La séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à la 13e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, où nous allons entreprendre l’examen du projet de loi
S’agissant de nos règles de fonctionnement, je vous demande de parler lentement et clairement afin que les interprètes puissent faire leur travail. Lorsque vous n’avez pas la parole, assurez-vous que votre micro est fermé. Vous pouvez choisir le canal d’interprétation que vous voulez en appuyant sur l’icône situé en bas de votre écran.
Nous avons la chance d’accueillir aujourd’hui deux ministres au sujet du projet de loi . Je souhaite donc la bienvenue à l’honorable David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada, ainsi qu’à l’honorable Bardish Chagger, ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse.
Nous accueillons aussi plusieurs fonctionnaires: François Daigle, sous-ministre délégué, et Robert Brookfield, sous-ministre adjoint délégué, représentent le ministère de la Justice, et Fernand Comeau, directeur exécutif du Secrétariat LGBTQ2, représente le ministère du Patrimoine canadien.
Je vais donner la parole aux deux ministres pour qu’ils puissent faire leur déclaration liminaire. Ils auront droit à cinq minutes chacun, et ensuite nous passerons aux questions.
Nous allons commencer par vous, madame la ministre. Vous avez cinq minutes.
Allez-y.
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Madame la présidente, membres du Comité, j’aimerais d’abord souligner que je me joins à vous depuis Waterloo sur le territoire traditionnel des peuples Anishinabeg, Haudenosaunee et Neutre.
Je vous remercie de votre invitation à discuter du projet de loi aux côtés de mon collègue, l’honorable David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada.
La pratique des thérapies de conversion est basée sur une idée malavisée: celle que l’orientation sexuelle et l’identité ou l’expression de genre d’une personne peuvent et doivent être changées pour cadrer avec une perspective réduite de la « normalité ».
[Français]
Cette idée n'est pas seulement fausse, elle est néfaste. Ces pratiques n'ont pas lieu d'exister dans notre société.
Le gouvernement du Canada se doit de défendre les personnes attaquées ou persécutées pour ce qu'elles sont. Nous devons défendre, sans discrimination et sans violence, toutes les personnes que l'on empêche de s'épanouir. Nous avons le devoir de protéger les droits et les libertés de tous les Canadiens et de bâtir un pays sûr, accueillant et inclusif.
[Traduction]
En tant que ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse, je suis responsable de promouvoir, défendre et encourager la diversité et l’inclusion au Canada. Je suis fermement déterminée à y parvenir et à soutenir les communautés LGBTQ2 d’un bout à l’autre du pays.
Les modifications que nous proposons au Code criminel, dans le projet de loi , apporteront soutien et protection aux personnes LGBTQ2 par la criminalisation des efforts systématiques visant à forcer une personne à adopter une orientation sexuelle, identité de genre ou expression de genre contraire à ce qu’elle est.
Il y a eu des commentaires sur les intentions de ce projet de loi. Je tiens à être parfaitement claire. Ce projet de loi ne criminalise aucunement les convictions religieuses ou les valeurs d’une personne. Ce projet de loi ne criminalise aucunement les conversations exploratoires avec les enfants, les étudiants et les mentors. Ce projet de loi s’attaque aux efforts coercitifs et coordonnés visant à changer une personne en ce qu’elle n’est pas.
Le projet de loi nous permet aussi de garantir les droits en matière d’égalité, y compris la religion et les droits des personnes LGBTQ2. Le projet de loi n’établit pas de hiérarchie des droits.
Cette année, j’ai participé à des tables rondes pour discuter des enjeux qui touchent les communautés LGBTQ2. Ces rencontres qui se faisaient autrefois en personne sont devenues virtuelles. La pandémie de COVID-19 a secoué le monde entier. Toute la population canadienne a subi ses effets et certaines franges beaucoup plus que d’autres — les communautés LGBTQ2 ne font pas exception.
Lors de ces rencontres, j’ai reçu des témoignages sans équivoque des ravages causés par les thérapies de conversion. Je suis déchirée à l’idée qu’une autre génération puisse encore subir des thérapies de conversion. Il est essentiel de reconnaître ce qu’ont vécu les personnes dont les vies ont été emportées, ainsi que les personnes qui ont survécu. Je ne peux m’empêcher de penser à toutes celles dont les vies sont détruites en ce moment même.
Nous avons tous un rôle à jouer lorsque vient le temps de bâtir un Canada meilleur, plus sûr et plus délibérément inclusif pour tous et toutes. Ensemble, bâtissons un avenir meilleur où les enfants, qui viennent au monde l’âme innocente et heureuse, n’apprendront pas l’intolérance et n’auront pas honte de s’affirmer. Imaginons un Canada où toutes les personnes seraient libres de mener une vie authentique en accord avec leur être véritable. Imaginons la contribution qu’elles pourraient apporter à notre société.
[Français]
Vendredi dernier, j'ai eu le plaisir d'annoncer que nous avions franchi une première étape vers le tout premier plan d'action fédéral LGBTQ2 avec le lancement d'un sondage fédéral LGBTQ2. Ce sondage sera accessible jusqu'au 28 février et il orientera les travaux de notre gouvernement visant à améliorer les résultats sociaux, sanitaires et économiques des diverses communautés LGBTQ2 partout au Canada.
[Traduction]
Le Justin Trudeau dit souvent que la diversité du Canada est l’une de nos plus grandes forces. Les diverses formes d’identité de genre, d’expression de genre et d’orientation sexuelle font partie de notre diversité.
J’aimerais rappeler pourquoi il est important de nous mettre d’accord de façon constructive aujourd’hui. J’aimerais que nous soyons tous et toutes bien conscients de la dimension humaine de cet enjeu et des ravages qui sont causés ici. Il s’agit d’une réalité que beaucoup subissent et continuent à subir au Canada. Nous avons le devoir, en tant que parlementaires, de protéger la population canadienne contre cette pratique néfaste et dévastatrice.
Le projet de loi se veut un pas de plus vers l’inclusion au Canada. L’abolition des thérapies de conversion au pays était une promesse électorale, mais je peux vous assurer qu’on la réclamait constamment dans les tables rondes que j’ai animées auprès des communautés LGBTQ2.
Je vous remercie de votre attention. Je vais écouter la déclaration du ministre Lametti et ensuite je serai prête à répondre à vos questions.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Chers collègues, je suis à Ottawa. Je participe donc à cette réunion à partir du territoire traditionnel des Algonquins.
Je suis heureux de vous parler aujourd'hui des réformes du droit pénal proposées dans le projet de loi .
Le soutien quasi unanime qui a mené au renvoi du projet de loi à ce comité reflète l'importance capitale de ce projet de loi. Je tiens tout d'abord à remercier ceux qui ont courageusement parlé de leur propre expérience de discrimination. Ce sont ces réalités vécues par les personnes LGBTQ2 qui nous permettent de mieux comprendre pourquoi le projet de loi est si essentiel à la protection de leur dignité et de leur égalité.
Plus particulièrement, le projet de loi C-6 et les cinq nouvelles infractions pénales qu'il propose ciblent une pratique qui est discriminatoire quant aux personnes LGBTQ2 du fait que, selon cette pratique, ces dernières peuvent et doivent changer une partie fondamentale de leur identité, à savoir leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Cette pratique trouve ses racines dans l'idée erronée et discriminatoire selon laquelle les orientations non hétérosexuelles et les identités non cisgenres sont des maladies qui peuvent être « corrigées ».
En bref, son origine trahit les points de vue discriminatoires sur lesquels la pratique est fondée. Ces points de vue sont complètement en décalage avec la science moderne. Il n'est pas surprenant que la thérapie de conversion soit vue comme étant inefficace et néfaste pour les personnes qui y sont soumises.
[Traduction]
Je vais m’attarder sur la définition que le projet de loi donne de la thérapie de conversion, car une certaine confusion semble persister quant à sa portée.
Le projet de loi définit la thérapie de conversion de la façon suivante: « thérapie de conversion s’entend d’une pratique, d’un traitement ou d’un service qui vise soit à rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre, soit à réprimer ou à réduire toute attirance ou tout comportement sexuel non hétérosexuels ». Cette définition comporte donc deux éléments: premièrement, le comportement dont il est question est assimilé à une pratique, un traitement ou un service; et deuxièmement, cette pratique, ce traitement ou ce service vise l’un des objectifs prohibés.
Les termes « traitement », « service » et « pratique » sont utilisés dans le Code criminel et dans plusieurs autres lois fédérales et provinciales, y compris dans les définitions que les lois provinciales adoptées dans ce domaine donnent de la thérapie de conversion. Par exemple, la loi de l’Île-du-Prince-Édouard reprend précisément les termes « pratique, traitement ou service ».
