:
La séance est ouverte. Bienvenue à la 41
e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Comme vous êtes nombreux dans la salle aujourd'hui, je vais passer rapidement en revue les règles s'appliquant aux réunions hybrides, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021, à l'intention des membres qui sont présents en personne et de ceux qui participent à distance au moyen de l'application Zoom. Les délibérations d'aujourd'hui seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. Comme vous le savez, dans une émission Web, c'est seulement la personne qui parle, plutôt que l'ensemble des participants, que l'on voit à l'écran.
Étant donné la pandémie qui perdure et à la lumière des recommandations des autorités sanitaires ainsi que de la directive du Bureau de régie interne du 28 janvier 202... [Difficultés techniques]... en toute sécurité, tous ceux qui assistent à la réunion en personne doivent se tenir à au moins deux mètres les uns des autres et porter un masque non médical quand ils circulent dans la salle. Il est fortement recommandé de porter le masque en tout temps, même lorsqu'on est assis. Vous devez utiliser le désinfectant fourni pour les mains à l'entrée de la salle.
En tant que présidente, je veillerai à l'application de ces mesures pendant toute la réunion. Je remercie à l'avance les membres de leur collaboration.
Pour assurer le bon déroulement de la réunion, il y a quelques points que je tiens à souligner. Des services d'interprétation sont disponibles. Vous pouvez suivre la réunion dans la langue de votre choix en cliquant sur l'icône du globe, au bas de votre écran, qui vous permet de choisir l'anglais ou le français. Vous pouvez vous exprimer dans l'une ou l'autre des deux langues; l'interprétation suivra. Lorsque vous avez la parole, assurez-vous de parler lentement et clairement afin d'éviter les problèmes d'interprétation.
Les membres qui participent en personne doivent procéder comme ils le font ordinairement pour utiliser le microphone installé à leur pupitre.
Avant d'intervenir, veuillez attendre que je vous donne la parole. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent s'assurer d'activer leur microphone en cliquant sur l'icône du micro. Pour ceux qui se trouvent dans la salle, votre microphone sera contrôlé comme d'habitude par l'agent des procédures et de la vérification. Lorsque vous n'avez pas la parole, votre microphone doit être mis en sourdine.
Je rappelle à tous, membres et témoins, que toutes leurs interventions doivent être adressées à la présidence.
Pour ce qui est de la liste des intervenants, la greffière et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir l'ordre d'intervention des membres. J'utiliserai deux cartons indiquant combien de temps, une minute ou 30 secondes, il reste aux témoins pour faire leur déclaration liminaire et aux membres pour poser leurs questions.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je signale le retour au Comité de M. MacGregor, qui remplace aujourd'hui M. Garrison.
Bienvenue, monsieur MacGregor.
J'invite maintenant la très honorable Kim Campbell et l'honorable David Lametti, tous deux ici présents, à nous parler du processus de nomination de l'honorable Mahmud Jamal à la Cour suprême du Canada.
Je signale à l'attention des membres du Comité le passage suivant, en page 1078, de La procédure et les usages de la Chambre des communes, 3e édition: « La nature des questions pouvant être posées aux témoins qui comparaissent devant les comités n'est assujettie à aucune règle précise à part le fait qu'elles doivent se rapporter à la question à l'étude. » Il s'agit, en l'occurrence, d'une nomination à la Cour suprême.
Cela étant dit, je souhaite la bienvenue à notre premier témoin de la journée, l'honorable David Lametti.
Allez‑y, je vous prie. Vous avez sept minutes et demie pour votre déclaration liminaire.
:
Merci, madame la présidente.
[Français]
Bonjour, honorables collègues.
D'abord, j'aimerais reconnaître que je me trouve sur le territoire traditionnel du peuple algonquin anishinabe, à Ottawa.
[Traduction]
J'aimerais également remercier les membres du Comité ainsi que la présidente, d'avoir convoqué cette réunion spéciale. Comme toujours, ce que vous faites pour façonner le caractère de l'une des institutions les plus importantes et les plus durables du Canada est une contribution des plus louables.
[Français]
J'aimerais aussi remercier la très honorable Kim Campbell de sa présence avec nous, ce matin, mais aussi du travail qu'elle a accompli lors du processus que je soulignerai plus tard.
