Bienvenue à la 18e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Bienvenue à Mme Damoff, qui remplace aujourd'hui M. Kelloway. Merci de votre présence.
Nous allons poursuivre notre étude sur la violence conjugale, et pour garantir le bon déroulement de la réunion, je vais énoncer quelques règles. À titre d'information pour tous les témoins et les membres du Comité, il y a un bouton d'interprétation au bas de votre écran Zoom qui vous permet de sélectionner la langue que vous souhaitez et qui vous donnera accès à l'interprétation dans vos écouteurs. Vous n'avez pas besoin de changer de langue si vous parlez dans une autre langue que celle de l'interprétation.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Comme vous êtes en vidéoconférence, veuillez vous assurer d'activer votre micro avant de commencer à parler. Quand vous ne parlez pas, je vous demande de mettre votre micro en sourdine.
Je vous rappelle que toutes les observations des membres du Comité et des témoins doivent être adressées à la présidence. Nous disposons d'une plateforme qui favorise un dialogue respectueux, et nous allons veiller à ce qu'il en demeure ainsi.
Nous sommes ravis d'accueillir les témoins.
En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour veiller à ce que la liste soit bien gérée. Vous pouvez lever la main si vous souhaitez prendre la parole. Veuillez repérer la fonction « Lever la main » au bas de votre écran Zoom. Encore une fois, si vous souhaitez parler, vous devez activer votre micro avant de commencer à parler et le mettre en sourdine une fois que vous avez terminé. Je vais soulever une carte d'une minute ou une carte de 30 secondes afin que vous ayez une idée du temps qu'il vous reste.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. À titre personnel, nous accueillons Janine Benedet, doyenne pro tem et professeure de droit à la faculté de droit Peter A. Allard de l'Université de la Colombie-Britannique; Jennifer Koshan, professeure à la faculté de droit de l'Université de Calgary; et Genevieve Isshak, directrice clinique des services résidentiels et de proximité, qui est ici pour représenter la Hiatus House. Bienvenue aux témoins.
Vous avez chacune cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Nous allons nous en tenir au temps alloué. Nous commencerons par Janine Benedet.
Votre temps commence maintenant. Nous vous écoutons. Merci.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les membres du Comité de m'avoir invitée à participer à cette séance.
Comme vous l'avez entendu, je suis professeure de droit à l'Université de la Colombie-Britannique et mes recherches portent sur les réponses juridiques à la violence faite aux femmes, et plus particulièrement, ces dernières années, sur la violence sexuelle. Je suis heureuse de constater que votre comité réfléchit sérieusement à la manière d'aborder le problème du contrôle ou de la coercition dans les relations intimes, que les hommes infligent dans la plupart des cas aux femmes et aux filles.
Je pense qu'il est important de noter que si le fait de s'attaquer à ce problème peut servir à prévenir d'autres violences graves — et le en question réagit effectivement aux terribles assassinats commis en Nouvelle-Écosse —, il est également important de comprendre que les comportements coercitifs ou contrôlants causent un grand préjudice aux victimes en affectant leur estime de soi et en créant de véritables obstacles à l'accès aux ressources dont elles ont besoin pour échapper à un agresseur.
Il est également important — et je dis cela en me basant sur mon propre travail — de reconnaître que le contrôle coercitif peut être un précurseur de la violence sexuelle qui viendrait s'ajouter ou se substituer à la violence physique. Je suis d'accord avec les objectifs du projet de loi et, de manière générale, je pense que l’existence d'une telle infraction pourrait être utile à la police et au procureur de la Couronne. Je constate que cette infraction constitue une étape intermédiaire utile entre une accusation de voies de fait et un engagement de ne pas troubler l'ordre public dans certains cas.
Cela étant dit, je pense qu'il convient également de préciser que certains policiers et procureurs n'utilisent pas les outils dont ils disposent déjà, et que la création d'une infraction supplémentaire ne résoudra pas la tendance inquiétante à ne pas croire les femmes lorsqu'elles signalent des actes de violence ou le manque d'autres formes de soutien dans la communauté pour lutter contre la violence qu'elles subissent.
Dans le temps dont je dispose pour ma déclaration liminaire, je voudrais aborder certaines relations et certains comportements qui peuvent être négligés lorsque nous parlons de contrôle coercitif et mentionner quelques éléments du libellé de l'infraction qui pourraient susciter des inquiétudes quant à sa capacité d'atteindre ses objectifs importants
Ces dernières années, ma collègue Isabel Grant et moi-même avons mené des recherches sur la violence sexuelle tout au long de la vie des femmes, en nous concentrant sur les défis particuliers qui se posent dans les poursuites pour des agressions sexuelles commises contre des femmes âgées et des adolescentes, par exemple.
Dans nos recherches, nous avons vu de nombreux exemples de contrôle coercitif exercé sur les victimes en fonction de leur âge. Par exemple, dans notre étude des cas impliquant des adolescentes, nous avons constaté que le groupe le plus important d'auteurs de ces actes était constitué de membres masculins de la famille, le plus souvent des pères, mais parfois des frères, des oncles et des grands-pères. La plupart de ces hommes vivaient avec la jeune fille en question, mais pas tous. Les comportements de contrôle comprenaient le contrôle de ce qu'une fille pouvait porter, le retrait de toute intimité qu'elle pouvait avoir, l'isolement des autres membres de la famille et des amis, et le refus de la laisser aller à l'école ou prendre le bus. Dans un cas que nous avons examiné, un père refusait de laisser sa fille parler à son frère, allant jusqu'à les séparer lors des repas pour qu'ils ne puissent pas avoir de contact entre eux.
Dans le cas des femmes âgées, nous avons principalement constaté que les obstacles à la détection et aux poursuites sont importants lorsque l'agresseur est un membre de la famille. Dans les cas que nous avons vus, nous avons constaté des comportements coercitifs de la part des maris, mais aussi des fils, des neveux et des petits-fils. Ces comportements prenaient parfois des formes spécifiques à l'âge, comme contrôler l'accès aux médicaments nécessaires ou aux visites chez le médecin, ou encore couper les moyens de transport de la femme pour qu'elle ne puisse pas se déplacer seule. Il s'agissait également de faire croire à la femme qu'elle était distraite et incompétente, qu'elle était aux premiers stades de la démence et qu'elle ne pouvait donc pas gérer ses propres affaires.
Je tiens à dire que si ce sont les relations conjugales ou amoureuses qui peuvent venir à l'esprit en premier lieu lorsque nous pensons au contrôle coercitif, j'invite instamment le Comité à ne pas négliger ces autres types de relations dans lesquelles ce comportement se produit également et est souvent un précurseur d'autres formes de violence.
Je terminerai en disant qu'il y a beaucoup à discuter ici en ce qui concerne l'infraction elle-même, en particulier l'élément moral. Fondamentalement, ce que je dirais, c'est qu'il est important de ne pas créer une infraction qui reproduise certains des problèmes que nous avons rencontrés avec les dispositions qui interdisent le harcèlement criminel, et j'appréhende certains de ces défis dans ce cas-ci.
Je me réjouis à l'idée d'en discuter davantage avec les membres du Comité.
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Merci, madame la présidente. Bonjour.
Je suis heureuse de me joindre à vous aujourd'hui depuis le territoire visé par le Traité no 7, et je suis ravie d'avoir l'occasion de discuter de la criminalisation du contrôle coercitif avec les membres du Comité.
Je fais partie d'une équipe de recherche qui examine les lois relatives à la violence familiale dans tout le pays. Nous nous concentrons sur la façon dont les différentes lois et politiques se recoupent au sein des différentes administrations canadiennes et entre elles, de manière à créer des obstacles, des injustices et des problèmes de sécurité pour les survivantes et leurs enfants. Notre recherche s'appuie sur la reconnaissance du fait que les méfaits de la violence familiale sont sexospécifiques et qu'ils sont susceptibles d'être intensifiés et uniques pour les personnes qui subissent des inégalités croisées, comme les femmes autochtones, racialisées et migrantes.
J'ai quatre points clés à faire valoir aujourd'hui au sujet de la criminalisation du contrôle coercitif.
Premièrement, nous devrions envisager la criminalisation dans le contexte d'autres lois au Canada. Le contrôle coercitif est maintenant reconnu dans la Loi sur le divorce et dans certaines lois provinciales sur le droit de la famille et les ordonnances de protection civile, mais il n'est pas encore reconnu dans toutes les lois canadiennes.
Le droit pénal pourrait, en théorie, contribuer à faire mieux reconnaître par les membres du public et les acteurs juridiques que le contrôle coercitif est une forme importante de violence. Cette reconnaissance pourrait nous aider à nous éloigner de l'approche actuelle de la violence familiale basée sur l'incident, qui se concentre sur des actes physiques discrets plutôt que sur les effets continus et cumulatifs du contrôle coercitif.
De nouvelles dispositions pénales pourraient également conduire à la validation des expériences des survivantes et à la protection des survivantes et de leurs enfants contre les préjudices du contrôle coercitif, et nous savons que ces préjudices incluent la mort, car le contrôle coercitif est un facteur de risque de féminicide. Des dispositions pénales pourraient, en théorie, avoir également des effets positifs sur d'autres domaines du droit, tant sur les définitions législatives de la violence familiale que sur la manière dont les juges et les autres acteurs du système juridique comprennent et appliquent ces définitions.
Cependant, je pense que nous devons également examiner la manière dont le droit en vigueur se traduit en droit sur le terrain. Nous avons quelques expériences au Canada dont nous pouvons nous inspirer ici. La Colombie-Britannique a été la première province à inclure le contrôle coercitif dans son droit de la famille, et la jurisprudence montre que la réforme a eu des effets mitigés sur les décisions judiciaires. Les juges ont parfois du mal à voir le contrôle coercitif et, inversement, certaines survivantes ont été accusées de contrôle coercitif alors qu'elles essayaient de protéger leurs enfants contre la violence, avec des conséquences négatives pour leurs dossiers.
Je pense aussi qu'il est important de réfléchir à la manière dont la criminalisation du contrôle coercitif aurait des incidences sur le droit de la famille et les affaires liées à la protection de l'enfance.
Mon deuxième point est que nous devrions examiner si la criminalisation du contrôle coercitif et sa mise en œuvre auront des conséquences involontaires et prendre des mesures pour éviter de telles conséquences si la criminalisation prend effet. J'ai travaillé comme procureure de la Couronne dans les années 1990 et j'ai pu constater de première main comment les politiques de mise en accusation et de poursuite obligatoires ont conduit à des accusations mutuelles dans les affaires de violence familiale. En effet, la police portait des accusations contre les deux parties et laissait au juge le soin de régler le problème.
