Je vous souhaite la bienvenue à la 30e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Aujourd'hui, Andy Fillmore remplacera et Julie Dzerowicz remplacera .
Nous vous souhaitons la bienvenue, M. Fillmore et Mme Dzerowicz. Nous sommes heureux de vous accueillir au sein de notre comité.
Pour assurer le bon déroulement de la séance, je vais énoncer quelques règles à suivre, surtout pour les témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
Les services d'interprétation sont offerts dans le cadre de la réunion. Au bas de votre écran Zoom, veuillez choisir la langue dans laquelle vous souhaitez entendre les interventions. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix, soit le français ou l'anglais. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole, puis activer votre micro, que vous désactiverez lorsque vous aurez terminé. Veuillez garder votre micro éteint lorsque vous n'avez pas la parole.
Je vous rappelle que tous les commentaires des députés et des témoins doivent être adressés à la présidence. Le greffier et moi allons faire de notre mieux pour gérer la liste des intervenants. Si vous souhaitez prendre la parole, vous pouvez utiliser la fonction « Lever la main » au bas de votre écran Zoom pour m'en aviser.
Avant d'entreprendre notre étude sur l'impact de la COVID-19 sur le système judiciaire, nous devons approuver le rapport émanant de la réunion du sous-comité de jeudi dernier. Le rapport a été remis à tous les membres du Comité par voie électronique hier. Si vous n'avez pas de commentaire à faire et si tout le monde est d'accord, nous pourrons l'adopter.
Pouvez-vous lever le pouce si vous souhaitez adopter le rapport?
Très bien. Le rapport est adopté. Merci à tous.
J'aimerais maintenant présenter nos témoins.
Nous recevons deux représentants du Comité d'action sur l'administration des tribunaux en réponse à la COVID-19: Michael MacDonald, ancien juge en chef de la Nouvelle-Écosse et de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse; et Renée Thériault, conseillère juridique principale au cabinet du juge en chef Richard Wagner de la Cour suprême du Canada.
Nous recevons également Jody Berkes, qui est président de la Section de la justice pénale à l'Association du Barreau canadien.
Enfin, nous recevons les représentants de l'Association canadienne des juges des cours supérieures: les honorables juges Mona Lynch et Kristine Eidsvik, toutes deux membres du conseil d'administration.
Chaque organisation disposera de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Je vous ferai signe lorsqu'il vous restera une minute et lorsqu'il vous restera 30 secondes, afin que vous gardiez la notion du temps.
Je vous remercie une fois de plus d'être avec nous aujourd'hui. Nous allons commencer avec Michael MacDonald et Renée Thériault.
Vous disposez de cinq minutes. Allez-y.
:
Merci, madame la présidente.
Merci à tous.
M. MacDonald et moi avons le plaisir de nous adresser aux honorables membres de votre comité pour vous parler du Comité d'action sur l'administration des tribunaux en réponse à la COVID-19.
À titre de conseillère juridique principale de la Cour suprême du Canada, je suis membre d'office du Comité d'action. J'aimerais d'ailleurs en profiter pour remercier les coprésidents du Comité d'action, le très honorable Richard Wagner, juge en chef du Canada, et , d'avoir invité l'honorable Michael MacDonald et moi-même à vous parler des travaux de notre comité d'action, qui est en place depuis maintenant plus d'un an.
Nous en profitons pour saluer l'initiative judicieuse dont a fait preuve le Comité permanent de la justice et des droits de la personne en décidant de se pencher sur l'incidence de la pandémie sur le système de justice, afin que nos concitoyens et nos concitoyennes puissent continuer de bénéficier d'un système qui protège leurs droits et leurs intérêts tout en assurant leur sécurité. C'est d'ailleurs ce double engagement, c'est-à-dire assurer à la fois un accès à la justice et un contexte sanitaire sécuritaire pour le faire, qui guide tous les travaux du Comité d'action.
Je vous propose donc de vous parler brièvement du mandat et de la composition du Comité d'action. Je céderai ensuite la parole à mon collègue, M. MacDonald, pour discuter de nos travaux en lien avec les répercussions de la pandémie sur les activités judiciaires.
Le Comité d'action a été établi en mai 2020, peu de temps après le début de la pandémie. Il agit comme instance directrice nationale pour aider les tribunaux et les fonctionnaires responsables de l'administration de la justice à rétablir de façon sécuritaire les activités judiciaires partout au pays. Ces derniers ont veillé à poursuivre tant bien que mal leur mandat judiciaire, même si les palais de justice ont dû fermer leurs portes en raison de la crise sanitaire.
En plus du juge en chef et du , le Comité d'action regroupe trois membres du Conseil canadien de la magistrature, ainsi que des représentants du Conseil canadien des juges en chef, du ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique, aux fins de coordination entre les provinces, les territoires et le fédéral, et de l'Agence de la santé publique du Canada.
Le Comité d'action travaille également avec de nombreux intervenants et collaborateurs. Je pense entre autres au Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail, aux chefs de l'administration des tribunaux et au Commissariat à la magistrature fédérale, qui héberge sur son site Web tous les travaux produits par le Comité d'action.
Fort de ces partenariats, le Comité d'action sert de forum national consultatif — j'insiste sur son mandat de consultation — pour promouvoir une orientation non normative et favoriser la communication, l'échange d'information et la collaboration entre l'exécutif et le judiciaire, ce qui n'est pas rien. En fait, c'est sans doute une des leçons les plus positives de toute l'entreprise.
Comme son nom le suggère, le Comité d'action traite principalement de problèmes de nature opérationnelle qui surviennent au sein de l'appareil judiciaire en raison de la pandémie. Ses travaux s'étendent aux tribunaux provinciaux, supérieurs et d'appel œuvrant dans divers domaines du droit, y compris le droit criminel, le droit civil et le droit familial, puisqu'on sait que la pandémie a eu des répercussions à géométrie variable. Ce ne sont pas toutes les instances qui ont subi les mêmes effets. Nous y reviendrons.
C'est avec plaisir que M. MacDonald et moi répondrons à vos questions, le temps venu. Sans plus tarder, je lui cède la parole pour qu'il vous parle des travaux précis du Comité d'action susceptibles de vous intéresser.
Je vous remercie.
:
Merci beaucoup. Je vois que nous n'avons pas beaucoup de temps, alors je serai bref.
C'est un honneur pour moi de témoigner devant vous à nouveau cette année. J'ai témoigné en mars dernier en ma capacité de directeur exécutif intérimaire du Conseil canadien de la magistrature et je crois que nous avons participé à l'une des dernières réunions avant que la COVID-19 ne frappe en mars.
En ce qui a trait au comité d'action, je vous recommande de consulter notre site Web, où nous énonçons quelques principes de base. Comme il s'agit d'un effort de collaboration, ces principes de base émanent du point de vue de la santé publique, du milieu judiciaire et des administrateurs de tribunaux, ce qui est intéressant. Ainsi, ils respectent l'indépendance judiciaire, mais permettent tout de même une collaboration.