Il convient de noter que ces termes ne sont définis dans aucun de ces contextes, sans doute parce qu’ils ont une signification tout à fait claire. Dans la définition que le projet de loi donne de la thérapie de conversion, le terme « traitement » s’entend d’une thérapie ou d’une procédure utilisée pour soigner une affection médicale, selon le dictionnaire Merriam-Webster. On emploie également ce terme, en lui donnant la même signification, dans les dispositions du Code criminel qui portent sur les troubles mentaux, par exemple au paragraphe 672.59.
Dans ce contexte, le terme « service » s’entend d’un travail qui ne produit pas un bien tangible, toujours selon le dictionnaire Merriam-Webster. Ce terme est employé avec la même signification dans les dispositions sur la traite des personnes qui stipulent, au paragraphe 279.04 du Code criminel, que les trafiquants amènent une personne « à fournir — ou à offrir de fournir — son travail ou ses services ». On retrouve également ce terme dans la Loi sur le cannabis, où il est question d’avoir recours aux « services d’un jeune » dans la perpétration d’une infraction liée au cannabis, ou de services liés au cannabis dans le contexte d’une activité commerciale.
Le terme « pratique » s’entend d’une action répétée ou habituelle, toujours selon le dictionnaire Merriam-Webster. Ce terme est utilisé avec la même acception dans les dispositions du Code criminel qui concernent les paris illégaux, à l’article 203, ainsi que dans celles qui concernent la cruauté envers les animaux, au paragraphe 445.2.
Tous ces termes sous-entendent une intervention établie ou officielle, qui est généralement offerte au public ou à une partie du public. Une simple conversation ne peut donc pas être considérée comme une pratique, un service ou un traitement, à moins qu’elle ne fasse partie d’une intervention officielle, comme une thérapie par la parole.
[Français]
La deuxième partie de la définition réduit encore sa portée. Les pratiques, les services ou les traitements doivent être spécifiquement conçus pour atteindre des objectifs clairement définis. C'est pourquoi la définition utilise les termes « hétérosexuel », « cisgenre » et « non hétérosexuel ». Plus précisément, pour être visée par la définition, l'intervention doit être conçue pour rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre, ou pour réprimer ou réduire toute attirance ou tout comportement sexuel non hétérosexuels.
Cela signifie que les pratiques, les services ou les traitements qui visent à atteindre d'autres objectifs, tels que l'abstinence de toute activité sexuelle, la lutte contre la dépendance sexuelle ou les comportements sexuels criminels — par exemple, les agressions sexuelles à l'égard des enfants —, ne sont clairement pas visés par la définition. Les pratiques médicales ou thérapeutiques légitimes ne peuvent pas non plus entrer dans la définition, comme les interventions visant à soutenir la transition de genre d'une personne, l'observation vigilante pour les jeunes dont l'identité de genre ne correspond pas à son sexe assigné à la naissance ou la détransition pour ceux qui la choisissent.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les deux ministres de leurs déclarations liminaires au sujet du projet de loi .
Des parties prenantes nous ont dit craindre que le projet de loi ne vise des conversations de bonne foi destinées à aider des gens à définir leur sexualité. Que ce soit intentionnel ou non, ces craintes sont très réelles.
Quand le projet de loi a été présenté, le site web du ministère de la Justice indiquait qu’il ne visait pas:
... les conversations privées dans lesquelles des opinions personnelles sur l’orientation sexuelle ou les sentiments sexuels ou l’identité de genre sont exprimées, comme lorsque des enseignants, des conseillers scolaires, des conseillers pastoraux, des chefs religieux, des médecins, des professionnels de la santé mentale, des amis ou des membres de la famille fournissent du soutien aux personnes qui se posent des questions au sujet de leur orientation sexuelle, de leurs sentiments sexuels ou de leur identité de genre.
Tout le monde s’entend pour dire qu’il faut interdire à quiconque d’obliger une personne à changer d’orientation sexuelle ou de genre. Mais j’aimerais demander aux fonctionnaires du ministère de la Justice si on ne pourrait pas tout simplement reprendre, dans le projet de loi, une formulation identique ou similaire à celle du site web du ministère de la Justice, pour que les choses soient plus claires.
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Permettez-moi de répondre.
Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, que j’ai prononcée surtout en français, nous estimons que la définition englobe tout ce que vous préconisez en toute bonne foi. Comme je l’ai dit, cette définition comporte deux éléments — le premier est qu’il doit s’agir d’une pratique, d’un traitement ou d’un service, et le deuxième, que cette pratique, ce traitement ou ce service poursuit un objectif prohibé… Cela englobe donc ce que dit le site web du ministère de la Justice. Autrement dit, le projet de loi ne vise pas les conversations qu’on peut avoir de bonne foi avec une personne pour l’aider à définir son identité.
La définition de thérapie de conversion est d’ailleurs suivie, dans le projet de loi, d’une disposition introduite par l’expression « Il est entendu que la présente définition ne vise pas… » qui, même si elle n’est pas indispensable sur le plan juridique, englobe bien tout ce que vous proposez.
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Merci, monsieur le ministre.
S’agissant des organisations qui sont parties prenantes, le CIJA, par exemple, a présenté un mémoire aujourd’hui dans lequel ils se disent favorables aux objectifs du projet de loi. En fait, celui qui a rédigé ce mémoire est un ancien député, Richard Marceau, qui défend depuis longtemps les droits des LGBTQ. Mais le CIJA, dans son mémoire, estime que le libellé du projet de loi est ambigu.
Je sais que, pendant le débat en seconde lecture, vous avez indiqué que vous seriez prêt à travailler avec des députés de l’opposition pour essayer de dégager un consensus, afin de corriger la chose. Seriez-vous au moins prêt à examiner des amendements si… d’autres témoins soulignent cette ambiguïté, afin que nous puissions rassurer les groupes que cela préoccupe.
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Merci, madame la présidente.
Je salue mes collègues, les ministres et leurs collaborateurs.
Ma première question s’adresse à la ministre.
Votre portefeuille me fascine, madame la ministre, car je suis convaincu que la diversité, la jeunesse et l’inclusion sont notre avenir. J’ai travaillé pendant des années avec des jeunes de Cape Breton-Canso, et je tiens à vous remercier de tout ce que vous faites pour encourager les gens à se faire entendre.
Justin Trudeau est le à avoir présenté ses excuses aux fonctionnaires LGBTQ2 et aux membres des Forces armées canadiennes qui ont été victimes de persécution et de discrimination à cause de ce qu’ils sont. Je pense que notre gouvernement a fait quelque chose de très important en faveur de ces Canadiens qui ont été marginalisés pendant trop longtemps.
Ma question, madame la ministre, est la suivante: pensez-vous que ce projet de loi poursuive le même objectif?
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Madame la présidente, je remercie le député de sa question.
J’en ai la conviction. Lorsque nous avons commencé à en parler, je n’étais pas ministre, et tout ce travail se poursuit depuis deux mandats.
Depuis que je suis devenu ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse, nous avons pris des mesures qui ont renforcé ce qui avait été fait auparavant. Je pense que c’est très important que nous poursuivions nos efforts.
Outre les excuses qui ont été présentées, on a nommé, pour la première fois, un conseiller spécial sur les questions LGBTQ2 auprès du premier ministre. Il s’agissait de Randy Boissonnault. Depuis, nous avons un ministre à part entière au Cabinet.
En mars 2017, nous avons créé le premier secrétariat LGBTQ2, à la suite de nos rencontres avec les communautés LGBTQ2. Et je suis particulièrement heureuse de voir que mon collègue Fernand Comeau participe à notre réunion, car il a constitué une équipe fabuleuse qui nous permettra de poursuivre nos efforts de façon encore plus inclusive.
Ce projet de loi est le fruit de tous ces efforts, et c’est pour cela que je suis très confiante.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Bonjour, monsieur Lametti et madame Chagger.
Monsieur Lametti, au Bloq québécois, nous accueillons favorablement ce projet de loi. Je pense, effectivement, qu'il faut exercer un certain contrôle et éviter le genre de dérapage qui consiste à tenter de modifier l'orientation sexuelle de l'un ou de l'autre. Cependant, le projet de loi comporte des zones d'ombre. Vous avez déjà donné certaines réponses à mes collègues sur ces points.
J'aimerais aborder encore la question de ce qui peut être fait ou non lors de discussions avec ces personnes. L'article 5 du projet de loi viendrait modifier le Code criminel par l'adjonction de l'article 320.101. On dit ceci:
320.101 [...] Il est entendu que la présente définition ne vise pas les pratiques, les traitements ou les services qui se rapportent:
b) à l’exploration ou à la construction de son identité.