Partant de cette expérience et d'autres expériences en matière de criminalisation, nous devons veiller à ce que les victimes de violence ne soient pas prises en défaut par les nouvelles lois sur le contrôle coercitif. Comme l'a mentionné Mme Benedet, nous savons que les femmes continuent d'être victimes de mythes et de stéréotypes concernant leur crédibilité lorsqu'elles font des allégations de violence familiale, et nous devons veiller à ce que cela ne soit pas utilisé contre elles, que ce soit par les agresseurs ou par le système judiciaire lui-même.
Il est également crucial que nous réfléchissions à la manière dont la criminalisation affecte de manière disproportionnée les populations autochtones et racialisées. La criminalisation du contrôle coercitif peut également affecter la volonté des survivantes d'appeler la police pour des besoins de sécurité immédiats, ce qui, nous le savons déjà, est un problème pour ces groupes ainsi que pour d'autres groupes, tels que les femmes migrantes et les personnes LGBTQ+. Nous ne pouvons plus qualifier ces conséquences d'involontaires ou d'imprévues et nous devons y réfléchir dans le contexte de la criminalisation du contrôle coercitif.
Mon troisième point — et je serai brève — est que nous devrions pleinement tenir compte des expériences d'autres administrations en matière de criminalisation du contrôle coercitif, en examinant à nouveau non seulement les lois en vigueur, mais aussi la façon dont elles fonctionnent sur le terrain. Je pense également qu'il est important de se pencher sur les administrations qui ont décidé de ne pas criminaliser le contrôle coercitif. L'expérience de ces autres administrations montre que si de nouvelles dispositions pénales sont adoptées, elles doivent être accompagnées de politiques précises pour la police et les procureurs, ainsi que d'une formation, non seulement pour la police et les procureurs, mais aussi pour les juges et les avocats en général, ainsi que d'un soutien aux survivantes.
Ma recommandation maîtresse consiste à examiner s’il convient de criminaliser le contrôle coercitif dans le cadre d’un plan d’action national sur la violence à l’égard des femmes. Nous savons que FEGC, Femmes et Égalité des genres Canada, va de l’avant avec ce genre de plan d’action. Des consultations auront lieu dans tout le pays. Je pense qu’il est important de réfléchir à la manière dont la criminalisation du contrôle coercitif va se conjuguer avec les autres types de recommandations que FEGC présentera, et Justice a un rôle important à jouer à cet égard.
Je vous remercie.
En tant que directrice clinique des services résidentiels et de proximité de la Hiatus House à Windsor-Essex, en Ontario, je suis vraiment heureuse de pouvoir m’entretenir avec vous tous au sujet du projet de loi .
Notre mission, à la Hiatus House, est de briser le cycle de la violence familiale, une famille à la fois, en fournissant une aide d’urgence 24 heures sur 24 et un refuge d’urgence aux femmes maltraitées et à leurs enfants. À cela s’ajoutent l’éducation du public, la recherche et des services de conseil spécialisés pour tous les membres de la famille qui sont touchés par la violence familiale.
Nous savons qu’une femme sur quatre a déclaré avoir été victime de violence familiale. Comme cela n’inclut pas les cas non signalés, nous pensons que le nombre est plus proche d’une sur trois, ce qui est similaire à ce que l’Organisation mondiale de la Santé rapporte dans le monde entier. En gardant ces chiffres à l’esprit, je voudrais que vous pensiez au nombre d’entre vous qui connaissez ou avez connu une personne dans leur famille, une voisine, une collègue ou une amie qui a été victime de violence familiale. Si une de ces femmes dans votre vie avait un jour besoin d’aide, sachez que la Hiatus House est le seul refuge pour les femmes victimes de violence familiale à Windsor-Essex.
Dans le contexte de la pandémie actuelle, nous savons que les survivantes de la violence fondée sur le sexe risquent le plus de subir de la violence dans leur propre foyer. Nous savons que c’est dans leur propre foyer que les femmes et leurs enfants sont le plus souvent victimes de violence. Selon le message essentiel qui est véhiculé en temps de pandémie, rester à la maison, c’est rester en sécurité, mais que se passe-t-il lorsque la maison n’est pas un endroit sûr pour commencer? Les personnes contraintes de rester chez elles se sentent encore plus isolées et n’ont guère la possibilité de fuir leur agresseur et de se mettre en sécurité.
Le partenaire violent utilise l’isolement — tant physique que psychologique — comme moyen de contrôler les contacts de sa partenaire avec ses amis et sa famille dans le but de créer entre lui et elle un lien émotionnel marqué par la peur, la dépendance et les tactiques coercitives de contrôle.
Nous savons que le risque auquel sont exposées les femmes dans des relations violentes est dynamique et que ces femmes sont sujettes à l’isolement, à de la violence émotionnelle et psychologique et à un contrôle par des actes de violence. Les comportements violents s’intensifient invariablement avec le temps. Ils ont pour but de provoquer la peur et d’acquérir un pouvoir et un contrôle sur les pensées, les croyances et les actions d’une femme. Contrôler les pensées, les croyances et les actions d’une autre personne ne nécessite pas d’actes de violence manifestes particuliers, bien que de tels actes soient également possibles.
En tant que tel, le projet de loi contribuera à assurer la sécurité des femmes et à faire en sorte que les conjoints violents soient tenus responsables de leur violence, qu’il s’agisse de violence manifeste ou de violence émotionnelle ou psychologique — le type de violence le plus courant dans les relations intimes marquées par la violence que je viens de décrire.
Ce projet de loi nous intéresse surtout pour la sécurité des femmes qui subissent de la violence fondée sur le sexe, y compris la violence infligée par un partenaire intime, et pour l’éradication de toutes les formes de violence fondée sur le sexe. Nous sommes reconnaissantes des possibilités qu’offre le projet de loi et nous félicitons le député Garrison d’avoir pris l’initiative de présenter ce projet de loi essentiel.
Comme vous le savez tous, trouver la réponse pénale la plus adaptée à la violence exercée par un partenaire intime représente depuis des décennies un défi pour le mouvement de lutte contre la violence faite aux femmes, les politiciens, les décideurs et les refuges. Bien qu’à notre avis, le projet de loi englobe des idées importantes, nous pensons qu’il est impératif de consacrer également le temps nécessaire à une discussion complète et inclusive sur les réponses judiciaires intégrées avant d’opter pour une approche unique.
Nous pensons qu’il est important de prendre en considération le plan d’action national sur la violence faite aux femmes qui est en cours d’élaboration. Une discussion inclusive permettrait de veiller à ce que les conséquences négatives involontaires ainsi que les avantages possibles de toute réforme législative ou politique soient minutieusement examinés et que des ressources appropriées et suffisantes soient mises en place pour soutenir les réformes. Nous vous invitons à créer un espace pour ces diverses voix lorsque le Comité permanent de la justice et des droits de la personne examinera ce projet de loi.
Nous vous offrons également notre contribution à tout moment si elle s’avère utile. Nos décennies d’expérience et d’expertise dans le travail avec des femmes victimes de diverses formes de violence nous ont beaucoup appris sur le plan de la mise en œuvre. Nous sommes d’accord avec l’intention du projet de loi et nous en apprécions la genèse dans le contexte de la montée en flèche de la violence entre partenaires intimes associée à la COVID-19.
Sur ce, je remercie le Comité de m’avoir invitée à donner mon avis au nom de la Hiatus House. J’espère que vous envisagerez de procéder à une étude minutieuse et de fournir les ressources nécessaires à la mise en œuvre efficace et appropriée du projet de loi de sorte qu’il puisse atteindre ses objectifs louables.
Mettre fin à la violence faite aux femmes et à leurs enfants à Windsor et dans le comté d’Essex ainsi que dans tout le Canada — créer une vie où tous les membres de la famille ont la possibilité de vivre sans violence —, telle est notre vision de l’avenir.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Merci à tous les témoins de ce témoignage très important. J'apprécie certainement toute l'information que nous obtenons ainsi que la discussion.
Je tiens à remercier tout particulièrement Mme Isshak d'être venue aujourd'hui. Je vous remercie de tout ce que vous faites pour Windsor-Essex. C'est très important. Comme vous l'avez mentionné dans votre déclaration liminaire, nous sommes probablement peu nombreux, malheureusement, à ne pas connaître quelqu'un qui a fait appel à ce genre de services. Merci beaucoup à vous toutes.
Madame Isshak, pouvez-vous nous parler des conséquences de la COVID-19 sur les cas de violence familiale au cours de la dernière année, et avez-vous des recommandations sur la façon dont le gouvernement peut faire en sorte qu'un meilleur soutien soit fourni aux survivantes?
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En ce qui concerne ce que nous avons vu au départ à Windsor-Essex, pendant la première vague de la pandémie de COVID, c'était calme. Il y avait très peu d'appels de femmes en situation de crise qui voulaient se rendre dans un refuge, à tel point que c'était effrayant. Je pense que c'est à cause de tous les inconnus, de la peur et de la consigne de rester à la maison, à cause de l'inconnu entourant la COVID et des messages contradictoires.
Avec la levée progressive des restrictions, nous avons constaté une augmentation du nombre d'appels et du nombre de femmes se rendant à notre refuge, mais aussi une augmentation du recours à tous nos services de proximité. Nous avons évidemment dû suspendre certains de nos services de proximité offerts en personne, mais nous continuons à les fournir virtuellement. Notre refuge est ouvert, et nous continuons de fonctionner.
Le problème que nous connaissons est celui de la capacité. Comme vous le savez, en fonction de la population, nous n'avons pas assez de lits pour accueillir convenablement les femmes et les enfants. Nous avons 42 lits pour l'ensemble du comté de Windsor-Essex. Le gouvernement provincial nous a aidées à accéder à un hôtel. À un moment donné, avant la COVID, nous refusions des femmes faute de lits.
C'est là que vous pouvez m'aider. La population du comté de Windsor-Essex dépasse les 400 000 habitants. Quand vous regardez les statistiques, vous vous apercevez que nous sommes très mal desservis. Je sais que nous ne sommes pas la seule collectivité. Dans chaque collectivité, j'exhorte tous les politiciens et le gouvernement à fournir davantage de ressources, non seulement pour les refuges et les services communautaires, mais pour tous les services, car ils ne suffisent tout simplement pas à la demande. Nous faisons tout. Nous établissons un plan de sécurité avec chaque femme, mais nous ne pouvons pas toujours leur fournir un lieu d'hébergement convenable.
J'espère avoir répondu à vos questions.
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Certainement. Merci. C'était une excellente réponse.
Vous avez parlé d'une femme sur quatre, dans votre déclaration liminaire, mais vous pensez que c'est plutôt une sur trois. Dans le même ordre d'idées, car je me demandais, avant cette réunion... Vous avez répondu à ma question, mais cela me mène sur une autre voie, car avec les nombreux couples qui sont à la maison en ce moment, diriez-vous que ce pourrait même être plus proche d'une femme sur deux?
