:
Je déclare la séance ouverte. Bienvenue à la deuxième séance du Comité permanent de la justice des droits de la personne de la Chambre des communes.
Comme vous pouvez le constater, la séance d'aujourd'hui est hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 septembre 2020. Les délibérations seront rendues publiques sur le site Web de la Chambre des communes. Sachez que la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
Avant de procéder à l'étude article par article du projet de loi , qui figure à l'ordre du jour, commençons par adopter le rapport du Comité qui fait suite à la réunion de mardi dernier. Je vous demande d'appuyer l'adoption du procès-verbal de la séance, qui vous a été distribué.
(La motion est adoptée.)
La présidente: Ce jeudi, nous accueillerons le ministre pour discuter du Budget principal des dépenses. La semaine dernière, le Comité a reçu un ordre de renvoi pour l'étude du Budget supplémentaire des dépenses (B). Le Comité souhaite-t-il profiter de l'occasion pour s'occuper du Budget supplémentaire des dépenses ce jeudi aussi, ou s'il préfère le faire à un autre moment? N'importe qui peut intervenir. Le Comité serait-il d'accord pour que le Budget supplémentaire des dépenses soit présenté au ministre à la réunion de jeudi, en même temps que le Budget principal des dépenses? Est-ce que tous ceux qui sont d'accord peuvent lever le pouce? Très bien. D'accord.
J'invite le greffier et les analystes à bien vouloir modifier les cahiers d'information pour y inclure le Budget supplémentaire de dépenses aussi. Je vous remercie.
À notre dernière réunion, M. Garrison a demandé si le personnel du bureau des whips et des députés pouvait avoir accès, sans caméra ni micro, à notre salle virtuelle sur Zoom lors des réunions publiques. Nous sommes heureux d'annoncer qu'un projet pilote est en cours pour permettre au personnel du bureau des whips et des leaders à la Chambre d'y assister s'ils gardent leur micro et leur caméra éteints. Nous envisageons d'étendre la portée du projet pilote pour y inclure le personnel des députés aussi.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 19 octobre 2020, le Comité se réunit aujourd'hui pour procéder à l'étude article par article du projet de loi .
Nous accueillons aujourd'hui par vidéoconférence les représentants du ministère de la Justice. Nous recevons Stephen Zaluski, avocat général et directeur, Section des affaires juridiques; Adair Crosby, avocate générale, Section des affaires juridiques; et Gillian Blackell, avocate conseil et chef d'équipe, Section de la politique en matière de droit pénal.
Si vous avez des questions se rapportant à l'étude article par article que nous réalisons aujourd'hui, vous pourrez les poser par mon entremise aux représentants du ministère dans le but de clarifier des choses.
Pour assurer le bon déroulement de la séance, j'aimerais vous présenter quelques règles à suivre.
Les membres comme les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts, et vous avez le choix, au bas de votre écran, entre « Parquet », « Anglais » ou « Français ». Vous pouvez sélectionner la langue d'interprétation que vous souhaitez entendre.
Pour ceux qui participent à la séance en personne, veuillez procéder de la manière habituelle lorsque le Comité dans son ensemble se réunit en personne dans la salle de comité. N'oubliez pas les directives du Bureau de régie interne concernant le port du masque et les protocoles sanitaires. Je vois qu'au moins un membre du Comité est dans la salle aujourd'hui.
Avant de parler, veuillez attendre que je vous nomme. Pour ceux qui participent à la séance virtuellement, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Pour ceux qui sont dans la salle, votre microphone sera contrôlé comme à l'habitude par l'agent des délibérations et de la vérification qui s'y trouve. Je vous rappelle que toutes les observations des membres et des témoins doivent être adressées à la présidence.
Veuillez vous exprimer lentement et clairement. Prenez note qu'il y a un léger décalage dans l'interprétation. Lorsque vous terminez une phrase, laissez quelques secondes s'écouler avant de poursuivre dans une autre langue ou avant l'orateur suivant pour permettre aux interprètes de terminer leur traduction. Quand vous avez terminé de parler, je vous prie de désactiver votre micro pour éviter de déranger les autres orateurs.