Nous préparons essentiellement des fiches-conseils, des lignes directrices en vue de la pleine reprise des activités des tribunaux. Les procès devant jury ont été désignés à ce titre et nous avons examiné les façons de faire de tous les tribunaux du pays afin de déterminer les meilleures pratiques, que nous partageons et que nous coordonnons. Nous avons examiné les études de cas et les meilleures pratiques, et nous les avons coordonnées pour les juges, les juges en chef, les tribunaux de tous les niveaux, les administrateurs de tribunaux et, au bout du compte, la population du Canada, en vue d'assurer le meilleur fonctionnement possible au beau milieu de cette terrible pandémie.
Merci.
:
Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle Jody Berkes, et je suis président de la section de la justice pénale de l'Association du Barreau canadien. Nous sommes heureux de vous présenter notre rapport intitulé Point de non-retour: Rapport du groupe de travail de l'ABC sur les enjeux juridiques liés à la COVID-19.
Je me joins à vous aujourd'hui à partir de Toronto, territoire traditionnel des Wendats, de la nation Anishinabek, de la confédération Haudenosaunee, de la Première Nation des Mississaugas de Credit et de la nation métisse. Ce territoire est visé par le traité faisant référence au concept du bol à une seule cuillère.
Je vous remercie d'avoir invité l'Association du Barreau canadien à discuter de l'impact de la COVID-19 sur le système judiciaire, et, de façon particulière, des retards ou des conséquences sur les procès dans le système de justice pénale.
L'une des fiertés de la section de la justice pénale de l'ABC, et sa particularité, est que nos membres sont des avocats de la Couronne et des avocats de la défense. À ce titre, nous présentons un point de vue unique, équilibré et centré sur les utilisateurs dans le cadre de nos commentaires.
[Français]
L'ABC est une association nationale qui regroupe plus de 36 000 juristes de partout au pays. Les principaux objectifs de l'ABC sont l'amélioration du droit et de l'administration de la justice, et c'est dans cette optique que nous sommes ici ce matin au nom de la section de droit criminel.
[Traduction]
Comme je l'ai dit plus tôt, en février dernier, l'ABC a publié son rapport intitulé Point de non-retour: Rapport du groupe de travail de l'ABC sur les enjeux juridiques liés à la COVID-19. Le rapport souligne deux thèmes. Le premier, c'est qu'on ne reviendra pas en arrière après la modernisation du système de justice pénale émanant de la pandémie. Nous devons poursuivre la modernisation, même lorsque la pandémie sera terminée. Le deuxième, c'est qu'il faut déployer de nouvelles mesures technologiques de manière à améliorer l'accès à la justice tout en veillant à garantir la sécurité des renseignements personnels des particuliers dans le système.
La transition vers des salles d'audience virtuelles a permis d'accroître l'ouverture du système de justice. Par exemple, en juin 2020, le juge Di Luca a rendu sa décision en direct dans l'affaire Regina c. Theriault et plus de 20 000 personnes l'ont regardé. Un accès aussi large au système judiciaire n'aurait jamais été possible avant la pandémie. À cette fin, la recommandation 12 du rapport de l'ABC énonce ce qui suit:
Les parties prenantes du système de justice, y compris les tribunaux judiciaires et administratifs et les autres instances judiciaires, de même que les représentants du barreau et des médias, devraient rédiger un feuillet de renseignements sur les pratiques exemplaires qui garantiraient l’accès du public et des médias aux tribunaux et le respect tant du principe de publicité de la justice que de celui de protection de la vie privée.
J'aimerais maintenant aborder un autre sujet: la nécessité de revenir aux procès en personne. Au cours des 12 derniers mois, j'ai présenté des demandes à la cour supérieure, j'ai participé à des procès à la cour provinciale et à des enquêtes préliminaires, de même qu'à des plaidoyers et à des procédures relatives à la détermination de la peine et à des renvois courants, tout cela par l'entremise de la plateforme Zoom. Dans de nombreux cas, surtout pour les renvois courants, le recours à Zoom réduit les frais pour les clients, puisque les avocats n'ont pas à se déplacer. Il permet aussi aux avocats d'aider plus de clients qui se trouvent dans diverses régions, ce qui améliore l'accès à la justice. De plus, les services électroniques et la présentation de demandes ou la communication des documents en ligne ont réduit les coûts, augmenté l'efficacité et diminué la consommation de papier.
Malgré cette efficacité, la comparution des témoins civils représente un inconvénient majeur des audiences virtuelles. Pour les policiers et les experts, le témoignage dans une affaire pénale diffère d'une conversation de tous les jours. Ils sont formés en ce sens. Le témoignage devant un tribunal nécessite une certaine formalité, une certaine exactitude et une certaine solennité, contrairement à une conversation ordinaire.
Les témoins civils, quant à eux, ne reçoivent aucune formation à cet égard et la plupart d'entre eux ne témoigneront qu'une fois dans leur vie dans une affaire pénale. Avant la pandémie, les avocats — tant ceux de la Couronne que ceux de la défense — misaient sur l'ambiance qui régnait au palais de justice et dans la salle d'audience pour communiquer le caractère solennel de l'occasion aux témoins civils. L'enceinte de la salle d'audience faisait savoir aux témoins qu'une comparution dans une affaire pénale différait d'une conversation avec un ami ou d'une déclaration à la police.
Avec la transition vers Zoom, les témoins comparaissent à partir du même endroit où ils ont des conversations banales avec leurs amis ou leurs proches, comme la table de la salle à dîner. Même les témoins qui comparaissent dans un environnement contrôlé — comme une pièce distincte dans un palais de justice ou le poste de police — ne ressentent pas l'ambiance de la salle d'audience, le seau de la Couronne, la disposition de la salle et le caractère formel de la comparution à partir de la barre des témoins.
La comparution à distance des témoins est un mal nécessaire en ces temps de pandémie. Autrement, nous aurions dû suspendre tous les procès pendant plus d'un an. Toutefois, même dans les administrations où le transport des témoins représente un défi, la comparution à distance ne devrait pas remplacer les procès dans les salles d'audience où tous les participants sont présents.
Je vous remercie de m'avoir écouté et je répondrai avec plaisir à vos questions.
:
Je suis la juge Mona Lynch de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. Je suis accompagnée aujourd'hui de la juge Kristine Eidsvik de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta. Nous représentons les quelque 1 100 membres de l'Association canadienne des juges des cours supérieures.
Comme vous le savez, les régions et les tribunaux du Canada n'ont pas tous réagi ou dû réagir de la même façon. Avant la pandémie, presque tout se faisait sur papier. La pandémie nous a forcés à nous adapter et à utiliser les technologies.
Le recours accru aux technologies et aux audiences virtuelles a eu une incidence majeure sur le système judiciaire. Cette transition n'aurait pas été aussi rapide — et n'aurait peut-être pas du tout eu lieu — si la pandémie n'avait pas frappé, et les choses ne se sont pas déroulées sans heurt. Nous n'étions pas prêts. La quête des bons équipements et des bons logiciels se poursuit. Parfois, les technologies fonctionnent, mais parfois elles ne fonctionnent pas.
Comme vous le savez, à l'exception de quelques rares cas au Canada, les juges en chef et les juges n'ont pas le contrôle du financement à l'appui des tribunaux. La collaboration entre les divers organes du gouvernement a dû être accrue pendant la pandémie pour éviter que le système de justice ne soit paralysé.
