qui suit à l'alinéa g):
s’assurer que la personne a été informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances [...]
Je souligne qu'avant cela, on a mesuré l'irréversibilité de l'état de la personne. Nous en avons discuté, parce que la question principale est en effet l'irréversibilité de l'état de souffrance. C'est ce qui doit être vérifié par les professionnels de la santé. L'alinéa 241.2(3.1)g) dans son entier est libellé comme suit:
s’assurer que la personne a été informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, notamment, lorsque cela est indiqué, les services de consultation psychologique, les services de soutien en santé mentale, les services de soutien aux personnes handicapées, les services communautaires et les soins palliatifs et qu’il lui a été offert de consulter les professionnels compétents qui fournissent de tels services ou soins;
M. Manly voudrait que nous disions, après toute cette énumération des services offerts, « [et qu’elle a consulté des professionnels qui ont de l’expérience pertinente et qui fournissent de tels services ou soins; . Si ce n'est pas une obligation, je me demande ce que c'est. Une obligation de consulter implique-t-elle un de ces services seulement? Est-ce que cela implique tous les services? M. Manly parlait des soins palliatifs, mais ceux-ci ne sont pas les seuls à être énumérés ici.
Dans ce contexte, j'ose croire qu'à la fin du processus, la personne a fait une démarche totalement libre, que personne ne l'a poussée à faire cette demande et qu'elle l'a fait de façon totalement éclairée. Or, on lui dit qu'il faut quand même vérifier un certain nombre de paramètres et, à la fin, qu'elle peut consulter des professionnels. Quand un état suicidaire est lié à un accident, l'état suicidaire est réversible. On ne peut pas mélanger les pommes et les oranges. Quand il s'agit d'une demande d'aide médicale à mourir, l'état, l'affection, le problème, le handicap, la déficience... Le handicap est toujours social. J'ai toujours de la difficulté à nommer « personnes handicapées » les personnes qui ont un certain nombre de déficiences. C'est nous, la société, qui les handicapons.
Ils ont la même autonomie morale que vous et moi. Or, le Code criminel les obligerait à aller consulter davantage, comme si l'on présupposait que leur décision n'a pas été le fruit d'un processus de consultation. Il y a une limite au paternalisme de l'État et cela va à l'encontre des principes énoncés dans l'arrêt Carter et dans la décision de la juge Baudouin. C'est la raison pour laquelle je vais m'opposer à cela.
Merci, monsieur Thériault.
[Traduction]
Monsieur Moore, je vois que vous avez levé la main pour répondre à tous les commentaires que vous avez entendus depuis votre dernière intervention.
Merci, madame la présidente.
Il est intéressant d’entendre des gens, divers députés, donner leur avis. Je présume que nous avons tous droit à nos opinions. J’espère que toutes nos opinions sont des opinions éclairées.
Lorsque nous parlons de soins palliatifs, ce que fait cet amendement, il est selon moi important d’écouter ce que les médecins de soins palliatifs ont à dire. Nous avons reçu un mémoire de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs — ou du moins, moi j'en ai reçu un, et je suppose que d’autres membres en ont reçu un aussi. Je voudrais simplement attirer votre attention sur un des points importants soulevés dans ce mémoire. Il s’agit du premier point. Les médecins de soins palliatifs ont fait plusieurs recommandations à notre comité, et je crois que ces recommandations sont en mesure d'étayer certains des amendements dont nous allons traiter.
Je m'explique.
Sur l'amendement dont nous sommes saisis, les médecins de soins palliatifs estiment qu'il faut souvent du temps pour faire l'évaluation minutieuse d’une maladie, poser un diagnostic correct, assurer une gestion impeccable des symptômes et un suivi approprié des interventions qui peuvent être bénéfiques à une personne confrontée à une nouvelle maladie ou à une nouvelle situation.
Nous avons entendu cela à maintes reprises.
Ils ajoutent que lorsqu’une personne doit faire face à une réalité nouvelle et souvent complexe, il est possible et normal qu'elle soit la proie d'une crise existentielle et qu'elle s’interroge sur le sens et la valeur de sa vie. Avec du temps et du soutien, la personne peut trouver un nouveau sens à la normalité et à sa situation.
Nous arrivons maintenant à un point pertinent, madame la présidente.
Les médecins estiment que ce processus peut prendre de nombreux mois, voire des années pour certaines personnes.
Aux termes des dispositions du projet de loi C-7, pour la toute première fois, les Canadiens dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible peuvent maintenant avoir accès à une mort assistée.
C’est ce que soulignent ces médecins de soins palliatifs lorsqu'ils disent que tout professionnel qui évalue la demande de mort administrée par un médecin doit avoir accès à un soutien consultatif approprié pour ce patient en fonction de ses besoins.
On parle ici du patient, et nous avons, ou nous devrions avoir, un système centré sur le patient.
Selon le mémoire, il peut s’agir de soins palliatifs, de psychiatrie, de spécialistes de la douleur chronique... de physiatrie, de soins spirituels et de services d’aide aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale, de troubles liés à la consommation de substances, de handicaps, ainsi que d’isolement physique et social.
La question de l'isolement en est une qui revient de plus en plus souvent dans ce contexte de pandémie.
Les auteurs du mémoire ajoutent que cela permettrait de s’assurer que toutes les options de traitement raisonnables ont été offertes pour gérer la souffrance physique, psychologique, sociale, spirituelle et émotionnelle.
Nous arrivons au point le plus pertinent.
Selon eux, il ne suffit pas d’avoir des informations sur les options de traitement disponibles; les gens ont besoin de l’expérience vécue des soins pour être en mesure de prendre une décision en connaissance de cause.
Je vais le répéter parce que c’est exactement ce que l’amendement de M. Manly tente de préciser. L’amendement de M. Manly est directement lié à ce que nous entendons. S'agit-il de l'opinion d'une personne rencontrée dans la rue? Non, c'est quelque chose qui vient des médecins de soins palliatifs, de gens qui s’occupent tous les jours de Canadiens qui sont dans cette situation. Lorsque nous consultons les nécrologies dans les journaux, combien de fois y lisons-nous des remerciements adressés aux médecins de soins palliatifs pour les soins qu’ils ont prodigués, quel que soit l’hôpital où cela s'est produit? Ce que ces médecins disent, c’est qu’il ne suffit pas d’avoir des renseignements sur les traitements disponibles. Pour prendre une décision en connaissance de cause, il faut l'expérience vécue.
Et ce n'est pas tout.
Ils disent que dans le cadre du système à deux vitesses que nous avons maintenant, la période d’évaluation de 90 jours — que nous aborderons plus tard avec un autre amendement — peut ne pas laisser suffisamment de temps à une personne pour recevoir des soins palliatifs appropriés ou d’autres soins nécessaires pour réduire sa souffrance et lui permettre de vivre dans la dignité. Au lieu de cela, les patients peuvent avoir le sentiment qu’un décès prématuré par le truchement de la mort administrée par un médecin est la seule option. La situation risque aussi de faire en sorte que des personnes ayant demandé la mort administrée par un médecin pourraient resquiller pour accéder à ces services nécessaires.
Nous sommes un pays vaste et diversifié. Nous traitons, certes, d’un sujet sur lequel nous avons des opinions variées. J’espère que ce qui nous unit en tant que comité est le désir de protéger les Canadiens vulnérables.
Les personnes qui s’occupent des gens alors qu'ils sont dans leur état le plus vulnérable sont les médecins de soins palliatifs. Ce sont eux, les spécialistes qui informent le Comité qu’ils ne croient pas qu'il soit suffisant de mentionner à quelqu’un ce qui lui est offert ou de lui remettre une brochure. Ils croient plutôt important pour ces personnes vulnérables d'avoir une interaction concrète avec un spécialiste.
Même le gouvernement a perçu la sagesse de cela, pour ceux qui se trouvent sur la deuxième voie où la mort n’est pas raisonnablement prévisible, en exigeant que l’un des deux médecins qui évaluent un patient soit un spécialiste du trouble qui affecte cette personne. Lorsqu’une personne est en fin de vie ou lorsqu’elle cherche à savoir quelles sont ses options, il faut que la consultation se fasse auprès d'un spécialiste des soins palliatifs qui sera en mesure de lui expliquer quels services peuvent être offerts, et que ces conseils soient prodigués dans le cadre d’une véritable consultation.
Il s’agit d’une question de vie ou de mort. Nous l’avons entendu à maintes reprises. Ce n’est pas un vrai choix si le patient n’est pas informé de façon complète de toutes les options qui s'offrent à lui.
Je ne veux pas voir mes concitoyens, ni aucun de nos concitoyens, ni un seul Canadien, dans une situation où ils choisiraient la mort assistée par faute de renseignements et de consultations sur les options dont ils disposent.
Madame la présidente, encore une fois, c’est la raison pour laquelle j’ai cru qu’il était important de mentionner, puisqu'il en est question, ce que disent les médecins de soins palliatifs. Ce qu’ils disent, c’est que nous devrions tous autant que nous sommes appuyer cet amendement.
Voilà pourquoi je suis heureux de l'appuyer.
Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Moore.
Je rappelle simplement aux membres que, pour la suite de cet important débat, il n’est pas vraiment approprié de continuer à présenter les mêmes arguments lorsque vous parlez des amendements.
Je reconnais, monsieur Moore, que votre opinion et vos préoccupations à ce sujet sont assez tranchées et que vous les exprimez avec éloquence. Cependant, j’espère que tout est consigné et que nous allons pouvoir passer à autre chose.
Monsieur Lewis, avez-vous quelque chose à ajouter, sur la base de ce que vous avez dit précédemment?
Tout d’abord, madame la présidente, mes excuses au Comité. Je vous prie de m’excuser pour mes problèmes informatiques de tantôt. Je tiens à remercier le département informatique de m’avoir aidé à régler ce problème — merci beaucoup. J’espère en tout cas que ma connexion est un peu meilleure maintenant.
J’ai beaucoup de choses à ajouter à ce sujet.
J’allais entre autres parler de la Dre Catherine Ferrier, mais, bien sûr, mon collègue M. Cooper a déjà abordé ce sujet.
En ce qui concerne ce que vous venez de dire, madame la présidente, encore une fois, nous ne voulons pas ajouter tout un tas de verbiage à cette discussion, mais je pense qu’il est très important que le Comité examine attentivement l’amendement de M. Manly. Je pense que c’est un amendement qui concerne vraiment la protection de tous les Canadiens. Il contribuera en outre à prévenir les abus et les malversations, ce qui devrait être une préoccupation centrale, en particulier lorsqu’il s’agit de personnes dont l’état mental ou physique — quand ce n'est pas les deux — est particulièrement fragile. Il y aura toujours un risque de coercition, de pressions indues et de choses de cette nature.
Or, ce projet de loi devrait atténuer ce risque autant que faire se peut en garantissant que chaque patient soit informé de toutes les alternatives disponibles, y compris en recevant des conseils concernant la gestion continue de son état grâce à un traitement ou des mesures thérapeutiques soutenues. Cela devrait être considéré comme une condition préalable fondamentale à remplir avant de pouvoir envisager la procédure de fin de vie.
Madame la présidente, je demande à nouveau respectueusement que le Comité examine attentivement la possibilité d'appuyer cet amendement. Je pense que c’est un excellent amendement.
Encore une fois, je m’excuse auprès de la présidence et du Comité pour les problèmes informatiques que j’ai eus. J’aurai certainement d’autres commentaires à faire sur d’autres amendements.
Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Lewis. Je suis heureuse que vos problèmes informatiques aient été résolus. Votre retour parmi nous est le bienvenu.
Monsieur Cooper, c'est à vous.
Merci, madame la présidente.
Dans mes commentaires précédents, j’ai fait une référence générale à la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies. Ce que j’ajouterais à cela, c’est que l’amendement de M. Manly s’inscrit clairement dans l’esprit de la loi, dans la mesure où le préambule de cette dernière stipule que le Canada est, tout d’abord, un « État partie » à cette convention et qu'il « reconnaît les obligations que celle-ci lui impose, notamment à l'égard du droit à la vie ».
Si le projet de loi fait réellement ce que le préambule lui prête comme intention, alors il est impératif que l’amendement de M. Manly soit adopté. J’aimerais souligner l’article 10 de la convention.
Que dit l’article 10 de la convention? Il dit très simplement ceci:
Les États Parties réaffirment que le droit à la vie est inhérent à la personne humaine et prennent toutes mesures nécessaires pour en assurer aux personnes handicapées la jouissance effective, sur la base de l’égalité avec les autres.
Le rapporteur spécial des Nations unies, s’exprimant à nouveau directement sur la question, c’est-à-dire la réponse de M. Manly...
J’invoque le Règlement, madame la présidente.
Je ne suis pas un adepte des interruptions, et je m’excuse auprès de M. Cooper, mais ce dernier soulève des points qui auraient pu être soulevés auparavant. Je ne veux pas empêcher quelqu’un de faire valoir ses arguments, mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire que les gens le fassent à répétition.
Si vous avez quelque chose à dire, je vous suggère de le faire lors de votre première intervention. À moins qu'une personne ne veuille répondre à une opinion opposée à ce qu'elle a dit auparavant, je ne pense pas qu’il soit approprié de lui donner une seconde chance de prolonger inutilement la discussion.
À propos de ce rappel au Règlement, madame la présidente, nous pouvons parler de ce qui est « approprié » tant que nous le voulons, et, je suis persuadé que vous allez nous le confirmer, madame la présidente, mais comme vous le savez, chaque député qui souhaite s’exprimer sur ces choses a le droit de le faire, car ce sont les règles qui régissent notre conduite.
Si quelqu’un, pendant le débat, comme cela m’est arrivé avec d’autres interventions sur un amendement, formule un argument auquel je souhaite répondre, essentiellement de la même façon que M. Maloney a fait son rappel au Règlement et que j’y réponds maintenant, nous pouvons le faire à titre de députés. Nous sommes en mesure de nous prononcer sur ces amendements. Nous sommes à la Chambre des communes, où les députés s’expriment au nom des Canadiens qu’ils représentent. Les règles qui régissent cette enceinte prévoient entre autres que chaque député peut s’exprimer aussi souvent qu’il le souhaite sur ces amendements.
