C'est un honneur de pouvoir vous parler d'un sujet aussi important.
À la fin de 2022, nous voyons des relations entre le Canada et la Chine qui demeurent très distantes et caractérisées par un dialogue minimal, malgré l'importance des enjeux.
La libération de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, et des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor, il y a plus d'un an, a éliminé les facteurs qui pesaient le plus sur les relations, mais je ne vois aucun rapprochement ou signe de retour au réseau d'échanges complexe antérieur à l'échelon des dirigeants, des ministères ou de représentants fédéraux ou provinciaux.
Les restrictions rigoureuses liées à la COVID imposées du côté chinois empêchent également une reprise des voyages d'affaires dans les deux sens. Le flux d'étudiants chinois vers le Canada a partiellement repris, mais la vague de près d'un million de touristes chinois au Canada avant la pandémie ne se reverra pas, au minimum, avant la levée des règlements liés à la COVID appliqués en Chine.
Au-delà de ces rouages, si je puis dire, des relations diplomatiques, commerciales et personnelles, l'érosion de la confiance de part et d'autre rend, à mon avis, tout retour rapide aux relations bilatérales d'avant 2019 improbable dans un proche avenir. L'opinion majoritairement négative que le public et les médias canadiens ont de la Chine est un frein de plus. Côté chinois, les médias contrôlés par l'État critiquent moins les politiques canadiennes à l'égard de la Chine depuis la remise en liberté de Meng Wanzhou, mais les autorités chinoises continuent, selon moi, de se méfier du Canada. On peut dire que les relations sont au ralenti, voire qu'elles stagnent.
L'émergence de plusieurs facteurs chinois intérieurs et internationaux complique tout retour à des relations entre États plus normales et plus positives. Je les citerai très rapidement. Ma liste en compte huit, je crois.
Les relations entre les États-Unis et la Chine sont tendues et deviennent plus difficiles, car les dirigeants américain et chinois se livrent régulièrement à des critiques directes. Les deux pays ont pris des mesures législatives et réglementaires pour limiter les échanges commerciaux et l'investissement.
L'émergence de Taïwan est sans conteste la question la plus médiatisée qui divise Washington et Beijing. C'est, à mon avis, le facteur qui risque le plus d'aboutir à une guerre ouverte entre les deux adversaires, avec des conséquences, évidemment, pour le Canada.
La répression de Beijing à Hong Kong — territoire aux liens historiques profonds avec le Canada et notable par la présence massive et constante de citoyens canadiens — par l'application de la loi sur la sécurité nationale est comme une épée de Damoclès sur nos relations avec Hong Kong et avec la Chine.
Le Xinjiang, comme le Tibet, est depuis des décennies un sujet d'inquiétude en matière de droits de la personne. Je m'y suis rendu pour la première fois en 1983 et j'ai vu au fil du temps une détérioration progressive, mais pas au même rythme. Les politiques radicales que continue d'appliquer la Chine ne montrent aucun signe d'assouplissement. Je soulignerai que si les préoccupations occidentales en ce qui concerne le Xinjiang sont largement partagées, la plupart des pays moins développés et les États à majorité musulmane restent silencieux sur le Xinjiang, ce qui est regrettable, à mon sens,
Les allégations d'ingérence dans les affaires politiques canadiennes ne portent pas le public et le gouvernement à être favorables à une amélioration des relations avec Beijing.
Le soutien limité de la Chine à la guerre que livre Moscou en Ukraine n'aide pas, encore que les Chinois montrent des signes d'inquiétude croissante quant aux objectifs de guerre des Russes.
L'annonce à venir d'une stratégie indo-pacifique du Canada sera considérée, ou du moins présentée, par Beijing comme faisant partie de la stratégie américaine destinée à isoler et à contenir la Chine.
Les aspects positifs sont limités. Le commerce bilatéral est relativement stable, même si à l'exception des produits agricoles des provinces de l'Ouest et des produits de la mer des provinces de l'Atlantique, les Canadiens connaissent très peu nos exportations. Nous continuons, grosso modo, d'importer trois fois plus de produits chinois que nous n'exportons de produits canadiens. Le mouvement pour réduire la dépendance envers les chaînes d'approvisionnement chinoises est très modeste.
Quoi que l'on pense des politiques intérieures et internationales chinoises, je vois un danger dans l'absence de véritable dialogue entre Ottawa et Beijing. La semaine dernière, le secrétaire de la Défense des États-Unis, M. Austin, a déclaré regretter la suspension par la Chine des consultations militaires régulières entre le département de la Défense des États-Unis et l'Armée populaire de libération, et reconnu que cette situation présente des risques, notamment en cas de crise. De même, l'absence de communication continue entre nos capitales, Ottawa et Beijing, présente des risques et fait même perdre des possibilités au Canada.
En septembre dernier, le China Institute de l'Université de l'Alberta et l'Institut des affaires étrangères de la République populaire de Chine — qui est un organisme quasi gouvernemental — ont tenu une de leurs consultations, et peut-être la seule restante, avec des responsables et d'anciens responsables chinois. Ce dialogue n'est pas sans intérêt, mais il est loin de remplacer une réelle série d'échanges officiels.
Enfin, en dehors de perspectives limitées, je ne vois pas de retour rapide à des relations bilatérales normales, étant donné les questions que j'ai citées. À moins d'un nouvel événement très négatif, qui est toujours possible, le plus probable serait un lent retour à un schéma de visites et d'échanges plus réguliers, comme en ont généralement nos alliés européens. Ce serait limité, encore une fois, par les questions que je vous ai exposées. Le dialogue et la communication de positions divergentes ne sont pas nécessairement synonymes de faiblesse ou d'apaisement.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, professeur Houlden.
Nous passons à la professeure Ong. Vous disposez de cinq minutes pour vos observations.
Mme Lynette Ong (professeure, Munk School of Global Affairs and Public Policy, Université de Toronto): Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant le comité spécial. C'est un honneur d'être ici.
À l'approche du XXe Congrès national duParti communiste chinois, qui doit avoir lieu le 16 octobre, les enjeux sont de taille. De l'avis général, le président Xi Jinping devrait être reconduit dans ses fonctions pour un troisième mandat et rester au pouvoir pour au moins cinq années encore.
J'aimerais offrir trois prédictions concernant les paysages politique et économique de la Chine dans les cinq prochaines années, avec des conséquences pour nos relations bilatérales.
Premièrement, le président Xi Jinping consolidera encore son autorité dans les échelons supérieurs du pouvoir au sein du parti. Avec les différentes campagnes qu'il a lancées au cours de la dernière décennie, notamment la campagne anticorruption, le président Xi s'est débarrassé non seulement de responsables corrompus, mais aussi de membres de factions rivales.
Les bases du soutien de l'élite changent, cependant, et, d'une unité reposant sur le favoritisme, passent à une unité de plus en plus fondée sur la peur. Pendant des décennies depuis la réforme et l'ouverture, le partage du butin est ce qui soudait le système, selon moi. L'arrangement fait les frais de la décision de Xi Jinping de mettre un frein au capitalisme de copinage et de réduire le rôle des entrepreneurs, mais un système régi par la peur sera très probablement moins stable qu'un système reposant sur le partage du butin.
Deuxièmement, en dehors de l'élite, le parti peut sembler avoir une forte emprise sur la société et continuer d'étrangler la société civile, tout en renforçant la surveillance et le maintien de la stabilité. Cependant, cette façade cache une société qui deviendra plus contestatrice et turbulente dans les prochaines années, sans aller jusqu'aux actions collectives ou aux mouvements sociaux de grande ampleur.
Au cours des six derniers mois, les premiers signes d'une société de plus en plus indocile sont apparus avec le mécontentement populaire à l'égard de la politique zéro COVID. Nous avons vu les réactions à cette politique passer d'un respect généralisé des mesures dans les 18 premiers mois à une résistance croissante en personne et à une discordance virulente sur Internet.
Comme je le dis dans l'ouvrage que je viens de publier sous le titre Outsourcing Repression: Everyday State Power in Contemporary China qui repose sur une étude menée pendant 10 ans sur la façon dont l'État chinois applique sa très ambitieuse politique d'urbanisation — qui présente beaucoup de similitudes avec la politique zéro COVID —, les acteurs non étatiques, comme les intermédiaires communautaires et les bénévoles, jouent un rôle démesuré. Comme ces personnes sont insérées dans la société et que la communauté leur fait confiance, leur gestion des politiques quotidiennes est plus susceptible de recueillir l'adhésion que si des fonctionnaires étaient envoyés sur place faire le même travail. La stratégie de délégation du contrôle social à des membres choisis de la société est fondamentale dans l'exercice du pouvoir de l'État au quotidien en Chine.