Pour ce qui est de la liste des intervenants, le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir l'ordre le plus approprié, que vous participiez à la séance en personne ou virtuellement. Pour ceux qui y participent virtuellement, veuillez utiliser la fonction « Lever la main » à partir de votre liste des participants. Je pourrai donner la parole aux membres qui sont dans la salle. Il suffit de faire signe au greffier si vous souhaitez être inscrit à la liste des orateurs; il m'en informera, et nous procéderons en conséquence.
Y a-t-il des questions, pour l'instant?
J'aimerais donner quelques directives aux membres du Comité et faire quelques remarques sur la façon dont nous allons procéder à la première étude article par article d'un projet de loi dans le cadre d'une réunion hybride. C'est la première fois que nous le faisons. Je vais y aller le plus lentement et le plus prudemment possible. Nous ne voulons évidemment pas commettre par mégarde une erreur que nous pourrions avoir du mal à corriger plus tard. J'ose espérer que tout se déroulera bien grâce à l'aide du merveilleux personnel de soutien qui est avec nous aujourd'hui.
Comme le nom l'indique, il s'agit d'un examen de tous les articles suivant l'ordre dans lequel ils apparaissent dans le projet de loi. Je vais appeler chaque article successivement, et chacun fera l'objet d'un débat et d'un vote. Si un amendement est proposé pour l'article en question, je vais céder la parole au député qui en fait la proposition pour qu'il l'explique ou en discute. L'amendement fera ensuite l'objet d'un débat. Si aucun autre membre du Comité ne souhaite intervenir, l'amendement sera mis aux voix.
Les amendements seront examinés dans l'ordre dans lequel ils figurent dans le projet de loi ou dans la trousse que chaque député a reçue de la part du greffier. S'il y a des modifications corrélatives — je vais l'indiquer au fur et à mesure —, ils seront mis aux voix ensemble.
Conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 septembre 2020, toutes les questions doivent être décidées par appel nominal, sauf celles agréées du consentement unanime ou avec dissidence.
Les amendements doivent non seulement être rédigés correctement sur le plan juridique, mais aussi être recevables sur le plan de la procédure. Je peux être appelée à me prononcer sur un amendement si vous pensez qu'il est irrecevable parce qu'il contrevient au principe du projet de loi ou qu'il en dépasse la portée — le principe et la portée ayant été adoptés en même temps que le projet de loi par la Chambre, à la deuxième lecture — ou si l'amendement empiète sur l'initiative financière de la Couronne.
Si vous souhaitez éliminer complètement un article du projet de loi, vous devez voter contre l'article lorsqu'il est mis aux voix, plutôt que de proposer un amendement pour le supprimer.
Puisqu'il s'agit de la première étude article par article d'un projet de loi en séance hybride, je vais y aller lentement pour permettre à tous les membres du Comité de bien suivre les délibérations. Le Comité peut décider, pendant l'exercice, de ne pas mettre un article aux voix. Cet article est alors mis de côté, et le Comité y reviendra plus tard.
Chaque amendement a un code alphanumérique — il se trouve dans le coin supérieur droit de la trousse qui vous a été remise — qui indique quel parti l'a présenté. Il n'est pas nécessaire qu'un membre appuie la présentation d'un amendement. Une fois qu'un amendement a été présenté, il faut le consentement unanime des membres pour le retirer.
Pendant le débat sur un amendement, les membres peuvent déposer des sous-amendements, qui doivent être soumis par écrit ou par courrier électronique à l'intention des membres qui participent virtuellement à la séance. Les sous-amendements n'ont pas besoin d'être approuvés par le membre qui a présenté l'amendement. Un seul sous-amendement peut être examiné à la fois, et le sous-amendement ne peut pas être amendé. Lorsqu'un amendement fait l'objet d'un sous-amendement, c'est le sous-amendement qui est mis aux voix en premier. Un autre sous-amendement peut alors être présenté, ou le Comité peut porter son attention sur l'amendement principal et le mettre aux voix.
Une fois que tous les articles ont été mis aux voix, le Comité tient un vote sur le titre et sur le projet de loi proprement dit. Si des amendements ont été adoptés, le Comité doit donner un ordre de réimpression du projet de loi pour que la Chambre dispose d'une version à jour lors de l'étape du rapport. Pour terminer, le Comité demandera à la présidence de faire rapport du projet de loi à la Chambre. Ce rapport contient uniquement le texte des amendements adoptés, le cas échéant, et une indication des articles supprimés, s'il y a lieu.