Jusqu’à maintenant, d’après ce que j’ai entendu, tout est directement lié à l’amendement dont nous débattons.
Je souhaitais simplement répondre à ce rappel au Règlement. Merci, madame la présidente.
Sur le même rappel au Règlement, madame la présidente, je crois qu’il est important, dans ce contexte, de tendre vers une certaine rigueur dans nos observations. Ce que M. Maloney souhaite ici n’est pas, selon moi, d’essayer de limiter le débat. Il tente plutôt de veiller à ce que les intervenants ne s’éparpillent pas dans leurs observations et que, si vous avez l’intention de répliquer au cours d’un deuxième tour, vous fassiez exactement cela. Vous répondez à quelque chose de nouveau que vous avez entendu.
Nous venons de consacrer environ une demi-heure à ce débat et, au cours de celle-ci, seulement deux personnes ont manifesté leur opposition au point de vue des conservateurs, soit MM. Thériault et Kelloway. Dans les propos formulés ensuite par divers députés conservateurs, je constate qu’aucun n’a réagi aux observations formulées par M. Kelloway ou M. Thériault.
Il serait peut-être bon d’avoir des éclaircissements, madame la présidente, car je crois que c’est le rôle de la présidence d’encadrer le débat de façon efficace et adéquate afin que nous puissions progresser dans l’étude de ces amendements, par respect pour les personnes qui se joignent à nous par visioconférence, par respect pour nos témoins des ministères et par respect pour le personnel de la Chambre.
Merci.
Désolée, monsieur Moore, mais Mme Findlay a maintenant la parole.
Est-ce toujours sur le même rappel au Règlement, madame Findlay?
Je trouve ces remarques insultantes.
En tant que députée, j’ai le droit, comme tous mes collègues de toutes les formations politiques, de formuler comme je l’entends des observations au Comité sur des amendements. Je ne crois pas que tout autre député ici a le droit de me dire: « Je ne trouve pas que vous êtes assez concise dans vos propos, madame Findlay. Je ne crois pas que je dirais cela de la même façon. »
Je ne connais aucune règle du genre. Ce que je comprends des règles du Comité permanent, c’est que nous avons l’occasion de formuler des remarques sur ces amendements à mesure que nous progressons dans notre examen, article par article. Parfois, nos observations ne sont que des commentaires. Parfois, nous espérons convaincre les autres membres du Comité d’adopter notre point de vue. C’est notre droit. C’est notre droit en tant que parlementaires de se faire entendre.
Parfois, vous intervenez et vous pensez après-coup: « Oh! J’aurais dû préciser cela. » Eh bien, vous avez le droit de lever votre main de nouveau et d’aller jusqu’au bout de votre pensée.
Je ne connais aucune règle qui précise que vous, madame la présidente, ou tout autre membre de ce comité, pouvez affirmer que je n’ai le droit de lever de nouveau la main que si j’ai un point très précis à soulever et que je dois le faire avec concision afin que quelqu’un d’autre au sein du Comité décide à quel point j’ai été brève. C’est ridicule. Ce n’est pas la façon dont ce comité fonctionne. Ce n’est pas la façon dont le débat doit se faire.
Si nous voulons procéder de façon efficace, nous devrions laisser les autres exposer leur argument sur chaque amendement autant qu’ils le souhaitent au fil du débat. Sinon, nous allons être ici toute la nuit, et dire: « Je n’aime pas la façon dont cette personne a dit ceci. », « Je n’aime pas la façon dont cette personne a dit cela. » ou « J’aimerais souligner que le langage employé n’était pas le plus efficace. » Ce n’est tout simplement pas possible, madame la présidente.
Merci.
Je vais exercer mon droit de simplement affirmer que je suis d’accord avec tout ce que Mme Findlay vient de dire, et qu’il n’est pas nécessaire de le répéter, car c’était excellent et convaincant. Sa compréhension des règles est tout à fait correcte et le temps que nous passons à discuter de ce point aurait pu être passé à discuter de l’amendement.
J’espère qu’il n’y aura pas d’autres interventions sur le droit des députés d’intervenir sur chacun de ces amendements et d’avoir un bon débat sur ceux-ci, puis d’avancer des arguments qu’ils ont entendus de témoins à propos de ces amendements.
Je suis d’accord avec tout ce que Mme Findlay a dit.
Je vais est être très bref et simplement dire, d’abord, que je suis d’accord avec toutes les remarques de M. Moore et de Mme Findlay. Je crois qu’il est important que nous ayons un débat approfondi sur les amendements.
D’un bout à l’autre, ce processus est on ne peut plus précipité. Honnêtement, c’est… sans vouloir vous manquer de respect, madame la présidente…
Je vais m’arrêter là. Toutefois, mes remarques sont très pertinentes quant à l’amendement à l’étude et proposé par M. Manly.
Merci, monsieur Cooper.
Sur ce rappel au Règlement, je vous réfère à la page 1059 du Livre vert, chapitre 20. On peut y lire:
De même, le président peut, à sa discrétion, interrompre un membre dont les observations et les questions sont répétitives ou n’ont aucun rapport avec l’affaire dont le comité est saisi. Si le membre en question continue de faire des remarques répétitives ou hors de propos, le président peut donner la parole à un autre membre. Si le membre en faute refuse de céder la parole et continue de parler, le président peut suspendre la réunion ou l’ajourner.
Sur cette décision rendue au sujet du rappel au Règlement de M. Maloney, j’invite les membres à bien vouloir respecter ce cadre dans leurs remarques, soit s’en tenir à l’amendement en particulier, s’en tenir au sujet qui est débattu, et de bien vouloir s’abstenir de répéter leurs arguments.
Monsieur Cooper, vous pouvez continuer. Allez-y.
Merci, madame la présidente.
Je soulignerai simplement que mes remarques étaient on ne peut plus pertinentes par rapport à l’amendement. Elles ne répétaient en aucun point quoique ce soit que j’avais déjà affirmé. J’espère que les membres du gouvernement tiendront compte des préoccupations exprimées par la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées.
À cet effet, dans le contexte de l’amendement proposé par M. Manly, la Rapporteuse spéciale a déclaré:
Je suis extrêmement préoccupée par la mise en œuvre de la législation sur l’aide médicale à mourir dans une perspective de handicap. On m’a informée qu’il n’y a pas de protocole en place pour démontrer que les personnes handicapées ont reçu des solutions de rechange viables lorsqu’elles sont admissibles à l’aide médicale à mourir.
Je crois que l’amendement de M. Manly est un pas dans la bonne direction si l’on veut remédier aux préoccupations soulevées par la Rapporteuse spéciale quant aux obligations internationales du Canada au titre de la Convention de l’ONU, qui est explicitement citée dans le préambule du projet de loi C-7.
Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Cooper.
Nous allons maintenant mettre aux voix l’amendement PV-2.
(L’amendement est rejeté par 7 voix contre 4. [Voir le Procès-verbal])
La présidente: Passons maintenant à l’amendement CPC-6.
Monsieur Moore, aimeriez-vous proposer cet amendement et vous exprimer sur sa teneur?
Merci, madame la présidente. J’allais justement le proposer, mais je vais également m’exprimer sur celui-ci, à votre invitation.
Ce que fait CPC-6... Si on revient un peu en arrière, comme vous savez, le projet de loi C-7 prévoit deux volets, l’un où la mort est raisonnablement prévisible et l’autre ou la mort n’est pas raisonnablement prévisible.
Nous avons déjà traité du fait que nous n’avons pas défini la notion de « raisonnablement prévisible ». Dans le volet où la mort n’est pas raisonnablement prévisible, plusieurs mesures de sauvegarde sont en place.
Dans le volet où la mort est raisonnablement prévisible, nous savons que la période de réflexion des 10 jours incluse par le Parlement dans le projet de loi C-14 est éliminée. Dans le volet où la mort n’est pas raisonnablement prévisible, le gouvernement a établi une période de réflexion de 90 jours. Il est intéressant de constater que, d’une part, on élimine la période de réflexion et que, d’autre part, il y a une période de réflexion de 90 jours.
Grâce à l’amendement CPC-6, nous proposons de replacer le libellé « 90 jours » de sorte à veiller à ce qu’ « au moins 120 jours francs se sont écoulés entre le jour où commence la première évaluation au titre du présent paragraphe de l’admissibilité de la personne selon les critères prévus » et celui où l’aide médicale à mourir peut lui être fournie. Concrètement, l’amendement prolonge la période de réflexion quand la mort n’est pas raisonnablement prévisible.
Nous nous sommes fondés sur les témoignages que nous avons entendus pour proposer cet amendement. Nous tous, en tant que députés, savons que l’accès aux soins de santé est un problème qui touche probablement toutes nos circonscriptions et tous nos électeurs. Et, dans le contexte actuel de la COVID, nous voyons les délais se prolonger dans le réseau de la santé.
J’ai déjà parlé de la Société canadienne des médecins en soins palliatifs; elle insiste tout particulièrement sur le fait que, dans le cadre du système à deux volets proposé, la période d’évaluation de 90 jours, quand la mort n’est pas raisonnablement prévisible, peut s’avérer insuffisante si quelqu’un souhaite recevoir les soins palliatifs adéquats ou d’autres formes de soutien nécessaires pour réduire la souffrance et vivre dans la dignité.
D’autres médecins, des spécialistes, sont également venus témoigner. Les évaluateurs de demandes d’AMM avaient aussi beaucoup à nous dire. Ce sont des spécialistes qui traitent toutes sortes d’incapacités et de maladies qui touchent des personnes qui pourraient maintenant être admissibles à l’aide médicale à mourir. La rétroaction fournie par ces médecins ainsi que des médecins en soins palliatifs indique qu’une période de 90 jours pourrait s’avérer insuffisante. Après avoir étudié ces renseignements et mené des consultations, puis en nous fondant sur les témoignages entendus, nous proposons cet amendement qui prolongerait modérément sa durée.
Est-ce que 120 jours et le nombre tout indiqué? Est-ce que 90 jours constituent la bonne durée? Nous ne le savons pas. Ce que nous savons, d’après les témoignages que nous avons entendus, c’est que 90 jours constituent une période insuffisante. Ainsi, une période de 120 jours est un pas dans la bonne direction.
J’ai parlé des médecins en soins palliatifs, mais nous avons aussi reçu une déclaration de Médecins, ensemble avec les Canadiens vulnérables. Cette déclaration comporte plus de 800 signatures, non d’évaluateurs de demandes d’AMM, mais de médecins qui traitent toutes sortes de maladies. Je souhaite attirer l’attention du Comité sur la deuxième page, où le groupe affirme: « Nous vivons dans un pays où le délai d’attente [..] pour voir un psychiatre est de 4 à 8 fois plus long que la période de réflexion de 90 jours ». Simplement pour obtenir des soins psychiatriques, la liste d’attente va au-delà des 90 jours. Ce que dit ce groupe, c’est que dans les situations où la mort n’est pas raisonnablement prévisible, la période de 90 jours est cruellement inadéquate.
Des témoins ont déclaré que, en 90 jours, les personnes peuvent avoir des hauts et des bas. Le gouvernement reconnaît qu'une période de réflexion est appropriée quand la mort n'est pas raisonnablement prévisible, mais une majorité écrasante de médecins et de médecins en soins palliatifs nous disent que 90 jours ne constituent pas une période de réflexion adéquate.
Peu importe votre position sur l'aide à mourir quand la mort n'est pas raisonnablement prévisible, veiller à ce qu'il y ait les bonnes mesures de sauvegarde devrait être un aspect sur lequel nous nous entendons tous, et les preuves devant nous montrent que 90 jours ne suffisent pas. C'est pourquoi notre amendement prolongerait la période jusqu'à 120 jours, ce qui n'est peut-être pas encore adéquat, mais nous proposons un nombre de jours qui tient compte du fait qu'une période de 90 jours ne suffit pas dans l'espoir que les membres du Comité reconnaîtront la nature véritable de la démarche. C'est un effort raisonnable, quand la mort n'est pas raisonnablement prévisible, pour fournir d'autres mesures de sauvegarde aux personnes qui vivent une période de très grande vulnérabilité, afin de veiller à ce qu'elles obtiennent l'aide médicale dont elles ont besoin et qu'elles disposent de plus de temps pour bénéficier des effets des soins de santé prodigués, ne serait-ce que pour consulter ces spécialistes, mais aussi, espérons-le, pour progresser vers le rétablissement.
Le Comité a entendu des témoignages à propos de personnes qui ont subi un grave accident, par exemple, et de quelqu'un qui pourrait devenir paraplégique. Cette période de 90 jours ne va pas leur donner le temps de voir les possibilités qui s'offrent à elles. C'est pour cette raison que je demande aux membres du Comité d'accueillir favorablement cet amendement très raisonnable qui fait passer de 90 à 120 jours la période de réflexion quand la mort n'est pas raisonnablement prévisible.
Madame la présidente, je remercie les membres du Comité pour leur attention.
Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais d'abord conseiller à mes collègues au sein du Comité d'éviter de malencontreusement laisser entendre que, parce que nous ne nous entendons pas sur la façon d'appliquer la décision de la Cour qui a retiré l'expression « raisonnablement prévisible », cela montre qu'il y en a parmi nous qui se soucient plus ou moins de certains groupes au sein de la population canadienne.
Le cœur de la question, ici, c'est que le retrait de l'expression « raisonnablement prévisible » n'a nullement éliminé les exigences très strictes établies pour recevoir l'aide médicale à mourir. Une personne doit encore être atteinte d'une affection incurable, sa situation médicale doit se caractériser par un déclin avancé irréversible et les souffrances doivent lui être intolérables.