Bien que les technologies soient utiles et qu'elles aient amélioré l'accès à la justice, elles présentent toutefois certains problèmes. La pauvreté représente un obstacle important. Les gens n'ont pas tous accès à la technologie nécessaire aux fins d'une audience virtuelle. Certaines régions du Canada n'ont pas accès au Wi-Fi de qualité — ou n'ont pas du tout accès au Wi-Fi —, et celui-ci n'est pas gratuit. Les gens n'ont pas tous accès aux services de garde d'enfants et ne peuvent pas tous se concentrer uniquement sur les procédures judiciaires lorsqu'ils sont à la maison. Nous avons appris très rapidement que lorsqu'un jeune enfant veut son parent, les juges perdent le contrôle des audiences.
Bien que nous voulions préserver les avantages des audiences virtuelles, nous tenons à souligner que les audiences en personne sont essentielles pour le système de justice. L'une de mes collègues tenait une audience familiale par téléphone lorsqu'elle a entendu l'une des parties dire: « Un instant. » Puis, il y a eu un silence et elle a entendu: « Un café moyen, deux crèmes, deux sucres. »
Bien que cet incident soit amusant et typiquement canadien, il révèle aussi le manque de respect et d'attention de la part des participants lorsque les audiences ne se tiennent pas en personne, dans une salle d'audience, devant un juge.
Les cours d'appel du Canada se sont adaptées aux audiences virtuelles et continuent de les tenir, mais leurs juges me disent que les plateformes virtuelles ne permettent pas les échanges habituels entre les avocats. Il manque certains signes non verbaux. Les audiences familiales traitent maintenant des cas urgents, comme ceux qui impliquent la violence familiale. Nous savons tous que le nombre d'incidents impliquant la violence familiale a augmenté depuis le début de la pandémie. On ne peut établir le même lien avec les parents ou les parties de façon virtuelle comme on le ferait en personne. Les procès civils ont été annulés à de nombreux endroits. Les avocats spécialisés en matière civile ont toujours fait valoir que les procès criminels avaient la priorité, et la pandémie n'a fait qu'empirer la situation.
On ne pourra pas sortir de la COVID et revenir aux façons de faire d'avant. Nous avons fait avancer le système judiciaire, et nous devons continuer en ce sens. Nous savons aussi que nous ne pourrons jamais avoir un système de justice entièrement virtuel. On se demande si le principe de l'audience publique peut être vraiment respecté dans le cadre des audiences virtuelles.
Je vais maintenant céder la parole à la juge Eidsvik.
:
Bonjour à tous. Je suis très heureuse de vous parler à partir de Banff, en Alberta. Nous sommes ici sur la terre du Traité n
o 7.
J'aimerais vous parler quelque peu du système de justice pénale, parce que nous avons décidé d'aborder des sujets distincts. Nous avons réalisé une enquête auprès des membres de l'Association canadienne des juges des cours supérieures. J'ai examiné leurs réponses relatives à la situation actuelle. Leur expérience est semblable, sauf quelques exceptions dans le Nord, que j'aborderai plus tard.
Au départ, les procès criminels ont été retardés — tant ceux devant jury que ceux devant un juge seul — pendant quelques mois, mais la plupart des procès ont repris en septembre 2020, sauf certaines exceptions. Les salles d'audience ont été rouvertes. On y a installé des plexiglas en guise de protection et instauré certains protocoles associés à la COVID-19. Les procès ont été reportés et ont repris dans les quelques mois suivant le début de la pandémie.
Les procès devant jury représentaient un défi beaucoup plus important en raison des exigences en matière de distanciation pour les jurés. Néanmoins, dans la plupart des administrations, on a construit des salles d'audience dans les cinémas, les centres de congrès, les salles de spectacles, les centres communautaires et, à Calgary, dans la grande tribune du Stampede. Les procès devant jury ont repris, sauf dans le Nord, mais certaines administrations ont dû les suspendre à nouveau. C'est le cas en Saskatchewan et en Ontario.
Les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Yukon n'ont pas repris les procès. Les arriérés y sont très importants. Plus de 60 procès devant jury sont en attente dans les Territoires du Nord-Ouest.
Le format des procès a changé de façon radicale. Ils se tiennent rarement en personne. Les témoins, les plaignants, les interprètes et même les accusés comparaissent à distance.
J'aimerais vous donner un exemple de ce qui se passe sur le terrain. À l'heure actuelle, je préside un procès pour trafic sexuel qui s'échelonnera sur plusieurs semaines et qui compte plusieurs accusés, le tout entièrement à distance. Les avocats comparaissent à partir de Calgary et d'Edmonton. Les accusés et les plaignants témoignent à partir de Montréal. Bon nombre des témoins de la police comparaissent à partir de Calgary. Le procès se déroule en français.
[Français]
Je préside le procès en français, et les interprètes viennent tous de Calgary.
[Traduction]
Au départ, seuls les plaignants devaient comparaître à distance, mais les avocats de la Couronne ont été exposés à la COVID et dans le but d'éviter un autre ajournement de ce long procès, nous sommes passés à un procès entièrement virtuel.
Nous avons fait face à certains problèmes, notamment en ce qui a trait à la gestion des documents, au traçage de la preuve...
:
Merci, madame la présidente.
Merci à ce groupe de témoins très estimés. C'est vraiment intéressant et fascinant, en fait, d'entendre vos témoignages ce matin sur la façon dont vous avez dû réagir à la COVID-19 et certaines de vos remarques sur les réunions virtuelles par rapport aux réunions en personne. Nous le remarquons sur la Colline du Parlement. Avant la COVID, nous n'avions jamais organisé ce type de réunions Zoom, et maintenant, c'est au quotidien. Vos observations sur ce qui fait défaut parfois, lorsqu'on ne peut pas avoir une réunion en personne, étaient très intéressantes.
Ma première question s'adresse au Comité d'action sur l'administration des tribunaux en réponse à la COVID-19.
Y a-t-il des points en suspens qui, selon vous, devraient faire l'objet d'une attention particulière? Je m'intéresse à tout ce que vous avez regroupé comme étant les meilleures mesures et démarches. Y a-t-il quelque chose qui vous semble le plus nécessaire pour que les rouages de la justice continuent de tourner?
:
Oui. Merci beaucoup de la question.
Ce qui est le plus urgent pour nous en ce moment — en Nouvelle-Écosse, les choses ont changé du jour au lendemain pour nous —, c'est d'essayer de garder une longueur d'avance sur cette pandémie et d'éliminer l'arriéré. Cela va être un gros problème, et ce n'est pas seulement une question de droit pénal. Évidemment, il existe un droit constitutionnel à un procès rapide, et c'est très important, mais lorsque les procès criminels ont préséance sur les procès civils, ces derniers sont retardés.
C'est un problème immédiat. Une autre question que nous traitons et sur laquelle nous travaillons actuellement est celle de la vaccination et de la nécessité d'adopter une approche à deux volets. Nous constatons en temps réel, ici au Canada, que nous devons choisir le bon moment pour ne pas réduire les restrictions sur la force des vaccins. Il est très important de trouver l'équilibre approprié à cet égard.
Ces deux points, ainsi que le traitement des questions de protection de la vie privée qui émergent des séances virtuelles, ne sont que trois exemples, monsieur Moore, qui sont urgents pour le Comité d'action en ce moment.
