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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la cinquième réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes pour poursuivre notre examen du projet de loi .
La séance d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride. Je crois savoir qu’un certain nombre de membres de ce comité se trouvent actuellement dans la salle du comité.
Les délibérations seront accessibles sur le site Web de la Chambre des communes. Sachez que c’est toujours la personne qui parle qui est cadrée à l’écran lors de la diffusion sur le Web et non pas l’entièreté de la salle du comité.
Pour assurer le bon déroulement de la réunion, j'aimerais vous rappeler quelques règles à suivre.
Les députés, comme les témoins, peuvent s’exprimer dans la langue officielle de leur choix. Nous disposons pour cette réunion de services d’interprétation. Vous pouvez choisir au bas de votre écran si vous préférez écouter la séance dans la langue des orateurs, ou encore en anglais ou en français.
Les membres présents du Comité procéderont comme à l’habitude lorsque l’ensemble de leurs collègues sont présents dans la salle. Que les personne présentes dans cette salle portent leurs masques et respectent rigoureusement les règles du protocole sanitaire.
J’invite les témoins, comme les membres du Comité, à attendre que je leur donne nommément la parole avant de la prendre. Les participants de l’extérieur devront cliquer sur l’icône du microphone apparaissant sur leur écran pour activer celui-ci. Pour ceux qui se trouvent dans cette salle, votre microphone sera contrôlé, comme d'habitude, par l'agent des délibérations et de la vérification.
Je vous rappelle que toutes les observations des membres et des témoins doivent être adressées à la présidence.
Lorsque vous parlez, veuillez vous exprimer lentement et distinctement. Quand vous ne parlez pas, mettez votre micro en sourdine.
Il est normal de ne pas être d’accord avec quelqu’un, mais il est inadmissible de lui manquer de respect. C’est indispensable pour que nos délibérations se déroulent dans un cadre respectueux et convivial.
En ce qui a trait à la liste des intervenants, le greffier et moi ferons de notre mieux pour respecter l'ordre établi pour tous les membres du comité, qu’ils soient présents ou participent virtuellement à cette réunion.
Je tiens maintenant à souhaiter la bienvenue à nos distingués invités, porte-paroles de quatre organismes:
la Dre Stefanie Green, présidente de l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’AMM;
les docteures Ann Collins, présidente, et Cécile Bensimon, directrice, Éthique et affaires professionnelles, de l’Association médicale canadienne;
les quatre représentants de la Commission sur les soins de fin de vie qui sont le Dr Michel Bureau, son président, le Dr David Lussier, commissaire, M. Pierre Deschamps, avocat, et Mme Stéphanie Goulet, secrétaire générale.
Nous avons aussi parmi nous M. Jean-Pierre Ménard, avocat de chez Ménard, Martin, Avocats.
Les représentants de chacune de ces organisations disposeront d’un total de cinq minutes pour nous faire part de leurs déclarations préliminaires, à la suite desquelles nous aurons une période de questions et de réponses.
J’invite maintenant la porte-parole de l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’AMM à prendre la parole. Vous disposez, madame, de cinq minutes.
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Je vous remercie de cette occasion de comparaître devant vous aujourd’hui.
Je m’appelle Stéfanie Green. Cela fait 25 ans que je pratique la médecine et depuis juin 2016, je m’en tiens presque exclusivement à l’aide médicale à mourir ou AMM. Actuellement, je suis évaluatrice de l’admissibilité et prestataire de l’AMM en Colombie-Britannique.
Si je suis détentrice d’un certain nombre de titres concernant l’AMM, je m’adresse essentiellement à vous aujourd’hui à titre de présidente de l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’AMM. Il s’agit d’une association médicale de dimension nationale qui représente et appuie toute la gamme de professionnels qui sont certainement devenus les meilleurs spécialistes de l’aide médicale à mourir dans ce pays.
Je tiens à ce que ce comité sache que, comme organisation, nous n’oeuvrons pas à la défense de l’aide à mourir. En vérité, nous sommes les professionnels qui apportent cette aide dans le respect des normes médicales les plus élevées et toujours dans le respect de la législation de ce pays, quelle qu’elle soit. Nous avons collectivement acquis une expérience pratique de la façon dont l’aide médicale à mourir a été appliquée partout dans ce pays, avec ses obstacles et ses réussites, et nous avons en avons déduit quels sont les moyens d’améliorer le système en place pour le bien de toutes les personnes concernées. C’est dans ce contexte que je m’adresse maintenant à vous et que j’espère avoir à répondre à vos questions.
Dans le peu de temps dont je dispose, je tiens tout d’abord à mettre l’accent sur ce qui constitue, à mon avis, les bons côtés du projet de loi et sur les points qui, toujours à mon avis, devraient être clarifiés. Je vais aussi vous proposer deux modifications pratiques et simples, mais importantes.
Sachez d’abord que j’approuve élimination proposée dans ce texte de la période de réflexion de 10 jours pour les personnes dont le décès est raisonnablement prévisible. Rien n’a prouvé en quatre ans et demi que cette période de réflexion ait protégé qui que ce soit de quoique ce soit, mais l’expérience nous porte à croire que l’imposition de cette période a causé beaucoup de souffrance, ce qui n’était pas, je crois, l’objet de la loi. Je vous ai fourni dans le mémoire que je vous ai remis des données convaincantes à cet effet et je dis maintenant bon débarras à cette mesure qui s’est révélée pour l’essentiel une fausse protection.
En second lieu, je tiens à appuyer énergiquement l’amendement proposé permettant d’éliminer le consentement final dans les cas précis mentionnés dans le projet de loi . Dans une enquête réalisée en 2019 auprès des prestataires de l’AMM, 85 % d’entre eux ont indiqué être entrés dans une pièce pour apporter l’AMM et avoir constaté que le patient n’était plus en mesure de donner son consentement final à la suite d’une perte imprévue de ses moyens. Je peux vous dire pour l’avoir vécu combien cette situation est horrible. Le plus souvent, les proches prient alors le clinicien de passer à l’acte. Tout le monde se retrouve alors dans une situation insoutenable et je ne saurais vous dire qui exactement est protégé dans un tel cas alors qu’on ne peut pas fournir l’aide médicale à mourir comme on l’avait prévu auparavant. Je n’ai aucune hésitation à vous dire qui est la victime. L’amendement proposé est essentiel, attendu depuis longtemps et sera bienvenu par les patients, par leurs familles et par les professionnels impliqués dans la prestation de l’AMM.
Je trouve que l’obligation proposée d’imposer une date précise peut, en pratique, s’avérer problématique. Dans le mémoire que je vous ai remis, j’ai proposé d’appliquer plutôt un délai de 90 jours que de fixer une date précise et je vous ai soumis une formulation révisée très simple de cette obligation.
En troisième lieu, je félicite le gouvernement pour l’emploi de l’expression « autre médecin ou infirmier praticien possédant une expertise » dans les cas où il faut obtenir un avis éclairé face à des maladies complexes et à des patients dont le décès n’est pas raisonnablement prévisible. Cela revient à convenir qu’on n’a pas besoin de faire appel à un médecin hautement spécialisé dans un domaine précis de la médecine pour apprécier comme il se doit une maladie. Il arrive fréquemment que les médecins de famille et les infirmières praticiennes, de par la nature de leurs pratiques, aient une bonne connaissance d’une vaste gamme de maladies. C’est en particulier le cas des médecins qui pratiquent dans les milieux ruraux. En vérité, de nombreux types de professionnels de la santé peuvent acquérir et développer des connaissances sur des maladies précises, et c’est une bonne chose que de convenir qu’il y a une vaste gamme d’expertises possibles.
Cela dit, je me dois d’aborder deux autres questions.
La première qui me paraît être une petite erreur aux conséquences très lourdes se trouve à l’article 3.1 du projet de loi . Elle laisse à penser à une incompréhension de la réalité des soins de santé et aurait d’importantes répercussions. Il me semble qu’il serait facile de la corriger de façon consensuelle.
La formulation actuelle de cet article laisse entendre qu’il faut que l’un des évaluateurs de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir des patients dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible soit un clinicien « possédant une expertise en ce qui concerne la condition » du patient. Exiger l’apport d’un médecin ou d’un infirmier praticien possédant une expertise en ce qui concerne la condition du patient qui va procéder à l’évaluation de l’admissibilité de celui-ci à l’aide médicale à mourir est totalement irréaliste. Comme les consultants en la matière l’indiquent régulièrement dans les rapports qu’ils m’adressent, ceux-ci vont formuler des commentaires dans leur domaine d’expertise, mais vont respectueusement refuser d’émettre une opinion sur l’ensemble des critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir, car ce n’est ni leur domaine de compétence ni leur intérêt.
Dans le mémoire que je vous ai remis, j’ai proposé une formulation simple qui conserve l’obligation de la participation d’un praticien possédant une expertise en ce qui concerne la condition du patient mais qui permet, ou qui en vérité exige plutôt que deux évaluateurs expérimentés de l’aide médicale à mourir procèdent à cette évaluation. La formulation actuelle du projet de loi aurait essentiellement pour effet de bloquer l’aide médicale à mourir aux personnes dont le décès n’est pas raisonnablement prévisible.
Enfin, l’expression « raisonnablement prévisible » a été source de confusion par le passé. Maintenant que nous sommes parvenus à un consensus cohérent de sa dimension clinique et que nous pouvons nous appuyer sur des interprétations des tribunaux, il y aurait avantage à ce que le gouvernement insiste sur le fait que ce qu’on entend par mort raisonnablement prévisible relève en vérité d’une décision clinique et que son sens ne sera pas modifié par l’adoption du projet de loi .
Je me ferais maintenant un plaisir de répondre à toutes vos questions sur ce sujet ou sur d’autres, et je vous remercie de l’attention que vous avez accordée à mes commentaires..
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Je vous remercie, madame la présidente. C’est un honneur pour moi de me présenter ici aujourd’hui.
Je suis la Dre Ann Collins. Pendant mes trente ans de carrière, j’ai enseigné la médecine familiale, dirigé un cabinet de médecine familiale, servi dans les Forces armées canadiennes et travaillé en soins de longue durée. Aujourd’hui, en tant que présidente de l’Association médicale canadienne, je représente les 80 000 médecins qui en sont membres.