Avez-vous constaté un changement dans le type de violence familiale, depuis le début de la pandémie de COVID-19, qu'elle soit mentale ou physique? Je suis très curieux de savoir ce qu'il en est.
Je vous remercie.
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Nous savons par expérience que la violence apparaît très subtilement. Nous voyons l'isolement et la violence psychologique, et avec le temps, elle s'intensifie. Je travaille dans ce domaine, avec des femmes, depuis 22 ans, et j'apprends des femmes qui ont vécu la violence. J'ai travaillé à London et je travaille maintenant à Windsor et dans le comté d'Essex.
Je peux vous dire que la COVID-19 a, dans certaines situations, aggravé la situation. Chez certaines de nos clientes, nous constatons une augmentation de la gravité du risque. Nous voyons beaucoup plus de menaces de mort, de menaces de préjudice. Je ne connais pas les statistiques criminelles en matière de condamnations et d'inculpations, mais nous avons constaté une augmentation de la gravité ces derniers temps.
La violence contre les femmes, les cas graves et leur complexité ont toujours existé, mais nous voyons assurément beaucoup plus de violence à Windsor et dans le comté d'Essex, en ce qui concerne également les dangers liés à la proximité de la frontière. À cause de cette proximité, nous voyons aussi beaucoup plus de cas de traite de personnes. Nous n'avions pas l'habitude de voir cela.
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Merci, madame la présidente.
[Français]
Je vous remercie toutes les trois de tout le travail que vous faites en lien avec cette importante question.
Ma question s'adresse à Mme Koshan ou à Mme Benedet.
D'ailleurs, madame Koshan, je vous félicite pour le prix Ramon-John-Hnatyshyn que vous avez reçu l'année dernière.
La violence conjugale, aujourd'hui, prend de plus en plus de formes différentes. Le pouvoir et le contrôle exercés sur un partenaire intime sont l'élément central de la dynamique de la violence. On n'a qu'à penser à la cyberviolence où le partenaire pourrait exercer une surveillance, un contrôle du conjoint ou du harcèlement à son endroit. Cela pourrait même prendre la forme de publication de contenu personnel ou intime au sujet du partenaire comme moyen de revanche ou de contrôle.
À votre avis, le Code criminel couvre-t-il suffisamment cet aspect de la violence conjugale?
Est-ce que le projet de loi à l'étude pourrait contribuer à lutter contre ce phénomène
C'est une excellente question et, bien entendu, l'une des réalités de ce type de cyberviolence est qu'elle rend très difficile pour la femme de se séparer vraiment de son agresseur. L'idée de recommencer à zéro ou d'avoir un nouveau départ devient très difficile lorsqu'il y a ces liens continus par voie électronique.
En ce qui concerne la manière dont le projet de loi est actuellement rédigé, il n'y a certainement aucune raison pour que les comportements coercitifs et dominants par voie électronique ne puissent pas être couverts. Cela pourrait certainement faire partie du comportement dominant ou coercitif, mais il pourrait être utile de le signaler en incluant l'expression « y compris par des moyens électroniques », que nous voyons pour certaines autres infractions dans le Code criminel. Ce pourrait être un signal utile pour montrer que ce n'est pas nécessairement...
Cela me ramène également au point auquel j'ai fait allusion dans ma déclaration liminaire. Je suis un peu inquiète. Je comprends la nécessité d'essayer de définir cela en exposant certaines relations, mais l'idée que les gens doivent nécessairement faire partie du même ménage ne correspond pas toujours à des relations pouvant mettre en cause une personne qui exerce un certain contrôle par des moyens électroniques, même lorsque les gens ne vivent pas ensemble. Ce sont deux facteurs auxquels il faut réfléchir à cet égard.
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Oui. C'était une préoccupation immédiate que j'ai eue en examinant l'avant-projet de loi.
Je ne veux pas minimiser le fait que la plupart du temps, c'est de cela dont nous parlons, des partenaires intimes, et la façon dont le libellé est rédigé, il n'est pas nécessaire que les époux, les conjoints de fait ou les partenaires amoureux vivent ensemble. Cependant, une fois que nous avons dépassé ce stade et que nous avons parlé des anciens conjoints et d'autres types de parents, il semble, d'après ce que j'ai lu, qu'ils doivent faire partie du même ménage. Cela me semble étrange et ne correspond pas vraiment à la façon dont le contrôle coercitif peut fonctionner, même pour une femme qui essaie de se sortir d'une relation ou pour les victimes très vulnérables, les enfants et les personnes âgées, qui n'ont pas la possibilité de se sortir de la relation ou de vraiment contrôler l'accès à quelqu'un, même s'ils ne vivent pas ensemble.
Par conséquent, je vous encourage à examiner cette définition et peut-être à réfléchir de façon plus générale aux types de relations et de situations dans lesquelles ce comportement peut se produire.
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Bonjour, madame la présidente.
Bonjour à tous.
Mesdames les témoins, je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
C'est un sujet important que celui qui nous occupe. Vos lumières sont précieuses pour que l'on prenne des décisions éclairées sur ces sujets. Je pense que les dérapages peuvent facilement survenir, autant de bonne foi que de mauvaise foi. Le fait d'entendre des gens comme vous, qui êtes sur le terrain au quotidien, va probablement nous éviter les dérapages les plus dommageables et nous permettre d'être vraiment précis et efficaces.
Ce matin, j'ai beaucoup entendu parler de violence conjugale dans le cadre de vos témoignages. Vous vous doutez bien que vous ne trouverez personne ici pour vous dire que ce n'est pas grave. Nous considérons tous que c'est une chose grave qui doit être combattue. Il y a déjà des dispositions législatives dans le Code criminel ou ailleurs qui condamnent la violence, qu'elle soit conjugale ou autre. La violence conjugale a un côté pernicieux puisque la plupart du temps la victime vit de façon quotidienne avec l'agresseur. Tout cela est terrible et nous nous entendons là-dessus.
J'aimerais vous entendre davantage sur l'objet du Comité. Nous travaillons sur les questions de comportements contrôlants et coercitifs. C'est une notion qui se situe quelque part entre la violence et des comportements non criminels. Les actes de violence comme les voies de fait sont criminels, il est inutile d'ajouter de nouvelles dispositions criminelles, cela existe déjà. Le harcèlement est aussi un acte criminel déjà reconnu et sanctionné.
À l'autre extrême du spectre des relations difficiles, il y a les discussions de couple qui parfois peuvent être un peu dures. Il peut arriver que la femme dise à son conjoint qu'elle n'est pas contente d'une chose ou d'une autre, qu'il lui semble que la voisine le regarde avec des yeux bizarres et que ce n'est pas correct; ou que l'homme dise à sa femme qu'il est tanné qu'elle aille danser avec ses amis. Il y a des discussions entre conjoints qui ne sont souvent pas agréables, mais qui sont légales. On ne veut pas les sanctionner parce qu'on pense c'est correct dans des relations de couples d'avoir des discussions même si parfois elles sont plus difficiles.
Le comportement coercitif et contrôlant se situe quelque part entre la discussion animée d'un côté et les actes criminels que sont le harcèlement, les voies de fait et le reste. Sur cette section, personnellement, j'ai de la difficulté à saisir les limites. J'aimerais que vous m'aidiez à le faire. J'aimerais que vous nous précisiez ce que vous considérez être un comportement contrôlant et criminel par rapport à un comportement contrôlant, mais non criminel.
Madame Koshan, j'aimerais vous entendre là-dessus pour commencer et si l'une des deux autres témoins veut ajouter quelque chose, je serais content de l'entendre.
Je suis d'accord. C'est une occasion importante pour nous de veiller à faire ce qui s'impose.
Comme je l'ai souligné dans mes remarques liminaires, l'une de mes préoccupations, si l'infraction n'est pas correctement rédigée, c'est que les survivants pourraient être visés par l'infraction pénale et pourraient être criminalisés simplement pour avoir essayé de protéger leurs enfants. Ce pourrait être considéré, je suppose, à un certain niveau, comme étant un comportement dominant, même s'ils le font pour de très bonnes raisons. Je suis donc d'accord que nous devons absolument bien rédiger le libellé du Code criminel.
C'est également là où, dans mes remarques liminaires, j'ai parlé de l'importance d'examiner ce que d'autres pays ont fait. Nous avons, dans ce projet de loi, adopté le modèle que l'Angleterre et le Pays de Galles ont mis de l'avant. L'un des autres modèles qui, à mon avis, est très intéressant et important pour le Comité, c'est ce que l'Écosse a fait. Elle a adopté une loi qui crée une infraction pour la violence conjugale de façon plus générale, ce qui comprend un comportement coercitif et dominant, mais aussi des actes comme la violence physique, la violence sexuelle et le harcèlement. Tout est compris dans la même infraction.
L'une de mes préoccupations concernant le projet de loi dans sa forme actuelle, c'est qu'il pourrait continuer à amener la police à porter de multiples accusations dans des affaires. Ils peuvent accuser un individu de contrôle coercitif, d'agression physique, d'agression sexuelle. Si nous pensons à une infraction plus globale qui inclut tous ces différents types de comportements, ce pourrait être un modèle à examiner. J'encourage vraiment le Comité à examiner comment les lois dans d'autres pays qui ont été confrontés à ce problème ont fini par être interprétées et appliquées par les tribunaux, et comment elles ont fonctionné sur le terrain, parce que je pense que cela contribuera à déterminer ce qui est le mieux pour le Canada.
Je dirais qu'une agression nécessite, bien entendu, un contact physique. L'infraction de harcèlement criminel exige que les victimes craignent pour leur sécurité.
Si nous pensons à une infraction de contrôle coercitif — et elle est distincte de ces deux types d'infractions —, elle doit se concentrer sur le comportement, sur une ligne de conduite qui a peut-être eu pour effet qu'une personne craigne pour sa sécurité, et elle doit créer une interférence substantielle avec la liberté et la capacité de cette personne de mener sa vie de tous les jours. Je pense que c'est vraiment ce sur quoi nous devons nous concentrer, et c'est le libellé que nous recherchons, peut-être dans le cadre d'une infraction plus large.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Bonjour aux témoins. Je vous remercie d'être des nôtres ce matin.
Je veux commencer par poser quelques questions à Mme Isshak, mais permettez-moi tout d'abord de la remercier du travail de première ligne que fait son organisation et, bien sûr, c'est un point commun à toutes les organisations de première ligne du pays qui travaillent dans des circonstances difficiles et qui sont toujours sous-financées.