Mme Thériault a peut-être d'autres exemples également.
:
Pour répondre à la question, j'ajouterais qu'à l'origine, ce comité d'action a été créé en réponse aux défis liés à la pandémie. D'emblée, nous nous sommes efforcés de détecter les problèmes. Par exemple, les procès criminels devant jury étaient de loin le problème le plus pressant. Cela a donné lieu à un certain nombre de recommandations de la part du Comité d'action pour prendre des mesures à cet égard.
J'ajouterais que, bien que cette mesure soit censée être temporaire, nous nous apercevons que la pandémie a mis au jour un certain nombre de défis et de problèmes préexistants concernant le système de justice pénale ou autre, et nous sommes donc intervenus dans un certain nombre de domaines sur lesquels nous devions nous pencher avant même la pandémie.
Nous nous rendons compte de la gravité du problème en ce qui concerne, par exemple, l'accès à la justice et l'incidence sur les personnes les plus vulnérables. Je pense que nous soulignons à juste titre l'agilité de la magistrature à s'adapter, ce qui est évidemment ce que nous faisons depuis que la pandémie a frappé, mais bien sûr — et je crois que c'est la juge Eidsvik qui nous l'a rappelé —, ce n'est pas tout le monde qui a accès à Internet. Ce n'est pas tout le monde qui peut se connecter à un ordinateur et participer et faire ce qui s'impose, car beaucoup de gens n'ont même pas accès à un avocat.
Le Comité d'action s'est engagé à examiner le système de justice en tenant compte de la pandémie, et c'est la raison pour laquelle nous nous penchons sur la suite des choses. Il se peut que le Comité d'action ait encore sa raison d'être lorsque nous serons tous vaccinés.
[Français]
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
J'aimerais faire écho à ce qu'a dit M. Moore sur le groupe de témoins dans ses remarques liminaires. Je lui en suis très reconnaissant.
Cet enjeu m'est aussi très cher. Avant de me lancer en politique, j'ai travaillé dans les tribunaux ontariens pendant plus de 20 ans. Pour être franc, six minutes pour poser des questions ne suffisent pas. Je suis heureux de vous revoir, monsieur MacDonald.
Nous parlons d'enjeux liés à la COVID. De mon point de vue, les défis liés à la COVID ont été traités ou sont en train de l'être. La vraie question est de savoir ce qu'il faut retenir de tout cela et quelles améliorations nous pouvons apporter au système judiciaire, aux tribunaux et à l'administration des tribunaux à l'avenir.
J'ai été très heureux d'entendre M. Berkes, la juge Lynch et d'autres dire que le retour aux procès en personne est une nécessité, car je suis d'accord. Ce qui se passe en grande partie dans les procédures judiciaires, ce sont des évaluations faites par des juges et des jurys. Vous ne pouvez pas voir si quelqu'un brandit une pancarte disant, « C'est une mauvaise réponse » ou « C'est une bonne question ». La solennité de la salle d'audience est parfaite. Je pense que cela s'applique également à d'autres étapes de la procédure judiciaire, comme les médiations, les audiences préliminaires, les interrogatoires et les procédures civiles. Merci, madame la juge Lynch, d'avoir mentionné la procédure civile. Elle est sans cesse éclipsée par la procédure pénale dans les domaines civils où je pratique.
C'est une façon très longue de demander si on a réfléchi aux critères selon lesquels les procès et les appels par vidéoconférence peuvent être utilisés à la place des audiences en personne. Cette question s'adresse à tous les témoins. Je pense que nous pourrions commencer par les juges du groupe.
:
En effet. Je me penche là-dessus sur le terrain.
Je pense que de façon prospective, en ce qui concerne certains des critères pour déterminer qui peut assister ou non aux audiences, nous avons actuellement une plus grande marge de manœuvre. Je vais dire que dans le passé, les avocats criminalistes en particulier hésitaient à faire comparaître le plaignant ou l'accusé à distance. Ils voient maintenant les avantages de cette façon de procéder.
Je comprends votre point de vue, monsieur Maloney, pour ce qui est de la difficulté de surveiller une situation par vidéoconférence. Nous prenons beaucoup de mesures. Si quelqu'un comparaît à distance, nous lui demandons de tourner sa caméra. Le plaignant dans l'affaire que j'entends, qui est maintenant en train de témoigner, se trouve dans une chambre d'hôtel pour qu'il n'y ait aucune distraction.
Tout cela pour dire que je suis d'accord: les audiences en personne sont beaucoup plus intéressantes. Elles se déroulent plus facilement et sont moins fatigantes, mais il arrive néanmoins que nos témoins se trouvent dans des régions éloignées et qu'il soit très difficile pour eux de se présenter devant le tribunal. Nous avons ainsi une marge de manœuvre et un accès à la justice que nous n'avions pas avant. Je crois que c'est formidable.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport de l'Association du Barreau canadien. J'estime que c'est un document formidable. Monsieur Berkes, je suis heureuse que vous soyez là. Je ne voudrais certainement pas que nous perdions un grand nombre des améliorations que nous avons apportées à la tenue de procès.
L'autre chose vraiment très importante qui a changé depuis que nous procédons virtuellement, c'est que les documents numériques sont devenus essentiels. Le monde de paperasse dans lequel le système judiciaire fonctionnait... Des progrès ont été réalisés avant le procès. J'ai fait une étude là-dessus en 2018, sur la technologie partout au pays, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Le Canada accuse un retard important dans sa migration vers un système numérique électronique. La COVID-19 nous a obligés à utiliser davantage la technologie. Je détesterais voir un retour en arrière. Même si nous sommes en présentiel, nous pouvons utiliser un plus grand nombre de documents numériques et tuer moins d'arbres.
Je ne veux pas enlever de temps aux autres, mais ce sont certaines de mes réflexions à ce sujet.
:
Pendant que nous établissons la connexion avec M. Fortin, nous allons reprendre notre réunion.
Dans l'intérêt des députés, j'ai demandé au dernier groupe de témoins de rester pour répondre aux questions pendant le deuxième tour étant donné que nous avons eu peu de temps, surtout le Bloc et le NPD, pour poser des questions à ces témoins très intéressants.
Je vais maintenant présenter notre deuxième groupe de témoins.
Nous accueillons Emilie Coyle, directrice exécutive de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Nous avons aussi parmi nous Mark Farrant, fondateur et chef de la direction de la Commission canadienne des jurys, ainsi que Heidi Illingworth, ombudsman du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels.
Bienvenue à notre comité. Je vous remercie de votre présence parmi nous.
Pour que vous sachiez à quoi vous en tenir, j'ai un carton pour indiquer qu'il reste une minute et 30 secondes afin de vous permettre de savoir où vous en êtes pendant vos déclarations liminaires. Chaque organisation aura cinq minutes pour faire une déclaration, et nous passerons ensuite aux questions et aux réponses.
Nous allons commencer sans tarder par l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Vous avez cinq minutes.
Allez-y, s'il vous plaît.
Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité de la justice.
L'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, que nous appelons l'ACSEF, est une organisation nationale. Notre bureau principal est situé sur le territoire non cédé de la nation algonquine.
Nous nous consacrons à la défense et à la promotion des droits des femmes et des personnes trans, non binaires et bispirituelles criminalisées et incarcérées, en particulier celles qui purgent une peine de ressort fédéral.