Dans l’étude du projet de loi , il nous revient de tenir compte des conséquences qu’aurait l’adoption de ce projet de loi sur les patients, mais aussi sur les professionnels de la santé qui fourniront l’aide médicale à mourir.
Lors de la rédaction du projet de loi , le premier à légiférer sur l’aide médicale à mourir, l’AMC était un acteur de premier plan. Nous poursuivons cet engagement avec le projet de loi . Après avoir examiné ce projet de loi, nous savons que les résultats de nos consultations correspondent aux conclusions tirées des tables rondes du gouvernement sur de nombreux aspects.
L’AMC approuve foncièrement l’approche prudente et mesurée du gouvernement en réponse à la décision Truchon-Gladu. Le processus réfléchi et échelonné entrepris par le gouvernement concorde avec la position nuancée de l’AMC en ce qui a trait à l’aide médicale à mourir.
Nicole Gladu, dont le nom est maintenant inextricablement lié à la décision, s’est exprimée de manière tranchante lorsqu’elle a affirmé que c’était aux gens comme elle de décider, et je la cite, « [s’ils peuvent] préférer la qualité de vie à la quantité de vie ». Tout le monde n’est peut-être pas d’accord avec cette assertion, mais peu de gens peuvent arguer qu’il ne s’agit pas là d’un rappel important des réelles parties touchées par le projet de loi. Cette idée s’applique de manière aussi importante à ceux qui fournissent actuellement l’aide médicale à mourir et à ceux qui le feront dans l’avenir. Ce sont nos membres, mais nous ne pouvons ignorer le fait que nous devons tous soutenir les patients tout comme les professionnels.
Lors de nos consultations, nous avons appris que de nombreux médecins percevaient un manque de clarté. Les récentes mesures fédérales visant à clarifier les choses ont été très bien accueillies. L’AMC est heureuse de voir de nouvelles mesures non législatives qui permettent d’uniformiser les pratiques d’aide médicale à mourir au pays. La qualité et l’accessibilité des soins palliatifs, des services de santé mentale, des soins aux personnes souffrant de maladies chroniques et aux personnes handicapées ainsi que des services de santé appropriés sont fondamentales.
L’AMC maintient la position adoptée à compter de l’examen du projet de loi jusqu’à celui du projet de loi . Nous croyons d’abord que le choix des Canadiens admissibles doit être respecté. Ensuite, nous devons protéger les droits des Canadiens vulnérables. Il faut donc porter une attention particulière aux mesures de protection. Enfin, il faut créer un environnement qui incite les praticiens à respecter leurs engagements moraux.
Ces trois principes sont tous aussi valables. Nos consultations auprès des membres montrent un appui considérable des demandes anticipées pour les patients admissibles qui deviendraient inaptes à prendre des décisions avant de pouvoir accéder à l’aide médicale à mourir. L’AMC réitère l’importance des mesures de protection des droits des Canadiens vulnérables et des Canadiens admissibles à l’aide médicale à mourir. L’AMC appuie aussi l’accroissement de la collecte de données afin de dresser un portrait plus juste de l’aide médicale à mourir au Canada. Toutefois, ce processus ne doit pas créer de charge administrative indue pour les médecins.
L’AMC croit que la terminologie utilisée dans le projet de loi, qui affirme explicitement qu’une maladie mentale ne peut être considérée comme une « maladie, une affection ou un handicap », est problématique et a le potentiel de stigmatiser les personnes atteintes d’une maladie mentale. Nous avons confiance que le Parlement se penchera attentivement sur la terminologie utilisée dans le projet de loi.
Enfin, l’AMC approuve l’approche échelonnée du gouvernement pour examiner attentivement les enjeux complexes. Nous devons toutefois nous assurer que les praticiens auront à leur disposition les outils nécessaires pour administrer de manière sécuritaire l’aide médicale à mourir, entre autres par la création de guides de pratique clinique, qui aideraient les médecins à exercer un jugement clinique sûr. De tels guides uniformiseraient aussi l’application des critères légaux.
En conclusion, madame la présidente, permettez-moi de remercier le Comité de m’avoir invitée à la séance d’aujourd’hui pour présenter le point de vue des médecins du Canada. La recherche d’une fin de vie sans douleur et dans la dignité est une entreprise noble. L’assurance que nous soutenons les personnes qui fournissent ce service est un impératif éthique.
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Madame la présidente, messieurs les parlementaires, à titre de président de la Commission sur les soins de fin de vie du Québec, je vous remercie de cette invitation. Je suis en compagnie de deux des commissaires, soit M
e Pierre Deschamps et le Dr David Lussier, de même que de la secrétaire générale, Mme Stéphanie Goulet.
Depuis le 10 décembre 2015, la Commission a évalué la déclaration de près de 6 000 cas d'AMM, c'est-à-dire d'aide médicale à mourir, dont elle a pu tirer plusieurs leçons. La Commission commentera ici les données en lien avec cinq points précis du projet de loi , mais elle ne parlera pas de l'AMM pour troubles mentaux ni pour les personnes inaptes, puisqu'elle n'a pas de données à ce sujet.
Nous traiterons donc de cinq points.
Premièrement, la Commission appuie le retrait du critère de mort naturelle raisonnablement prévisible. S'il est adopté, le projet de loi permettra l'accès à l'AMM à plusieurs personnes souffrantes atteintes de maladies, de handicaps ou d'affections graves et incurables et qui auraient encore à vivre dans ces conditions et à en souffrir pendant des années, voire des décennies. La Commission est d'avis que le retrait de ce critère ne causera pas une importante hausse subite du nombre de demandes d'AMM ni une dérive vers la mort sur demande.
Deuxièmement, la Commission approuve la suppression du délai de 10 jours avant l'administration de l'AMM. Selon les données et les témoignages transmis à la Commission, ce délai de 10 jours entre la demande et l'administration de l'AMM représente une période de grandes souffrances pour les personnes et leurs proches. Dans les faits, au Québec, plus de la moitié des personnes, soit 53 %, reçoivent l'AMM en moins de 10 jours après en avoir fait la demande non seulement parce qu'elles craignent de perdre leur aptitude à consentir, mais...
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Merci de votre commentaire.
Dans les faits, la moitié des personnes obtiennent l'AMM en moins de 10 jours, parce qu'ils vivent de grandes souffrances ou qu'ils ont peur de perdre leur aptitude à consentir.
Troisièmement, la Commission approuve le renoncement au consentement final. Près du quart des formulaires transmis à la Commission, c'est-à-dire 26 %, rapportent que le malade a refusé ses analgésiques parce qu'il avait peur de perdre son aptitude à consentir. Cela lui a occasionné des souffrances inutiles.
Quatrièmement, la Commission approuve qu'il y ait deux processus différents d'évaluation et de sauvegarde visant l'AMM, selon que la mort naturelle est raisonnablement prévisible ou non. La Commission croit que les mécanismes d'évaluation et de sauvegarde actuels sont adéquats pour les demandes de personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible. La Commission est favorable à la proposition du projet de loi d'établir un processus d'évaluation et de sauvegarde plus extensif spécialement pour les personnes qui demandent l'AMM et pour qui la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible.
Cinquièmement, la Commission recommande comme mécanisme de sauvegarde un comité d'évaluation et de contrôle, soit un comité de surveillance, pour tous les cas où l'AMM a été administrée. C'est l'Assemblée nationale du Québec qui a décidé de créer un tel mécanisme et de le confier à la Commission. Elle s'est inspirée de la Belgique et des Pays-Bas.
Devant l'élargissement de l'admissibilité à l'AMM aux personnes dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible, et forts de notre expérience de cinq ans au cours de laquelle nous avons analysé 6 000 cas d'AMM visant des personnes dont la mort naturelle était prévisible, nous tirons trois conclusions.
Premièrement, il est nécessaire que tout prestataire de l'AMM déclare au préalable l'administration de l'AMM, qu'il décrive le tableau clinique complet justifiant l'AMM et qu'il sache que ce tableau clinique sera examiné par des experts.
Deuxièmement, l'analyse à postériori de chaque AMM administrée permet la rétroaction fréquente et immédiate aux médecins ou aux établissements lorsque des explications ou des justifications sont nécessaires. Cela permet également d'éviter des dérives potentielles, en plus de rassurer le public.
Troisièmement, l'évaluation en temps réel des cas où l'AMM a été administrée permet de déceler les cas limites et de réagir rapidement, au besoin.
Avant de terminer, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre écoute.
Nous vous transmettrons un court mémoire pour étayer notre propos.
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Bonjour à tous. Cela me fait plaisir d'être parmi vous ce matin.
J'ai eu l'occasion un peu unique de représenter M. Truchon et Mme Gladu dans leur requête au gouvernement fédéral. M. Truchon, qui nous a quittés au mois d'avril cette année, serait particulièrement heureux de voir ce que cela a donné.
Je ne reprendrai pas tous les points de la réforme. Je vais simplement en regrouper les éléments.
D'abord, nous appuyons entièrement toutes les dispositions qui facilitent l'aide médicale à mourir pour les personnes qui en ont besoin. Je pense ici à la suppression du critère de mort naturelle raisonnablement prévisible et du délai de 10 jours, de même qu'à la simplification de tout le processus, y inclus la renonciation au consentement final.
Cependant, deux éléments du projet de loi sont particulièrement préoccupants.
D'abord, il y a la notion de mort naturelle raisonnablement prévisible. Non seulement la Cour supérieure a rejeté ce critère d'accès à l'aide médicale à mourir, mais elle est allée plus loin encore. Ce critère était difficilement applicable et ne signifiait pas grand-chose pour les médecins. D'un côté, on retire ce critère, mais, de l'autre, on le ramène en établissant un chemin différent pour ceux dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible.
Je soumets que cela ouvre la porte à la création d'une deuxième catégorie de personnes, qui recevront un traitement différent de celui réservé à celles de la première catégorie, c'est-à-dire celles dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible. En effet, elles devront passer par toute une série d'autres formalités, entre autres le délai d'attente de 90 jours. Pourquoi a-t-on fixé un tel délai? Je ne le sais pas. C'est un délai tout à fait inutile.