Il en a beaucoup été question, mais j'aimerais vraiment que vous me précisiez ce que visent les mots « à l'exploration ou à la construction de son identité » dans le projet de loi. Il me semble qu'ils ouvrent la porte à une interprétation très large.
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Je me répète, mais je pense qu'il faut encadrer ces pratiques. Je ne suis pas en train de dire que le projet de loi n'a pas sa place, au contraire. Je dis qu'il y a ici une zone d'ombre et qu'il va être très difficile de la définir. Il va y avoir des décisions contradictoires des tribunaux en fonction de chacun des dossiers.
Je suis de ceux qui pensent que les tribunaux doivent avoir une certaine marge de manœuvre, mais je pense aussi que le législateur se doit de faire des lois les plus claires possible. Ici, je suis d'avis que le champ d'interprétation est très vaste.
Cela étant dit, il y a un autre aspect qui me préoccupe, soit la question de l'âge quant au consentement. On parle de « moins de 18 ans ». Vous savez que, au Québec, le Code civil prévoit que les enfants sont en âge de prendre des décisions quant à leur santé à partir de 14 ans. Il s'agit plus précisément de l'article 14 du Code civil du Québec.
Comment conciliez-vous la position du législateur dans le projet de loi et la position du Code civil du Québec pour ce qui est de l'âge quant au consentement? Si vous ne le conciliez pas, pouvez-vous m'expliquer ce choix?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Si vous le permettez, je voudrais, à titre de porte-parole du NPD en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre, vous rappeler qu’aujourd’hui, c’est la Journée mondiale du sida. En tant qu’homosexuel d’un certain âge, je suis très heureux que nous en soyons enfin arrivés au point où nous pouvons envisager l’élimination du sida, qui est un véritable fléau pour la population tout entière, plus seulement pour les homosexuels.
J’ai inscrit aujourd’hui plusieurs questions au Feuilleton que j’aimerais porter à l’attention de la ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse. Elles concernent les mesures que le gouvernement entend prendre pour s’assurer que les nouvelles méthodes de dépistage seront accessibles aux communautés éloignées et marginalisées, car pour éradiquer le sida, il faut que ceux qui sont exposés au risque sachent s’ils sont positifs.
J’aimerais maintenant revenir au sujet du jour, c’est-à-dire le projet de loi, et dire d’emblée que je continue d’appuyer totalement l’ensemble de ce texte, même s’il n’interdit pas catégoriquement toutes les thérapies de conversion. J’aimerais discuter avec le ministre de la Justice de l’exclusion, dans ce projet de loi, de ce qu’on appelle les « adultes consentants ».
Je sais que le ministre craint une contestation au titre de la Charte, mais j’aimerais savoir si, à part ce risque, il serait possible d’inclure les adultes dans ce projet de loi sans pour autant compromettre l’ensemble du projet de loi, en cas de contestation au titre de la Charte.
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Merci beaucoup, monsieur Garrison, de me poser cette question qui, je le sais, vous touche très personnellement.
S’agissant des adultes, nous avons essayé de le restreindre uniquement aux adultes consentants. La contrainte est un concept juridiquement reconnu, et par conséquent, les adultes vulnérables seront protégés par le projet de loi.
Pour autant, vous avez raison de dire que je crains une contestation au titre de la Charte. Pour un adulte qui est capable de donner son consentement, qui n’est pas vulnérable à la contrainte et qui n’est pas soumis à la contrainte, ce serait difficile de le défendre devant un tribunal.
Les esprits les plus brillants de mon ministère ont essayé de trouver une solution, mais en vain. C’est une position de départ, je le reconnais, et je suis prêt à examiner toute proposition que vous me ferez à ce sujet.
Comme il me reste très peu de temps, je voudrais m’adresser à la ministre de la Diversité et de l’Inclusion.
Vous avez entrepris un sondage dans le but d’élaborer un plan d’action. J’ai jeté un coup d’oeil à ce sondage et j’ai constaté que, malheureusement, on n’y mentionne pas d’initiatives précises. Certes, il vous permettra de recueillir des informations utiles sur la situation actuelle, mais il ne demande même pas aux répondants, par exemple, s’ils sont en faveur d’une interdiction des thérapies de conversion ou s’ils appuient telle ou telle mesure du gouvernement.
La ministre pourrait-elle nous préciser quels types de mesures ce sondage va permettre de planifier?
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Je tiens, par l’entremise de la présidente, à remercier le député non seulement de ses observations et de sa question, mais aussi de son militantisme et du rôle essentiel qu’il a joué dans l’élaboration du projet de loi dont le Comité est actuellement saisi.
S’agissant des thérapies de conversion, je pense, comme on l’a dit tout à l’heure, que la majorité des Canadiens approuvent leur interdiction. C’est la raison pour laquelle il faut que le Comité fasse son travail et qu’il s’assure que le projet de loi répond à cette attente. À l’instar du ministre Lametti, je vous invite à nous signaler toute omission involontaire de notre part. Quant à l’interdiction de cette pratique, les communautés nous ont clairement dit que ce n’était pas négociable, qu’il fallait l’interdire au Canada.
Le sondage nous permettre de planifier d’autres mesures, en fonction des besoins exprimés par les communautés et de la façon dont nous pouvons y répondre. Cela s’ajoutera au travail que nous avons déjà fait dans le cadre des tables rondes que nous avons organisées, car nous devons nous assurer que le gouvernement répond aux besoins des communautés de façon proactive et encore plus inclusive. C’est aussi la raison pour laquelle Fernand m’accompagne aujourd’hui. Son secrétariat coordonne ses activités avec tous les autres ministères et agences. Notre gouvernement...
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Merci, madame la présidente.
Ma question s’adresse à la ministre. Madame la ministre, nous avons entendu des centaines et des centaines de témoignages bouleversants d’hommes de tous âges qui ont subi une thérapie de conversion mais qui s’en sont finalement sortis. Leurs témoignages montrent bien les conséquences dévastatrices de cette thérapie, notamment la dépression et les pensées suicidaires. En fait, les premiers résultats du sondage de 2019-2020 indiquent que l’orientation sexuelle, l’identité de genre et la dépression sont des facteurs.
Le projet de loi dont nous sommes saisis est sans doute l’un des textes les plus progressistes qu’un gouvernement ait jamais proposé pour interdire, criminaliser et éradiquer ces pratiques déplorables. Il était grand temps.
Toutefois, madame la ministre, j’aimerais vous demander si vous êtes vraiment sûre que ce projet de loi est l’outil qu’il nous faut, aujourd’hui, pour éradiquer la pratique de la thérapie de conversion.
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Merci de votre question.
Je dirai pour commencer que j’ai éprouvé une grande satisfaction de voir tous les membres de votre comité, de quelque parti qu’ils soient, voter pour le projet de loi à la Chambre et l’envoyer en comité. J’espère que nous arriverons à nous entendre pour le renvoyer à la Chambre le plus rapidement possible. Cela montre que nous sommes tous d’accord pour dénoncer et criminaliser la pratique qui consiste à faire des efforts systématiques pour changer l’orientation sexuelle de quelqu’un, son identité de genre ou son expression de genre, surtout s’il s’agit d’un enfant.
C’est exactement ce que propose de faire le projet de loi dont nous sommes saisis, qui établit les conditions nécessaires à l’éradication de cette pratique préjudiciable et délétère dans notre pays. Je sais qu’il y encore beaucoup à faire pour que les Canadiens LGBTQ2 puissent vivre leur vie librement, comme la plupart des autres Canadiens, sans être menacés de violence ou de discrimination. En tant que ministre responsable de l’inclusion, et en tant qu’alliée, j’entends continuer à travailler avec les communautés LGBTQ2 et à piloter les initiatives du gouvernement pour la défense des droits des LGBTQ2. Les droits des LGBTQ2 sont des droits humains.
Pour résumer ma réponse au député, je dirai que je suis convaincue que ce projet de loi est un pas important dans la construction d’un Canada délibérément inclusif.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Ce n'est pas que je n'aime pas vos réponses, madame Chagger, mais j'aimerais aborder plus particulièrement des points de droit avec M. Lametti.
Monsieur Lametti, je demeure perplexe quant à une malheureuse définition de la thérapie de conversion, où ce qui est exclu semble être la même chose que ce qui est inclus. Lorsque l'on parle de ce qui est interdit, il n'y a aucune zone d'ombre quant aux concepts de « contre son gré » et d'« enfants mineurs ».
On définit cependant la thérapie de conversion de la façon suivante:
[...] thérapie de conversion s'entend d'une pratique, d'un traitement ou d'un service qui vise soit à rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre, soit à réprimer ou à réduire toute attirance [...]
On ajoute à cela:
[...] la présente définition ne vise pas les pratiques, les traitements ou les services qui se rapportent:
a) à la transition de genre d'une personne;
b) à l'exploration ou à la construction de son identité.