Je remercie les membres de leur attention et je souhaite au Comité une étude article par article très productive. Si vous avez des questions, vous pouvez les poser maintenant.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Monsieur Fortin, le français n'est jamais un inconvénient.
Tout d'abord, j'aimerais remercier tout le monde de m'avoir donné l'occasion de présenter des amendements. Comme vous le savez, je ne suis pas un membre officiel du Comité permanent de la justice.
L'objectif du projet de loi m'interpelle énormément, non seulement en tant que député, mais aussi en tant que président du Caucus des parlementaires noirs.
Le travail que vous faites pour sensibiliser notre système judiciaire à la réalité de la condition féminine est très important. C'est louable, c'est essentiel. J'appuie ce projet de loi dans son entièreté. Cela dit, une belle occasion s'offre à nous d'inclure d'autres groupes dans les objectifs du projet de loi. C'est la raison pour laquelle je propose de petites modifications pour indiquer que le contexte social comprend non seulement la question de la condition féminine et des agressions sexuelles, mais aussi le racisme et la discrimination systémiques.
J'espère que vous appuierez cette modification, qui est assez générale pour inclure des groupes qui vivent de la discrimination, mais assez précise pour savoir de quoi on parle.
Un peu plus tard, je présenterai une autre modification très semblable à celle que je viens de proposer.
:
Merci, madame la présidente.
J'ai levé la main parce que je n'ai pas très bien compris ce que M. Fergus voulait dire à la fin de son intervention. Il semblait dire qu'il serait favorable à l'idée de rendre le sens plus étroit. Je crois qu'il se disait d'accord pour enlever le mot « systémiques ». Est-ce que j'ai bien compris?
On me fait signe que non. À ce moment-là, je réitère que cela pose problème.
Je sais que les témoins en ont parlé. En fait, tout le monde en parle partout au Québec, et je suis convaincu que c'est pareil dans le reste du Canada. Le mot « systémique » est devenu aussi à la mode que certains autres mots qu'on a décidé de censurer et d'évoquer seulement par la première lettre.
Cela dit, il est question de modifications à une loi. On dit que les juges vont devoir s'engager à suivre une formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social. Cela ne pose aucun problème. Or, on veut maintenant préciser que cette formation devra également porter sur le racisme et la discrimination systémiques. Je ne pense pas que l'on souhaite vraiment obliger les juges à suivre une formation sur le concept de discrimination systémique. Il revient plutôt aux parlementaires, au moment d'adopter des lois, de se demander s'il y a vraiment de la discrimination systémique dans nos organisations.
Je suis d'accord pour que les juges, qui doivent interpréter des textes de loi, suivent une formation pour être bien au courant de ce que sont le racisme et la discrimination. Je pense que c'est une bonne chose. Toutefois, on veut introduire dans une loi le mot « systémiques », une notion qui est vague. M. Fergus lui-même le disait: cela ne fait pas l'unanimité, mais il y a un certain consensus là-dessus. Si le Comité sait pertinemment qu'un mot n'est pas très clair, en tant que législateur, nous devrions éviter de l'introduire dans une loi, puisqu'il va nécessairement susciter des contestations en cour. Il y aura toujours un avocat qui interprétera ce mot à sa façon.
Si ce qu'on souhaite, c'est que les juges soient formés en matière de discrimination et de racisme, alors disons-le, et évitons d'introduire des notions trop confuses pour faire l'unanimité quand vient le temps de les interpréter.
:
J'ai quelques commentaires.
Pour répondre à ce que M. Fortin a mentionné, je dirais simplement que la notion de « systémique » est assez essentielle, et c'est un terme qui est utilisé à bon escient en ce moment par de nombreux élus et d'autres personnes.