Plus particulièrement, en ce qui a trait à cet amendement, la période d'évaluation de 90 jours est un minimum et non un maximum. En faisant passer cette période à 120 jours, nous courons le risque d'imposer 30 jours supplémentaires de souffrances intolérables à quelqu'un qui a été évalué, a pris sa décision et est en fin de vie. En aucun cas, nous ne pouvons parler de suicide. Absolument pas. Il s'agit en fait de personnes qui gèrent les circonstances imposées par le sort, quelles qu'en soient les raisons, et qui tentent de s'assurer qu'elles ont l'indépendance nécessaire pour mettre fin à leurs jours.
Nous avons actuellement une période d'évaluation minimale de 90 jours et je suis tout à fait contre sa prolongation en une période arbitraire de 120 jours, puisqu'il est évident que l'évaluation peut prendre plus de temps et qu'elle prendra plus de temps, au besoin, selon la décision à la fois de la personne et des professionnels qui offrent les soins.
Merci.
Oui, je serai très bref, madame la présidente, puisque M. Garrison a pour ainsi dire fait valoir toutes les idées que j'allais soumettre.
J'apprécie les commentaires de M. Moore. Sincèrement. Tout le monde a pris le temps de s'informer sur cette question et sur ce projet de loi.
Le but de ce projet de loi est de trouver un équilibre, et je crois que la limite de 90 jours y parvient, car le risque n'est pas de prolonger la période, mais bien que la période prolonge le risque.
Comme M. Garrison l'a correctement souligné, prolonger cette période peut mettre la personne encore plus à risque, selon son état. Toutefois, si davantage de temps est nécessaire, le risque est éliminé, car un médecin qui effectue l'évaluation d'une demande d'AMM peut en prolonger la durée. Ce risque est éliminé, donc je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit M. Garrison. Je m'oppose à l'amendement.
Merci, madame la présidente.
J’apprécie l’occasion de m’exprimer une fois de plus sur cet amendement CPC. Madame la présidente, ce débat, c’est quelque chose.
Toutefois, j’aimerais traiter de cet amendement. Il propose la prolongation de la période d’évaluation, qui passerait de 90 à 120 jours, pour les personnes qui demandent l’aide médicale à mourir et dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible. La décision de recevoir l’aide médicale à mourir est extrêmement complexe et absolument irréversible.
L’ajout de 30 jours serait une mesure de sécurité supplémentaire pour réduire les risques qu’une personne opte pour l’aide médicale à mourir sans le soutien ou les renseignements proposés ou parce qu’elle a un autre besoin qui n’est pas comblé dans sa vie. À la ligne 6 de la page 5 du projet de loi C-7, à l’article 1, on peut lire:
s’assurer qu’au moins quatre-vingt-dix jours francs se sont écoulés entre le jour où commence la première évaluation au titre du présent paragraphe de l’admissibilité de la personne selon les critères prévus au paragraphe (1) et celui où l’aide médicale à mourir est fournie
L’amendement proposé ici vient remplacer cette période de 90 jours par une autre de 120 jours. Afin de légiférer l’aide médicale à mourir de manière responsable, nous devons veiller à ce que chaque patient qui prend une décision en ce sens dispose du temps adéquat pour y réfléchir et évaluer les autres options de soins et de gestion de la douleur à sa disposition.
La Dre Mimitha Tresa Puthuparampil est médecin de famille en Ontario et a soumis un mémoire à ce comité, mémoire qui a d’abord été rejeté en raison d’un délai arbitraire qui n’a pas été communiqué au public. Dans son mémoire, et ce point est important, elle affirme ceci:
En outre, 90 jours ne constituent pas une période suffisante pour permettre aux personnes dont la mort n’est pas imminente d’accéder aux soins palliatifs et en santé mentale et d’en tirer pleinement profit. Au mieux, c’est un vœu pieux. Je sais à quel point il est difficile de prendre les dispositions nécessaires aux suivis et à l’aiguillage de mes patients, et je partage leurs frustrations quand on nous dit, encore et toujours, d’attendre. Il faut du temps pour aider les patients à prendre une telle décision, qui doit venir après qu’ils aient reçu ce que la médecine a de mieux à leur offrir.
Selon le témoignage de cette médecin, dans le cadre médical actuel, il n’est pas réaliste qu’un patient reçoive les soins dont il a besoin en 90 jours. La première option proposée par les médecins devrait être la vie, et la prestation des soins devrait être la priorité absolue. L’accès aux soins devrait toujours être plus rapide que l’accès à l’aide médicale à mourir. Au strict minimum, le temps d’attente pour accéder à l’aide médicale à mourir et celui pour accéder à des soins de qualité adéquats devrait être le même. Il serait tout simplement inacceptable que les patients puissent accéder à l’aide médicale à mourir avant de pouvoir obtenir les soins dont ils ont besoin. Comme on l’a déjà dit à ce comité, dans certaines régions de notre pays, il est plus facile d’accéder à l’aide médicale à mourir que d’obtenir un fauteuil roulant. Pourquoi ce gouvernement est-il résolu à donner un accès si rapide à l’aide à mourir qu’elle ait ainsi préséance sur l’obtention d’un fauteuil roulant pour une personne handicapée?
Voici un exemple vraiment éloquent. Un examen des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada a montré qu’il faut environ 120 jours pour compléter le processus de demande, ce qui force beaucoup de personnes à faire appel avant d’obtenir leurs prestations. Là encore, pour les personnes qui éprouvent des difficultés financières, il est plus facile et plus rapide de recevoir de l’aide pour mettre fin à ses jours que d’obtenir de l’aide en cas de détresse financière. Si les patients qui sont déjà accablés par le fardeau de leur état physique ou de leurs circonstances financières doivent s’acharner à vivre, tandis que leur chemin vers une aide à mourir est facilité, il y aura inévitablement plus de personnes qui vont choisir de mettre fin à leurs jours plutôt que de demeurer en vie.
Il est crucial que notre nation offre des soins de qualité adéquats qui sont plus faciles à obtenir que l’aide à mourir. Ainsi, on empêchera des personnes de choisir l’aide à mourir faute de meilleures options de soins. En ce qui a trait à la nécessité de soins de meilleure qualité, on peut lire dans le Canadian Medical Association Journal un passage qui se traduit comme suit:
Les études montrent qu’une forte charge de morbidité (détresse physique, affective et spirituelle ou existentielle) qui dure des mois et la convergence de certains facteurs psychosociaux mènent à la dépression et au désespoir et, ultimement, au désir d’une mort accélérée. Quand des personnes qui souffrent depuis des mois déjà et qui, de ce fait, sont affligées et souffrent assez pour demander une mort accélérée reçoivent des soins palliatifs, ceux-ci sont la plupart du temps prodigués trop tard.
Cette citation est également très intéressante. Elle indique ce qui suit: « C’est sans parler du fait que, dans l’étude menée par M. Downar et ses collègues, une importante minorité constituée de 22,8 % des bénéficiaires de l’aide médicale à mourir n’ont apparemment jamais eu recours aux soins palliatifs avant leur décès ».
Le projet de loi C-7 vise à étendre l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible et, conformément à la déclaration faite par ce médecin, nous devrions chercher à être aussi prudents que possible en ce qui concerne ces mesures de sauvegarde.
Le groupe d’experts médicaux du Conseil des académies canadiennes a rédigé pour CBC News une chronique d’opinion sur « La raison pour laquelle le gouvernement fédéral devrait repenser sa nouvelle loi sur l’aide médicale à mourir ». Je ne crois pas que cette chronique ait déjà été présentée au Comité. Voilà pourquoi je la présente, madame la présidente. Elle traite précisément de cet amendement:
Pour les personnes dont la mort n’est pas « raisonnablement prévisible », le projet de loi prévoit une période d’évaluation de 90 jours, assortie d’une évaluation de l’admissibilité du patient par un praticien ayant des compétences dans le traitement de l’affection du patient. Ces mesures visent à garantir que les personnes handicapées et atteintes de maladies chroniques sont informées des autres traitements ou des autres services de soutien offerts en dehors de l’aide médicale à mourir. Mais contrairement à ce qui est prévu dans tous les autres pays du monde entier, le nouveau projet de loi n’exige pas explicitement que toutes les options raisonnables aient d’abord été offertes et essayées, avant de permettre aux médecins de mettre fin à la vie d’un patient.
En d’autres termes, le projet de loi rend leur mort plus facile que leur vie. Au lieu d’insuffler de l’espoir et de contribuer à renforcer la résilience en mettant l’accent sur les possibilités de vie, les fournisseurs de soins de santé seront désormais invités à discuter d’une mort précoce.
Cela concerne précisément la période de réflexion de 90 à 120 jours.
En outre, une partie de l’article signale que l’une des lacunes du cadre actuel de l’aide à mourir au Canada, c’est la façon dont il crée deux catégories de Canadiens. Pour les jeunes Canadiens en bonne santé, le suicide est découragé. Nous mettons beaucoup l’accent sur la prévention du suicide, et nous déployons de nombreux efforts à cet égard, et ce à juste titre. Il y a des lignes d’aide pour la prévention du suicide, des soins de santé mentale, des groupes de soutien et un grand nombre d’autres ressources offertes pour maintenir les Canadiens en vie et les aider à surmonter les difficultés qu’ils affrontent.
Toutefois, la facilité d’accès à l’aide médicale à mourir au Canada peut donner aux Canadiens vulnérables et handicapés le sentiment que leur vie a moins de valeur que celle des autres Canadiens. La raison en est que lorsqu’ils se sentent suicidaires, ces pensées sont réaffirmées, et l’aide à mourir leur est présentée comme une option valable et acceptable pour les soulager de leur douleur et de leurs difficultés.
En d’autres termes, lorsque certains Canadiens seront aux prises avec des pensées suicidaires temporaires, ils bénéficieront de services de prévention du suicide. Alors, voici ce que nous demandent les Canadiens handicapés au sujet des autres Canadiens aux prises avec idées suicidaires passagères: pourquoi certains bénéficient-ils de services de prévention du suicide alors que d’autres reçoivent une aide au suicide? Si les personnes font partie de la catégorie à laquelle on offre une aide au suicide, cela communique-t-il des opinions sociales et politiques sur la valeur de leur vie?
Par ailleurs, en ce qui concerne précisément l’amendement, nous devons reconnaître que la décision est prise dans un contexte social où les gens choisissent entre les options réalistes qu’ils ont vécues. Qu’est-ce que l’autonomie quand les gens ne peuvent pas avoir accès à des soins avant la fin du délai de 90 jours? C’est la raison pour laquelle nous devons accorder aux gens cette période de 120 jours, afin qu’ils aient, au moins, une vraie chance de recevoir des soins.
Le Dr Harvey Chochinov, professeur de psychiatrie et de médecine familiale à l'Université du Manitoba, était l'un des témoins que notre comité a convoqués, et nous avons eu le plaisir de l'entendre. Il a réalisé une étude sur les patients en phase terminale qui vivent jusqu'à la fin de leur vie.
Selon la couverture du journal The New York Times sur le rapport d'étude:
[Le médecin] et ses collègues ont étudié 168 patients cancéreux admis à l'hôpital pour recevoir des soins de fin de vie. Les patients ont été examinés pour garantir qu'ils avaient les compétences mentales et la force physique nécessaires pour participer à l'étude, laquelle consistait à remplir un questionnaire deux fois par jour...
Madame la présidente, je m'apprête à révéler des informations très importantes.
..., un processus qui [selon le médecin] durait environ une minute et qui s'est poursuivi jusqu'à peu de temps avant leur mort. Les participants ont été invités à évaluer leur propre état en mesurant, à l'aide d'échelles de 100 points, la douleur, la nausée, l'appétit, le niveau d'activité, la somnolence, le sentiment de bien-être, la dépression, l'anxiété et l'essoufflement. Ils ont également évalué la force de leur volonté de vivre.
[...] Sur une période de 12 heures, [le médecin] a dit que la volonté de vivre des patients pouvait fluctuer de 30 % ou plus. Sur une période de 30 jours, les fluctuations étaient encore plus importantes, atteignant en moyenne jusqu'à 60 ou 70 %.
« Ces grandes variations semblent indiquer que la volonté de vivre est très instable », ont écrit les chercheurs.
Dans le rapport d'étude, les chercheurs continuent en parlant de l'objectif même selon lequel...
Monsieur Lewis, je vous encourage à continuer à relier vos arguments à l'amendement dont nous sommes saisis, parce que je me perds un peu en essayant de prendre des notes sur ce que vous dites, et je ne vois pas en quoi vos propos sont pertinents dans le cas présent.
J'invoque le Règlement, madame la présidente.
Je pense que nous nous engageons sur une pente un peu dangereuse. Nous nous occupons — si je ne me trompe — du projet de loi C-7, qui traite de l'aide médicale à mourir au Canada. Il y a un certain nombre d'amendements à étudier. Je pense, bien sûr, que les observations que j'ai entendu M. Lewis formuler sont pertinentes. Nous discutons d'amendements qui portent sur l'aide médicale à mourir, des amendements que nous étudions ce soir, article par article. Je ne veux pas souligner — ou je ne voulais pas le faire — que, l'autre jour, les libéraux discutaient de caleçons boxeurs et de caleçons ordinaires, au cours de la séance d'un autre comité. Cette conversation, j'en conviens, n'aurait pas été pertinente.
Nous ne sommes pas.... Je comprends, et je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Moore. Par exemple, lorsque vous avez parlé de l'amendement en question, vous avez mentionné la façon dont vous vous êtes entretenu avec vos collègues, et vous avez employé les termes « nous » et « notre », en parlant au nom de vos collègues.
Vous avez exposé précisément le but de l'amendement en question, c'est-à-dire l'amendement CPC-6. Puis vous avez parlé de l'incidence qu'aurait l'augmentation du nombre de jours, lequel passerait à 120. Il s'agissait d'arguments très valables. Ensuite, M. Lewis a parlé du point de vue des personnes handicapées, des délais, des idées de suicide et des répercussions que l'amendement aurait sur tout cela.
Ce que je ne comprends pas, c'est ce sur quoi porte son argument le plus récent, j'espérais donc qu'il pourrait en venir à parler de la pertinence de son argument, afin que je puisse mieux le comprendre.