Dans son jugement, la juge Baudouin a bien précisé que les évaluations devaient se faire au cas par cas et qu'il appartenait au médecin d'évaluer les demandes selon leur bien-fondé. Elle a précisé qu'il ne fallait pas regrouper dans une catégorie les gens dont la mort naturelle n'était pas raisonnablement prévisible, comme si c'étaient des gens vulnérables ou qui comptaient moins que les autres. Je soutiens que cette disposition est dérogatoire. Dans mon mémoire, je l'expose amplement.
Je souligne que le délai de 90 jours qui accompagne tout cela est tout à fait inutile. Les gens qui veulent recevoir l'aide médicale à mourir et qui remplissent les conditions devraient y avoir accès tout de suite, sans autres formalités que celles prévues par la loi, tout simplement.
Par ailleurs, le projet de loi propose de ne pas considérer la maladie mentale comme une maladie. Je pense qu'on fait fausse route. Encore une fois, dans son jugement, la juge Baudouin l'a très bien formulé. Elle propose qu'on juge au cas par cas, selon la capacité de la personne, et non pas de façon globale en regroupant les personnes dans une même catégorie, parce que cela ouvrirait la porte à toutes sortes de discrimination. C'est une stigmatisation non nécessaire de la maladie mentale. De plus, cela conduirait à d'autres formes d'abus. Cela m'apparaît aussi éminemment contestable sur le plan judiciaire.
Il faudra bien examiner cela. Que fait-on dans le cas des gens dont on estime que la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible et de ceux qui ont une maladie mentale? Selon ce que je comprends du projet de loi, on va établir des sous-catégories éminemment attaquables sur le plan constitutionnel.
Le projet de loi constitue quand même, à certains égards, une avancée qu'il faut préserver, mais il faut éviter de tomber dans cet enchevêtrement.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie nos témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Même si les opinions sont très partagées sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui, il se trouve dans chaque camp des personnes de bonne volonté qui souhaitent le meilleur pour les Canadiens.
Docteure Collins, je suis ravi de vous revoir. J'aimerais adresser ma première question à l'Association médicale canadienne.
J'estime que le soin que l'on prend des personnes les plus vulnérables donne la véritable mesure d'une société. Depuis que nous avons entrepris la présente étude, des gens m'ont contacté — tous mes collègues du Comité pourraient vous dire la même chose — pour me parler de leurs préoccupations concernant les personnes qui vivent des moments difficiles, qui viennent de recevoir un diagnostic de maladie grave ou qui comptent parmi les plus vulnérables dans notre société.
Les gens s'inquiètent en particulier du fait que, même si le projet de loi vient tout juste d'être adopté et qu'il n'a pas encore fait l'objet d'un examen parlementaire, le gouvernement n'a pas interjeté appel de la décision rendue l'an dernier par la Cour supérieure du Québec. Ce projet de loi adopté en réponse... Il supprime certaines des mesures de protection que le législateur avait eu la sagesse de prévoir il y a quelques années seulement.
Dans le mémoire que vous nous avez remis, vous parlez de notre obligation de protéger suffisamment les Canadiens vulnérables. Nous avons tous entendu parler de personnes qui ont manifestement été contraintes d'envisager l'aide médicale à mourir, qui, même si elles ne s'en sont pas prévalues, ont été incitées à la demander. Cela me préoccupe.
Pourriez-vous nous faire part de quelques-unes des réflexions de l'Association médicale canadienne sur ce qui devrait être fait pour assurer la protection des Canadiens vulnérables?
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Merci, madame la présidente.
Permettez-moi à mon tour de remercier les témoins d'être venus éclairer nos délibérations sur une mesure législative aussi complexe qu'elle est essentielle.
Docteure Collins, je vais avoir l'air de m'acharner sur vous... Dans votre exposé, vous avez qualifié de « problématique » la terminologie utilisée dans le projet de loi qui exclut explicitement la maladie mentale des conditions pouvant être invoquées, et vous avez parlé du risque de stigmatisation des personnes qui en sont atteintes.
Personne ici ne vous contredira quand vous affirmez qu'il faut s'inquiéter du risque de stigmatisation des personnes atteintes d'une maladie mentale mais, dans le contexte de l'aide médicale à mourir, de lourdes conséquences sont en jeu. Je voudrais comprendre. Êtes-vous d'accord ou en désaccord avec l'exclusion de la maladie mentale quand c'est l'unique condition invoquée pour demander l'aide médicale à mourir?
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Merci, monsieur. Cela m'amène à ma prochaine question. Dans la version actuelle du projet de loi, la maladie mentale ne peut pas être invoquée, sauf en présence d'une autre maladie.
Cette disposition peut à mon avis poser problème. Si une personne souffre d'un problème médical qui la rend admissible à l'aide médicale à mourir, mais dont une composante est une forme de maladie mentale, il faudra néanmoins évaluer cette composante, alors que c'est exactement la raison pour laquelle le projet de loi interdit l'invocation de la maladie mentale comme motif d'accès à l'aide médicale à mourir.
Je vois mal comment ces deux choses peuvent être conciliées, notamment dans les cas où l'opinion d'un second expert est requise. Si cette opinion porte sur une autre condition que la maladie mentale, faudra-t-il solliciter l'opinion d'un troisième expert pour ce qui est de la maladie mentale?
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Parfait. Je vais me permettre d'y répondre en premier. Merci de soulever cette question.
Madame la présidente, je voudrais tout d'abord souligner un élément qui, j'en suis certaine, est clair pour la plupart de nos membres: le projet de loi n'interdit pas expressément la maladie mentale comme seule condition médicale invoquée. Nous avons d'ailleurs des exemples, ici même au Canada, de personnes qui pouvaient seulement invoquer la maladie mentale comme condition médicale, qui ont demandé l'aide médicale à mourir, ont été jugées admissibles et l'ont obtenue.
En règle générale, la maladie mentale n'est pas associée à une mort naturelle prévisible, et ce sont des cas rares. Évidemment, nous avons connu beaucoup plus de patients qui avaient à la fois une maladie mentale et une maladie physique qui ont demandé l'aide médicale à mourir, qui ont été jugés admissibles et qui l'ont obtenue.
Bien entendu, beaucoup de personnes... Dans cette situation, il revient aux évaluateurs et aux prestataires de déterminer si la personne conserve la capacité à consentir. La capacité mentale est toujours présumée intacte jusqu'à preuve du contraire. Il n'est pas rare pour un médecin ou un clinicien qui se trouve dans cette situation, et pour qui l'évaluation de la capacité des patients fait partie du travail courant, peu importe le genre de traitement médical ou d'intervention chirurgicale en cause, d'être en mesure de faire une distinction entre les deux conditions.
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Je m'adresse maintenant à M. Bureau.
Le bon coup qu'a fait le Québec en ce qui concerne l'aide médicale à mourir a été de ne pas mettre dos à dos la demande d'aide médicale à mourir, ce qu'on appelait l'euthanasie, et les soins palliatifs.
Les tenants des soins palliatifs craignent qu'en libéralisant ou en permettant l'accès à l'aide médicale à mourir, on alloue de moins en moins de ressources aux soins palliatifs. Il y a vraiment un problème d'accessibilité aux soins palliatifs.
Après cinq ans, est-ce que votre commission sait que certaines unités de soins dans les hôpitaux n'admettent pas en soins palliatifs, c'est-à-dire l'accompagnement complet vers la mort, les patients qui ont fait une demande d'aide médicale à mourir? Est-ce normal?
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Tout d'abord, comme vous l'avez dit plus tôt, l'aide médicale à mourir arrive dans un processus qui, d'habitude, commence par les soins palliatifs dans les établissements.
Il est vrai que, dès le départ, des institutions privées ou semi-privées ont pris la décision de diriger vers d'autres endroits les patients qui demandaient l'aide médicale à mourir. Si vous faites allusion aux maisons de soins palliatifs, en effet, la quasi-totalité d'entre elles refusaient d'admettre ces patients, au début. Maintenant, la moitié des 35 maisons de soins palliatifs procurent l'aide médicale à mourir. Ce mouvement est donc en train de changer.
C'est vrai qu'au début, il y avait une opposition entre les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Après cinq ans, cela est du passé. C'est ce que constate la Commission sur les soins de fin de vie.
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Merci, madame la présidente.
Je voudrais remercier tous les témoins de comparaître devant le Comité aujourd'hui. Vous pouvez tous nous apporter des témoignages particulièrement précieux du fait de votre expérience de la réalité de l'aide médicale à mourir. Je dois avouer que je suis troublé de constater que, trop souvent, nos discussions prennent un tour théorique et ne reposent sur rien de tangible.
Je voudrais remercier la Dre Green qui, au nom de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM, a pris le temps tout à l'heure de m'expliquer comment tout cela se passe dans la réalité.
Parmi les sujets abordés aujourd'hui, deux me préoccupent plus particulièrement, soit l'allégation selon laquelle des personnes auraient été contraintes à demander l'aide médicale à mourir et le caractère éphémère de l'envie de certaines personnes d'obtenir l'aide médicale à mourir.
J'aimerais interroger la Dre Green au sujet de son expérience concrète relativement à ces deux sujets.
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La question de la contrainte revient constamment et de toutes parts. Les réponses sont multiples mais, ultimement, vous nous demandez, à mes collègues et à moi-même, si nous savons faire notre travail.
J'ai peut-être l'air de tout ramener à moi, mais le fait est que nous tous, médecins, cliniciens, infirmiers praticiens, travailleurs de la santé, sommes appelés à prendre des décisions sur la capacité et le degré de contrainte chaque fois que nous rencontrons des patients, que nous leur offrons un médicament, un traitement chirurgical ou tout autre type de traitement. Nous devons nous assurer que le patient a toute l'information voulue, qu'il comprend sa situation, les différents traitements offerts, les avantages et les inconvénients de chacun. S'ils nous le demandent, nous pouvons leur donner des conseils, mais la décision doit leur appartenir, même si elle diverge de celle vers laquelle moi ou leur famille les aurions guidés. L'autonomie du patient est essentielle.