Je la remercie également des aimables propos qu'elle a tenus au début. Je tiens à souligner que, même s'il y a un projet de loi précis, nous examinons également dans le cadre de cette étude d'autres mesures qui peuvent être prises pour résoudre le problème de la violence entre partenaires intimes.
Dans le cadre de vos discussions, madame Isshak, pourriez-vous nous dire à quelle fréquence vous êtes témoin de comportements dominants et coercitifs chez les clients qui font appel à vos services?
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Très souvent. En fait, le dénominateur commun est les comportements dominants, la violence psychologique, l'isolement. La COVID est venue amplifier ces problèmes.
Avant la COVID et pendant les années où j'ai travaillé avec des femmes dans des relations de violence, il était très courant dès que le harcèlement commençait... Ce que nous voyons maintenant — je ne l'ai pas mentionné à cause du temps —, c'est l'intimidation légale. Les gens ont recours au système de tribunaux de la famille. Je peux vous parler toute la journée des affaires, mais ce sont des cas de violence psychologique et verbale à n'en plus finir. L'intention de ces individus est de semer la peur et de tenter de contrôler les pensées de la femme. Ils les appellent et leur envoient des textos sans cesse. Ces cas sont très fréquents, plus que la violence physique.
Nous le savons, car les femmes nous le disent. Elles nous font part que ces effets psychologiques et le contrôle sont beaucoup plus durables. Les conséquences psychologiques, comme nous le savons tous, sont difficiles à mesurer, mais nous connaissons, et les recherches le confirment, toutes les conséquences pour ces femmes lorsqu'elles doivent marcher sur des œufs, ne peuvent pas vivre pleinement leur vie et sont maintenant piégées à cause des ordonnances de rester à la maison qui, espérons-le, seront bientôt levées, une fois la COVID passée.
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Merci, madame la présidente.
Merci, chers témoins, de nous faire part de votre expertise aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.
J'ai une fille qui étudie le droit à l'Université de la Colombie-Britannique et une autre qui étudie le droit à l'Université de Calgary, alors je vous demanderais, chers témoins, d'être gentils.
Sur ce, je dirai qu'au cours de ma carrière juridique, où j'ai beaucoup pratiqué en droit de la famille, j'ai traité toutes ces questions. J'ai trouvé que le plus difficile était d'aider les femmes à surmonter leur peur et à se faire entendre à nouveau. C'est un processus qui est lent. Ce n'est pas un processus rapide, car ces femmes ont perdu leur voix depuis très longtemps.
Je n'ai que cinq minutes, alors je vais commencer par poser quelques questions, pour lesquelles j'espère pouvoir obtenir des réponses, et j'aurai peut-être l'occasion d'en poser une autre par la suite.
Je vais commencer avec Mme Benedet. Je sais que vous êtes une sommité en la matière et que vous faites beaucoup de travail pro bono pour représenter les victimes de violence sexuelle. Je vous remercie du travail que vous effectuez. Je crois savoir que certaines de vos recherches les plus récentes ont porté sur les obstacles dans le système de justice pénale pour les victimes d'agression sexuelle.
Pouvez-vous nous dire comment ces barrières existantes ont été touchées par la pandémie, et quels changements vous aimeriez que l'on apporte pour accroître la confiance du public à l'égard du système judiciaire afin de régler le problème du sous-signalement?
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Merci. C'est une question excellente et compliquée que vous avez posée en peu de temps.
Les obstacles sur lesquels je me penche dans mon travail sont notamment le manque de volonté des premiers répondants — les policiers et ensuite le procureur de la Couronne — de voir et de reconnaître réellement les expériences des femmes. C'est ce qui me préoccupe. Je pense qu'il est très utile d'examiner la législation et de penser à renforcer le Code criminel, mais cela nous donne parfois un faux sentiment de sécurité, car, en fait, si vous avez des femmes qui ne se donnent même pas la peine de porter plainte parce qu'elles pensent qu'elles seront traitées avec mépris par la police et que leur cas ne fera pas l'objet d'une enquête appropriée, il y a une privatisation de la violence contre les femmes, l'idée qu'elle est censée être résolue par les femmes seules, peut-être conjointement avec certains soutiens communautaires, mais que l'État n'a pas de responsabilité pour ce qui est d'intervenir dans les cas de violence masculine.
Ce qui doit sous-tendre tout cela — ces nouvelles infractions et ces nouveaux plans d'action —, c'est l'idée que les femmes n'ont pas à se débrouiller seules, mais que l'État a la responsabilité d'intervenir et de s'interposer lorsque des cas de violence se produisent.
Madame Koshan, je sais que vous allez publier un article intitulé « COVID-19, the Shadow Pandemic, and Access to Justice for Survivors of Domestic Violence » La COVID-19, la pandémie de l'ombre et l'accès à la justice pour les survivants de violence conjugale). Dans cet article, vous parlez de l'augmentation du nombre de cas de violence conjugale qui est attribuable à l'incidence du virus, ainsi qu'aux réponses de la société pour contenir le virus, comme les ordonnances de rester à la maison qui enferment les femmes et les enfants dans les foyers. En écoutant les témoignages, je dirais également que c'est dû au fait que les auteurs d'actes de violence ont un accès accru à leur victime lorsqu'ils sont à leur domicile.
Quels services devraient être plus accessibles? Est-ce parce qu'il y a véritablement un manque de disponibilité des services ou une méconnaissance des services disponibles, ou est-ce les deux?
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Nos recherches révèlent que plusieurs obstacles sont apparus pour les victimes durant la pandémie de COVID-19. Un obstacle dont nous n'avons pas parlé est celui que les tribunaux ont eux-mêmes créé en n'entendant que les causes urgentes, et en particulier dans le domaine du droit de la famille, ce qui a vraiment rendu la tâche difficile pour les femmes d'aller devant les tribunaux.
Pour revenir à la remarque de Mme Benedet, cela entraîne la privatisation de la violence parce que les femmes n'ont même pas accès à un juge qui entendra leurs préoccupations concernant la garde et les droits de visite et la façon dont elles sont touchées par la pandémie de COVID, par exemple.
Je pense que nous devrions également nous pencher sur l'amélioration de l'accès des victimes à l'aide juridique et aux autres formes de représentation juridique financées. Dans le contexte du projet de loi plus particulièrement, j'estime qu'il est vraiment important de penser à des aides pour les victimes, y compris des conseils juridiques indépendants, parce qu'elles vont devoir témoigner au sujet des terribles traumatismes qu'elles ont subis, et elles auront besoin d'aide pour pouvoir le faire.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous nos témoins de leur présence.
Monsieur Garrison, je tiens vraiment à vous remercier d'avoir soulevé cette question et d'avoir attiré l'attention sur un enjeu si important.
Le 28 janvier 2020, la Dre Jennifer Kagan a saisi le tribunal d'une requête urgente visant à suspendre le droit de visite de son ex-mari à sa fille. Le 9 février 2020, la petite Keira Kagan a été emmenée par son père à Rattlesnake Point. Il a sauté en bas de la falaise avec elle, les entraînant dans la mort tous les deux.
J'ai eu de nombreuses rencontres avec la Dre Kagan et son mari, qui est avocat au tribunal de la famille. Nous avons eu plusieurs conversations sur le sujet suivant: le contrôle coercitif et le manque de connaissances au sein du système judiciaire sur la violence exercée par le partenaire intime, en particulier le contrôle coercitif. Depuis trois ans, elle essayait de convaincre les juges du caractère de son ex-mari, et ses demandes ont toutes été rejetées. Cela a coûté la vie à cette merveilleuse petite fille de quatre ans.
Il est bien d'avoir des lois, mais l'une des préoccupations soulevées par le beau-père de Keira, parce qu'il est avocat à la Cour de la famille de l’Ontario, c'est qu'inscrire une chose dans la loi ne règle pas le problème si cela ne s'accompagne pas de la formation nécessaire.
Je vois que Mme Koshan et Mme Benedet secouent la tête.
Je me demande si vous pourriez nous dire — pas seulement pour les juges, mais aussi pour les services policiers et le ministère public — à quel point cet aspect est essentiel pour protéger les fillettes comme Keira et les femmes comme Mme Kagan.
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Merci beaucoup de cette question.
Oui, je suis tout à fait d'accord pour dire qu'une formation judiciaire sur le contrôle coercitif est nécessaire. Je dirais que cette formation doit aussi être offerte aux avocats, car un des problèmes actuels, c'est que les avocats ne tentent pas de déceler les risques de violence familiale dans les affaires de droit familial. Or, si leur cliente a fait l'objet de contrôle coercitif, cela peut complètement en changer l'issue.
Je pense qu'il faut sensibiliser les gens au contrôle coercitif, et ce, même dès les études en droit. Il faut aussi former les policiers et les procureurs de la Couronne et, pour revenir à ce que j'ai dit dans mon exposé, toute loi découlant de ces consultations devra être assortie de politiques pour assurer son application adéquate par les services de police et la Couronne.
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Oui, comme Mme Koshan, et je donne aussi beaucoup de formation judiciaire.
C'est parfois vrai. C'est une question de sensibilisation. Il faut comprendre qu'en soi, certains comportements peuvent ne pas ressembler à des infractions ou ressembler à des délits mineurs. Par exemple, une personne qui détruit des biens communs qui appartiennent au couple, ou un conjoint qui conduit de façon erratique et à grande vitesse alors que sa femme et ses enfants sont dans la voiture. Ce sont des facteurs de risque et des modèles de comportement reconnus. Nous ne partons pas de zéro, et nous devons être capables de reconnaître ces éléments.
Nous devons aussi reconnaître et rejeter le stéréotype persistant selon lequel les femmes entreprennent ces procédures judiciaires devant le tribunal de la famille uniquement pour punir les pères et les éloigner de leurs enfants, une sorte de geste vindicatif pour avoir été méprisées. C'est un stéréotype pernicieux. C'est un mythe, pour parler franchement. Habituellement, les femmes ne s'adressent aux tribunaux de la famille que lorsqu'elles n'ont pas d'autre choix. C'est en partie ce qui alimente le déni quant à la gravité de ce comportement.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je vais reprendre la dernière question.
Madame Isshak, vous parliez, je crois, du conjoint qui dit à sa femme qu'il a un fusil et que, si elle part, il va la tuer. Cela ne constitue-t-il pas des menaces qui sont déjà criminalisées, tout comme la séquestration? Quel est votre point de vue là-dessus?
Aimez-vous mieux que je pose la question à un autre témoin?
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Je vais laisser tomber, parce qu'une minute se sera écoulée sans que j'obtienne une seule réponse.
Ma préoccupation, c'est de délimiter ce qui est permis. Il y a déjà un bon nombre d'interdictions au Code criminel. Je ne suis pas contre le fait qu'on ajoute des interdictions sur ce qui est inacceptable, mais je m'interroge sur ce qu'on considère comme étant inacceptable et qui n'est pas déjà criminel.