Cependant, les récents événements mettent à l'épreuve cette stratégie très fructueuse. Alors que les politiques zéro COVID deviennent plus aberrantes, il est demandé aux Chinois de sacrifier leur liberté individuelle et, parfois, d'être séparés de leurs proches, et il leur arrive de se voir refuser des soins médicaux parce qu'ils ne peuvent pas produire de certificat de vaccination. Nous verrons la discordance prendre de l'ampleur et les Chinois devenir de plus en plus blasés et indociles.
Lorsque Xi Jinping durcira le contrôle de la société après le Congrès du Parti, il se peut que nous voyions plus de signes de dissidence, comme aux extrémités du Grand Bond en avant, au début des années 1950, sous Mao. La société chinoise deviendra inévitablement plus contestataire, malgré la répression politique.
Enfin, troisièmement, les facteurs de risque pour l'économie chinoise ont aussi pris de l'ampleur. Le modèle économique chinois a toujours reposé sur le secteur immobilier comme moteur de croissance. Or, avec le ralentissement économique, le secteur immobilier est au point mort. L'été dernier, beaucoup de ménages dans le pays qui ont versé des arrhes, mais se sont retrouvés dans des projets qui ont été abandonnés, ont organisé une action collective à grande échelle afin de faire pression sur le gouvernement pour qu'il mette en place un plan de sauvetage. Ce genre d'action collective à grande échelle est très rare en Chine. Nous devrions donc le prendre au sérieux et y voir un signe que quelque chose de grave se prépare.
En résumé, tout ne va pas bien sur le front économique.
En résumé, tant sur le plan économique que politique, la Chine vit une période de transformation structurelle, ce qui crée beaucoup d'incertitude pour sa stabilité intérieure et sociale ainsi que pour la diplomatie étrangère.
Les pays qui peuvent traiter efficacement avec la Chine sont ceux qui ont la capacité de planifier des scénarios et d'élaborer des plans d'action pour réagir à une série de scénarios dans les années à venir. Personne ne peut être absolument certain de la direction dans laquelle les vents politiques vont effectivement souffler. Nous devons être prêts à modifier et à adapter rapidement notre stratégie si nécessaire, et une forte dotation en Chine engendre cette capacité d'adaptation.
Je vous remercie.
Le président: Merci, madame Ong.
Madame Calverley, vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration.
Mme Aileen Calverley (cofondatrice et curatrice, Hong Kong Watch): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, de m'offrir l'occasion de témoigner devant vous.
Bien trop souvent, les relations entre le Canada et la RPC sont présentées sous l'angle étroit du commerce et des affaires. On dit aux Canadiens que la Chine représente une trop grande occasion d'affaires pour que nous risquions de nous aliéner le gouvernement chinois en soulevant la question des droits de la personne. Pourtant, les échanges du Canada avec la Chine en 2021 représentaient un peu plus de 4,6 % de nos exportations totales.
De même, un facteur souvent ignoré dans ce débat est le fait qu'une grande partie des biens que nous exportons vers la Chine sont les matières premières sur lesquelles repose son économie. Par exemple, même au plus fort de sa guerre commerciale avec l'Australie, la RPC continue d'importer des quantités substantielles de minerai de fer qu'elle ne peut pas se procurer ailleurs. Cela illustre la capacité limitée de la RPC à mettre les pays dont l'économie repose sur les exportations dans ce qu'elle appelle le « congélateur économique ».
Le rapport sur l'ESG de Hong Kong Watch — notre nouvelle étude — montre que les stratégies d'investissement passives des principaux régimes de pension fédéraux et provinciaux canadiens, de même que des fonds de dotation des universités n'ont pas réussi à bien prendre en compte les considérations relatives aux droits de la personne dans les décisions d'investissement des portefeuilles pour nos pensions canadiennes. Les actions détenues dans des fonds de marchés émergents comprennent des entreprises chinoises liées au travail forcé. J'espère qu'il s'agit là d'un domaine que votre comité pourra examiner plus à fond dans une étude distincte.
Le Canada continue de porter un intérêt particulier à la situation des droits de la personne à Hong Kong, notamment en raison des 300 000 Canadiens qui y ont élu domicile et des 500 000 Canadiens originaires de Hong Kong qui s'inquiètent toujours de la sécurité de leurs familles et de leurs amis. La situation des droits de la personne à Hong Kong s'est rapidement détériorée depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité nationale en 2020. Pékin poursuit sa répression du mouvement prodémocratie à Hong Kong.
Le procès du cardinal Joseph Zen, âgé de 90 ans, et de cinq autres curateurs du 612 Humanitarian Relief Fund, dont la Canadienne Denise Ho, a débuté il y a une semaine. Quarante-sept Hongkongais prodémocratie sont inculpés en vertu de la Loi sur la sécurité nationale simplement parce qu'ils ont participé à une élection primaire. Cinq orthophonistes qui ont publié une série de livres pour enfants intitulée Le village des moutons ont récemment été condamnés pour sédition.
Comme la situation sur le terrain continue de se détériorer de jour en jour, des Hongkongais cherchent un moyen de quitter la ville, non seulement pour assurer leur propre sécurité, mais aussi dans la quête d'un meilleur avenir pour leur famille. Le volet du programme de permis de travail ouvert pour Hong Kong annoncé par le Canada il y a deux ans est un début, mais de nombreuses lacunes devraient être comblées.
Par exemple, la restriction de cinq ans constitue un obstacle pour de nombreux Hongkongais, même pour les jeunes diplômés qui remplissent les exigences au moment de la demande. Le temps de recevoir leur permis de travail et de remplir les exigences relatives aux heures de travail leur fait courir le risque de ne plus être admissibles à une demande de résidence permanente dans le volet B du programme.
Le Canada s'est fixé pour objectif d'accueillir plus de 400 000 immigrants par an au cours des prochaines années. L'élargissement de la voie d'accès pour Hong Kong peut aider à réaliser cet objectif. Le fondateur du journal prodémocratie Apple Daily, Jimmy Lai, est en détention. Son arrestation et sa détention sont la preuve de la répression de la liberté de la presse que le PCC exerce dans la ville. Selon l'Association des journalistes de Hong Kong, l'indice de liberté de la presse est au plus bas. Le gouvernement de Hong Kong envisage aussi de promulguer une loi sur les « fausses nouvelles », qui conférerait au gouvernement le pouvoir de prendre un décret pour faire supprimer de fausses informations.
De nombreux défenseurs des droits de la personne de première ligne — notamment des journalistes et des militants, des législateurs et des professionnels de la santé prodémocratie — ne sont actuellement pas visés par le régime de permis de travail ouvert du Canada. Nous recommandons que le gouvernement crée une catégorie des défenseurs des droits de la personne pour combler cette lacune, à l'instar de la politique en vigueur pour l'Ukraine.
Même les Hongkongais qui peuvent immigrer au Canada ne sont pas à l'abri de la très longue portée du régime du PCC. La police chinoise ouvre des bureaux au Canada où des agents agissant au nom du PCC continuent de harceler et d'intimider des dissidents. La menace ne pèse pas seulement sur les Hongkongais, mais aussi sur les dissidents ouïgours, tibétains et chinois. Le département outre-mer du Front uni du PCC exploite l'une des opérations d'ingérence étrangère les plus sophistiquées au Canada, dont il est longuement question dans China Unbound de Joanna Chiu et dans Hidden Hand de Clive Hamilton.
Cette opération vise non seulement à garder les citoyens chinois, les Hongkongais, les Tibétains et d'autres activistes sous étroite surveillance et, dans certains cas, à les cibler et à les intimider, mais elle sert aussi à s'ingérer activement dans la politique canadienne.
Le président: Madame Calverley, je pense que nous allons vous interrompre parce que nous devons passer à nos questions. Cependant, si vous avez d'autres points à faire valoir, vous pourrez peut-être les glisser dans certaines de vos réponses.
Merci beaucoup.
Mme Aileen Calverley: Oui, c'est bien. Je vous remercie.
Le président: Nous allons maintenant passer à notre première série de questions.
Madame Dancho, vous disposez de six minutes.
Mme Raquel Dancho: Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins de se joindre à nous et de nous fournir d'excellents témoignages.
J'ai quelques questions à poser à M. Houlden.