Nous sommes extrêmement compétents pour faire ce genre de déterminations. À l'instar de tous mes collègues, la norme de conduite qui m'est imposée est de rencontrer le patient au moins une fois, et préférablement plus, en privé pour m'assurer que personne ne tente de le contraindre d'une manière subtile ou indirecte. Nous sommes très au fait du risque de contrainte, je vous l'assure.
Quant à la notion de « suicidabilité éphémère », je n'en avais jamais entendu parler avant les délibérations du Comité. Je la trouve intéressante. Selon mon expérience — et croyez-moi, elle est très vaste parce que je viens de la Colombie-Britannique —, les patients réfléchissent depuis des semaines, des mois, et parfois même des années. Personne ne prend ce genre de décision sur un coup de tête. L'idée qu'une pensée éphémère puisse conduire à l'aide médicale à mourir est selon moi méprisante pour le patient, sa démarche, sa capacité de prendre une décision, de même que pour la compétence des évaluateurs et des prestataires.
Nous sommes très conscients de l'existence de ce que nous appelons les « troubles de l'adaptation ». Si une personne est paralysée après un accident de ski, personne ne va lui offrir l'aide médicale à mourir dans la semaine qui suit. Ce serait absurde. Nous sommes très au fait de tous ces enjeux.
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La période de réflexion de 10 jours, comme je l'ai déjà évoqué, s'est avérée plus problématique qu'autre chose. Je viens d'une région du pays où le taux de mort assistée est... Cela vaut pour la province, le pays et même le monde entier. Les statistiques indiquent sans équivoque que dans une grande partie des cas, le processus est expédié en moins de 10 jours parce que les patients se présentent à nous trop tardivement pour recevoir un traitement, pour toutes sortes de raisons. Toutefois, le constat qui retient le plus mon attention concernant l'ensemble des cas depuis quatre années et demie est que l'administration de l'aide médicale à mourir se fait le plus souvent le onzième jour. C'est quand même frappant. Les données que je vous ai transmises indiquent clairement que des personnes ont attendu la fin du délai de 10 jours et, dès que minuit sonne, elles passent à l'acte. Il est évident que ces personnes ont attendu le onzième jour, que la période de 10 jours ne changera rien à leur décision. Elles attendent depuis des semaines, des mois, des années parfois. Elles attendent la fin de la période de réflexion. C'est quand même frappant.
Votre seconde remarque porte sur l'amendement qui autoriserait l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes dont la mort est raisonnablement prévisible, mais qui ont perdu la capacité de consentir. Je crois que les sorties remarquées d'Audrey Parker dans les médias nationaux sont parvenues à démontrer pourquoi c'est important. D'après mon expérience personnelle, une grande partie de la population est favorable à cette idée. Dans ma pratique, j'ai pu constater que les patients et leur famille redoutent au plus haut point cette situation tout simplement horrible. Je me suis personnellement retrouvée dans cette situation, et c'était probablement le moment le plus difficile que j'ai eu à vivre depuis quatre années et demie.
Prenons le cas d'un patient qui est passé au travers du processus rigoureux, des procédures rigoureuses, des mesures rigoureuses de protection. Tout a été fait dans les règles de l'art. Il a trouvé un fournisseur de soins, il a enfin rempli les formulaires et il a été déclaré admissible. Puis, quand je me présente à la date et à l'heure prévue, je constate qu'il n'est plus apte à donner son consentement. C'est horrible pour la famille, qui a le sentiment d'avoir abandonné un être cher. Dans de telles circonstances, je n'aurais pas le choix de mettre un terme au processus.
C'est pourquoi j'estime que cet amendement est nécessaire et important, et il sera extrêmement bien accueilli par beaucoup d'entre nous.
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Merci, docteure Green. Merci à vous également, monsieur Garrison.
Il reste trois minutes avant la fin de la première heure. Je crois qu'il est temps de remercier nos témoins.
Si quelqu'un parmi vous souhaite transmettre au Comité des précisions ou des compléments d'information sur les questions posées par les députés, veuillez les soumettre au greffier. Nous allons prendre connaissance de la documentation que vous nous avez remise avec grand intérêt. Merci d'avoir pris le temps de comparaître devant nous et de nous avoir fait part de vos réflexions.
Nous allons prendre une pause de quelques minutes avant de recevoir le prochain groupe de témoins.
Encore une fois, merci à vous tous.
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Je vous souhaite de nouveau la bienvenue.
Bienvenue aux témoins.
Nous accueillons le Dr Serge Gauthier, neurologue et professeur au département de neurologie, de psychiatrie et de médecine de l'Université McGill; la Dre Mona Gupta, psychiatre et professeure adjointe, ainsi que la Dre Leonie Herx, consultante en médecine palliative, qui témoigneront tous les trois à titre personnel. Nous recevons également le Dr Tarek Rajji, qui représente le Centre de toxicomanie et de santé mentale.
Merci de vous joindre à nous.
Vous disposez chacun de cinq minutes pour nous présenter vos observations préliminaires. Docteur Gauthier, à vous l'honneur.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de cette invitation à comparaître devant le Comité. J'espère que mon expérience en tant que chercheur clinicien sur la maladie d'Alzheimer depuis 35 ans sera utile à vos délibérations.
Je vais faire quelques remarques préliminaires et répondre à vos questions par la suite.
Je confirme que, depuis quelques années, plusieurs personnes aux stades précoces de la maladie d'Alzheimer expriment spontanément leur souhait d'avoir une mort paisible, en compagnie de leur famille, à un moment qu'elles auront choisi. Par exemple, je vous lis un extrait d'un document écrit il y a deux ans par l'une de mes patientes, une dame de 84 ans. Ce document fait partie de son dossier médical confidentiel:
Advenant l'ajout de l'aide médicale à mourir dans les directives médicales anticipées, je demande en toute lucidité d'ajouter à ma liste de soins désirés une aide médicale à mourir si, étant devenue irrévocablement incompétente, je ne reconnais plus mon mari et ma belle-fille. Il s'agirait pour moi de l'ultime indignité.
Le point que j'essaie de transmettre, c'est que les gens pensent bien des années d'avance au stade de la maladie d'Alzheimer à partir duquel ils ne souhaitent plus continuer à vivre. Cela s'applique tout aussi bien à la maladie de Parkinson.
Les stades de la maladie d'Alzheimer suivent une séquence assez prévisible et sont irréversibles. Par exemple, il est reconnu que l'incontinence urinaire la nuit, si elle n'est pas causée par une infection ou une autre maladie, survient au stade 6, niveau a, sur une échelle de 7. Les personnes atteintes et les membres de leur famille qui le souhaitent sont au courant de ces stades. Cette information est normalement donnée lorsque les gens en font la demande. Ces stades s'échelonnent sur une période de six à huit ans, jusqu'au décès naturel. De façon assez commune pour toutes ces maladies, les patients contractent une pneumonie d'aspiration, souvent à répétition, jusqu'au décès naturel. Ce stade terminal de démence touche habituellement des gens qui sont dans un lit depuis une année déjà sans pouvoir communiquer avec qui que ce soit.
J'ai une proposition à soumettre au Comité. Le texte actuel du projet de loi fait mention de dates choisies par la personne désirant obtenir l'aide médicale à mourir. Toutefois, pour les maladies neurodégénératives, comme la maladie de Parkinson ou la maladie d'Alzheimer, les points de référence devraient plutôt être des stades, que les gens peuvent choisir à priori et que les familles et les cliniciens sauront plus tard reconnaître.
Ma question est la suivante: est-il possible d'ajouter la notion de stades de la maladie dans le projet de loi, plutôt que de parler de dates précises?
Merci de votre attention.
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Merci, madame la présidente et merci, mesdames et messieurs, de la possibilité que vous me donnez de vous rencontrer. Je vais restreindre mon exposé à un sujet qui relève directement de mon champ d'expertise, soit l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes dont la seule condition médicale est un trouble mental. Par souci de concision, je vais parler de l'AMM pour les personnes atteintes de troubles mentaux.
Je suis psychiatre et professeure adjointe à l'Université de Montréal. Dans ma pratique, je collabore avec une équipe de liaison en soins psychiatriques, y compris les soins psychiatriques pour les personnes ayant un problème de santé physique. Je fais de la recherche dans le domaine de l'éthique et de la philosophie de la psychiatrie, et je m'intéresse à la question de l'aide à mourir depuis plusieurs années. J'ai notamment fait partie d'un groupe de travail du Conseil des académies canadiennes qui s'est penché sur l'AMM et le trouble mental comme unique condition médicale invoquée.
J'exerce la psychiatrie au Québec et, à ce titre, je suis membre de l'Association des médecins psychiatres du Québec, l'AMPQ, qui représentent les 1 200 psychiatres de la province. Actuellement, je préside le comité consultatif sur l'AMM pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Le comité est formé de cinq psychiatres dont les vues divergent sur la question, d'un partenaire patient et d'un membre d'une famille touchée. Depuis neuf mois, le comité planche sur un document consultatif qui propose un cadre de réflexion sur les questions d'ordre clinique complexes qui peuvent se poser quand une personne demande l'AMM parce qu'elle souffre d'un trouble mental. La rédaction est maintenant achevée, et j'ai transmis la version française...
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Oui, bien sûr. Je vais faire de mon mieux.
J'ai transmis la version française du rapport au greffier, et je serai en mesure de vous communiquer la version anglaise au début de la semaine prochaine.
Les travaux de notre comité illustrent comment les professionnels peuvent, en collaborant avec les patients et leurs familles, en venir à un consensus sur les normes et les mesures de protection en matière d'AMM pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Il est évident que certaines personnes ne seront pas d'accord. À ce sujet, un sondage mené auprès de nos membres révèle que 54 % des répondants estiment que l'AMM peut être envisagée pour les personnes atteintes de troubles mentaux dans certaines circonstances, alors que 36 % pensent le contraire. D'autres sont contre pour des raisons de conscience, mais ce n'est rien de nouveau.
Nos travaux ont porté sur l'évaluation de la capacité, l'incurabilité, l'irréversibilité, la souffrance et la suicidabilité. Aujourd'hui, je vais m'en tenir aux thèmes de la capacité, de l'incurabilité et de l'irréversibilité, car il s'agit des raisons pour lesquelles les maladies mentales ne peuvent être invoquées comme motifs d'accès à l'AMM selon l'énoncé concernant la Charte.