J'aimerais attirer l'attention de tous sur la façon dont le sénateur Murray Sinclair s'est exprimé au cours de la dernière législature au moment où nous étudions, au comité du patrimoine, la discrimination religieuse et le racisme systémique. Il a dit ceci: « ... le racisme systémique est le racisme qui reste après qu'on s'est débarrassé des racistes. » Il s'agit d'une façon très élégante de parler du fait qu'il y a une très grande différence entre un geste individuel posé par une personne mal intentionnée et des règles et des normes qui sont perpétuées dans les institutions.
Je vais vous donner un exemple concret. Le comité de la justice s'est penché là-dessus et il a décidé d'éliminer les récusations péremptoires lors de la sélection des jurés. Lorsqu'on permet à un juge de décider qu'il ne veut pas d'une telle personne au sein d'un jury, simplement en regardant cette personne et sans avoir à motiver cette décision, on favorise une forme de racisme systémique dans le système de justice. En abolissant cela dans le projet de loi lors de la dernière législature, nous nous sommes attaqués à une manifestation du racisme systémique.
Je pense effectivement que ce terme est très essentiel, et j'abonde dans le même sens que M. Fergus et M. MacGregor.
Pour répondre à ce qu'a fait valoir M. Moore, je dirais que notre rôle consiste à entendre des témoins et à s'appuyer sur ces témoignages pour proposer des amendements, et c'est exactement ce que nous avons fait dans ce cas-ci. Les termes « systémique » et « discrimination systémique » ont été utilisés à de nombreuses reprises par un bon nombre de témoins, et c'est pour cette raison que cet amendement est proposé.
Je vous remercie beaucoup.
:
Merci, madame la présidente.
J'espère qu'on a réussi à clarifier les commentaires que j'ai formulés à l'intention de M. Fortin. Je ne voulais pas donner l'impression que je serais disposé à laisser tomber le mot « systémique ». Ce n'est pas le cas. Je crois que c'est un mot très important, pour les raisons que M. Virani vient de donner.
Deuxièmement, ce n'est pas parce qu'il y a un large consensus qu'il y a un consentement unanime. Toutefois, il y a bel et bien un large consensus, je pense, au sein du pays en ce qui concerne l'emploi et la signification des mots « racisme » et « discrimination systémique ». J'ai bien aimé que M. Virani donne comme exemple ce que le sénateur Sinclair a souligné.
Je voudrais donner un autre exemple. Des études ont démontré que les personnes noires ou autochtones ne sont pas davantage susceptibles de commettre un crime, si tous les facteurs sont identiques, que les personnes non autochtones ou non noires, et pourtant, lorsqu'on examine la composition des populations carcérales, on constate que les Canadiens de race noire sont de trois à quatre fois davantage représentés au sein de notre système carcéral que les Canadiens non noirs. Chez les Autochtones, la situation est pire. Leur représentation est de sept à huit fois plus élevée que leur poids démographique.
Nous savons, ou nous le soupçonnons fortement, qu'il n'y a pas de personnes racistes au sein des responsables de l'administration du système de justice, même chez les juges, et pourtant, il se passe quelque chose qui donne lieu à ce genre de statistique. C'est la nature systémique de la discrimination et du racisme qui est à l'œuvre. Ce sont ces faits qui nous obligent à poser ces questions qui nous rendent mal à l'aise, et, en incluant cela dans la formation, nous contribuons tout simplement à sensibiliser davantage les gens afin qu'ils puissent voir ce qu'ils ne voient pas habituellement. C'est dû à la nature insidieuse des problèmes systémiques.
J'espère que, grâce à ces exemples, nous pourrons aller de l'avant et en arriver à un consensus sur le fait qu'il est important d'inclure ces éléments dans le projet de loi.
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
Je suis moi aussi en faveur de l'amendement pour les raisons que d'autres ont mentionnées, particulièrement M. Fergus.
En ce qui a trait aux préoccupations soulevées par M. Moore, je peux dire que nous avons entendu des témoignages en février. Cette mesure législative n'est pas identique au projet de loi qui a été débattu et adopté en Chambre l'année dernière — vous avez tout à fait raison — mais les témoignages que nous avons entendus en février, nous ne les avons pas entendus l'année dernière, je crois, car les circonstances ont changé depuis. Je crois savoir qu'il y a un appui quasi universel à l'égard de l'utilisation de ces termes dans le présent projet de loi, et pas seulement au sein du Comité, alors, je suis très à l'aise avec cet amendement. Je comprends vos préoccupations, mais j'estime que l'amendement n'entraîne aucun problème.