J'ai beaucoup apprécié la façon dont vous avez structuré votre déclaration liminaire. Elle était très facile à suivre. Ayant écouté beaucoup de déclarations liminaires, j'ai vraiment apprécié l'excellente façon dont vous l'avez faite, alors je vous en remercie.
M. Gordon Houlden: Merci.
Mme Raquel Dancho: J'aimerais avoir votre avis d'expert sur quelques-uns des accords auxquels le Canada n'a pas été invité à participer en tant qu'allié ou dans le cadre de plusieurs alliances qui ont été conclues ces dernières années dans la région de l'Indo-Pacifique, notamment le pacte de sécurité trilatéral entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, communément appelé AUKUS. Croyez-vous que le Canada devrait chercher à s'asseoir à cette table?
M. Gordon Houlden: Je suis pour l'adhésion du Canada. Nous faisons partie de plus d'organisations internationales que presque tous les autres États. Cependant, un problème se pose avec l'Asie-Pacifique, avec le Pacifique en général et même avec l'Indo-Pacifique. Avec tout le respect que je dois à nos militaires, pour lesquels j'ai le plus grand respect — j'ai fréquenté notre collège de la Défense nationale à un moment donné — nos forces dans le Pacifique sont extrêmement modestes. Nous n'avons même pas la capacité ou les moyens d'envoyer facilement nos navires en Asie sans l'aide de notre voisin du Sud. Plusieurs de nos navires prennent de l'âge. Notre force aérienne n'est pas nouvelle. Nous sommes un acteur mineur. Tant que cela restera vrai, je pense qu'il nous sera difficile d'être pris au sérieux ou d'être un membre actif de ces organisations.
En ce qui concerne le commerce, il existe des liens plus substantiels. Évidemment, nous avons d'énormes liens personnels, car l'Asie est la première source de notre immigration, etc. L'accord AUKUS entre le Royaume-Uni, l'Australie et les États-Unis est particulièrement axé sur le matériel de défense que le Canada ne semble pas prêt à acquérir, selon moi. Quand vous pensez à nos sous-marins, nous avons déjà emprunté cette voie, mais cela n'a jamais été concluant. Je suis un peu sceptique en ce qui concerne la possibilité que cela se produise.
Cependant, je crois que nous devrions participer à davantage de discussions en Asie. Néanmoins, nous ne devrions pas supposer qu'il suffit de demander. L'attention que nous portons à cette région est épisodique. Elle est intense pendant un certain temps, puis elle s'éteint. Dans les capitales asiatiques — je pense — la question sera de savoir si nous allons répondre « présents » de manière régulière et si on peut compter sur nous. Si nous pouvions générer un effort soutenu pour jouer un rôle actif dans cette région malgré les distances, ce serait une excellente chose.
Mme Raquel Dancho: Pouvez-vous également commenter le dialogue quadrilatéral sur la sécurité? Devrions-nous chercher à y adhérer?
M. Gordon Houlden: Je dirais que oui. Les membres vont demander ce que nous avons à apporter à la table. Je dirais qu'il est maintenant trop modeste en ce qui concerne la présence militaire, l'influence politique et l'engagement apparent à long terme des gouvernements — pluriels — par le passé. Je pense que ce n'est pas quelque chose qui pourrait être fait demain. Ce droit devra être gagné et non pas simplement « Pouvons-nous nous joindre? Merci beaucoup ». C'est peut-être un objectif à plus long terme, mais je pense qu'il doit être précédé d'un investissement — militaire, politique et économique — dans les relations avec l'Asie. Ensuite, nous pourrons récolter les fruits.
Mme Raquel Dancho: Il semble que le Canada ait beaucoup de travail à faire pour que ces alliances clés en matière de sécurité l'invitent et l'accueillent à la table.
Quelles seraient les répercussions à long terme pour le Canada si nous nous contentions du statu quo, de notre présence telle qu'elle est actuellement? Pouvez-vous expliquer en termes simples pourquoi vous pensez que c'est important? On dirait que vous pensez que c'est très important. Pouvez-vous l'expliquer au Comité?
M. Gordon Houlden: Je pense que la situation actuelle se maintiendra. Autrement dit, si vous voulez savoir ce qui se passera si nous ne faisons rien de spectaculaire, d'important ou de substantiel, les choses resteront comme avant. Mon avertissement ici est que, historiquement, lorsque la situation sécuritaire en Asie a très mal tourné, lorsqu'elle est allée vers le sud... Je pense à 1941, lorsque les troupes à Hong Kong ont été écrasées. Je pense à la guerre de Corée, lorsque brusquement, en quelques mois à peine, nous nous battions avec désespoir dans la péninsule coréenne. On pourrait même dire que le 11 septembre a catapulté, sans presque aucun avertissement, un conflit en Asie occidentale.
Nous sommes un petit acteur et nous le serons probablement toujours, mais si nous ne sommes pas très attentifs et si nous n'avons pas une contribution substantielle à apporter sur le plan du matériel, de l'attention et des efforts politiques, nous nous retrouverons entraînés bon gré mal gré dans des situations où nous serons gravement touchés, avec peu d'avertissement et peu de possibilités de façonner la réaction.
Mme Raquel Dancho: Je pense à la réponse que nous avons eue pour le cas des deux Michael et des divers problèmes agricoles que nous avons eus dans le cadre de nos échanges commerciaux. On a beaucoup parlé à ce comité de la dépendance du Canada à l'égard de la Chine sur le plan commercial, et probablement de l'inverse. J'ai l'impression que, parce que nous ne faisons pas partie de ces alliances, que nous ne sommes pas invités à la table et que nous n'investissons pas dans les ressources que vous avez décrites, le Canada risque de se faire bousculer par des acteurs plus importants, notamment la Chine, lorsqu'ils veulent faire quelque chose. Par exemple, nous avons récemment entendu parler de trois postes de police satellites qu'ils ont établis dans la région de Toronto.
Le fait de ne pas être présent et de ne pas prendre la question autant au sérieux que nous le devrions n'a-t-il pas une incidence sur nos options quant à la façon de réagir, par exemple, à ces postes de police satellites qui seraient installés à Toronto?
M. Gordon Houlden: C'est une question très complexe, et je vous en remercie.
J'en suis à ma 36e année de travail à temps plein sur la Chine. D'après mon expérience, lorsqu'il s'agit d'ingérence politique, d'espionnage si vous voulez, ou simplement d'ingérence injustifiée, c'est un peu comme l'herbe à crabe: on a beau l'arracher, elle repousse. La notion que si l'on prend une mesure, le problème disparaît, n'est pas réaliste. À mon avis, il faut être vigilants.
Je crois que vous avez tout à fait raison de dire qu'une présence plus visible en Asie sera utile, mais comme je l'ai dit dans mon exposé, il faut prêter une attention particulière à la Chine elle-même et avoir un dialogue avec elle, pouvoir parler aux hauts fonctionnaires... Je connais tous les ambassadeurs canadiens. J'ai rencontré tous les ambassadeurs chinois au Canada depuis l'établissement de nos relations en 1970, dont certains alors que je n'étais encore qu'étudiant. Je sais que nous avons eu des problèmes, mais certains d'entre eux n'ont consisté qu'à aller parler aux ministres responsables de la sécurité publique ou de la sécurité d'État et à leur dire: « Écoutez, c'est inacceptable. Si vous faites ceci, nous ferons cela. »
Ce genre de dialogue n'est pas...
Le président: Monsieur Houlden, je suis désolé. Je dois intervenir. Nous avons largement dépassé le temps imparti.
M. Gordon Houlden: Bien sûr. Je vous remercie.
Mme Raquel Dancho: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, madame Dancho.
Nous passons maintenant à Mme Yip pour six minutes.
Mme Jean Yip: C'est une belle surprise.
Je tiens à remercier les témoins d'être venus à cette heure avancée pour participer à la réunion du Comité.
Ma première question s'adresse à M. Houlden et à Mme Ong.
Dans votre déclaration préliminaire, monsieur Houlden, vous avez mentionné que les « restrictions strictes de la COVID » ont « empêché une résurgence des visiteurs d'affaires ». Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Quel est l'impact économique?
M. Gordon Houlden: Nous avons une cohorte très nombreuse de Canadiens d'origine chinoise. Ils devraient normalement lancer des entreprises, et c'est ce qu'ils font. Ils ont souvent des contacts commerciaux ou ils arrivent au Canada avec de tels contacts, mais il n'y a pas que ceux-là. Les dirigeants non seulement de sociétés asiatiques privées, mais aussi des PDG et des directeurs financiers de grandes entreprises canadiennes occupent habituellement les sièges de la classe affaire dans les avions entre Shanghai et Vancouver, entre Toronto et Hong Kong, etc.