Je vais tout d'abord dire quelques mots sur la terminologie utilisée.
Dans le projet de loi , l'expression utilisée est « maladie mentale », alors que l'expression consacrée dans le domaine de la psychiatrie est « trouble mental ». Il est difficile de déterminer si l'expression « maladie mentale » est utilisée comme synonyme de « trouble mental », ou si elle renvoie à un sous-groupe de conditions. Si c'est un sous-groupe de conditions, il n'est pas précisé lesquelles sont visées et lesquelles ne le sont pas.
Quoi qu'il en soit, la disposition d'exclusion de la maladie mentale nous place devant une équivoque puisque ni la loi canadienne ni la loi québécoise qui autorisent l'AMM n'excluent les personnes atteintes d'une maladie mentale ou d'un trouble mental, et il n'y est nulle part question de diagnostic.
Les conditions d'admissibilité sont fondées sur la situation clinique du demandeur. Par ailleurs, les personnes dont la maladie se caractérise par des composantes à la fois psychiatriques et physiques, ou qui ont des troubles concomitants d'ordre mental et physique n'ont jamais été exclues et ne le seront pas sous le régime du projet de loi , même si le trouble psychiatrique est celui qui motive la demande. Par conséquent, toute justification proposée pour exclure les personnes qui invoquent uniquement un trouble mental comme condition médicale doit s'appliquer exclusivement à ce dernier groupe.
Le gouvernement invoque la difficulté particulière d'évaluer la capacité décisionnelle et le risque élevé d'erreur, de même que la plus grande difficulté de prédire l'évolution dans le temps d'une maladie mentale que celle d'un problème de santé physique.
Je voudrais relever deux éléments concernant les préoccupations associées à l'évaluation de la capacité.
Si on considère qu'il est difficile d'évaluer la capacité des personnes atteintes d'une maladie mentale, il faut appliquer le même raisonnement aux personnes qui ont des maladies physiques et mentales concomitantes. La présence d'un second problème de santé physique ne peut en aucun cas annihiler cette difficulté. Au contraire, elle ne fait que compliquer la situation. D'ailleurs, nous évaluons déjà la capacité à consentir à l'AMM chez des personnes atteintes d'un trouble mental et d'un problème de santé physique concomitants. Si une méthode fonctionne dans un cas, il faudrait trouver une raison très valable de la déclarer inapplicable dans l'autre cas.
Mon second sujet de préoccupation a trait au risque présumé d'erreur dans l'évaluation de la capacité. On fait fausse route en envisageant cet exercice de cette façon. L'évaluation de la capacité ne peut pas être bonne ou mauvaise. C'est une question de jugement et, quand le jugement intervient, il faut s'attendre à des divergences de vues entre les évaluateurs. Toutefois, on ne peut jamais présumer de la capacité d'une personne aux fins de l'AMM; elle doit être évaluée et, si les évaluateurs ne s'entendent pas, il ne peut y avoir de suite.
Quant aux prévisions de l'incurabilité et de l'irréversibilité, il serait tentant d'affirmer qu'étant donné l'irrévocabilité d'un acte comme l'AMM, aucun doute, même infime, n'est permis. Cependant, sauf si la mort naturelle est raisonnablement prévisible, il est très difficile de faire un pronostic dans bien des cas, pas seulement quand des troubles mentaux sont en cause, tant s'en faut. D'un point de vue clinique, la question pertinente doit être celle du degré de certitude exigé pour déclarer une personne admissible.
Un examen du cas des personnes atteintes de maladies physiques et mentales concomitantes qui ont reçu l'AMM au Canada nous révèle que les inquiétudes liées à l'évaluation de la capacité et du pronostic se manifestent déjà dans la pratique. J'explique comment dans un court document dans lequel je présente des exemples réels et que j'ai remis au greffier.
En conclusion, je ne vois aucune raison logique de faire une discrimination entre les maladies mentales et d'autres problèmes de santé lorsqu'ils sont invoqués comme seules conditions médicales pour obtenir l'AMM.
Si elle est maintenue, la disposition d'exclusion sanctionnera le traitement différent des personnes atteintes d'une maladie mentale. Nous, les membres de l'Association des médecins psychiatres du Québec, nous insurgeons contre cette position. Nous revendiquons la possibilité pour nos patients d'exercer leurs droits au même titre que toute autre personne.
Merci.
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Merci, madame la présidente. Je tiens également à remercier le Comité de son accueil.
Bonjour. Je suis la docteure Leonie Herx. Je travaille comme spécialiste en médecine palliative, et je suis également professeure adjointe et directrice du département des soins palliatifs à l'Université Queen's. Je suis la présidente sortante de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, dont je suis administratrice depuis huit ans. Je suis aussi conseillère pour la Norme sur la protection des personnes vulnérables, un cadre fondé sur des données probantes et reconnu internationalement qui énonce les mesures de protection axées sur les personnes vulnérables susceptibles de subir des mauvais traitements ou des contraintes dans un contexte d'aide médicale à mourir.
Je me présente devant vous pour vous faire part de préoccupations que je partage avec beaucoup de médecins qui exercent au Canada, comme en fait foi la pétition intitulée « De l'AMM à la MAM », ou quand l'aide médicale à mourir devient la mort administrée par un médecin. Nous l'avons remise au Comité. Dans l'arrêt Carter c. Canada, la Cour suprême fait observer qu'un système de garanties soigneusement conçu et surveillé limiterait les risques pour les personnes vulnérables. Dans un article publié dans le numéro d'avril 2020 du World Medical Journal, mes collègues du domaine de la médecine palliative et moi-même avons formulé nos préoccupations, preuves à l'appui, et recensé les erreurs ainsi que les préjudices pouvant découler des modalités de l'aide médicale à mourir telles qu'elles sont énoncées dans le projet de loi . Nous vous avons également fourni une copie de notre article.
Parce qu'il réduit le nombre de mesures de protection, le projet de loi exposera davantage de Canadiens à un risque de décès attribuable à une faute. Chaque année, nous voyons des cas attestés de non-conformité et d'application erronée du cadre législatif et des politiques en matière d'aide médicale à mourir au Canada. De tels cas ont été rapportés par le coroner en chef de l'Ontario, la Commission sur les soins de fin de vie au Québec et, dernièrement, l'enquêteur correctionnel du Québec.
Nous observons aussi des cas de patients vulnérables qui se font recommander par leur équipe de soins d'envisager l'aide médicale à mourir parce que leur prise en charge coûte trop cher. Roger Foley, de London, en Ontario, a besoin de soins en tout temps qu'il ne peut pas recevoir à domicile. Il vit à l'hôpital, où un administrateur lui a suggéré de recevoir l'aide médicale à mourir, pas par compassion devant ses conditions de vie, mais en raison du coût pour le système de santé. Cette conversation a été enregistrée et, bien entendu, largement diffusée.
L'aide médicale à mourir a également été suggérée à des personnes qui, aux yeux des équipes soignantes, n'ont aucune valeur. Alors que Candice Lewis, une femme de 25 ans souffrant d'un trouble du développement et de problèmes de santé chroniques, se trouvait à l'hôpital pour recevoir des soins d'urgence, un médecin a suggéré à sa mère d'envisager l'aide médicale à mourir pour sa fille. La mère lui a répondu qu'il n'en était pas question, et le médecin lui a rétorqué qu'elle était égoïste. Il a ensuite essayé de convaincre Candice de demander l'aide médicale à mourir. Elle a eu peur et a demandé de rentrer à la maison. La famille a accepté et l'a ramenée parce qu'elle avait peur pour sa sécurité à l'hôpital.
En 2019, après sa visite au Canada, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées a déclaré que la situation lui était apparue inquiétante. Voici comment elle a exprimé son sentiment: « Je suis extrêmement préoccupée par la mise en oeuvre de la législation sur l'aide médicale à mourir dans une perspective de handicap. » Elle a ajouté qu'il n'existait pas de protocole « pour démontrer que les personnes handicapées ont reçu des solutions de rechange viables lorsqu'elles sont admissibles à l'aide médicale à mourir ».
Nous avons été à même d'observer que d'innombrables patients ont retrouvé l'espoir et leur résilience une fois qu'ils reçoivent tous les soins de base dont ils ont besoin. Nous savons que nombreux sont ceux qui demandent l'aide médicale à mourir parce qu'ils ne veulent pas être un fardeau pour les autres. Leur découragement et l'impression d'être un fardeau sont exacerbés quand on ne leur offre pas de solutions réelles pour les aider à mieux vivre.
Si nous voulons instaurer un régime d'aide médicale à mourir plus sûr pour les Canadiens, c'est vers celui de Victoria, en Australie, qu'il faut se tourner, parce qu'il prévoit des mesures de protection très rigoureuses pour aborder des questions aussi fondamentales que les risques de contrainte. J'ai intégré certaines dispositions de ce régime législatif dans mon mémoire écrit. Suivant le régime de Victoria, il est interdit aux médecins d'aborder le sujet de l'aide à mourir avec un patient qui ne l'a pas lui-même évoqué. C'est une précaution particulièrement essentielle dans le cas des personnes qui se sentent comme un fardeau et dévalorisées en raison de la discrimination systémique au sein de la société.
Dans sa version actuelle, le projet de loi autoriserait un patient à choisir la mort avant d'avoir reçu tous les traitements qui, selon l'état des connaissances médicales, auraient de très grandes chances de les guérir ou de soulager leurs souffrances. Les pays qui ont légalisé l'aide médicale à mourir l'autorisent seulement pour les personnes mourantes. Qui plus est, dans toutes les autres administrations, les médecins doivent être convaincus que toutes les options de traitement ont été épuisées. L'aide médicale à mourir y est donc considérée comme un dernier recours seulement.