En ce qui concerne ce qu'a fait valoir M. Fortin au sujet de l'emploi du mot « systémique », à savoir qu'on franchi peut-être une limite en disant aux juges ou en leur indiquant — peut-être qu'il y a une meilleure façon de le dire — ce qu'ils devraient penser et faire.
Je crois que cet argument s'applique à l'ensemble du projet de loi, et nous avons déjà franchi cette limite, monsieur Fortin, alors, je pense que l'utilisation du mot « systémique » ne pose aucun problème. Il n'indique pas du tout aux juges... et les juges ne l'interpréteront pas comme une directive, si je puis m'exprimer ainsi. En fait, je crois que les gens qui sont troublés par l'idée qu'il y a du racisme systémique ne devraient pas s'inquiéter, car je pense que, dans le cadre des cours qu'ils suivent, on pèsera le pour et le contre de tous ces arguments. C'est pourquoi j'estime qu'il y a lieu d'inclure ce mot dans l'amendement, que j'appuie, comme je l'ai dit.
Merci, madame la présidente.
:
Merci, madame la présidente.
J'aimerais soulever trois points.
D'abord, j'aimerais corriger une chose. Tantôt, mon collègue M. Virani a dit que les récusations péremptoires dans des procès avec jurés correspondaient à du racisme systémique. Je regrette, mais cela n'a absolument aucun rapport. Quand un avocat récuse un juré, c'est parce qu'il croit que cette personne ne serait pas adéquate dans les circonstances. Cela peut être à cause de son genre ou de sa race, mais aussi à cause de sa formation professionnelle ou de ses antécédents judiciaires, ou parce qu'elle a déjà été victime d'un crime. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles un avocat va récuser un candidat juré, et elles n'ont rien à voir avec du racisme systémique. C'est complètement autre chose. Il est important de bien le comprendre, sinon on va s'égarer sur des voies qui ne mènent nulle part. C'était le premier point.
Deuxièmement, le projet de loi que nous sommes en train d'étudier vise à ce que les juges reçoivent une formation sur les agressions sexuelles. C'est un projet de loi sur lequel on travaille depuis des années. Il a été déposé au départ par Mme Ambrose, du Parti conservateur. Le Bloc québécois avait appuyé ce projet de loi et il l'appuie toujours. Or maintenant, on propose que le projet de loi aille plus loin qu'une formation sur les agressions sexuelles: on veut que la formation porte aussi sur le racisme et la discrimination, qu'on veut qualifier de « systémiques ». On s'éloigne beaucoup de l'intention de départ. On est parti acheter des patates et on revient à la maison avec des fraises. Je regrette, mais cela ne fonctionne pas. Je ne pense pas qu'on puisse faire cela.
J'ai un troisième élément à ajouter. Le projet de loi qui avait été prévu porte sur les agressions sexuelles. Si on veut parler également de racisme et de discrimination, c'est très bien, il pourrait être opportun de le faire. Cependant, on devra faire un autre projet de loi et entendre d'autres témoins sur le sujet. Je suis d'accord sur ce que M. Moore disait tantôt: aucun des témoins entendus n'est venu nous parler de discrimination systémique ou de racisme systémique.
Encore une fois, il est question de faire suivre une formation aux juges sur les agressions sexuelles, parce que, malheureusement, les victimes de telles agressions qui doivent témoigner à un procès après avoir porté plainte ne sont pas toujours considérées avec toute l'attention qu'elles devraient recevoir compte tenu du crime dont elles ont été victimes. C'est à cela qu'on voulait remédier. On voulait s'assurer que les juges comprennent qu'une victime d'agression sexuelle, homme ou femme, qui doit témoigner doit être considérée d'une façon particulière, compte tenu du crime commis.
Le racisme est un vaste sujet. Je ne dis pas que ce n'est pas vertueux. Le racisme existe, la discrimination existe. Doit-on en traiter? Je pense que oui. Cependant, on ne peut pas mêler cela avec une formation sur les agressions sexuelles. On sort de la portée du projet de loi.