[Traduction]
La Cour suprême du Canada est un lieu qui me tient à cœur. C'est là où, il y a des années, j'ai commencé ma propre carrière juridique en tant qu'assistant judiciaire de feu l'honorable Peter deCarteret Cory, qui m'est devenu un mentor et un ami précieux. Son exemple est pour moi un rappel que nos grandes institutions publiques dépendent du dévouement et de l'intégrité de ceux qui y servent.
C'est pour moi un privilège de prendre la parole aujourd'hui à l'appui de la nomination de l'honorable Mahmud Jamal qui, j'en suis convaincu, servira avec honneur les idéaux les plus élevés de la Cour suprême et contribuera à l'évolution du droit canadien avec sagesse, équité, humilité et une compréhension profonde de notre société.
J'offre mes plus sincères félicitations au juge Jamal et j'attends avec impatience sa comparution devant les parlementaires cet après-midi.
Je m'en voudrais de ne souligner, en cette occasion, la contribution et les services rendus par le prédécesseur du juge Jamal, l'honorable Rosie Silberman Abella, au Canada et au maintien de la primauté du droit. La juge Abella est une pionnière et une juriste d'une intelligence et d'un caractère remarquables et elle a laissé une marque indélébile dans le paysage juridique du Canada. Son départ sera une lourde perte pour notre plus haut tribunal, mais je ne doute pas qu'elle continuera d'apporter une contribution importante à notre vie publique dans d'autres rôles.
[Français]
Le juge Jamal est la quatrième personne nommée à la Cour suprême du Canada par le dans le cadre du processus modernisé de sélection des juges que le gouvernement a mis en œuvre en 2016. Ce processus accorde la priorité au mérite de la personne, ainsi qu'aux valeurs de représentativité sociale et de transparence. Il exige que chaque personne souhaitant être nommée à notre plus haute cour présente sa candidature en répondant à un questionnaire rigoureux et accessible au public. Il exige que la personne démontre non seulement son excellence juridique et professionnelle, mais aussi ce en quoi ses expériences personnelles ont façonné ses points de vue et sa compréhension de la société canadienne dans toute sa diversité. Ce processus exige aussi que toutes les candidatures soient évaluées selon des critères uniformes, transparents et fondés sur le mérite en premier lieu par un comité consultatif indépendant, formé de personnes hautement qualifiées, qui reflètent les plus hauts standards des collectivités de tout le Canada.
[Traduction]
Le Comité consultatif indépendant sur les nominations à la Cour suprême, ou CCI, est au cœur du processus de sélection. Je suis heureux d'être accompagné aujourd'hui de sa présidente, la très honorable Kim Campbell, qui a tellement contribué au succès du processus de nomination à la Cour suprême en gérant quatre nominations, dont celle d'aujourd'hui. Mme Campbell ne manque jamais d'informer et de soutenir ce comité avec l'intelligence et la franchise que nous lui connaissons. Nous lui devons beaucoup. J'ai hâte d'entendre ses observations aujourd'hui.
Je suis également profondément reconnaissant aux personnes qui ont servi comme membres du CCI avec Mme Campbell. Ces membres sont nommés non seulement par le gouvernement, mais aussi par des organismes engagés à maintenir la primauté du droit et à servir les Canadiens. Il s'agit de l'Association du Barreau canadien, de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, du Conseil canadien de la magistrature et du Conseil des doyens et doyennes des facultés de droit du Canada. Les membres circonspects provenant de ces organismes et leur dévouement au sein du CCI font en sorte que le processus de sélection des juges reflète une aspiration cruciale de la Cour suprême elle-même, à savoir de devenir vraiment le miroir de notre société et un lieu où les Canadiens peuvent se reconnaître et voir reflétées leurs expériences de vie.
[Français]
Le processus de sélection actuel a été lancé par le premier ministre Trudeau le 19 février 2021 afin de pourvoir le poste qui deviendra bientôt vacant, lorsque la juge Abella prendra sa retraite.
Comme l'énonce publiquement son mandat, le Comité consultatif indépendant sur la nomination des juges de la Cour suprême du Canada, soit le CCI a été chargé de recommander les candidatures de personnes du plus haut calibre qui sont effectivement bilingues et qui sont représentatives de la diversité canadienne.
Conformément à la convention de représentation régionale, établie de longue date, le présent processus de sélection a été ouvert à toutes les personnes qualifiées de l'Ontario. Les personnes intéressées ont disposé de six semaines pour soumettre leur candidature, après quoi le CCI en a fait l'examen. Dans le cadre de cet examen, il a notamment consulté le juge en chef du Canada, des références et des parties intéressées, et il a personnellement rencontré certaines personnes candidates. Le CCI a effectué son travail en toute confidentialité, comme l'exige son mandat, et chacun de ses membres a signé une entente de confidentialité au préalable.