Je vous remercie toutefois de votre rappel au Règlement, monsieur Moore.
Allez-y, monsieur Lewis. Vous pouvez poursuivre.
Je fais toujours valoir le même argument, madame la présidente. Chaque membre du Comité est un égal et a le droit de participer aux délibérations en respectant les règles comme il le juge à propos — cela s'applique à chacun d'entre nous, quelle que soit son appartenance à un parti. Je ne parle pas au nom d'un autre membre du Comité, si ce n'est moi-même. Chaque membre a le droit de parler de ces amendements importants apportés à ce qui est un projet de loi d'importance primordiale.
Je ne crois pas du tout que ces questions qui continuent d'être soulevées accélèrent les choses parce que, d'après ce que j'ai entendu, les députés font leur travail en exprimant des préoccupations, qu'ils soient pour ou contre des amendements particuliers. Dieu merci, jusqu'à maintenant, tout ce qui a été dit — et cela s'applique à l'argument actuel, madame la présidente — est lié au projet de loi et, en fait, aux amendements particuliers, contrairement, certes, à ce que nous avons vu et entendu dans d'autres séances de comité.
Je pense que vous faites un excellent travail, mais c'est aussi le cas de tous les députés. J'espère que nous pourrons continuer d'avoir des débats respectueux et conformes aux règles qui nous ont été communiquées à titre de députés, et ne pas empiéter sur les occasions de s'exprimer dont bénéficie chaque député — personne ne parle en mon nom, et je ne parle au nom de personne — pour avancer les arguments qu'il souhaite faire valoir à propos de chaque amendement. Ce sont les règles que nous suivons.
Merci.
Madame la présidente, en ce qui concerne ce rappel au Règlement, j'ai l'impression que son objectif ne cesse de changer en ce moment.
Au risque que mon collègue, M. Moore, retire ce qu'il a dit auparavant — à savoir qu'il était d'accord avec moi à propos de quelque chose — et avec tout le respect que je lui dois, je n'ai jamais cru qu'il était de règle que, lorsque quelqu'un propose un amendement, il parle de cet amendement au nom de tous les membres de son parti. Vous vous êtes donné beaucoup de mal pour passer en revue certains des points soulevés par M. Moore, puis vous avez dit qu'il avait utilisé les termes « nous » et « notre ». C'est une terminologie très courante. J'utilise souvent le « nous » collectif, mais cela ne veut pas dire que je présuppose ce que quelqu'un d'autre dirait.
Mes propos actuels sont vraiment liés à l'argument que j'ai fait valoir tout à l'heure. Je pense que personne, y compris mes collègues qui sont membres du parti que je représente, ne devrait être placé dans la position de parler en mon nom. Mes collègues ne voudraient probablement pas le faire, et je ne veux pas le faire pour eux. Je maintiens mon droit de parole en tant que parlementaire individuelle. J'espère que ce n'est pas ce que vous suggériez.
Je vous remercie, madame la présidente. Je tiens également à remercier M. Moore et Mme Findlay de leurs observations.
Madame la présidente, si je me suis écarté du sujet tout à l'heure, je m'en excuse certainement. Personnellement, je crois que tout ce dont j'ai parlé était pertinent. C'est la raison pour laquelle j'ai continué de faire allusion aux périodes de 90 jours et de 120 jours.
Je vais maintenant conclure mes commentaires, qui peuvent être pertinents ou non. Dans un effort de collaboration avec les membres du Comité, je vais finir de cette façon, parce que, très franchement, j'ai le sentiment de faire une injustice à mes électeurs en ne terminant pas ce que je voulais dire. Cependant, j'ai un esprit d'équipe, et je veux m'assurer que je respecte les règles.
En ce qui concerne les 90 à 120 jours, je vais présenter au Comité les choses de la façon suivante. Parlons de 90 à 120 minutes, de sujets dont nous pourrions discuter en 90 minutes et de sujets dont nous pourrions discuter en 120 minutes. Bien que j'aie l'impression d'être muselé en ce moment, disons que j'ai été en mesure de m'exprimer pendant 90 minutes et que quelque temps entre la 90e et la 120e minute, quelque chose d'autre m'a passé par la tête. J'ai vu la lumière. J'ai pensé à un autre renseignement. Cela pourrait suffire à changer la discussion, à modifier une idée, à toucher un cœur ou à altérer des sentiments. Qui sait à quoi cela ressemblerait?
En fin de compte, il s'agit d'un excellent amendement. L'amendement du CPC est un amendement très important. Oubliez les minutes, et revenons aux jours et à la période de réflexion nécessaire. Parfois, 30 jours supplémentaires peuvent littéralement faire la différence entre la vie et la mort. Ce serait une injustice totale faite au Comité de la justice si nous ne soutenions pas cet amendement.
J'aurai beaucoup à dire sur les autres amendements à venir. Si je m'écarte du sujet, veuillez me le rappeler, et je ferai de mon mieux pour m'en tenir au sujet, mais j'aurai aussi beaucoup de choses à dire à propos du présent argument.
Madame la présidente, je vous remercie de l'excellent travail que vous continuez d'accomplir.
Je vous remercie beaucoup de vos commentaires, monsieur Lewis. J'attends avec impatience les observations que vous continuerez de formuler, dans l'ordre où les amendements seront présentés.
Sur ma liste, il y a M. Cooper, puis M. Thériault.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je souhaite me prononcer en faveur de l'amendement. Je pense qu'il s'agit d'un amendement mineur qui porterait le délai de réflexion de 90 jours à 120 jours. Compte tenu des preuves que nous avons entendues, je pense que cette modification est nécessaire. En fait, je dirais que ces 120 jours sont probablement insuffisants, mais si on compare les 90 jours prévus dans le projet de loi à l'amendement mineur que nous avons proposé, la modification est une amélioration. À quoi sert une période de 90 jours lorsque nous avons la preuve que l'obtention d'une aide psychiatrique peut exiger trois ou quatre fois plus de temps? À quoi sert une période de 90 jours lorsqu'une personne peut ne pas être en mesure d'avoir accès à des soins palliatifs dans les limites de ce délai, et encore moins d'entreprendre un traitement conséquent dans le cadre de soins palliatifs?
Puis vous demandez: 90 jours à partir de quel moment? Selon le projet de loi, ce n'est même pas 90 jours à compter du moment où une demande d'aide médicale à mourir est présentée. C'est 90 jours à partir de la première évaluation. Nous chercherons à aborder cette question dans un amendement ultérieur, mais je ne la mentionne que pour souligner l'inadéquation totale du délai de réflexion de 90 jours, tel qu'il est actuellement prévu dans le projet de loi.
Je tiens à souligner les propos du Dr Harvey Chochinov, l'éminent professeur de psychiatrie de l'Université du Manitoba, qui a accompli un travail important dans ce domaine, ayant été président du groupe d'experts externes. Lorsqu'on l'a interrogé sur la période de réflexion de 90 jours, il a déclaré ce qui suit:
Le décompte de 90 jours... est très problématique. Un certain nombre d'études ont été menées à cet égard. Par exemple, une étude manitobaine a révélé que 90 jours après avoir reçu un diagnostic lié à une déficience physique majeure, les idées suicidaires des patients culminent. Ils continuent d'être suicidaires, bien que ces idées s'atténuent jusqu'à un an plus tard, et quelles soient toujours plus fortes que celles de leur cohorte de référence. Par conséquent, le délai d'attente de 90 jours n'est certainement pas opportun.
L'autre chose, c'est que nous savons qu'il faut beaucoup de temps pour que ces personnes puissent avoir accès à des experts en la matière. Les patients à haut risque, par exemple ceux qui souffrent de douleurs chroniques, peuvent devoir attendre six mois ou plus pour avoir accès à des soins, selon la partie du pays où ils habitent. Ma spécialité est la psychiatrie. Là encore, la liste d'attente pour obtenir de bons soins psychiatriques est de l'ordre de quelques mois, voire un an, selon la région du pays où l'on se trouve.
Les 90 jours sont problématiques pour toutes ces raisons qui, dans une grande mesure, reposent sur des données et des informations.
Je pense que cela résume le problème de l'inadéquation de la période de 90 jours, et c'est en me fondant sur ce problème que j'appuierai l'amendement mineur visant à prolonger la période, car j'estime que nous devons procéder avec prudence. Nous parlons d'une procédure qui, si elle est exécutée, met fin à la vie d'une personne. Il n'est pas possible de revenir sur la décision une fois que la procédure a été exécutée,
Je pense que cet amendement tient compte de cela et qu'il est parfaitement raisonnable et nécessaire pour protéger les personnes vulnérables, compte tenu encore une fois des risques qu'elles courent lorsque le critère pde pévisibilité raisonnable est supprimé. C'est la catégorie de patients qui sera assujettie à cet amendement.
Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de votre intervention, monsieur Cooper.
Nous allons maintenant céder la parole à M. Thériault.
La parole est à vous, monsieur.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Il serait pertinent de rappeler le contexte de ce projet de loi. J'entends beaucoup de choses, et à un moment donné, cela vient embrouiller complètement le fond du débat.
Le suicide au Canada est décriminalisé. Le suicide assisté est criminel, sauf exception. Ce n'est pas nous, ce soir, qui en avons décidé. Ce sont les tribunaux qui nous ont dit que la loi portait atteinte au droit à la vie. Il y a eu le projet de loi C-14 et, avant cela, l'arrêt Carter qui avait mené au projet de loi C-14. M. Lewis dit qu'on est en train d'encourager quelqu'un dans un état suicidaire à passer à l'acte. Or c'est totalement le contraire.
Je n'ose imaginer quelle serait la réaction des juges, dans l'arrêt Carter, qui ont dit au législateur qu'il devait refaire ses devoirs. Quelle serait la réaction de la juge Baudouin aux propos que je viens d'entendre, qui attaquent carrément l'interprétation des tribunaux les ayant menés à dire au législateur que la loi actuelle porte atteinte au droit à la vie des personnes qui ont une affection irréversible et dont les douleurs et les souffrances sont intolérables? D'après les tribunaux, on force actuellement ces gens à passer à l'acte avant le moment où eux voudraient le faire, c'est-à-dire lorsqu'ils vont franchir le seuil du tolérable pour eux. Selon la loi actuelle, on les force à se suicider; c'est ce qu'a dit la Cour supérieure. On les force à mettre fin à leur vie prématurément.
Je veux bien qu'on essaie de justifier un amendement assez simple et sur lequel nous aurions pu statuer assez rapidement, mais c'est de cela qu’il s'agit. Il faut répondre à la prescription de la Cour avec le projet de loi C-7. Il faudrait revenir à l'essentiel. Il y a une prescription de la Cour, qui nous dit de ne pas porter atteinte au droit à la vie des personnes ayant des souffrances intolérables et une affection irréversible. Ces personnes veulent vivre jusqu'au moment où elles franchiront le seuil du tolérable pour elles.
Cela ne se passe pas après un accident. Quelqu'un qui aurait un accident demain matin et qui se retrouverait quadriplégique pourrait être suicidaire et recevrait des soins pour cet état. Dans tout le processus de soins — parce qu'on prend soin des gens —, il est possible que cette personne décide un jour de faire une demande d'AMM, qui sera alors évaluée selon les mesures de sauvegarde prescrites ici.
Par respect pour le travail que nous devons faire, n'embrouillons pas le fond du débat. Je sais qu'on donne les arguments qu'on peut, mais il n'est pas question ici d'encourager quelque état suicidaire que ce soit. Je répète que les états suicidaires sont réversibles. On parle de l'accès à l'aide médicale à mourir et de la capacité d'une personne à prendre cette décision, qui n'est pas prise à la légère. Lorsqu'une personne en est rendue là, c'est qu'elle a épuisé tous les recours possibles dans le cadre des soins qu'elle a reçus. Avec l'alinéa 241.2(3.1)(g), on s'assure que la personne reconnaîtra tous les soins qu'on peut encore lui prodiguer et tous les choix qui s'offrent à elle.
Je suis prêt à voter.
[Traduction]
Merci, Monsieur Thériault.
La prochaine personne sur la liste des intervenants est Mme Findlay.
Vous avez la parole, madame Findlay.
Merci.
Je souhaite parler en faveur de l'amendement. Je me souviens que, lors de sa comparution, Mme Heidi Janz, qui est membre du Conseil des Canadiens avec déficiences, a apporté son témoignage. Elle est elle-même médecin, je crois. Elle était en fauteuil roulant, et elle a parlé d'une mesure législative qui bouleverse les normes.
J'ai parfois l'impression que nous débattons la question dans les deux sens, que nous nous mettons à dire que ce n'est pas si grave. C'est un très, très gros problème. C'est la raison pour laquelle cela relève du droit pénal et que nous ne pouvons pas prendre la question à la légère. Et c'est exactement la raison pour laquelle nous avons des lois portant sur la peine capitale. Il y a longtemps les Canadiens ont déclaré que le Canada n'imposerait plus la peine capitale, ce que j'approuve, et nous l'avons fait parce que ce serait une chose horrible si, après un acte odieux, nous devions mettre à mort même une seule personne qui s'avérerait être innocente plus tard ou qui aurait été condamnée à tort.
Cette législation est très importante, et l'amendement est mineur. Je pense qu'à ma connaissance, la disposition relative aux 90 jours est fondamentalement arbitraire, tout comme ce chiffre. Je serais heureuse d'entendre mes collègues libéraux intervenir s'il en est autrement, mais d'après ce que j'ai entendu quand les experts ont témoigné devant nous, c'est essentiellement un chiffre arbitraire. Nous suggérons 120 jours. La différence n'est pas énorme, mais elle permettrait aux personnes qui envisagent cette possibilité d'avoir suffisamment de temps pour s'assurer qu'elles sont pleinement conscientes de la disponibilité de services de soutien, qu'elles ont accès à des soins, qu'elles savent à quels soins elles ont accès et qu'elles ont au moins la possibilité d'accéder à des soins palliatifs de bonne qualité. Nous avons entendu des témoignages selon lesquels 70 % des Canadiens n'ont pas un accès adéquat à des soins palliatifs. Il est possible qu'ils puissent y avoir accès en se rendant à un autre endroit, ou dans le comté ou la ville suivante — je ne sais pas. Toutefois, il faut du temps pour comprendre ces choses.