Quand un médecin sait qu'il existe des options de traitement raisonnables pour un patient, il a l'obligation professionnelle de lui insuffler de l'espoir et de favoriser sa résilience. Son devoir n'est pas d'attiser son désir de mourir. Mon intégrité professionnelle à titre de médecin m'oblige à donner des recommandations à mes patients qui visent une amélioration de leur santé et de leur bien-être. Si je dois présenter la mort comme l'une des possibilités parmi tous les autres traitements médicaux recommandés selon les données probantes, ma capacité à fournir des soins de qualité à mes patients s'en trouve compromise. Il est primordial de donner aux médecins des conditions qui leur permettent de travailler avec intégrité et de respecter leur liberté de conscience.
Au nom des Canadiens vulnérables et du milieu de la médecine, j'exhorte le Comité à apporter des amendements essentiels au projet de loi.
Merci.
Je remercie le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de me donner l'occasion de participer à la discussion sur le projet de loi . Je me concentrerai particulièrement sur l'amendement précisant que l'aide médicale à mourir « n'est pas permise lorsque la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée ».
Je suis le docteur Tarek Rajji, médecin psychiatre et chef du département de neurodéveloppement adulte et de géronto-psychiatrie du Centre de toxicomanie et de santé mentale, ou CTSM, de Toronto.
Le CTSM est le plus important hôpital d'enseignement en santé mentale au Canada, et c'est également un centre de recherche de pointe dans le domaine. Il met à profit son expertise en soins cliniques, en recherche, en éducation et en conception des systèmes pour améliorer la vie des personnes touchées par la maladie mentale, y compris celles qui ont un trouble lié à l'usage d'une substance.
Depuis 2015, un groupe de travail formé d'experts du CTSM en psychiatrie, en travail social, en droit, en éthique et en politiques publiques, ainsi que de personnes qui ont une expérience directe de la question se réunit périodiquement pour discuter de la maladie mentale et de l'aide médicale à mourir. Collectivement, notre opinion d'experts est que le projet de loi va dans la bonne voie.
Nous sommes d'accord avec l'idée d'une interdiction temporaire de l'aide médicale à mourir pour les personnes qui invoquent la santé mentale comme seule condition médicale, tel qu'il est prévu au préambule du projet de loi:
[...] des consultations additionnelles et d'autres délibérations sont nécessaires pour décider s'il est indiqué de fournir l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'une maladie mentale lorsque celle-ci est la seule condition médicale invoquée et, le cas échéant, pour décider de la manière de le faire, compte tenu des risques inhérents que comporte le fait de permettre l'aide médicale à mourir dans de telles circonstances et de la complexité de la question;
Nous sommes d'accord avec l'interdiction temporaire parce que, pour le moment, il n'y a pas de consensus dans le domaine concernant le moment auquel une maladie mentale peut être considérée comme étant irrémédiable.
Pour être admissible à l'aide médicale à mourir, une personne doit avoir des problèmes de santé « graves et irrémédiables ». Plus précisément, la maladie, l'affection ou le handicap doit être incurable, irréversible ou irrévocable, et cause de souffrances intolérables.
La gravité d'une maladie est une notion subjective, et il ne fait aucun doute que certaines personnes atteintes d'une maladie mentale peuvent avoir des symptômes qui provoquent chez elles des souffrances psychologiques, et parfois même physiques.
En revanche, le caractère irrémédiable d'une maladie est établi au terme d'un processus objectif tenant compte des meilleures données médicales disponibles. Au CTSM, nous nous inquiétons notamment de ce que, pour l'instant, il n'existe pas de critères bien définis pour déterminer qu'une maladie mentale doit être considérée comme étant irrémédiable, et à quel moment elle doit l'être. Il est pour l'instant difficile de définir ces critères parce que les données en matière de santé mentale ne permettent pas de prédire comment la maladie évoluera chez une personne, et donc de décréter si elle est irrémédiable ou non.
Ainsi, chaque évaluateur pourrait avoir sa propre interprétation de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, avec pour résultat que tout diagnostic établissant le caractère irrémédiable de la maladie mentale d'une personne serait essentiellement subjectif et donc arbitraire. Des personnes atteintes de maladie mentale seraient par conséquent à risque de recevoir l'aide médicale à mourir alors que les conditions d'admissibilité ne sont pas remplies.
C'est pourquoi le CTSM recommande fortement d'attendre que des critères fondés sur des données probantes soient définis avant de lever l'interdiction temporaire de l'aide médicale à mourir lorsque la maladie mentale est l'unique condition médicale invoquée. Il devrait découler de ces critères une définition consensuelle du moment auquel une maladie mentale peut être considérée comme étant irrémédiable aux fins de l'aide médicale à mourir.
Le CTSM recommande au gouvernement de charger un groupe d'experts de définir ces critères dans un délai raisonnable compte tenu de la complexité de la tâche. Ce groupe de travail devra consulter un vaste éventail d'experts du domaine de la santé mentale, de même que de personnes qui ont une expérience directe de la maladie mentale et que de membres de leur famille. Une fois que les critères fondés sur des données probantes seront définis, une formation devra être donnée aux évaluateurs en matière d'aide médicale à mourir. Le CTSM sera heureux de participer à l'élaboration et à la diffusion de ces critères.
Je vous remercie à nouveau de la chance que vous m'offrez aujourd'hui de discuter avec vous de ce sujet complexe et plein de nuances. Je répondrai volontiers à vos questions.
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Oui. Merci de me donner la possibilité d'aborder ce sujet.
Je ne vous apprendrai rien en disant que, dans mon travail de première ligne, je dois fréquemment composer avec des patients qui expriment un désir de mourir parce qu'ils vivent un deuil, de la colère, de la frustration et parfois du désespoir après avoir reçu un terrible diagnostic. C'est une étape normale et, la plupart du temps, le désir de mourir est vague et éphémère.
Le Dr Harvey Chochinov, un psychiatre de grande renommée au Canada, a démontré que l'envie de mourir peut durer aussi peu que 12 à 24 heures. Si la période d'attente de 10 jours est éliminée, on risque de priver les personnes du temps nécessaire pour réfléchir et changer d'avis.
Il arrive souvent que nos patients changent d'avis quand ils reçoivent les bons soins et le soutien voulu, qui leur permettent d'envisager leur vie d'une autre manière et de lui trouver un sens. Le désir de mourir vient souvent de la peur et de l'angoisse, et non de symptômes physiques non contrôlés.
Il est primordial d'aider les personnes à passer au travers du bouleversement que peut provoquer un diagnostic. Il se peut qu'une personne « dont la mort est raisonnablement prévisible », selon la terminologie du nouveau projet de loi, ait eu une très mauvaise journée et qu'elle soit désespérée parce qu'elle n'a pas vu un être cher ou, comme nous l'avons observé, parce qu'un événement comme la pandémie de COVID-19 a exacerbé son sentiment d'isolement et de solitude.
Cette mauvaise journée vécue dans un profond désespoir pourrait devenir la dernière journée de vie de cette personne si on élimine la période de réflexion nécessaire. Elle n'aurait pas eu le temps de savoir si c'est bien ce qu'elle veut ou s'il ne s'agit pas plutôt d'un désir éphémère qui a été alimenté par le manque de soutien ou de temps pour bien comprendre ce qu'elle demande.
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Je vous remercie de votre réponse. Peut-être pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de la suggestion du gouvernement selon laquelle, dans un contexte réel, l'euthanasie ne pourrait jamais être accordée en une seule journée.
Mais avant, toutefois, que vous ne répondiez à ma question sur cette suggestion qu'a faite le gouvernement lors de débats à la Chambre des communes, j'aimerais vous demander aussi ce que vous pensez de l'élimination de l'exigence de la présence de deux témoins, et la réduction de cette exigence à un seul témoin, la loi prévoyant maintenant, dans une clause restrictive, qu'un professionnel de la santé pourrait agir comme témoin.
Les possibilités de conflits d'intérêts ou d'influence indue sur des patients vulnérables vous inquiètent-elles?
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À mon avis, le consentement préalable est très risqué dans le contexte de l'AMM. Lorsqu'une personne perd ses facultés, elle ne sait pas vraiment à quoi elle consent à ce moment-là. Chaque semaine, je vois des patients qui ont demandé l'AMM et qui finissent par l'obtenir, et ce, même s'ils ne possèdent plus l'aptitude à le faire. Il m'arrive parfois d'être en désaccord avec l'évaluateur ou le prestataire de l'AMM quant à l'aptitude du patient.
Par exemple, un patient pourrait changer d'avis et décider de mourir naturellement et d'opter pour les soins palliatifs pour maîtriser sa douleur plutôt que de « recevoir la piqûre », comme il l'appelle. Le patient en question n'est plus en mesure de faire la différence entre les deux options et passe d'une solution à l'autre, parfois d'heure en heure. C'est une situation très fréquente chez les personnes dans un état confusionnel aigu, alors qu'elles ne saisissent pas parfaitement ce qu'elles demandent.
Dans le contexte où les gens obtiennent l'AMM dans le cadre d'une directive anticipée, comment savoir, alors qu'ils ne possèdent plus toutes leurs facultés, si c'est bien ce qu'ils souhaitent et s'ils comprennent toujours ce qui va leur arriver? Je ne pense pas que ce soit possible.
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Oui. Toutes mes excuses.
En ce qui a trait aux autres éléments ou considérations qui sont entrées dans les raisons pour lesquelles nous avons voulu exclure la maladie mentale, l'une d'entre elles est que l'exclusion de la maladie mentale n'est pas complète. Vous savez qu'elle peut être jumelée, comme vous l'avez mentionné dans vos commentaires, avec d'autres troubles ou problèmes de santé.
La deuxième considération est que l'on a déjà légiféré sur cette question en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg et que l'on a constaté un nombre croissant de cas d'aide médicale à mourir dans ces pays, y compris dans des zones qui semblent passablement grises à des observateurs neutres.
Quant à la troisième considération, elle est la suivante — et elle me concerne en tant que profane, et à ce sujet, il y a un plus grand nombre de profanes que de médecins au sein de ce Comité qui comprennent ceci — c'est-à-dire que lorsque les idées suicidaires ou les projets de suicide ne sont qu'une manifestation d'un problème de santé mentale, est-ce que cela doit nécessairement nuancer notre approche de la maladie mentale en tant que maladie mentale ou des troubles mentaux en tant que troubles mentaux?