Séquestrer une personne et la retenir contre son gré, c'est un acte criminel, conformément à l'article 279 du Code criminel. Menacer quelqu'un, c'est un acte criminel; harceler quelqu'un, c'est un acte criminel; commettre des voies de fait à l'égard de quelqu'un, c'est un acte criminel. C'est même un acte criminel de cracher sur quelqu'un. Je ne ferai pas le tour des interdictions, mais je vous explique cela pour vous exprimer ma préoccupation. Je cherche la limite. Que veut-on interdire? On devrait peut-être le prendre autrement.
Ma question devrait peut-être être la suivante: que considérez-vous comme étant acceptable dans une relation de couple, à part les « calinours »? Qu'est-ce qui serait acceptable? Où se situe la limite entre l'acceptable et l'inacceptable?
Manifestement, il me faudra plus de cinq minutes pour obtenir des réponses. J'espère que je fais un bon témoin.
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Reprenons. Avant de présenter les témoins, je voudrais brièvement souligner quelques points pour tous les témoins.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Lorsque vous avez la parole, veuillez activer votre microphone, puis le mettre en sourdine lorsque vous avez terminé. Évidemment, cela vaut aussi pour tous les députés. Veuillez faire vos commentaires par l’intermédiaire de la présidence. L’interprétation est offerte. Au bas de votre écran, sélectionnez la langue que vous souhaitez entendre. Lorsque vous parlez, parlez lentement et clairement, et lorsque vous n’avez pas la parole, votre microphone doit être désactivé.
Bienvenue à nos témoins. Nous accueillons Mme Carmen Gill, du département de sociologie de l’Université du Nouveau-Brunswick. Elle éprouve actuellement des difficultés techniques. Nous accueillons aussi Mme Heidi Illingworth, du Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, et Mme Andrea Silverstone, directrice générale de la Sagesse Domestic Violence Prevention Society.
Nous allons maintenant donner la parole à Mme Illingworth pour sa déclaration préliminaire, pour cinq minutes. Je ferai signe aux membres et aux témoins une minute et demie avant la fin, pour que vous sachiez combien de temps il vous reste.
Madame Illingworth, allez-y, s’il vous plaît.
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Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître ici aujourd'hui.
[Traduction]
Je suis l’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels. Mon bureau est une organisation indépendante et autonome au sein du ministère de la Justice du Canada. Nous travaillons avec les victimes. Nous recevons et examinons leurs plaintes et nous présentons des recommandations aux décideurs fédéraux pour veiller à ce que les victimes soient traitées de façon équitable et respectueuse dans l’ensemble du système de justice pénale.
Je tiens à rendre hommage aux ancêtres des Premières Nations, des Métis et des Inuits, et à affirmer l’engagement de mon bureau à entretenir des relations respectueuses avec chacun et avec le territoire.
Pour commencer, je tiens à remercier l’honorable député Randall Garrison de ses efforts de sensibilisation à la question du contrôle coercitif au Canada. Je sais toute l’importance qu’il accorde personnellement à cet enjeu. En fait, mon bureau a commandé une étude à ce sujet au printemps dernier, et j’ai écrit au pour lui demander de présenter une telle mesure législative. Cela tient au fait qu’à mon bureau, nous recevons régulièrement des témoignages de survivantes de violence conjugale qui ont l’impression qu’on ne les entend pas, qu’on ne les croit pas ou qu’elles ne sont pas traitées équitablement lorsqu’elles signalent leurs expériences à la police. D’où la nécessité, à mon avis, d’une mesure législative érigeant en infraction le contrôle coercitif, qui est une forme omniprésente de violence psychologique.
En résumé, les comportements contrôlants coercitifs sont des comportements répétés qui visent à isoler et à intimider un partenaire intime: restreindre la liberté de la victime, violence verbale et menaces de blesser la victime, son enfant ou son animal de compagnie.
Actuellement, la violence entre partenaires intimes est considérée comme un problème fondé sur un seul incident, comme un problème épisodique ou ponctuel, et la dynamique répétitive du contrôle coercitif n’est pas reconnue. Donc, pour les services policiers, il est extrêmement difficile d’intervenir efficacement. Les experts ont déterminé que les comportements contrôlants coercitifs sont d’importants précurseurs de féminicides commis dans le monde. Ce comportement nocif et dangereux a été criminalisé dans d’autres administrations, notamment en Angleterre, au pays de Galles, en Irlande, en Écosse et dans plusieurs États américains.
Dans le cadre de l’étude que vous amorcez, il sera important de consulter divers intervenants de première ligne qui œuvrent auprès des survivantes. En outre, iI sera essentiel d’effectuer une analyse ACS+ et de recueillir les témoignages des survivantes sur les expériences qu’elles ont vécues, en particulier les personnes des communautés autochtones, noires et de couleur, les personnes handicapées et les membres de la communauté 2ELGBTQQIA, pour veiller à la prise en compte des voix diverses.
Les données suivantes montrent la fréquence de la violence entre partenaires intimes au Canada. De janvier à septembre 2020, le service de police de Calgary a répondu à 15 038 appels concernant des incidents de violence familiale, soit 55 appels par jour, dans une ville qui compte environ 1,5 million d’habitants. À Winnipeg, une ville de quelque 817 000 habitants, on enregistre habituellement 16 000 incidents par année, ou 44 par jour. Les statistiques démontrent que les victimes de violence entre partenaires intimes sont, de façon disproportionnée, des femmes. Nous savons aussi que cela fait des ravages dans notre société et nous coûte des milliards de dollars chaque année.
Honorables députés, je dis ceci: cela doit cesser. Voilà pourquoi j’appuie l’étude de cette mesure législative. Plusieurs dispositions du projet de loi constituent des changements positifs pour les victimes. Je me réjouis particulièrement de l’interprétation large de la notion de lien que l’on retrouve au paragraphe 3 proposé.
Nous présentons également un mémoire écrit dans lequel nous examinons certaines de ces questions de façon plus approfondie.
Pour conclure, honorables députés, je tiens à dire je pense que les systèmes juridiques et judiciaires du Canada doivent tenir davantage compte des réalités vécues par les victimes et les survivantes. Je travaille auprès des survivantes, et c’est pourquoi j’estime qu’il est temps de corriger cette lacune. Les victimes méritent un accès à la justice qui leur fait souvent défaut en raison des limites de notre cadre législatif. En apportant des modifications au Code criminel, nous améliorerons la sécurité des femmes et des enfants. Nous devons aussi prendre le temps d’éliminer les restrictions actuelles au travail des services policiers dans la reconnaissance des comportements coercitifs et contrôlants.
C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions. Je vous remercie.
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Madame Khalid, membres du Comité de la justice, bonjour. Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui et de me donner l'occasion de discuter d'un sujet qui me passionne énormément: le contrôle coercitif comme cadre pour comprendre et combattre la violence.
Je suis la directrice générale de la Sagesse Domestic Violence Prevention Society, un organisme provincial de l'Alberta qui aide les particuliers, les organismes et les collectivités à perturber les structures de la violence. En outre, je poursuis des études de troisième cycle à l'Université de Salford, à Manchester, au Royaume-Uni, pour obtenir ma maîtrise en psychologie du contrôle coercitif.
Le contrôle coercitif est un modèle de comportement qui vise à priver une personne de sa liberté et de son estime de soi. C'est un crime contre la liberté. L’établissement du contrôle coercitif en tant qu’infraction criminelle est essentiel pour la conception d'outils de mesure de la criminalité, car cela reflète les multiples tactiques de coercition et de contrôle utilisées par les auteurs de violence.
L'actuel cadre d'infractions criminelles ne reflète pas les expériences de victimisation ni le préjudice subi par les victimes de violence conjugale, comme le démontrent les taux élevés d'attrition, les données sur les peines prononcées et les faibles taux de condamnation dans les cas de violence conjugale.
Les relations minées par les comportements coercitifs et contrôlants entraînent des blessures plus graves pour la victime et sont caractérisées par des comportements violents plus fréquents et plus graves moins susceptibles de cesser. La gravité croissante rend l'intervention juridique d’autant plus nécessaire dans de tels cas afin d'interrompre l'escalade et la fréquence de la violence.
Beaucoup de victimes ou de défenseurs des droits des victimes considèrent que le régime pénal actuel n'est pas un outil pour lutter contre la violence familiale, car il ne tient pas compte du contrôle coercitif. Cela est manifeste non seulement en raison des faibles taux de condamnation et des taux d'attrition élevés que j'ai déjà mentionnés, mais aussi par le fait que moins du quart des victimes de violence conjugale font un signalement à la police.
Il convient de souligner qu'au Royaume-Uni, la modification de la définition pratique de la notion de violence conjugale utilisée dans le système judiciaire — plusieurs années avant que le contrôle coercitif soit érigé en infraction criminelle — a entraîné une hausse de 31 % des signalements à la police. En effet, après la modification de la définition afin d'inclure la gravité réelle du contrôle coercitif, les victimes ont commencé à croire que les services de police et, par extension, les tribunaux, interviendraient dans les incidents de violence qu'elles subissaient.
Puisque notre système de justice pénale actuel se concentre uniquement sur les incidents considérés comme des infractions criminelles, il se trouve à exclure de nombreuses autres menaces caractéristiques d'un comportement coercitif contrôlant continu, laissant ainsi le système judiciaire aveugle et sans les outils nécessaires pour lutter réellement contre la violence dans notre société.
Je lutte contre la violence conjugale depuis plus de 20 ans, et je pense que faire du contrôle coercitif une infraction criminelle changera complètement la donne et permettra au système judiciaire d'intervenir dans les cas de violence avant l’escalade. Le contrôle coercitif est présent dans 95 % des relations où il y a de la violence conjugale. C'est l'un des meilleurs indicateurs du degré de létalité. Avec la capacité de traiter les comportements coercitifs et contrôlants comme une infraction criminelle, les services policiers et le système judiciaire pourront empêcher l'escalade de la violence conjugale.
Cela changera la perception de la violence conjugale dans la société. Si notre système judiciaire met l'accent sur l'aspect coercitif et contrôlant de la violence conjugale, il créera dans la société un discours qui fera comprendre à tous les Canadiens que la violence est beaucoup plus qu'un œil au beurre noir, et que les victimes restent dans des relations violentes parce qu'elles ont perdu tout pouvoir personnel. Cela contribuera à déstigmatiser la violence conjugale, ce qui nous permettra, en tant que société, de mieux lutter contre la violence.