L'un des aspects essentiels de notre travail consiste à surveiller les conditions d'incarcération dans les prisons fédérales réservées aux femmes. Les personnes avec lesquelles nous travaillons sont, de manière disproportionnée, des personnes qui vivent dans la pauvreté, souffrent de maladies mentales et ont souvent des antécédents de toxicomanie. Ce sont des personnes qui ont été mal servies par de nombreux systèmes avant leur incarcération, y compris les soins de santé, et elles entrent donc souvent en prison avec des comorbidités sous-jacentes.
Il n'est donc pas surprenant que, lorsque la pandémie de COVID-19 a fait son apparition au Canada, la crainte de contracter le virus était extrêmement présente dans les prisons, compte tenu des conditions de santé existantes. À cela s'ajoute le risque très réel que représente une incarcération dans un milieu de vie collective.
Depuis l'apparition de la COVID-19, les personnes incarcérées sont détenues dans des conditions difficiles qui n'avaient pas été envisagées ou prévues par les tribunaux au moment de la condamnation. Il s'agit notamment de la suspension de tous les programmes et de toutes les visites, d'horaires de déplacement adaptés — comme la permission de sortir de l'unité de vie ou de la cellule pendant moins d'une demi-heure par jour, voire pas du tout —, de l'accès limité au téléphone, de l'accès limité à un conseiller juridique et, fait troublant, du recours aux unités d'intervention structurées — qui sont les anciennes unités d'isolement — pour isoler les détenus qui présentent des symptômes.
Compte tenu de ce qui précède, la recommandation la plus importante que l'ACSEF fait au Comité est d'insister immédiatement sur la mise en œuvre de solutions de rechange à l'incarcération et, en parallèle, de fournir aux collectivités les meilleures ressources possible afin qu'elles puissent offrir les soutiens nécessaires. Cette recommandation est conforme au dernier rapport du Bureau de l'enquêteur correctionnel concernant la COVID-19.
De plus, étant donné que les conditions difficiles n'étaient pas et ne pouvaient pas être prévues au moment de la détermination de la peine, nous encourageons le gouvernement à intervenir pour que le temps passé en prison pendant la pandémie soit comptabilisé de manière à accélérer le moment de la libération.
Permettez-moi également de parler brièvement de deux des conditions de confinement que j'ai décrites précédemment. La première est l'accès constamment insuffisant à un avocat et la seconde est l'accès insuffisant à des programmes.
Pendant la pandémie, les avocats n'avaient pas le droit d'entrer physiquement dans les prisons, et ce dès le début. Ainsi, le recours au téléphone pour communiquer avec les avocats est devenu primordial, alors que dans le même temps, l'accès aux appels téléphoniques confidentiels est devenu extrêmement limité. Dans de nombreux cas, il faut des semaines pour organiser des appels téléphoniques privés entre les avocats et leurs clients. On demande à certains d'entre eux d'utiliser les téléphones de leur unité de vie, qui peuvent être coûteux et dont la confidentialité n'est pas garantie, étant donné la possibilité pour le Service correctionnel de surveiller tous les appels dans les prisons à partir de ces téléphones particuliers.
Lorsque les visites des avocats ont repris dans certaines provinces, mais de manière restreinte, on a demandé aux détenus et aux avocats d'expliquer par écrit pourquoi une rencontre en personne était nécessaire, ce qui impliquait dans certains cas de décrire en détail les problèmes qui seraient abordés — une violation flagrante du secret professionnel.
Ce sont des difficultés logistiques que connaissent les personnes qui ont déjà retenu les services d'un avocat. Les personnes qui doivent trouver et engager un avocat alors qu'elles sont incarcérées pendant la pandémie COVID-19 font face à une série d'obstacles supplémentaires qui sont presque insurmontables sans aide extérieure.
En l'absence de rencontres en personne avec un avocat, recourir à des documents et à des communications écrites soulève un autre problème d'accès à la justice, car le taux d'alphabétisation des personnes incarcérées dans les établissements fédéraux est considérablement plus faible que celui du reste de la population au Canada.
En somme, pendant la pandémie de COVID-19, on traite le droit des personnes incarcérées à l'assistance d'un avocat comme un inconvénient. L'accès à un avocat devrait être une priorité et ne devrait jamais être considéré comme conditionnel. Le gouvernement doit veiller à ce que les établissements pénitentiaires soient tenus responsables des violations de ces droits et à ce que de telles violations ne se reproduisent plus.
Au cours de la pandémie, les programmes à l'intérieur des prisons ont été pratiquement interrompus. Bien que la programmation institutionnelle de base ait repris à 50 % de sa capacité dans certaines prisons, le manque d'accès aux programmes a des effets négatifs sérieux pour les détenus, notamment en ce qui concerne le moment de leur libération conditionnelle. On nous a dit que les agents de libération conditionnelle découragent les détenus de se présenter devant la Commission des libérations conditionnelles lorsqu'ils deviennent admissibles. En fait, on dit à certaines personnes qu'elles ne peuvent pas se présenter devant la Commission des libérations conditionnelles avant d'avoir terminé leur programme. Cela signifie que des personnes passent plus de temps en prison qu'elles le devraient. La loi qui régit le Service correctionnel est claire: les détenus peuvent demander une libération conditionnelle dès qu'ils y sont admissibles. L'absence de programme pendant la pandémie de COVID ne devrait pas être utilisée contre eux de cette manière particulière.
Nous recommandons que la Commission des libérations conditionnelles reconsidère les exigences de programmation dans sa prise de décision et utilise plutôt tous les mécanismes à sa disposition pour s'assurer que l'accès à la libération conditionnelle, et donc la liberté, n'est pas indûment restreint.
Je vous remercie beaucoup du temps que vous m'avez accordé.
Honorable président, vice-présidents et membres du comité de la justice et des droits de la personne, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui dans le cadre de votre importante étude sur la COVID-19 et son impact sur le système judiciaire.
La pandémie de COVID-19 a touché toutes les industries et tous les secteurs comme jamais dans notre histoire, et nos tribunaux et notre système judiciaire ne font pas exception. Avant la crise, nos tribunaux étaient déjà sous pression en raison d'énormes arriérés et retards dans plusieurs provinces et territoires; la fermeture des palais de justice à travers le pays dans le cadre des mesures d'urgence en matière de santé publique a aggravé le problème, retardant les procès et l'application régulière de la loi.
Une fois que les activités régulières des tribunaux reprendront, il sera nécessaire, comme jamais auparavant, de commencer à constituer des jurys dans tout le pays. Bien qu'il soit obligatoire de répondre à une citation à comparaître, de nombreux Canadiens ne voudront ou ne pourront pas y participer pour des raisons bien réelles.
Au cours de la première vague de la pandémie, la Commission canadienne des jurys a mené un sondage d'opinion national et a constaté que les Canadiens se sont dits plus disposés à donner du sang ou à faire du bénévolat pour un organisme communautaire qu'à faire partie d'un jury, quand les mesures d'urgence seront levées. De même, les Canadiens ont accordé une cote moins élevée à la fonction de juré qu'au don de sang ou au bénévolat au sein de la collectivité sur le plan de l'importance civique. Ces opinions sont le résultat direct de décennies de sous-investissement dans les fonctions de juré à travers le pays et d'une adaptation lacunaire au monde moderne et à ses défis.