Au terme du processus, le CCI a fourni au premier ministre un rapport comportant une liste de personnes présélectionnées, qui satisfaisaient toutes aux critères de mérite publiquement annoncés et qui se sont le mieux distinguées des autres. J'ai ensuite mené des consultations à propos des candidatures présélectionnées afin de formuler mes conseils au premier ministre.
[Traduction]
De mon côté, j'ai consulté des juges en chef, y compris le juge en chef du Canada, le procureur général de l'Ontario, des collègues du Cabinet, des porte-parole de l'opposition en matière de justice, des membres de votre comité et du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, ainsi que des membres éminents du Barreau. Le a ensuite arrêté son choix.
J'insiste sur la confidentialité de ce processus, qui est essentielle pour attirer des candidats de valeur qui acceptent de parler de leur expérience de vie et de leurs compétences avec franchise et simplicité. Les députés, sénateurs et membres du Barreau participant au processus devaient tous signer un engagement de non-divulgation.
Toutes les personnes ayant participé au processus, dont moi-même, le et les membres du CCI, comprennent l'importance de la confidentialité pour garantir aux candidats le traitement équitable auquel ils ont droit et l'examen rigoureux qu'exige une nomination à la Cour suprême.
J'invite maintenant la très honorable Kim Campbell à donner son point de vue sur le processus.
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Voilà à peine un an que j'utilise Zoom, et j'oublie toujours d'activer mon micro.
Je tiens d'abord à vous dire, madame la présidente et membres du Comité, à quel point je suis heureuse d'être avec vous.
Madame la présidente, nous nous sommes déjà rencontrées. Je vous félicite d'avoir été nommée à la présidence du Comité. C'est un grand honneur. Je suis sûre que les défis ne manqueront pas. C'est l'un des comités les plus intéressants dans lequel siéger, comme vous en conviendrez tous certainement.
Sans trop entrer dans les détails, je serai heureuse de répondre à vos questions. Si vous me le permettez, je vais brosser un tableau général du processus.
Il y a quelques années, dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire du Canada, j'ai participé à une tribune à la Cour suprême du Canada sur la relation entre le gouvernement et les tribunaux. Mon collègue à cette tribune était l'honorable Bob Rae. Bob Rae et moi-même avons eu bien des désaccords au fil des ans. Il était premier ministre de l'Ontario lorsque j'étais première ministre du Canada, et je crois avoir déjà qualifié son attitude, quand nous nous rencontrions, comme hargneuse, mais nous nous sommes beaucoup radoucis depuis.
À cette tribune de la Cour suprême, il a dit, entre autres, qu'il préférait la vieille approche de la « tape sur l'épaule » pour nommer les juges à la Cour suprême du Canada. C'est un peu le mythe de celui qui, devenu éminent juriste dans sa province, membre distingué du Barreau, reçoit un jour, du ministre de la Justice ou d'un juge, une petite tape sur l'épaule l'invitant à devenir juge à la Cour suprême du Canada.
Cependant, comme beaucoup d'entre vous le savent, ce ne sont pas toutes les épaules qui attirent les petites tapes, et beaucoup de gens qui pourraient apporter une contribution extraordinaire à l'élaboration du droit dans notre pays ne sont pas nécessairement sur l'écran radar de ceux qui, traditionnellement, distribuent les tapes sur l'épaule.
C'était un autre point de désaccord avec l'honorable Bob Rae, puisque je crois que, pour qu'un processus fonctionne bien, il doit bien fonctionner sur toute la ligne. Le premier mandat qu'a reçu le Comité consultatif indépendant était de tâcher d'accroitre le nombre de candidats, et c'est un peu plus difficile qu'il n'y paraît parce que, très souvent, les gens qui se sont distingués au Barreau, les juristes, ont très souvent le réflexe, très canadien, d'hésiter à se mettre de l'avant.