Je serais très préoccupée de penser qu'une personne prend ces décisions en se basant sur un soutien inadéquat ou le fait qu'elle ne reçoit pas des soins appropriés en temps voulu. Nous n'aimons pas penser que cela arrive, mais nous savons que c'est le cas. Des gens ont fait la une des journaux à cet égard. Des commentaires et des témoignages ont révélé que certaines personnes ont en fait choisi l'aide médicale à mourir parce qu'elles avaient le sentiment de manquer de soins et qu'elles ne savaient pas comment et où les obtenir.
Il se trouve que l'un des mémoires qui nous ont été envoyés provient de la Conférence des évêques catholiques du Canada. Je devrais dire d'emblée que je ne suis pas catholique, mais ce qui a été dit en comité semble très révélateur:
L'expérience pastorale des évêques a montré que les patients sont plus susceptibles de demander... une aide au suicide lorsque leur douleur n'est pas correctement gérée par des soins palliatifs de bonne qualité, lorsqu'ils dépendent d'autres personnes pour obtenir l'aide et le soutien nécessaires et que cette dépendance n'est pas suffisamment satisfaite, ou lorsqu'ils sont socialement marginalisés. Les soins palliatifs, qui ne sont pas encore totalement disponibles et accessibles dans notre propre pays, offrent une réponse convaincante — la seule solution respectueuse, complète et éthique au problème que le gouvernement tente de régler en légalisant....
Je paraphrase et j'abrège un peu la déclaration en ce moment. Les témoins ont dit que les soins palliatifs visent à soulager la douleur, la solitude, la peur, la détresse et le désespoir, ce qui [Difficultés techniques] lorsque ce type de soutien émotionnel et psychologique n'est pas disponible et que cet échec tragique se solde par la décision de demander une aide médicale à mourir.
De plus, l'attention portée à la pandémie de COVID-19 a cruellement révélé que la peur, la détresse et le désespoir ne sont pas des réalités rares chez nos concitoyens et les membres de nos familles qui vivent dans des résidences avec services d'assistance personnelle ou des résidences pour personnes âgées. Nous savons tous que la COVID-19 a touché de manière disproportionnée nos concitoyens qui habitent dans des résidences pour personnes âgées. Nous en avons conscience. Nous avons entendu des histoires et des témoignages. Nous avons également pris connaissance des témoignages des militaires qui sont allés aider le personnel de ces résidences, ce qui était, je pense, une très bonne initiative de la part du gouvernement. Ils ont trouvé que certains de nos aînés étaient dans un état déplorable. La détresse et l'isolement que cette détresse cause peuvent amener les gens à faire ces choix, alors qu'ils ne le feraient peut-être pas autrement.
Les 120 jours sont censés, à mon avis, permettre à ces gens de se prévaloir de tout l'éventail des services qui pourraient être offerts, afin que nous sachions qu'ils ne prennent pas ces décisions prématurément. Ils ne le font pas en raison d'un manque d'accès aux soins. Ils le font parce que leur situation est vraiment intolérable, et qu'ils ont consciemment décidé d'obtenir l'aide médicale à mourir. Cependant, cela ne devrait jamais être fait parce qu'ils n'ont pas encore eu l'occasion de se prévaloir de certains services. Les 120 jours leur donnent juste un peu plus de temps pour le faire.
Nous avons entendu des témoignages selon lesquels il existe toutes sortes de services de soutien — soins de santé, soutien émotionnel et autres — qui ne peuvent être obtenus dans le délai de 90 jours. Nous avons également entendu des témoignages selon lesquels ces 90 jours représentent un moment décisif — je pense que le député Cooper y a fait allusion— qui suit souvent une maladie ou une blessure catastrophique, un moment où les gens peuvent commencer à accepter la situation. Donnons-leur cette chance.
Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup, madame Findlay.
Je mets maintenant aux voix l'amendement CPC-6.
(L'amendement est rejeté par 7 voix contre 4.)
La présidente: Monsieur Moore, j'ai ensuite l'amendement CPC-7 si vous voulez le proposer et en parler.
Merci, madame la présidente. Je vous en sais gré.
Pour des raisons de temps, nous avons dépassé 20 h 30, heure à laquelle cette réunion était censée se terminer. Pour nos adjoints et fonctionnaires gouvernementaux, je demande que la séance du Comité soit ajournée jusqu’à demain à 11 heures, je vous prie.
Merci.
Monsieur Lewis, votre motion est assortie d’une condition; elle peut donc faire l’objet d’un débat, à moins que vous ne souhaitiez en modifier le libellé.
Si je savais quelle partie est sujette à débat, je la changerais certainement. J’ai juste besoin de connaître la formulation.
C’est la mention de « 11 heures du matin », je crois. Il faudrait que vous enleviez l’heure de notre prochaine réunion.
Je comprends. Je vous remercie pour cette précision.
En enlevant donc l’heure de notre prochaine réunion, je demande au Comité que la séance soit ajournée.
Merci.
Madame la greffière, pourriez-vous procéder à un vote par appel nominal?
(La motion est rejetée par 7 voix contre 4.)
La présidente: Merci, madame la greffière.
La séance n’est pas ajournée. Nous allons poursuivre avec l’amendement CPC-7.
Monsieur Moore, aimeriez-vous le proposer et en parler?
Merci, madame la présidente.
J'aimerais proposer l'amendement CPC-7. Pour être clair, je le propose et je ne m'exprime qu'en mon nom lorsque je parle de cet amendement.
Je suis sûr que nous avons tous lu la mesure législative. Dans le projet de loi C-7 — et un certain nombre de personnes ont consulté certains particuliers à ce sujet — on ne semble pas s'entendre sur le moment où commence la période de réflexion de 90 jours. Il nous incombe d'être précis dans nos textes de loi. Nous avons choisi l'imprécision en ce qui concerne la prévisibilité raisonnable. Certains termes sont précis, comme la période de réflexion de 90 jours. Nous disons qu'elle est de 90 jours. Nous venons de rejeter un amendement qui l'aurait fait passer à 120 jours.
L'amendement CPC-7 modifie le projet de loi C-7 comme ceci:
s’assurer qu’au moins quatre-vingt-dix jours francs se sont écoulés entre le jour où la demande d’aide médicale à mourir a été signée par la personne ou en son nom et celui où l’aide médicale à mourir est fournie ou, si toutes les évaluations sont terminées, et que lui et le médecin ou l’infirmier praticien visé à l’alinéa e) jugent que la perte de la capacité de la personne à consentir à recevoir l’aide médicale à mourir est imminente, une période plus courte qu’il juge indiquée dans les circonstances;
Cette dernière partie est pertinente pour notre débat précédent dans la mesure où la période de 90 jours peut être écourtée. Cependant, ce qui n'est pas clair dans le projet de loi C-7, c'est le moment où commence la période de 90 jours. Cet amendement particulier le précise.
C'est important parce que, comme on l'a dit, il s'agit de décisions de vie ou de mort. Il s'agit d'un domaine dans lequel les médecins, les infirmières, les prestataires de soins de santé, les membres de la famille et les personnes qui envisagent de recourir à l'aide médicale à mourir doivent avoir des certitudes quant au processus.
Une partie de la certitude entourant le processus suppose des mesures de sauvegarde. Dans le projet de loi C-14, le gouvernement a inclus un certain nombre de mesures de sauvegarde. Certaines d'entre elles concernaient la période de réflexion. Cette période permet à une personne, qui demande l’aide médicale à mourir... Elle donne à la personne le temps de changer d'avis, d'examiner d'autres circonstances, d'avoir une période de réflexion. Dans le projet de loi C-14, cette période était de 10 jours. On a jugé que c'était approprié.
Nous devons nous rappeler que l'une des exigences du projet de loi C-14 était que la mort devait être raisonnablement prévisible. Suite à la décision Truchon — décision de la Cour supérieure du Québec — nous avons fait valoir que le gouvernement de l'époque devrait faire appel de la décision afin de donner plus de certitude en ce qui concerne le projet de loi. Normalement, surtout avec une nouvelle mesure législative telle que le projet de loi C-14, il incombe au procureur général et au gouvernement de la défendre. Nous avons fait valoir que... Voilà, j'utilise à nouveau le mot « nous », madame la présidente. Je dirai que j'ai fait valoir. J'ai fait valoir que nous aurions dû faire appel de cette décision, que cela aurait été la bonne chose à faire. Au lieu de cela, le gouvernement a présenté le projet de loi C-7.
Le projet de loi C-7 prévoit une période de réflexion de 90 jours pour les personnes qui demandent l’aide médicale à mourir lorsque le décès n'est pas raisonnablement prévisible. Ce que le projet de loi C-7 n'inclut pas, c'est une terminologie explicite et certaine qui peut être universellement comprise quant au moment où cette période de 90 jours commence. Il n'est pas clair si c'est le moment où une personne a été formellement évaluée pour déterminer son admissibilité à l’aide médicale à mourir ou le moment où elle est informée qu'elle y est admissible. Ce n'est pas très clair.
Nous voulons fournir cette certitude, et nous voulons que ce soit à un moment où la personne — et cela devrait être le point de départ — a expressément demandé l'aide médicale à mourir. C'est à partir de ce point-là que la période devrait commencer. Elle ne devrait se terminer, bien sûr, qu'après la fin des 90 jours. Nous avions fait valoir que 120 jours seraient plus appropriés, mais notre argument a été rejeté, c'est donc au moment où les 90 jours sont écoulés.
Je suis heureux de proposer l'amendement CPC-7, et je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions que les membres du Comité pourraient avoir à son sujet.
Je vous remercie, madame la présidente.
Je vous remercie, madame la présidente.
Le résultat de ce type d’amendement serait de réunir le concept de la période d’évaluation et celui de la période de réflexion.
Une période d’évaluation est une mesure de sauvegarde minimale destinée à assurer qu’un temps suffisant est consacré à l’évaluation des personnes dont le décès n’est pas raisonnablement prévisible, tandis que la détermination de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir ne peut être effectuée qu’une fois l’évaluation terminée. Nous essayons de donner suffisamment de temps pour procéder à cette évaluation.
Une période de réflexion s’oppose à cette idée. Elle permet de fixer un délai minimum qui devrait s’écouler après qu’une personne a été jugée admissible. Son but est de donner à la personne, qui sait qu’elle peut obtenir une aide médicale à mourir pour alléger ses souffrances, une brève pause pour reconsidérer son souhait avant de décider de poursuivre ou non.
L’adoption de ce type d’amendement poserait deux problèmes. Primo, il ne fixerait pas la norme minimale en ce qui concerne le temps nécessaire pour évaluer ces demandes, et secundo, il prolongerait indûment les souffrances des personnes jugées admissibles.
En conséquence, je m’oppose à cet amendement.
Merci.
Merci, monsieur Virani.
Madame la greffière, je vais mettre aux voix l’amendement CPC-7.
(L’amendement est rejeté par 7 voix contre 4.)
Nous vous savons gré de votre présence ici.
Passons maintenant à l’amendement CPC-8.
Monsieur Moore, voulez-vous le proposer et en parler?
Allez-y, je vous prie.
Merci, madame la présidente.
Je suis heureux de présenter l'amendement CPC-8.
L'amendement CPC-8 exige que l'on informe le patient de son consentement préalable avant de lui administrer l'aide médicale à mourir. Le professionnel de la santé devra donc, si le patient avait donné un consentement préalable, l'informer de ce consentement le jour où l'aide médicale à mourir doit être administrée et, si possible, lui donner l'occasion de répondre et de dire s'il souhaite procéder ou non. L'amendement a reçu l'appui d'intervenants importants, notamment la Société canadienne des médecins de soins palliatifs.
Le concept de consentement préalable a fait l'objet de débats, mais il a été inclus dans le projet de loi C-7, et ce, même si la décision Truchon ne l'exigeait pas. La position qu'il aurait été approprié de prendre, à mon avis, aurait été de faire appel de la décision. Au lieu de cela, le gouvernement a décidé de donner suite à la décision par le projet de loi C-7. Il ne s'est pas contenté de donner suite à la décision: il est allé au-delà. Selon la décision rendue par la Cour supérieure du Québec, la loi était inconstitutionnelle et ne respectait pas les droits de la personne puisque la mort devait être raisonnablement prévisible.
Nous ne savons pas ce que la Cour d'appel aurait pensé de cette décision. Nous ne savons pas ce que la Cour suprême du Canada en aurait pensé. La décision aurait très bien pu être invalidée. Les tribunaux auraient pu conclure que la loi ne contrevenait pas aux droits de la personne. Si nous ne le savons pas, c'est parce que le gouvernement n'a pas été en appel et n'a pas défendu sa propre loi.
Le gouvernement ne s'est pas contenté de donner suite à la décision du tribunal. Nous avons proposé divers amendements, dont celui à l'étude, parce que des mesures de sauvegarde incluses dans le projet de loi C-14 ont été supprimées, et parce que de nouveaux concepts ont été intégrés dans le projet de loi C-7, dont la renonciation au consentement final. Cela veut donc dire que si une personne n'a plus la capacité de donner son consentement, elle peut renoncer à le donner et recevoir quand même l'aide médicale à mourir. Le but de l'amendement est de prendre les mesures nécessaires pour vérifier si la personne peut donner un consentement concomitant avant de lui administrer l'aide médicale à mourir.