Une grande partie du commerce se fait sur pilotage automatique et peut se faire à distance, comme j'interviens aujourd'hui de façon virtuelle, mais lorsqu'il s'agit d'investissement, lorsqu'une entreprise décide de dépenser beaucoup d'argent pour développer le marché chinois pour ses produits, rien ne remplace le face-à-face. Avec les restrictions liées à la COVID, qui sont toujours en vigueur — avec un peu de chance, elles seront levées en 2023 — c'est un peu comme la tuile qui n'est pas tombée. Vous ne savez pas ce que vous avez manqué si cela ne s'est pas produit.
Les échanges commerciaux sont restés relativement stables, mais nous ne pouvons pas savoir ce qui aurait pu se passer si nous avions pu avoir un échange normal de gens d'affaires dans les deux directions. Il est impossible de le quantifier. Cependant, je suis persuadé que des accords n'ont pas été conclus et que des exportations qui auraient pu avoir lieu n'ont pas eu lieu à cause des restrictions liées à la COVID, qui ont aussi ralenti l'économie chinoise.
Mme Jean Yip: Madame Ong.
Mme Lynette Ong: Je pense que les restrictions très strictes liées à la COVID ont eu différentes répercussions sur l'économie chinoise. Premièrement, je pense qu'elles envoient de mauvais signaux aux investisseurs étrangers, comme en fait foi le président de la Chambre de commerce de l'Union européenne qui a fait des déclarations à la presse presque chaque semaine pour dire à quel point elles ont nui aux entreprises européennes et augmenté leur méfiance envers la Chine.
Au cours de la dernière décennie, en raison de la hausse du coût de la main-d'oeuvre et d'autres coûts comme le découplage économique, des entreprises ont déplacé leurs usines à l'étranger et ont délaissé la Chine, et cela s'est produit constamment. Je pense qu'en raison des restrictions liées à l'objectif de zéro COVID et de leur durée, la tendance s'est manifestement accélérée.
À une échelle beaucoup plus large, je pense que pour les entreprises étrangères, c'est emblématique des politiques économiques qui émanent du régime de Xi Jinping, de politiques économiques qui ne sont plus favorables aux entreprises, qui deviennent de plus en plus absurdes dans le seul but de maintenir le contrôle social, ce qui compromet en contrepartie la convivialité pour les entreprises.
Mme Jean Yip: À votre avis, les restrictions liées à la COVID ne seront pas levées de sitôt, que ce soit à des fins de contrôle social ou de protection de la santé.
Mme Lynette Ong: Non. Je pense qu'il y a un an, si vous aviez fait un sondage d'opinion auprès d'observateurs de la Chine, les gens auraient dit que ces restrictions pourraient être levées après le congrès du parti, mais je pense que le consensus actuel est qu'en gros, les restrictions ne seront pas levées de sitôt.
Je pense que ces restrictions liées à la COVID ne sont qu'un signe de la nature des politiques que le régime de Xi a formulées et mises en oeuvre ces derniers temps.
Mme Jean Yip: Dans votre déclaration liminaire, vous avez mentionné que le président Xi réduisait le rôle des entrepreneurs. Dans quel but?
Mme Lynette Ong: En termes très simples, c'est aussi dans le but de renforcer le contrôle de l'État.
En Chine, la mesure a toujours été décrite comme une mesure favorisant la pénétration de l'État, le rôle du secteur privé étant réduit. Il s'agit d'accroître le contrôle politique, de maintenir le contrôle social, et le parti se méfie du rôle démesuré des entrepreneurs, surtout des entrepreneurs du secteur de la technologie.
Nous avons vu Jack Ma et plusieurs introductions en bourse de grandes entreprises technologiques chinoises et leur radiation de la cote au cours de la dernière année.
Mme Jean Yip: Merci.
Madame Calverley, voulez-vous terminer votre déclaration liminaire?
Mme Aileen Calverley: C'est ce que nous avons vu lors des récentes élections fédérales, où le Front uni a utilisé WeChat pour diffuser de la désinformation sur des parlementaires de premier plan du PCC dans plusieurs circonscriptions afin d'influer sur le résultat de l'élection.
Le Canada doit rester ferme dans sa détermination à offrir aux Hongkongais une voie sûre pour sortir de la ville et à protéger leurs droits, leurs libertés et leur sécurité une fois qu'ils sont sur le sol canadien.
Je vous remercie.
Mme Jean Yip: À votre avis, quelles mesures le gouvernement canadien peut il prendre pour encourager l'investissement éthique?
Mme Aileen Calverley: Il y a deux aspects à prendre en compte. Le premier concerne les lois. Le deuxième est l'analyse des risques liés au pays. Permettez-moi de parler d'abord de l'analyse des risques.
Le président: Excusez-moi, madame Calverley, mais nous n'avons plus de temps pour le tour de Mme Yip. Gardez cette idée en tête. Je suis sûr que vous aurez l'occasion de la terminer. Merci beaucoup.
Nous passons à monsieur Bergeron, pour six minutes ou moins.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Merci, monsieur le président.
Je tiens d'abord à remercier infiniment nos chers témoins de leur présence ce soir. Je les remercie de se prêter à l'exercice, même à cette heure tardive, et d'éclairer notre réflexion sur les relations sino-canadiennes.
Lors de sa comparution devant le Comité le 5 février 2020, l'ancien ambassadeur du Canada en Chine, M. Dominic Barton, a déclaré que les relations entre les deux pays avaient profondément changé en décembre 2018 et que la méfiance était bien réelle.
Ma question aux trois témoins est fort simple: avez-vous le sentiment que, depuis la fin de l'affaire Meng Wanzhou et la libération des deux Michael, la relation entre les deux pays s'est améliorée, ou sommes-nous toujours dans cette espèce de situation de crise qui ne semble pas vouloir se résorber?
[Traduction]
Mr. Gordon Houlden: Je vais peut-être parler en premier.
Mr. Stéphane Bergeron: Allez y, monsieur Houlden.
[Français]
Mr. Gordon Houlden: Merci.
J'ai l'impression que la situation a changé, mais très peu. Il y a encore peu de contacts avec des visiteurs de haut niveau, des scientifiques et des gens d'affaires. Ce n'est plus une crise comme avant, mais plutôt une situation où les progrès stagnent et où il y a un manque de confiance des deux côtés. Il y a surtout une méfiance du public canadien à l'égard de la Chine, ainsi que des attitudes nettement négatives entre les deux pays.
[Traduction]
Mme Lynette Ong: Merci pour la question.
Est-ce que cela a changé? En grande partie non. Si l'on prend le dernier sondage de Pew Research qui évalue l'opinion de la société à l'égard de la Chine, je ne pense pas que cette opinion soit vraiment remontée, et cela correspond tout à fait aux résultats des sondages d'opinion populaire de nombreuses sociétés occidentales. Les gens ne font pas confiance à la Chine. Je ne crois pas que les choses soient revenues à la normale.
Pour ma part, j'ai donné un cours en Chine sur un campus chinois. Nous n'avons pas l'intention de retourner en Chine de sitôt, parce que les choses... Vous savez, il y a une cicatrice, et nous connaissons la cause profonde de cette cicatrice. Je ne crois pas que la cause profonde ait disparu, même si les deux Michael ont été libérés.
Mme Aileen Calverley: La libération des deux Michael n'a rien changé. En fait, beaucoup de Canadiens veulent savoir ce qui leur est arrivé, mais depuis leur retour, c'est calme. Dans nos coeurs, les cicatrices sont là. Elles n'ont jamais été réparées. Pour que les relations entre le Canada et la Chine se rétablissent, ou se poursuivent, Pékin doit faire beaucoup de travail. Pour l'instant, avec la situation en Russie et en Ukraine, nous commençons à nous inquiéter pour Taïwan.
Ce n'est pas une période où nous nous sentons en sécurité pour visiter Hong Kong, par exemple, pour visiter Taïwan ou pour visiter la Chine. Je pense qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour rétablir les relations.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Merci beaucoup.
Le 21 mars 2022, le département d'État américain a annoncé de nouvelles restrictions de visa à l'encontre de représentants gouvernementaux de la République populaire de Chine. La déclaration du département d'État demandait au gouvernement de la République populaire de Chine, et je cite, de mettre fin à son génocide et à ses crimes contre l'humanité au Xinjiang, à ses politiques répressives au Tibet, à la répression des libertés fondamentales à Hong Kong et aux violations et abus des droits de la personne, y compris les violations de la liberté de religion ailleurs dans le pays.