Quelle distinction faites-vous entre, d'une part, l'énoncé « rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre, soit à réprimer ou à réduire toute attirance » et, d'autre part, le concept de « transition de genre »? Ne dit-on pas ici une chose et son contraire?
:
Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur le ministre et madame la ministre, de comparaître devant le comité de la justice.
Monsieur le ministre, je vais d'emblée aborder le sujet de la définition. Nous voulons adopter un projet de loi qui aura l'effet que vous avez annoncé dans votre conférence de presse et que votre ministère a annoncé, mais il reste encore beaucoup d'incertitude autour de la définition. Or, la définition est la pierre d'assise du projet de loi. Je vous ai entendu dire, il y a cinq minutes, que vos meilleurs experts ont concocté le projet de loi. Pourtant, il y a une minute à peine, vous avez admis que l'harmonisation avec le projet de loi n'était pas parfaite.
Quand il a d'abord été question du projet de loi, on a beaucoup parlé de vos remarques et du site Web du ministère de la Justice, où il était expliqué ce qui n'était pas visé par cette mesure. Plus précisément, il était indiqué qu'on ne criminaliserait pas les conversations au cours desquelles des « opinions personnelles sur l'orientation sexuelle ou les sentiments sexuels ou l'identité de genre sont exprimées, comme lorsque des enseignants, des conseillers scolaires, des conseillers pastoraux, des chefs religieux, des médecins, des professionnels de la santé mentale, des amis ou des membres de la famille fournissent du soutien aux personnes qui se posent des questions ».
Des personnes et des organismes ont demandé... Aujourd'hui, j'ai lu un mémoire du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, le CIJA, dans lequel il exprime sa totale opposition à la thérapie de conversion, mais demande des précisions. J'imagine que vous avez un faible pour les dispositions de précision puisqu'il y en a deux dans ce seul projet de loi. Cependant, certains jugent que c'est insuffisant et réclament un projet de loi qui inclut explicitement ce que vous avez annoncé.
Je vais vous donner la possibilité de répondre à une question qui a été posée aux fonctionnaires du ministère de la Justice. Quand le public a entendu parler des pressions exercées pour que des détails soient inclus dans le projet de loi, le site Web du ministère a été modifié. Dans la version anglaise, le passage provide support a été remplacé par provide affirming support.
J'aimerais que vous m'expliquiez la démarche qui a mené à cette modification. Pourquoi l'énoncé a-t-il été modifié dans le site Web? Je pense que certaines craintes des gens au sujet du projet de loi ont eu un effet. Il y a tout juste deux ans, votre gouvernement a déclaré que ce projet de loi n'était pas nécessaire parce que les gouvernements provinciaux s'occupaient de ce dossier et que vous ne disposiez pas de statistiques claires. Pourtant, nous voilà en train de discuter d'une loi modifiant le Code criminel. Le Code criminel prescrit les sanctions les plus sévères que notre gouvernement peut infliger, et c'est pourquoi nous devons nous assurer que le projet de loi a exactement les effets que vous avez annoncés.
Pourquoi l'énoncé du site Web a-t-il été modifié, monsieur le ministre?
:
Nous en sommes là. Nous allons utiliser le Code criminel pour sanctionner une pratique que nous estimons odieuse, qui n'a pas sa place dans la société canadienne. La mesure sera coordonnée avec celles qui sont déjà appliquées par les provinces et viendra renforcer ce qu'elles font déjà.
Nous allons vérifier si le site Web a effectivement été modifié mais, quand on rédige une définition inscrite dans une loi — il y a plusieurs avocats autour de la table, y compris moi-même —, il faut s'assurer qu'elle décrit seulement l'activité visée de manière succincte. Il faut éviter que la définition soit trop détaillée et donne une longue liste qui inclurait trop ou trop peu d'éléments. On pourrait discuter longtemps de la question de savoir si la liste devrait être fermée ou ouverte.
Nous nous sommes concentrés sur la pratique. Tout ce que vous avez indiqué, tous les éléments que vous avez mentionnés dans votre question sont couverts par la définition, parce que l'accent est mis sur les pratiques, les traitements ou les services. Les types de conversations très légitimes que vous avez évoqués dans votre question ne sont pas visés.
Je crois que la formulation utilisée dans le projet de loi est tout à fait juste d'un point de vue juridique. Nous avons réussi à éviter les redondances et l'ajout d'une disposition de précision.
Nous allons bien entendu prendre connaissance des observations du CIJA, mais rien de ce que j'ai entendu jusqu'ici n'a réussi à me convaincre que la définition est inadéquate. Nous nous sommes concentrés sur les pratiques, les traitements et les services illégaux dont les objectifs sont interdits, sans aller plus loin.
:
J'imagine que la question s'adresse à moi, monsieur Zuberi? Merci.
Comme je l'ai déjà dit, notre intention est de criminaliser les discussions qui découlent d'une présomption que ce que vous êtes n'est pas bien et qu'une intervention est nécessaire pour vous changer, que ce soit sous la forme d'une pratique, d'un traitement ou d'un service. Ce sont les objectifs que la loi interdit.
Nous ne voulons pas criminaliser les conversations légitimes qui visent à accompagner une personne dans une démarche, que ce soit par un pasteur ou un membre de la famille — entre des parents et leurs enfants, ou des grands-parents et leurs petits-enfants, par exemple —, et qui découlent d'une question du type « qui suis-je et comment puis-je m'épanouir dans ce cadre? ».
Pour couvrir les activités visées, nous nous sommes concentrés sur des concepts juridiques établis — les pratiques, le traitement et les services — et nous avons précisé les objectifs interdits. Sur le plan juridique, nous estimons avoir fait ce qu'il fallait faire. Nous pensons que ce que nous proposons s'harmonise très bien avec les définitions appliquées par les systèmes de soins et d'assurances des provinces. La définition proposée englobe tous les éléments nécessaires de manière suffisamment claire selon nous.
:
Je souhaite la bienvenue aux témoins. Je vous remercie de votre patience.
Nous poursuivons notre étude du projet de loi avec un deuxième groupe de témoins formé de M. Matt Ashcroft, de M. Kristopher Wells et de M. Kenneth Zucker, qui comparaîtront tous les trois à titre personnel.
Nous recevons également Mme Ghislaine Gendron, qui représente l'organisme Pour les Droits des Femmes du Québec, ainsi que M. James Cantor, qui en est le conseiller.
Avant de passer aux exposés de cinq minutes des témoins, notre greffier législatif, M. Jacques Maziade, ainsi que notre conseillère législative, et Mme Isabelle D'Souza, vont nous expliquer brièvement comment fonctionne le processus de demande d'amendement.
Nous vous écoutons.
:
Merci, madame la présidente.
Je prends quelques secondes pour me présenter au Comité. J'agirai à titre de greffier législatif responsable du projet de loi . Comme vous l'avez annoncé, je m'appelle Jacques Maziade. J'invite les membres du Comité à me soumettre les amendements qu'ils souhaitent proposer pour que j'en confirme l'admissibilité.
[Français]
Les membres du Comité peuvent également communiquer avec moi s'ils ont des questions concernant l'étude article par article du projet de loi.
Mes coordonnées se trouvent dans la note de service que le greffier a envoyée à tous les membres du Comité la semaine dernière.
Madame la présidente, je cède maintenant la parole à ma collègue Mme Isabelle D'Souza, qui est conseillère législative.
Je m'appelle Isabelle D'Souza et je suis conseillère législative. Je serai responsable de la rédaction des amendements au projet de loi .
Je vais vous donner les grandes lignes du processus de rédaction lui-même. Je vous encourage fortement à me soumettre vos demandes d'amendement le plus tôt possible. Rédigez-les dans vos propres mots, même s'il s'agit seulement d'ébauches. Je vais transposer vos propositions dans un texte législatif qui permettra d'obtenir l'effet juridique visé.
Par ailleurs, je vous aviserai si jamais vos propositions soulèvent des questions d'ordre juridique, de compétence ou relatives à la Charte, et je vous donnerai des solutions de rechange, le cas échéant. Je vous rappelle que tous nos échanges seront confidentiels et non partisans.
Le processus d'amendement est en fait une version simplifiée du processus de rédaction d'un projet de loi d'initiative parlementaire, que certains d'entre vous connaissent. Les étapes sont les suivantes: rédaction de l'amendement; approbation; correction; traduction et révision. C'est parfois un processus laborieux, tout dépendant de la complexité et du volume de demandes reçues, mais également parce que nous recevons parfois des demandes d'amendement à plusieurs projets de loi en même temps. Il faut des heures, parfois des jours avant de parvenir à la version définitive.