J'ai parlé de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, qui a présenté diverses recommandations. J'ai parlé de quelques-unes d'entre elles dans d'autres amendements. Je veux attirer votre attention sur leur troisième recommandation, qui est de « Conserver le critère de la capacité de fournir un consentement au moment de la prestation de l’AMM ». On dit:
Un patient devrait être en mesure de changer sa décision jusqu’au moment de la procédure. Or, les amendements au projet de loi C-7 éliminent cette possibilité pour une personne qui perd ses capacités après avoir fourni un consentement antérieur. Par ailleurs, il est difficile de déterminer si une personne qui a perdu la capacité de fournir son consentement souhaite retirer sa demande, simplement à partir de mots, de sons ou de gestes. Cette interprétation est subjective et peut placer les cliniciens dans une position délicate. Il y a risque que l’AMM soit demandée simplement parce que le niveau de soins nécessaires au patient qui a perdu la capacité de fournir son consentement excède le niveau des soins qu’il reçoit alors.
Nous avons déjà discuté de la question des soins palliatifs, mais cela s'inscrit dans le contexte de leur recommandation, qui est de ne pas éliminer le consentement final. L'amendement ne porte pas sur cette question, mais il répond aux préoccupations soulevées par les médecins de soins palliatifs qui recommandent, si possible, d'informer le patient qui a donné son consentement préalable avant de procéder. Nous devrions tenter d'obtenir une réponse pour savoir si la personne souhaite que l'on procède ou non avant de prendre les mesures pour mettre fin à la vie de cette personne.
Je suis heureux de cette recommandation qui vient des médecins de soins palliatifs. Il s'agit d'une mesure de sauvegarde qui fournirait... Je pense que nous ne devons jamais prendre à la légère la gravité des projets de loi de cette nature que nous examinons, car on parle de décisions qui concernent la vie ou la mort d'une personne. Nous devons mettre en place toutes les mesures de sauvegarde possibles.
Voilà pourquoi je propose l'amendement CPC-8. Selon la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, il s'agit d'un amendement responsable. Je demande aux membres du Comité de prendre en considération cet amendement, de même que ceux qui l'appuient: des médecins qui s'occupent de patients en fin de vie.
Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais dire tout d'abord que c'est un plaisir pour moi de me joindre à vous au comité de la justice. J'ai suivi les délibérations sur le projet de loi à la Chambre, de même qu'au sein du Comité, et je suis heureux de pouvoir participer aux discussions.
Je salue le travail de tous les membres du Comité, car les témoignages comme celui de M. Foley et d'autres sont très percutants. Je sais que ce ne sont pas tous les membres qui ont pu, sans doute en raison de leur parti, se laisser toucher par ce témoignage, mais il ne peut que nous avoir tous émus d'une façon ou d'une autre en l'entendant. Je veux simplement souligner, non pas le choc dans le sens habituel du terme, mais le choc émotionnel que ces témoignages peuvent laisser en nous.
J'ai pris part au débat, dans un sens beaucoup plus large, la première fois que le projet de loi a été présenté. J'ai proposé quelques amendements au sein du comité de la justice.
Mon grand-père qui vivait dans un foyer est décédé à peu près au même moment où le débat avait lieu à la Chambre, alors je sais que nous pensons tous, en contextualisant la situation, aux événements qui se passent ou qui se sont passés dans nos propres vies. C'est particulièrement émouvant quand on pense à tous ceux qui souffrent de l'isolement en raison des mesures de santé publique qui sont nécessaires en ce moment.
Je me souviens précisément des discussions qui ont eu lieu il y a quatre ans sur le sujet, et de l'importance de la question du consentement préalable. L'amendement proposé vise en quelque sorte à trouver un juste milieu sur cette question. Selon les arguments de ceux qui sont en faveur du consentement préalable — et ces arguments ont été présentés à la Chambre à l'époque —, une personne qui prend conscience de ce que l'avenir lui réserve dans certaines circonstances et qui ne veut pas de cet avenir, ou encore que cet avenir fait en sorte qu'elle ne sera pas capable, d'un point de vue cognitif, de prendre une décision au regard de la loi, il peut être sensé, si elle est en mesure de prendre cette décision au préalable, de pouvoir le faire.
L'argument veut donc que, si une personne se trouve en situation de déclin cognitif et que ses douleurs augmentent, nous ne devrions pas l'empêcher de prendre la décision qu'elle voudrait prendre si elle était en mesure de le faire. La personne n'étant pas en mesure de le faire au moment voulu, l'idée du consentement préalable est, si on veut, de procéder à la prise de décisions au préalable. C'est la logique, l'idéal auquel on aspire.
Même si le gouvernement a décidé de ne pas aller de l'avant à l'époque, je pense que des arguments soulevés en rapport avec le cas d'Audrey Parker ont eu un certain effet persuasif. Ce cas a servi à faire valoir l'argument que si une personne n'a pas l'option du consentement préalable, elle mettra fin à ses jours de façon prématurée.
Ce qui me frappe à propos de ce cas, c'est que le libellé de la loi, du projet de loi C-14, n'est censé s'appliquer que dans les cas où une personne éprouve des souffrances graves et irrémédiables. J'ai toujours eu de la difficulté à comprendre comment une personne peut dire qu'elle éprouve des souffrances graves et irrémédiables à un moment et vouloir en même temps pouvoir choisir le moment de mourir, non pas maintenant, mais à tel ou tel moment dans l'avenir.
Je ne doute pas de la sincérité de la personne qui prend la décision à ce moment. Je dis seulement que c'était difficile pour moi de comprendre cela, mais c'était l'orientation que prenait l'argument.
Par ailleurs, ceux qui avaient des réserves au sujet du consentement préalable... j'étais l'un d'entre eux. J'ai présenté quelques arguments, et je pense qu'ils s'appliquent toujours à cet amendement.
Premièrement, une personne qui prend une décision sur le moment — qui donne son consentement sur le moment — est le seul genre de consentement que nous acceptons en droit. Je ne peux pas consentir à lier mon moi futur à une action donnée. Dans l'esprit de la liberté et dans l'esprit de l'autonomie, le moi futur est distinct du moi présent. Dans un sens, je suis la même personne qu'il y a cinq ans, mais dans un autre sens, je suis une personne différente de celle que j'étais il y a cinq ans. La personne que j'étais il y a cinq ans — disons au moment où le projet de loi a été débattu pour la première fois — pourrait avoir des idées différentes sur la question, pourrait avoir pris des décisions différentes et pourrait avoir participé au processus parlementaire d'une façon différente, etc.
Ce qui fait la différence entre le moi d'aujourd'hui et le moi de l'époque, c'est que j'ai appris de nouvelles choses. Je me suis aussi adapté à de nouvelles circonstances. Ce que j'ai cru facile peut s'être révélé difficile. Ce que j'ai cru difficile peut s'être révélé plus facile que prévu. Les décisions que je prends aujourd'hui sur le moment sont en rapport avec les circonstances dans lesquelles je me trouve et avec l'évolution ou les changements par lesquels je suis passé entre ce moment dans le passé et ce moment aujourd'hui.
Nous pouvons tous accepter cela comme un principe général au cours de nos vies, et c'est pourquoi nous disons généralement dans de très nombreux contextes différents que le consentement est le consentement du moment. C'est quand on dit oui à quelque chose sur le moment. Si vous dites oui à quelque chose et que quelques minutes plus tard vous dites non, que vous ne voulez pas aller de l'avant, alors le non du moment annule le oui précédent. Les gens changent d'idée. Ils entendent de nouvelles informations. Ils pensent différemment et ils pensent d'une façon différente à ce qu'il se serait attendu dans certaines circonstances.
Ce qui est vrai comme principe général est vrai d'une façon particulière pour ceux qui ont connu un changement important dans leur vie, comme le début d'une maladie, ou un changement important dans leur état de santé. Les gens ne savent pas vraiment à quel point leur vie serait différente si quelque chose qui occupe une place importante dans leur vie, ou quelque chose qu'ils tenaient pour acquis, disparaissait soudainement.
Il existe beaucoup de données sur le sujet. Si toute la question du consentement préalable et du consentement présent m'intéressait, c'est notamment parce que mon mémoire de maîtrise a porté sur l'idée qu'on pouvait mesurer le bonheur. C'est un domaine très intéressant et important pour savoir comment mesurer nos objectifs sociaux, etc.
Une chose qu'il faut savoir à propos des données sur le bonheur, c'est que les gens s'adaptent à une situation tout à fait nouvelle par des moyens qui leur sont inattendus. L'adaptation varie énormément selon les circonstances. Une personne peut penser que, si elle a un accident qui l'handicape et change sa vie, elle peut penser, avant que cela arrive, s'attendre à ce que cela ait des répercussions beaucoup plus importantes sur sa qualité de vie que ce ne serait le cas en réalité. C'est souvent ce qui arrive, en fait, lorsqu'il s'agit de handicap physique. C'est du moins ce que les données indiquent, soit que ce qu'ils s'attendent à subir comme perte de bien-être à la suite d'un handicap physique est en fait beaucoup moindre que la perte de bien-être réelle.
Je ne suis assurément pas un athlète, mais disons que j'en suis un. Je peux penser que si telle ou telle chose m'arrive, je ne pourrai pas faire toutes ces choses que j'aime faire, et que ma vie sera donc si totalement différente qu'elle deviendra à peine supportable. Puis, plus tard, après un processus d'adaptation, après avoir développé de nouveaux intérêts et de nouveaux passe-temps, je peux me dire que, en fait, j'aurais souhaité que cet accident, ou quoi que ce soit, ne me soit pas arrivé, mais ma capacité de m'adapter aux circonstances est de loin supérieure à ce que j'aurais pensé.
Ce n'est pas toujours le cas, et les gens peuvent réagir très différemment à différentes situations qui les touchent.
Le fait est que c'est très difficile à prévoir. Si vous me demandez de rédiger une directive anticipée, si je devais souffrir de telle maladie, si je devais subir telle perte d'autonomie, si je devais connaître tel changement dans ma vie, à quel moment et dans quelles circonstances vais-je vouloir l'aide médicale à mourir? La projection que ferait le moi présent des désirs du moi futur serait vraiment floue concernant ce que serait mon expérience réelle au moment où ces changements se produiraient concrètement.
C'est le noeud du problème, du moins dans le contexte d'une directive anticipée. Nous discutions de cet enjeu il y a quatre ans. Certains militaient en faveur d'une directive anticipée, dans le cadre de laquelle une personne pourrait dire...
Madame la présidente, j'invoque le Règlement, encore une fois, au sujet du point que vous avez soulevé concernant la pertinence.
Cette disposition et cette loi portent sur le consentement préalable. Le concept de directive anticipée fera l'objet d'un examen obligatoire dans la loi, qui est à venir. Quelle est la pertinence de ce point que soulève M. Genuis? Pourriez-vous rendre une décision au sujet de sa pertinence, madame la présidente?
Merci d'avoir soulevé ce point, monsieur Virani.
Monsieur Genuis, je vais vous demander de vous en tenir à la portée du projet de loi C-7, et plus particulièrement, à cet amendement.
Bien sûr, madame la présidente. Je vais répondre aux propos de M. Virani. Nous avions parlé à l'époque d'une pente glissante. Nous voyons la vitesse à laquelle le gouvernement soutient tout d'abord que ces mesures de sauvegarde sont nécessaires et les suppriment ensuite. C'est un phénomène que nous observons sans cesse.
C'est évident dans ses commentaires encore aujourd'hui lorsqu'il dit qu'il va y avoir un examen obligatoire dans la loi sur la question. Il sait que le Conseil des académies canadiennes a examiné ces mêmes questions et qu'il a dit d'être très prudent. Le but d'un examen obligatoire de la loi devrait être d'examiner si la loi fonctionne bien en général. Il est très étonnant d'entendre le secrétaire parlementaire dire que le gouvernement limitera la portée de l'examen obligatoire de la loi aux nouveaux ajouts.
Au sujet de son rappel au Règlement — je ne pense pas qu'il s'agisse vraiment d'un rappel au Règlement, mais plutôt d'une question de débat —, j'allais parler des problèmes que posent les directives anticipées, comme telles, et la façon...
Monsieur Genuis, j'ai déjà rendu ma décision au sujet de ce rappel au Règlement. Vous devez poursuivre avec vos arguments au sujet de l'amendement CPC-8, et non au sujet du rappel au Règlement.
Veuillez poursuivre.
Il faut donc faire la distinction, dans ce cas, avec ce que le gouvernement essaie de faire dans cet article du projet de loi, à savoir insérer la question du consentement préalable comme solution de rechange présumée à la notion de directive anticipée. Il s'agit d'une interprétation plus étroite de la notion de directive anticipée, en ce sens qu'elle ne prescrit pas de conditions précises sur lesquelles une autre personne doit se prononcer dans l'abstrait pour déterminer si les conditions préalables s'appliquent ou non. Elle traite plutôt de la question d'une personne qui fixe une date précise. Par exemple, une personne qui fixerait, aujourd'hui, cette date au 30 janvier.
Dois-je continuer?
Oui, certainement. Je comprends maintenant que vous remplacez M. Lewis, et non M. Cooper. J'ai simplement vérifié auprès de la greffière.
C'est parfait.
La disposition que nous modifions est décrite comme étant distincte de la notion de directive anticipée, mais elle applique le même principe général, c'est-à-dire l'idée selon laquelle une personne peut donner son consentement préalable et dire ce qu'elle ferait ou voudrait faire dans certaines circonstances futures. Cela pose les mêmes problèmes que la directive anticipée dont j'ai parlé.
Le projet de loi accepte déjà le principe selon lequel le consentement présent doit prévaloir sur le consentement passé. Il indique que si une personne qui se prépare à recevoir l'euthanasie ou l'aide médicale à mourir réagit d'une certaine manière au moment de l'intervention, c'est-à-dire que si cette personne démontre visiblement qu'elle ne souhaite pas que l'intervention se poursuive, alors le processus doit s'arrêter à ce moment-là.
C'est un bon principe d'indiquer que si l'on s'engage dans la voie quelque peu dangereuse du consentement préalable, on accepte au moins que le consentement contemporain l'emporte, en théorie, sur le consentement préalable, sauf que rien n'exige que le patient soit informé de ce qui se passe réellement au moment de l'intervention.