À la fin de la crise, de nombreux Canadiens ne voudront pas ou ne pourront pas répondre à une sommation aux jurés, mais on attendra d'eux qu'ils le fassent. Au sortir de cette période de chômage, de mises à pied et d'emplois précaires, de nombreux Canadiens se concentreront désormais sur leur emploi, leur famille et leur disponibilité au travail. Nombre d'entre eux connaîtront des difficultés financières jamais vues depuis des décennies et auront encore des engagements familiaux qui n'auront pas cessé et qui auront peut-être été exacerbés par des problèmes de santé liés à la COVID-19. Les milieux de travail canadiens seront moins enclins à soutenir les employés pendant la durée du procès, étant donné leur propre fragilité économique et leur désir de revitaliser leurs activités. Cela exercera une pression croissante sur les employés pour qu'ils accordent plus d'importance à leur employeur qu'à leur assignation.
Des données alarmantes sont apparues au cours de la pandémie, mettant en évidence la détérioration marquée de la santé mentale des Canadiens. Elles ont suscité des inquiétudes chez les professionnels de la santé quant à l'imminence d'une pandémie subséquente de problèmes de santé mentale. Statistique Canada a constaté que les Canadiens signalent une augmentation de l'anxiété, de la dépression et du syndrome de stress post-traumatique, ainsi qu'une augmentation alarmante des idées suicidaires en raison de la pandémie. L'abus de substances et la consommation d'alcool ont augmenté chez les Canadiens pendant la pandémie. Tous les chiffres signalés sont plus élevés parmi les groupes vulnérables, les personnes atteintes d'une maladie mentale existante, la communauté autochtone, la communauté LGBTQ et, malheureusement, parmi nos jeunes adultes.
En 2017, j'ai été très heureux de comparaître devant ce comité dans le cadre de son étude révolutionnaire sur la santé mentale des jurés, laquelle a été suivie de la publication, en 2018, de son rapport historique intitulé Mieux soutenir les jurés au Canada. Les 11 recommandations contenues dans ce rapport demeurent pertinentes aujourd'hui. Elles consistent notamment à fournir plus d'information aux jurés potentiels sur les fonctions de juré, à offrir un soutien psychologique aux jurés, à augmenter la rémunération quotidienne des jurés à 120 $ par jour et à accorder un financement fédéral aux provinces et aux territoires pour mettre en œuvre les conclusions de ce rapport.
Près de trois ans se sont écoulés depuis la publication de ce rapport et, malheureusement, on en a très peu fait depuis pour mettre la mise en œuvre universelle de ces recommandations.
La Commission canadienne des jurés a été créée sur la base de ces recommandations pour représenter et soutenir les Canadiens qui font partie d'un jury ou d'une enquête du coroner, et pour offrir des programmes directement aux jurés afin de les aider dans leur rôle, et ce, en collaboration avec les provinces, les territoires et le système judiciaire, le but étant d'améliorer le travail des jurés.
Le récent budget fédéral a présenté des investissements importants dans le domaine de la santé mentale pour relever les défis posés par la COVID-19, des investissements vitaux pour combattre le racisme systémique et améliorer l'accès à la justice dans tout le Canada, ainsi que des investissements pour réparer notre économie et renouer avec la croissance après la pandémie. Ces investissements doivent être accompagnés d'investissements similaires dans les fonctions de juré, qui sont les dernières fonctions civiques obligatoires dans notre démocratie. La crise actuelle ne servira qu'à aggraver et à accentuer les préoccupations fondamentales relatives aux fonctions de juré identifiées par ce comité et par la Commission canadienne des jurés.
Une fois sélectionnés, les jurés sont identifiés comme des juges des faits et sont exposés aux mêmes preuves graphiques et troublantes que les autres membres du tribunal dans le cadre de leur rôle. Toutefois, contrairement au juge, aux avocats, au personnel du tribunal, à la police et aux premiers intervenants, ils n'ont pas accès aux traitements nouveaux et évolutifs fondés sur des données probantes qui les aideraient après le prononcé du verdict. Les jurés constituent le groupe le plus vulnérable aux troubles de santé mentale, car la fonction de juré n'est pas une vocation, ne fait l'objet d'aucune formation et ne s'accompagne d'aucun soutien organisationnel. Les jurés sont exposés aux mêmes preuves graphiques sans disposer d'un réseau de soutien.
La santé mentale des jurés nécessite une intervention particulière au moyen d'évaluations et de traitements fondés sur des données probantes et d'approches tenant compte des traumatismes. Il faut accorder à cette intervention la même priorité partout et la rendre accessible dans toutes les régions du pays.
Ces préoccupations concernant la santé mentale des jurés sont antérieures à la pandémie. Aujourd'hui, il se peut que les Canadiens reviennent au tribunal avec des problèmes de santé mentale aggravés par la pandémie et qu'ils soient exposés à de nouveaux traumatismes au tribunal.
Il est essentiel que nous investissions dans la santé mentale.
Merci.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité aujourd'hui.
[Traduction]
Le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels veille à ce que les victimes soient traitées équitablement et avec respect dans l'ensemble du système de justice pénale.
Je présente mes respects aux ancêtres des Premières Nations, des Métis et des Inuits et j'affirme l'engagement de mon bureau à entretenir des relations respectueuses les uns avec les autres ainsi qu'avec ce territoire.
Distingués membres du Comité, il ne fait aucun doute que la pandémie de COVID-19 a une incidence profonde sur le système de justice pénale du Canada.
La pandémie exacerbe les défis auxquels font face les victimes d'actes criminels au Canada et a des effets disproportionnés sur les populations vulnérables, qui ont déjà un risque plus élevé de subir de la violence et de la victimisation. Il s'agit notamment des femmes, des enfants et des personnes âgées, ainsi que des membres de la communauté 2SLGBTQ+ et des membres des communautés autochtones et racialisées.
Les recherches menées par Statistique Canada montrent que l'isolement social, la perte d'un emploi et la baisse des revenus sont autant de facteurs connus pour augmenter le risque de violence domestique, et ces conditions se sont aggravées au cours des derniers mois.
La violence conjugale et familiale n'est souvent pas signalée parce que l'auteur est un proche qui exerce un contrôle sur les victimes, lesquelles ne se sentent pas en sécurité dans leur propre maison. L'ordre de rester à la maison signifie que les victimes de violence ont moins de possibilités de demander de l'aide ou de signaler la violence à la police ou à d'autres organismes.
De plus, les restrictions liées à la pandémie ont réduit la capacité des organismes de fournir des services aux victimes et, dans certaines régions du Canada, les systèmes ont été submergés par les demandes de services.
Les groupes marginalisés qui courent un risque plus élevé de victimisation doivent également faire face à une oppression structurelle considérable pour accéder au soutien et à la justice. Par exemple, les personnes qui s'identifient comme étant 2SLGBTQ ont fait savoir que recevoir l'aide des fournisseurs de services aux victimes est souvent un obstacle en soi, car les organisations de services aux victimes peuvent négliger l'importance de considérer et de traiter les identités intersectionnelles multiples.