Cela entraînera des économies pour notre système de soins — organismes à but non lucratif, services de police et services de soins de santé — et pour les entreprises. Intervenir avant que la violence conjugale ne dégénère en violence physique est beaucoup moins coûteux. On peut ainsi offrir du soutien aux auteurs avant une augmentation du degré de létalité du crime. Cela élimine les préjugés entourant la violence conjugale, de sorte que victimes et auteurs peuvent obtenir de l'aide.
Au Canada, la violence familiale atteint des proportions épidémiques qui s'aggravent rapidement en raison des répercussions de la pandémie de COVID-19. Nous devons améliorer notre approche et innover pour lutter contre la violence et l'éliminer avant que la situation n'empire. Faire des comportements coercitifs et contrôlants une infraction criminelle au Canada représente une occasion pour y arriver.
Pour terminer, j'aimerais faire quatre recommandations. Premièrement, nous devons immédiatement adopter, partout au pays, une nouvelle définition pratique de la violence conjugale afin de prendre en compte les comportements coercitifs et contrôlants. Deuxièmement, il faut modifier le droit pénal canadien pour refléter le caractère criminel des comportements coercitifs et contrôlants. Troisièmement, il faut appuyer à l'échelle nationale la formation des policiers, des juges et des procureurs en matière de contrôle coercitif et de violence conjugale. Enfin, le Canada doit nommer un commissaire chargé des questions liées aux comportements coercitifs et contrôlants et à la violence. Cette personne devra posséder des connaissances spécialisées sur toutes les formes de violence afin d'offrir conseils et expertise aux législateurs sur les questions de violence et de jouer un rôle clé dans l'examen et le suivi des interventions dans les cas de violence, avec un accent sur le contrôle coercitif.
Je profite de l'occasion pour remercier M. Garrison d'avoir présenté son et d'avoir attiré l'attention sur cette question. Je remercie le Comité de m'avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui sur une question qui revêt une grande importance pour moi et pour tous les Canadiens.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions et que je poursuivrai la discussion.
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Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui pour vous donner mon point de vue sur la criminalisation du contrôle coercitif.
J'ai préparé un mémoire. Je ne sais pas si vous l'avez avec vous, mais je vais faire référence au document que j'ai envoyé hier.
Il est clair que la violence contre un partenaire intime comprend différentes formes de violence, physiques et non physiques. Toutefois, du point de vue de la justice pénale, il est difficile de déterminer si certains comportements font partie de la dynamique de violence contre un partenaire intime. C'est le cas du contrôle coercitif qui ne comporte pas nécessairement de violence physique ou d'incident particulier, mais qui consiste plutôt en des comportements répétés et continus qui s'échelonnent sur une longue période.
Comme il n'y a rien dans le Code criminel du Canada qui porte sur cette forme particulière de comportement, le contrôle coercitif échappe totalement au système de justice pénale. La violence contre un partenaire intime est de nature multidimensionnelle et englobe de nombreuses formes de violence.
J'aimerais vous parler un peu de ce qu'est le contrôle coercitif et des difficultés que cela présente de s'attaquer à ce problème du point de vue de l'application de la loi.
Le contrôle coercitif comprend des gestes à la fois de coercition et de contrôle qui passent par le recours à la force, à la privation, à l'humiliation, à l'intimidation, à l'exploitation, à l'isolement et à la domination. Certains comportements semblent normaux, mais pris tous ensemble, ils font alors partie de ce qu'on appelle le contrôle coercitif dans la dynamique de violence contre un partenaire intime.
Le but est d'obtenir l'obéissance de la victime, et à la longue, d'étouffer son sentiment de liberté dans la relation, un phénomène qu'Evan Stark a baptisé l'emprisonnement de la femme dans sa relation. Cette forme de violence est continuelle et les préjudices qui sont causés s'accumulent avec le temps, si bien qu'on ne peut l'expliquer par un seul événement. L'objectif est de priver la victime de son individualité, de son autonomie, de sa liberté et de sa capacité à prendre des décisions pour elle-même, ce qui a pour effet de l'emprisonner dans sa vie personnelle.
Il s'agit de la microrégulation qui est associée aux rôles traditionnels hommes-femmes et à la répartition stéréotypée des tâches qui attribue aux femmes, considérées comme plus passives et plus dépendantes, la responsabilité des tâches ménagères et des enfants. Dans ce genre de modèle, on fait ressortir l'idée que le rôle traditionnel de l'homme, à qui revient la responsabilité de chercher une partenaire, et les avantages physiques de l'homme sur la femme font en sorte qu'il est peu probable que la femme arrivera au même type de dominance sur son partenaire qui équivaudrait à du contrôle coercitif.
De nombreuses tactiques peuvent être utilisées pour exercer un contrôle coercitif. Il y a bien sûr la violence physique et la violence sexuelle, mais il y a également le fait de restreindre les déplacements d'une personne, de lui refuser l'entrée au domicile, de contrôler sa consommation alimentaire, de débrancher les lignes téléphoniques, de briser son cellulaire ou de l'empêcher de se rendre au travail ou à l'école. Prises ensemble, ces formes de comportement correspondent à du contrôle coercitif.
Au Canada, le gouvernement canadien parle du contrôle coercitif dans divers documents, mais le concept n'a pas été érigé en infraction dans le Code criminel.
J'aimerais maintenant vous parler de l'intervention des policiers dans les situations de contrôle coercitif.
Les policiers ont la responsabilité d'évaluer et de gérer les risques que présente un partenaire intime violent, et bien entendu, ils vont le faire à la lumière des outils qui sont à leur disposition. Ces outils sont ceux qui portent sur l'évaluation des risques, et si le contrôle coercitif n'est pas une infraction prévue dans le Code criminel, ils ne sont pas susceptibles de considérer certains comportements comme faisant partie de la dynamique de violence contre un partenaire intime. Ces comportements seront occultés, parce qu'ils vont chercher un incident, ou une preuve de violence physique.
Je vais m'arrêter ici, car j'ai déjà trop parlé.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins de nous faire part de leur expertise dans ce domaine.
Madame Gill, un bonjour de la part d'un Néo-Brunswickois. Je sais que vous avez beaucoup écrit sur le sujet. Je vais passer directement à mes questions, car le temps passe vite dans nos séances.
En mai dernier, vous avez parlé à la CBC de la situation unique dans laquelle nous nous trouvons actuellement, car des gens qui subissent de la violence familiale se font dire de rester à la maison, en sécurité. Le slogan de la Nouvelle-Écosse dit de rester à la maison. On nous dit à tous de rester à la maison, que c'est sécuritaire. Vous avez parlé du sujet, soit que les gouvernements disent aux Canadiens que l'endroit le plus sûr pour eux est à la maison, mais que pour certaines personnes qui se trouvent dans une relation de violence, ce n'est assurément pas le cas.
Je sais que nous avons une discussion plus générale sur ce projet de loi, mais je pense que si nous l'étudions en ce moment même, c'est notamment en raison de la COVID. Pouvez-vous nous parler de ce que vous avez appris dans vos recherches au cours de la dernière année sur le confinement et le fait que les gens doivent passer plus de temps à la maison en raison de la COVID?
Madame Gill, des témoins ont mentionné précédemment, mardi de même qu'aujourd'hui, que la difficulté pour les policiers, c'est qu'ils vont souvent chercher l'élément qui constitue une infraction, un élément qui relève du Code criminel. Vous avez mentionné un point dans votre déclaration sur lequel j'aimerais en savoir plus. Je pense qu'il est difficile de définir exactement ce dont nous parlons et le moment où quelque chose peut être qualifié de contrôle coercitif. Vous avez dit qu'une situation peut sembler normale, mais que l'effet cumulatif est du contrôle coercitif.
Pouvez-vous nous donner des exemples? Nous savons que dans les relations familiales, il y a toutes sortes de dynamique. Comment un comportement qui peut être normal, et sans doute ne pas être criminel dans un contexte, peut-il être du contrôle coercitif — et c'est là où il est difficile d'accuser quelqu'un en vertu du Code criminel — en raison des effets cumulatifs?
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C'est une autre excellente question.
Je travaille avec les services de police actuellement partout au Canada. J'organise des ateliers dans le cadre desquels je leur présente des scénarios, par exemple l'histoire d'un homme et d'une femme qui sont dans une relation où différentes situations se produisent, pas nécessairement de la violence physique, mais une accumulation de différentes situations qui vont finir par avoir des répercussions considérables sur la personne qui est contrôlée. La personne sera contrôlée dans ses activités quotidiennes. Elle sera privée de faire certaines choses.
Lorsqu'on présente une situation de ce genre à des agents de police, ils vous demandent ce qu'ils sont censés faire dans ce cas. Ils savent qu'il s'agit d'une forme de violence, mais il n'y a pas d'infraction dans le Code criminel qui leur permet de porter des accusations.
Les policiers répondent essentiellement à un appel concernant une querelle conjugale. Ils se présentent à la résidence. Ce qu'ils doivent faire, c'est déterminé s'il s'agit d'un cas de violence contre un partenaire intime, ou simplement une dispute entre adultes. Comment procède-t-il? Ils examinent les outils à leur disposition. Ils se tournent vers le Code criminel, les infractions qu'on y trouve, et les outils d'évaluation des risques qu'ils peuvent utiliser. Malheureusement, ils ne peuvent évaluer que ce qui constitue des preuves physiques.
En Angleterre et au pays de Galles, le ministère de l'Intérieur a recensé un ensemble de comportements qui feront partie du contrôle coercitif. En Angleterre, de plus, les policiers utilisent un outil particulier qui leur permet d'évaluer divers comportements qui, pris ensemble, vont être considérés comme du contrôle coercitif.
Je sais que le contrôle coercitif est un concept abstrait, mais il est réel. Des gens en sont victimes, et des victimes en meurent. Des femmes sont assassinées parce qu'ils sont sous le contrôle de leur partenaire, et je pourrais vous en parler longtemps.
Je remercie tous nos témoins de leurs commentaires, ainsi que de leur travail et leurs activités de sensibilisation. Il va sans dire qu'il s'agit d'une étude très importante.
Je voulais simplement faire une observation et poser deux questions, peut-être trois.
Premièrement, je pense qu'il y a eu quelques pas dans la bonne direction du côté de la formation dans le projet de loi pour sensibiliser les juges aux questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles. Nous savons tous que la définition de « violence familiale » dans la Loi sur le divorce est couplée à une formation offerte par le ministère de la Justice et à de la documentation pour les conseillers juridiques et pour sensibiliser la population à la loi. Ce sont des pas importants dans la bonne direction. Ce que j'entends, toutefois, c'est qu'il faut en faire encore beaucoup plus.
J'ai quelques questions, et je vais commencer par Mme Illingworth.