Si c'est ce qu'on veut faire, alors on va rouvrir le débat, entendre de nouveaux témoins et recueillir d'autres mémoires. Personnellement, j'apporterai des arguments beaucoup plus précis sur le sujet.
Aujourd'hui, je suis ici pour parler de la formation des juges en ce qui concerne les procès pour agressions sexuelles.
Je tiens à préciser que je consulte le greffier et les conseillers législatifs afin de déterminer si, du point de vue de la procédure, on ne dépasse pas la portée du projet de loi. Il appartient à la personne qui met en doute la recevabilité d'un amendement de faire valoir ces arguments, et ensuite, je rendrai une décision. C'est en quelque sorte la façon de faire qui a été adoptée dans le passé, et je consulte également le greffier. J'espère que cela répond clairement à votre question.
Nous allons maintenant passer à un vote par appel nominal au sujet de l'amendement LIB-1. Pouvez-vous faire un signe si vous souhaitez un vote par appel nominal?
Monsieur le greffier, veuillez procéder à un vote par appel nominal en ordre alphabétique.
(L'amendement est adopté par 10 voix contre 1. [Voir le Procès-verbal])
(L'article 1 modifié est adopté par 10 voix contre 1.)
(Article 2)
La présidente: Je vous remercie, monsieur le greffier.
Nous allons maintenant passer à l'article 2. Nous sommes d'abord saisis de l'amendement PV-1.
Pour que ce soit clair pour tout le monde, je tiens à dire que, si l'amendement PV-1 est adopté, l'amendement LIB-2 ne peut pas être proposé, conformément à ce qui est stipulé dans La procédure et les usages de la Chambre des communes: « Les amendements doivent être proposés dans un ordre qui suit le texte à modifier. Une fois que le comité a modifié une ligne d'un article, il ne peut la modifier de nouveau par un autre amendement: une ligne ne peut être modifiée qu'une seule fois. »
Nous passons maintenant à l'amendement PV-1.
:
Je remercie Mme Atwin de participer à la toute première étude article par article virtuelle, alors que nous tentons de nous débrouiller tant bien que mal au cours de la présente législature.
Je pense que le Parti vert, par l'entremise de Mme Atwin, formule d'importantes propositions. Je tiens à réitérer que, moi-même et un grand nombre de mes collègues libéraux, nous tenons à nous assurer que la terminologie employée en ce qui a trait au contexte social permette de clarifier ce qu'on entend par contexte social. Selon nous, c'est le racisme systémique et la discrimination systémique.
D'autres amendements du Parti libéral qui suivront comportent exactement ces termes. Nous les avons choisis très délibérément. Nous voulions que la formulation soit aussi large que possible sans toutefois énumérer certains concepts, catégories, groupes ou populations, ce qui pourrait laisser la porte ouverte à la possibilité d'exclure des éléments involontairement ou par inadvertance. Plutôt que d'énumérer des catégories précises, nous avons choisi — en faisant preuve de créativité sur le plan de la rédaction — d'inclure des concepts comme le racisme systémique et la discrimination systémique, qui, nous l'espérons, sont suffisamment vastes pour englober un grand nombre des éléments qui ont été suggérés par un bon nombre de parlementaires, dont Mme Atwin.
Ainsi, je suis en faveur de l'amendement LIB-2 plutôt que de l'amendement PV-1, alors je vais voter contre l'amendement PV-1.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné la parole.
Je vous remercie, madame Atwin, d'avoir fait cette suggestion utile.
:
Pardon, madame la présidente.
Je disais donc que j'ai écouté l'intervention de M. Fergus. Suivant la même logique, je vais être contre cette proposition.
Je réitère que cela n'a rien à voir. Je me demande, madame la présidente, s'il n'y a pas lieu d'invoquer le Règlement. Cela n'a rien à voir avec l'objet de ce projet de loi, lequel vise à donner de la formation aux juges sur la question des victimes d'agressions sexuelles. Là, on propose de donner de la formation aux juges concernant le racisme, la discrimination, l'oppression, l'oppression systémique, le racisme systémique, la discrimination systémique.