Dès le tout premier processus — il y en a eu quatre —, nous avons travaillé très fort pour amener les gens, connaissant la valeur exceptionnelle d'un collègue, à l'inciter à poser sa candidature. Selon le système que j'ai mis au point, lorsque nous recevons une recommandation... Nous en recevons souvent de la part de juges ou de membres du Barreau. Une recommandation a été faite par un étudiant en droit à McGill. Quiconque s'intéresse à la Cour peut communiquer avec nous. Ce que nous faisons alors, c'est d'écrire à la personne pressentie pour lui dire: « Votre nom nous a été communiqué comme candidat exceptionnel pour le siège vacant à la Cour suprême du Canada. Veuillez examiner les documents ci‑joints et, si cela vous intéresse, nous vous encourageons vivement à présenter votre candidature. » Cela signifie, c'est que bien des gens qui, autrement, ne voudraient pas donner l'impression de se mettre de l'avant peuvent se dire: « Eh bien, puisqu'on m'invite à présenter ma candidature… », ce qui est effectivement le cas.
C'est l'un des défis, mais nous avons aussi une très longue liste d'organismes d'avocats et de juristes partout au pays avec lesquels nous communiquons chaque fois qu'il y a une vacance. Nous leur demandons de la faire connaître à leurs membres et d'identifier ceux de leurs membres qui seraient de bons candidats à la Cour suprême du Canada parce que, encore une fois, il y a très souvent des groupes de personnes qui ne voient pas forcément quelle serait leur place dans la distribution actuelle des rôles et qui ne... [Difficultés techniques]. Dans l'optique du , plus la composition de la Cour est diversifiée, mieux c'est pour le Canada. Les personnes appartenant à des groupes sous-représentés sont certainement encouragées à envisager de poser leur candidature.
Notre but est d'accroître autant que possible le nombre de candidatures. Toutefois, pour beaucoup de gens — c'est peut-être moins le cas en Ontario —, siéger à la Cour suprême du Canada est une lourde décision du fait que cela suppose, comme vous le savez, un déménagement dans la région de la capitale nationale. Cela entraîne un rétrécissement du cercle social de vie du fait qu'il faut préserver son indépendance. Il est donc très important que les juges puissent créer une communauté pour offrir du soutien. Ce ne sont pas tous les juges qui, à leur arrivée, se plaisent dans leur nouvelle situation. Pour beaucoup, ce serait un grand sacrifice personnel que de se déraciner, et ils ont donc des réserves à ce sujet.
Je crois avoir mentionné la dernière fois que je vous ai parlé qu'il y a un nombre considérable de juges, dont un ancien juge en chef, de la Cour suprême du Canada, qui sont maintenant à la retraite. Il serait très utile qu'ils tiennent des tables rondes partout au pays avec des membres du Barreau et de la magistrature pour parler de la vie à la Cour, à la fois pour encourager les gens à poser leur candidature et pour créer des attentes réalistes, puisqu'il s'agit d'une nomination judiciaire d'un genre unique.
Pour ceux qui viennent de l'Ontario et qui ne sont pas loin d'Ottawa ou de la région de la capitale nationale, ou même de Montréal, c'est peut-être moins difficile. Lorsque nous avions à faire une nomination à un siège traditionnellement dévolu aux provinces de l'Ouest, il y avait certainement des candidats de la Colombie-Britannique, par exemple, qui étaient exceptionnels, bilingues, tout ce qu'il fallait. Nous avions l'impression qu'ils espéraient ne pas être nommés à cause des difficultés que cela entraînerait pour eux.
Bien sûr, de nos jours, les professionnels ont tendance à avoir des conjoints qui sont également des professionnels, qu'il s'agisse d'une épouse et de son mari ou d'un mari et de son épouse. Je pense qu'il faut être conscient de l'ampleur de l'engagement que représente une nomination à la Cour suprême du Canada.
L'une des premières choses que fait le Comité, c'est de rencontrer le — auparavant, la — juge en chef pour discuter de toutes ces choses. Nous bénéficiions de ses réflexions sur les besoins de la Cour, mais aussi sur certains aspects du travail d'un juge de la Cour suprême du Canada qui pourraient nous aider à identifier les candidats susceptibles d'y contribuer le plus valablement.
L'autre chose que je dirais — certains d'entre vous m'ont déjà entendu le dire —, c'est que je suis très flattée d'avoir été désignée à la présidence du Comité, mais qu'il ne faut pas oublier c'est vraiment un comité de sept personnes. Mon rôle, en tant que présidente, est de m'assurer que chaque membre du Comité puisse y aller de sa contribution. Comme vous le savez, nous avons quatre représentants d'organismes juridiques, mais il y a toujours, comme le ministre l'a mentionné, deux membres qui ne sont pas avocats.