Ma question est fort simple: à partir du moment où notre plus proche allié et partenaire commercial parle ouvertement d'un génocide au Xinjiang, comment expliquez-vous la timidité du gouvernement canadien à appliquer ce terme à la situation qui prévaut au Xinjiang?
[Traduction]
Le président: Nous avons le temps d'entendre une réponse, monsieur Bergeron. À qui souhaitez-vous adresser votre question?
M. Stéphane Bergeron: Je la poserais à M. Houlden.
[Français]
M. Gordon Houlden: Le mot « génocide » est plus fort que tous les autres. Même le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a parlé de « crimes contre l'humanité » dans le rapport qu'il a rédigé après sa visite.
Si on parle de génocide dans le sens de la répression d'une minorité, je suis d'accord. Si on parle de génocide dans le sens de l'élimination physique d'un groupe, on doit distinguer le génocide au Xinjiang du génocide des Juifs en Europe. C'est peut-être un point technique.
Même si les États-Unis ont limité les visites de fonctionnaires chinois, le président des États Unis va avoir une réunion avec le président de la Chine. On peut fortement critiquer les personnes qui sont directement liées à des actes de répression et à des violations des droits de la personne et leur refuser des visas, mais, d'après moi, il faut maintenir des contacts et des conversations privées avec des fonctionnaires de haut ou moyen niveau de la République populaire de Chine.
[Traduction]
Le président: Je vous remercie, professeur Houlden.
Les six prochaines minutes appartiennent à Mme McPherson.
Mme Heather McPherson: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence. Encore une fois, il se fait tard, et je vous suis très reconnaissante d'avoir accepté de vous joindre à nous. Il est peut-être un peu moins tard pour M. Houlden de l'Université de l'Alberta, qui est, bien sûr, mon alma mater.
Monsieur Houlden, j'allais commencer par vous. Vous avez évoqué des échecs diplomatiques. Nous n'avons pas d'ambassadeur depuis neuf ou dix mois, mais je pense que c'est une discussion plus large à propos du Canada et de ses engagements diplomatiques, je suppose, en matière de diplomatie. À mon avis, nous avons préféré le commerce au développement, à la diplomatie, depuis beaucoup trop longtemps.
Pouvez-vous nous parler un peu de cette stagnation, de ce manque d'investissements dans nos relations et des répercussions attribuables à l'absence d'ambassadeur?
M. Gordon Houlden: Tout d'abord, je dirais que Jim Nickel, notre chargé d'affaires, que je connais très bien et qui part maintenant pour Taipei, a fait un excellent travail en l'absence d'un ambassadeur.
La présence d'un ambassadeur revêt une importance symbolique, mais aussi concrète. Elle permet un meilleur accès à Pékin maintenant — pas un excellent accès, mais un meilleur accès. Un ambassadeur n'est pas seulement là pour manger des canapés et aller boire des cocktails. Un ambassadeur, ou une ambassadrice, dans le cas de Jennifer May, est là pour aller livrer des messages fermes, et aussi, grâce à ses contacts, pour donner à Ottawa d'excellents conseils.
J'aurais toutefois une demande à faire, soit de veiller à ce que les attentes à l'égard de Mme May restent raisonnables. Nous déléguons une fonctionnaire de talent. Je la connais bien. Elle a travaillé pour moi lorsque j'étais à Pékin, alors qu'elle était une agente subalterne. Ayons des attentes modestes. Ne vous attendez pas à ce qu'elle réussisse à modifier substantiellement les conditions au Xinjiang. N'attendez pas d'elle qu'elle trouve une solution à notre problème consulaire à Hong Kong. Si nous avons des attentes modestes, mais que nous savons qu'elle sera là pour représenter le Canada d'une voix forte lorsque nous ne serons pas heureux...
Elle peut être une voix en privé. Je ne crois pas vraiment à la diplomatie du haut-parleur lorsqu'il s'agit d'une ambassadrice dans un endroit comme Pékin, mais mon Dieu, nous avons une ambassadrice à Moscou, où une guerre est en cours.
Installons une ambassadrice là bas. Je suis sûr qu'elle y sera très bientôt. Limitez vos attentes, mais une voix canadienne est nécessaire, tout comme une évaluation de la situation éminemment canadienne, afin que nous ne dépendions pas exclusivement de nos alliés. Je pense que c'est important.
Mme Heather McPherson: Je pense que cela témoigne d'un engagement envers cette relation. L'absence d'ambassadeur sur place témoigne d'un manque d'engagement envers cette relation, cela ne fait aucun doute.
Un autre domaine me préoccupe beaucoup. Nous avons vu la Chine jouer un rôle de plus en plus important dans le développement de l'Afrique subsaharienne. Parallèlement, nous avons constaté un recul des investissements et de l'engagement du Canada dans cette région, que ce soit dans le cadre d'opérations de maintien de la paix, d'activités de développement international ou de relations diplomatiques.
Pourriez-vous nous parler des répercussions ou des risques pour le Canada et la stabilité mondiale, je suppose, lorsque vous observez des situations comme la présence accrue de la Chine en Afrique subsaharienne au moment même où le Canada réduit ses efforts dans cette région?
M. Gordon Houlden: À une époque lointaine, j'ai travaillé sur le dossier de l'Afrique pour ce qui est maintenant Affaires mondiales Canada et je suis allé en Afrique. Je suis le dossier de très près, en l'examinant du point de vue de la Chine. Les Chinois sont partout en Afrique. Ils sont le premier partenaire commercial de la plupart des États africains.
Les Africains vous diront cependant que ce n'est pas comme si les puissances coloniales s'étaient couvertes de gloire dans leur travail en Afrique. Les Africains sont souvent un peu mal à l'aise avec cette expérience.
Le Canada a un avantage. Nous n'avons pas de passé colonial en Afrique. Nous sommes considérés comme un bon partenaire, mais cela demande beaucoup de temps et d'attention de la part des hauts fonctionnaires. Il faut des fonds de développement et des relations commerciales actives. Nous ne serons pas en mesure de jouer un rôle aussi visible que celui de la Chine, mais nous pouvons jouer notre rôle. Si nous ne le faisons pas, nous laissons le champ libre aux Chinois et à d'autres acteurs non démocratiques qui ne partagent pas forcément nos valeurs.
C'est sans équivoque: nous devons avoir une présence dynamique pour garantir que nous soyons remarqués et que nous puissions jouer un rôle, mais sans exagérer le potentiel pour nous.
Ms. Heather McPherson: Merci beaucoup.
Madame Ong, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
Mme Lynette Ong: Non.
Mme Heather McPherson: Merci.
Madame Calverley, tout d'abord, je veux vous rassurer en vous disant que ce comité a accepté de mener une étude sur les investissements et j'espère que nous l'entreprendrons. J'espère que nous serons en mesure de vous réinviter à ce moment-là.
Au cours de votre témoignage, vous avez évoqué les menaces qui pèsent sur les Canadiens et l'influence étrangère. J'aimerais connaître votre point de vue sur les nouvelles que nous avons entendues au sujet des postes de police qui ont été ouverts. Qu'attendez-vous du gouvernement canadien en guise de réponse?
Mme Aileen Calverley: C'est une nouvelle très choquante. En fait, plusieurs ont été ouverts en Ontario, dont un à Markham où j'ai vécu.
Il y a déjà eu des agents de la Chine dans les parages, mais ouvertement, je pense. À mon avis, c'est la première fois que nous entendons dire qu'il s'agit en fait de policiers chinois. Je pense qu'ils le font ouvertement parce qu'il n'y a pas de législation. Il n'y a rien pour les dissuader, rien pour les punir.
Je pense que le Canada devrait adopter une nouvelle loi. En tant que policiers chinois, ils devraient être considérés comme des agents ou des représentants du gouvernement. Ils ne peuvent pas simplement ouvrir des bureaux au Canada.
Ils prétendent qu'ils aident simplement les citoyens chinois à renouveler leurs passeports. Ils n'ont pas besoin de ces bureaux, parce qu'ils ont leur propre ambassade. Par le passé, ils ont utilisé ce moyen pour intimider des citoyens chinois et les convaincre par la peur de retourner en Chine pour être jugés, puis ils ont menacé leur famille. Maintenant, je pense qu'avec le poste de police de Markham, ils peuvent intimider des gens comme nous. Je vis au Canada depuis plusieurs décennies. Maintenant, je me sens effrayée. Je dois installer une caméra dans ma maison.