C'est pourquoi je vous demanderais de me soumettre vos demandes d'amendement le plus tôt possible. Je crois que vous avez jusqu'au 9 décembre pour soumettre vos demandes. C'est assez proche. N'hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez des questions ou des inquiétudes. Je suis à votre service.
Merci de m'avoir accordé du temps.
Si vous avez des questions au sujet du processus, M. Maziade et moi-même pouvons y répondre dès maintenant.
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Tout d'abord, permettez-moi de remercier M. Randall Garrison et son équipe de m'avoir invité à m'exprimer devant le Comité. Je suis très heureux de la relation très positive que nous avons bâtie depuis mars. Je vous remercie de nous avoir consultés, Erika Muse et moi, au sujet des étapes suivantes du projet de loi .
Il s'agit d'un projet de loi d'une importance capitale pour les survivants des thérapies de conversion, dont je fais partie. J'ai une expérience intime des torts causés par ceux qui appliquent des thérapies de conversion, même s'ils n'utilisent pas exactement ce vocabulaire.
Avant de vous livrer mes observations, je voudrais vous donner les prénoms et l'initiale du nom de famille des personnes qui étaient à mes côtés au camp de thérapie de conversion. Cela me permettra de leur rendre hommage tout en respectant leur vie privée. Ces personnes s'appellent ou s'appelaient John S., Jay C., CJ ou Calvin James W., Adam W., Steven M., Jerry M., Dean K., Rick S. et Rocky M. Je ne sais pas si vous êtes toujours parmi nous, mais je tiens à vous dire que, tous les jours, je pense à votre bien-être.
À mes frères et à mes soeurs, Milton, Marlon, Makye et Myanna, je voudrais exprimer ma joie de vous avoir retrouvés. Vous êtes tous devenus de grands êtres humains et je suis heureux que vous m'ayez accepté pour ce que je suis. Je vous aimerai toujours. Ne l'oubliez jamais.
Maintenant que tout cela est dit, je vais plonger au cœur de mon exposé. Si ce que j'ai à dire vous intéresse vraiment, vous allez m'écouter avec un esprit ouvert et un cœur ouvert.
Il est facile de parler. De penser que ce processus pourrait se dérouler sans que survivants de la thérapie de conversion aient leur mot à dire me remplit de tristesse. C'est triste parce que je suis un être humain qui en a fait l'expérience. Quand, dans les entrevues des médias, vous vous vantez d'avoir la meilleure législation du monde et que vous utilisez les survivants de la thérapie de conversion comme faire-valoir, c'est blessant. Malheureusement, c'est un rôle auquel je suis habitué puisqu'on nous présentait comme des exemples de l'efficacité de la thérapie de conversion.
Non seulement je suis triste de cette situation, mais je suis triste aussi de voir que le projet de loi ne protégera pas les Canadiens qu'il prétend vouloir protéger. Selon les estimations tirées de l'enquête Sexe au présent, 47 000 personnes ont été victimes de pratiques de thérapie de conversion. Même si seulement 35 % de ces personnes avaient moins de 18 ans, le projet de loi protégerait seulement 16 450 Canadiens. Il abandonnerait donc à leur sort deux tiers de la population. Il faut pourtant nous assurer que le grand nombre possible de Canadiens queers, transgenres et non binaires seront protégés.
C'est facile de parler. Je demande au gouvernement canadien s'il est vraiment sérieux quand il dit que son objectif est de devenir le pays où les personnes LGBTQ2IA+ seront les mieux protégées dans le monde. Je me souviens que la dernière fois, quand la ville de St. Albert a adopté un règlement concernant la conversion de thérapie, le gouvernement fédéral a déclaré qu'il appartenait aux provinces d'interdire ces pratiques et qu'il ne s'en mêlerait pas. Peut-on vraiment parler de transparence dans votre démarche?
Si vous voulez vraiment vous impliquer, je peux vous indiquer par où commencer.
En Australie, le gouvernement de l'état de Victoria a travaillé très fort sur son projet de loi. C'est le plus complet qui existe dans le monde. Merci à Nathan Despott, le cofondateur de l'organisme Brave Network Melbourne, pour ses sages paroles. J'ai énormément appris au fil des discussions que j'ai eues sur ce qui se fait dans d'autres pays. Je vais vous citer les propos exacts qu'il a publiés dans les médias sociaux.
Premièrement, toutes les pratiques de conversion seront interdites, peu importe qui les applique, s'il faut payer ou non pour les suivre, si elles sont offertes par un professionnel ou non, ou si elles sont destinées à un adulte ou à un enfant. Il sera aussi interdit d'inciter une personne à subir des pratiques de conversion ou de l'aiguiller vers quelqu'un qui offre de telles pratiques, qu'il s'agisse ou non d'un professionnel. Une sanction pénale sera imposée pour tous ces actes s'il en résulte un préjudice avéré pour la santé, et notamment pour la santé mentale. Si le seuil criminel n'est pas atteint, le dossier fera l'objet d'une procédure civile devant la Victorian Equal Opportunity and Human Rights Commission, ou VEOHRC. Aucune médiation de quelque sorte ne sera requise. La VEOHRC aura le pouvoir d'enquêter et d'imposer des sanctions. Tout manquement sera passible d'une sanction pénale.
Deuxièmement, toute annonce publicitaire concernant une pratique de conversion, offerte contre un avantage pécuniaire ou non, sera considérée comme une infraction criminelle.
Troisièmement, toute tentative de contourner la loi en amenant une personne dans un autre État sera considérée comme une infraction criminelle. Au Canada, on parlerait d'amener une personne dans une autre province ou un autre territoire, ou dans un autre pays.
Quatrièmement, les adultes ne pourront pas être réputés aptes à consentir à une pratique de conversion. Autrement dit, le consentement éclairé ne sera pas permis.
Il est impossible de consentir à être la victime d'un traitement abusif. Puisque toutes les associations médicales mettent en doute les pratiques de thérapie de conversion et n'ont trouvé aucune preuve de leur efficacité, l'inclusion des adultes ne devrait pas poser problème.
Le temps est venu pour le gouvernement de faire preuve de transparence et de faire le nécessaire pour protéger les Canadiens queers, transgenres et non binaires, dont il se prétend l'allié.
À ce sujet, il faudra inclure la thérapie de conversion des personnes transgenres dans le projet de loi ou adopter une autre mesure législative qui sanctionnera les fautes médicales infligées aux personnes transgenres.
Ce n'est pas un jeu. Nous parlons de nos vies.
Merci.
Je m'adresse au Comité depuis la région d'Edmonton, qui se trouve sur le territoire du Traité no 6.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer devant le Comité, et surtout en cette Journée mondiale du sida. La lutte que nous menons actuellement concerne une autre forme de discrimination, de préjudice et de traumatisme causée par la thérapie de conversion.
J'ai soumis un mémoire écrit à l'appui de mon exposé, et je voudrais également attirer l'attention du Comité sur notre rapport national, intitulé « Conversion Therapy in Canada: A Guide for Legislative Action ». Ce guide présente 15 appuis nationaux émanant de différents organismes du secteur public et représentant la communauté LGBTQ2, des données générales et de recherche. Plus important encore, on trouve dans le guide les points de vue et les récits de ce qu'ont vécu de braves Canadiens qui ont survécu à une thérapie de conversion et qui, à l'exemple de Matt, soutiennent l'adoption d'une loi nécessaire pour mettre fin à cette pratique frauduleuse et abusive.
Je tiens à féliciter le gouvernement du Canada pour son leadership et son soutien à la lutte contre la thérapie de conversion. Je tiens à préciser que le terme « thérapie » est mal choisi puisqu'il s'agit d'une forme reconnue de coercition et de sévice, qui peut même s'apparenter à de la torture suivant la définition du Centre international pour la réadaptation des victimes de torture et de l'expert indépendant des Nations Unies sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre.
J'appuie sans réserve le projet de loi , une mesure législative d'une grande importance pour faire de la sensibilisation à la réalité de la thérapie de conversion et aux préjudices qui en découlent. Le projet de loi offre aux victimes un mécanisme essentiel de protection et de réparation au titre du Code criminel du Canada.
Le projet de loi livre à l'ensemble des Canadiens un message fondamental concernant la dignité intrinsèque, l'estime de soi et le respect auxquels doivent aspirer toutes les personnes LGBTQ2. Il est fondamentalement inacceptable que quiconque ait à changer qui il est et qui il aime pour être accepté et soutenu par un groupe confessionnel, sa famille et sa communauté.
Les résultats de la recherche établissent sans appel que la thérapie de conversion est contraire à l'éthique, préjudiciable et dangereuse. La grande majorité des principales associations pour la santé, médicales et professionnelles ont condamné la thérapie de conversion et les pratiques associées.