Pourriez-vous nous éclairer sur ces trois aspects? Ensuite, j'aimerais demander au Dr Rajji, de nous faire part lui aussi de ses commentaires.
Merci, docteure Gupta.
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Je pense que ce qui a motivé en partie ce que j'essayais de présenter au Comité aujourd'hui est le fait que les personnes qui sont atteintes de troubles mentaux et de problèmes de santé peuvent avoir accès à l'aide médicale à mourir aujourd'hui et y ont déjà accès. Ce genre de situations cliniques soulève exactement le même genre de préoccupations que celles que le gouvernement indique dans son énoncé concernant la Charte. Si nous sommes capables d'évaluer l'aptitude à prendre une décision aujourd'hui, et si nous sommes capables d'évaluer le caractère irrémédiable aujourd'hui dans les cas de comorbidités mentale et physique, je ne vois pas pourquoi nous ne serions pas capables de le faire lorsque la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée.
Pour apporter quelques nuances, je pense que si le gouvernement tient à prévoir une exclusion, il faut qu'elle soit justifiée par une caractéristique qui soit véritablement propre à ce groupe de personnes. Sur le plan clinique, je ne pense pas qu'il en existe une.
Quant à l'expérience de l'aide médicale à mourir dans les pays du Benelux, elle demeure une pratique marginale relativement à la pratique de ce qu'il est convenu d'appeler là-bas « euthanasie et suicide assisté ». Je pense qu'une augmentation du nombre de cas ne suggère pas, en soi, l'existence d'un phénomène d'une manière ou d'une autre. Les cas d'aide médicale à mourir, de manière générale, ont tendance à augmenter au fil du temps. C'est une constatation à laquelle nous sommes arrivés dans notre propre province. C'est une situation que la Commission sur les soins de fin de vie documente depuis qu'elle a commencé à recueillir des données à ce sujet, en 2015. Une augmentation en soi ne me révèle rien de spécifique. Le fait est que cela demeure une pratique marginale. En Belgique plus particulièrement, en fait, le nombre de cas a diminué au cours des quatre dernières années. La pratique est tellement marginale et le nombre de cas tellement petit que je ne pense pas que ces petites augmentations et diminutions, dans un sens comme dans l'autre, ne nous apprennent grand-chose.
Quant au dernier point concernant les idées suicidaires, c'est un argument qui revient souvent dans ce débat. À mon avis, c'est un point très juste. En psychiatrie, tous les jours nous rencontrons des personnes ayant des idées suicidaires. Tous les jours dans le cadre des soins cliniques, nous avons des patients qui sont atteints de troubles mentaux et qui souffrent aussi de problèmes de santé. Ces personnes doivent prendre des décisions cliniques dont les enjeux sont très importants, et qui peuvent même parfois menacer le pronostic vital. Ces personnes peuvent avoir eu des idées suicidaires dans le passé. Elles peuvent avoir fait des tentatives de suicide dans le passé. Sur le plan clinique, notre rôle consiste à voir si elles sont capables de prendre cette décision maintenant, et à essayer de comprendre leurs pensées suicidaires au fil du temps et pendant la trajectoire de leur maladie. C'est quelque chose que nous faisons maintenant. Et c'est quelque chose que nous allons devoir continuer à faire.
Vous verrez lorsque vous recevrez notre document du Québec. L'idée qu'une personne puisse se présenter aux urgences en pleine crise et avec des pensées suicidaires à cause de la fin d'une relation, et qu'elle puisse avoir accès à l'AMM et la recevoir pendant la même journée n'est pas ce que nous envisageons dans le cadre d'une pratique structurée et rigoureuse. Il est question de personnes qui souffrent depuis des décennies et qui ont vraiment eu accès à l'arsenal très complet des traitements disponibles; il n'est pas question de suicidalité.
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Merci beaucoup, docteure Gupta.
Je souhaite inclure le Dr Rajji dans cette conversation, mais je remarque aussi que vous, en tant que membre du Conseil des académies canadiennes, savez que le rapport préliminaire lui-même n'était pas concluant sur cet aspect et que vous avez suggéré des études plus poussées.
Docteur Rajji, pourriez-vous nous faire part de vos commentaires à ce sujet?
Aussi, docteure Gupta, pourriez-vous nous dire en 10 secondes si vous êtes d'accord pour que cette question soit soumise à un autre examen parlementaire ou non?
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins de leurs témoignages éclairants.
Docteur Gauthier, vous avez 35 ans d'expérience. Votre expérience clinique en matière de maladies neurodégénératives vous permet d'affirmer aujourd'hui qu'il est possible de reconnaître un consentement libre et éclairé qui est valable hors de tout doute. Vous avez parlé des stades qui mesurent l'évolution de la maladie.
J'aimerais que vous nous expliquiez de quelle façon il est possible, selon votre expérience, de reconnaître les moments où un consentement est donné de façon libre et éclairée dans les cas de maladies dégénératives cognitives.
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Je vous remercie de votre question.
Effectivement, pour certaines maladies neurologiques, il y a des stades cliniques bien connus, qui s'échelonnent habituellement sur plusieurs années. Dès le début de ces maladies, les gens sont invités à planifier leurs affaires financières et personnelles, et l'aide médicale à mourir pourrait bientôt faire partie de cette planification.
Bien entendu, c'est seulement dans quelques années qu'on verra si on peut mettre à exécution le choix qu'une personne aura fait cinq ans auparavant. Autrement dit, cette dame de 84 ans, dont le texte très structuré que je vous ai lu démontre son niveau d'éducation et sa grande lucidité, choisit de recourir à l'aide médicale à mourir à un stade qui va survenir dans quatre ou cinq ans.
Pour les besoins du Comité, je demande simplement s'il est possible d'ajouter la notion de stades de la maladie dans la planification de l'aide médicale à mourir. Il faudrait le faire sans entrer dans le détail, car chaque maladie a des stades différents, et il est possible que, dans les prochaines années, il y ait de nouveaux traitements qui vont modifier leur progression. Ce qui ne changera pas, cependant, ce sont les points d'ancrage, les points déterminants dans la progression de la plupart de ces maladies. Je pense à la perte de mobilité et à la première pneumonie, par exemple. Ce sont des choses qui ne changeront pas, même s'il y a des avancées thérapeutiques.
C'est normalement au début de la maladie, après le diagnostic, qu'on demande aux gens d'indiquer par écrit leurs choix. Cela se fait habituellement devant un notaire et en compagnie des membres de leur famille. Ils doivent alors désigner des personnes responsables, un mandataire ou une personne de confiance. Dans certains cas, ils doivent donner des instructions précises sur la disposition des biens. Ils doivent également inscrire leurs préférences en matière de soins personnels, en prévision du moment où ce sera nécessaire.
On parle ici du stade 3 sur une échelle de 7, dans le cas de la maladie d'Alzheimer. Le stade 3 correspond à des troubles cognitifs légers. Or, les nouveaux tests biologiques permettent maintenant d'établir un diagnostic de la cause de ces troubles légers.
Le stade suivant correspond à la démence légère, qui survient habituellement au stade 4 sur une échelle de 7. À ce stade, les gens conduisent encore leur auto, mais dans des endroits familiers. Ils ont besoin d'aide pour gérer leurs impôts ou leurs finances plus complexes, mais ils sont encore autonomes.
Il n'y a pas vraiment de débat quant à la compétence de ces personnes à ces deux stades, c'est-à-dire les stades 3 et 4 sur une échelle de 7.
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Merci. C'est fort intéressant.
Pour ce qui est de la maladie mentale comme seul critère d'exclusion, plus j'entends de témoignages, plus je me sens dans l'obligation, en tant que législateur, d'étudier la question davantage.
D'abord, il y a une différence entre la maladie mentale, la schizophrénie et la maladie d'Alzheimer. Ce ne sont pas tous les troubles cognitifs qui peuvent être catégorisés de la même manière.
En tant que législateur, nous avons la responsabilité d'établir sans l'ombre d'un doute la capacité d'un patient à donner un consentement libre et éclairé et à confirmer la validité de celui-ci. Or, à la lumière de ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, je ne saurais encore me prononcer sur la question de la maladie mentale.
C'est pourquoi nous voulons absolument continuer la réflexion, après l'adoption du projet de loi. Nous voulons le faire tout de suite, et non attendre quatre ans. Cette réflexion pourrait inclure, entre autres choses, toute la question des maladies neurodégénératives.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je voudrais d'abord remercier les témoins de leur présence. Et j'insiste pour dire que je respecte l'expertise que chacun apporte à cette question. Dans leurs témoignages aujourd'hui ils ont soulevé de nombreux enjeux qui, à mon sens, devraient être abordés dans le cadre de l'examen plus exhaustif, c'est-à-dire l'examen législatif qui est requis. J'ai bon espoir qu'entre tous les partis nous en arrivions à un accord sur le mandat et sur l'échéancier pour que cet examen général puisse avoir lieu.
Je tiens, pour le compte rendu, à souligner deux sujets de préoccupation avant de poser ma question. Premièrement, il est important que les membres du Comité fassent la distinction entre ceux qui ont déjà travaillé en tant qu'évaluateurs et prestataires de l'AMM et ceux qui ne l'ont pas fait.
Deuxièmement, je tiens à exprimer une inquiétude encore plus sérieuse. En effet, je suis toujours inquiet lorsque des témoins comparaissent devant le Comité et qu'ils profitent de la protection des immunités parlementaires pour porter, comme dans le cas présent, des accusations contre d'autres personnes. Dans le cas présent, ces accusations s'apparentent à des allégations de faute professionnelle. Il faut faire très attention lorsque l'on écoute le témoignage de personnes qui portent de telles accusations plutôt que de les aiguiller vers les ordres professionnels ou la police, si elles sont justifiées. Ceux qui portent de telles accusations... Nous devrions sérieusement réfléchir à tous les témoignages que nous avons entendus, compte tenu de ce que j'appellerais un témoignage contraire à l'éthique qui nous a été livré par au moins un témoin aujourd'hui.
Je vais maintenant m'intéresser à quelque chose de plus positif. Je tiens à remercier le Dr Rajji pour sa suggestion juste et constructive sur la question de comment nous, en tant que comité, allons aborder le concept de maladie mentale en tant que seul problème médical invoqué dans cette loi.