La vulnérabilité accrue des enfants me préoccupe aussi beaucoup. Il est devenu encore plus difficile de réagir à la violence faite aux enfants, étant donné que le personnel scolaire est à l'origine de 90 % des signalements de mauvais traitements et que les enfants sont absents de l'école en raison de la pandémie.
À mon avis, le Canada doit agir de manière proactive et faire de la prévention en finançant la diffusion de matériel d'information et d'éducation et la prestation de services au public afin d'atteindre les personnes qui risquent d'être des instigateurs de violence.
Parallèlement à des investissements accrus dans la prévention, il faut donner la priorité aux droits des victimes et veiller à leur application et à leur respect. Les droits des victimes n'étaient pas systématiquement respectés avant la pandémie de COVID-19, et les victimes des populations vulnérables ont souvent déclaré se heurter à de nombreux obstacles dans le système de justice pénale et avoir l'impression d'être négligées. La pandémie a aggravé cette situation.
Par exemple, au début de la pandémie, la Commission des libérations conditionnelles du Canada a annulé toute présence d'observateurs aux audiences de libération conditionnelle, ce qui signifie que les victimes ne pouvaient pas assister aux audiences qui étaient prévues et qui auraient quand même lieu sans eux. Mon bureau a dénoncé cette situation comme étant injuste et non conforme aux droits des victimes qui sont reconnus par la loi. La téléconférence et la vidéoconférence ont été finalement ouvertes aux victimes, comme c'était déjà le cas pour les assistants des délinquants.
Cela créait un précédent inquiétant, à savoir qu'on pouvait tout simplement mettre de côté et ignorer les droits des victimes, au lieu de veiller à la mise en place de mesures d'adaptation appropriées pour que les droits des victimes puissent être respectés. Cela ne peut et ne doit pas se produire.
J'aimerais également parler de l'aggravation des retards du système de justice pénale en raison de la COVID-19.
Les cours et autres tribunaux sont lents à se moderniser et à utiliser la technologie pour faire avancer les dossiers. Nous devons traduire les accusés en justice en temps voulu, comme l'exige la Charte. Ne pas le faire nous affecte tous, mais plus encore les victimes et les survivants qui ont été lésés. Les victimes souffrent de pertes de mémoire et éprouvent un degré élevé de stress et d'anxiété, en plus de ressentir une certaine langueur à mesure que les affaires prennent du temps à être jugées.
Pour conclure, je soulignerai que la prise en compte des droits des victimes d'actes criminels à l'information, à la protection, à la participation et à la restitution sert l'intérêt d'une bonne administration de la justice, et ce, aussi bien pendant la pandémie de COVID-19 qu'après.
Je serai ravie de répondre à vos questions. Je vous remercie.
[Français]
Meegwetch.
:
Merci, madame la présidente.
Monsieur Ferrant, j'étais là en octobre 2017 lorsque vous avez comparu devant le comité de la justice et que vous avez livré un témoignage très percutant avec d'autres jurés; j'étais fier de l'unanimité du Comité qui a produit ensuite, comme vous l'avez dit, un rapport novateur sur l'amélioration du soutien aux jurés, la première étude parlementaire et le premier rapport du genre.
Vous avez souligné que, malgré un large consensus, il ne s'est malheureusement pas passé grand-chose trois ans plus tard.
Vous avez signalé que le budget ne fait aucune mention des jurés. J'aimerais également souligner que la recommandation 10 parle de la nécessité d'un financement fédéral unique pour les provinces et les territoires afin de mettre en œuvre les recommandations du rapport.
Pourriez-vous nous parler de cela et, plus généralement, de la nécessité d'un leadership fédéral? Êtes-vous d'accord pour dire que le leadership et le financement sont d'autant plus nécessaires dans le contexte de la COVID?
:
Merci pour la question.
J'ai parlé à des procureurs généraux de différentes régions du pays qui ont dit vouloir mettre en oeuvre une partie de ces recommandations — certaines davantage que d'autres —, mais ont également fait valoir la nécessité pour le gouvernement fédéral d'investir dans le sens de ce que prévoit ce rapport.
Il est bien évident que la pandémie a exercé des pressions sans précédent sur les provinces. Dans ce contexte, comme la fonction de jury relève en vertu du Code criminel d'un mandat fédéral administré par les provinces, le moment est venu pour le fédéral d'investir afin d'améliorer le sort de ceux qui sont appelés à assumer de telles fonctions.
Comme je le disais, le gouvernement fédéral pourrait consentir aux provinces des paiements de transfert pour les aider à payer la note si l'indemnité de service judiciaire, une responsabilité provinciale, était haussée à 120 $ par jour. Il ne s'agit pas ici d'un investissement qui va acculer à la faillite quelque gouvernement que ce soit. C'est plutôt une manière de faciliter les choses aux jurés tout en faisant en sorte que les Canadiens racisés, ceux qui cumulent les petits boulots et ceux qui sont sous-représentés au sein du système judiciaire puissent financièrement se permettre d'être jurés. J'ai entendu si souvent des Canadiens dire qu'ils adoreraient assumer les fonctions de juré, mais qu'ils n'en ont tout simplement pas les moyens ou que leur employeur ne leur permettrait pas de le faire.
Si nous voulons vraiment lutter contre le racisme systémique dans l'accès à la justice, le simple fait de bonifier l'indemnité de service judiciaire nous fournit automatiquement la possibilité d'accroître la diversité d'un jury en y intégrant des gens pour lesquels cela n'aurait pas été possible auparavant.
Je conviens que les sommes nécessaires pour hausser la rémunération des jurés et mettre en œuvre les autres recommandations visant à leur offrir un meilleur soutien sont vraiment dérisoires en proportion des dépenses tous azimuts que l'on trouve dans le plus récent budget. Je ne suis pas en train de minimiser l'importance des investissements ainsi prévus, car certains d'entre eux sont vraiment essentiels. Reste quand même que le montant dont il est question ici ne représente que des miettes.
Vous avez aussi fait état des problèmes de santé mentale que peuvent connaître les jurés qui doivent dans certains cas composer avec d'horribles procès qui s'ajoutent à de nombreux facteurs de stress comme la méconnaissance du système judiciaire et le fait de devoir s'éloigner de leur famille et de leur travail.
Le rapport de 2018 recommandait notamment que l'on prévoie une exception à la règle du secret des délibérations du jury. À l'heure actuelle, les jurés souffrant de problèmes de santé mentale attribuables à leur service judiciaire ne peuvent pas discuter de tous les aspects de cette fonction, et notamment du processus de délibération qui est souvent le plus important facteur de stress.
Au cours de la dernière législature, j'ai présenté un projet de loi visant à donner suite à cette recommandation en faveur d'une exception limitée à cette règle du secret des délibérations du jury. Il s'agissait d'autoriser les jurés aux prises avec des problèmes de santé mentale à consulter un spécialiste ou un autre professionnel de la santé tenu au secret professionnel, ce qui permettrait de protéger le secret des délibérations du jury tout en s'assurant que les jurés obtiennent l'aide dont ils ont besoin. Il y avait encore là consentement unanime à l'égard de ce projet de loi, mais il est mort au Feuilleton du Sénat avant la dernière élection. J'ai collaboré avec le sénateur Boisvenu pour présenter un projet de loi au Sénat, mais il est coincé là-bas.