Je ne saurais trop insister sur l'excellence de leur contribution. Dans les quatre processus auxquels j'ai participé, les non-juristes se sont montrés incroyablement perspicaces, très réfléchis, et ils soulevaient souvent des points de vue très intéressants qui enrichissaient nos discussions. Je pense qu'il y aurait unanimité sur cette formule qui garantit que les discussions ne se tiennent pas exclusivement entre avocats, mais qu'elles incluent des gens étrangers à la profession juridique, qui ont un solide engagement civique, qui comprennent très bien ce qui est en jeu et à quel point c'est important.
Fonctionnant en comité, nous commençons nos travaux lorsque toutes les demandes ont été reçues et que les documents ont été distribués. Cette année, nous avons dû travailler en mode virtuel, et les documents ont été transmis sur nos tablettes sécurisées. Nous n'avions pas de documents imprimés comme auparavant.
Ce qui m'a manqué, je dois dire, ce sont les contacts personnels que nous avions lorsque nous travaillions à Ottawa, c'est‑à‑dire la possibilité de prendre des repas ensemble, de nous gaver de petits fours et de bavarder. Cela nous a manqué, mais les membres ont tous été incroyablement coopératifs et portés à faire des efforts pour créer un esprit d'équipe.
L'une des choses qui m'a toujours parue importante, c'est d'éviter toute apparence de pensée ou de pression collective ou, à l'opposé, l'influence dominante d'une personne sur les autres. Heureusement, ce sont tous des gens assez indépendants, et il n'y a pas eu de difficultés de ce côté. J'essaie de m'assurer que chacun examine indépendamment les documents. Par la suite, nous nous réunissons pour un premier tour de table, où les candidatures suscitent des « oui », des « non » ou des « peut-être » qui permettent de voir si un consensus se dégage ou non.
Tout le processus est structuré en vue d'amener sept personnes à travaillent ensemble pour en arriver au consensus nécessaire à l'établissement d'une liste restreinte de candidats, mais aussi de façon à ce que chacun se sente libre d'exprimer sans réserve ses opinions et ses attitudes.
Je vais terminer, puisque je vois que mon temps de parole achève — mais je serai disponible pour répondre à vos questions —, en disant qu'il s'agit de candidats de grande valeur. Non seulement le travail à la Cour suprême du Canada est exigeant, mais il faut aussi mettre un effort pour préparer son acte de candidature, puisqu'il y a un questionnaire long et difficile à remplir, des discussions sur toutes sortes de questions et des références à fournir.
Les quatre fois où j'ai participé au processus, j'ai toujours été encouragée de constater la valeur des candidats. Certains d'entre eux étaient peut-être à des postes quelque peu subalternes, mais ils étaient pleins de promesses. Il n'y a pas eu une seule demande qui nous a paru fantaisiste. Au contraire, ce que nous tâchons de faire, c'est d'établir des comparaisons avec un groupe de pairs et les juges éminents qui siègent actuellement à la Cour.
Nous disposons d'un grand bassin de talents, de talents diversifiés et, fait intéressant, de talents bilingues parmi les membres de la profession juridique au pays.
Je vais m'arrêter ici, car je pense que vous voudrez peut-être poser des questions.
Je veux simplement dire que, à mes yeux — c'est la quatrième fois que je vous en parle —, le processus s'est bien déroulé. Je l'ai trouvé inspirant, mais difficile aussi pour les membres du Comité, qui ont eu à travailler très fort pour atteindre notre objectif d'établir une courte liste de trois à cinq candidats qui ferait perdre du sommeil au quand viendrait le temps de choisir, parmi ces candidats exceptionnels, celui à nommer à la Cour suprême. Cette année, je pense que nous y sommes parvenus.
Je m'arrête. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci beaucoup, madame Campbell.
De ce groupe exceptionnel décrit par Mme Campbell, le juge Jamal est celui qui a émergé comme la personne la plus qualifiée pour siéger au plus haut tribunal de notre système de justice. Je suis absolument convaincu que le juge Jamal, compte tenu de ses expériences vécues et de son adhésion manifeste au principe de la primauté du droit, servira le Canada et le peuple canadien avec la même énergie et le même engagement que son prédécesseur à la Cour.
Le juge Jamal est la première personne de couleur à être nommée à notre plus haut tribunal et la première personne de foi bahá'íe. Son histoire n'est pas seulement une histoire d'excellence dans la profession juridique, dans l'érudition et dans le service bénévole à la communauté, mais aussi une histoire d'exploration du rôle que jouent les différences dans notre société, tirant souvent parti de son rôle de conseiller et de militant pour aplanir les inégalités, qui tiennent dans bien des cas à nos différences.