Je vous remercie d'avoir écrit au pour demander qu'on s'attaque à ce problème. Ma question porte sur ce que nous avons entendu au cours de la dernière heure. Vous avez beaucoup parlé dans votre témoignage et votre lettre de la violence contre un partenaire intime, et il ne fait aucun doute que cela se trouve au cœur même de ce dont nous discutons ici. On a aussi entendu dire dans les témoignages au cours de la dernière heure que ce sont souvent les femmes qui sont victimes de ce genre de contrôle, mais que cela ne se produit pas nécessairement dans une relation intime. Le contrôle peut venir d'une tante, d'une mère, d'une grand-mère, d'une nièce. Elles se trouvent dans des relations contrôlantes, mais sans que ce soit une relation intime.
Je me demande comment procéder pour s'assurer que la portée est assez globale pour que le contrôle coercitif s'applique aux relations intimes, mais sans exclure les autres types de relations.
Madame Illingworth, pouvez-vous essayer de répondre en 90 secondes environ? Merci.
Je pense qu'il faut être prudent dans nos définitions. Le projet de loi proposé parle du concept de relations étroites et non pas de... Cela englobe des membres de la famille qui peuvent ne pas être dans une relation intime, alors je pense que c'est un élément qui doit être pris en considération, comme vous le proposez, pour inclure, les tantes ou la mère, etc. qui peuvent en être l'objet également.
Oui, nous devons examiner la question soigneusement et nous pencher sur ce que vivent les gens. C'est pourquoi il est si important de continuer à entendre le point de vue des experts sur la ligne de front, comme Mme Silverstone, qui interviennent dans ce genre de situation tous les jours. Qui demande de l'aide? Qui fait le plus souvent l'objet de contrôle coercitif? S'agit-il de relations conjugales?
Nous savons qu'il y a souvent du contrôle coercitif dans les fréquentations amoureuses également, alors c'est un élément qu'il ne faut pas négliger, de même que dans les relations entre personnes de même sexe. Il faut examiner tous ces contextes. Si on crée une loi, il faut qu'elle soit adaptée au contexte canadien et à ce que l'on voit dans l'ensemble du pays.
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Merci, madame Illingworth.
Je vais passer à ma prochaine question qui est en lien avec ce que vous avez mentionné — madame Silverstone, vous pouvez aussi intervenir. Il en était question au cours de la dernière heure également, soit les répercussions disproportionnées qu'à cette situation sur les personnes racisées, les Autochtones, etc. Selon vous, peut-on s'attaquer au problème sur les deux fronts? J'aimerais savoir quelle est la prévalence de ce genre de contrôle au sein de la population noire, des gens de couleur, des Autochtones, en particulier les femmes.
J'aimerais que vous nous parliez un peu également, selon votre point de vue, des réticences qui pourraient exister, compte tenu de la surreprésentation des Noirs et des Autochtones, en particulier dans le système de justice pénale. Les femmes au sein de ces communautés pourraient-elles hésiter à porter plainte parce que les hommes de ces communautés sont déjà surreprésentés?
C'est une question difficile, mais j'aimerais avoir votre point de vue...
Madame Silverstone, vous pourriez répondre en premier, puis Mme Illingworth. Merci.
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C'est une bonne question, je pense qu'il faut répondre de façon très sensée pour s'assurer que les gens ont un accès équitable à quelque solution que ce soit qui est mise de l'avant pour remédier à la violence familiale.
Il est important de souligner, en fait, que le contrôle coercitif ne s'applique pas seulement à la violence familiale. Il s'applique à toute forme de violence, et je pense qu'il est tout particulièrement important d'en être conscient lorsqu'on examine la situation des communautés marginalisées, comme les personnes faisant partie de groupes en quête d'équité, parce que souvent dans ces communautés, il ne s'agit pas seulement de violence contre un partenaire intime, mais de violence latérale. Le contrôle coercitif peut aussi s'appliquer à ces communautés.
Plus nous tiendrons compte, dans les lois, de l'expérience des gens qui subissent la violence, plus les gens qui en seront victimes seront susceptibles de chercher du soutien auprès du système, parce qu'ils vont s'y reconnaître. En ne se limitant pas à la violence conjugale, la violence contre un partenaire intime, ou même la violence familiale, mais en comprenant que la violence latérale existe dans différentes communautés, je pense que nous sommes davantage susceptibles d'obtenir les résultats escomptés, soit faire en sorte que les communautés marginalisées n'hésitent pas à chercher de l'aide.
Cela étant dit, je pense qu'au Canada, nous pouvons toujours faire mieux pour nous assurer que les communautés marginalisées savent que nous sommes là, que nos systèmes sont là, pour les servir.
Je veux simplement dire que je suis d'accord avec Mme Silverstone. Nous devons examiner la réponse du système de justice pénale à l'égard de ces communautés, une réponse qui a été plutôt négative par le passé. On ne les croit pas, et on minimise la violence dont elles font l'objet. Les interventions policières n'ont pas été positives.
Il est fort possible que les gens ne cherchent pas à obtenir de l'aide, alors nous devons prendre cela en considération au moment d'élaborer des programmes ou des lois. Nous devons trouver une façon d'intervenir de manière pénale si c'est ce que souhaite la personne, mais aussi trouver une façon de lui offrir le soutien nécessaire si elle ne souhaite pas emprunter cette voie.
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Je vous remercie, madame la présidente.
D'abord, je remercie tous les témoins qui sont ici aujourd'hui.
Je pense que vos témoignages sont importants. Il s'agit d'un sujet délicat sur lequel nous nous penchons maintenant. Comme je le disais tantôt, les pièges sont nombreux et il faut être très prudents dans la façon dont nous allons traiter ces situations. Donc, vos lumières nous sont précieuses.
Ma question va s'adresser à Mme Gill.
J'ai apprécié la partie de votre témoignage où vous m'aidez à circonscrire ce qui doit être traité dans le cadre de nos travaux. Il existe déjà dans le Code criminel des infractions pour violence, voie de fait, harcèlement, séquestration. Tout cela fait déjà l'objet d'interdiction criminelle et de poursuite lorsqu'il y a des incidents comme ceux-là.
À l'autre extrémité du spectre, il y a les comportements dans des relations de couple, parfois orageuses, qui sont tout à fait corrects et qu'on doit permettre dans une société normale. On se situe donc entre les deux quand on parle de comportements coercitifs et contrôlants. Je retiens de votre témoignage, madame Gill, et des autres témoignages, que nous cherchons une espèce de modèle pour déterminer ce qui sera un comportement contrôlant et coercitif répréhensible et que nous voulons éviter.
D'abord, ai-je j'ai raison de dire que c'est dans une répétition d'événements de type contrôlant et coercitif que nous allons retrouver ce que nous voulons éviter?
Ensuite, est-ce vraiment nécessaire d'en faire une infraction criminelle ou est-ce qu'à votre avis il y aurait d'autres façons de mieux combattre ce type de comportement néfaste qui nuit à la vie de tout le monde?
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Merci, madame la présidente. Je souhaite remercier les témoins pour leur présence aujourd’hui, de même que pour leurs bons mots.
L’ombudsman des victimes d’actes criminels a fait référence à ma situation. Je souhaite simplement préciser que j’ai grandi dans une famille où, il y a bien longtemps, les comportements coercitifs étaient la règle. C’était normal. Malheureusement, ces audiences nous montrent que ces comportements sont encore assez souvent vus comme naturels, voire qu’ils devraient être la règle dans les familles.
Je soulève ce point parce que je souhaite répondre directement aux nombreuses femmes qui ont demandé de l’aide pendant la pandémie en raison d’un problème déjà existant de violence conjugale, de violence familiale ou de comportements contrôlants ou coercitifs qui s’est aggravé pendant la pandémie, où l’accès aux services d’aide est plus difficile.
J’aimerais maintenant m’adresser à Mme Silverstone. Elle a parlé des personnes qui restent dans une relation de violence parce que des comportements coercitifs et contrôlants leur ont fait perdre leur indépendance. Peut-être pourrait-elle nous parler un peu plus de l’importance de cette perte d’indépendance d’après son expérience et celle de l’organisme pour lequel elle travaille.
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Merci beaucoup. Je serais heureuse de vous en parler.
Ce qu’il faut absolument comprendre, c’est que le contrôle coercitif est insidieux et répétitif, que ce type de comportement implique rarement de la violence physique et qu’il élimine toute conscience de soi. La personne ne prend plus de décisions en fonction de ce qui est le mieux pour elle ou de ce qui la motive, mais bien en fonction de la crainte de ce que lui infligera l’autre si elle ne prend pas la bonne décision.
Les questions qui viennent d’être posées à Mme Gill s’appliquent aussi à la perte de conscience de soi, car, quand un couple se dispute et que personne ne change son comportement dans la foulée de cette dispute, il ne s’agit pas de contrôle coercitif, mais bien d’une relation conflictuelle. En revanche, si l’une des parties change son comportement, perd sa conscience de soi et sa capacité à prendre des décisions en fonction de ce qui est le mieux pour elle, si son identité devient partie intégrante de celle de l’autre, c’est la définition même du contrôle coercitif.
Il y a quantité de recherches sur les théories de l’identité et la façon dont le contrôle coercitif annihile l’identité, ce qui est, plus que tout, le facteur déterminant. Cela signifie que, quand je me lève le matin, je mange du bacon plutôt que des flocons de maïs parce que, même si je n’aime pas cela, c’est ce que veut mon conjoint.
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Merci, monsieur Garrison.
Tout à fait. Les policiers savent ce qui se passe quand ils interviennent dans différentes situations, mais ils doivent faire avec les outils dont ils disposent, c’est-à-dire des outils d’évaluation des risques.
Au Canada, l’Ontario Domestic Assault Risk Assessment ou ODARA est un de ces outils. On l’utilise à bien des endroits, et plus particulièrement dans les cas de violence physique ou de menace de violence physique. Les policiers effectuent une évaluation quand ils constatent qu’il y a des preuves de violence physique. S’il y a d’autres types de preuves, elles ne sont pas nécessairement évaluées.
J’ai mené une étude au Nouveau-Brunswick auprès des forces de l’ordre. Nous leur avons demandé quelles étaient leurs perceptions de la violence conjugale. Il y avait deux camps: ceux qui avaient une vision plus traditionnelle de la violence conjugale, et ceux qui étaient plus progressistes. Les plus conservateurs vont utiliser la terminologie du Code criminel, c’est-à-dire qu’ils vont parler d’agression et d’agression sexuelle, tandis que les plus progressistes vont parler de coercition, de jalousie et d’oppression au sein de la relation, voire d’isolement.