Le gouvernement a présenté le qui traite notamment des considérations liées aux jurés dans un contexte de pandémie. Pensez-vous qu'il serait bon d'élargir la portée du pour y intégrer l'essentiel de ce qu'on retrouve actuellement dans le de telle sorte que nous puissions enfin aller de l'avant avec une mesure qui semble faire consensus.
:
Merci, madame la présidente.
J'aimerais poser une question sur l'administration du système de justice. J'ai compris qu'il y avait un certain nombre d'avantages à ce que les procès se déroulent de façon hybride. Cependant, je crois avoir compris que cela comportait aussi un certain nombre de désavantages, particulièrement en première instance, où l'on entend des témoins.
J'aimerais entendre l'avis du juge MacDonald sur les dossiers où l'on fait appel de décisions. En cour d'appel, souvent les parties ne sont pas présentes. Tout au plus, elles assistent à la séance, mais ce sont les avocats qui plaident.
Juge MacDonald, voyez-vous un avantage à ce qu'on tienne des procès de manière virtuelle lorsqu'on fait appel de décisions?
C'est un plaisir de vous revoir, monsieur Fortin. Je crois que nous nous sommes rencontrés l'an dernier à la même époque.
J'aimerais prendre quelques instants pour répondre à la question de Mme Brière. Nous avons pris des dispositions pour vous transmettre par courriel le lien vers le site Web de notre commissaire et le portail où vous pourrez prendre connaissance du travail que nous effectuons et notamment d'un rapport sur les centres de justice en mode virtuel pour les Autochtones et les agents de liaison pour la tenue des audiences virtuelles dans les collectivités éloignées et les communautés autochtones. Je vous recommanderais d'y jeter un coup d'oeil.
C'est une excellente question, monsieur Fortin. Merci de me donner l'occasion d'établir la distinction entre les procès de première instance et les appels. La juge Lynch en a d'ailleurs glissé un mot tout à l'heure. Pour de nombreuses cours d'appel au pays, y compris la Cour suprême du Canada, les causes ont pu être entendues sans qu'il y ait trop d'inconvénients. Comme l'indiquait la juge Lynch, les interactions possibles en personne sont assurément compromises, mais pas du tout dans la même mesure que pour les tribunaux de première instance. Je pense qu'il y a une importante distinction à établir à ce chapitre.
Bien évidemment, si une audience se déroule à huis clos, aussi bien à la cour d'appel qu'en première instance, il faut tenir compte des considérations liées à la protection de la vie privée, et notre comité d'action a d'ailleurs produit un rapport sur les risques d'atteinte à la vie privée dans le contexte des audiences virtuelles.
Je vois que Mme Thériault a également la main levée et je suis persuadé qu'elle saura vous en dire davantage à ce sujet, mais je tiens à vous remercier encore une fois de votre question
:
Vous avez raison. C'est un peu dans le même esprit que ce que disait M. MacDonald, c'est-à-dire que la pandémie a eu un effet à géométrie variable. De façon évidente, celui-ci a été nettement plus intense du côté des tribunaux de première instance, pour les raisons évidentes que vous avez évoquées, notamment la présence de témoins.
En ce qui a trait aux cours d'appel de partout au pays, elles ont dû s'adapter aux nouvelles plateformes, ce qui demandait une certaine dextérité. Maintenant que cela est en place, il est vrai qu'elles ont réussi tant bien que mal à procéder aux audiences sans que cela entraîne des retards comme ceux qu'on pourrait imaginer en première instance.
J'ajouterais à cela qu'il y a parfois des formules hybrides. À la Cour suprême du Canada, les membres de la Cour ont continué à siéger en personne, c'est-à-dire qu'ils étaient tous dans la salle d'audience, qui a été reconfigurée pour respecter les consignes sanitaires, et ce sont les avocats qui plaidaient à distance, pour ne pas avoir à se déplacer de leur province d'origine à Ottawa.
Évidemment, les représentants des barreaux vous diront que ce n'est pas la même chose. On peut préférer plaider en personne plutôt que sur des plateformes virtuelles. Toujours est-il qu'il y a très peu de retards.
Puisqu'on brosse un vaste tableau, j'ajouterais que c'est aussi vrai dans le cas des tribunaux administratifs. Il y a un grand nombre de tribunaux administratifs fédéraux qui, dans le contexte de la pandémie, ont réussi à faire du rattrapage. Puisqu'ils n'avaient pas à entendre de témoins, qu'ils procédaient à leurs audiences par l'entremise notamment de plateformes virtuelles et qu'il y avait davantage de présentations par voie électronique, ils ont réussi à faire un rattrapage énorme.
Donc, même si la pandémie laisse plutôt des traces négatives, certains avantages en sont ressortis et un certain nombre de réalisations sont là pour de bon.
:
Merci, madame la présidente, et merci à tous nos témoins qui ont su aujourd'hui faire preuve d'une grande patience à l'égard de notre régime parlementaire.
Je tiens à remercier nos témoins du second groupe qui ont porté à notre attention des sujets aussi importants que les conditions de service des jurés et les répercussions sur les victimes, y compris celles qui sont actuellement en détention. Je veux toutefois revenir aux témoins du premier groupe pour les quelques questions que j'aurai la chance de poser.
Monsieur Berkes, l'excellent mémoire très détaillé que nous avons reçu de l'Association du Barreau canadien soulève deux enjeux qui me préoccupent tout particulièrement. Il y a d'abord la question du recours à des plateformes privées pour les procédures en ligne. C'est une inquiétude que je nourris non seulement pour le système judiciaire, mais aussi pour les travaux de la Chambre des communes.
Votre rapport traite des profits réalisés grâce aux données acquises par ceux qui offrent ces services en ligne. Pourriez-vous nous en dire plus long sur cette menace — car je crois que c'est une véritable menace — tant du point de vue de la protection de la vie privée que de la sécurité de l'information?
:
Merci beaucoup pour cette question.
Je n'apprends sans doute rien à personne en affirmant que les données personnelles sont désormais la devise en usage au sein du nouveau monde électronique. Nos renseignements personnels sont sans cesse contrôlés, recueillis et utilisés dans le but de pouvoir nous proposer une publicité ciblée. Il faudra que les législateurs fédéraux et provinciaux examinent à la loupe les répercussions du recours à certaines de ces plateformes pour ce qui est de la protection de la vie privée.
Prenons l'exemple des médias sociaux. Lorsque vous vous inscrivez à un service en fournissant vos coordonnées, ces données sont recueillies, vendues et diffusées à grande échelle. Il va de soi que si une instance judiciaire ou quasi judiciaire compte utiliser un service privé comme Zoom, Microsoft Teams ou n'importe quel autre, il faut que des dispositions soient mises en place pour que les entreprises privées offrant ces services s'engagent à ne pas communiquer les renseignements personnels des utilisateurs.
Il faudra légiférer à ce sujet, assurer le suivi nécessaire et veiller à ce que la loi soit respectée en prévoyant des sanctions pour quiconque permet que ces données soient diffusées alors qu'elles ne devraient pas l'être.
Comme vous avez peut-être d'autres questions, je vais en rester là pour l'instant afin de laisser la chance à tout le monde.