Selon le libellé actuel de la loi, si une personne est déjà sous perfusion, le contenu de cette perfusion pourrait être modifié de façon à entraîner la mort, sans que la loi exige que cette personne soit consultée ou qu'on lui explique ce qui se passe à ce moment-là. On pourrait ajouter une substance dans sa nourriture ou dans sa perfusion et, sur le fondement de son consentement préalable, cela serait considéré comme étant tout à fait légal.
La première réaction du public à ce scénario pourrait bien être qu'il serait tout simplement insensé qu'une personne agisse de cette façon. Bien entendu, aucun médecin ne ferait cela. Nous pouvons sûrement espérer que les gens agiraient de façon raisonnable, et la chose raisonnable à faire à ce moment-là est manifestement de consulter la personne et de lui dire quelque chose comme « D'accord, monsieur ou madame, est-ce quelque chose que vous voulez toujours? Vous avez exprimé ce désir il y a trois mois. Compte tenu de votre situation actuelle, est-ce une chose que vous souhaitez toujours faire, et pouvons-nous faciliter ce moment d'une manière importante pour vous? Devrions-nous inviter les membres de votre famille? » Ce sont toutes des façons raisonnables d'agir.
Je pense qu'il est logique de dire que si nous acceptons que c'est ce qui devrait se passer dans tous les cas, nous devrions alors ajouter des dispositions en ce sens dans la loi, et nous devrions également prévoir des mécanismes de protection pour que cela se produise dans tous les cas. C'est ce que propose cet amendement. En effet, il propose d'introduire, dans le projet de loi, un libellé qui exige d'au moins confirmer auprès de la personne, au moment de l'intervention, si ce qu'elle souhaite à ce moment-là correspond toujours aux désirs exprimés dans son consentement antérieur.
La question qui suit est peut-être aussi de savoir si cela est conforme au principe du consentement préalable, car si on pose la question à la personne au moment de l'intervention, alors pourquoi avoir le consentement préalable? L'objectif du consentement préalable était de répondre à la possibilité qu'une personne subisse un déclin de ses fonctions cognitives qui l'empêche d'être en mesure de prendre cette décision au moment opportun.
Si, aujourd'hui, je pense que je veux recevoir l'aide médicale à mourir le 20 février, et que je crains que l'état de mes fonctions cognitives m'empêche, le jour venu, de donner mon consentement, je peux alors donner maintenant mon consentement préalable pour la date fixée sur le fondement des souffrances irrémédiables que j'éprouve présentement.
Ensuite, le 20 février, ce déclin que je craignais se produira peut-être — ou peut-être pas. Quoi qu'il en soit, si mes fonctions cognitives ont décliné ou disparu, on me demandera tout de même mon avis à ce moment-là, mais si je ne suis pas en mesure de répondre ou de comprendre, mon consentement préalable suffira.
L'effet de cet amendement, en concordance avec l'article existant, est qu'il permet d'insérer le souhait préalable de la personne dans le moment présent, à la place d'une absence de réponse dans un sens ou dans l'autre. Toutefois, il ne l'emporte pas sur le consentement contemporain et ce consentement contemporain, pour être significatif, est demandé. C'est l'objectif de l'amendement. Il offre une protection. Nous avons beaucoup parlé des protections. C'est donc un exemple de protection nécessaire au bon fonctionnement du projet de loi.
Il a été intéressant d'écouter les discussions sur la question des protections. Certains députés affirment que nous faisons confiance aux fournisseurs de soins de santé et que ces types de protection — et donc les dispositions comme celle-ci — ne sont pas nécessaires, car nous jugeons que les personnes qui se retrouveront dans ces situations feront le genre de choses que nous qualifierions de raisonnables.
Nous avons des mécanismes de protection — tout en reconnaissant qu'il y a des dizaines de milliers de médecins dans notre pays, en plus du personnel infirmier praticien qui est également autorisé à fournir une aide médicale à mourir — parce que nous ne pouvons pas garantir que tout le monde agira de façon appropriée dans tous les cas. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de ces mécanismes de protection.
Nous avons entendu des témoignages qui laissent entendre qu'il y a des cas, dans notre pays — et de nombreuses personnes qui ont été touchées par ces cas ont comparu devant le Comité... Et il ne fait aucun doute qu'il y a des personnes qui ont été touchées par des cas comme celui-ci et qui n'en ont pas parlé pour une raison ou une autre. En fait, parmi toutes les personnes touchées par ces cas, il est probable que seule une minorité en ait parlé.
Notre comité a entendu des témoignages de personnes qui se sont retrouvées dans des situations où on leur a clairement indiqué que le médecin ou un autre membre du personnel ou d'autres personnes dans l'établissement étaient d'avis qu'elles devraient avoir recours à l'aide médicale à mourir. Je trouve très troublant que dans certains cas, le système affirme qu'une personne devrait avoir recours à l'aide médicale à mourir et va jusqu'à suggérer cette option. Dans un cas particulier — je ne me souviens pas du nom de la personne —, on a dit à une mère qu'elle était égoïste de refuser l'aide médicale à mourir pour sa fille. On a dit la même chose à des personnes qui refusaient l'aide médicale à mourir pour elles-mêmes. Dans certains cas, le désir naturel et très sain — selon moi — de vivre manifesté par une personne est qualifié d'égoïste par le système. Je pense que cela devrait témoigner de la nécessité de prévoir des mécanismes de protection.
Prenons l'exemple d'un cas où le système, les médecins ou les prestataires de soins de santé pensent qu'une personne devrait recevoir l'aide médicale à mourir et que la personne en question a fait une demande anticipée... Imaginons qu'il s'agit d'une situation dans laquelle ce patient est considéré comme étant difficile par ses fournisseurs de soins pour une raison quelconque. Lorsque le jour fixé dans la demande anticipée arrivera, il me semble que ces mécanismes de protection seront particulièrement nécessaires dans ce type de cas.
Si une personne a une vision paternaliste et pense que le patient devrait recevoir l'aide médicale à mourir, je me demande dans quelle mesure il est moins probable qu'elle consulte le patient en bonne et due forme, qu'elle fasse ce qui est « raisonnable » et lui dise qu'il a fait une demande anticipée et que c'est le jour J et qu'elle lui demande s'il est prêt et s'il est sûr de vouloir aller jusqu'au bout.
C'est à cet égard que nous parlons de mesures de sauvegarde. Nous avons écouté les témoignages de gens comme M. Foley. Je crois que le Comité a entendu celui de Mme Hyatt, une jeune femme ayant un handicap qui est allée à l'hôpital pour un problème somme toute mineur. On lui a demandé si elle était certaine de vouloir recevoir des soins. C'est ce qu'ont vécu de nombreuses personnes qui ont témoigné devant le Comité.
Je trouve également frappant que, en ce qui concerne la nécessité de prévoir des mesures de sauvegarde, le Comité ait entendu les témoignages de nombreuses organisations de personnes handicapées qui ont soulevé ces préoccupations et signalé les problèmes que pose le projet de loi. Je pense que tous les organismes qui défendent les droits des personnes handicapées, du moins tous ceux que j'ai pu entendre, ont parlé de la nécessité de prévoir des mesures de sauvegarde et de leurs préoccupations à propos du libellé actuel du projet de loi, de la nécessité d'y apporter des amendements et de l'importance d'apporter des amendements qui protègent les droits fondamentaux des gens.
Je voudrais dire également que si nous devons examiner comme il se doit des amendements comme celui-ci, nous avons raté l'occasion d'entendre de nombreuses autres personnes. Les conservateurs ont proposé que nous entendions une plus grande variété de témoins. Nous avons raté cette occasion parce que le gouvernement a perturbé le calendrier parlementaire et a ensuite fixé artificiellement une échéance après coup.
Nous avions besoin d'en savoir plus au sujet des personnes qui pourraient être touchées par l'absence de mesures de sauvegarde. Lorsqu'on se trouve dans une situation où quelqu'un fait une demande anticipée, quelles que soient les circonstances...
Vous savez, je pense que nous devrons voir comment les choses vont se passer également avec les demandes anticipées. Je ne doute pas que le projet de loi sera adopté, sous une forme ou une autre. Ensuite, lorsque les dispositions sur le consentement préalable s'appliqueront, nous serons dans une situation où il se peut que des gens signent pour exprimer leur consentement préalable afin de se donner l'option, même s'ils ne sont pas tout à fait sûrs de ce qu'ils souhaiteraient le moment venu. On peut très bien imaginer une situation dans laquelle une personne craint un déclin de ses fonctions cognitives. Elle ne veut pas se retrouver dans une situation où elle souffre physiquement et n'est pas en mesure d'accéder à des soins, mais elle est en mesure de recevoir des soins auxquels elle ne s'attendait pas.
Nous avons également parlé ici de l'accès aux soins palliatifs, du temps qu'il faut avant qu'une personne obtienne une évaluation des besoins en soins palliatifs et du manque de soins palliatifs en général. J'espère que dans certains des cas dont nous avons parlé, une personne pourrait se voir offrir des soins palliatifs et en recevoir dans l'intervalle, et qu'une personne qui souffre de douleurs intenses pourrait, après le délai prescrit par les mesures législatives, quel qu'il soit, avoir accès à des soins qu'elle ne pensait tout simplement pas pouvoir recevoir auparavant.
Ce ne sont là que quelques-uns des défis liés au consentement préalable également. J'ai parlé plus tôt de la question de l'adaptation, des gens qui s'adaptent à différentes circonstances. Je pense que nous devons également prendre en considération la manière dont les soins...
Je vous demande de bien vouloir limiter vos interventions à l'amendement dont nous sommes saisis, soit l'amendement CPC-8.
Oui, exactement, madame la présidente.
Je suis désolé si le lien n'était pas assez clair, mais ce que je voulais dire, c'est qu'une personne peut signer pour exprimer son consentement préalable pour un moment précis dans l'avenir. Il se peut qu'elle s'adapte au cours de l'expérience et que de nouvelles mesures d'adaptation apparaissent également. Les données indiquent que l'offre de soins palliatifs n'est pas suffisante pour aider la plupart des Canadiens. Si une personne, à un moment donné, ne reçoit pas de soins palliatifs, n'est pas en contact avec sa famille, ou quelle que soit sa situation, et fait une demande anticipée, puis reçoit des soins qu'elle ne s'attendait pas à recevoir à ce moment-là...
Je pense que l'idée de la disposition sur le consentement préalable, telle qu'elle est conçue actuellement, suppose que les gens sont parfaitement capables de prédire ce qu'ils vivront dans l'avenir et que leur expérience sera en quelque sorte linéaire — qu'ils peuvent faire une demande anticipée pour, disons le 20 février, en sachant qu'ils suivront un certain processus et qu'ils se sentiront d'une certaine façon le moment venu et d'une certaine façon d'ici là. Évidemment, ce n'est pas le cas.
De toute évidence, ce ne sera pas le cas pour la majorité d'entre nous dans la plupart des circonstances, mais ce n'est surtout pas vrai pour une personne qui arrive à la fin de sa vie. Nous avons vu des cas dans les médias où une personne a ressenti le besoin de vivre jusqu'à Noël parce que c'était important pour elle, mais il est également fort possible qu'une personne dans cette situation fixe d'autres objectifs et dise qu'elle veut repousser la date pour une raison quelconque. Cela montre bien l'importance qu'il y ait un lien aussi étroit que possible avec le consentement concomitant, pour tenir compte de tous les changements qui peuvent survenir et de la manière dont la situation des gens varie au fil du temps. C'est pourquoi nous avons besoin de mesures de sauvegarde, et je pense que l'amendement est une mesure de sauvegarde raisonnable.
Je tiens à préciser que l'amendement ne rend pas cet article parfait. Les aspects pratiques liés à la disposition sur le consentement préalable me posent toujours problème pour des raisons évidentes, à la lumière des points que j'ai soulevés. Toutefois, je pense qu'on réoriente l'objectif du consentement préalable pour les cas où il n'est pas du tout possible pour la personne de donner un consentement concomitant, mais cela nécessite encore un mécanisme de consultation.
Madame la présidente, je voudrais peut-être en dire plus à ce sujet, mais je vais m'arrêter pour l'instant. D'autres députés pourront prendre la parole.
Merci.
Je vous remercie pour vos paroles éloquentes, monsieur Genuis.
Madame Findlay, vous êtes la prochaine intervenante. Allez-y, madame.
J'invoque le Règlement, madame la présidente. Je suis désolé de vous interrompre, mais je voudrais proposer une motion pour lever la séance. Nous sommes réunis depuis trois heures. Cette réunion n'était pas prévue. Je sais qu'une réunion régulière aura lieu demain, de 11 à 13 heures...
Monsieur Moore, vous ne pouvez pas proposer une motion lorsque vous invoquez le Règlement.
La parole est à Mme Findlay, et nous reviendrons à vous, monsieur Genuis.
Allez-y, madame Findlay.
En ce qui concerne cet amendement, il donne au malade la possibilité de démontrer son autonomie jusqu'au dernier moment, pour simplement confirmer son désir de poursuivre. Je suis assez sûre que, fondamentalement, aucun projet de loi que nous pourrions adopter ne nous prémunira absolument contre le risque que quelqu'un qui finit par obtenir l'aide médicale à mourir ne veuille, à la toute fin, revenir sur sa décision.
En effet, les gens changent d'avis. C'est connu, mais je dirais que le risque est même plus grand si on ne cherche pas à obtenir un consentement exprès ou un consentement au moment même de la procédure. C'est abondamment prouvé. Dans son premier rapport annuel publié sur l'aide médicale à mourir au Canada, le gouvernement fédéral a révélé que, en 2019, sur les 7 336 demandes écrites d'aide médicale à mourir connues, 263 ont été retirées, surtout parce que le malade avait changé d'avis et, dans 20 % des cas ou plus d'un cinquième, ce changement d'avis était survenu immédiatement avant le début de la procédure de l'aide médicale à mourir.