[Français]
Le juge Jamal a participé comme avocat à des affaires constitutionnelles parmi les plus importantes des dernières décennies, alors la Cour suprême ne lui est évidemment pas étrangère. Il a régulièrement mis ses compétences et son dévouement au service de personnes et d'organisations aux moyens modestes, de façon bénévole. Il a étudié à fond les lois de notre pays, a enseigné le droit et a rédigé de nombreuses publications à cet égard, manifestant par le fait même une grande envergure intellectuelle et un engagement à bien accompagner l'évolution des institutions et des traditions juridiques au Canada. Au cours de sa carrière, il a saisi avec enthousiasme les occasions de travailler à la fois en français et en anglais, y compris comme juge d'appel. À ce titre, il a servi admirablement la Cour d'appel de l'Ontario en tant que juge équitable et réfléchi ayant un sens de l'analyse très aiguisé.
Je suis fier de sa nomination, et j'ai bon espoir que ce sera aussi le cas de toute la population canadienne.
[Traduction]
En terminant, madame la présidente, j'aimerais, sur une note un peu plus légère, rappeler une analogie de hockey qui a déjà été utilisée pour illustrer la grande réputation du juge Jamal. Je trouve que cette analogie tombe à pic en ce moment où l'équipe de ma ville natale, les Canadiens de Montréal, mène une chaude lutte pour accéder à la finale de la Coupe Stanley. C'est la réaction d'une avocate apprenant que le juge Jamal, alors membre du Barreau, était l'avocat de la partie adverse. On a dit que cette avocate venait de découvrir ce que c'est que de se présenter à une partie de hockey improvisée et de se trouver en face de Wayne Gretzky pour la mise au jeu. Madame la présidente, je crois que cette analogie en dit long, de façon typiquement canadienne, sur les compétences juridiques exceptionnelles du juge Jamal.
Je remercie la très honorable Kim Campbell et ses collègues du CCI.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
:
Merci, madame la présidente.
Je tiens d'abord à vous remercier, madame Campbell et monsieur Lametti, d'être ici avec nous ce matin pour aborder ces importantes questions.
Vous êtes tous deux d'éminents juristes, bien reconnus comme tels, et je suis convaincu que votre apport au système judiciaire est d'une importance majeure. Cela dit, j'aurais des questions à poser à Mme Campbell, mais je voudrais commencer par M. Lametti.
S'il vous plaît, monsieur le ministre, je ne veux pas argumenter avec vous. Je veux simplement être certain d'avoir bien compris. Je vais reprendre la question de mon collègue M. Cooper concernant l'utilisation de la « libéraliste » ou de toute autre information partisane.
J'ai cru comprendre, de votre réponse, mais je me suis peut-être trompé, que vous n'aviez, dans le cas du juge Jamal, fait aucune vérification quant à ses allégeances politiques. Vous n'avez pas consulté la « libéraliste » ni quoi que ce soit d'autre, d'aucune façon. Ai-je bien compris ou pas, monsieur le ministre?
Si vous préférez ne pas répondre, c'est votre droit le plus strict. Dites-moi simplement que vous ne répondrez pas, mais, de grâce, s'il vous plaît, ne me faites pas perdre ces quelques précieuses minutes que nous avons pour vous interroger tous les deux.
Si j'ai bien compris votre réponse, vous n'avez pas utilisé la « libéraliste » ni aucun autre processus pour vérifier les allégeances politiques du juge Jamal.
:
Merci, madame la présidente.
Je me félicite de cette occasion. C'est en effet une occasion tout à fait spéciale.
Monsieur le ministre Lametti, votre comparution devant le Comité est toujours hautement appréciée, aujourd'hui tout particulièrement. Merci.
Je m'adresse à la très honorable Kim Campbell. Je n'ai jamais encore eu l'occasion de poser des questions à une ancienne première ministre. Permettez-moi de commencer en disant que j'ai été enchanté de vous entendre dire: « Il n'y a pas eu de compromis sur la qualité ». Ce processus, comme celui que nous suivons cet après-midi, est important.
Vous avez commencé en parlant de votre désaccord avec Bob Rae au sujet de l'approche de la « tape sur l'épaule ». Ce dont nous parlons réellement, c'est une marche à suivre pour les nominations. Je suis membre de la profession depuis plus de 20 ans. Je pense que tout le monde conviendra que chaque nomination qui a été faite à la Cour suprême du Canada, quelle que soit l'approche adoptée, a porté sur un juge de grande distinction.