Je pense que le gouvernement canadien doit vraiment se pencher sur la question, car il s'agit de policiers chinois. Ils devraient être considérés comme des agents. Il devrait y avoir une loi qui stipule qu'ils doivent informer le gouvernement canadien qu'ils sont des agents.
Mme Heather McPherson: Je suis vraiment désolée que vous vous sentiez si menacée dans ce pays.
Mme Aileen Calverley: Oui, je le suis.
Mme Heather McPherson: C'est horrible.
Le président: Madame McPherson, vous avez largement dépassé le temps imparti.
Monsieur Chong, allez y pour cinq minutes.
L’hon. Michael Chong: Merci, monsieur le président.
Cette question s'adresse à vous trois.
Vers la fin de 2019, le gouvernement a annoncé qu'il présenterait un nouveau cadre sur la Chine. Nous savons que nous n'en avons toujours pas. Il s'est maintenant transformé en une stratégie indo-pacifique qui, selon la ministre Joly, sera publiée à la fin de l'année, quelque temps avant Noël.
Ma simple question à vous trois est la suivante: avez-vous été consultés par le gouvernement sur la stratégie indo-pacifique?
M. Gordon Houlden: De la part de Gordon Houlden, la réponse est non.
L’hon. Michael Chong: Je vous remercie de votre réponse. Merci.
Mme Ong…?
Mme Lynette Ong: Oui, il y a eu une merveilleuse consultation virtuelle en table ronde avec, je crois, quelqu'un des Affaires mondiales.
La réponse courte est oui.
L'hon. Michael Chong: Merci.
Mme Calverley…?
Mme Aileen Calverley: Ce n'était pas une consultation, mais nous en avons parlé.
L'hon. Michael Chong: Si je soulève cette question, c'est que j'ai pris note de la déclaration préliminaire de Mme Ong. J'ai trouvé très bonne la façon dont vous avez présenté le fait que la Chine est en train de changer structurellement. Vous avez parlé de changements chez des élites, de changements chez les non-élites, puis de certains de leurs défis économiques.
L'une des choses que j'ai retenues de vos conseils au Comité, c'est que, face à une Chine qui évolue rapidement, le gouvernement canadien doit être efficace dans l'élaboration de scénarios. Je me demande si vous pouvez nous en dire plus à ce sujet.
J'ai l'impression que le gouvernement n'est pas très bon, pas très agile, dans la création de scénarios. Cela fait maintenant trois ans que nous essayons d'élaborer cette politique chinoise, cette stratégie indo-pacifique. Nous sommes la seule puissance du G7 qui ne dispose pas d'un document de politique étrangère sur la région indo-pacifique, et il semble qu'il est particulièrement difficile de produire ce plan élémentaire.
D'après ce que vous savez, madame Ong, du fonctionnement d'Affaires mondiales Canada, quelles sont les lacunes du ministère qui nous empêchent d'être plus agiles dans la production de ces documents et de veiller à ce qu'ils soient régulièrement mis à jour pour répondre aux divers scénarios qui pourraient se présenter?
Mme Lynette Ong: Oui, c'est une excellente question.
À mon avis, la constante dans un avenir très proche, la constante dans les relations avec la Chine, c'est l'incertitude. C'est la seule chose dont nous pouvons être certains.
Je pense que la politique et l'économie passent par des changements très structurels et fondamentaux. Les choses pourraient mal tourner très rapidement, ou bien se détériorer progressivement. Personne ne peut en être certain.
Dans un sens, nous devons avoir une dotation très forte pour la Chine, et je connais un peu les affaires mondiales. Je ne connais pas assez bien le ministère des Affaires mondiales pour dire s'il a la capacité d'amasser des ressources sur la Chine, des gens qui connaissent vraiment la politique de l'élite, des gens qui connaissent vraiment la société et des gens qui connaissent vraiment l'économie et les formulations chinoises pour pouvoir être agiles et permettre au Canada d'avoir la capacité de s'adaptation si les choses changent très rapidement, ce que je pense.
L'hon. Michael Chong: Je vous remercie pour cette réponse. Elle est précieuse.
Je voudrais passer à un sujet légèrement différent, qui concerne l'investissement étranger direct de la Chine au Canada et l'investissement étranger direct du Canada en Chine, l'IED bilatéral entre nos deux pays.
Si je veux aborder ce sujet rapidement, c'est que je sais, M. Houlden, que votre institut à l'Université de l'Alberta a effectué des recherches à cet égard. J'ai noté que des dizaines de milliards de dollars sont venus de Chine au Canada au cours des dernières décennies.
Je pense à ce qui se passerait si la Chine envahissait un jour Taïwan. Je crois qu'il y aurait une réaction proportionnelle des alliés occidentaux en ce qui concerne les sanctions, comme cela a été le cas pour la Russie. Comme notre exposition au commerce et aux investissements bilatéraux avec la Chine est beaucoup plus importante qu'avec la Russie, je me demande quelles seraient les conséquences pour le Canada si cela devait se produire.
Le président: Il faudrait que votre réponse soit brève, monsieur Houlden.
M. Gordon Houlden: Le China Institute possède la base de données la plus complète sur les investissements chinois au Canada.
Vous avez posé une question sur l'éventualité d'un conflit à propos de Taïwan, un allié vulnérable du Sud. À mon avis, l'investissement serait la plus pointe de l'iceberg. L'effet le plus important serait la perturbation des chaînes d'approvisionnement. Regardez ce qui s'est passé en Russie et l'impact que la situation a eu sur le secteur de l'énergie. Une perturbation durable des relations économiques entre la Chine et l'Occident aurait un effet bien plus important. Dès que les navires en route auraient débarqué leur cargaison ou seraient refoulés, les magasins seraient vides. Vous verriez des perturbations de l'approvisionnement d'intrants absolument essentiels aux entreprises canadiennes et à la vie des Canadiens. Nous sommes très vulnérables aux effets de la perturbation de ces échanges commerciaux — des investissements, bien sûr, mais surtout des échanges commerciaux.
Le président: Je vous remercie.
Nous passons maintenant à M. Frangiskatos pour cinq minutes.
M. Peter Fragistakos: Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins.
Madame Ong, j'ai été particulièrement touché par votre témoignage qui, au départ, portait vraiment sur la durabilité du régime. Vous avez parlé de partage du butin. Vous avez parlé de la peur. En réponse à la question de Mme Yip, vous avez parlé du traitement que le régime a réservé à la classe moyenne, de la réduction du rôle du secteur privé et de ce genre de choses.
Ma question est simple. Je comprends le point que vous avez soulevé à propos de la certitude, mais je pense qu'il serait utile que vous nous fassiez part de votre point de vue sur la durabilité de ce régime. De l'extérieur, il semble plutôt stable, mais l'est il vraiment?
Mme Lynette Ong: À mon avis, il est toujours très durable, mais en termes relatifs, je pense que la durabilité a considérablement diminué parce que je pense que les assises de sa durabilité, surtout la stabilité des élites, ont été érodées.
La Chine est un pays de capitalisme de copinage depuis de nombreuses années — soit depuis sa réforme et son ouverture en 1979 — et je pense qu'au cours des 10 dernières années environ, la campagne anticorruption du Président Xi a érodé le fondement même du régime, le liant qui en maintient la cohésion, à savoir les échanges d'intérêts mutuels et la réciprocité. Il a vraiment déchiré le tissu qui maintient la cohésion de l'élite politique.
M. Peter Fragiskatos: Comme mon temps est compté, je vais passer à M. Houlden et lui poser la même question.
Monsieur, à votre avis, à quel point le régime chinois est il durable?
M. Gordon Houlden: Merci beaucoup.
J'ai eu l'occasion de servir dans des ambassades du Canada dans trois pays communistes sur trois continents différents. Il n'est pas facile de répondre à cette question, mais le mot d'ordre pour moi — et la raison pour laquelle je suis prudent — est que j'ai servi en Europe de l'Est. Mon travail consistait à suivre les partis d'opposition à Varsovie. Je pouvais voir les fissures dans le mur. Je sentais que l'Union soviétique allait s'effondrer. Je pensais qu'il faudrait attendre 50 ans, mais 18 mois après mon départ, elle n'existait plus. Ce sont des questions très difficiles.