Les juges suivent déjà de la formation sur plein de sujets. On n'est pas là pour former des juges, ils sont déjà formés. Le projet de loi parle de former les juges sur les particularités des victimes d'agressions sexuelles. Ce qu'on propose est hors sujet et n'a rien à voir avec ce qui a été annoncé. À mon avis, c'est irrecevable, même que je ne suis pas certain que ce comité ait le droit, légalement, de se prononcer là-dessus sans avoir entendu de témoins ni avoir annoncé ses travaux sur ces questions.
Pour tous ces motifs, je suis contre la proposition.
:
Merci, monsieur Fortin.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le greffier, et je m'adresse aussi aux analystes, s'il est possible d'apporter les modifications nécessaires à la version française de telle sorte que l'on puisse remplacer « présente » par « doit présenter »?
Je vais maintenant mettre l'amendement aux voix.
L'amendement proposé par M. Fortin est-il adopté?
Monsieur le greffier, veuillez procéder au vote par appel nominal.
(L'amendement est adopté par 10 voix contre 1 [Voir le Procès-verbal])
La présidente: Merci, monsieur le greffier. L'amendement proposé par M. Fortin est adopté.
Nous passons maintenant à l'amendement LIB-3 qui a été proposé par M. Battiste.
Monsieur Battiste, pourriez-vous nous parler de votre amendement?
:
Merci, madame la présidente.
Je commencerai par dire que cet amendement est très semblable à celui proposé par mon collègue Greg Fergus, en sa qualité de porte-parole du caucus des Noirs. J'ai beaucoup apprécié les délibérations entre le caucus des Noirs et le caucus autochtone, et je crois que cet amendement ouvre des portes. Les Canadiens s'attendent à ce que les juges aient la formation nécessaire pour comprendre la nature complexe du biais inconscient et l'incidence des compétences interculturelles sur les décisions judiciaires, comme ils s'attendent à ce que les juges comprennent comment les mythes entourant l'agression sexuelle et le consentement peuvent se répercuter sur leurs jugements. Bien que nous comprenions que la justice est aveugle, tout le monde sait bien que les Canadiens racialisés vivent du racisme systémique dans notre système judiciaire.
Nous avons besoin de solutions tout aussi systémiques pour changer le paradigme. L'éducation est essentielle pour combattre les biais inconscients. La CVR en a justement parlé dans ses appels à l'action, tout comme le groupe sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues.
Il y a à peine quelques jours, le Globe and Mail a publié un reportage en profondeur sur les Canadiens noirs et autochtones dans le système de justice. On pouvait y lire que selon le dernier recensement, les Autochtones et les Noirs représentaient 4,8 % et 3,5 % de la population canadienne, alors qu'ils forment, selon Statistique Canada, 25 % et 8,7 % de la population carcérale dans les pénitenciers fédéraux. Il est important de veiller à ce que les juges soient éduqués sur le racisme systémique et la discrimination, et je pense que le projet de loi nous fournit l'occasion que les diverses juridictions du pays fassent leur part pour réagir à ces études.
Quand nous avons parlé du contexte social, c'est ce que j'ai compris de l'intervention de M. Fergus, son amendement est venu clarifier le contexte social. Nous avons l'occasion, à ce comité, de prendre ces mesures importantes pour cheminer vers la réconciliation et combattre le racisme systémique, tout en respectant l'intention originale du projet de loi, en clarifiant bien ce qu'on entend par le contexte social.
Merci.
:
Merci, monsieur Fortin. Merci, monsieur le greffier, de cette précision.
Je mets maintenant aux voix l'amendement proposé par M. Fortin afin de modifier l'article 3, à la page 3, ligne 4, par substitution de « must » par « should ».
Monsieur le greffier, je vous prie de procéder au vote par appel nominal.
(L'amendement est adopté par 10 voix contre 1. [Voir le Procès-verbal])
La présidente: L'amendement proposé par M. Fortin est adopté.
Monsieur Fortin, l'amendement suivant est également de vous. Vous pouvez nous le présenter avant que nous ne votions sur l'article en entier. Votre amendement suivant, si j'ai bien compris, modifie l'article 3, à la page 3, ligne 20. Vous en avez déjà parlé par inadvertance, donc je vous demanderais de poursuivre. Vous proposez de remplacer le mot « the » par « any » dans le contexte d'un rapport.
Allez-y, monsieur Fortin.