À l'époque où vous étiez ministre de la Justice, puis première ministre, je crois qu'il y a eu trois nominations à la Cour suprême du Canada, selon l'ancien processus. En 2006, nous avons instauré un nouveau processus. Le gouvernement de l'époque a créé l'organisme dont nous avons vu le résultat du travail cet après-midi. En 2016, notre actuel a institué le nouveau processus, que vous dirigez. Je vous en remercie.
Malheureusement, le climat politique s'est polarisé. Ces processus permettent parfois à la polarisation de se manifester. Nous l'avons déjà vu dans le passé et nous l'avons vu encore aujourd'hui.
Certaines personnes préfacent leurs questions d'un commentaire faisant valoir l'excellence de tous les candidats, notamment celui au sujet duquel le Comité se réunit, après quoi elles s'emploient à miner le processus. Le but de cette audience et de cette réunion du Comité cet après-midi est de montrer aux Canadiens que notre plus haut tribunal est solide, que le processus est éprouvé et que nous cherchons sans cesse à l'améliorer.
La question que je vous pose — nous n'avons pas vraiment discuté de ce qui se passera cet après-midi — est la suivante. Que pensez-vous de l'évolution de l'approche, depuis celle de la « tape sur l'épaule », que vous avez décrite, jusqu'au processus que nous avons maintenant?
J'aimerais connaître votre point de vue sur la façon dont les choses ont progressé et se sont améliorées.
:
Eh bien, je dirais très brièvement qu'en tant que membre d'un groupe qui, souvent, n'avait pas d'épaules qui attiraient les petites tapes et qui était sous-représenté... Lorsque j'étais ministre de la Justice, 25 % de mes nominations à la magistrature ont été des femmes, alors que les femmes ne représentaient que 12,5 % des personnes admises au Barreau à titre permanent. J'ai donc nommé des femmes de façon disproportionnée afin de commencer à créer un groupe de personnes qui, gagnant en maturité, pourraient devenir candidates à des postes supérieurs.
Cependant, ce que nous constatons, je pense, avec cette approche, et encore une fois, il y a de nombreuses façons différentes de procéder... Ce que je vois dans l'approche que le m'a demandé de présider reflète ce qui se fait déjà dans les provinces.
Quand j'étais ministre de la Justice, les gens pouvaient poser leur candidature à un poste de juge. Il y avait des comités locaux d'examen des candidatures judiciaires, composés de gens de la profession juridique, des forces de l'ordre, de divers groupes nommés par la province et par le gouvernement fédéral de façon à éviter que les candidats retenus soient redevables à un groupe particulier, et ces comités étaient chargés d'examiner les candidatures et de déterminer lesquels des candidats étaient aptes à siéger. Ensuite, le ministre [Difficultés techniques].
Il fut un temps au Canada où il n'y avait rien de tout cela, où c'était peut-être davantage une question de favoritisme. Cela ne veut pas dire que les personnes nommées n'étaient pas compétentes, mais que beaucoup de personnes compétentes ont été exclues. Je vois cela, à bien des égards, comme un reflet de ce qui se passe avec la nomination des juges des cours supérieures dans toutes les provinces et comme une occasion à saisir par les gens qui connaissent le droit.
C'est toute une entreprise. Si un comité en était chargé, il aurait énormément de travail, entre autres, en raison du temps que nécessite l'examen de toutes les candidatures. Mais l'idée serait de soustraire les nominations au processus partisan.
Je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas y avoir d'autres façons de procéder, mais je pense que notre processus fait comprendre aux juristes que n'importe qui peut faire acte de candidature. C'est assez nouveau, parce qu'il y a eu une époque où beaucoup pensaient que le fait de poser sa candidature serait vu comme risible. Vous connaissez la réaction des gens devant les ambitieux: « Pour qui vous prenez-vous? » Eh bien, dans le nouveau processus, si une personne répond aux critères, elle a parfaitement le droit de poser sa candidature. Nous procéderons à l'examen le plus juste possible et nous allons travailler pour assurer à chaque candidat une audience et une évaluation équitables, tout en reconnaissant que nous ne pouvons pas transmettre tous les noms au et qu'il y aura forcément une présélection.
Je vois cette évolution comme vraiment cohérente avec ce qui se fait pour les nominations aux tribunaux, aux cours supérieures dans les provinces, et je pense qu'il est approprié de changer le processus afin de donner aux gens plus de temps pour préparer leur candidature. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait quand nous avons entrepris de solliciter largement des candidatures.