Les policiers savent qu’il se passe quelque chose, mais ils n’ont pas nécessairement la capacité d’y remédier, sauf en envoyant la victime dans un refuge ou peut-être en recourant à un mandat de paix sous l’article 810 afin d’éloigner les conjoints l’un de l’autre. Ils ne peuvent pas vraiment intervenir. Ils peuvent séparer les parties ou ils peuvent en arrêter une, bien qu’elle ne fasse l’objet d’aucune accusation.
Il faut trouver des preuves. Et pour trouver des preuves de contrôle coercitif, il faut leur donner les outils nécessaires pour cerner ce qu’est le contrôle coercitif. Voilà ce que je vous répondrais.
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Merci beaucoup, madame Gill.
Très rapidement, vu le peu de temps qu’il me reste, j’aimerais poser une question à Mme Illingworth.
Il s’avère que, l’an dernier, vos bureaux et le mien ont travaillé sur cette question chacun de leur côté et que je viens à peine d’apprendre ce que vous avez écrit à la .
Pouvez-vous nous dire brièvement pourquoi vous avez choisi ce moment pour aborder le sujet avec la?
Merci beaucoup, monsieur Garrison. Votre temps est écoulé.
Chers membres, je vois qu’il reste 3 minutes avant 13 heures. Y a-t-il consensus pour entamer la deuxième série de questions, qui devrait nous demander environ 25 minutes? Je laisse les membres en décider. Je comprends qu’il s’agit d’un sujet très important.
M. Garrison aimerait poursuivre. M. Cooper aimerait poursuivre, de même que MM. Virani et Moore.
Oui, monsieur Fortin.
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Merci, madame la présidente, et merci aux témoins.
Il est certes utile de savoir ce que font d’autres gouvernements tandis que nous étudions le projet de loi , de même que la question plus large du contrôle coercitif.
Madame Illingworth, vous avez souligné que plusieurs États américains ont adopté des lois à cet effet. Je ne le savais pas. Si j’ai bien compris, un projet de loi est à l’étude à l’assemblée législative de l’État de New York. Aussi, dans le Tennessee, des modifications à la loi sur la séquestration sont à l’étude, semble-t-il, afin d’y inclure des types de comportements qui constituent de la séquestration conjugale.
Pouvez-vous citer d’autres exemples afin que nous puissions consulter ces lois dans le cadre de notre étude sur ce sujet si important?
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Merci pour ces précisions.
Ma question s’adresse à vous, madame Illingworth, ainsi qu’à vous, madame Gill. Peut-être pourrez-vous me répondre sur le sujet.
L’adoption d’un projet de loi est certes une étape importante, mais il faut aussi veiller à ce que cette loi soit un outil efficace pour les forces de l’ordre. Il ne semble pas y avoir d’augmentation notable du nombre de poursuites et de condamnations aux instances supérieures. Par exemple, au Royaume-Uni, à la fin de 2018, il n’y avait qu’un peu plus de 9 000 infractions criminelles concernant le contrôle coercitif sur 2 millions de cas de violence conjugale recensés cette année-là, et seulement 308 condamnations.
Je présume qu’il faut tenir compte de certains aspects pratiques quant à la façon dont les forces de l’ordre peuvent porter des accusations et dont la Couronne peut mener à bien des poursuites dans ce genre d’affaires. Pouvez-vous nous parler de certaines de ces difficultés et de la façon dont cet outil, si ce projet de loi ou un autre semblable devait être adopté, pourrait s’avérer efficace contre ce grave problème?
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D’accord. Je vais répondre, car nous devons faire vite.
Si vous prenez la situation de l’Angleterre et du pays de Galles, vous constaterez que les procureurs de la Couronne ont conçu un manuel sur la façon d’utiliser le contrôle coercitif pour engager des poursuites. Aussi, les policiers disposent d’un outil d’évaluation des risques appelé Domestic Abuse, Stalking, Harassment and Honour based violence Assessment Tool ou DASH.
Évidemment, engager de telles poursuites signifie que l’on dispose des ressources nécessaires pour former les personnes afin qu’elles puissent les mener. Même chose pour les juges. Si le projet de loi est adopté, ils devront comprendre ce qu’est l’infraction criminelle concernant le contrôle coercitif.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins.
Madame Gill ou madame Silverstone, je ne sais pas si vous avez mené des recherches à cet effet, mais j’ai parlé à trois femmes incarcérées, toutes les trois pour trafic de drogue et en raison d’un contrôle coercitif. Emily O’Brien, une femme de la région qui a depuis obtenu sa libération, voyageait avec son conjoint. Durant toute leur relation, il la menaçait. Il lui a confisqué son passeport et l’a forcée à rapporter de la drogue pour le récupérer et pouvoir revoir sa famille. Elle a été incarcérée en raison des peines minimales obligatoires. J’ai rencontré des femmes à l’Établissement d’Edmonton pour femmes qui étaient exactement dans la même situation. Je me demande si vous voyez souvent des femmes faire de la prison en raison du contrôle coercitif exercé par leur conjoint.
Madame Gill, peut-être pourriez-vous commencer? Je vous vois acquiescer.
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Je vous remercie beaucoup, madame Damoff.
Je pense que tout le monde convient qu'une loi de ce genre est essentielle et nécessaire, mais son application me pose problème.
M. Moore, M. Cooper, M. Fortin et d'autres ont abordé cette question. Madame Gill, vous avez dit que c'est un concept abstrait.
Madame Illingworth, vous avez mentionné que l'application d'une telle loi constitue un défi, et je suis d'accord avec vous. On se trouve à criminaliser des comportements qui, pris isolément, peuvent ne pas constituer un crime, alors que, pris ensemble, ils constituent un crime. Cela fait peser un lourd fardeau sur un policier qui est appelé à intervenir dans une situation et à mener une enquête à la suite d'une plainte déposée par une conjointe en raison de comportements qui, pris isolément, peuvent sembler inoffensifs. Je pense que c'est ce que M. Fortin tentait de faire valoir plus tôt.
Madame Gill, dans votre mémoire, vous décrivez le cadre établi par le Home Office. On peut facilement nommer trois ou quatre comportements de cette liste qui, pris isolément, ne paraissent pas troublants, mais qui, pris ensemble, le sont.
Ma question s'adresse sans doute à vous, madame Silverstone, car je sais que vous travaillez avec certains groupes et que vous leur offrez de la formation. Pensez-vous que vous seriez en mesure de former un groupe de juges, un groupe de policiers ou tout autre groupe en ce qui a trait à la façon dont ils peuvent appliquer cette loi, afin d'éviter des problèmes qui auraient des répercussions sur les victimes?
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Oui, tout à fait. Je pense qu'il faut procéder avec soin et prudence.
J'ai eu la chance, il y a deux ans, de passer un mois et demi au Royaume-Uni au sein du College of Policing et du Crown Prosecution Service pour discuter précisément de cette question, car ces deux entités tentaient d'offrir ce genre de formation et d'enseigner comment se servir de cette loi.
Ce qui s'est produit notamment, grâce à l'amélioration de la formation et aux examens législatifs, c'est que les policiers, qui sont mieux formés et plus à l'aise avec cette loi, présentent de meilleurs éléments de preuve au tribunal, ce qui signifie que la Couronne est en mesure de mieux faire son travail. Si on examine l'utilisation de cette loi au fil des ans par les policiers et les procureurs de la Couronne, on constate une hausse de 30 % chaque année. Même si ce pourcentage est faible et qu'il s'élevait à seulement environ 3 % en 2019, je crois que nous allons dans la bonne direction.
Nous avons beaucoup de chance que d'autres États aient fait ce travail ou soient en train de le faire, de sorte que nous bénéficions d'exemples. Je sais que les policiers veulent utiliser un tel outil, et nous leur donnerions ce qu'ils souhaitent avoir et non pas une chose à laquelle ils seraient réfractaires.
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Excusez-moi, madame Gill, j'aimerais discuter toute la soirée avec vous, mais je n'ai que deux minutes. Je retiens cela. Je vous remercie de votre réponse.
L'autre question que je veux poser concerne l'éducation. Mme Silverstone disait qu'elle s'occupe beaucoup de formation des juges, des policiers et des avocats.
Comment fait-on pour légiférer ou contrôler pour éviter la coercition? Comment va-t-on éduquer les gens à cet égard? Existe-t-il présentement un programme ou un autre mécanisme pour éduquer la population?
Il faudrait travailler en amont pour éviter que les jeunes garçons ou les jeunes filles — j'en connais, des jeunes filles très contrôlantes — développent ce comportement. Je ne sais pas qui pourrait répondre à cette question. Je parle d'éducation non pas de policiers, de juges ou d'avocats, mais de l'ensemble de la population, dès le jeune âge.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je pense bien entendu que ces réunions du comité de la justice traduisent les propos de M. Fortin, à savoir qu'elles constituent une tentative de mettre en lumière le problème pour le bénéfice du grand public. Je remercie donc les témoins pour leur présence aujourd'hui.
J'aimerais revenir à un élément qui, à mon avis, a tendance à se faufiler dans nos discussions, c'est-à-dire la difficulté à reconnaître les comportements contrôlants et coercitifs. Lorsque je discute avec des travailleurs de première ligne, je me rends compte qu'ils n'éprouvent aucune difficulté à reconnaître ces comportements en question.
J'aimerais que chacun des témoins nous dise très rapidement s'il estime qu'il est difficile de reconnaître et de définir ces comportements.
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Je vous remercie beaucoup.
Merci, monsieur Garrison.
J'aimerais remercier les témoins pour leur témoignage très convaincant. Si vous avez fait référence à des mémoires ou à d'autres documents, veuillez vous assurer de les transmettre au Comité. Si vous n'avez pas été en mesure de répondre à certaines questions ou d'y répondre complètement, n'hésitez pas à fournir au Comité une réponse par écrit.
Avant que vous ne quittiez la réunion, je tiens à vous mentionner qu'il y a deux délais à ne pas oublier. Je vous fais ce rappel pour votre propre bénéfice et celui d'autres personnes.
Il y a d'abord le délai pour les mémoires présentés dans le cadre de la présente étude, qui est fixé au 28 février à midi. Veuillez donc prendre note de ce délai et encourager les parties intéressées à nous transmettre un mémoire si elles ne sont pas en mesure de comparaître en personne.
Le deuxième délai que je veux vous rappeler est le mardi 16 février en fin de journée. Les membres ont jusqu'à cette date pour transmettre leur liste de témoins pour notre prochaine étude, qui porte sur les répercussions de la pandémie de COVID sur le système de justice. Je tiens à rappeler aux membres que, d'après les discussions que nous avons eues, les libéraux vont proposer huit témoins, à l'instar des conservateurs. Le Bloc québécois et le NPD vont proposer trois témoins chacun. Le délai est donc le mardi 16 février. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à me les poser après la réunion.
Je vous remercie encore une fois pour cette réunion très utile.
La séance est levée.