:
Merci, madame la présidente.
Je suis heureuse de pouvoir m'exprimer à ce sujet devant le Comité.
J'étais vice-présidente du comité de la condition féminine quand nous avons étudié le projet de loi après son dépôt au Parlement. J'en ai une copie signée dans mon bureau.
J'aimerais féliciter Mme Ambrose et les membres du comité de la condition féminine d'alors, parce que nous avons vraiment su collaborer au-delà de nos couleurs politiques.
Nous avions discuté abondamment du bien-fondé d'inclure ou non les motifs écrits. Quand le projet de loi nous a été soumis la première fois, nous l'avions modifié afin de prescrire que les motifs non consignés au procès-verbal soient fournis par écrit. Je me demande, madame la présidente, si je peux vous lire quelques extraits des témoignages recueillis en avril 2017.
La juge Kent, que je connais, a comparu devant le comité de la justice. Elle a dit en 2017 que si l'on « autorise l'accès aux enregistrements sonores, c'est beaucoup mieux ».
En 2017, toujours, une représentante du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels a également affirmé: « Il est important de veiller à ce qu’une nouvelle loi n’entraîne pas de retards supplémentaires dans le système de justice pénale. Il faudrait assurément tenir compte de cet aspect en ce qui concerne l’exigence des décisions écrites. »
Enfin, dans son mémoire, l'Association des femmes autochtones du Canada écrivait, en 2017, ce qui suit: « Bien que la justice doive être rendue le plus rapidement possible, l’emprisonnement des délinquants autochtones ne doit pas être prolongé indûment dans l’attente de la fin du procès en raison de la nécessité de produire les motifs écrits. [...] En général, les délinquants autochtones n’obtiennent pas la mise en liberté sous caution et demeurent emprisonnés durant leur procès. »
Madame la présidente, la Cour suprême a, dans l'arrêt R. c. Jordan, établi les limites selon lesquelles les tribunaux doivent rendre leur décision. Bien que l'intention à la base de l'amendement proposé par le député soit louable — une intention qui a suscité énormément de discussions entre nous au comité de la condition féminine —, je crois qu'en fin de compte, cela impose un fardeau indu à l'appareil judiciaire et pourrait même avoir des conséquences néfastes sur les survivantes d'agressions sexuelles qui voudraient voir ces motifs écrits. Les enregistrements sonores sont accessibles. C'est une concession que nous avions faite pour que les survivantes aient accès à quelque chose.
Je voulais simplement vous donner ce contexte. Je ne peux pas voter, mais je n'appuierais pas cet amendement si je pouvais voter. Je ne crois pas que ce soit la bonne chose à faire.
Merci, madame la présidente.
:
J'ai un amendement, le PV-4, sur le préambule. Or, comme le PV-1 a été rejeté, le PV-4 est inadmissible, puisqu'aucun amendement au projet de loi ne justifie de modifier le préambule.
Le préambule est-il adopté?
Monsieur le greffier, veuillez tenir le vote par appel nominal.
(Le préambule est adopté par 11 voix contre 0.)
La présidente: Le titre est-il adopté? Avons-nous le consentement unanime du Comité?
Des députés: D'accord.
La présidente: Le projet de loi modifié est-il adopté?
Des députés: D'accord.
(Le projet de loi C-3 modifié est adopté. [Voir le Procès-verbal])
La présidente: La présidence peut-elle faire rapport du projet de loi modifié à la Chambre?
Des députés: D'accord.
La présidente: Le Comité doit-il demander la réimpression du projet de loi pour usage à l'étape du rapport?
Des députés: D'accord.
La présidente: Je félicite le Comité. Nous avons terminé notre première étude article par article en formule hybride. Vous avez été formidables. Je vous en suis très reconnaissante.
Avant de lever la séance, j'aurais quelques informations à vous transmettre. Comme le comité de direction en a convenu, vous avez jusqu'à aujourd'hui pour nous faire parvenir votre liste de témoins sur le projet de loi , donc n'oubliez pas de l'envoyer au greffier. La semaine prochaine, le ministre comparaîtra sur le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses, comme nous l'avons décidé au début de la séance.
S'il n'y a pas d'autres questions administratives...