À mon avis, les régimes communistes ont la force du fer, pas de l'acier. Ils peuvent être très friables. Lorsque la désunion règne au sommet, ce qui est, selon moi, la cause la plus probable du changement en Chine — c'est à dire de l'effondrement du régime — il y aura une lutte au sommet.
La Chine a investi tellement d'argent et d'efforts pour gérer et contrôler les dissidents dans la rue, mais je parierais sur des problèmes au sommet. La question de savoir quand ces problèmes vont émerger au point de menacer le régime est une question difficile. Cela pourrait être pour bientôt ou cela pourrait prendre beaucoup de temps.
M. Peter Fragistakos: Merci.
Avec ma dernière question, j'aimerais revenir sur ce que M. Chong a dit à propos de l'économie. Quelles régions du Canada sont les plus exposées à la Chine, en ce qui concerne leur économie et quels secteurs sont les plus exposés?
Autrement dit, si les alliés occidentaux, y compris le Canada, imposaient un jour des sanctions en réaction à des mesures que la Chine aurait prises — qu'il s'agisse de l'invasion de Taïwan ou de quelque chose du genre —, quelles régions du pays, géographiquement, seraient les plus touchées et quels secteurs seraient les plus touchés?
M. Gordon Houlden: À qui s'adresse la question?
M. Peter Fragiskatos: À vous, monsieur.
M. Gordon Houlden: Merci.
Je dirais que, grosso modo — et je simplifie — la dépendance diminue à mesure que l'on se déplace vers l'est. C'est plus grave dans l'Ouest canadien, en Colombie-Britannique et dans les provinces des Prairies, où le pourcentage d'échanges commerciaux avec la Chine est plus élevé et plus marqué dans certains secteurs, notamment l'agriculture, mais aussi les pâtes et la foresterie.
Il y aurait une exception pour les provinces de l'Atlantique. Si ce commerce de produits de la mer devait disparaître du jour au lendemain, cela poserait un grave problème, mais comme j'ai répondu à M. Chong, la dépendance globale du Canada envers la Chine dans les chaînes d'approvisionnement est très élevée.
Il n'y a pas que les téléphones. Il y a aussi les pièces automobiles et les produits électroniques. Les puces peuvent provenir de Taïwan, mais les puces de Taïwan vont en grande partie dans des usines chinoises, puis nous recevons les ordinateurs portables et les téléphones. C'est une danse très complexe d'intrants et d'extrants. Nous sommes à un niveau de vulnérabilité, surtout dans l'Ouest canadien.
Je vous remercie.
M. Peter Fragiskatos: Merci, monsieur.
Le président: Merci, monsieur Fragiskatos.
Nous donnons maintenant la parole à M. Bergeron pour deux minutes et demie.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais tout simplement renchérir sur la question qui a été posée par M. Chong.
Je m'adresse aux trois témoins. Si la ministre Joly était assise à cette table ce soir et qu'elle vous demandait ce que vous aimeriez voir dans la politique canadienne concernant la région indo-pacifique, que lui recommanderiez-vous?
[Traduction]
M. Gordon Houlden: Je pense que par souci d'équité, je devrais permettre à Mme Ong de commencer, si elle le veut bien.
Mme Lynette Ong: C'est une excellente question.
Si j'avais le privilège d'être en présence de la ministre Joly, je lui dirais que nous devrions doubler et probablement tripler nos investissements dans les fonds de dotation pour la Chine. Nous devons comprendre la Chine de fond en comble.
À mon humble avis, en ce qui concerne le terme « Indo-Pacifique », nous parlons de l'Indo-Pacifique parce que nous n'avons pas vraiment de stratégie pour la Chine. L'Indo-Pacifique vise à encercler la Chine de l'extérieur, mais nous ne nous attaquons pas à la source du problème. La source du problème, c'est la façon dont nous composons avec la Chine. Pour ma part, je n'ai vu aucun détail concernant une stratégie pour l'Indo-Pacifique. Je pense que c'est un exemple de tergiversation et la question est de savoir comment faire face à ce monstre qui se lève.
Mme Aileen Calverley: Je veux répondre à cette question.
Je pense que beaucoup d'entre nous oublient que nos fonds de pension, un grand nombre des principaux fonds du marché et tous les fonds mondiaux, sauf les fonds américains, font effectivement partie du problème. Par exemple, vous avez évoqué les fonds du marché. Plus de 30 % sont en fait des actions chinoises. Si quelque chose arrive à Taïwan... Nous pouvons voir la situation de la Russie et de l'Ukraine. La bourse russe est à zéro. Elle est simplement anéantie.
Qu'arrive t il si la Chine envahit Taïwan et la bourse chinoise est visée par des sanctions? La bourse chinoise serait anéantie. Qu'arrivera t il à nos pensions? Le montant est énorme. Il n'y a pas que les retraites et les actions. Nous parlons aussi des obligations chinoises. En fait, dans nos régimes de pension, dans notre gestion d'actifs, nous avons beaucoup d'obligations chinoises. Que se passe t il en cas de défaut de toutes ces obligations?
Voilà pourquoi il est très important que nous puissions voir la stratégie pour l'Indo-Pacifique... Je pense que nous devons examiner nos pensions et nos investissements canadiens dans les entreprises chinoises et les obligations chinoises. Le chiffre sera assez terrifiant.
Le président: Cela met fin à votre temps de parole, monsieur Bergeron.
C'est maintenant au tour de Mme McPherson, pour deux minutes et demie.
Mme Heather McPherson: Merci beaucoup.
Si vous me le permettez, madame Calverley, je vais vous poser quelques questions, entre autres, sur ce que vous avez dit à propos de la nécessité d'une stratégie de défense des droits de la personne pour ceux qui fuient la violence à Hong Kong. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, mais peut-être aussi sur les autres mesures qu'Affaires mondiales Canada et IRCC pourraient prendre pour aider la population de Hong Kong?
Mme Aileen Calverley: Je pense qu'ils doivent d'abord régler le problème. Des personnes qui ont obtenu leur permis de travail ouvert pour venir au Canada n'ont pas pu faire de demande de résidence principale. J'espère que vous pourrez parler à Affaires mondiales et à l'Immigration pour régler ce problème.
Je pense que le soi-disant canot de sauvetage prend l'eau en fait, car il n'a aidé qu'un très faible pourcentage de personnes. Un très faible pourcentage de personnes peuvent se qualifier. Les défenseurs des droits de la personne — dont Jimmy Lai —, tous les journalistes et les professionnels de la santé ne sont pas admissibles.
Dans la situation en Ukraine, nous pouvons voir une catégorie de défenseur des droits de la personne. Pourquoi ne pouvons-nous pas créer la même catégorie pour Hong Kong afin que le canot de sauvetage ressemble davantage à un canot de sauvetage? Pour l'instant, il prend l'eau. Des personnes arrivées au Canada qui ont été interviewées par le Toronto Star ont peur d'être renvoyées à Hong Kong parce qu'elles ont obtenu un permis de travail, mais ne peuvent pas demander la résidence permanente.
Affaires mondiales et l'Immigration doivent régler ce problème.
Mme Heather McPherson: Merci.
Voici mon autre question: croyez-vous qu'Affaires mondiales Canada et IRCC devraient collaborer pour faciliter le départ des membres de la famille de citoyens canadiens qui n'ont pas la citoyenneté canadienne? À quoi cela ressemblerait-il, à votre avis?
Mme Aileen Calverley: Je suis désolée. Votre question...?
Mme Heather McPherson: Oui, de façon encore plus générale, quelles autres mesures...? Je pense que vous avez décrit cette stratégie, mais je pense que nous aimerions voir Affaires mondiales Canada et IRCC prendre beaucoup d'autres mesures ensemble pour faire en sorte que les gens puissent venir de Hong Kong au Canada. Je pense que l'un des problèmes que nous avons est que nous devons écouter des experts comme vous, alors je veux simplement vous offrir cette occasion pour quelques secondes de plus.
Mme Aileen Calverley: Merci.
Je pense qu'ils devraient aider les gens qui, par exemple, ont rejoint le mouvement prodémocratie. Beaucoup d'entre eux ont été jetés en prison. Ils sont maintenant libres, mais ils ne sont pas admissibles parce qu'ils ont un casier judiciaire. Toutefois, le casier ne concerne que des rassemblements illégaux, par exemple, mais ils ont été emprisonnés pendant trois mois et ne peuvent donc pas venir.