Au Canada, une lettre ouverte d'opposition aux thérapies de conversion fondée sur les résultats consensuels de la recherche a été signée par 120 universitaires et experts en politiques publiques, dont 16 éminents titulaires de chaires de recherche.
Dans la dernière partie de mon exposé, j'aimerais aborder trois aspects essentiels à l'égard desquels des amendements pourraient être proposés au projet de loi . Ces aspects sont l'uniformisation et la clarification de la définition de thérapie de conversion; l'élargissement des mesures de protection prévues dans la législation à tous les adultes, et l'offre de soutien aux victimes et aux survivants des pratiques de thérapie de conversion.
Tout d'abord, la définition de thérapie de conversion dans le projet de loi devrait être uniformisée avec celle qui est devenue la norme dans bon nombre de règlements municipaux et lois provinciales ou territoriales interdisant la thérapie de conversion. Plutôt que de mettre l'accent sur des identités particulières ou une orientation directionnelle, les définitions législatives devraient être formulées de manière simple et énoncer les motifs de discrimination explicites qui sont interdits par toutes les lois provinciales et territoriales en matière des droits de la personne en vigueur au Canada.
Plus particulièrement, le projet de loi devrait, à l'instar de la Loi canadienne sur les droits de la personne, prévoir des mesures expresses de protection contre toute pratique visant à changer l'orientation sexuelle d'une personne, son identité de genre ou son expression de genre. Des amendements simples permettraient de préciser la définition contenue dans le projet de loi C-6, d'établir sans équivoque que toutes les formes de thérapie de conversion sont interdites et de donner des indications claires quant aux pratiques qui ne sont pas visées et qui sont considérées comme étant acceptables pour aider les personnes à obtenir le soutien nécessaire. L'élément important est que toutes les méthodes doivent être objectives, neutres et dénuées de jugement relativement au résultat, en plus de viser à responsabiliser la personne afin qu'elle fasse elle-même l'effort de trouver et de comprendre son identité.
Historiquement, les pratiques de thérapie de conversion participent d'une idéologie qui rejette les personnes LGBTQ2 parce qu'elles sont considérées comme des êtres malades, déviants ou qui vivent dans le péché, qu'il faut guérir et ramener dans le droit chemin.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi se borne à interdire l'imposition d'une thérapie de conversion à des adultes. Étant donné les preuves irréfutables des préjudices qu'elle cause et de l'absence de résultats de recherche montrant son efficacité, la notion de consentement éclairé ne peut pas être appliquée à la thérapie de conversion. Qui plus est, les préjudices bien documentés et bien connus de la thérapie de conversion constituent des facteurs raisonnables pour empêcher des adultes soi-disant consentants de devenir l'objet de ces pratiques.
Le gouvernement doit protéger tout le monde contre les préjudices et les dangers connus ou raisonnablement prévisibles. C'est la raison d'être des lois strictes de protection des consommateurs et d'un grand nombre des règlements dans les domaines de la médecine et de la santé au Canada. Il existe des restrictions clairement raisonnables, qui justifient de limiter certaines libertés et certains droits individuels. Pensons seulement au projet de loi no 70 du Québec et à de nombreux règlements municipaux qui s'appliquent aux personnes de tous âges et de tous les groupes.
Et finalement, il est impératif que le gouvernement fédéral travaille avec des survivants et des organisations de la société civile LGBTQ2 en vue d'établir un programme d'éducation et un fonds d'indemnisation pour soutenir les victimes de la thérapie de conversion. Tenter d'obtenir des recours juridiques par l'intermédiaire du Code criminel du Canada s'avère très difficile, et elles ont besoin d'aide.
Merci.
:
Je vous remercie de me fournir l'occasion de m'adresser à votre comité.
Je suis un chercheur et psychologue clinicien. Depuis 1976, j'ai vu en consultation plus de 1 600 enfants et adolescents ayant fait l'expérience de la dysphorie de genre. J'ai présidé un groupe de travail sur les troubles sexuels et de l'identité de genre qui faisait lui-même partie du groupe d'étude constitué en vue de la publication de la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'American Psychiatric Association. Je suis l'auteur de plus de 300 articles évalués par les pairs et chapitres de livres sur ce sujet. J'estime donc posséder les antécédents requis pour vous parler de certains éléments du projet de loi .
D'entrée de jeu, permettez-moi de dire que j'appuie sans réserve l'idée que les cliniciens en santé mentale ne devraient pas essayer de modifier l'orientation sexuelle d'enfants âgés de moins de 18 ans. Cependant, j'aimerais insister fortement sur le fait que les cliniciens en santé mentale d'aujourd'hui ne s'adonnent pas à de telles pratiques, et que c'est ainsi depuis des décennies. En effet, les cliniciens en santé mentale ne pratiquent pas de thérapie de conversion avec les adolescents, qu'ils soient gais, bisexuels ou lesbiennes.
En revanche, je désapprouve fortement que l'on insiste davantage dans le projet de loi sur l'identité de genre des enfants et des adolescents. Depuis que l'État de la Californie a adopté une mesure législative comparable en 2012, on constate un amalgame insidieux de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre. Non seulement le projet de loi proposé tend-il à confondre à tort deux phénomènes psychologiques très distincts, mais il passe aussi complètement sous silence les considérations liées au développement
Initialement, les critiques des efforts de changement d'orientation sexuelle étaient dirigées vers les tentatives infructueuses de cliniciens de modifier l'orientation sexuelle d'adultes. En alimentant cette confusion au sujet de l'orientation sexuelle, le projet de loi cible maintenant les cliniciens qui travaillent avec des enfants d'au plus trois ans, et avec leurs parents.
Selon moi, il s'agit d'une grave erreur. Est-ce que les politiciens se rendent compte de cette confusion? La documentation d'information scientifique fournie au Comité par Phillips et Walker passe complètement sous silence ce que l'on connaît de la thérapie fondée sur des pratiques exemplaires qui est administrée aux enfants et aux adolescents atteints de dysphorie de genre. Aucun clinicien en santé mentale compétent ne tentera de changer l'identité de genre d'un enfant ou d'un adolescent contre la volonté de ce dernier. En effet, les cliniciens compétents considèrent que la meilleure approche thérapeutique consiste à réduire la dysphorie de genre, un diagnostic en santé mentale qui figure dans le DSM-5, et la détresse qui l'accompagne. Il existe divers moyens d'y arriver.
Voici quel est le problème avec le projet de loi .
À la division 5, l'article 320.101 proposé définit en partie la « thérapie de conversion » comme suit « s'entend d'une pratique, d’un traitement ou d’un service qui vise soit à rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre... ». Et pourtant, le même article proposé indique que la présente définition n'inclut pas « les pratiques, les traitements ou les services qui se rapportent: à l'exploration ou à la construction de son identité. » Le projet de loi , à l'instar de nombreuses initiatives qui l'ont précédé, est complètement vide de sens pour ce qui est de définir à quoi une telle exploration pourrait ressembler ou ce qu'elle pourrait constituer. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
Un petit garçon de trois ans exprime un très fort désir d'être une fille. Lorsque ses parents lui demandent pourquoi, il répond qu'il aimerait beaucoup jouer avec des poupées Barbie et porter des robes. Au titre du projet de loi , est-ce qu'un clinicien en santé mentale peut explorer cette croyance avec un enfant comme celui-ci? À titre d'exemple, serait-il acceptable de mentionner que les garçons aussi peuvent jouer avec des poupées Barbie?
Un autre garçon de sept ans exprime un fort désir d'être une fille. Quand on lui demande pourquoi, il répond que tous les garçons de sa classe sont méchants et brutaux. Au contraire, toutes les filles de sa classe sont douces et gentilles. Il ne veut pas être méchant ni jouer au dur. Au titre du projet de loi , un clinicien en santé mentale pourrait-il examiner les raisons pour lesquelles cet enfant entretient ces croyances? Par exemple, serait-il acceptable de mentionner que tous les garçons ne sont pas nécessairement méchants et durs, et que toutes les filles ne sont pas non plus nécessairement douces et gentilles?
Une fille de 14 ans exprime un très fort désir d'être un garçon. Cette fille a aussi reçu un diagnostic de trouble du spectre de l'autisme qui comprend notamment une propension à penser en termes binaires. Comme elle ne se sent pas comme les autres filles, elle pense que la seule option pour elle est d'être un garçon. Au titre du projet de loi un clinicien en santé mentale pourrait-il explorer avec cette adolescente l'idée qu'il existe de nombreuses manières d'être une fille?
Selon moi, le projet de loi devrait être modifié de l'une des deux façons suivantes. La première consiste à supprimer complètement toute allusion à l'identité de genre et à se limiter à l'orientation sexuelle, qui est la cible initiale de la critique de la thérapie de conversion. Faute de quoi, le projet de loi devrait faire l'objet d'une révision complète de manière à expliquer la portée exacte qu'il souhaite avoir concernant l'exploration de l'identité de genre ou de son développement — autrement dit, de manière fournir des marqueurs objectifs.