C'est bien un garde-fou, une façon de laisser se manifester, au dernier moment, l'autonomie de la personne. Je sais que nous parlons de la décision Truchon. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici, mais ce n'est pas la seule jurisprudence sur ces questions. Dans la décision Carter, la Cour suprême du Canada, qui, je le signale, est une instance supérieure à la Cour supérieure du Québec et que le gouvernement aurait dû saisir de cette affaire, a déclaré en trois occasions que l'aide médicale à mourir ne devait avoir lieu que lorsque le malade consent clairement à mettre fin à sa vie. Le mot « clairement » sous-entend la nécessité d'une confirmation catégorique, qui ne laisse pas de place au doute, des vœux de la personne, tandis que « consent » signifie dans le présent. Ça compte et il faut en tenir compte.
Voilà une démarche radicalement différente de celle du projet de loi, et je pense que nous devons nous montrer un peu plus prudents que maintenant. Dans un autre jugement, La Reine c. Latimer, la Cour suprême du Canada a affirmé avec insistance que tuer une personne pour mettre fin à ses souffrances découlant d'une affection physique ou mentale pour laquelle il existe des traitements médicaux n'est pas une réponse proportionnelle à la douleur causée par ces souffrances qui ne menacent pas la vie.
Beaucoup de membres du Comité ont dit que certaines des décisions qu'ils prennent ici et que certaines formulations du projet de loi visent à soulager la souffrance. Je ne doute pas que ce soit notre souhait à tous, pour nos concitoyens. Nous avons des idées différentes sur la façon de le faire, mais si, en vérité, nous souhaitons réduire les souffrances et nous porter à la défense de la dignité de la personne et de l'autonomie de chacun de ceux qui peuvent se retrouver dans cette situation très difficile, il me semble que, au moins, nous pouvons, près de la fin de l'administration de ce processus, vérifier à nouveau et nous assurer que le consentement est clair et actuel.
Ça ne saurait être plus nécessaire que dans une situation de consentement préalable, quand, parfois, quand on le donne, on s'imagine seulement où on pourrait se trouver à un certain moment. On imagine ce qu'on ressentirait, la réaction qu'on aurait.
Mon propre père, vers la fin de sa vie, s'est fait amputer une jambe, et il l'a pris avec beaucoup de stoïcisme. Le grand-père de mon mari, quand on lui a annoncé qu'il allait perdre une jambe, a dit qu'il préférait mourir et il est mort plutôt que de se faire amputer. Personne n'a la même tolérance. Dans une situation difficile, chacun fait ses propres choix.
Je vous demande de prendre cet amendement en considération. Assurons-nous que les personnes qui prennent ces décisions d'avance ne les regrettent pas au moment de les appliquer.
La Société canadienne des médecins de soins palliatifs ne devrait pas être prise à la légère. Ces médecins, contrairement à chacun de nous, ici, sont en contact avec des personnes très vulnérables qui se trouvent à des moments très difficiles, dans des situations qui entraînent la mort. On devrait vraiment tenir compte de ce qu'ils considèrent comme nécessaire pour leurs patients.
Sur ce, un collègue vient me remplacer, parce que je dois partir.
Merci beaucoup, madame la présidente.
J’exprime mon ferme appui à l’amendement CPC-8.
Pour ceux qui nous regardent, il importe de le lire. Il dit simplement que « à la date déterminée aux termes de l’entente visée au sous-alinéa » — c’est-à-dire la demande anticipée — « il lui rappelle qu’elle avait conclu avec lui cette entente et elle a la possibilité de manifester un refus que la substance lui soit administrée ou une résistance à ce qu’elle le soit ».
Je serais étonné qu’on s’oppose à ce sous-amendement, que quelqu’un qui aurait fait une demande anticipée n’aurait pas, inexplicablement, la possibilité de la retirer.
Mme Findlay, dans ses observations, a fait remarquer que, dans la décision Carter, la Cour suprême du Canada a déclaré, non pas une ni deux fois, mais trois fois que, pour avoir le droit à l’aide médicale à mourir il fallait donner un consentement clair. Voici le passage définitoire de cette décision:
[...] à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.
On y lit « consent clairement ». Qu’est-ce que cela signifie? Que le consentement doit être positif, catégorique.
Je dirais que, sur le plan constitutionnel, l’exigence de toute forme de consentement anticipé est contestable. Cela sort nettement du cadre de la décision Carter, et cet amendement prévoit simplement au moins une possibilité, pour le malade, de manifester son consentement dans la mesure où il en est capable.
C’est d’autant plus important, que nous parlons de « prévisibilité raisonnable », à ne pas confondre avec « fin de la vie », du moins dans le sens qu’on attribue à l’expression « raisonnablement prévisible » depuis l’adoption du projet de loi C-14.
Il est vrai que, au Québec, mais non dans les autres provinces, on a eu tendance à interpréter « raisonnablement prévisible » dans un contexte de fin de vie. Cela s’explique en partie par le libellé du projet de loi 52 adopté par l’Assemblée nationale du Québec avant l’adoption du projet de loi C-14.
Étant donné qu'il arrive que l'on puisse considérer que la mort est raisonnablement prévisible alors que la personne peut avoir encore, non pas des semaines, mais des mois à vivre, si ce n'est plus d'une année, et que le projet de loi permettrait à cette personne qui pourrait vivre encore pendant des mois, voire une année ou même davantage, d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, il est absolument essentiel que l'on soit tout au moins tenu de lui rappeler la demande qu'elle a formulée en sélectionnant une date, peut-être une année à l'avance. Je crois que c'est une considération qu'il faut garder à l'esprit.
Je note également que notre comité a pu entendre de nombreux témoignages suivant lesquels certaines personnes ayant demandé l'aide médicale à mourir finissent par changer d'avis. Je veux souligner à ce sujet le premier rapport annuel du gouvernement fédéral sur l'aide médicale à mourir au Canada qui a été rendu public récemment. On y révèle que, sur un total de 7 336 demandes écrites d'aide médicale à mourir enregistrées en 2019, 263 ont été retirées par le patient, le plus souvent parce qu'il avait changé d'avis. De plus, 20,2 % de ces 263 retraits ont eu lieu immédiatement avant l'administration de la procédure d'aide médicale à mourir.
Franchement, si cela ne démontre pas la nécessité d'exiger que l'on rappelle au patient sa demande et qu'il lui soit entièrement possible de retirer son consentement, alors je ne sais pas ce qu'il vous faut.
J'ajouterais que c'est peut-être une mesure de sauvegarde de portée très limitée et, je dirais même insuffisante, mais c'est tout de même mieux que ce que prévoit actuellement le projet de loi qui ne renferme aucune mesure de protection, ou alors des mesures totalement inadéquates, quant à la question problématique des demandes anticipées. Je pourrais vous renvoyer à cet effet au rapport du Groupe de travail du comité d'experts du Conseil des académies canadiennes que j'ai déjà cité sur d'autres tribunes. Ce rapport détaillé produit en 2018 cerne différentes préoccupations liées à la possibilité pour les patients de formuler une demande anticipée. Le groupe de travail a noté l'absence d'un consensus, notamment parmi les experts, à propos « des situations, s'il y a lieu, qui se prêtent à l'autorisation des demandes anticipées d'AMM ».
Le comité d'experts a notamment fait valoir que les données disponibles n'étaient tout simplement pas suffisantes pour bien comprendre toutes les répercussions d'une telle pratique.
Bien que de nombreux membres de ce comité en parlent comme s'il s'agissait simplement d'une pratique exemplaire acceptée de tous, je me dois de préciser que le Canada est l'un des rares pays au monde à avoir mis en place une forme quelconque d'aide médicale à mourir. En fait, à peine 2 % des citoyens du monde occidental vivent dans un pays où cette pratique a cours sous quelque forme que ce soit. Et parmi ces très rares pays offrant l'aide médicale à mourir, seulement quatre autorisent les demandes anticipées.
Nous nous aventurons vraiment en terrain inconnu. Même aux Pays-Bas, cette pratique demeure controversée et tous les problèmes n'ont pas encore été vraiment réglés.
Quand on se tourne vers la Cour suprême du Canada, c'est l'arrêt Carter qui nous sert de guide en établissant les paramètres que nous devons suivre dans notre rôle de législateurs. La Cour suprême reconnaît expressément dans cette décision que l'aide médicale à mourir pourrait mettre à risque les personnes les plus vulnérables. C'est ainsi que la Cour est revenue à la charge à trois occasions dans son jugement pour insister sur le consentement clair que doit donner un patient qui demande l'aide médicale à mourir.
Qui plus est, la Cour suprême a indiqué qu'il fallait absolument mettre en place un régime de mesures de sauvegarde soigneusement élaborées et assorties de mécanismes rigoureux de surveillance pour s'assurer que les risques inhérents à cette pratique soient minimisés dans une mesure suffisante. Lorsque la Cour suprême du Canada fait presque valoir que les demandes anticipées sortent du cadre qu'elle avait envisagé en établissant les paramètres à suivre par le Parlement lors de l'adoption du projet de loi C-14, il est bien évident que la moindre des choses est de rappeler au patient sa demande alors que nous empruntons ce sentier encore en grande partie inexploré en sabrant au passage des mesures de sauvegarde que je juge essentielles, un avis partagé par différents témoins ayant comparu devant nous.
On nous a amplement parlé des inquiétudes graves que cela soulève chez les défenseurs des droits des personnes handicapées, des préoccupations qui ont trouvé écho jusqu'à la Rapporteuse spéciale des Nations unies.
Avant d'adopter ce projet de loi, il est de notre devoir de tout mettre en oeuvre pour nous assurer que les personnes vulnérables ne feront pas l'objet de contraintes indues et qu'un consentement véritable et éclairé est bel et bien exigé, non seulement au moment où la demande est formulée, mais aussi lorsque vient le temps d'y donner suite.
Lorsque nous avons un régime prévoyant, ne serait-ce que dans une mesure limitée, la possibilité de formuler une demande anticipée, nous perdons totalement cette assurance qu'il y a eu consentement. Les dispositions proposées dans cet amendement offriraient tout au moins un certain degré de protection, même si cela demeure nettement insuffisant, pour s'assurer que le patient donne son consentement véritable et éclairé à une procédure qui est permanente et irréversible.
Si l'on considère la situation des personnes vulnérables, le rapport du Conseil des académies canadiennes soulignait que de nombreux Canadiens se heurtent à des obstacles lorsque leur état nécessite des soins de santé. Ce n'est pas seulement l'avis de ce comité d'experts. Nous avons pu l'entendre à maintes reprises dans le très peu de temps que nous avons pu consacrer à l'audition de témoins lors de l'étude de ce projet de loi radical qui modifie en profondeur le régime d'aide médicale à mourir au Canada.
Concernant ces obstacles à l'accès aux soins, aux soins de longue durée plus particulièrement, et notamment aux soins palliatifs, le rapport souligne que les personnes qui sont marginalisées et privées de soutien communautaire, familial ou sociétal sont touchées de façon disproportionnée.
Le Groupe de travail du comité d'experts écrivait ce qui suit en 2018:
Les personnes dont le pronostic comprend une future perte de capacité anticipent leur vulnérabilité en raison de facteurs sur lesquels elles n'ont pas un contrôle direct, comme la stigmatisation sociale, le stress des aidants et la disponibilité de soins résidentiels ou en établissement adéquats. Ces facteurs pourraient influencer les délibérations sur l'AMM et sur les demandes anticipées d'AMM.
Il est important de considérer cet extrait dans le contexte du projet de loi à l'étude. Comme le souligne le comité d'experts, les risques sont plus élevés pour les personnes marginalisées que pour les autres. Ces personnes en viennent à formuler une telle demande, parce qu'elles ne voient pas d'autres solutions. Elles n'ont pas accès à du soutien et à des soins, si bien qu'elles en viennent à considérer qu'elles ont simplement le choix entre continuer à endurer leurs souffrances ou faire une demande pour qu'on mette fin à leur vie. Cela devrait tous nous inquiéter, car il ne s'agit pas d'un choix véritable et éclairé.
Si l'on considère ces préoccupations touchant les personnes vulnérables pour les situer dans le contexte du projet de loi dans son ensemble, on se retrouve, dans les cas où la mort est raisonnablement prévisible, avec une mesure législative qui ne prévoit aucune période de réflexion en plus de supprimer le critère exigeant la présence de deux témoins.
Vous avez donc un projet de loi qui nous prive de la protection que procurait la nécessité d'avoir deux témoins indépendants et qui permet qu'un professionnel de la santé ayant fourni des soins au patient puisse servir de témoin. Cela crée des situations où des contraintes implicites peuvent devenir problématiques.
Je veux qu'on me comprenne bien. Je ne crois pas qu'il y a un très grand nombre de professionnels de la santé — s'il y en a, ce serait une infime minorité — qui voudraient un jour exercer de telles pressions sur un patient. C'est la raison pour laquelle je parle de contraintes implicites ou non délibérées qui sont attribuables à un déséquilibre des pouvoirs. Il faut cependant avouer que notre comité a pu entendre des témoignages très troublants faisant état de situations où des contraintes véritables ont été exercées. Je pense notamment au récit fort convaincant de M. Foley qui nous a raconté ce qui lui est arrivé personnellement.
Si l'on tient compte de tout cela, et notamment de la suppression de mesures de sauvegarde qui étaient là par ailleurs pour protéger plus particulièrement les personnes marginalisées, et sachant que l'on veut permettre aux gens de faire une demande anticipée, il faudrait tout au moins...
[Français]
[Traduction]
[Français]
M. Cooper peut-il reprendre ses propos des dernières minutes? Le son n'était pas bon et je n'ai pas compris.
[Traduction]
Merci, monsieur Thériault.
Je dois de toute manière vous interrompre à ce moment-ci, monsieur Cooper, car il est presque 22 heures. On m'a indiqué que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour poursuivre la séance après 22 heures aujourd'hui.
Dès demain, notre greffière vous fera parvenir un avis de convocation pour une nouvelle séance avec un ordre du jour modifié de telle sorte que nous puissions poursuivre l'étude article par article que nous n'avons pas terminée aujourd'hui.
La séance est levée.
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