Docteur Rajji, de quelle ampleur serait la tâche pour mettre sur pied un groupe de travail qui établirait des critères fondés sur des données probantes? Combien de temps cela prendrait-il, et quelle serait la portée de cette entreprise?
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Monsieur Garrison, je vous remercie de cette question.
Il s'agit d'une tâche complexe. Ce n'est pas une mince affaire, et à mon avis, il faudra y consacrer autant de temps que nécessaire. La complexité et les implications ainsi que les opinions divergentes bien arrêtées jouent un rôle dans l'échéancier. Je pense que le groupe devra être constitué de personnes très diverses. Il devra inclure les professionnels, les psychiatres et autres spécialistes de la santé mentale qui... Un tel amendement a une incidence réelle sur leur pratique et il touche certains enjeux clés dans leur domaine, notamment comprendre le concept du suicide et en quoi le suicide consiste. Qu'est-ce que cela signifie de recevoir un suicide assisté lorsqu'une personne demande l'AMM? Est-ce qu'elle demande qu'on l'aide à se suicider, oui ou non?
Il faut aussi inclure des membres de la famille. Le groupe doit inclure des personnes ayant vécu cette expérience elles-mêmes. Il doit inclure les autres professionnels, ceux que nous appelons les membres des professions paramédicales, qui ne sont peut-être pas les personnes les plus responsables au départ, mais qui sont également visés par cette pratique. Il se peut que nous ayons aussi besoin d'autres parties prenantes.
En l'absence d'un consensus sur les critères qui définissent des problèmes de santé irrémédiables, il sera très difficile d'appliquer ces critères si nous ne savons pas comment les définir.
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Merci beaucoup pour vos commentaires.
Je constate qu'il ne reste que 10 minutes pour les questions. Aussi, au lieu de faire un tour complet, à ma discrétion, je vais accorder deux minutes à chacun des prochains intervenants pour qu'ils puissent poser les questions qui les intéressent.
Je vois M. Lake, M. Kelloway, M. Thériault et M. Garrison pour deux minutes chacun. Si vous pouviez vous en tenir à cette durée, ce serait bien.
Je vous en prie, monsieur Lake. Vous avez deux minutes.
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Cela me semble une étrange décision parce que j'avais beaucoup à dire, mais c'est vous la présidente.
Pour commencer, je trouve incroyable la vitesse à laquelle notre comité étudie cette question. En ce qui me concerne, c'est tout simplement incroyable que vous vous précipitiez de... Il était intéressant d'entendre les témoins, chacun d'eux, se faire avertir de ne pas parler trop vite parce qu'ils avaient tellement de choses à dire. Et maintenant, pour une raison inconnue, nous nous lançons dans une course contre la montre pour étudier l'une des questions les plus complexes qui m'ont été présentées depuis 15 ans que je suis député.
J'ai trouvé le récit de Mme Herx au sujet de Candice tout simplement déchirant. J'ai un fils de 25 ans autiste, et j'essaie de comprendre... Je voulais poser quelques questions, mais il n'est pas possible d'obtenir une réponse en deux minutes. Je m'attendais à avoir plus de temps pour demander comment une personne avec une déficience développementale pourrait seulement indiquer... quels devraient être les critères relatifs à leur capacité d'indiquer leur volonté de choisir l'aide médicale à mourir.
Il est rare que l'unanimité se fasse dans le secteur des personnes handicapées. Mais je constate que presque tous sont unanimes à dire que les choses vont beaucoup trop vite, et que les mesures de protection pour les personnes handicapées sont beaucoup trop rares.
Durant les 40 secondes qui me restent, peut-être que quelqu'un pourrait donner une réponse exhaustive à cette question. Peut-être Mme Herx pourrait-elle donner une réponse exhaustive à ce sujet, parce que c'est tout le temps dont nous disposons pour étudier une question de cette importance.
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Je pense que c'est une question très compliquée, monsieur Lake.
Il faudrait tenir des consultations avec un expert et des spécialistes de l'évaluation de la capacité à prendre une décision qui connaissent bien les jeunes adultes handicapés pour pouvoir... Il faudrait consacrer beaucoup de temps pour bien comprendre quel est le meilleur moyen de communiquer avec ces personnes et pour déterminer dans quelle mesure elles comprennent les circonstances particulières de leur problème de santé et les possibilités de traitement.
Je peux vous dire, alors que les enjeux de la décision sont si élevés, comme l'interruption de la vie d'une personne — je ne vois pas comment ils pourraient être plus élevés que cela — que le temps à consacrer pour évaluer la capacité de cette personne doit être équivalent. La responsable des évaluations complexes de la capacité à l'Université McGill m'a confié qu'il faut consacrer plusieurs heures à l'évaluation de la capacité des cas les plus complexes. C'est effectivement une situation très compliquée.
La majorité des évaluateurs de l'AMM n'ont pas suivi de formation en bonne et due forme en matière d'évaluation de la capacité, du moins selon mon expérience, et il s'agit de la même expérience que celle de ma collègue de McGill. Même lorsque l'on demande une consultation en psychiatrie dans ces cas complexes, ces consultations n'ont pas toujours lieu. En fait, dans les exemples dont j'ai été témoin, j'avais recommandé une évaluation de la capacité parce que je n'avais pas l'impression que la personne avait la capacité de prendre une décision sur le plan médical. Cette recommandation n'a pas été suivie. Je l'ai même documenté dans le dossier médical et j'ai fait part de mes préoccupations à l'équipe de l'AMM. On est quand même allé de l'avant, et la personne en question a reçu l'AMM. On m'a dit que l'équipe effectuait ses propres évaluations de la capacité.
À mon sens, c'est très compliqué, et nous devrions faire appel à des experts lorsqu'il s'agit d'une question de vie ou de mort.
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Merci, madame la présidente. Je vous remercie de votre question.
N'importe quel groupe de personnes ayant exprimé des inquiétudes au sujet des mesures de protection et se demandant si elles sont adéquates ou encore concernant la manière dont une loi est mise en oeuvre et appliquée, doit certainement être pris au sérieux. Il est clair que ces inquiétudes doivent être considérées comme valables et être examinées.
À mon avis, la tension qui existe au sujet de l'aide médicale à mourir tient au fait qu'il existe des groupes de personnes identifiables susceptibles de posséder ou non des caractéristiques de vulnérabilité; mais il y a aussi des individus qui demandent l'aide médicale à mourir, et qui possèdent leurs propres caractéristiques liées à leur existence et à leurs problèmes de santé.
Je crois que l'une des difficultés que nous éprouvons tient à la manière dont nous établissons des considérations et des mesures de protection qui tiennent compte de la vulnérabilité de certains groupes, tout en respectant l'expérience vécue et l'autonomie des individus.
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Madame la présidente, qu'est-ce qui se passe ici? En tant que comité, nous nous sommes entendus sur les moments où nous allons nous réunir. Nous nous sommes entendus aussi sur l'ordre des questions, et nous votons en tant que comité.
Nous sommes tous des gens très occupés, y compris nos témoins. Nous siégeons à un comité qui doit se réunir de 11 heures à 13 heures. Il est maintenant 13 heures, alors pourquoi faisons-nous...? Il me semble que nous avons un petit problème, et que l'on ne semble pas vouloir suivre les règles, à moins que cela ne soit au détriment des députés du Parti conservateur qui essaient de poser des questions et de le faire en respectant les règles.
Nous avons fixé, en tant que comité, le déroulement des périodes de question, le temps alloué pour chaque période de question, et le moment où nos réunions prendront fin. Notre réunion prend fin à 13 heures. Je trouve cela extraordinaire que nous arrivions à 13 heures... Les témoins ont des choses à faire. J'ai moi-même des choses à faire. Et je présume que les autres députés ont eux aussi des obligations. Et pourtant, nous voici en train d'entamer une autre série de questions alors que la réunion est terminée.
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Je vous remercie, monsieur Virani.
Avant que je ne m'adresse à vous, monsieur Garrison, je dirais, monsieur Moore, que pour répondre aux inquiétudes que vous avez exprimées lors de la dernière réunion quant au dépassement de la durée prévue de la réunion, j'ai essayé de répartir le temps qui restait cette fois-ci afin de tenir compte de votre emploi du temps et de m'assurer que le temps était réparti équitablement entre tous les membres du Comité. C'est ce que j'ai essayé de faire.
Pour faire suite à votre intervention et compte tenu des précisions apportées par le greffier comme quoi la salle est libre pour toute une autre série de questions, je suis heureuse de prendre la décision et de permettre d'effectuer une autre série complète de questions.
Vous avez la parole, monsieur Garrison, sur ce rappel au Règlement.
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Je vous remercie, monsieur Moore.
Si j'ai bien compris, ce n'est pas par consentement unanime que nous décidons de prolonger ou non la réunion du comité. C'est plutôt à la majorité. Je demande donc au comité si une majorité des membres souhaiteraient poursuivre la réunion afin de terminer la deuxième série de questions. À moins que d'autres membres souhaitent se faire entendre, je vais demander au greffier de passer au vote dès maintenant, que ce soit par appel nominal ou avec dissidence.
(La motion est adoptée par 6 voix contre 5. [Voir le Procès-verbal]
La présidente: Merci.
Maintenant, je pense que nous en avons terminé avec cette réunion.
Monsieur le greffier, veuillez transmettre un rappel à tous les membres du Comité leur demandant de bien vouloir se présenter au moins 15 à 20 minutes avant le début de la réunion afin que nous puissions commencer à l'heure et poursuivre la réunion dans les délais prévus. Je vous remercie tout le monde.
J'aimerais prendre quelques minutes pour remercier nos témoins de nous avoir consacré leur temps aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants. Encore une fois, je vous rappelle que si vous n'avez pas réussi à dire quelque chose d'important pour le compte rendu ou si vous aimeriez ajouter des précisions, n'hésitez pas à en faire part par écrit au greffier afin que nous puissions consigner ces renseignements au compte rendu et les inclure dans nos délibérations sur le projet de loi .
Merci tout le monde de votre présence. La séance est levée.