Une telle révision aiderait tant les cliniciens que les familles qui ont un enfant ou un adolescent faisant l'expérience de la dysphorie de genre à comprendre les intentions réelles de la mesure législative.
Merci.
:
Je n'ai que quelques mots à dire.
J'espère que vous appuierez le projet de loi , sauf en ce qui a trait à l'inclusion de l'identité de genre, parce que le projet de loi la met sur le même pied que l'orientation sexuelle.
En tant que psychologue clinicien et chercheur scientifique, j'offre une aide thérapeutique et je publie sur les neurosciences de la sexualité humaine depuis plus de 25 ans. J'ai notamment aidé de nombreux transsexuels à effectuer avec succès leur transition. J'ai agi à titre de chercheur principal pour le Centre for Addiction and Mental Health, à titre de rédacteur en chef de la revue Sexual Abuse, et de professeur agrégé à l'Université de Toronto. Je suis actuellement directeur du Toronto Sexuality Centre.
Et finalement, je suis ouvertement gai. J'ai eu la chance de recevoir une thérapie de soutien appropriée pendant mon adolescence, depuis longtemps révolue, et je me sens honoré d'avoir la possibilité de contribuer à ce que les générations futures y aient accès elles aussi.
Par conséquent, je suis ici aujourd'hui pour vous présenter trois points de vue: celui d'un scientifique, en signalant que cette mesure législative comprend mal le contenu de la science actuelle; celui d'un fournisseur de soins en santé mentale, en indiquant que ce projet de loi aurait un effet dissuasif sur ma propre capacité et sur celle d'autres cliniciens d'agir dans l'intérêt du patient; et celui d'un membre de la communauté LGBT elle-même, en décrivant exactement les répercussions de cette situation sur mes frères et sœurs.
Merci, je suis impatient de répondre à vos questions.
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Je vous remercie, docteur Cantor.
J'aimerais remercier les membres du Comité d'avoir invité notre organisme, Pour les droits des femmes du Québec, ou PDF Québec.
En septembre 2019, PDF Québec a reçu un courriel de lapart d'une jeune femme qui nous alertait au sujet des traitements qu'elle avait suivis pour soigner une dysphorie de genre et à propos des répercutions que cela avait sur sa vie, alors qu'elle avait atteint l'âge adulte. Elle m'a demandé de vous lire le témoignage suivant, en son nom:
Durant mon adolescence, mes menstruations étaient si douloureuses et abondantes qu'elles perturbaient mon éducation. Mon médecin ne m'aidait pas à obtenir des soins appropriés. C'est aussi à ce moment que mon trouble de la personnalité limite a fait surface. J'étais connue en psychiatrie après de multiples hospitalisations. J'étais obsédée par l'idée d'être parfaite, et mon apparence me complexait : je ne me sentais pas comme une femme acceptable.
Après avoir été en contact par internet aux identités de genre, j'ai trouvé ma porte de sortie à mes complexes et mes menstruations: transitionner. J'ai eu accès à des bloqueurs d'hormones, de la testostérone, et une mastectomie. L’équipe psychiatrique qui me suivait avaient noté une hausse d'agressivité et aussi les tentatives de suicide. Mais c'était une façon de fuir qui j'étais, plutôt que de m'accepter. J'ai arrêté les hormones après 3 ans, mais certains effets ne sont pas réversibles. Je suis endettée de mes implants mammaires. Le retour en arrière n'est pas aussi accessible que la transition elle-même.
Cette jeune fille était mineure au moment où elle a subi une mastectomie et de la biomédicalisation. Elle souffrait d'un trouble de la personnalité, qui avait été diagnostiqué avant qu'elle entreprenne ses démarches en vue de recevoir une thérapie d'affirmation de genre. Son cas est malheureusement semblable à celui de nombreuses jeunes filles qui se présentent à ces cliniques de genre. Le Dr Cantor, qui m'accompagne, pourra vous en parler mieux que moi.
Comment la pratique d'un psychologue qui rencontrera cette jeune fille demain sera-t-elle considérée dans le cadre du projet de loi ?
Est-ce qu'il sera criminalisé s'il s'interroge sur la perception d'un enfant à l'égard de sa condition ou sur son autodiagnostic de dysphorie de genre?
Les jeunes filles sont deux fois plus touchées que les garçons par la dysphorie de genre. Ce ratio s'est inversé dans les statistiques récentes. Dans le résumé législatif du projet de loi , ce sujet n'est ni abordé ni expliqué.
Ce matin, nous avons dû changer notre déclaration d'ouverture à la toute dernière minute, et je m'en excuse auprès des membres du Comité ainsi que des interprètes. En effet, il y a trois heures à peine, la BBC a diffusé une nouvelle d'une importance cruciale à ce sujet. Je souhaite vous en faire part.
La Cour supérieure du Royaume-Uni vient de déclarer aujourd'hui, dans un jugement qualifié d'historique, que les enfants de moins de 16 ans atteints de dysphorie de genre sont peu susceptibles d'être en mesure de donner un consentement éclairé pour suivre un traitement comportant des médicaments qui bloquent la puberté et des hormones de l'autre sexe.
La jeune Keira Bell, qui a détransitionné à l'âge adulte, vient de gagner sa cause contre le ministère de la Santé, en Angleterre. Or, le ministère de la Santé ne semble pas avoir été inclus dans le processus du projet de loi.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie chacun des témoins qui comparaissent aujourd'hui concernant l'étude du projet de loi . Nous vous sommes reconnaissants de prendre le temps de nous faire part de vos points de vue concernant cette mesure législative.
Pour notre part, nous voulons nous assurer que ce projet de loi sera fait correctement et qu'il aura les effets escomptés.
Docteur Zucker, j'aimerais vous poser une question. Vous avez mentionné éprouver des difficultés avec la définition qui est donnée dans le projet de loi. C'est un problème que nous avons déjà repéré. Lorsque ce projet de loi a été présenté, le ministre nous a gratifiés de longues remarques destinées à nous renseigner sur ce que la mesure législative ne faisait pas. Il a déclaré que le projet de loi ne vise pas à criminaliser de nombreuses choses, notamment l'expression « des points de vue personnels au sujet de l'orientation sexuelle, de sentiments d'ordre sexuel ou de l'identité de genre... comme lorsque les professeurs, les conseillers scolaires, les conseillers pastoraux, les chefs religieux, les médecins, les professionnels de la santé mentale, les amis ou les membres de la famille fournissent du soutien aux personnes aux prises avec leur orientation sexuelle, leurs sentiments sexuels ou leur identité de genre. »
Nous commençons à recevoir des commentaires de diverses parties prenantes des quatre coins du Canada. L'une des préoccupations qui a été soulevée est la suivante: si c'est ce que le projet de loi ne vise pas à faire, si c'est bien ce que le ministre dit qu'il ne fait pas, dans ce cas, il faut corriger ou resserrer la formulation et la définition afin qu'elles insistent avec plus de précision sur notre objectif, c'est-à-dire veiller à ce que personne ne soit forcé de subir la thérapie de conversion.
Pourriez-vous développer un peu plus vos réflexions sur la définition et sur ce que vous considérez comme des lacunes dans la définition dans sa version actuelle? En tant que parlementaires, il nous incombe de faire en sorte que ce projet de loi soit fait correctement. C'est à notre niveau, au sein de notre comité, que nous recevons les commentaires qui nous inciteront peut-être à apporter des modifications susceptibles d'améliorer la mesure législative.
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Certainement, je vais essayer de vous répondre.
Dans le domaine scientifique, il existe une expression appelée « définition opérationnelle ». Elle signifie que l'on utilise un terme précis, et qu'il faut définir le terme en question afin que tous puissent s'entendre sur ce que l'on veut réellement mesurer.
Le point que je fais valoir concernant le projet de loi — qui s'apparente à ce que l'on retrouve dans toutes les mesures législatives antérieures, y compris le projet de loi 77 en Ontario — vise l'existence de cette clause « n'inclut pas », dont je vous ai fait lecture. Autrement dit, il n'inclut pas les pratiques, et ainsi de suite, qui se rapportent: à l'exploration (...) de son identité.
Voilà une description complètement vague. Elle ne fournit pas aux cliniciens de directives claires sur ce que l'on considère acceptable sur le plan de l'exploration. Je pense que cela présente un problème fondamental. Ce n'est pas rassurant pour les parents, parce qu'ils s'inquiètent à l'idée d'être accusés de conduire leurs enfants à une thérapie de conversion, alors que, comme je l'ai déjà dit, n'importe quel clinicien compétent ne va pas essayer de façon coercitive de changer l'identité de genre d'un enfant ou d'un adolescent.