Je ne suis pas en train d'établir le mandat du Comité, mais je crois que le , le ministre et d'autres décideurs seraient très ouverts aux suggestions pour en faire [Difficultés techniques]. Il y a aussi le fait que c'est la prérogative du premier ministre de faire ces nominations, et je suis d'avis que, dans la mesure où les premiers ministres sont disposés, pas nécessairement à entraver leur pouvoir discrétionnaire — je ne pense pas qu'ils devraient le faire —, mais à ouvrir le processus et à demander l'avis d'autres... D'ailleurs, ils ont toujours demandé l'avis d'autres personnes, mais je pense que d'avoir un groupe de gens qui se concentrent vraiment sur les candidatures, dont beaucoup ont eux-mêmes choisi ce travail et se révèlent formidables à la tâche, est un pas dans la bonne direction.
Vous êtes des gens réfléchis, et je pense que beaucoup d'entre vous auraient peut-être des approches réfléchies à proposer pour améliorer les choses, mais dans le sens des nominations aux cours supérieures dans les provinces, je pense que le fait de les soustraire aux décisions purement partisanes donnerait de la crédibilité au processus et le rendrait plus accessible aux gens qui n'ont pas leurs entrées dans les officines partisanes.
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Pour répondre à votre deuxième question, je n'en ai pas vraiment, si ce n'est de travailler constamment à ratisser aussi large que possible pour s'assurer qu'on n'ignore personne qui pourrait faire une contribution. Cela dépend peut-être aussi de choses comme la conception universelle pour faire en sorte que les questionnaires soient conçus de façon que les gens aient la possibilité de soutenir leur propre candidature le mieux possible, plutôt que d'être simplement limités.
Nous pensons parfois que la façon dont nous formulons une question fonctionne pour tout le monde. Ce n'est peut-être pas le cas, alors il y a cet exemple.
Pour ce qui est de la représentation des Autochtones, nous constatons effectivement que les nombres sont en hausse. De plus, à la faveur d'un processus de sélection antérieur, je me souviens d'avoir eu une discussion avec Phil Fontaine, de l'Assemblée des Premières Nations. Nous nous disions qu'il serait peut-être temps d'envisager la possibilité de réserver un siège à la Cour suprême du Canada à un Autochtone. Bien sûr, il ne faut pas oublier que les communautés autochtones sont aussi très variées. Il y a les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Comment aborder cette réflexion? Je pense qu'un jour des membres de ces communautés siégeront à la Cour, mais je crois qu'il est également important que n'importe quel juge de la Cour suprême ait la capacité d'intégrer ces nouvelles façons de penser aux obligations traditionnelles de notre droit.
Nous devons réfléchir sur beaucoup de choses intéressantes en lien avec le rôle de notre Cour suprême. Je ne m'intéresse pas au changement pour le changement, mais je vis aussi dans un Canada qui est très différent de ce qu'il était dans ma jeunesse. Plusieurs choses...
Soit dit en passant, je réfléchissais l'autre jour à la façon dont le Parlement a piloté le changement dans des domaines comme les droits des personnes LGBTQ. Comme ce ne sont pas des changements qui ont été proposés par la Cour, je pense que le Parlement a encore un rôle très important à jouer, comme vous l'avez démontré hier dans le projet de loi qui a été signé. Je pense que le leadership vient aussi de là. Cela a aussi une incidence sur la Cour.
Je vous ai donné une longue réponse à une question courte pour dire simplement que je suis optimiste, mais que nous traversons une période où il se passe beaucoup de choses quant aux progrès pour les Autochtones au Canada comme dans le cas, par exemple, de la création d'un programme de droit autochtone dans l'Ouest canadien. Nous sommes nettement plus ouverts maintenant, de la même façon que nous sommes beaucoup plus ouverts aux droits des personnes LGBTQ que nous ne l'étions dans ma jeunesse. Il nous arrive de soulever un couvercle et de nous dire: « Mon Dieu, nous avons été stupides à ce sujet. » Nous devons combler des retards pour créer la justice dans ce domaine également.
Nous devons réfléchir à la place de l'autochtonisation et des valeurs autochtones dans notre système juridique. Sera‑t‑il suffisant d'avoir des juges ayant l'expérience de vie autochtone, ou la démarche devra-t-elle être plus officielle? Je ne connais pas la réponse, mais je suis très heureuse que les gens posent cette question. Du moins, moi je la pose.