De plus, ils doivent obtenir un certificat de police. Notre pays doit modifier cette exigence, car les personnes qui vont au Royaume-Uni dans le cadre du programme des ressortissants britanniques outre-mer n'ont pas besoin d'un certificat de police. Plus de 10 000 manifestants de Hong Kong ont été arrêtés. Quiconque a été arrêté doit produire un certificat de police, mais ils ne pourraient pas tous le faire.
Je pense que c'est très injuste. Nous disons que le Canada soutient la démocratie, la liberté et Hong Kong, mais toutes ces personnes qui luttent pour la démocratie sont en fait celles qui ne peuvent pas venir au Canada. Je pense que cette catégorie doit changer. Ils doivent donner des moyens...
Le président: Merci, madame Calverley. Encore une fois, nous n'avons plus de temps pour votre intervention.
En fait, nous avons du temps pour deux autres séries de questions.
Monsieur Hallan, vous êtes le prochain. Oh, nous allons passer à M. Chong. Très bien, puis ce sera le tour de M. Oliphant.
Ce sera à vous, messieurs, de conclure la séance.
L’hon. Michael Chong: Merci, monsieur le président.
J'aimerais explorer la question de l'impact sur le commerce bilatéral dans l'éventualité où le Canada et d'autres alliés sanctionneraient la Chine en raison d'un événement géopolitique quelconque. Nous savons que nous exportons environ 25 à 30 milliards de dollars par an vers la Chine, surtout des produits primaires dans les secteurs de l'agriculture et des mines. Nous savons que nous importons environ 70 milliards de dollars par an de la Chine, surtout une vaste gamme de produits comme de l'électronique, des jouets, des plastiques, des machines, des meubles, toutes les choses que les consommateurs canadiens consomment.
Ma question est la suivante: les perturbations seraient-elles plus importantes pour nos importations au Canada en fait d'impact économique parce que les exportations reposent sur des produits de base? Autrement dit, comme il s'agit de produits de base, nous pouvons nous en débarrasser d'une manière ou d'une autre sur le marché de Chicago ou sur tout autre marché où l'on peut vendre des produits de base. Est-il exact de supposer que l'incidence sur le commerce sera plus importante sur les importations de la Chine au Canada que sur les exportations du Canada vers la Chine?
M. Gordon Houlden: C'est une question très importante.
Je suppose que l'effet de restrictions sur les exportations chinoises vers le Canada serait plus perturbateur, du moins à court terme. Les tarifs seraient supportables et, évidemment, les prix augmenteraient, mais si nous parlons d'un arrêt absolu du flux, ce serait très difficile. Il est certain, je crois, que l'impact économique prendrait un certain temps à se résorber.
Même avec les difficultés dans les relations entre les États-Unis et la Chine sous le président actuel et le président précédent, très peu d'entreprises américaines ont effectivement sorti leur production de la Chine. Certaines l'ont fait, mais elles ne l'ont pas ramenée et réimplantée aux États-Unis. Certaines sont allées au Mexique. D'autres sont allées au Vietnam. Mais y a t il suffisamment de travailleurs qualifiés disponibles? Les compétences ou l'infrastructure existent-elles? Même dans le cas de l'Inde, c'est un véritable défi. On ne peut pas s'attendre à ce que cela se fasse du jour au lendemain.
En ce qui concerne les exportations, je note que pour le canola, ce qui s'est passé, à ma grande surprise, c'est que — oups! — nous avons vendu notre canola ailleurs, et d'autres pays ont fourni du canola au Canada. Dans certains cas, en fait, le canola canadien est allé ailleurs, puis a été transféré en Chine après un arrêt sommaire dans un autre port. Les deux situations pourraient être problématiques
Le plus grave serait, à mon avis, l'arrêt du flux normal des importations. Avec le temps, cela pourrait être surmonté, mais prendrait du temps et je pense que l'impact économique serait assez grave. Je ne sais pas à quel point, mais je dirais qu'il est nécessaire que le gouvernement fasse au moins une étude minutieuse pour déterminer où l'impact serait le plus important, à quel point il serait stratégique, quels secteurs nous pourrions protéger et qu'est ce que nous pourrions faire pour atténuer cet impact, étant donné qu'il s'agit d'une série d'événements improbables, mais pas impossibles.
L'hon. Michael Chong: Dans ce cas, monsieur Houlden, l'impact le plus important ne serait-il pas donc dans la grande ceinture de consommation du corridor Québec-Windsor, où vivent environ les deux tiers des consommateurs canadiens qui utilisent ces importations? Les importations en provenance de la Chine s'élèvent à quelque 70 milliards de dollars chaque année, alors que les exportations, principalement celles des provinces des Prairies, s'élèvent à quelque 30 milliards de dollars. Ne serait-il pas logique que l'impact économique le plus important se fasse sentir dans le Centre du Canada plutôt que dans l'Ouest?
M. Gordon Houlden: Dans cette optique, vous avez raison, dans le sens où les exportations de pâtes et papiers, disons, vont en Inde, par exemple. L'Inde pourrait détourner vers le Canada une partie de son commerce qu'elle aurait fait ailleurs, mais vous avez raison. Si vous avez une voiture assemblée en Ontario, disons à Oshawa, et qu'il y a des pièces de cette voiture — des pièces automobiles — qui proviennent de la Chine, cela ne peut pas changer rapidement. Avec le temps, c'est possible, mais il y aurait au moins une perturbation à court ou à moyen terme.
Je pense que l'effet net global rendrait les problèmes énergétiques de l'Europe comparativement insignifiants. Cela éliminerait essentiellement la Chine de l'équation dans les deux sens, importation et exportation.
L’hon. Michael Chong: J'ai une question très rapide.
Comme vous le savez, la Chine a interdit l'importation de canola et de porc canadiens — et de boeuf, je crois — il y a plusieurs années pour des motifs fallacieux.
Lorsque la Chine a levé ces interdictions, le gouvernement canadien aurait il dû indiquer qu'il n'était pas prêt à accorder les permis nécessaires pour ces exportations, afin de signifier à la Chine de ne pas essayer de refaire ce coup là?
Le président: Veuillez donner une réponse très brève, monsieur Houlden.
M. Gordon Houlden: On pourrait le faire. Ce qui me préoccupe, parfois, c'est que l'on se lance dans une guerre « oeil pour oeil, dent pour dent » sur les questions commerciales. Les Chinois peuvent, d'une certaine manière, avoir une plus grosse dent. Ils ont de nombreux leviers que leur gouvernement peut actionner très facilement.
Le président: Pour notre dernière question, nous allons donner la parole à M. Oliphant.
Hon. Robert Oliphant: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les trois de nous avoir offert votre temps, votre sagesse et votre expérience.
Madame Ong, j'aimerais commencer par vous.
J'ai adoré votre déclaration préliminaire, que j'ai trouvée très perspicace, ainsi que votre remarque que la seule certitude est l'incertitude.
Dans un avenir très proche, si l'on considère le 16 octobre et le rassemblement qui aura lieu dans le Palais du peuple, le Congrès national du Parti communiste chinois, à quoi devons-nous nous attendre? Vous avez parlé de la consolidation du pouvoir, qui s'est produite lors des deux derniers congrès, et qui est en train de s'achever. Nous pouvons sentir que les défis au pouvoir du président Xi sont limités et ont été limités.
Mis à part le drame — il y a toujours de l'apparat et du drame — et la consolidation du pouvoir, que devons-nous surveiller? Quels enseignements pouvons-nous en tirer? Y a t il des signes que nous devrions surveiller ou écouter?
Mme Lynette Ong:Je m'intéresserais à la composition du Comité permanent du Politburo. Pour l'instant, il s'agit d'un comité de sept membres, qui se compose en grande partie de personnes qui suivent le président Xi, mais il y a aussi deux personnes qui ne le suivent pas. Je pense que la plupart des gens avaient prédit qu'il y aurait deux personnes semi-indépendantes, afin que le président Xi ne puisse pas faire table rase.
Dans un certain sens, ce n'est que symbolique, car nous savons que le pouvoir a aussi été effectivement centralisé, mais je pense que les mois à venir, les mois après le congrès du parti, sont en fait plus importants. Après l'apparat, après le grand spectacle, quelles sont les politiques qui vont être formulées au Xinjiang, sur le commerce et de la politique à l'économie en passant par la société?
Je pense qu'une fois que le président sera plus sûr de son pouvoir, de son emprise sur l'élite politique, il sera plus confiant dans l'élaboration des autres politiques qu'il souhaite réellement mettre en oeuvre. Je pense que les trois mois qui suivront le congrès du parti seront une période cruciale.