Au contraire, je pense qu'un clinicien compétent va entreprendre divers genres d'exploration. Le problème avec le projet de loi , c'est qu'il ne définit pas ce qu'il entend par exploration. Je pense que c'est un très grave problème.
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Je pense que c'est probablement le résultat le plus probable que l'on obtiendra, c'est-à-dire un certain refroidissement de l'enthousiasme. Les psychologues, en particulier, sont à leur manière, un groupe relativement conservateur. Les gens vont se dire, « Oh, oh », si la situation entraîne des complications. Si les activistes s'expriment beaucoup à ce sujet, si on constate beaucoup de positionnement politique, de nombreux praticiens vont décider simplement de ne pas se mouiller. Ils se cacheront derrière des affirmations comme celle-ci, « Je ne suis pas suffisamment spécialisé dans ce domaine pour m'attaquer à cette question » et ils vont éviter les clients de ce genre.
Nous allons nous retrouver avec des cliniciens qui, comme vous venez de le dire, vont se dérober. Ils ne seront tout simplement pas prêts à s'attaquer à ce genre de question; il deviendra impossible d'obtenir ce genre de service. En effet, sans une indication claire de ce que l'on entend par « exploration » et sans une définition exacte de cette pratique, n'importe qui pourrait éprouver des réticences à s'engager dans ce genre de pratique avec toute la confiance nécessaire pour venir en aide à son client.
Dire que l'on va explorer, ou qu'un client est en train d'explorer, son identité de genre revient à affirmer qu'il existe une identité de genre concrète, et que l'on va se contenter d'observer en silence. Mais il n'existe pas d'éléments probants de ce genre en matière d'identité de genre. Les éléments probants existent pour l'orientation sexuelle, mais on ne peut pas traiter l'identité de genre comme s'il s'agissait de la même chose.
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Tout d'abord, monsieur Ashcroft, je tiens à vous remercier. Merci de votre franchise, et merci du courage dont vous faites preuve en vous présentant ici pour nous aider à élucider beaucoup de questions importantes sur lesquelles nous devrons réfléchir.
Je tiens à exprimer mon acceptation de certaines remarques que j'ai entendues, en particulier du Dr Wells. Même le terme « thérapie » semble ne pas convenir dans les circonstances, étant donné que nous sommes en train de parler d'un traitement forcé, que l'on impose à des personnes. À mon avis, il ne s'agit pas du tout d'une thérapie.
Ce qui nous guide, surtout aujourd'hui, en cette Journée mondiale du SIDA — et il a été question de la discrimination historique en ce qui concerne cet enjeu pour la communauté LGBTQ2... Donc, ce dont il est question ici, c'est simplement de la liberté d'être ce que vous êtes, et d'aimer qui vous voulez aimer. C'est ce qui guide tous nos travaux.
Monsieur Wells, j'aimerais vous poser quelques questions, et je vous demanderais de ne pas prendre plus de 30 à 45 secondes pour répondre.
De mon point de vue, ce projet de loi exprime très clairement ce qui constitue une infraction. Commet une infraction, au titre du Code criminel, et conformément au présent projet de loi, s'il est adopté, quiconque force une personne à subir quelque chose sans son consentement, et ce, peu importe l'âge de cette personne.
Est-ce que cela est suffisamment clair pour tous, y compris pour les médecins praticiens, monsieur Wells?
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Tout à fait. Comme l'avait dit le ministre , ce qui ne figure pas dans la liste devient alors considéré comme permis ou acceptable.
Je pense que les gens perdent l'objectif de vue dans cette conversation au sujet d'une liste.Si votre pratique consiste à tenir des conversations qui sont objectives et neutres, et qui ne visent pas de résultat prédéterminé, dans ce cas vous n'avez rien à craindre, parce que vous n'êtes pas en train de mener une thérapie de conversion. Il est fréquent que ceux qui se font les plus ardents défenseurs de ce genre de listes ou de ce genre d'exceptions soient ceux qui pratiquent les thérapies de conversion.
La mesure législative que le gouvernement propose actuellement n'est pas tellement différente de ce qui a été proposé et adopté au Canada dans plusieurs provinces ou territoires, ou encore au niveau municipal. Je pense que ce qu'a fait la Ville de Calgary en constitue un excellent exemple. On a adopté une loi très claire, et une foire aux questions est fréquemment mise à jour et en ligne sur leur site web. C'est dans ce contexte que l'on peut citer des exemples précis afin de montrer comment cette loi pourrait être interprétée en pratique.
J'approuve l'idée qu'il n'est pas nécessaire d'énumérer tous ces cas dans la loi.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Ma question s'adresse à Mme Gendron de l'organisme Pour le droit des femmes du Québec.
Madame Gendron, selon ce que je comprends de votre témoignage ainsi que de ceux du Dr Cantor et de l'ensemble des témoins, c'est que vous êtes d'accord sur l'idée d'interdire les thérapies de conversion. Ce que serait le nouvel article 320.101 du Code criminel définit une thérapie de conversion de la façon suivante:
320.101 [...] thérapie de conversion s'entend d'une pratique, d' un traitement ou d'un service qui vise soit à rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre, soit à réprimer ou à réduire toute attirance [...]
Cependant, on exclut les pratiques, les traitements et les services qui se rapportent à la transition de genre ainsi qu'à l'exploration et à la construction de l'identité. Ce qui est exclu est assez semblable à ce qui est interdit. C'est aussi ce que je comprends des témoignages, et j'y vois une certaine contradiction.
Votre organisme ne serait-il pas plus à l'aise à l'idée d'intégrer une exclusion qui permettrait les conversations de bonne foi, qui ne seraient pas interventionnistes, se rapportant à la transition de genre ainsi qu'à l'exploration et à la construction de l'identité?
Je parle de permettre des conversations de bonne foi qui ne visent aucune intervention, plutôt que de permettre des pratiques, des traitements et des services.
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Non. D'après ce que nous comprenons de l'alinéa 320.101b), les conversations sont visées. Le problème, ce ne sont pas les conversations — enfin, je ne crois pas —, mais plutôt les psychothérapies d'exploration.
Comme l'ont expliqué le Dr Cantor et le Dr Zucker, les enfants ne doivent pas faire d'autodiagnostic de dysphorie de genre. Ils doivent avoir accès à de la psychothérapie, qui n'inclut pas nécessairement de la biomédicalisation.
Autrement dit, notre grande préoccupation, c'est que les parents et les enfants puissent avoir accès à des psychothérapies qui n'incluent pas nécessairement de la biomédicalisation. Nous désirons que ces psychothérapies n'incluant pas de biomédicalisation soient permises et non criminalisées par le projet de loi.
Beaucoup de jeunes filles qui souffrent d'autisme ou de trouble de la personnalité se retrouvent dans des cliniques de genre. Elles représentent une nouvelle clientèle. D'ailleurs, j'aimerais entendre le Dr Cantor à cet égard. Elles font un autodiagnostic de dysphorie de genre. Le projet de loi semble tendre à ce que le psychologue ne puisse que valider cette information, alors que les patientes peuvent souffrir d'autre chose.
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Non, je ne partage pas ces inquiétudes. Et les juristes que j'ai consultés non plus, et cela inclut ceux qui ont déjà présenté des arguments devant la Cour suprême du Canada sur des enjeux de la communauté LGBTQ.
Très simplement, c'est parce que toutes les grandes associations de professionnels de la santé et du monde médical ont répété à maintes reprises que des recherches montrent clairement que cette notion de thérapie de conversion n'a aucun fondement scientifique. Elles ont dénoncé cette pratique tout aussi clairement. En revanche, nous connaissons les dommages et les dangers qui s'y rattachent.
Je pense que le meilleur moyen de décrire la thérapie de conversion c'est de dire que ce n'est rien d'autre qu'un dangereux mensonge. Il s'agit d'une pratique abusive, frauduleuse, coercitive, aussi l'idée même qu'une personne puisse accorder son consentement à suivre un traitement qui ne donne aucun résultat... Le gouvernement restreint divers types de comportements chez les adultes. Ainsi, vous ne pouvez pas conduire votre voiture sans attacher votre ceinture de sécurité. Cela fait peut-être partie de votre liberté d'expression, mais nous savons que ce n'est pas seulement pour vous protéger personnellement, mais aussi pour protéger les autres.
Il existe un irréfutable intérêt du point de vue de la santé publique pour que cette mesure législative englobe les adultes. C'est un peu ce qu'a fait le Québec dans son projet de loi — le projet de loi 70 qui est actuellement à l'étude — et bon nombre de municipalités des quatre coins du Canada veillent à ce que leurs propres mesures législatives couvrent tous les âges.